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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 110 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1300)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, bienvenue à la 110e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Nous recevons aujourd'hui Mme Kalambay.
    Pouvez-vous m'entendre?

[Français]

    Oui, je vous entends bien. Merci.

[Traduction]

    Elle témoigne à titre personnel.
    Nous entendrons également M. Kabuya, conseiller auprès de la communauté congolaise de la grande région de Toronto. C'est à ce titre qu'il témoignera.
    Pourquoi ne commençons-nous pas par vous, madame Kalambay? Vous disposez de 10 minutes pour présenter votre exposé.

[Français]

    D'accord, je vous remercie.
    M. Kabuya et moi témoignons aujourd'hui parce que nous voulons prêter notre voix à ceux qui n'en ont pas au Congo.
    Nous vivons au Canada, un pays où les droits de la personne sont très importants et très valorisés. Par contre, au Congo, il se passe quelque chose de vraiment inhabituel.
    Selon plusieurs d'entre nous, les droits de la personne n'existent pas au Congo, et cela fait déjà quelques années. En ce moment, on compte plus de 12 millions de morts au Congo. Au moment où l'on se parle, il y a toujours des guerres. Il y a toujours des enfants, des hommes et surtout des femmes qui sont tués dans des conditions incroyables. Des enfants sont en train d'être utilisés dans les guerres, dans les mines et pour toutes sortes de choses cruelles qu'on peut imaginer.
    Si nous témoignons ici, c'est parce que nous voulons que le Comité puisse faire entendre la voix du peuple congolais. Toutes ces choses sont connues, mais personne ne fait quoi que ce soit, personne n'en parle et personne ne manifeste le désir de voir ce problème se résoudre au Congo.
    Il y a quelques années, des génocides ont été commis dans des pays voisins du Congo et il y a eu quelques morts. Chez nous, plus de choses se sont produites qu'il n'y en a eu lors du génocide au Rwanda, mais personne n'en parle ou n'en parle pas assez pour que cela puisse s'arrêter.
    Des contingents de la MONUSCO sont présents au Congo, mais cela n'empêche absolument rien. Le gouvernement continue à maltraiter le peuple partout au Congo. Il continue à maltraiter l'opposition. Toute personne qui s'élève contre le gouvernement va donc subir un sort atroce, si l'on peut dire ainsi.
    Aujourd'hui, mon souhait est que ce comité aille au fond de ce problème et cherche des solutions efficaces pouvant aider le peuple congolais.
    Je parle au nom de mon peuple, qui meurt tous les jours, qui souffre et qui n'a même pas le minimum de ce que nous pouvons avoir ici. J'entends, par simple minimum de vie, l'eau, les écoles, le droit à la santé, le droit à la vie sociale et le droit à la paix. Au Congo, rien de tout cela n'existe. Même si le gouvernement cherche bien à montrer quelque chose de différent, nous savons tous que, dans la vie de tous les jours, ces choses n'existent pas au Congo.
    Récemment, il y a encore eu plusieurs morts dans des petites villes partout au Congo, mais personne n'en parle, pas même le gouvernement central. Je vous dis cela pour vous montrer où nous en sommes relativement à notre gouvernement.
    Nous aimerions obtenir le soutien du gouvernement canadien et de tous les gouvernements de ce monde pour le bien-être du peuple congolais. C'est la raison pour laquelle je me suis présentée devant vous aujourd'hui.
(1305)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Kabuya pour 10 minutes.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation.
     C'est vraiment un honneur pour nous d'être ici aujourd'hui pour témoigner au sujet d'une situation que vous connaissez très bien. Comme vous le savez, je suis conseiller auprès de la Communauté congolaise de la grande région de Toronto, la COCOT, une organisation à but non lucratif située à Toronto qui se concerte avec les Congolais et qui soutiennent leur intégration ici, au Canada.
    Nous sommes venu témoigner sur les violations massives des droits de la personne au Congo. Ces violations sont commises au quotidien. Lorsque je dis « au quotidien », je veux vraiment dire chaque jour.
    Vous n'êtes pas sans savoir que, au Kasaï, il y a eu encore d'autres tueries, ce matin. Ces violations sont commises par les forces de l'ordre, qui sont instrumentalisées par M. Joseph Kabila. Comme vous le savez sans doute, la fin du mandat de M. Joseph Kabila était prévue pour le 19 décembre 2016. Cependant, M. Kabila ne veut pas démissionner, et il a pris le pays en otage. Non seulement il ne veut pas démissionner, mais il ne veut pas non plus organiser les élections qui auraient déjà dû avoir eu lieu à partir du 19 décembre 2016.
    M. Kabila instrumentalise les forces de l'ordre, qui commettent au quotidien des crimes de tous genres. Ces crimes sont commis, entre autres, au moyen de la violence et du viol des enfants, des femmes et des personnes âgées, pour la plupart faisant partie des personnes les plus vulnérables de notre société.
    Vous savez sans doute, puisque vous formez le Sous-comité des droits internationaux de la personne, que le 10 décembre 1948, les 58 membres du Conseil de sécurité de l'ONU, ou de l'Assemblée générale des Nations unies, ont adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cela s'est passé à Paris. J'ai pris le soin de récupérer quelques éléments qui ont été convenus, c'est-à-dire que toutes les nations ont signés.
     La Déclaration parle de « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables », qui constituent le fondement même de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. La Déclaration mentionne également que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Par là, vous comprenez que tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.
    Malheureusement, en dépit de cette définition, à laquelle le Congo adhère au même titre que le Canada et que les autres pays membres de l'ONU, le Congo vit une tragédie sans précédent. L'année 1997 a été marquée par l'entrée de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, ou l'AFDL, qui a été accueillie à l'époque comme une force, une alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo. Or l'AFDL se révèle aujourd'hui être une force d'occupation.
    Je parle de « force d'occupation » parce que nous avons vu, en 1997, M. Laurent-Désiré Kabila arriver au Congo avec des forces militaires du Rwanda et de l'Ouganda. Comme il y avait eu un génocide au Rwanda, ils prétextaient que les personnes criminelles qui avaient commis le génocide du Rwanda se cachaient au Congo. Cependant, aujourd'hui on en sait autre chose. Depuis 1997, date marquant l'entrée de l'AFDL avec les forces armées rwandaises et ougandaises, on comptabilise aujourd'hui plus de 12 millions de morts: des civils, des innocents, des enfants, bref, les personnes les plus vulnérables de notre société, comme je le disais tout à l'heure.
    Toutefois, ce qui étonne les Congolais du Canada et les autres défenseurs des droits de la personne, c'est que la plupart des organisations, dont l'ONU, par l'entremise de son Conseil de sécurité, Amnistie internationale, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, Human Rights Watch, l'Observatoire national des droits de l'homme, les réseaux d'organisation des droits de l'homme, les ministères des Affaires étrangères des pays, dont le Département d'État des États-Unis, les Country Reports on Human Rights, Global Witness, et j'en passe et de meilleurs, ont produit des rapports de manière régulière.
    Chaque année, un rapport annuel porte sur le Congo. Dans ces rapports, on retrouve non seulement les atrocités commises au Congo, mais on retrouve surtout les noms des personnes derrière ces crimes. Dans le rapport du Conseil de sécurité de l'ONU et dans le rapport de mapping de l'ONU de 2003, on retrouve une liste de compagnies minières, dont certaines compagnies canadiennes, qui sont accusées d'instrumentaliser les violations des droits de la personne au Congo.
(1310)
     On retrouve malheureusement aussi le nom de certains leaders politiques et économiques du Canada et d'autres pays occidentaux, qui ferment les yeux sur les violations des droits de la personne qu'ils financent dans les lieux où les compagnies minières exploitent les matières premières stratégiques.
    Ce que nous essayons de dire, c'est qu'en 1994, certes, il y a eu un génocide qui, nous le savons tous, a été instrumentalisé par Paul Kagame et ses forces, qui étaient venues pour la libération et la récupération du pouvoir au Rwanda. Cette action a eu pour effet la mort de 800 000 personnes et aussitôt que cette action ignoble, inacceptable a été commise, toute la communauté internationale ainsi que l'ONU ont appelé cela un « génocide ». D'un côté, ils avaient raison, c'était réellement un génocide.
    Le Congo, lui, a perdu 12 millions de personnes. Je parle bien de 12 millions de personnes, soit l'équivalent du tiers de la population du Canada. La communauté internationale tergiverse et tarde à appeler ces crimes par leur vrai nom. Le vrai nom de ces crimes qui se passent au Congo aujourd'hui n'est autre que « génocide ».
    Aujourd'hui, en nous présentant devant vous, nous demandons ce que vous pouvez faire pour que la justice soit établie.
    Nous croyons que le peuple congolais a souffert et va continuer de souffrir, parce que non seulement ceux qui sont derrière les crimes qui sont commis de manière quotidienne au Congo sont au pouvoir, mais ils ont la volonté d'y rester et de s'y maintenir aussi longtemps que ce sera possible, bien entendu par la force des armes.
    Vous ne serez pas étonnés d'apprendre encore demain qu'il y aura eu d'autres commissions de crimes, comme nous l'entendons, au Kasaï, au Kivu, à Tshikapa, à Ituri et, maintenant, dans la capitale, Kinshasa.
    Notre souhait aujourd'hui serait que le Canada mette tout son poids dans la balance. Le Canada est un pays respecté dans le monde, un pays respecté au sein de l'Organisation des Nations Unies. Nous souhaitons que le Canada puisse plaider pour la mise en oeuvre effective de la démocratie en République démocratique du Congo.
    Je vous remercie.
(1315)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Kabuya.
    Nous entamerons maintenant les tours de questions, en commençant par M. Anderson, qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos invités de témoigner aujourd'hui.
    Vous avez brièvement parlé de la région de Kasaï. Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus sur le conflit qui secoue cette région. Nous croyons comprendre qu'un certain nombre de groupes armés s'y sont formés et se font mutuellement la lutte.
    Comme il s'agit d'un ancien bastion de l'opposition, je me demande dans quelle mesure le conflit découle des politiques et des divisions internes, et des affaires tribales. Dans quelle mesure ce conflit est-il encouragé de l'extérieur, puisque la région était un solide bastion de l'opposition? Qui est derrière le conflit? Est-ce quelqu'un quelque part pourrait proposer des solutions à la situation présente?

