SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 octobre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi à tous. Bienvenue à cette réunion du sous-comité des droits internationaux de la personne.
Nous poursuivons notre étude sur la situation des droits de la personne dans le secteur de l'extraction des ressources naturelles en Amérique latine. Nous accueillons aujourd'hui par vidéoconférence des invités de l'Organisation de coopération et de développement économiques, notamment Kathryn Dovey, gestionnaire, Coordination des points de contact nationaux, Unité sur la conduite responsable des entreprises, et aussi Tyler Gillard, gestionnaire, Projets sectoriels, Unité sur la conduite responsable des entreprises. Nous recevons en outre du Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Dante Pesce, membre, Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.
De la France et du Chili, nous recevons aujourd'hui des invités qui sont ici pour témoigner. Commençons donc sans plus tarder. Nous vous accorderons chacun environ sept minutes. Ensuite, les membres du sous-comité vous poseront des questions. Peut-être pourrions nous entendre d’abord les représentants de l'OCDE, suivis de M. Pesce.
Merci beaucoup. La parole est à vous.
Merci beaucoup monsieur le président. C'est un honneur de nous adresser à votre sous-comité aujourd'hui.
Je m'appelle Tyler Gillard. Je suis accompagné par ma collègue Kathryn Dovey. Nous travaillons au sein de l'Unité sur la conduite responsable des entreprises, au service de 48 gouvernements du Groupe de travail sur la conduite responsable des entreprises.
Nous allons axer notre brève présentation d’aujourd’hui sur le travail de nos points de contact nationaux pour les principes directeurs, un mécanisme mondial de règlement des griefs sur la conduite responsable des entreprises, ainsi que notre travail pour des chaînes d'approvisionnement minières responsables, en particulier dans le contexte des matériaux provenant de la Colombie.
Nous vous rappelons que les principes directeurs de l'OCDE à l’intention des entreprises multinationales représentent un vaste éventail de recommandations couvrant tous les domaines de l'éthique des affaires, y compris les droits de la personne. Ils sont harmonisés avec les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, mais comprennent également des recommandations concernant la corruption, l'environnement et les pratiques du travail, entre autres. En tout, 48 gouvernements ont adhéré à cet instrument juridique qui, puisqu’il couvre environ 85 % de l'investissement étranger direct mondial et une part énorme du commerce mondial, représente un instrument juridique de grande incidence.
Notre travail de mise en oeuvre de cette norme est axé sur le mécanisme de règlement des griefs. Il se fonde sur notre travail sectoriel. Nous avons des instruments sectoriels, y compris dans l'industrie de l’extraction des ressources naturelles, et nous exerçons des activités de sensibilisation pour les pays non membres de l'OCDE.
Je vais d'abord céder la parole à ma collègue Kathryn, qui vous expliquera le mécanisme national des points de contact et sa pertinence pour l'Amérique latine.
Je vous remercie.
Bon après-midi à tous et merci monsieur le président.
J’aimerais tout d'abord faire trois choses très brièvement. Je vais vous présenter un peu de contexte au sujet des points de contact nationaux, fournir des renseignements sur les affaires qui ont été traitées par ces entités à l'échelle mondiale et mettre l’accent sur les affaires en lien avec l'Amérique latine en particulier.
Les points de contact nationaux, ou PCN, comme nous les appelons, sont essentiellement des bureaux du gouvernement qui remplissent une double fonction. D'une part, ils font valoir les principes directeurs dans nos documents d'orientation. D'autre part, ils entendent des affaires, que nous appelons des « cas particuliers », qui leur sont soumises par des organisations non gouvernementales, des syndicats, des particuliers, et ainsi de suite. En fait, n'importe qui peut soumettre une affaire à un PCN. Chaque affaire a trait à certains chapitres de nos principes directeurs, qu'il s'agisse de droits de la personne, de travail, d'environnement, et ainsi de suite. Les gouvernements sont libres de choisir l'emplacement, la structure et la composition de leurs PCN, mais ils doivent tous être visibles, accessibles, transparents et imputables. En Amérique latine, il existe sept points de contact nationaux. Tous, sauf un, ont traité des affaires à ce jour.
En ce qui concerne les affaires étudiées dans le monde, nous avons constaté que depuis 2000, lorsque ce mécanisme a été lancé, 400 affaires ont été traitées en totalité par les points de contact nationaux. Elles ont trait à des enjeux ou à des problèmes survenus dans plus d’une centaine de pays et de territoires. Certains PCN ont étudié un grand nombre d’affaires. En fait, six points de contact nationaux ont reçu plus de 50 % de toutes les affaires soumises à ce jour.
Je vais vous parler rapidement de la marche à suivre juste pour m’assurer qu’elle est claire pour vous. Lorsque les PCN reçoivent une soumission, ils décident s'il faut procéder à un examen approfondi en fonction de nos critères. Si c'est le cas, ils offriront ce que nous appelons un « forum de discussion ». Cela peut consister en un exercice de médiation professionnelle ou un processus de dialogue, mais c'est un exercice non judiciaire. À la fin du processus, le PCN rend compte publiquement de l'affaire. En ce qui concerne les chapitres invoqués à ce jour, depuis 2011, lorsqu'un nouveau chapitre sur les droits de la personne a été ajouté à nos principes directeurs, nous avons constaté que les affaires de droits de la personne représentaient plus de 50 % de toutes celles qui ont été reçues depuis 2011.
En ce qui concerne maintenant l'Amérique latine en particulier, nous avons vu, à nouveau depuis 2000, que les PCN ont signalé 76 problèmes survenus dans des pays d'Amérique latine, et que 17 de ces 76 problèmes touchaient effectivement des entreprises du secteur de l'extraction des ressources naturelles. C'est sur cet aspect que j’aimerais me concentrer aujourd'hui, compte tenu de la nature de votre discussion.
En ce qui concerne les enjeux ou les problèmes à l'origine du dossier dans chacune de ces 17 affaires, ils couvrent réellement un vaste éventail de nos principes directeurs et chapitres. Pour vous donner une petite idée, dans des affaires environnementales, par exemple, nous avons traité de problèmes de pollution de l'air, de l'eau ou par le bruit ou d'utilisation excessive de l'eau. Nous avons aussi observé des affaires de dommages infligés à la propriété, et ainsi de suite. En ce qui concerne les droits de la personne, il a souvent été question de la consultation des parties prenantes, à savoir si elle est efficace ou non. La consultation des populations autochtones a été étudiée, de même que le consentement libre, préalable et éclairé. Nous avons examiné des enjeux concernant les déplacements forcés ainsi que des manifestations sur les lieux d’exploitations minières et les réactions des entreprises visées. Dans le cadre des relations professionnelles et industrielles, nous avons examiné des affaires de liberté d'association et des problèmes de négociation collective, ainsi que des affaires de licenciement abusif et des problèmes de santé et de sécurité au travail.
