SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 mars 2019
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Bienvenue à notre étude sur les femmes défenseures des droits humains.
Aujourd'hui, nous aurons des services d'interprétation en trois langues: espagnol, français et anglais. Il y aura un petit décalage lorsque vous parlerez. Veuillez donc donner un peu de temps aux témoins.
De plus, une de nos témoins, Mme Ana Quirós, témoignera par téléconférence et non par vidéoconférence. Pendant les séries de questions, gardez simplement à l'esprit qu'elle sera au bout du fil, même si vous ne pouvez la voir. Assurez-vous de lui poser des questions.
Aujourd'hui, nous nous concentrons sur l'Amérique latine et l'Amérique centrale. Par vidéoconférence, nous avons Mme Lolita Chavez, qui est chef du Conseil du peuple K’iche pour la défense de la vie, de mère Nature, de la terre et du territoire du Guatemala. Mme Chavez s'est vu accorder des mesures de précaution par la Commission interaméricaine des droits de l'homme en 2005, mais elle continue d'être la cible de menaces, d'intimidation et de harcèlement. À de multiples occasions, Mme Chavez a quitté le Guatemala afin d'assurer sa propre protection. Elle a reçu l'aide d'un programme de protection temporaire des défenseurs des droits de la personne.
Nous accueillons aussi Mme Ana Quirós, qui est directrice administrative du Centre d'information et de services consultatifs en matière de santé, une ONG du Nicaragua. Elle a la citoyenneté du Costa Rica et du Nicaragua et travaille depuis 40 ans au Nicaragua, où elle fait la promotion des droits socioculturels, des loisirs sains, des droits de la personne des adolescents, des jeunes, des mères et des pères. L'ONG qu'elle représente figure parmi les ONG dont le statut a été révoqué en 2018. Elle a été expulsée du Nicaragua en novembre 2018, sans procédure équitable.
Aujourd'hui, comme nous le savons, notre étude ne portera pas sur les activités actuelles des femmes défenseures des droits humains, mais plutôt sur le sort qui leur a été réservé parce que ce sont des femmes.
Pour commencer, les témoins ont 10 minutes chacune, puis nous passerons aux questions.
Madame Chavez, je vous invite maintenant à faire votre déclaration préliminaire.
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître ici aujourd'hui. Merci d'écouter mon témoignage; il portera sur les luttes quotidiennes que je devais mener et mes appels à la justice.
Je suis à l'extérieur du Guatemala, où je n'ai pu retourner, malheureusement, en raison des risques actuels pour ma sécurité. Je suis membre du peuple K'iche du Guatemala et je suis actuellement à l'extérieur de mon pays. Il me manque. J'ai deux enfants — une fille et un fils — qui sont toujours au Guatemala, et en tant que mère, j'ai le droit de retourner dans mon pays en toute sécurité.
Je tiens aussi à souligner que j'ai le droit de défendre les droits humains. Toutefois, un contexte caractérisé par le racisme, la discrimination, la violence, l'impunité et les violations des droits de la personne mettent ma sécurité à risque et nuisent à ma capacité de défendre les droits de la personne. Nous avons subi des attaques importantes. Je condamne le gouvernement du Guatemala pour l'absence de rapports officiels sur la situation des défenseurs des droits de la personne au pays, en particulier les femmes défenseures des droits de la personne.
Je suis membre du peuple Maya. Le manque ou l'absence de consultations qui auraient dû avoir lieu aux termes de la Convention 169 de l'Organisation internationale du Travail est une situation très grave. L'absence de consultations a encouragé les entreprises transnationales et internationales à mettre en oeuvre des mégaprojets qui créent des situations de violence pour nous et nos communautés. Notre mode de vie est profondément lié à la terre, à l'environnement, à l'eau et aux montagnes. Nos droits sont bafoués, car les mégaprojets menés sur nos terres nous sont imposés et s'accompagnent d'une présence militaire et de la répression de l'État. À cela s'ajoutent la présence de groupes paramilitaires et le trafic de stupéfiants qui viennent inévitablement avec de tels projets.