[Français]

     Je vous remercie de votre question.
     Le Kasaï n'est qu'une région, qui se trouve au centre de la République démocratique du Congo. La particularité du Kasaï est qu'elle regorge de personnes qui sont, pour la plupart, des partisans de l'Union pour la démocratie et le progrès social, l'UDPS, qui est le parti opposé au pouvoir d'occupation au Congo.
    Votre question touche la proportion et la responsabilité.
    Au Congo, lorsque les des coups de feu sont tirés, l'ordre ne provient que d'un seul homme, Joseph Kabila. Aujourd'hui, Joseph Kabila a confisqué tout l'espace politique au Congo. Ce sont ses ministres de l'Intérieur, soit Évariste Boshab et, aujourd'hui, Emmanuel Ramazani Shadari, qui ont intimé l'ordre.
    Heureusement pour nous, grâce aux médias sociaux, nous avons obtenu des images. Nous pourrons vous fournir ces images, si vous le souhaitez. Ce sont des images des forces de l'ordre qui ont reçu des instructions directement des ministres de l'Intérieur pour ouvrir le feu contre les civils. Pour la plupart, ces civils étaient des enfants qui n'avaient rien d'autre qu'un bout de bois et autres objets du genre comme moyens de défense.
    Ce qu'on ne dit pas de ces conflits, c'est qu'il y a des viols, il y a des des fausses communes qu'on a retrouvées par centaines.
    Il y en a 80.
    Il y en a à peu près 80, pour ne parler que de celles qui ont été reconnues officiellement.
    Au fond, c'est l'opposition qui subit cette action, dans la mesure où Joseph Kabila est en train de créer le chaos dans toute la République démocratique du Congo, et spécifiquement au Kasaï, où l'on retrouve un bastion de la population qui non seulement est opposée à la politique de Joseph Kabila, mais qui illustre aussi l'alternance politique en tant que telle.
    L'opposition n'a donc aucune responsabilité dans ces atrocités. La seule et unique personne qui peut être condamnée et interpellée relativement aux crimes du Kasaï n'est autre que M. Joseph Kabila.
    Vous avez parlé de la part jouée par la communauté internationale. Vous savez, monsieur, le Kasaï regorge d'une quantité énorme de diamants. Le diamant est une matière première qui est exploitée par la plupart des compagnies minières inscrites ici, à la bourse de Toronto, à celle de New-York ou à celle de Londres. Je m'abstiens de citer les noms de ces compagnies. L'une des raisons qui justifie aussi la présence de ces militaires dans ces zones, c'est notamment l'extraction de diamants qu'on retrouve en grande quantité dans cette partie du territoire du Congo.
     Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Au sujet du Kasaï, on a soulevé certains problèmes et dit que des groupes armés, les Kamuina Nsapu, voulaient défier le gouvernement. On a dit que c'était pour cette raison que le gouvernement avait réagi.
     Or le fond de l'histoire est que cette situation a vraiment été instrumentalisée par le gouvernement en vue d'attaquer la population. À certains endroits, la population a même été chassée de ses terres pour que ces gens puissent l'utiliser. Il s'agit d'endroits où il y a supposément du minerai. Tout cela est instrumentalisé par le gouvernement, au détriment de la population.