Pour conclure cette partie de la présentation, je vais citer un cas en exemple à titre d'illustration. Il s'agit d'une affaire récente conclue l'an dernier par le point de contact national au Brésil. Il concernait une filiale brésilienne de Kinross Gold Corporation. L’affaire avait été soumise par des associations avoisinantes de Paracatu. L'essentiel de l'affaire concernait, d'une part, des allégations d'utilisation d'explosifs et de fissures apparaissant dans les maisons des personnes habitant à proximité du site minier. D'autre part, on a souligné des problèmes concernant les barrages qui gênent l'accès des gens à la ville.
Le PCN au Brésil a accepté l'affaire et il en a informé le PCN canadien, comme c'est la coutume. Trois réunions de médiation ont eu lieu au cours de l'année. En bout de ligne, les deux parties sont arrivées à s’entendre et il a été convenu que de concert avec les autorités locales, la société financerait la rénovation des maisons endommagées ou la réinstallation de leurs occupants, le cas échéant. Le PCN au Brésil a également fait des recommandations à l’entreprise pour assurer une meilleure diligence à l'avenir.
Je vais m’arrêter ici pour l’instant, et céder la parole à Tyler pour le reste de la présentation.
Je vous remercie.
Puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais essayer d’être très bref.
Je vais me concentrer sur notre travail pour des chaînes d'approvisionnement responsables en minerais. Nous disposons d’un instrument particulier qui décrit les attentes de diligence raisonnable à l’égard des entreprises dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement en minerais, de la mine jusqu'au produit final livré au consommateur, comme sous forme de bijoux ou de produits électroniques, au sujet des mesures à observer pour s'assurer que ces chaînes d’approvisionnement ne servent pas à financer des conflits ou de graves violations des droits de la personne.
Nous avons mis en oeuvre ces travaux depuis plus de six ans. L'accent était initialement mis sur les produits en provenance d'Afrique centrale, en particulier la République démocratique du Congo, mais notre attention s’est de plus en plus tournée vers l'Amérique latine.
En Amérique latine, il existe une convergence unique entre les organisations criminelles, les violations des droits de la personne et l'exploitation minière illégale, ainsi que certaines exploitations minières légales. Dans le contexte de la Colombie, des preuves nous indiquent que les loyers, les bénéfices et les revenus dans ce secteur sont gagnés par des organisations criminelles jusqu'à trois fois plus que dans le cadre du trafic de stupéfiants. Le gouvernement colombien estime qu'il perd environ 400 millions de dollars par année en revenus en raison des mines exploitées par des organisations criminelles, et que des exploitations minières et des groupes armés probablement illégaux produisent pour leur propre compte des revenus de plus de 5 milliards de dollars par année.
Évidemment, il s’agit de groupes armés et d’organisations criminelles qui commettent de graves violations des droits de la personne. Un certain nombre de rapports nous indiquent que ces groupes participent à des massacres et à des déplacements forcés, qu’ils exercent des pressions sur les défenseurs des droits de la personne et créent d'autres problèmes de déplacements forcés. Ces violations touchent pratiquement tous les types de droits de la personne, et nous détenons des preuves selon lesquelles certaines exploitations minières informelles font travailler des enfants et imposent du travail forcé.
Ce problème touche particulièrement les mines d'or et l’industrie en grande partie informelle d'extraction de l'or, mais pas exclusivement. Nous avons également des rapports sur des sociétés minières à grande échelle qui paient des loyers ou des taxes illégales à ces groupes et qui adoptent également ce genre de comportement criminel. Ces matériaux accèdent aux chaînes d'approvisionnement mondiales, d’abord principalement par les États-Unis et la Suisse sous forme de lingots, mais aussi sous la forme de bijoux et de produits électroniques au Canada.
Je ne donnerai pas beaucoup de détails au sujet de notre travail, mais notre norme a été incorporée à un certain nombre de lois nationales, y compris récemment au sein de l'UE. Elle exige que les importateurs de métaux obtiennent et fassent observer l’attestation de notre norme, de même que dans le contexte de l'article 1502 de la loi Dodd Frank aux États-Unis, en ce qui concerne les matériaux en provenance d’Afrique centrale.
J’aurais aimé parler un peu plus des résultats que nous obtenons en Amérique latine, mais je sais que je manque de temps.
Merci de nous avoir écouté monsieur le président.
Monsieur le président, merci de l'invitation. C'est un plaisir de m’adresser à votre comité en provenance de Santiago, au Chili, et de votre ambassade, en fait. Vous avez ici de bonnes installations, et je vous remercie de me permettre d’en profiter.
Je fais partie du Groupe de travail des Nations unies au sujet des entreprises et des droits de l'homme. Nous avons le mandat de favoriser la mise en oeuvre des principes directeurs de l'ONU sur les entreprises et les droits de la personne, unanimement approuvés par le Conseil des droits de l’homme en 2011. Nous sommes cinq experts indépendants issus de différentes régions du monde. Dans ce groupe, disons que je suis le représentant pour l'Amérique latine et les Caraïbes.
L'un des aspects de notre travail consiste à nous assurer que les principes directeurs sont intégrés à la gouvernance mondiale. L'une de nos très bonnes réussites concerne l'intégration des principes directeurs et de leur raison d’être à tous les volets de travail de l'OCDE, y compris la conduite responsable des entreprises en général dans les principes directeurs de l'OCDE à l’intention des entreprises multinationales, de même qu’une version mise à jour en 2011 incluant les droits de la personne, entièrement harmonisée avec les principes directeurs.
À partir de là, nous avons travaillé en collaboration et en coprésidant la table ronde annuelle sur la cohérence des politiques qui se tient à Paris, mais nous travaillons également dans différentes régions du monde en collaboration et de manière très active. C'est l’une des réussites dont je peux vous parler.
