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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 avril 2017

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    La séance est ouverte. L’un des témoins a été retardé et nous l’attendons toujours. Nous devons régler quelques questions d’ordre administratif. Nous allons donc passer à huis clos quelques instants. Je demanderais à tous ceux qui ne sont pas autorisés à participer au huis clos de bien vouloir quitter la salle, s’il vous plaît.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
(1300)

(1320)
    [La séance publique reprend.]
    Bonjour. J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux témoins: Anwar Arkani, président, Rohingya Association of Canada; et Ahmed Ramadan, coordonnateur des relations avec les collectivités, Burma Task Force Canada. Je sais que vous avez été retardé, mais nous sommes heureux que vous ayez pu vous rendre.
    J’aimerais d’abord vous donner un peu de contexte. Les événements survenus au Myanmar et la souffrance des Rohingyas ont beaucoup préoccupé et troublé les membres du Sous-comité. D’ailleurs, nous avons publié un rapport en juin intitulé Voués à une lente disparition: le sort de la minorité au Myanmar. Puis, en novembre 2016, nous avons publié un communiqué conjoint exprimant notre inquiétude face à « […] la réaction impitoyable et disproportionnée des forces de sécurité aux violences dans le district de Maungdaw. »
    Nous sommes toujours très préoccupés par la souffrance des Rohingyas. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de tenir cette deuxième réunion d’urgence sur le sujet. Nous savons qu’il s’agit d’une situation très préoccupante, non seulement pour le Parlement du Canada, mais aussi pour d’autres pays, comme nous l’avons découvert dans le cadre de nos discussions avec nos collègues étrangers.
    Cela dit, vous disposerez tous les deux de cinq ou six minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres.
    Monsieur Ramadan, vous avez la parole.
(1325)
    Merci. Je suis désolé d’être en retard et vous remercie de votre compréhension.
    J’aimerais vraiment remercier le Sous-comité de nous avoir invités pour faire le point sur la crise entourant les Rohingyas.
    Comme vous l’avez souligné, mon nom est Ahmed Ramadan. Je suis le coordonnateur des relations avec les collectivités pour la Burma Task Force, l’un des principaux projets de la coalition Justice pour tous. Cette coalition est formée d’organisations qui souhaitent mettre fin à la persécution que subissent les Rohingyas, redonner aux Rohingyas leur citoyenneté et leur permettre de vivre en paix sur leurs terres ancestrales et poursuivre en justice les auteurs de cette persécution. Selon nous, l’impunité mène à davantage de violence.
    J’aimerais remercier le Sous-comité pour le rapport qu’il a remis à la Chambre des communes. Honnêtement, nous soutenons beaucoup de vos recommandations. Nous sommes très heureux de ce rapport. Il est extraordinaire. Bon nombre des termes utilisés dans ce rapport, comme « crimes contre l’humanité » et « nettoyage ethnique », sont maintenant largement utilisés par les Nations unies et d’autres organisations.
    J’aimerais attirer l’attention du Sous-comité au rapport éclair publié par l’ONU, le 3 février 2017. Je suis convaincu que vous en avez déjà pris connaissance. J’aimerais simplement souligner la brutalité dont il fait état: des villages entiers incendiés, des enfants et bébés égorgés et brûlés, des viols collectifs et des fosses communes, notamment.
    Ce rapport a provoqué une série d’événements. La rapporteuse spéciale, Yanghee Lee, à l’origine du rapport, a avancé qu’il pourrait y avoir des crimes contre l’humanité et un nettoyage ethnique. Selon elle, la politique du gouvernement semble viser l’expulsion des Rohingyas. Elle donne comme exemple le démantèlement de maisons et l’utilisation d’une enquête auprès des ménages où les absents peuvent être rayés de la liste; cette liste constitue l’unique preuve légale de leur statut. Mme Lee demande la création d’une commission d’enquête sur la discrimination structurelle et institutionnelle systémique des politiques, lois et pratiques, et sur la persécution de longue date contre les Rohingyas.