Quant à ma situation personnelle, le gouvernement du Guatemala n'a pas respecté ses obligations relatives aux mesures de précaution qui m'ont été accordées par la Commission interaméricaine des droits de l'homme. J'ai donc dû quitter mon pays. En 2017, avec des amis de la communauté, j'ai été victime d'une attaque armée par des paramilitaires. Ce qui est malheureux, c'est que cette persécution, l'attaque que nous avons subie en juin 2017, était la cinquième attaque contre nous. En fait, on a tenté de m'assassiner. En raison de ces attaques, j'ai dû fuir le pays dans le cadre d'un programme de protection et me rendre au Pays basque, en Espagne. Je n'ai malheureusement pas encore eu la possibilité de retourner dans mon pays.
Les attaques contre moi ont commencé à être plus nombreuses en 2012. L'organisme dont je suis membre, le Conseil du peuple K'iche, a alors été la cible d'un nombre accru d'attaques.
Nous condamnions les actions du crime organisé et des militaires, comme nous condamnions aussi la présence d'anciens militaires, notamment le capitaine Estuardo Galdamez qui, à de nombreuses occasions, était l'un des principaux acteurs qui me menaçaient personnellement. Il a aussi participé à des actions illégales. Cet homme est actuellement candidat à la présidence du Guatemala. Il a aussi des liens avec la législature, car il est député et membre du Congrès du Guatemala.
Je fais actuellement l'objet de persécutions en raison de la lutte que je mène contre l'exploitation forestière illicite dans mon pays, notamment dans ma communauté. Nous n'avons malheureusement pas assez d'eau pour subvenir à nos besoins liés à l'utilisation de la terre et à notre mode de vie. Voilà pourquoi nous condamnons l'attribution de plus de 97 concessions forestières. La situation a dégénéré lorsque nous avons commencé à intervenir, car nous avons réclamé le droit de décider de l'utilisation de nos terres.
Nous luttons contre cette déforestation. Au Guatemala, j'ai été accusée de crimes que je n'ai jamais commis: manifestations illégales, détentions illégales et enlèvement. La situation est extrême au point où le gouvernement du Guatemala, par l'intermédiaire des forces policières, me considère comme une menace à la sécurité nationale et aussi comme une menace à la constitution nationale, étant donné qu'il est dans son intérêt de faire lever les mesures de précaution.
Je fais actuellement l'objet de persécutions. Je ne peux retourner dans mon pays pour deux raisons. Premièrement, on a attenté à ma vie cinq fois, et il n'y a eu aucun procès. Nous condamnons les auteurs de ces tentatives de meurtre. Deuxièmement, je suis toujours accusée de crimes, ce qui empêche mon retour au pays. Je serais emprisonnée si j'y retournais. Voilà pourquoi je demande que le gouvernement du Guatemala enquête sur les tentatives de meurtre à mon égard, en se concentrant sur la dernière tentative, une attaque armée dirigée contre moi et des femmes avec lesquelles je travaille. Je demande aussi que le gouvernement du Guatemala garantisse ma sécurité sur les plans juridique et physique pour que je puisse retourner au pays sans problème.
J'ai aussi été victime de violence sexuelle et de torture. J'ai subi du racisme. On a refusé de reconnaître mon rôle de défenseure des droits de la personne et j'ai été victime de misogynie.
C'était mon témoignage. Je vous suis profondément reconnaissante de l'occasion de vous parler aujourd'hui. Merci beaucoup.
Madame Chavez, merci beaucoup d'avoir témoigné aujourd'hui.
Nous passons maintenant à Mme Ana Quirós, par téléphone.
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Merci beaucoup. Bonjour.