[Traduction]

    Ces groupes travaillent-ils parallèlement avec les militaires aussi? Est-ce ce que vous constatez ou est-ce qu'ils fonctionnement et exercent leur influence de manière distincte?

[Français]

    Ce sont les militaires qui sont sur le terrain et non des groupes armés venus de l'extérieur. La population semble en effet distinguer au sein de ces groupes militaires des soldats qui ne parlent pas les langues locales, qu'il s'agisse du lingala, du français ou du tshiluba.
    Il est clair qu'une bonne partie des forces de l'ordre congolaises ont compris que les ordres intimés par leurs supérieurs n'étaient pas justes, ne reflétaient pas la justice. Ce sont principalement des militaires provenant du Rwanda et de l'Ouganda et portant des uniformes des forces policières congolaises qui sont en train de perpétrer ces tueries.
(1320)

[Traduction]

    D'accord, merci.
    Mon temps s'écoule rapidement.
    Certains de nos renseignements indiquent qu'à mesure que la pression sur l'opposition s'est accrue, l'Église catholique est venue combler le vide politique. Je me demande si vous pouvez me parler du rôle de cette église.
    J'aimerais aussi savoir si les troubles revêtent une facette religieuse. Souvent, sous le couvert de la religion se cachent de très anciennes traditions culturelles différentes ou de l'animosité de longue date entre les communautés. J'aimerais que vous traitiez de la question. Pensez-vous que l'Église soit venue combler un vide en assumant un rôle de dirigeant dans ce conflit? Si c'est le cas, quel rôle at-elle joué? Est-ce que la foi et la religion, ainsi que la manière dont on les comprend, ont joué un rôle dans tout ce conflit, ou ne constituent-elles qu'une petite pièce du casse-tête?

[Français]

    À mon avis, l'Église n'influence pas nécessairement la population, mais elle est venue lui prêter main forte. Il y a eu une rencontre entre les politiciens et le gouvernement. Ils se sont mis d'accord sur une façon de procéder qui va nous mener jusqu'aux élections. L'Église est comme un partenaire entre le gouvernement et les politiciens. Le but est que ces ententes se réalisent. L'Église est toujours présente au Congo, depuis des années. Elle soutient la population aussi bien spirituellement que financièrement et socialement. Lorsque l'Église voit que la population subit des préjudices, il est tout à fait normal qu'elle vienne lui prêter main forte. C'est le rôle que joue l'Église dans une telle situation.
    M. Kabuya voudrait peut-être ajouter un commentaire.

[Traduction]

    C'est tout le temps dont nous disposions pour cette intervention. Si vous souhaitez ajouter quelque chose plus tard, vous pourrez le faire en répondant à d'autres intervenants.
    Nous accordons maintenant la parole à Mme Khalid pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie Mme Kalambay et M. Kabuya de témoigner aujourd'hui et d'accomplir leur important travail de défense des droits de la personne dans ce conflit.
    En 2017, les Nations unies ont réduit le nombre de soldats de maintien de la paix en mission, ainsi que leur budget. Je tente de comprendre quel soutien régional est offert. Quel rôle l'Union africaine joue-t-elle en République démocratique du Congo et dans le conflit? Cherche-t-elle à trouver une solution politique alors que des élections doivent se tenir en 2018?
    Monsieur Kabuya, vous pouvez répondre à cette question.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais souligner rapidement qu'une entente a été signée le 31 décembre 2016, qu'on appelle l'Accord de la Saint-Sylvestre. Cet accord a été facilité par l'Église catholique. Selon une de ses clauses, l'opposition devait offrir un premier ministre chargé de constituer un gouvernement de transition pour une période de 12 mois, afin que ce dernier puisse organiser des élections.
    Malheureusement, une fois de plus, M. Joseph Kabila a préféré débaucher certains membres de l'opposition. Il s'est désigné un opposant qu'il estimait être celui qui devait conduire le gouvernement de la transition. C'est alors qu'on a vu arriver Samy Badibanga et Bruno Tshibala. L'Église catholique, garante de ces accords, a voulu rappeler aux différents signataires qu'ils devaient respecter l'Accord de la Saint-Sylvestre, et le Conseil de sécurité a penché dans ce sens.
    Maintenant, pour revenir à votre question concernant la MONUSCO, je dirais qu'elle est la mission la plus importante à avoir été menée dans le monde. Elle est présente au Congo, particulièrement dans les zones de conflit. Il s'agit d'une mission de force d'intervention contre les différents groupes armés. En dépit de la présence de la MONUSCO dans ces territoires, nous continuons à compter les morts, les victimes et les guerres. Nous ne voyons pas vraiment l'intervention de cette mission pour faire cesser les tirs comme tels.
    Certes, la mission coûte cher et il peut y avoir des propositions de compressions. Nous avons d'ailleurs soulevé cette question à la télévision. Compressions ou pas, nous ne voyons pas tellement dans quelle logique cela s'inscrit dans la crise au Congo, qui est économique d'un côté et politique de l'autre.
    La crise est économique parce que les multinationales veulent avoir accès aux matières premières stratégiques qui se trouvent au Congo. Ces multinationales sont prêtes à soutenir les dictateurs qui commettent des crimes et des violations de tout genre pour se maintenir en place et favoriser l'extraction de ces matières premières.
    L'Union africaine, par l'entremise de la Communauté de développement de l'Afrique australe, la SADC, a organisé deux rencontres. L'autre rencontre, si ma mémoire est bonne, remonte à deux mois et a eu lieu en Zambie. On a encore rappelé à Joseph Kabila que le fait de se maintenir au pouvoir par la force des armes ne faisait que contribuer aux tensions qui existent entre les différents groupes armés. Cela contribue aussi à maintenir la tension entre l'opposition et ceux qui sont au pouvoir.
    L'objectif ultime visé, et ce que toute la communauté internationale demande, est la tenue d'élections libres et transparentes le 31 décembre, comme promis dans l'Accord de la Saint-Sylvestre tel qu'il a été signé. Voilà pourquoi on sent ces tensions entre l'opposition et le gouvernement.
    Madame Kalambay, avez-vous quelque chose à ajouter?
(1325)
    Oui. J'aimerais juste ajouter que l'Union africaine nous présente de multiples faces. Nous croyons que si l'Union africaine exerçait de grosses pressions sur le président Kabila, il y aura un changement. Or nous ne sentons pas vraiment la présence de l'Union africaine dans ce conflit. C'est comme s'il y avait une complicité entre l'Union africaine et le président Kabila contre le peuple congolais.