Nous essayons aussi de mettre en pratique les principes directeurs au niveau national, par l’intermédiaire de plans d'action nationaux sur les entreprises et les droits de la personne. Le cadre stratégique peut être très différent d'un pays à l'autre, mais il s'agit essentiellement du deuxième principe, à savoir que les gouvernements doivent établir des attentes pour les entreprises actives sur leur territoire ou pour leurs propres entreprises actives à l'étranger. C'est un principe dont nous favorisons la mise en oeuvre et la concrétisation.
À l'heure actuelle, il existe 17 plans d'action nationaux publiés, principalement dans le Nord, surtout en Europe, ainsi qu’aux États-Unis, mais le mouvement prend de l’ampleur et on assiste à de nombreux développements en Asie, un peu en Amérique latine, et en Afrique, notamment au Kenya, au Mozambique et dans quelques autres pays pour l’instant.
Ensuite, pour ce qui est de l'accès aux entreprises en soi, nous essayons de travailler de concert avec des associations professionnelles. Dans le secteur minier et le secteur de l’extraction des ressources naturelles, l’IPIECA et l’ICMM sont de bons partenaires pour nous. Nous nous efforçons de parler le même langage, de pousser ou de développer le même récit, et de définir des attentes compatibles qui, du moins l'espérons nous, sont entièrement harmonisées avec le code de conduite international.
Quand nous ne parlons pas le même langage ou quand nous n'observons pas les mêmes principes, la confusion peut alors régner du côté opérationnel, et c'est l'excuse parfaite pour l'inaction. Afin de favoriser la mise en oeuvre à l’échelle internationale d’un code de conduite responsable des entreprises en général ou en particulier en ce qui concerne les entreprises et les droits de la personne, nous devons parler le même langage. Nous devons harmoniser et élaborer des politiques publiques cohérentes et ainsi réalisables, non seulement au niveau du siège d'une entreprise disons, comme pour les entreprises canadiennes au Canada, mais aussi lorsque des entreprises canadiennes sont actives à l'étranger. Nous devons assurer la cohérence dans ce domaine afin de concentrer tous nos efforts sur la mise en oeuvre, et non sur nos motivations théoriques qui, comme je l'ai déjà dit, représentent une excuse parfaite pour ne pas passer à l'action.
L'une des facettes de notre travail consiste à faire des visites de pays. Je suis originaire du Chili et je travaille dans le domaine de la conduite responsable des entreprises depuis 17 ans, alors je connais ma région et, en particulier, 14 pays qui ont obtenu d’assez bons résultats. Dans les deux dernières années, nous avons mené trois visites de pays, trois missions très intenses, au Brésil, au Pérou et au Mexique, ainsi qu’une visite au Canada qui a pris fin le 1er juin. Un rapport préliminaire est mis à votre disposition sur notre site Web, en trois langues pour l’instant, soit le français, l'anglais et aussi l’espagnol, je crois.
Vous pouvez le consulter. On y parle beaucoup de l'industrie de l’extraction des ressources naturelles. Parmi les constatations relevées, précisons que même si les principes directeurs sur les entreprises et les droits de la personne sont peu à peu intégrés au langage et à la discussion entre mes collègues, mon groupe, et les marchés boursiers, les associations de l'industrie de l’extraction des ressources naturelles et les organismes de réglementation du programme de RSE au Canada et le PCN à ce jour, il est question des principes directeurs, mais rien n’indique qu’ils sont mis en oeuvre.
Lorsque nous demandons des preuves de progression de la mise en œuvre, elles sont assez faibles, mais bien meilleures que dans d'autres pays avec lesquels nous avons établi des rapports, et où il n’en est même pas encore question. Dans ce cas, on comprend de mieux en mieux les impacts et les risques liés aux droits de la personne, mais c’est encore loin d'être assez bon, y compris à l'intérieur même du Canada. C'était l'une des constatations, à savoir qu'il existe des différences dans la mise en œuvre au Canada, mais beaucoup moins à l'extérieur du Canada.
Nous voyons là une grande possibilité d'amélioration, puisque vous disposez déjà de solides plateformes au niveau de l'industrie, des marchés boursiers, du PCN, des mesures adoptées par Affaires mondiales et du suivi de la RSE. Tout cela existe sous forme de plateformes, mais nous avons constaté qu'il y aurait lieu d’instaurer une plus grande cohérence des politiques, de préciser les attentes et d’assurer un meilleur suivi au niveau international, y compris en exerçant votre influence.
Puisque le Canada est le principal investisseur dans l'exploitation minière dans ma région d'Amérique latine, une région qui comporte son lot de difficultés et de problèmes de toutes sortes, évidemment, nous constatons également que collectivement, si l’on prend le secteur privé, les marchés boursiers, le gouvernement et vos différents organismes, vous pouvez travailler en plus étroite collaboration avec les pays hôtes de vos investissements en vue d’améliorer l'environnement de l'investissement minier et l'industrie de l’extraction des ressources naturelles en général.
Ce que nous avons observé dans le cadre des trois visites de pays, en plus de mon expérience personnelle... Ces visites de pays font également l’objet de rapports. Elles sont du domaine public. Deux d'entre elles ont fait l’objet de rapports finaux. L'une est préliminaire, en ce qui a trait au Pérou. Nous avons observé beaucoup de mines illégales, de corruption et de criminalisation des défenseurs des droits de la personne, y compris des dirigeants syndicaux, et une faible participation en ce qui concerne les facteurs interculturels. Je parle de l'industrie de l’extraction des ressources naturelles en général, non seulement du point de vue des investisseurs canadiens, mais aussi de l'ensemble de l'industrie.
Nous avons tristement observé une mainmise sur l'État par le secteur privé et les grands investisseurs. À l’échelle nationale, nous avons observé une vive concurrence entre le volet économique du gouvernement, qui semble être orienté plutôt à court terme, qui exprime l'urgence d'attirer des investisseurs, de percevoir des impôts et de créer des emplois, et qui accorde une importance très secondaire aux impacts sociaux et environnementaux et aux mesures de protection en la matière.
On a également vu apparaître un décalage entre les droits de la personne et le développement économique. C'est presque comme une déconnexion au niveau de l’état d'esprit. Nous savons, comme souligné dans les objectifs de développement durable, qu'il n'y a pas de développement durable sans conduite responsable des entreprises et que la conduite responsable des entreprises englobe le respect des droits de la personne, mais ce récit est très clairement déconnecté du volet économique du gouvernement par rapport au volet social et environnemental du gouvernement. En fait, ces deux groupes agissent comme deux entités distinctes, la première étant la plus puissante, et la seconde, la plus faible. En conséquence, un déséquilibre peut être observé au niveau national.