    L’ONU a mené une enquête, mais il ne s’agissait pas d’une commission d’enquête. Il s’agissait d’une enquête indépendante qui n’a pas le même pouvoir qu’une commission d’enquête. Cela a déçu la rapporteuse spéciale, mais, en même temps, la communauté internationale, toutes les ONG et tous les militants des droits de la personne étaient heureux que cette enquête indépendante ait eu lieu. Toutefois, ils craignaient que ce rapport ne se traduise pas en actions. Tous souhaitent que cette enquête mène à l’adoption de mesures concrètes.
    J’aimerais souligner quelques points concernant ce rapport et la réaction à celui-ci.
    Dans le cadre de la commission à laquelle il participe, Kofi Annan a demandé à Aung San Suu Kyi de permettre l’accès à l’aide humanitaire, de permettre l’accès aux médias dans les régions touchées, de continuer à chercher les responsables des violations présumées des droits de la personne, d’établir une voie claire vers l’obtention de la citoyenneté et de fermer tous les camps de personnes déplacées. Cette commission comporte toutefois quelques problèmes. Comme le souligne Yanghee Lee, cette commission n’a pas un mandat global, c’est-à-dire que son objectif n’est pas de faire enquête sur les cas de violation des droits de la personne. Cela mènera à l’impunité. La commission ne compte aucun représentant des Rohingyas. Deux des membres de la commission ont tenu des propos génocidaires à l’égard des Rohingyas, notamment Daw Saw Khin Tint, qualifié d’apologiste du génocide par le journal News Weekly.
    J’aimerais également souligner un point mineur au sujet du rapport du Sous-comité, une précision, en fait. Dans votre rapport, vous parlez de la violence entre les communautés musulmane et bouddhiste et dites que ce sont les bouddhistes qui influencent la politique du gouvernement. Or, en réalité, selon tous les rapports que nous avons consultés et étudiés, les personnes que nous avons interviewées et les autres membres de la communauté des Rohingyas et d’autres militants, c’est le gouvernement qui encourage l’extrémisme des bouddhistes. Il s’agit donc d’une agression sanctionnée par l’État contre les Rohingyas. Les autorités se servent des sentiments de la majorité bouddhiste, et ceux des extrémistes au sein de cette majorité, pour atteindre leur objectif. Je tenais à le souligner, car il est important de comprendre que ce comportement est institutionnalisé au sein du gouvernement du Myanmar, lui qui nie catégoriquement l’existence des Rohingyas. Pourtant, les politiques du gouvernement sont corrélationnelles aux agressions que j’ai soulignées.
    J’aimerais discuter brièvement d’Aung San Suu Kyi. Le gouvernement d’Aung San Suu Kyi réagit de façon grossière en imposant des interdictions: il censure la presse indépendante du pays et interdit l’entrée au pays aux militants des droits de la personne. Au début de 2016, elle a demandé aux gouvernements étrangers de ne pas utiliser le terme « Rohingya » et, dans ses déclarations publiques, son gouvernement continue à la fois de diaboliser les Rohingyas et de nier leur existence. Ni elle ni le président n’ont pris la peine de visiter l’État de Rakhine au cours de la crise qui sévit.
(1330)
    Un rapport publié au sujet de la gouverne d’Aung San Suu Kyi dit ceci:
Au bout du compte, Aung San Suu Kyi, chef de facto du pays, doit être tenu responsable des atrocités perpétrées contre les Rohingyas. La preuve d’un génocide est maintenant irréfutable. Les Rohingyas ont besoin de l’appui de militants farouches — le monde doit comprendre que la persécution qu’ils subissent est génocidaire et que seule une pression énorme sur le gouvernement du Myanmar pourrait mettre fin à cette dévastation.
    Ce rapport a été rédigé par l’International State Crime Initiative de l’Université Queen Mary, à Londres. Ce sont les conclusions de cette initiative.
    Même si j’ai encore beaucoup de choses à dire, je vais m’arrêter ici afin de laisser suffisamment de temps pour les questions des membres. Je vais maintenant céder la parole à Anwar, s’il souhaite ajouter quelque chose.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Arkani, vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    J’aimerais remercier le Comité de nous donner l’occasion de faire le point sur la situation actuelle. Je suis Rohingya et, même si j’ai encore des frères et soeurs en vie, j’ai perdu près de 60 neveux et nièces. Comme l’a déjà dit un membre de ma famille éloignée, 2012 a été une année de « massacre actif », ou, à mon avis, « un génocide actif ».