[Traduction]

    Merci.
    Quand il a été question des élections prévues en décembre prochain, vous avez parlé du parti de l'opposition. Ce dernier est-il suffisamment solide pour prendre le pouvoir si on favorisait la tenue d'élections libres et équitables en République démocratique du Congo? Bénéficie-t-il du soutien de la population du pays?

[Français]

     Je peux vous garantir que M. Joseph Kabila n'a pas gagné les élections en 2011. L'Église catholique, qui avait plus de 36 000 observateurs dans les bureaux de vote, a précisé que Joseph Kabila n'avait clairement pas gagné les élections. Il s'est simplement imposé par la force des armes et est resté au pouvoir depuis ce temps. L'opposition a créé un regroupement politique qui s'appelle le Rassemblement congolais pour la démocratie. La majorité des membres de l'opposition s'y sont retrouvés, entre autres M. Moïse Katumbi, qui se présente comme candidat à la présidence du pays. Il y a aussi M. Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi, qui est le candidat de l'UDPS.
    Ces deux leaders sont extrêmement populaires au Congo. Le mois passé, ils ont tenu dans la capitale une petite manifestation de circonstance qui a réuni plus de 300 000 Congolais. Lors de ces manifestations, qu'elles soient organisées à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, les Congolais font connaître leur position à l'égard de ce qui est une alternance politique. Il y a cependant un phénomène qui est décrit par le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Union africaine, l'Organisation internationale de la Francophonie et la SADC, et c'est celui des machines à voter provenant de la Corée du Sud. Le gouvernement de la Corée du Sud lui-même a déposé une plainte contre la compagnie qui a fourni ces machines. En effet, on estime qu'en les utilisant, on risque de contribuer à une fraude massive lors des élections.
    Or nous disposons de documents et d'images démontrant que M. Corneille Nangaa, le président de la Commission électorale nationale indépendante, la CENI, qui est chargée d'organiser les élections, fait partie de la famille politique du président Kabila. Il est en train de comploter avec la majorité présidentielle au pouvoir pour favoriser les tricheries lors des élections prévues en 2018. Nous demandons que la communauté internationale supervise ces élections pour en garantir la transparence. De cette façon, la population fera son choix, et ce dernier sera révélé avec l'aide de la communauté internationale, qui agira en tant qu'observateur.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Kabuya.
    Nous accordons maintenant la parole à Mme Hardcastle pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos invités des témoignages convaincants qu'ils ont livrés aujourd'hui.
    J'aimerais avoir une meilleure idée des mesures que le Canada pourrait maintenant prendre, particulièrement si on tient compte de la diaspora congolaise qui se trouve en sol canadien. Dans quelle situation les réfugiés se trouvent-ils et comment pouvons-nous les aider le mieux possible? Nous savons que le pays est aux prises avec une crise au chapitre des soins de santé en raison de maladies transmissibles comme la maladie à virus Ebola. Comment pouvons-nous intervenir utilement, que ce soit de manière indépendante ou par l'entremise d'organisations des Nations unies? Est-ce qu'il existe actuellement quelque chose qui fonctionne dont nous devons tirer parti?
    L'un ou l'autre d'entre vous peut répondre. Vous pouvez utiliser tout le temps qui m'est accordé si vous voulez exprimer d'autres idées.
(1330)

[Français]