Je m'appelle Ana Quirós, et j'ai 62 ans. J'ai vécu au Nicaragua pendant 40 ans; j'ai été expulsée du pays le 26 novembre. Les autorités ont d'abord révoqué ma citoyenneté sans aucune explication, puis j'ai été expulsée du pays. Avant même leur arrivée au pouvoir, le clan Ortega-Murillo était reconnu pour la persécution directe à l'égard des femmes, en particulier les femmes défenseures des droits de la personne. Depuis la dénonciation par Zoilamérica concernant les violations de Daniel Ortega, les organisations de femmes, en particulier les organisations féministes, appuient Zoila dans sa quête de justice. Avant la tenue des élections, la première mesure prise par le clan a été de criminaliser l'avortement au Nicaragua, alors qu'il était légal depuis 150 ans. Cela a été suivi de persécutions systématiques contre les organisations, en particulier les organisations de femmes.
La situation a empiré après le 18 avril 2018, lorsque les manifestations et la résistance civile ont commencé à prendre de l'ampleur. La première personne qui a été agressée physiquement lors des manifestations, c'était moi. J'ai été frappée et blessée; on m'avait ciblée parce qu'on m'avait reconnue. On savait que j'étais une dirigeante et une défenseure des droits la personne. J'ai été frappée avec des tubes, des chaînes et des bâtons. J'ai eu des coupures à la tête. Ils m'ont cassé le poignet et fracturé les doigts. J'ai subi trois opérations depuis cette attaque, et je n'ai pas retrouvé l'usage complet de ma main.
Le 18 mars, mon organisation et moi avons commencé à être la cible de harcèlement systématique. Ils ont aussi commencé à harceler ma famille, ce qui inclut le harcèlement direct et des menaces à l'égard de mes enfants, de jeunes hommes qui ont 18 et 20 ans. Ils sont étudiants. Les groupes paramilitaires sont allés à l'école et à l'université qu'ils fréquentent, ont demandé à les voir et leur ont demandé si je devais aller les chercher.
Le harcèlement s'est poursuivi. Nous avons décidé de retirer les enfants de l'école. Nous avons été menacés à maintes reprises au téléphone et dans la rue. Nous faisons aussi l'objet d'une surveillance constante. Tout cela s'est accompagné de campagnes en ligne. On nous présente comme des terroristes, des gens qui financent le terrorisme et qui ont des liens avec le gouvernement des États-Unis.
En juillet de l'an dernier, je me suis vu accorder des mesures de précaution par la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Sans aller jusqu'à dire que ces mesures étaient inutiles, elles ont été complètement ignorées par le gouvernement du Nicaragua. Les femmes et les organisations de femmes font l'objet d'attaques systématiques. Pendant la période des manifestations, 400 personnes ont été assassinées par le gouvernement, dont plus de 35 femmes. Environ 70 femmes ont été emprisonnées ou assignées à résidence, ce qui signifie qu'elles ne sont pas libres. Nous avons recensé de nombreux cas de femmes, en particulier de jeunes femmes, qui ont été victimes de violence et de viol. Le régime a eu recours au viol et à la violence sexuelle comme outil ou moyen de torture ciblant directement les femmes, même si des hommes en ont aussi été victimes.
Les femmes ont joué un rôle très important pendant ces manifestations. Plus de 100 des 184 personnes détenues après une manifestation tenue un samedi étaient des femmes. Elles ont toutes été frappées. Elles ont toutes été insultées. Elles ont toutes été violées. Le régime Ortega-Murillo s'est clairement montré misogyne en lançant une très importante campagne de persécution des femmes.
Le 26 novembre, j'avais un rendez-vous au bureau d'immigration. Je n'ai pu y entrer avec mon avocate. Lorsqu'on m'a enfin permis d'entrer dans la pièce, on m'a valu une résolution portant révocation de ma citoyenneté, ma citoyenneté nicaraguayenne, que j'avais depuis plus de 20 ans. On m'a immédiatement passé les menottes. J'ai ensuite été conduite, dans une caravane de neuf véhicules, à un endroit appelé El Chipote, l'un des pénitenciers les plus terrifiants. Là, j'ai appris que j'étais accusée de terrorisme. Quelques heures plus tard, on m'a lu une résolution indiquant que je serais expulsée du pays et que je serais interdite de territoire pour les cinq prochaines années. Ils ont toutefois indiqué, verbalement, que je ne pourrais jamais retourner au Nicaragua.