Dans cette optique, nous croyons qu’il y a de la place pour une collaboration importante et de meilleure qualité. Nous établissons des plateformes dans différentes régions du monde, y compris dans les Amériques. Nous utilisons les commissions économiques de l'ONU dans le cas de l'Amérique latine et des Caraïbes, mais le Canada et les États-Unis ont aussi été invités à participer à ce processus. C'est une course vers le sommet, un processus d'enseignement mutuel et un exercice de responsabilité multipartite, qui vise à déterminer ce que nous pouvons faire afin d'améliorer le cycle des investissements et la raison d'être de ces investissements, et le rendre plus équilibré en y assortissant des mesures de protection des droits de la personne.
Enfin, nous avons également défini les attentes à l’égard du rôle des associations professionnelles et des gouvernements afin qu’elles soient très claires pour leurs membres, pour assurer le suivi de la mise en œuvre, tirer des enseignements des pratiques, améliorer la mise en œuvre et exercer leur influence au niveau de l'Amérique latine pour s’associer avec les membres locaux ou une organisation homologue, mais aussi avec le gouvernement, essentiellement pour renforcer la capacité qu’ont les autorités et les différentes parties prenantes de jouer un rôle positif en ce qui concerne les investissements, plutôt que ce que nous voyons aujourd'hui, à savoir la déconnexion à bien des égards et, comme j’en ai déjà parlé, la corruption, la mainmise exercée par les entreprises et l'incapacité pour le gouvernement de s'acquitter des engagements et des obligations les plus élémentaires.
Je vais m’arrêter ici pour l’instant.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Pesce.
Passons tout de suite aux questions. La première sera posée par M. Sweet. Je vous en prie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins.
J'aimerais m'adresser tout de suite au Haut commissaire des Nations unies, question d'éclaircir une chose. Vers la fin de votre témoignage, vous nous avez fait part d'une série de choses que vous aviez constatées, comme les violations des droits de la personne et la corruption. Dans certains cas, vous avez même parlé des dirigeants syndicaux.
S'agissait-il d'un large éventail d'entreprises provenant de divers pays, ou faisiez-vous plutôt référence spécifiquement à des entreprises canadiennes?
[Difficultés techniques] des ponts, et pas que dans le secteur de l'extraction. Notre voyage nous a permis de faire le plein de renseignements. Pendant 10 jours, nous avons entendu 200 à 250 témoignages dans ces pays, présentés autant par les gouvernements et divers organismes que par des leaders de la société civile et des associations commerciales et industrielles, ainsi que par des défenseurs des droits de la personne en général. Nous essayons de clarifier certaines informations sur des cas particuliers qui nous ont été présentés comme des exemples de problèmes se posant sur le terrain.
Dans le cas du Pérou et du Brésil, où nous avons mené ces recherches, nous n'avons remarqué aucune différence en ce qui a trait aux investissements provenant de différents pays. Tous les investissements sont placés dans le même panier, peu importe leur provenance. En d'autres mots, les bonnes entreprises et celles qui se comportent correctement et avec diligence sont placées dans le même panier que celles qui ne le font pas.
Quant au Mexique, c'était différent. On nous a indiqué à maintes reprises que les sociétés minières canadiennes étaient les mauvaises entreprises dans les cas où les noms spécifiques ont été dévoilés. Ce n'était pas le cas au Brésil et au Pérou.
Ordinairement, les gens s'attendent à ce que les investisseurs étrangers ne se contentent pas de se conformer à une norme inférieure, mais plutôt qu'ils agissent comme ils le font à la maison. Si une entreprise se conforme à certaines normes dans son pays, on s'attend habituellement à ce qu'elle le fasse partout ailleurs. N'abusez pas ou ne profitez pas du fait que les conditions locales sont misérables à maints égards ou que le gouvernement n'applique pas les lois ou même qu'il n'en adopte pas, pour cause d'incapacité, de corruption, ou de tout autre facteur.
Vous pouvez lire nos rapports. Bien sûr, ils contiennent plusieurs références. Nous serons heureux d'en discuter avec vous au moment qui vous conviendra. Lors de la présentation de notre rapport préliminaire, nous avons formulé des recommandations précises au Canada. Notre rapport final, qui sera un peu plus long, devrait être terminé d'ici à avril prochain.
Nous recommandions essentiellement le renforcement de ce que vous avez déjà, car il s'agit d'une excellente base qui n'a pas été suffisamment mise en oeuvre, surtout dans certaines provinces canadiennes, mais plus souvent à l'extérieur du Canada. Vos sociétés cotées au Canada ne se comportent pas toutes de la même façon en Amérique latine et dans d'autres pays. Tout le monde nous a essentiellement raconté la même chose. Nous avons donc conclu que vous devriez hausser la barre afin de mettre plus d'emphase sur la mise en oeuvre et sur le suivi d'une mise en oeuvre efficace.
Brièvement, donc, lors de votre visite au Canada, qui faisait suite à votre visite dans trois autres pays, avez-vous constaté que les entreprises canadiennes étaient ouvertes à l'idée de le faire? Qu'elles voulaient le faire?
Oui. En général, nous avons remarqué une volonté et une ouverture. Mais mes deux collègues qui ont visité le Canada ont souligné que les hauts fonctionnaires n'étaient pas très enclins à participer. L'accès accordé par le gouvernement canadien était parfait. Tout était en place pour que nous puissions contacter les organismes gouvernementaux. Par contre, nous ne pouvions pas parler aux ministres ou aux sous-ministres, ces gens qui sont sur le terrain et qui tentent de mettre en oeuvre vos cadres de référence et vos politiques.
Donc, nous étions un peu frustrés par le manque de participation de la part du gouvernement. L'ouverture des entreprises était importante, mais le niveau de compréhension des défis — mes collègues m'ont tenu au courant — était insuffisant.
La compréhension générale des normes de conduite internationales était suffisante, mais la compréhension des difficultés culturelles et des obstacles pratiques à la réalisation de vos engagements nationaux dans différents pays était manifestement insatisfaisante.
Voilà pourquoi nous avons recommandé à l'association industrielle, au secteur boursier et aux autres organismes canadiens de renforcer votre propre vision, ainsi que votre diligence raisonnable et votre analyse des risques à l'échelle mondiale. Certains pays l'ont fait à merveille, grâce à une enquête et une analyse des risques de ses principales chaînes d'approvisionnement. C'est le cas des Pays-Bas, notamment. Nous avons suggéré, entre autres, de commencer là où vous êtes actuellement; c'est une position acceptable comparativement à presque tous les autres pays, mais ce n'est pas satisfaisant lorsque vous faites des affaires ailleurs.