    Ma mère a survécu à un grand massacre commis en 1942 à l’époque où la Birmanie était encore une colonie britannique. La moitié de la population des Rohingyas avait alors été massacrée. Mon père a été arrêté par le gouvernement et tué en prison, en 1978, lors d’un afflux de réfugiés en provenance du Bangladesh. J’étais en 4e année, à l’époque.
    J’ai lu le rapport du sous-comité. Je suis heureux de voir que mon député, M. Tabbara, est ici. Nous vivons très près l’un de l’autre.
    J’ai examiné la recherche du sous-comité et j’ai été très impressionné, même si celle-ci n’est pas tout à fait complète. En tant que Rohingya de souche, je peux vous dire que le reste du monde ignore beaucoup de choses de cette crise.
    Avant de parler de la situation actuelle, j’aimerais souligner qu’en 2006 et 2007, j’ai aidé à secourir des réfugiés de la mer. C’était à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, dans la ville de Mae Sot. J’ai vécu dans cette ville pendant environ deux ans et secouru beaucoup de réfugiés bloqués à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie et exploités par les autorités birmanes et thaïlandaises. L’ambassade canadienne, à Bangkok, était au courant de la situation. J’étais le premier à secourir des réfugiés de la mer, peu importe qui ils étaient. Depuis, le gouvernement de la Thaïlande empêche ce genre d’activité.
    La raison pour laquelle je souligne ces événements, c’est que le gouvernement birman a élaboré de nombreux plans systémiques, j’ignore combien de tonnes de plans pour éradiquer la communauté des Rohingyas du territoire birman. Il est prêt à tout pour y arriver: il intimide et tue; il place les gens en état d’arrestation et les fait disparaître; il fait assassiner les gens devant les autres villageois. Ces événements sont largement rapportés dans Internet et divers médias. Chaque jour, le gouvernement birman élabore des plans cachés pour tuer les Rohingyas et les faire disparaître. La seule façon de survivre, c’est de quitter le pays.
    Malheureusement, même si elle a sévèrement dénoncé cette violence, la communauté internationale n’a rien fait de concret sur le terrain. Les assassinats se poursuivent. Les gens continuent de disparaître; les femmes continuent de se faire violer; les Rohingyas se font prendre leurs terres et sont brûlés vifs dans leurs maisons.
    Je pourrais vous donner mon cellulaire à titre de preuve. Tous les jours, je reçois des appels, parfois à 2, 3 ou 4 heures du matin. Mon téléphone sonne constamment. Lorsque je n’en peux plus, je mets fin à la conversation. Ce n’est pas de leur faute. Ils cherchent seulement à avoir des conseils, car ils ne savent pas quoi faire: « Ils sont ici. Ils ont pris ma petite soeur. Ils ont massacré… Ils ont égorgé mon père et tué mon grand frère. Que dois-je faire? »
(1335)
    « Pouvez-vous parler à votre gouvernement ou aux gens que vous connaissez dans le monde et qui ont le pouvoir de prévenir ces gestes? » C’est le genre d’appels que je reçois, jour et nuit.
    Sincèrement, j’aimerais m’arrêter ici. C’est ainsi que se passe ma vie.
    Je suis très reconnaissant envers le Canada de m’avoir accueilli. Je suis arrivé ici de la Thaïlande en tant que réfugié. Avant d’arriver au Canada, je n’étais pas considéré comme un humain. Ma naissance était un crime. Je n’étais pas voulu. Je suis devenu humain en 1998 lorsque j’ai atterri à l’aéroport de Toronto.
    J’aimerais m’arrêter ici. Merci beaucoup de votre temps.
    Merci beaucoup à vous deux de nous avoir partagé vos expériences, surtout à vous, monsieur Arkani, pour votre dernier commentaire. Vous êtes le bienvenu au Canada. Nous sommes honorés de vous accueillir comme témoins pour discuter de ce sujet important et nécessaire, soit le traitement réservé aux Rohingyas au Myanmar.
    Cela dit, nous allons passer aux questions des membres. Nous aurons probablement juste assez de temps pour une série de questions.
    Monsieur Anderson, voulez-vous commencer?