Deux jours plus tard, ils ont révoqué le statut de l'organisme dont j'étais responsable. Une semaine plus tard, les autorités ont saisi nos véhicules, nos édifices et tout notre équipement. Elles ont saisi tous nos documents. Actuellement, mes collègues qui sont au Nicaragua doivent se cacher. Je ne peux retourner au pays, évidemment. Même si je suis au Costa Rica, je reçois toujours des menaces au nom du régime.
Je réclame justice contre ce régime qui a causé la mort de tant de personnes, en particulier des jeunes et des femmes. Les détentions illégales doivent être sanctionnées par la justice. Quant à ceux qui ont été contraints de quitter le pays, nous devons pouvoir y retourner. Pour y parvenir, il nous faut l'appui de la communauté internationale.
Merci beaucoup.
Je vous remercie beaucoup tous les deux de votre courage et de votre témoignage.
Nous commençons les questions avec M. Sweet.
Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame Chavez, madame Quirós, pour faire écho aux propos de la présidente, nous vous félicitons vivement de votre courage et de votre dévouement à la défense des droits de la personne. Il ne fait aucun doute que c'est grâce à votre dévouement que de nombreuses personnes sont toujours vivantes aujourd'hui et que beaucoup de progrès ont été réalisés.
Notre étude porte particulièrement sur les difficultés plus importantes et différentes que vivent les femmes défenseures des droits de la personne comparativement à leurs homologues masculins. Travaillez-vous avec des hommes? Si oui, dans quelle mesure la persécution dont ils font l'objet est-elle différente de celle que vous subissez?
Mme Chavez pourrait commencer, suivie de Mme Quirós.
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante: ]
Il est important de souligner que les femmes défenseures des droits de la personne subissent les mêmes agressions que les autres défenseurs des droits de la personne, mais sont aussi victimes de violence sexuelle et de harcèlement sexuel. La violence sexuelle sert de menace à notre endroit. Par exemple, dans le message que j'ai reçu, on disait qu'on allait me tuer, mais qu'on me violerait d'abord et qu'avant cela, on violerait ma fille devant moi. C'est une torture psychologique permanente. Il y a aussi ma relation avec mes enfants. Même si je ne suis pas au pays et que je ne peux pas être avec eux, j'ai besoin de cette relation. C'est leur droit. J'ai le droit d'être en contact avec eux.
On m'accuse aussi d'être une sorcière, ce qu'on ne fait pas à mes homologues masculins. C'est parce que nous avons un lien ou une connexion avec la Terre mère. Il s'est passé un événement dans ma communauté et à cause de cela, on m'a accusée d'être une sorcière. Ces accusations péjoratives et négatives m'ont stigmatisée. En tant que femme, je suis stigmatisée autrement: on dit que je suis une sorcière, une prostituée, une folle, une stupide Indienne... ce qu'on ne dit pas de mes homologues masculins.
On me dit que si je continue à m'exprimer et à agir publiquement, et si je ne me concentre pas uniquement sur ma maison et mes tâches ménagères, alors on me jugera publiquement et on me frappera. Voilà de quoi on me menace dans ma communauté. On critique aussi beaucoup la façon dont je m'habille, ce qu'on ne fait pas à mes homologues masculins. On utilise le mot « Indienne », qui est péjoratif lorsqu'on parle d'une personne autochtone, et on dit que je suis sous le contrôle d'organisations externes. On ne reconnaît pas la sagesse collective des femmes.