Merci.
J'ai une question rapide pour l'OCDE.
Vous avez parlé de 17 dossiers concernant l'industrie de l'extraction et vous avez dit qu'il s'agissait d'exercices non judiciaires. Ce qui me porte à croire que votre seul recours est de « nommer et humilier », faute d'une meilleure expression, lorsque quelqu'un n'adopte pas de saines pratiques commerciales.
Sensibilisez-vous les populations locales au fait qu'elles peuvent dénoncer des pratiques négatives à un endroit précis et qu'il y aura une enquête et un suivi?
Bien sûr, nous encourageons chacun des PCN des 48 pays à promouvoir l'existence du mécanisme qui est une composante fondamentale de leur mandat. À l'OCDE, nous travaillons étroitement avec deux partenaires institutionnels, soit l'OECD Watch, un réseau regroupant plus de cent organisations non gouvernementales à travers le monde, et la Commission syndicale consultative auprès de l'OCDE, qui regroupe plusieurs syndicats. Ces deux organisations reçoivent la majorité des plaintes, ce qui veut donc dire qu'elles font un excellent travail de sensibilisation.
Je crois qu'il est possible d'en faire plus. C'est certainement un mécanisme méconnu, dont le potentiel est énorme. Par contre, ce sont les meilleurs véhicules pour passer le message.
Merci, monsieur le président. Merci à nos témoins pour leurs interventions.
Je vais commencer par l'OCDE. Madame Dovey, vous avez parlé des points de contacts nationaux. Pour faire suite au témoignage de M. Sweet, combien de temps faut-il pour régler un dossier une fois qu'il a été référé à un PCN?
En fait, le calendrier indicatif pour le traitement d'un dossier est de 12 mois: 3 mois pour décider d'accepter le dossier ou de le refuser, environ 6 mois pour le processus de médiation en soi et puis 3 mois pour clore le dossier. Pour toutes sortes de raisons, certains dossiers sont réglés en 12 mois, d'autres le sont plus rapidement, alors que plusieurs demandent un peu plus de temps.
Il s'agit d'une démarche volontaire. Une fois que les deux parties, l'entreprise et le plaignant, s'entendent pour entamer la médiation, ce peut parfois être plus long. L'essentiel est de les amener à accepter de prendre place à la même table. Ce n'est pas toujours possible. Les entreprises n'ont aucune obligation. Mais en général, l'échéancier idéal est de 12 mois.
Merci.
Vous avez parlé d'un large éventail de dossiers traités par l'OCDE. Diriez-vous que les femmes sont plus fréquemment touchées de manière négative par l'industrie de l'extraction, surtout en Amérique latine? Est-ce que toutes les résolutions potentielles fournies par le PCN ont été analysées sous l'angle de l'équité entre les sexes?
Je n'ai pas nécessairement analysé les dossiers que nous avons reçus sous cet angle, mais c'est un point de vue intéressant. Je crois que, en ce qui a trait à l'Amérique latine et à l'industrie de l'extraction, je demanderais à mon collègue, Tyler, de vous en parler, rapidement, car je sais que le Guide aborde la composante sexospécifique des incidences.
Merci beaucoup.
En effet, nos enquêtes démontrent que les femmes sont plus souvent touchées par les exploitations minières et les chaînes d'approvisionnement en minerais que les hommes, particulièrement en Afrique centrale. Nous avons effectué des recherches sur ce sujet. C'est particulièrement fréquent dans le secteur des exploitations minières artisanales et à petite échelle, où les femmes participent non seulement à l'exploitation minière, mais sont souvent, quoique pas exclusivement, appelées à travailler au concassage des matériaux et à transporter l'eau, etc. Nous en avons eu la preuve, principalement en Afrique centrale, selon moi. Je ne vois pas pourquoi cela ne se produirait pas ailleurs, mais les seuls rapports que nous avons et notre seule analyse proviennent de là.
En vertu de nos normes concernant le devoir de diligence pour les chaînes d'approvisionnement, les entreprises doivent étudier les incidences externes de leurs chaînes d'approvisionnement sur les femmes, surtout dans les zones de conflit où la violence sexuelle est souvent utilisée pour les contrôler et les dominer.
Merci.
Vous avez brièvement parlé de fournir des principes directeurs. Est-ce que vous fournissez une pratique exemplaire particulière sur les questions sexospécifiques à vos partenaires sur le terrain, que ce soit des entreprises minières ou des organisations locales?
Nous n'avons pas d'outil précis ou de norme en vigueur uniquement pour les questions d'équité entre les sexes. Par contre, je dirais qu'il y a une quantité importante d'informations disponibles sur la manière d'exercer une diligence raisonnable pour les chaînes d'approvisionnement en tenant compte de la dimension sexuelle et en impliquant le public.
Nous avons fixé deux normes, que je présenterai ici. Je suis convaincu que l'on pourra les déposer en tant qu'élément de preuve plus tard. La première concerne les chaînes d'approvisionnement responsables en minerais. L'autre porte sur le devoir de diligence des intervenants et la mobilisation communautaire dans l'industrie de l'extraction. Pour cette dernière — en passant, le gouvernement du Canada a dirigé le processus d'adoption de cette norme — il y a une section expliquant comment faire preuve de diligence raisonnable dans vos pratiques communautaires en vous préoccupant d'abord et avant tout des femmes et de l'équité entre les sexes. Il y a donc une section portant sur les questions sexospécifiques et, comme je l'ai dit, il y en a une autre sur les chaînes d'approvisionnement.
Merci.
Monsieur Pesce, vous nous avez parlé des rapports portant sur le Pérou, le Mexique et le Brésil. Est-ce que ces rapports comportaient une section démontrant les incidences sur les femmes dans les régions locales?
Les trois rapports font référence à ce que nous appellerons l'optique sexospécifique, en plus de faire référence aux groupes vulnérables en général. Nous avons constaté que la méthode suivie par les entreprises et leurs pratiques en matière de diligence n'ont pas tendance à se préoccuper des groupes vulnérables autant qu'elles ne le devraient. En identifiant les risques, vous ne faites qu'effleurer la surface. Essentiellement, vous contactez les groupes les moins vulnérables.