     Je vous remercie.
    Le Canada peut faire beaucoup. Je disais, tout à l'heure, que le Canada a une crédibilité aux yeux de la communauté internationale. L'une des premières choses que le Canada peut faire est d'insister pour que les machines à voter soient éliminées. Elles sont vues d'un mauvais oeil par tout le monde, c'est-à-dire l'ONU, l'Union africaine, l'Union européenne, la SADC, et même les partis de l'opposition qui sont appelés à participer aux élections. Tous demandent qu'il y ait un bulletin de vote en papier. Nous demandons que soient écartées les machines à voter, parce que nous soupçonnons qu'avec ces machines, il y aura tricherie. Le Canada peut faire pression dans ce sens auprès du Conseil de sécurité de l'ONU, auprès des partenaires du Congo de l'Union européenne et auprès des ambassades diplomatiques pour exiger l'impression d'un bulletin de vote.
    La diaspora congolaise au Canada, spécifiquement la diaspora francophone, est dynamique. Grâce à des organisations comme la COCOT, nous offrons des séances de formation et d'orientation dans le cadre de différents programmes pour favoriser une meilleure intégration des Congolais à la population canadienne, puisqu'ils deviennent des citoyens canadiens par la suite. Nous avons notamment des programmes sur la compréhension de la bonne gouvernance et un programme pour l'intégration professionnelle et économique des Congolais au Canada.
    Vous n'êtes sans doute pas sans savoir, madame, que si les Congolais parviennent encore aujourd'hui à survivre sur le terrain, c'est parce qu'ils ont des membres de leur famille ici — nous tous — qui envoient régulièrement de l'argent au Congo pour leur venir en aide. Nous croyons que nous, les Congolais canadiens, disposons de structures qui nous permettent de travailler directement avec le gouvernement du Canada pour venir en aide à notre population au Congo par le biais d'organisations que nous connaissons et qui marchent bien, qui sont crédibles et qui comprennent les politiques de bonne gouvernance, comme s'y attend le Canada.
    Je pense que si la diaspora pouvait intervenir de connivence avec le gouvernement du Canada, ce serait par le biais d'organisations comme la COCOT, qui est la communauté congolaise de Toronto. Nous avons aussi d'autres organisations partout au pays qui représentent les intérêts des Congolais.
    Passons maintenant aux maladies et à l'Organisation mondiale de la Santé. Vous avez entendu parler des cas actuels d'Ebola. Aujourd'hui, j'ai reçu de l'information sur un cas constaté à l'hôpital Mama Yemo. Pour votre gouverne, cet hôpital est le principal établissement du genre à Kinshasa, et où convergent les malades. À l'origine, la petite ville de Kinshasa avait été conçue pour abriter 800 000 personnes, mais elle en accueille maintenant 12 millions. Il suffirait que ces cas d'Ebola se propagent dans la ville pour que nous soyons en présence d'une épidémie.
    Nous trouvons donc vraiment important de demander au gouvernement du Canada de travailler une fois de plus avec nos organisations canadiennes. Ces organisations comprennent l'importance de la bonne gouvernance, elles comprennent l'importance de ne pas se livrer à la corruption ni aux détournements de fonds et de collaborer avec les organismes sur le terrain pour réussir à augmenter le nombre de personnes travaillant auprès des malades. Il y a plusieurs maladies. Aujourd'hui, on parle de tuberculose dans la ville de Kinshasa. La tuberculose est tout aussi dangereuse que l'Ebola ou que les dizaines d'autres maladies que nous comptons au Congo.
     Nous croyons que cela pourrait se faire en collaboration directe avec les organisations congolaises établies au Canada, et avec la mission diplomatique canadienne au Congo. J'étais au Congo il n'y a pas longtemps et je suis passé à l'ambassade du Canada. Cette mission diplomatique comprend un attaché culturel. Si nous travaillons de concert, je suis sûr que nous pourrons trouver les moyens d'apporter les solutions directement à la population concernée.
    J'aimerais ajouter quelques mots.
    En ce moment, si nous prenons l'exemple de la population du Kasaï, beaucoup de gens ont fui leur village. On parle ici de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui sont en train de marcher dans la rue, loin de leur village. Rajoutons à cela la malnutrition. Des enfants meurent par manque de nourriture, de soins et d'endroits appropriés où ils peuvent rester. Ce volet humanitaire en est un que le Canada peut apporter — parce qu'il sait très bien le faire — pour aider ces femmes, ces enfants et ces hommes qui se retrouvent aujourd'hui chassés de leur village par toutes ces guerres.
    Au Kasaï, plus de 5 000 personnes se retrouvent aujourd'hui sans domicile à cause des guerres qui ravagent leur village. Dans la communauté, beaucoup de gens ont mis sur pied des organismes pour venir en aide à ces hommes, à ces femmes et à ces enfants. Le Canada a plusieurs moyens d'apporter son aide humanitaire directement à la population, sans passer par le gouvernement congolais. Nous avons constaté à plusieurs reprises que, lorsque l'aide passe pars ce gouvernement, elle ne se rend jamais aux gens qui en ont impérativement besoin. Il existe plusieurs organismes efficaces dans la population congolaise de la diaspora, qui pourraient acheminer cette aide à bon port.
(1335)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Fragiskatos pour cinq minutes.
    Nous avons étudié un certain nombre de conflits dans le cadre desquels les ressources naturelles pourraient, de fait, avoir eu un effet néfaste. La malédiction des ressources naturelles a été évoquée lorsque nous avons étudié divers conflits qui font rage dans le monde. On trouve au Congo des ressources minérales naturelles inexploitées sous la forme de zinc, d'or et de cobalt pour une valeur de 24 billions de dollars. Tout le monde dans la pièce a un peu de cobalt dans son téléphone.
    Pouvez-vous traiter du rôle que les ressources naturelles ont joué en perpétuant apparemment le conflit? Si elles ne l'ont pas perpétué, exposez la situation comme il vous convient, mais il semble qu'elles n'aient pas eu un effet favorable sur le développement du pays et aient alimenté le conflit.

[Français]

     Je vous remercie de votre question.
    Lors de mon introduction, j'ai soulevé ce qui suit: la crise congolaise est humanitaire, mais elle est avant tout économique. La plupart des zones de conflits sont des zones où il y a justement du coltan, du cuivre, du cobalt et de l'or, et elles sont principalement situées dans l'Est, comme au Katanga, au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, au Maniema, et ainsi de suite.
    Aujourd'hui, si l'industrie automobile développe des véhicules électriques et si les batteries pour cellulaires peuvent durer toute la journée, c'est sans doute grâce à l'apport des matières stratégiques telles que le cuivre, le cobalt ainsi que le coltan. Nous en retrouvons dans les appareils que nous utilisons.
    Vous avez parlé de malédiction, mais je n'y crois pas. Je pense plutôt qu'il faut parler de la bonne gouvernance. Le Canada a des matières premières. Pourtant, on n'a jamais vu de zones de conflits là où on extrait les matières premières au Canada, aux États-Unis ou ailleurs. Pourquoi y a-t-il toujours des zones de conflits en Afrique? C'est parce qu'on veut extraire des matières premières. Le Canada est un pays mondialement reconnu comme étant un pays de mines.
     Par exemple, le Canada peut user de son influence pour imposer un code de bonne conduite lors des travaux d'extraction des matières premières entrepris par les compagnies canadiennes. Les mines qui sont présentées comme des mines dangereuses peuvent alors jouer un rôle positif, celui de changer la situation économique des personnes qui vivent dans les zones exploitées. Cela pourrait, une fois de plus, augmenter la performance des compagnies canadiennes, pour ne parler que de ces compagnies, lors de l'extraction et de l'utilisation des matières premières.
    Je pense que nous avons tout à gagner en faisant la promotion de la bonne gouvernance, des valeurs démocratiques et de toutes les règles de droit qui sont établies en la matière. Ainsi, à défaut de gérer des conflits, on va pouvoir gérer des effets économiques bénéfiques pour tout le monde, soit pour le Canada, pour le Congo et pour le reste du monde.

