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Merci, monsieur le président.
Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Robert McDougall. Je suis actuellement responsable de la Division de l'Asie du Sud à Affaires mondiales Canada, et je livrerai un exposé au nom de mon ministère.
[Français]
Mon collègue David Drake, qui est directeur général du contre-terrorisme, du crime et du renseignement, est également présent. Il pourra répondre à vos questions sur l'engagement multilatéral du Canada et le cadre normatif international concernant la traite des personnes.
[Traduction]
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui au sujet de la nouvelle étude du Comité, qui porte sur la traite de personnes en Inde, en accordant une attention particulière à la traite à des fins d'exploitation sexuelle.
Enjeu d'importance mondiale, la traite de personnes est un crime et une grave violation des droits de la personne qui touche de façon disproportionnée les femmes et les filles. On estime qu'à l'échelle mondiale, le nombre de victimes de la traite de personnes est de 21 millions de personnes, selon l'Organisation internationale du travail, et de 45 millions de personnes, selon l'Indice mondial de l'esclavage. Le nombre réel est difficile à cerner avec précision, car ce crime est souvent mal compris par le grand public, les organismes d'application de la loi, les procureurs et les juges.
[Français]
À cause de cette incompréhension, les victimes peuvent être perçues comme des criminels et être poursuivies pour avoir commis un crime plutôt que d'obtenir l'aide dont elles ont besoin. L'identification des victimes est également un défi de taille. En effet, la traite des personnes est un crime en grande partie caché. En outre, les victimes ont souvent peur ou sont incapables de dire ce qui leur arrive aux autorités ou à d'autres premiers intervenants.
[Traduction]
Cette estimation à l'échelle mondiale est renforcée, dans le cas de l'Inde, par les normes sociales conservatrices présentes dans de nombreuses régions du pays en ce qui concerne notamment le traitement des femmes et des filles.
En 2016, le ministère des Femmes et du Développement de l'enfant de l'Inde a signalé que près de 20 000 femmes et enfants ont été victimes de la traite de personnes en Inde, une augmentation de 25 % par rapport à 2015. Le plus grand nombre de victimes répertoriées provenait de l'État du Bengale occidental, dans l'est du pays. Les spécialistes de l'extérieur estiment que le nombre de femmes et d'enfants victimes de la traite de personnes en Inde se chiffre dans les millions. L'Inde est un pays d'origine et un pays de destination et de transit pour des hommes, des femmes et des enfants soumis à la traite à des fins d'exploitation sexuelle et de travail forcé. Le travail forcé représente le problème de traite le plus important de l'Inde.
[Français]
La majorité de la traite en Inde se déroule à l'intérieur des frontières du pays. Les membres des groupes les plus défavorisés de la société, comme les dalits de basse caste, les membres des collectivités autochtones, les minorités religieuses ainsi que les femmes et les filles appartenant à des groupes exclus, sont les plus vulnérables.
[Traduction]
L'Inde est aussi un pays de destination. En effet, on signale que des victimes proviennent de plusieurs pays voisins. Par exemple, des migrants du Bangladesh ont été soumis au travail forcé en Inde à la suite d'offres d'emploi frauduleuses et de servitude pour dettes. Les femmes et les filles népalaises, bangladaises et afghanes sont également victimes de la traite à des fins de travail forcé et d'exploitation sexuelle dans les grandes villes indiennes.
Enfin, l'Inde est également un pays de transit. Selon des sources ouvertes, à la suite des tremblements de terre qui ont touché le Népal en avril 2015, les femmes népalaises qui transitaient par l'Inde ont de plus en plus été soumises à la traite de personnes à destination du Moyen-Orient et de l'Afrique.
[Français]
Le ministère de l'Intérieur de l'Inde a révisé sa stratégie qui oriente les unités de lutte contre la traite de personnes afin d'assurer un repérage plus efficace des cas de trafic, de mener des enquêtes et de travailler en coordination avec les autres organismes pour diriger les victimes vers des services de réinsertion sociale. Les gouvernements de plusieurs États ont créé ou réactivé leurs propres unités, bien que la majorité des districts demeurent sans ce type d'unités.
[Traduction]
De plus, ces dernières années, l'Inde a amélioré ses activités de collecte de données sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les cas de traite. Par contre, bien que le gouvernement ait fait enquête sur certains cas de complicité officielle et ait intenté des poursuites à cet égard, des analyses indépendantes laissent croire que la complicité officielle demeure répandue.
Le gouvernement de l'Inde continue de financer des refuges et des services de réinsertion sociale pour les femmes et les enfants dans l'ensemble du pays et a émis des directives supplémentaires aux États pour trouver et secourir les enfants disparus; certains peuvent être des victimes de la traite.
Afin de lutter contre la traite de personnes à l'échelle mondiale, le Canada a été l'un des premiers pays à adopter la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, à réprimer et à punir la traite de personnes, en particulier des femmes et des enfants, car il a ratifié la Convention et le Protocole en mai 2002. J'aimerais souligner que l'Inde a ratifié ces deux documents en mai 2011.
En vertu du Protocole, les États parties sont invités à mettre en oeuvre une approche de type 3P, c'est-à-dire la prévention, les poursuites et la protection. Le Canada a ajouté un quatrième « P » à ses efforts: le partenariat. La traite de personnes est un problème mondial contre lequel il faut lutter au moyen de partenariats axés sur la collaboration dans toutes les régions.
[Français]
À l'heure actuelle, au moyen du Programme d'aide au renforcement des capacités de lutte contre la criminalité d'Affaires mondiales Canada, le Canada soutient les travaux des organisations internationales qui luttent contre la traite des personnes en exécutant trois projets dans les Caraïbes et en Amérique latine. La somme investie dans ces projets atteint 2,1 millions de dollars.