Disons que vous consultez vos employés syndiqués, mais pas vos sous-traitants, lesquels sont plus susceptibles d'oeuvrer dans une forme quelconque d'économie clandestine. En général, les entreprises ne font qu'effleurer le problème et ne tiennent pas leurs promesses. Mener une consultation pour identifier et mobiliser les groupes vulnérables est une pratique assez faible.
Notre groupe de travail vient tout juste de finaliser un rapport qui doit être présenté à l'assemblée générale des Nations unies en octobre. Ce rapport porte sur l'équité entre les sexes en matière d'accès aux mécanismes de recours et de grief. En gros, nous tentons de comprendre quels sont les obstacles supplémentaires auxquels les femmes sont confrontées lorsqu'elles tentent d'accéder au système de justice. Ce rapport a déjà été rendu public et fournit une compréhension générale de l'équité entre les sexes. Aussi, nous travaillons présentement sur un rapport portant notamment sur l'équité entre les sexes en matière de devoir de diligence, des incidences et des droits de la personne. Ce rapport doit être terminé pour juin prochain.
Notre nouveau mandat renforce l'idée que nous devrions porter une attention particulière à l'équité entre les sexes dans notre travail. C'est ce que nous faisons, en fait.
De plus, nous venons tout juste d'entamer un processus permettant de mieux comprendre le devoir de diligence en pratique, les bons et les mauvais exemples, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et où sont les lacunes. Je dirigerai la production de ce rapport, qui sera présenté en octobre 2018, à New York. Ce rapport devrait être prêt à la même date l'an prochain, ou peut-être même un peu plus tôt.
Nous consulterons des entreprises et des associations industrielles. Nous voulons comprendre les dynamiques pratiques. Évidemment, comme nous vivons dans un pays où les investisseurs étrangers sont nombreux et dans une région où plusieurs entreprises n'ont pas de processus de diligence raisonnable ou ne les mettent pas en oeuvre correctement, nous souhaitons tirer des leçons de cette pratique. Il s'agit d'un domaine que nous ne connaissons pas suffisamment. Nous tenons à le comprendre beaucoup mieux afin d'être en mesure d'offrir une orientation pratique et, avec la collaboration de l'industrie et des associations industrielles, d'être en mesure de mieux identifier les lacunes et les possibilités d'amélioration.
Merci, monsieur le président. Je vais aller droit au but.
Ma première question s'adresse à monsieur Gillard ou à madame Dovey.
En ce qui concerne le travail réalisé via les PCN, nous comprenons qu'il s'agit en fait de démarches volontaires. Je tenais simplement à le préciser. Les entreprises ne sont pas pénalisées pour avoir causé des torts, mais bien pour avoir refusé de prendre part au dialogue.
Vous pourriez peut-être nous en dire davantage à ce propos, puisque nous avons tous en mémoire l'exemple de cette entreprise canadienne qui risquait d'être pénalisée parce qu'elle refusait de participer au dialogue concernant les allégations voulant que ses pratiques aient causé 83 décès. À l'époque, le PCN avait déclaré que ce refus serait pris en considération. Ce n'est pas vraiment une question des torts causés, mais plutôt une question de processus.
J'aimerais vous en parler pour que le compte rendu puisse démontrer que nous comprenons ce processus.
Ensuite, ma prochaine question sera pour vous, monsieur Pesce.
Je suis heureuse de tirer le tout au clair. La participation au processus offerte par les PCN est volontaire. Un dossier est porté à l'attention d'un PCN dans un des 48 pays par une ONG ou par un syndicat. Ensuite, si le PCN accepte le dossier, le PCN contactera la compagnie concernée afin de lui expliquer le contenu de l'affaire et de les inviter à participer à l'exercice. Si tout va bien et que les deux parties s'entendent, elles se rencontreront, parfois en compagnie de médiateurs professionnels, etc.
Vous avez parlé des pénalités imposées pour refus de participation. En fait, ce n'est qu'au Canada que l'on voit cela. Voilà un excellent exemple de ce qui arrive lorsque l'on commence à voir les connexions entre ce mécanisme et les autres facettes de ce que nous appelons la « diplomatie économique ». C'est ce qui a été utilisé dans ces dossiers.
Ce qui est intéressant, aussi, c'est que nous constatons une certaine coordination entre les gouvernements, qui transfèrent les rapports aux organismes de crédit à l'exportation et à d'autres secteurs du gouvernement qui pourraient être intéressés par ces dossiers. Cependant, en fin de compte, les deux parties n'ont aucune obligation de se rencontrer et de résoudre les questions qui leur sont soumises, comme nous le souhaitons.
Permettez-moi d'ajouter une chose au sujet de la façon de faire unique du Canada, avec cette notion de point de contact national et l'imposition d'une sanction quelconque en cas de refus de se présenter à la table. Il se trouve que cette méthode a donné de bons résultats contre une société aurifère chinoise, détenue par l'État, cotée à la bourse de Toronto, mais opérant dans la région autonome du Tibet.
Suite au refus de cette société de se présenter à la table des négociations, le gouvernement canadien a déclaré sans équivoque qu'il n'offrirait plus du tout de diplomatie économique, ni, dans ce cas, de financement du crédit à l'exportation. Les gouvernements disposent de plusieurs leviers pour amener les entreprises à la table et le Canada est vraiment à l'avant-garde de l'élaboration et de l'utilisation de ces leviers.
Monsieur Pesce, vous avez entendu ces réponses. Je vous dirais que le processus de facilitation du dialogue est une des raisons qui font que le Canada est si unique. Aussi, comme vous l'avez souligné, nous avons une incohérence, pour ainsi dire, au niveau de l'implication de notre gouvernement. De plus, nous n'avons adopté aucune loi. Voilà qui explique pourquoi nous sommes uniques. D'autres pays, comme la France et la Norvège, ont appliqué une structure un peu différente. Je crois que c'est en quelque sorte ce à quoi vous faisiez allusion quand vous avez répondu à la question de mon collègue concernant votre visite au Canada, où vous avez constaté un clivage chez les représentants du gouvernement.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus comment nous pouvons aller de l'avant, comment nous pouvons imiter et reproduire les exemples d'autres pays. De plus, d'après ce que vous avez vu, quel rôle le gouvernement doit-il jouer, selon vous? J'entends dire qu'on fait reposer le gros du fardeau sur le dos des entreprises minières canadiennes et sur d'autres joueurs de l'industrie. Il n'est donc pas surprenant que nous nous trouvions non seulement dans une situation unique, mais qu'il y ait un clivage, puisque chaque industrie, chaque secteur, chaque personne a sa propre synergie. Comme je trouve cela problématique, j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus.