[Traduction]

    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
(1340)
    Deux minutes.
    J'allais vous poser une question sur l'influence régionale, mais c'est un sujet complexe qui concerne l'influence du Rwanda, de la Tanzanie, de l'Ouganda et du Burundi. Je vous interrogerai plutôt sur les perspectives d'avenir et l'espace que la société civile pourrait occuper, qu'il s'agisse d'organisations de défense des droits de la personne ou d'une opposition qui aurait l'intention d'effectuer une réforme et une transition démocratiques réelles et de rompre avec les pratiques du gouvernement Kabila.
    Quel espoir y a-t-il qu'une telle réforme se produise? Décelez-vous des signes ou un potentiel à cet égard?

[Français]

    Personnellement, je dirais que oui. Selon tout ce que nous avons vu sur ce qui se passe présentement au Congo — comme le fait que la société civile et les partis politiques de l'opposition se soient regroupés, comme M. Kabuya l'a mentionné tout à l'heure —, ils désirent voir un changement. Ils travaillent ensemble pour en arriver à ce changement.
    Le grand problème auquel ils font face, c'est que le gouvernement a des appuis externes qui leur bloquent le chemin. Nous avons besoin que l'aide qui provient de l'extérieur soit un soutien fort pour l'opposition et pour la société civile. Cela permettrait que tout se passe correctement, qu'il s'agisse des élections ou des aspects liés à la vie sociale ou politique. Si tout cela se passe de cette façon, c'est-à-dire si les gouvernements externes apportent leur aide aux sociétés civiles et à l'opposition, tout devrait se passer pour le mieux pour l'avenir du Congo.
     En ce sens, le Canada a créé, au niveau du Parlement...

[Traduction]

    Nous devrons maintenant céder la parole au prochain intervenant. Je suis désolé, mais le temps est écoulé.
    Merci beaucoup. Le temps est toujours contre nous, et je m'en excuse.
    Monsieur Anderson, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Dans d'autres études que nous avons réalisées, nous avons constaté que le rôle et la capacité d'unification de la diaspora permettent de trouver des solutions à un grand nombre de conflits. Dans quelle mesure la diaspora congolaise au Canada et dans le monde s'unit-elle pour tenter de mettre fin au conflit?
    Vous avez fait remarquer que la guerre est principalement économique. Habituellement, cela joue un grand rôle si les gens ont quitté le pays et y ont encore des intérêts économiques. Je me demande si vous pourriez traiter de la question. Il s'agit peut-être d'une question plus délicate que celles auxquelles vous souhaiteriez répondre; je l'ignore. Je m'intéresse à la question simplement parce que je pense que la solution peut souvent venir de l'extérieur, des gens qui ont des liens avec leur pays.

[Français]

    Si vous lisez le rapport de la Western Union, chaque année, une somme équivalente à 10 milliards de dollars constitue le fonds que la diaspora congolaise envoie aux membres des familles. Je peux même vous dire que, si les Congolais n'existaient pas dans la diaspora, la situation que nous connaissons au Congo de nos jours serait bien pire, et de loin, parce que le gouvernement du Congo ne favorise rien.
    Je suis allé au Congo à deux reprises, l'année dernière. Je peux vous dire que les hôpitaux manquent de tout. Il n'y a pas de ressources dans les hôpitaux. Pour recevoir ne serait-ce qu'un comprimé pour un mal de tête, une personne doit payer. Souvent, lorsque les Congolais sur le terrain sont confrontés à différents problèmes, que ce soit des problèmes d'ordre social, humanitaire, économique ou autre, c'est la diaspora qui intervient pour fournir les fonds.
    Pour parler de l'unité de la diaspora, je suis contraint de vous dire que les Congolais quittent indépendamment et individuellement le Congo pour chercher une meilleure vie ici, au Canada, et un peu partout dans le monde. Nous venons donc avec des objectifs divergents, certes, mais nous parvenons à nous organiser. Vous savez, le travail communautaire est un domaine assez complexe. J'ai oeuvré moi-même dans la communauté francophone, ici, en Ontario, à l'AFO, l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, à l'ACFO, l'Association canadienne-française de l'Ontario, et à l'UP-MREF, l'Union provinciale des minorités raciales ethnoculturelles francophone. Vous ne pourrez pas trouver une seule voix convergente, pour la simple raison que les gens ont différentes façons de voir les choses et différents points de vue.
    Pour revenir à la communauté congolaise, nous avons créé au niveau fédéral une table de concertation appelée la Table de concertation des présidents de la communauté congolaise du Canada. Par l'entremise de cette table de concertation, nous partageons des idées convergentes pour voir dans quelle mesure nous pouvons pousser les élans vers des projets pouvant aider les Congolais à se mettre ensemble et à travailler encore davantage pour apporter de l'aide. Il faut d'abord contribuer à l'effort du Canada, puisque nous sommes au Canada, et aussi créer un dynamisme par lequel nous allons permettre au Canada de profiter aussi de l'apport des Congolais. De nos jours, dans la communauté congolaise, vous avez des médecins, des ingénieurs, des économistes, et j'en passe et des meilleurs.
    Nous travaillons à un projet ambitieux, la création d'une maison de la communauté congolaise justement pour intégrer tous les projets pouvant amener à ce que vous demandez, qui est l'unité.
(1345)

[Traduction]

    Je veux revenir à une question que Mme Khalid vous a posée précédemment sur les élections présidentielles qui doivent se dérouler en décembre. Prévoyez-vous qu'elles auront lieu? Je voudrais vous demander ce que le Canada pourrait faire pour assurer la tenue des élections et le transfert pacifique du pouvoir. Quelle contribution pouvons-nous faire? Comment pouvons-nous veiller à ce que les élections se déroulent dans les règles de l'art?
    Les élections seront-elles repoussées? Je constate que dans certaines régions, on ne pense pas pouvoir être prêts pour des élections en 2018-2019. Je me demande si on peut réussir à tenir les élections. Est-ce possible? Quelle aide le Canada peut-il apporter à cet égard?
    Le temps vous permet de donner une brève réponse. Soyez aussi bref que possible, je vous prie.