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
    J’aimerais savoir ce que vous attendez du gouvernement du Canada. Le gouvernement canadien a investi dans le développement du Myanmar. Je sais que le Haut-commissariat du Canada au Bangladesh a rencontré des Rohingyas dans des camps enregistrés et non enregistrés, en compagnie du haut-commissariat des États-Unis et du haut-commissariat de l’Australie au Bangladesh. Cependant, le gouvernement ne nous a rien dit sur cette visite. Si je ne m’abuse, la seule fois qu’il a abordé le sujet au cours des derniers mois, c’est en réponse à une question posée lors de la période des questions à la Chambre des communes.
    Qu’attendez-vous du gouvernement dans ce dossier? Vous attendez-vous à ce qu’il en fasse plus que ce qu’il n’a fait jusqu’à maintenant?
    Merci pour cette question. C’est une question importante.
    L’ancien ministre des Affaires étrangères, l’honorable Stéphane Dion, a émis des gazouillis soulignant ses inquiétudes concernant les Rohingyas.
    J’aurais quelques suggestions à faire au gouvernement qui, je crois, pourraient être utiles. Par exemple, comme le souligne l’ANASE:
L’ANASE et le Canada se sont engagés à relever des défis traditionnels et non traditionnels, à faire respecter le droit international et à assurer la paix et la sécurité dans la région.
    Le moment serait bien choisi pour le gouvernement d’insister auprès de ses partenaires pour qu’ils ne mâchent pas leurs mots quant aux souffrances qu’endurent les Rohingyas.
    L’un des problèmes, c’est que, lors de la réunion du Conseil de sécurité, de nombreux pays dans la région ont refusé de soutenir des mandats concernant le pays. Pendant que d’autres pays, comme l’Irlande, l’Espagne et la France, par exemple, exprimaient haut et fort leurs inquiétudes et leurs souhaits par rapport au Myanmar, les pays de la région qui pourraient avoir plus d’influence sur la situation ont hésité à se prononcer.
    Plus particulièrement, la Chine et la Russie, en appui à la Chine, sont deux des pays qui se sont opposés à la tenue d’une enquête indépendante. Selon ce que j’ai pu constater, le Canada entretient de bonnes relations avec la Chine et d’excellentes relations avec l’ASANE. Il doit utiliser cet avantage. C’est la première chose.
    Ensuite, le gouvernement canadien doit être plus vocal sur la scène mondiale. De nombreux pays se sont prononcés sur la situation. J’épluche les nouvelles pour voir ce que dit le Canada dans ce dossier, mais je n’ai encore rien trouvé. Des incidents moins importants ailleurs dans le monde… Évidemment, toute forme de violence est triste et horrible et nous condamnons tous actes de violence. Cependant, cette situation est dramatique et, outre les gazouillis de l’ancien ministre, le Canada est resté très silencieux.
    L’ambassadrice du Canada au Myanmar, Karen MacArthur, n’a rien dit sur le sujet. L’ambassadrice précédente a fait plusieurs visites, mais nous n’avons encore rien entendu de la nouvelle ambassadrice. Je lui ai envoyé quelques courriels, mais je n’ai reçu aucune réponse de l’ambassade. L’ambassade aussi doit être plus vocale.
(1340)
    Je vais devoir vous arrêter. S'il vous reste un point important à faire, faites-le, je vous en prie.
    D'accord.
    L'International Crisis Group attribue les attentats d'octobre et de novembre à un groupe bien organisé, doté de moyens financiers, et mené par des Rohingyas qui vivaient en Arabie saoudite. Ils y ont été formés, y ont reçu des appuis financiers, et sont ensuite revenus. C'étaient eux les responsables de ces premiers attentats.
    Connaissez-vous le groupe? Acceptez-vous cette interprétation des faits?
    Si vous le connaissez, pouvez-vous alors fournir à notre sous-comité des renseignements sur le soutien dont jouit le groupe dans cette région, surtout puisque l'armée a, comme nous le croyons tous, réagi de façon beaucoup trop musclée à la situation? Ce groupe bénéficie-t-il d'un soutien au sein de la communauté? Le groupe a-t-il beaucoup d'appuis financiers, ou est-il perçu comme des étrangers qui devraient être rejetés et expulsés de la région?