Nous recommandons habituellement aux États de fixer des attentes claires en ce qui concerne la conduite des sociétés commerciales chez eux et à l'étranger. Le Canada a l'occasion d'élaborer un plan d'action national sur l'entreprise et les droits de la personne, un plan que vous n'avez pas actuellement. Ce plan d'action permet d'effectuer une bonne analyse de référence et de cerner les failles dans le rôle de l'État, dans le rôle des sociétés commerciales et dans l'accès à la justice ou à d'autres recours.
C'est une très bonne occasion parce que chaque pays... Nous ne recommandons pas un régime d'application universelle, mais un savant mélange de règlements et d'incitatifs qui serve le double but de protéger les droits de la personne et les investissements. Si une société n'agit pas avec la diligence voulue, elle s'expose aussitôt à des problèmes et cela va non seulement léser des gens et causer des dommages ou du tort, mais aussi ternir la réputation globale d'une industrie et l'image de marque d'un pays. Voilà l'occasion qui s'offre à vous à l'heure actuelle.
La raison d'inviter notre groupe de travail à faire une évaluation de votre propre pays est de créer des occasions d'appliquer nos recommandations et de lancer un processus permettant de voir où sont les failles et comment les combler et de mettre au point une application plus cohérente des mécanismes que vous avez déjà.
Vous avez des mécanismes: une commission des droits de la personne, des tribunaux, le point de contact national, le conseiller en responsabilité sociale d'entreprise, des recours en justice. Vous avez beaucoup d'atouts. Votre secteur industriel offre des recommandations sur la responsabilité sociale, mais reste flou sur les droits de la personne et la diligence raisonnable. Comme je l'ai dit au début de l'audience, vous avez beaucoup d'éléments en place déjà. Vous êtes relativement bien avancés et le problème que je vois est que vous n'en tirez pas pleinement avantage. Vous n'avez pas encore fait le meilleur usage de vos atouts, par manque de cohérence et, bien sûr, de compréhension de certains concepts et de certaines méthodes.
Il est bon aussi de se mettre à l'écoute et de suivre l'exemple de ses pairs, parce que de nombreux pays de l'OCDE font des progrès encourageants. Tout le monde apprend sur le tas. Il n'y a pas d'exemple parfait. Certains sont plus avancés dans un aspect, d'autres plus avancés dans un autre aspect. Par exemple, votre point de contact national est excellent, alors si vous vous en servez pour faire le maillage avec vos grandes associations industrielles et que vous les poussez à l'excellence, vous aurez un puissant front commun des pouvoirs publics, des sociétés commerciales, du secteur privé et des entreprises d'État. C'est un grand bond qui est à la portée du Canada, mais qui ne se produit pas pour l'instant.
Exact. Je vais partager mon temps avec M. Tabbara. Merci à tous de votre participation.
Ma question s'adresse à Mme Dovey et à M. Gillard. Parfois au Canada, surtout — je dois vous avouer — lorsque nous entendons les arguments de nos collègues du NPD sur cette question, il faudrait pratiquement mettre fin à l'extraction pour que le secteur privé canadien ne puisse y prendre aucune part.
Je regarde une analyse réalisée par une spécialiste de l'OCDE, Mme Jane Korinek, disant qu'en fait, l'extraction peut contribuer à un développement économique appréciable. L'OCDE le disait déjà, mais j'aimerais qu'on en prenne acte: l'extraction favorise le développement économique dans les pays où on la pratique de façon responsable.
Oui, bien sûr, il n'y a aucun doute que l'extraction et le commerce des ressources naturelles peuvent être une grande source de richesse et de développement, de recettes pour l'État — des revenus essentiels dans beaucoup de ces pays — et bien entendu, une source d'emplois. Rien qu'en Afrique centrale, l'extraction minière artisanale et pratiquée à petite échelle emploie directement environ 15 millions de personnes. Indirectement, elle profite à près de 200 millions de personnes.
C'est aussi un excellent moyen de transférer des compétences aux pays en développement, de les équiper aussi. Une bonne partie de l'infrastructure mise en place dans ces régions, dont le réseau électrique et les routes, découle directement de l'extraction et du commerce des ressources minérales.
Merci, monsieur Gillard. Pardon, je ne voulais pas vous interrompre. C'est juste que le temps nous presse, mais merci beaucoup.
J'ai une dernière question avant de céder la parole à mon collègue et je pense que vous y touchez déjà. Pouvez-vous nous parler du lien entre extraction responsable et rentabilité? On a l'impression parfois que les profits en souffriront si les gouvernements ont des attentes à l'égard de l'extraction responsable. J'ai plutôt l'impression, moi, que l'extraction responsable peut en fait aider à accroître les profits.
Je le fais avec plaisir. Nous avons un peu exploré le sujet. Je n'ai pas de preuves directes à vous citer, mais je suis heureux de vous indiquer la bonne direction.
En effet, il vaut mieux en affaires procéder de manière responsable, nous en sommes convaincus. L'absence d'un engagement réel des parties concernées sur place peut compromettre les opérations, créer un risque d'exploitation pour les compagnies, voire forcer des fermetures. Dans la chaîne d'approvisionnement, l'implication possible d'organisations criminelles pourrait entraîner des obligations en droit et compromettre l'accès stratégique. En fait, la rentabilité est une affaire de long terme.
Bien sûr, à court terme, il peut être bon de couper les coins ronds. En contournant les lois ouvrières et en échappant au fisc, par exemple, on améliore son bilan immédiat, mais à la longue, ce n'est pas bon pour les affaires.
Merci. Je serai bref.
Ma question s'adresse à M. Pesce.
Je veux signaler que le conseiller en responsabilité sociale d'entreprise a relevé la difficulté particulière de surveiller la performance des petites sociétés minières à cet égard. Pouvez-vous nous exposer brièvement certains des problèmes qui sont en cause ici?
Je ne suis pas un expert des petites sociétés minières. En général, cependant, lorsqu'une société arrive dans un pays et s'en va sur le terrain, elle doit s'en remettre à l'information fournie par le gouvernement, qui laisse à désirer la plupart du temps. Elle suppose que les données qu'elle obtient et les conditions de prospection sont pour l'essentiel factuelles et concrètes.