Même si je ne suis plus au pays, on utilise mon image pour encourager les attaques contre les femmes défenseures des droits de la personne. On dit aux femmes que si elles continuent de lutter pour leurs droits et de lutter contre la violence faite aux femmes, alors il leur arrivera la même chose qu'à moi. On dit à leurs maris de les contrôler, de les garder à la maison. On dit aux hommes qu'ils doivent être forts et maintenir le contrôle sur nous en ayant recours à la violence et en nous confinant au foyer.
Voilà les exemples qui me viennent en tête.
Merci beaucoup.
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
En ce qui a trait à la différence entre les hommes et les femmes qui défendent les droits de la personne, je dirais tout d'abord qu'on accuse souvent les femmes d'être des prostituées, pour les insulter. On fait aussi souvent référence à nos préférences sexuelles, ce qui n'est pas le cas pour nos homologues masculins. Enfin, je dois dire que la première fois qu'on m'a attaquée, c'était parce qu'on m'avait désignée à titre de défenseure de droits de la personne... des droits des femmes. C'est ce que mes agresseurs me disaient alors qu'ils me frappaient... Ils attaquaient mon identité en tant que femme et en tant que défenseure des droits de la personne. Aussi, comme l'a fait valoir Lolita, on menace nos enfants, ce qu'on ne fait pas à nos homologues et collègues masculins.
Je dois aussi dire que les organisations de femmes sont les plus persécutées au Nicaragua. Les organisations de défense des droits de la personne et des femmes comme le CENIDH, le centre nicaraguayen des droits de la personne, sont les plus persécutées. La violence sexuelle est largement utilisée comme arme contre les femmes. De plus, les femmes policières doivent montrer qu'elles sont aussi fortes et aussi masculines que leurs collègues, alors elles deviennent très violentes et agressives, surtout si elles détiennent d'autres femmes.
Je crois que les hommes et les femmes sont traités différemment et je dois aussi dire que, dans le cas du Nicaragua, la communauté et les groupes LGBT sont pris pour cible, parce qu'ils ont participé aux manifestations. Le gouvernement leur fait la guerre. Trois de nos collègues sont transgenres et sont détenues dans une prison pour hommes, où elles sont menacées et violentées. On leur ordonne de se déshabiller et de faire divers exercices devant les hommes pour les humilier; pour qu'elles aient honte de leur identité. Je ne crois pas que ce soit aussi souvent le cas pour...
Nous n'avons plus de temps, mais vous pourrez y revenir en réponse à une autre question. Nous devons passer au prochain intervenant. Merci.
Madame Khalid, vous disposez de sept minutes.
Merci, madame la présidente.
Je remercie nos deux témoins de leur courage et de leur excellent travail en matière de défense des droits de la personne.
Je vais continuer sur la même voie que M. Sweet. En tant que femmes défenseures des droits de la personne, quelle incidence ce harcèlement a-t-il sur votre travail au Guatemala ou en Amérique latine? En quoi votre expérience diffère-t-elle de celle de vos homologues masculins? Est-ce que ce que vous décrivez vous empêche de faire votre travail, surtout auprès des femmes, qui représentent 50 % de la population?
Madame Chavez, voulez-vous commencer?
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Vous me demandez en quoi cela affecte mon travail? Est-ce bien votre question?
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Bien sûr, cela a une incidence sur notre travail, parce que nos collègues féminines ont peur et sont victimisées à nouveau. Nous avons dû passer par des processus de guérison en raison des répercussions du harcèlement sur nos activités quotidiennes. Les effets sont profonds sur notre travail — qu'il soit politique ou social — et sur notre bien-être économique et culturel.
À cause des attaques dont j'ai été victime, je n'arrive plus à trouver du travail. C'est très difficile. C'est une autre forme d'exclusion. Même si je suis enseignante... Avant, j'étais enseignante; aujourd'hui, je suis une criminelle. Les fonctionnaires ne parlent pas de moi comme une défenseure, mais bien comme une criminelle. La criminalisation m'affecte et on me perçoit aussi comme une menace, et non comme une personne qui défend les droits de la personne.