    Je sais qu'Anwar a également son avis là-dessus, mais je vais vous dire que d'après nos recherches, ce groupe ne bénéficie pas d'un financement de l'extérieur. Voilà ma première observation. Deuxièmement, notre organisation rejette tout recours à la violence. Nous soutenons les luttes pacifiques, et c'est la raison pour laquelle la Burma Task Force Canada épouse cette cause, parce que c'est la seule minorité pacifique qui se fait persécuter en Birmanie. Voilà notre position vis-à-vis de la situation.
    Toutefois, il semble maintenant bel et bien y avoir un groupe. Nous ne sommes pas convaincus qu'il représente véritablement les Rohingyas. Nous avons entendu que les autres Rohingyas ont peur de ce groupe. Les gens disent que ce ne sont pas de vrais Rohingyas, mais tout simplement un groupe qui a été constitué afin de les représenter, sans être véritablement des Rohingyas.
    Quant au soutien venant de l'extérieur, je n'en ai vu aucune preuve jusqu'à présent, mais le groupe a fait une déclaration l'autre jour indiquant qu'il voudrait qu'il y ait des Casques bleus sur place et qu'ils n'essaient pas de blesser les civils, et ainsi de suite. Quoi qu'il en soit, nous rejetons toute forme de violence. Nous épousons une cause non violente.
    Pouvez-vous nous parler un peu de la mentalité des gens? Nous avons vu les attentats et les représailles. Nous avons vu les villages rasés. Y a-t-il une radicalisation accrue, ou les gens ont-ils été écrasés pendant tellement longtemps que ce n'est qu'une vague de répression de plus? Comment les gens réagissent-ils?
    Nous avons consulté des Rohingyas et des organisations de défense des droits de la personne de partout au monde. Tous les Rohingyas avec lesquels nous avons parlé nous ont dit qu'ils ne sont pas d'accord avec la constitution de ce groupe, ses objectifs et sa façon de procéder. Néanmoins, il serait naïf de penser qu'après autant de temps, il n'y aurait pas la moindre chance que les gens commencent, je ne sais pas si on devrait parler de radicalisation, mais commencent à songer à se défendre d'une façon avec laquelle nous ne serions pas forcément d'accord. Je sais que pour l'instant, en règle générale, la communauté a peur de ce groupe et craint que les gens de l'extérieur qui oeuvrent pour aider les Rohingyas ne les soutiennent pas du tout.
    Monsieur Arkani, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. L'histoire et les annales le confirment, nous sommes le seul grand groupe ethnique de Birmanie qui n'ait pas pris les armes pour se battre contre le gouvernement. C'est absolument vrai et c'est attesté. Nous sommes les seuls. Tous les autres groupes, les Môns, les Kachins, les Chans, les Chins et les Rakhines, ont des groupes armés qui se battent contre le gouvernement.
    À mon avis, c'est une pure fiction. Je n'ai pas les moyens de le prouver, mais ces gens-là ne peuvent pas non plus prouver qu'ils sont des Rohingyas. Disons que des gens s'organisent tout d'un coup. D'autres n'étaient pas organisés, mais ils se sont fâchés du fait d'avoir été écrasés pendant tant d'années, et se sont livrés à des représailles. Pourquoi n'y a-t-il pas de prochaine fois? Il n'y a pas eu de deuxième, de troisième ni de quatrième fois, rien du tout.
    Des centaines de milliers de femmes ont été violées en public. Les agresseurs ont entouré le village et ont fait sortir tous les gens. Les gens devaient enlever leurs vêtements et ont été obligés de prier nus. Les agresseurs ont violé les femmes devant leur mari, leurs fils, leurs filles; ils ont violé les filles devant leur père. Le HCR est au courant, tout comme le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, Human Rights Watch et Amnistie internationale. Des membres de ma famille ont été violés et tués, dont ma soeur.