La complexité de ce crime exige une intervention multidisciplinaire axée sur la collaboration qui englobe des mesures législatives, de la programmation et de l'élaboration des politiques.
[Traduction]
Ce crime touche les femmes et les filles de façon disproportionnée. Pour les jeunes filles, la traite à des fins d'exploitation sexuelle peut avoir des conséquences particulièrement graves, notamment en les empêchant de fréquenter l'école, en augmentant les risques de mariage précoce et forcé et de grossesse précoce et en les exposant davantage au VIH et à d'autres infections sexuellement transmissibles.
La promotion de l'égalité entre les sexes et des droits et du renforcement socioéconomique des femmes et des filles occupe une place centrale dans le programme canadien d'aide internationale. Le Canada s'est engagé à collaborer avec des partenaires mondiaux pour s'assurer que ces principes orientent nos efforts dans la lutte contre la traite de personnes.
[Français]
Le Canada n'a plus de programme bilatéral d'aide au développement en Inde. Celui-ci a pris fin en 2009 à la demande du gouvernement de l'Inde. Cependant, le Canada fournit une aide au développement au moyen de partenariats entre organisations non gouvernementales indiennes et canadiennes et de programmes multilatéraux.
Par l'intermédiaire du Secteur des partenariats pour l'innovation dans le développement, le Canada a investi 2,1 millions de dollars en 2015-2016 pour appuyer 15 projets en Inde.
[Traduction]
Parmi les principaux secteurs de programmation, mentionnons la recherche novatrice sur la sécurité alimentaire, l'amélioration de la santé des enfants, le développement communautaire intégré et l'avancement de la gouvernance et des droits de la personne, en mettant l'accent sur l'égalité entre les sexes.
Les projets de partenariat en Inde visent plusieurs objectifs.
Tout d'abord, ils visent à réduire la violence faite aux femmes. Le projet d'Oxfam Canada consistant à établir un environnement favorable pour lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles exécute des interventions officielles et non officielles qui visent à lutter contre la violence conjugale et les mariages précoces et forcés, ainsi qu'à renforcer les services de soutien aux survivantes.
Deuxièmement, ils visent à trouver des solutions novatrices aux problèmes de nutrition et de conservation des aliments.
Troisièmement, ils visent à mettre à l'essai des solutions novatrices aux problèmes de santé, notamment en mettant au point des outils pour faciliter le diagnostic, en mettant de l'avant des solutions de santé abordables et en faisant la promotion des soins en matière de santé mentale.
Quatrièmement, ils visent à appuyer la santé communautaire, l'éducation et la croissance économique par des moyens tels que des examens de la vue offerts gratuitement aux enfants.
Cinquièmement, ils visent à créer des collectivités autosuffisantes qui ont des normes satisfaisantes en matière d'éducation, de santé, d'hygiène, de sécurité alimentaire, de création de revenus, de droits des femmes, de durabilité environnementale et de stabilité politique.
Le Canada continue de contribuer indirectement à la production de résultats sur le plan du développement en Inde grâce au financement de base qu'il accorde à des organisations multilatérales et mondiales comme la Banque mondiale, les organismes des Nations unies et la Banque asiatique de développement. Au cours de l'exercice financier 2015-2016, Affaires mondiales Canada a versé environ 32 millions de dollars à l'Inde par l'entremise d'un soutien institutionnel à long terme aux organisations internationales.
[Français]
Le Centre de recherches pour le développement international, ou CRDI, a également une présence active en Inde. Il appuie divers projets de recherche qui portent sur la réduction de la violence faite aux femmes et la promotion de l'égalité entre les sexes.
Les projets ont traité de questions telles que la violence et le harcèlement sexuel au travail, les procédures policières utilisées avec les victimes de viol et de violence sexuelle et les enfants victimes d'abus sexuel.
D'autres ont porté sur l'interaction entre la croissance économique et les perspectives économiques des femmes, ainsi que sur l'économie domestique non rémunérée et son incidence sur le renforcement socioéconomique des femmes.
La recherche permet de combler les lacunes dans les connaissances, d'éclairer les discussions et d'évaluer les programmes et les politiques dans le but d'amener des changements en profondeur.
[Traduction]
En passant, d'après ce que je comprends, les intervenants du CRDI ont indiqué qu'ils seraient heureux de comparaître devant votre comité s'ils recevaient une telle invitation.
Le Haut-commissariat du Canada à New Delhi appuie également des projets locaux et des initiatives de plaidoyer pour faire avancer le renforcement socioéconomique et politique des femmes, éliminer la violence faite aux femmes et aux filles, et mettre fin aux mariages d'enfants, précoces et forcés.
Par exemple, en 2015-2016, par l'entremise du Fonds canadien d'initiatives locales, le Haut-commissariat a appuyé un organisme local en versant une aide de 15 000 $ pour renforcer la coordination et la capacité des intervenants de s'attaquer à la traite de personnes dans l'État du Maharashtra. Les projets financés par le fonds canadien qui visent à lutter contre les mariages d'enfants, précoces et forcés ont également sensibilisé les gens aux problèmes liés à la traite de personnes.
Cela dit, il reste encore beaucoup à faire. La lutte contre la traite de personnes demeurera une priorité pour le Canada à l'échelle mondiale. Dans ce contexte, nous continuerons d'être à l'affût d'occasions de défendre cette cause en Inde, en collaboration avec d'autres gouvernements étrangers et nos partenaires de la société civile dans les deux pays.
Merci, monsieur le président.