Les agresseurs ont de plus en plus de pouvoir — et d'impunité — et donc la violence règne toujours au sein des structures du Guatemala. Les territoires du pays sont remilitarisés. Nous avons connu un épisode de génocide et de féminicide où 41 filles ont été tuées, le 8 mars 2017. Elles ont été brûlées vives. Nous avons réclamé justice, mais 97 % des crimes demeurent impunis. Ainsi, les agresseurs sont de plus en plus puissants.
C'est pourquoi nous demandons à la communauté internationale de se prononcer, parce que c'est injuste. Je ne suis pas née pour être assassinée. Je ne suis pas née pour être violée. Je ne suis pas née pour être emprisonnée. J'ai le droit de défendre mes droits et je me bats pour la justice. Nous défendons le droit à l'eau et nous défendons notre terre, avec laquelle nous entretenons une relation particulière. C'est pourquoi nous ne nous tairons pas.
Mais j'ai peur pour ma vie et pour celle de mes enfants.
Encore une fois merci, pour votre courage.
Madame Víquez, pouvez-vous me dire qui sont vos alliés? Avec qui travaillez-vous sur le terrain? À quoi vous servent ces partenariats en tant que défenseure des droits de la personne?
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Mes premières partenaires sont mes collègues féministes appartenant à d'autres groupes de femmes. Ensuite viennent mes collègues, hommes et femmes, des groupes LGBTIQ du Nicaragua. Enfin, il y a d'autres groupes de défense des droits de la personne et aussi la presse indépendante, qui s'intéresse beaucoup aux femmes.
Dans le cadre de ce processus, on persécute les femmes juste parce qu'elles sont des femmes; c'est très grave. Le régime Ortega-Murillo tente de faire de la violence contre les femmes un pilier du gouvernement, mais ce n'est que du camouflage parce qu'en réalité, il favorise l'impunité. On commet en moyenne 70 féminicides par année, mais seulement cinq de ces crimes sont punis. Certains services de police qui se consacraient exclusivement à la prévention de la violence contre les femmes ont été fermés sous les ordres d'Ortega et de Murillo.
On persécute les femmes... celles qui prennent parole et qui défendent les droits de la personne.
Merci.
J'aimerais savoir ce que peut faire le Canada pour améliorer la relation entre les défenseurs des droits de la personne et les organismes communautaires, et le gouvernement du Guatemala ou l'Amérique latine.
Madame Chavez, vous pouvez commencer.
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Excusez-moi, je n'ai pas entendu l'interprète.
Quel rôle le Canada peut-il jouer afin d'améliorer la relation entre les femmes défenseures des droits de la personne et les organisations communautaires, et l'État du Guatemala ou l'Amérique latine de façon générale, pour vous protéger?
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Ce qu'il faut pour le Guatemala, c'est une déclaration du Canada à l'intention de l'État. Il faut lui demander d'accélérer les enquêtes sur les attaques contre les défenseurs des droits de la personne. Les pays peuvent le faire dans le cadre de leurs relations diplomatiques. Ils peuvent poser des questions sur la situation des défenseurs des droits de la personne au Guatemala.
De plus, le rapporteur spécial des Nations unies sur les peuples autochtones et le rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de la personne sont tenus de rédiger un rapport sur les attaques et le meurtre des défenseurs des droits de la personne au Guatemala. Nous vous demanderions de faire un suivi à cet égard. Dans quelles circonstances ces meurtres ont-ils été commis?
En ce qui a trait à la militarisation, le Guatemala est en guerre depuis plus de 36 ans. Nous demandons au Canada de ne pas adopter de lois qui favorisent les criminels, comme l'amnistie: cette loi crée de nombreux problèmes. Elle donne du pouvoir aux agresseurs, qui peuvent continuer de commettre des crimes contre l'humanité.
Nous avons malheureusement dépassé le temps prévu pour cette question.
Il nous reste une question de Mme Hardcastle. Vous aurez peut-être ensuite environ une minute chacun pour terminer.