    Pourquoi n'y a-t-il aucune protection? Nous savons qu'ils sont en train de tuer des gens là-bas. Allons les protéger. Les gens vont mourir. Pourquoi n'y a-t-il aucune protection? C'est le silence radio pendant un mois et demi, 20 jours, 12 jours ou encore 15, et lorsqu'on commence à mettre de la pression, lorsque la communauté internationale en parle, tout d'un coup il y a un entretien publié dans le Dhaka Tribune. Le gouvernement dit: « Oui, telle chose s'est passée, et telle chose également », et ensuite on ne dit plus rien. Quinze jours plus tard, il y a un autre entretien publié dans le Bangkok Post ou dans un autre grand titre. C'est un plan systématique et c'est l'oeuvre du gouvernement birman. J'en ai la preuve.
    Malheureusement, j'ai vu une annonce que le gouvernement birman a affichée sur son site Web indiquant qu'une formation en bengali a été offerte le 9 janvier 2017 dans la prison Sittwe, soit dans la capitale de l'État de Rakhine.
    S'ils ne nous aiment pas, s'ils ne veulent même pas entendre notre nom, pourquoi forment-ils certains de leurs citoyens pour parler notre langue s'ils n'ont pas d'intentions cachées?
(1345)
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Khalid.
    Monsieur le président, merci. Je tiens à remercier nos invités de leurs témoignages convaincants.
    Comme vous le savez, notre comité s'intéresse vivement à cette question.
    Monsieur Ramadan, vous avez apporté une clarification quant au rapport du Sous-comité qui porte sur la nature du conflit. Vous avez fait remarquer que le conflit n'était pas entre les bouddhistes et les Rohingyas, mais que c'était un conflit plus institutionnalisé orchestré par le gouvernement. Nous savons que le Myanmar est une démocratie toute jeune qui tente encore de se stabiliser. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la nature de la démocratie dans ce pays et de la participation des forces militaires. Jouent-elles un rôle quant à la situation désolante des Rohingyas?
    Merci. C'est une question extrêmement importante.
    À quel point une élection peut-elle être équitable et inclusive si une communauté indigène entière représentant plus d'un million de personnes n'a pas le droit de voter, et ce, en dépit du fait que les Rohingyas ont voté dans chacune des élections précédentes du pays? Comment un pays peut-il être démocratique s'il a une constitution qui réserve 25 % des sièges au Parlement ainsi que des postes clés dans le cabinet aux représentants militaires, conférant ainsi à l'armée un pouvoir de veto à l'égard des amendements constitutionnels?
    Voici un extrait d'un entretien avec Alexander Lambsdorff, chef de la mission d'observation des élections de l'Union européenne:
Les résultats du scrutin ne peuvent pas être considérés réellement démocratiques, puisque 25 % des sièges n'ont pas été contestés. Il s'est dit préoccupé du fait que les Rohingyas, qui sont musulmans, étaient largement absents des listes électorales ainsi que des listes de candidats... [ce qui montre bien] comment ils sont privés de leurs droits.
    De plus, Mary Robinson, l'ancienne présidente d'Irlande, a déclaré qu'à son avis, les élections n'étaient pas « libres et justes ». Mme Robinson représentait le Centre Carter en sa qualité d'observatrice des élections. Elle a dit notamment:
Et de toute façon, je n'aurais pas tendance à utiliser ce terme lorsque on a 25 % des sièges aux deux chambres (du Parlement) qui sont réservés aux militaires, des problèmes avec la constitution, et l'exclusion de gens du fait qu'ils sont musulmans ou rohingyas.
    Je vous ai lu ces extraits et posé ces questions pour vous dire que oui, effectivement, les choses vont dans la bonne direction, mais de là à affirmer que ce pays est démocratique... Notre gouvernement, à la suite du rapport déposé à la Chambre des communes, n'a fait que répéter et répéter que c'est une démocratie. Le gouvernement est satisfait. En réalité, il faut prendre cela avec un énorme grain de sel. Même Aung San Suu Kyi a été décrite comme étant une dirigeante autoritaire. Elle a été très autoritaire dans sa façon de traiter ses collègues et ses subordonnés.
    Il faut donc avoir une attitude plus sceptique. Ce n'est pas parce que nous voulons le croire que c'est une démocratie. Il faut faire preuve de plus de circonspection.
(1350)
    Merci.
    Je crois que mon collègue a une question, lui aussi.
    Je vous remercie, notamment pour vos efforts infatigables sur ce dossier si important.