[Français]

    La seule chose que le Canada puisse faire est d'envoyer les observateurs pour être présents et travailler avec la Commission électorale nationale indépendante, la CENI, pour s'assurer qu'il y a réellement transparence dans le comptage et la publication des résultats du vote et s'assurer que M. Kabila ne se présente plus comme candidat, parce qu'il a épuisé ses deux mandats. Conformément à la Constitution du Congo, il n'a pas droit à un troisième mandat. De plus, bien sûr, il ne faut pas mettre en oeuvre l'utilisation des machines à voter.
    Si nous avons cela, nous aurons 80 % de chances d'avoir une élection juste et transparente.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Tabbara.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de comparaître. Veuillez me pardonner mon léger retard; j'avais autre chose à faire. Je n'ai donc pas tout entendu les témoignages que vous avez livrés au début de la séance.
    L'impunité continue de jouer un rôle de premier plan dans le conflit actuel et les deux guerres qui ont secoué la République démocratique du Congo, et ceux qui commettent des atrocités ne sont pas tenus responsables de leurs actes. Est-ce que des organisations non gouvernementales ou des organisations internationales ont contribué à l'instauration de solides institutions judiciaires? A-t-on cherché à forcer les malfaiteurs à rendre des comptes? A-t-on observé des progrès en ce qui concerne l'édification de solides institutions publiques?

[Français]

     Je dirais que, dans le cadre du gouvernement actuel, la question des institutions juridiques est un problème très difficile à résoudre, parce que le présent gouvernement est corrompu et que cette corruption est partout. Il est difficile de voir des gens qui font partie du gouvernement agir impunément ou avoir recours à certaines forces policières, voire même à la population, pour commettre des crimes atroces. Ces gens ne seront jamais punis pour leurs actes, parce qu'ils répondent à l'autorité et que cette autorité est le gouvernement. Même les membres des comités judiciaires sont sous l'autorité du gouvernement. Ils ne peuvent donc pas faire en sorte que ces individus soient jugés et condamnés pour leurs actes. C'est très difficile.
    Ce problème, au Congo, ne pourra pas être résolu tant que le gouvernement actuel sera au pouvoir.
     J'aimerais ajouter que la majorité des généraux sont connus et que leur nom figure dans les rapports établis par l'ONU. Un autre rapport a été élaboré à la suite de la rencontre du 26 septembre, à Genève. On avait convoqué les partenaires du Congo pour discuter de solutions pouvant mener à un avenir meilleur, ce qui rejoint votre préoccupation. Ils ont établi un rapport en ce sens. Si vous le lisez succinctement, vous comprendrez que, si nous tenons une élection et qu'il y a une alternance au sein du gouvernement congolais, beaucoup de partenaires du Congo, dont le Canada, pourront travailler avec ce nouveau gouvernement pour mettre en vigueur des politiques et des approches qui respectent la bonne gouvernance. Cependant, nous avons souvent à regretter, lorsque des résolutions de ce genre sont mises en oeuvre, de ne pas les voir appliquées.
    La plupart de ceux qui travaillent avec M. Kabila font déjà l'objet de sanctions. Ils ne peuvent pas obtenir de visa. Nous avons entendu parler du gel des avoirs en Occident. Si le Canada contribue à mettre de la pression en ce sens, ces gens se sentiront vraiment isolés et n'auront pas d'autre choix que de favoriser des élections transparentes au sein de la population.
    Nous insistons pour que le Canada joue un rôle d'observateur. Il y a eu des observateurs canadiens en 2006 et en 2011. Malheureusement, ils étaient peu nombreux en 2011. Nous croyons que, si le Canada peut mobiliser le plus grand nombre possible d'observateurs, nous serons en mesure de nous assurer que les élections sont réellement transparentes. En outre, si les résultats sont divulgués de façon transparente, cela apaisera la population et il sera alors possible de travailler avec les leaders nouvellement élus.
(1350)

[Traduction]

    Nous avons suffisamment de temps. Si vous avez une question, sentez-vous libre de la poser, madame Ng.
    Je devrai céder mon temps à mon collègue, car je dois me rendre à la Chambre un peu tôt aujourd'hui.
    Je partagerai mon temps avec M. Tabbara.
    Vous avez fait mention du Canada, précisant que les Canadiens pourraient apporter de l'aide. À l'évidence, le Canada a offert son aide récemment et par le passé. Je me demande si vous pourriez traiter de l'aide de l'Occident, car les États occidentaux ont souvent été une cause du problème.
    Le Canada n'est pas la Belgique, mais je pense que les Canadiens veulent recevoir une assurance des Congolais, et je pense que vous êtes particulièrement bien placé pour répondre à cette question. En qualité de membre de la diaspora, vous avez un pied au Canada et l'autre dans votre pays d'origine. Les habitants du Congo et les membres de la diaspora qui demeurent au Canada et dans d'autres pays souhaitent-ils ouvrir la porte à l'aide de l'Occident? Cette aide susciterait-elle l'antipathie ou l'intérêt des habitants du Congo? Laissez de côté la question du leadership politique.