Madame Hardcastle, vous disposez de sept minutes.
Merci beaucoup.
Madame Quirós et madame Chavez, j'aimerais que vous nous expliquiez plus en détail comment l'amnistie donne du pouvoir aux agresseurs et ce qui motive cette haine envers les femmes. Vous pouvez parler de la situation au Guatemala et au Nicaragua. Nous entendons de nombreux discours contre les femmes. Je me demande si, au fil des années, la situation s'est aggravée en raison du profit, du pouvoir et des mégaprojets. Est-ce que j'oublie quelque chose? Il ne semble même plus être question des droits des femmes et des droits génésiques, mais seulement de haine pure et simple contre les femmes.
J'aimerais aborder une autre question. Tout à l'heure, je crois que c'est vous Lolita qui avez dit que le gouvernement n'avait pas publié de rapport officiel sur la violence. À ce sujet, y a-t-il des façons pour le Canada de mieux travailler et de faire des recommandations?
Je vous pose toutes ces questions d'emblée parce que je ne parlerai plus ensuite. Je vais vous laisser parler. Lolita, vous pourriez peut-être commencer pour les trois premières minutes; nous entendrons ensuite Ana pour les trois minutes restantes. Merci.
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Étant donné les relations diplomatiques entre le Canada... et les lignes directrices canadiennes sur les défenseurs des droits de la personne, les visites et le dialogue entre les pays sont très importants, pour que vous puissiez savoir ce qui se passe avec nous.
Les attaques les plus importantes sont commises à l'endroit des personnes qui défendent leurs terres contre des sociétés transnationales qui sont non seulement associées au gouvernement, mais aussi aux oligarques. Il faudrait donc effectuer un suivi auprès des entreprises canadiennes installées au Guatemala, lorsque nous revendiquons l'accès à l'eau pour la vie et non pour les mines, par exemple.
Les sociétés minières ont créé de nombreux conflits sur nos terres. On leur a accordé des permis sans consulter la population.
Il est aussi important d'organiser des missions de suivi pour faire une vérification sur le terrain et de faire le suivi des engagements internationaux comme les conventions et les traités ratifiés par le Guatemala.
[Le témoin s'exprime en espagnol. L'interprète donne la traduction suivante:]
Premièrement, le gouvernement attaque principalement les femmes parce qu'elles ont été les premières à dire que le gouvernement était une dictature et non un gouvernement socialiste robuste, comme on le prétendait. Il y a beaucoup de ressentiment et de colère contre les femmes pour cela.
Je veux parler du rôle que peut jouer le Canada à cet égard. Le Canada fait partie du groupe de travail de l'OEA. Au Nicaragua, nous voulons que ce groupe travaille à l'application de la charte démocratique de l'OEA et nous voulons que le gouvernement du Nicaragua et surtout les auteurs des crimes contre l'humanité soient sanctionnés. Le Canada a en place des mécanismes en matière de justice universelle qui peuvent s'appliquer aux personnes qui ont commis des crimes contre l'humanité. Nous voulons que ces personnes soient punies; nous ne voulons plus d'impunité pour ces crimes.
Nous aimerions que le Canada se joigne à la population du Nicaragua dans sa quête de la justice et pour l'application de sanctions précises comme celles dont nous avons discuté, notamment la loi Nica-Magnitski aux États-Unis, et les sanctions de l'Union européenne, qui visent également ces criminels.
Je crois qu'il sera très important que le Canada se joigne à nous dans cette quête de justice, pour éviter que le Nicaragua ne se retrouve dans la même situation qu'il y a 40 ans.
Je remercie les deux témoins d'avoir pris la parole avec courage aujourd'hui. Je sais que ces témoignages sont très difficiles, mais nous vous entendons et nous allons en tenir compte dans le cadre d'une étude plus vaste. Merci à vous deux.
Nous allons passer au huis clos afin de discuter des travaux des comités. Je vais suspendre la séance un instant.
Merci de votre persévérance.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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