    Je crois que l'on pourrait affirmer à juste titre que ce qui se passe avec les Rohingyas au Myanmar est indescriptible. Il est très difficile d'exprimer ce qui a lieu. Nous pouvons lire des rapports, recueillir des témoignages et nous faire une certaine idée dans nos têtes, même si c'est très pénible, mais le sort des Rohingyas va au-delà de toute description.
    Cela dit, je vous demanderais de nous parler de certaines des idées proposées par le rapporteur spécial au Myanmar, Mme Lee. Elle a indiqué qu'une commission d'enquête s'impose en raison de la situation des droits de la personne. Bien évidemment, une telle mesure aurait du mordant. Elle ne permettrait pas de trouver une solution, mais ce serait un pas dans la bonne direction. Or, Aung San Suu Kyi a résisté, en indiquant que cela ne ferait qu'aggraver les conditions sur le terrain et qu'une telle démarche bouleverserait l'équilibre précaire qui existe actuellement en envenimant une situation qui est déjà gravissime. Qu'en pensez-vous?
    De plus, je crois que l'Union européenne a dit quelque chose de très semblable. Elle s'inquiète du fait que s'il y avait effectivement une commission d'enquête, cela ne ferait qu'aggraver la situation en attisant les tensions nationalistes et les exactions militaires, notamment.
    Je vous remercie de la question.
    Je ne crois pas que nous pourrons véritablement avancer si nous sommes obligés d'agir d'une façon qui apaise l'armée et la grande majorité bouddhiste, en faisant ce qu'elles veulent et en bafouant les droits des minorités, mais il ne serait pas raisonnable non plus de les laisser forcer la main de l'ONU ou de la communauté internationale. L'UE a effectivement adopté une résolution prévoyant une enquête indépendante qui se déroule actuellement. Comme vous l'avez dit, le Myanmar s'y est opposé.
    Ce qui est ironique, c'est que le gouvernement continue à nier et à minimiser les faits. Les représentants continuent de dire: « Pourquoi vous ne venez-vous pas voir par vous-même? Les rapports ne décrivent pas ce qui se passe réellement sur le terrain. » Nous leur disons donc: « D'accord, menons une enquête indépendante », mais le gouvernement s'y oppose.
    Que cherche-t-il à cacher? C'est évident. Les rapports viennent étayer ce que la communauté internationale... Human Rights Watch a utilisé des images satellites afin de montrer comment les forces militaires avançaient et incendiaient des villages entiers, comme cela a été fait récemment en novembre 2016.
    Yanghee Lee n'a pas mâché ses mots. Elle a voulu transmettre ces images à la commission d'enquête. Elle n'a pas eu gain de cause et a été déçue. Elle était frustrée du fait qu'il y avait de la résistance même à ce genre d'image, quelque chose d'aussi clair. Il y a eu un résultat positif: l'enquête indépendante. Il revient maintenant au Myanmar de l'accepter et au reste du monde d'exercer des pressions dans ce sens.
    Voulez-vous ajouter quelque chose?
    Le mot « démocratie » existe, je le crois, uniquement pour les partisans du gouvernement et les bouddhistes racistes. Il y a de bons bouddhistes et de bons Birmans; il y a également de bons Rakhines qui sont bouddhistes, mais la démocratie ne s'applique pas à eux. La démocratie ne s'applique pas non plus aux Môns, aux Chans, aux Kachins ou aux Karens, qui se font tuer tous les jours. D'autres minorités sont massacrées le long de la frontière avec la Chine et la Thaïlande. La démocratie n'aide aucunement ces gens. Même les bouddhistes se font épingler immédiatement s'ils osent prononcer un mot contre le gouvernement. Si on lève le doigt contre les multinationales chinoises, on risque de se le faire couper.
    Comment pouvons-nous parler de démocratisation à ce moment-là? Je sais qu'il faut du temps pour stabiliser une situation. Je comprends beaucoup de choses, mais j'aimerais faire une autre observation.