[Français]

     Je vais vous donner un exemple tiré de ma vie personnelle.
    En 2014, 2015 et 2016, j'ai passé beaucoup de temps au Congo. Une des raisons pour lesquelles nous sommes allés au Congo, c'était justement pour établir là-bas des organisations qui répondent aux attentes de structuration telles que le Canada le souhaite. Par exemple, nous avons créé un centre d'entrepreneuriat visant à assister les jeunes afin qu'ils comprennent ce qu'implique le fait d'avoir une entreprise, comment la gérer et quelle politique de bonne gouvernance devrait être mise en oeuvre pour que l'entreprise soit florissante, entre autres. Ce centre enseigne aussi le rapport qu'ils peuvent avoir avec les gouvernements en ce qui a trait aux réformes mises en oeuvre.
    Je crois que le Canada a beaucoup à gagner à travailler avec les Congolais d'origine qui oeuvrent au Canada dans le domaine communautaire. Je vais vous confier un secret: je suis moi-même candidat à la députation nationale. Une des raisons pour lesquelles nous commençons à vouloir intégrer la politique congolaise, c'est que nous avons acquis une culture démocratique. Nous avons compris comment un gouvernement doit fonctionner. Nous comprenons que le gouvernement est redevable à la population et nous comprenons le rôle que les élus du gouvernement doivent jouer auprès des électeurs.
    Je crois que le Canada a plus à gagner à travailler avec les ressortissants congolais ou autres qui ont acquis la nationalité canadienne et qui ont compris la politique de gestion du Canada. Grâce à celle-ci, le Canada peut intervenir directement auprès des populations congolaises. La Belgique a créé la Maison Schengen, et elle gère tous les processus qui ont trait aux demandes de visas, aux demandes d'études et ainsi de suite.
    Selon moi, le Canada peut lui emboîter le pas et travailler avec nous. La COCOT, par exemple, est très bien structurée, c'est-à-dire qu'elle est structurée selon les politiques de bonne gouvernance. Elle a des statuts et des règlements et elle tient des élections chaque année pour mettre en place ses leaders. Nous ne travaillons pas seulement pour aider les Congolais du Canada, mais aussi pour faciliter leur travail de manière à ce qu'ils n'aient pas une lourde charge. Cette lourde charge n'est autre que le fait d'envoyer de manière récurrente le peu d'argent que nous gagnons ici. À ce moment-là, nous ne profitons plus tellement du Canada en tant que tel.
    Le gouvernement a beaucoup de projets liés aux ministères de coopération et d'immigration, entre autres. Si vous le souhaitez, nous pourrons vous soumettre nos programmes, afin d'évaluer avec vous dans quelle mesure vous pourrez collaborer avec nous. On sait ce que le Canada souhaite accomplir au moyen de ces missions humanitaires. Tous les Congolais vivant au Canada ou ailleurs savent comment cela pourrait être mis en oeuvre. Je pense que nous sommes bien ouverts.
    J'aimerais juste ajouter quelque chose.

[Traduction]

    Je ne veux pas vous interrompre, car c'était une réponse très complète. J'aimerais beaucoup entendre ce que vous avez à dire, madame Kalambay, mais nous ne disposons que de cinq minutes et M. Tabbara a peut-être une question.
    Vous disposez de quatre minutes.
    Quatre minutes. Et voilà. Nous sommes en plein dans les temps.
(1355)
    Je céderai mon temps.
    Madame Kalambay, vous pouvez répondre si vous souhaitez ajouter quelque chose.

[Français]

    Je veux revenir sur la question qui a été posée tout à l'heure.
    C'est vrai que le Canada a déjà beaucoup aidé le Congo, mais nous sommes sûrs et certains qu'il peut lui offrir encore plus d'aide. Nous, les Canadiens que nous sommes, si nous sommes aujourd'hui en mesure de nous lever et de faire entendre notre voix pour dénoncer ce qui se passe au Congo, comme le disait mon frère tout à l'heure, c'est parce que nous avons appris les bonnes manières de faire. Nous avons vu ce qui se passe dans notre pays d'accueil, le Canada.
    C'est tout à fait possible pour le Canada, en passant par la diaspora congolaise ici présente, d'aider davantage le Congolais à se structurer, et ainsi aider le peuple congolais qui est resté au Congo. La raison pour laquelle nous sommes ici, en fait, c'est pour obtenir de l'aide pour la population congolaise qui est restée là-bas, de manière à ce qu'elle puisse se retrouver, que ce soit sur les plans politique, social, humanitaire ou économique. Nous avons tous appris ces choses du Canada.
    C'est pour cela que nous sollicitons l'aide du Canada. Nous savons que le Canada l'a fait auparavant et qu'il peut le refaire de façon beaucoup plus importante.

[Traduction]

    Le temps nous permet de poser une très brève question et d'obtenir une réponse très courte.
    Monsieur Anderson.
    C'est peut-être la mauvaise question à poser à ce moment-ci de la journée, mais pouvez-vous nous indiquer qui finance les divers groupes? Quelles sommes viennent du gouvernement, de l'extérieur du pays ou de l'exploitation des ressources naturelles? Qui finance les groupes rebelles et la milice que le gouvernement a apparemment établie également?

[Français]

    Je vous remercie de votre question.
    La réponse est vraiment simple. Ces groupes sont instrumentalisés par les pouvoirs en place qui ne veulent pas organiser les élections. Leur logique est la suivante: si le pays est plongé dans le chaos, il ne sera pas possible d'organiser les élections. C'est ainsi qu'ils créent, de part et d'autre, des groupes rebelles, comme ceux du Bas-Congo qui ont tué les adeptes de Bundu dia Kongo, ceux du Kasaï qui ont tué les adeptes de Kamuina Nsapu, ou ceux du Kivu. Il s'agit des Forces démocratiques alliées. Ce sont les mêmes militaires qui parlent le kinyarwanda et le kirundi et qui sont de connivence avec le gouvernement en place.
    C'est donc le gouvernement du Congo qui finance les atrocités qui ont cours au Congo, afin de justifier son maintien au pouvoir et le fait de ne pas organiser les élections.

[Traduction]

    Nous remercions nos témoins, dont nous avons grandement aimé les témoignages. Notre rencontre a été très utile.
    Mesdames et messieurs, la séance est levée.
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