En réalité, lorsqu'une société minière arrive dans n'importe quelle région, dans ma région de l'Amérique latine, elle est livrée à elle-même. L'absence de l'État est criante. Le soutien que le gouvernement peut apporter est très limité et les collectivités locales se méfient à l'extrême des projets de grande envergure.
Essentiellement, lorsqu'une petite société minière débarque quelque part, elle doit se débrouiller. Elle est en quelque sorte obligée de partir à zéro, en trouvant à qui s'adresser et comment s'y adresser. Elle ne peut pas se fier aux autorités locales, réputées très corrompues. Quant aux autorités nationales, on ne les juge pas assez compétentes pour être utiles. Voilà ce que je peux dire sur ce point en particulier.
Merci, monsieur le président, et merci à nos invités.
Nous nous efforçons ici, parmi d'autres préoccupations, de trouver un équilibre entre la règle de droit, les droits de la personne et le développement des ressources naturelles. On nous a souvent renvoyés à un rapport de la faculté de droit Osgoode Hall. Je ne sais pas si vous le connaissez, mais ce n'est pas nécessaire pour l'instant. Il met en lumière la violence et les conflits qui font rage en Amérique latine surtout et il décompose l'information à ce sujet. Sans surprise, ce sont des activistes locaux qui forment le gros des victimes.
En y jetant un coup d'oeil, j'ai été surpris de constater que les actes de violence perpétrés contre eux étaient très souvent le fait de la police et des travailleurs des mines. N'y a-t-il normalement qu'une seule face à ces conflits? Pourrions-nous voir les deux côtés de la médaille? Je vous prierais d'être brefs, j'ai encore d'autres questions. N'importe qui d'entre vous peut répondre.
Allez-y.
Je me suis entretenu avec des proches de victimes. Ce qui se passe dans ces pays-là, c'est qu'en vous éloignant de la capitale, vous entrez dans des territoires où il y a eu beaucoup de violence ou de guerre ouverte, comme dans le cas du Brésil, ou bien une absence générale de l'État central. L'État ne s'en mêle pas. La police non plus. L'armée non plus, sauf pour faire de la répression.
La norme, c'est que la police se présente lorsque les minières en ont besoin, mais non lorsque les citoyens ordinaires ont besoin que l'État se porte à leur défense.
Essentiellement, les collectivités touchées et les populations autochtones considèrent la police ou l'armée comme des sous-traitants des grandes exploitations. Elles ne font confiance à personne en uniforme. Il en va de même avec la criminalisation des manifestations. La norme, c'est qu'on s'en prend de façon très musclée aux défenseurs locaux des droits de la personne, aussi aux chefs syndicaux, certes pas en tout temps et en tout lieu, mais si souvent que la perception générale est que l'appareil judiciaire est compromis lui aussi et captif des intérêts commerciaux ou économiques.
Certainement.
Encore une fois, nous n'avons pas fait d'étude sur ce sujet en particulier. Mais évidemment, il y a toujours deux faces à une médaille. Ce ne sont pas des milieux faciles où travailler, comme l'a observé M. Pesce.
Aussi, les groupes communautaires ne sont pas homogènes, loin s'en faut, et leurs vues diffèrent radicalement. Par conséquent, obtenir un quelconque soutien de la collectivité ne veut pas dire nécessairement qu'on aura l'adhésion de tout le monde. Puis il faut toujours respecter, bien entendu, la liberté d'association et les droits de négociation collective.
Quoi qu'il en soit, la criminalité est très répandue dans beaucoup de ces endroits. Nous avons vu par exemple, dans un de nos rapports, des organisations criminelles faire pression sur des groupes afro-colombiens et autochtones pour qu'ils adhèrent à des causes et se joignent à des manifestations. Les raisons sont multiples et la situation est très complexe en effet.
Je pense que je n'ai plus de temps, mais je veux juste aborder un dernier point.
En septembre 2015, le Parti libéral écrivait une lettre au Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, où il disait: « Un gouvernement libéral créera un poste d'ombudsman indépendant qui conseillera les entreprises canadiennes, prendra en considération les plaintes faites contre elles et fera enquête lorsque ce sera jugé nécessaire. »
Pensez-vous que si les libéraux tenaient cet engagement, ce serait utile en matière de responsabilité sociale, ou bien sommes-nous assez avancés et cela n'est pas vraiment nécessaire? Je m'adresse surtout à M. Pesce.
Comme vous dites, les progrès sont là, mais il faut qu'ils servent dans la pratique. Nous avons pu constater sur le terrain, en ce qui concerne non seulement le Canada mais beaucoup d'autres pays, que les mécanismes de réclamation sont faibles pour les ouvriers des sociétés minières. Très souvent, ils n'existent pas dans la langue du pays et n'obéissent pas aux critères d'efficacité ou de qualité établis par le principe 31.
Donc, s'il existe des programmes applicables au Canada ou dans tout autre pays, ils restent largement inconnus. À titre d'exemple, je dispensais hier une formation à 75 dirigeants syndicaux latino-américains. Aucun d'eux n'avait jamais présenté la moindre réclamation à son employeur et la moitié travaillent pour des filiales de multinationales d'origines différentes. Ils n'avaient pas la moindre idée des meilleurs moyens de se faire entendre, pas même au siège social de leur compagnie. Ce sont pourtant des travailleurs affiliés à des syndicats puissants. Les choses se dégradent encore à mesure qu'on descend la chaîne d'approvisionnement et qu'on s'éloigne des capitales et des grands centres.
Tout ce qui peut renforcer la capacité des défenseurs des droits de la personne, y compris les dirigeants syndicaux, à recourir aux mécanismes mis en place à leur intention... Mais si on ne sait pas comment s'en servir, si on ne sait pas même qu'ils existent, naturellement les mécanismes échouent.
D'où cette idée répandue que les mécanismes sont mauvais parce qu'ils ne donnent pas le résultat espéré... Pas étonnant qu'on veuille les examiner de près. Tant qu'on ne les rendra pas accessibles et adaptés à leur objet qui est d'obtenir un recours, ils ne seront d'aucune utilité.
Merci beaucoup.
Sur ce, je remercie nos trois invités d'avoir témoigné devant notre sous-comité aujourd'hui. Ce fut très utile et nous sommes heureux que vous ayez pu vous joindre à nous par téléconférence depuis différents points du globe. Merci beaucoup.
Nous poursuivrons à huis clos, s'il vous plaît.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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