    Je comprends beaucoup des facteurs: les troupes birmanes ne sont pas formées, la police non plus, surtout face à ce genre de situation. Ce serait une mobilisation de masse et les forces de l'ordre ne seraient pas en mesure d'imposer la discipline. C'est tout à fait faux. En 1988, il y a eu des manifestations antigouvernementales à l'échelle du pays. La police, l'armée, la marine, l'infanterie, les enseignants, les citoyens ordinaires: tout le monde y a participé. Le mouvement a été étouffé dans 15 jours, c'est-à-dire deux semaines.
    En 2007, la révolution safran a commencé le même jour que je suis rentré au Canada, alors que j'aidais les réfugiés. Cette révolution a été étouffée dans une semaine. Le tout dépend de la volonté des dirigeants et de ce qu'ils sont prêts à faire. C'est un excellent prétexte pour montrer les nationalistes du doigt ou susciter la peur. Les dirigeants veulent s'ériger en sauveteurs du pays.
(1355)
    Merci.
    Monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de s'être exprimés aujourd'hui au nom du peuple rohingya.
    Je sais que le temps file, et je vais poser une toute petite question.
    Je ne comprends pas pourquoi, en dépit du travail de notre comité et du leadership de certains députés, le gouvernement canadien n'est toujours pas prêt à faire des déclarations franches et directes concernant la situation du peuple rohingya.
    Pensez-vous que des déclarations plus directes et des pressions diplomatiques de la part du gouvernement canadien pourraient aider à mettre un terme aux violences dirigées contre les Rohingyas et à faire reconnaître les droits de cette communauté en Birmanie?
    Absolument. Je crois que le Canada devrait jouer un rôle plus grand et plus visible. Le Canada est probablement le pays le plus apte à le faire vu son engagement envers les droits de la personne et sa réputation à l'échelle internationale. Les autres pays ont beaucoup de respect pour le Canada, et ils seront plus portés à écouter lorsque c'est le Canada qui parle.
    À mon avis, c'est une occasion pour nous de nous lever et de montrer au monde nos valeurs afin de défendre les droits d'une minorité et d'un peuple persécuté. Je suis tout à fait d'accord que nous devrions être plus présents, à la fois sur la tribune publique et au sein des institutions, comme l'ONU et d'autres.
    J'aimerais répondre à la question qui a été posée sur la commission d'enquête. Il y a également le haut-commissaire aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al-Hussein, qui a indiqué que le traitement des Rohingyas mérite de faire l'objet d'une commission d'enquête de l'ONU ainsi que d'un examen par la Cour pénale internationale.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, avant que la séance ne soit levée, j'aimerais demander deux choses.
    Tout d'abord, j'aimerais faire une demande de documents à M. Benoît-Pierre Laramée. Il paraît qu'il a rencontré un groupe de Rohingyas au Bangladesh. La greffière pourrait-elle lui écrire afin de lui demander de soumettre ses observations au Comité? Il n'est pas forcément nécessaire de le convoquer à titre de témoin, mais il a pu s'entretenir avec des Rohingyas qui se sont échappés. Je crois que cela nous serait utile.
    Deuxièmement, j'aimerais vous parler d'une préoccupation qu'ont soulevée nos témoins. Il s'agit du ICG. Je sais que ce groupe fait un excellent travail et s'avère fiable dans la plupart des cas. J'ai consulté leur site Web pour lire le rapport sur le groupe d'insurgés musulmans, et on y indique que son enquêteur avait trouvé un vidéo-clip sur de riches émigrés de l'Arabie saoudite qui semble être crédible. Cela m'inquiète. Le site indique qu'il existe des preuves convaincantes, mais rien n'y est affiché.
    Je propose que nous faisions de la recherche afin de mieux comprendre ce témoignage. Nous avons d'autres sources d'information qui indiquent qu'il y a collaboration entre des Bangladais et certains Rohingyas à l'échelle locale face aux violences dirigées contre eux.
    Merci.
    Cela m'intéresse, moi aussi. Nous ferons un suivi.
    J'aimerais remercier les deux témoins d'être venus aujourd'hui et de nous avoir parlé avec autant de sincérité. Comme je l'ai dit au début de la réunion, le sous-comité a à coeur ce dossier. J'en ai parlé avec d'autres parlementaires de tous les partis qui ne sont pas présents aujourd'hui et je peux vous affirmer que nous continuerons à travailler là-dessus et à revendiquer les droits des Rohingyas au Myanmar.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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