SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 28 février 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Merci à tous. La séance est ouverte.
Il s’agit de notre dernière journée des audiences dans le cadre de notre étude sur l’état de la liberté de la presse dans le monde et l’accent sera mis sur le Myanmar et le Venezuela. Nous accueillons aujourd’hui des témoins très intéressants; l’un traitera du Myanmar et l’autre du Venezuela.
Nous éprouvons présentement des difficultés techniques de communication avec Laura Helena Castillo à Caracas; nous espérons être en mesure de régler ce problème rapidement. Mme Castillo est la cofondatrice d’El Bus TV, un groupe qui diffuse de l’information par l’entremise de bénévoles qui montent dans les autobus publics, tiennent des pancartes en carton et lisent les nouvelles aux passagers de l’autobus. Nous sommes impatients d’entendre ce qu’elle aura à nous dire une fois la communication rétablie.
Nous accueillons également Esther Htusan, journaliste lauréate du prix Pulitzer, du Nord du Myanmar. Elle a été forcée de quitter le pays en 2017 après avoir reçu des menaces de mort en raison de ses reportages sur l’exode des réfugiés rohingyas. Elle se joint à nous depuis Cambridge, au Massachusetts.
J’aimerais rappeler aux députés que nous allons utiliser un service d'interprétation aujourd’hui.
Je vois que Laura Helena Castillo est avec nous.
Pouvez-vous nous entendre?
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Oui, parfaitement. Bonjour.
Au cas où nous perdrions notre connexion, je vous invite à commencer. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre déclaration liminaire.
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Bonjour.
Je suis une journaliste vénézuélienne, et il y a deux ans, deux collègues et moi avons fondé une nouvelle entreprise journalistique appelée Bus TV.
Nous l’avons fondée lors des manifestations de 2017. Nous l’avons fait parce que la réalité que nous avons vue dans les rues du pays était très différente de celle que nous avons observée dans les autobus ou dans les quartiers à faible revenu.
Nous avons constaté qu’il y avait un manque d’information. Depuis au moins 2007, le gouvernement, qui était alors dirigé par le président Chávez et qui est maintenant dirigé par le président Maduro, applique une politique systématique qui tente manifestement d'imposer l’hégémonie des communications, en utilisant le réseau de médias de l’État et aussi en achetant des médias indépendants — des médias qui ont maintenant changé leur ligne éditoriale pour se rapprocher de celle de l’État.
Au Venezuela, en 2017, des manifestations se sont déroulées pendant au moins quatre mois. Plus de 150 personnes ont été assassinées pendant celles-ci. À l’époque, on exprimait des points de vue différents dans les rues, et une grande partie de la population était sous-informée. Ces personnes étaient déconnectées des manifestations et ignoraient ce qui se passait. Nous avons pensé qu’il était opportun de leur communiquer l'information. Cette idée s’est concrétisée en un projet de journalisme et de lutte contre la censure et la désinformation au Venezuela.
Nous avons une vidéo pour vous donner une idée du fonctionnement de Bus TV. J’aimerais présenter la vidéo, si possible.
[Présentation audiovisuelle]
Merci beaucoup de nous avoir permis de présenter cette vidéo.
Il s’agit d’une activité assez unique qui n’est pas facile à expliquer, si vous ne la voyez pas de vos propres yeux. Nous montons dans les autobus de la ville et nous utilisons une pancarte en carton qui ressemble à un téléviseur, puis nous lisons les nouvelles aux passagers.
Au bout de deux ans, la réponse était formidable. Nous pensons avoir créé une communauté sensibilisée à la liberté d’information et à la liberté d’expression. Nous utilisons cette technique d’information sur plusieurs itinéraires, surtout dans les quartiers à faible revenu.
Les conducteurs, les passagers et les journalistes se sont réunis pour défendre la liberté d’expression. Les gens nous attendent. Ils nous accueillent. Ils nous recommandent les nouvelles que nous devrions lire. Nous amorçons des débats éclairés à l’intérieur de ces autobus. Dans l’ensemble, nous sommes très bien accueillis.
Le mois dernier a été très tendu, surtout la semaine dernière avec l’arrivée de l’aide humanitaire. Nous avons l’impression que les gens sont plus polarisés. Sur certaines lignes d’autobus, nos journalistes ont parfois dû cesser de lire les nouvelles parce que l’ambiance était devenue trop tendue à certains moments. La situation est comparable à celle à l’extérieur des autobus. Les gens traversent une période d’incertitude et de nervosité.
Dans l’ensemble, les gens sont reconnaissants d’avoir été informés. Il y a tellement de désinformation, non seulement de la désinformation politique sur les affaires politiques ou économiques ou sur les grands enjeux, mais aussi sur des choses qui pourraient sauver des vies.
Vous avez vu dans la vidéo que nous fournissons également de l’information sur la nutrition et les soins de santé. Ici, au Venezuela, nous avons assisté à une résurgence de maladies qui avaient été éradiquées, comme la diphtérie. Nous voyons l’hépatite A. Nous voyons la malnutrition.
Il y a une absence totale de campagnes d’information sur la santé, alors nous faisons de notre mieux pour communiquer cette information aux gens. Elle peut changer et améliorer la vie des gens et leur rendre service; elle est toujours bien accueillie.
Actuellement, nous avons deux équipes à Caracas, à Valence et à Mérida, et nous sommes sur le point d’en créer une autre à Guayana. Nous avons plus de 40 journalistes. C’est la façon que nous avons trouvée pour vaincre la désinformation au Venezuela.
De 2005 à 2017, selon les enquêtes menées par l’Instituto Prensa y Sociedad, 39 médias ont fermé leurs portes, principalement des stations de radio. Les grands journaux ont été vendus. La seule chaîne d’information de 24 heures a été vendue et elle a changé sa ligne éditoriale en 2013. Elle a cessé d’être un organe critique indépendant. Un certain nombre d’États n’ont toujours pas de journal.
À notre avis, nous ne pouvons pas attendre que le public se tourne vers les médias. Les médias doivent s’adresser à leur auditoire pour l’informer, surtout pour lui donner une information indépendante et équilibrée.
J’aimerais aussi parler de ce que cela a signifié pour nous d’aller dans la rue cette année.
Nous avons un protocole de sécurité pour nos journalistes qui a dû être remanié en janvier et en février. Ces deux derniers mois, nous avons constaté un durcissement de l’opinion, pour ainsi dire, chez certains segments de la population, surtout à l'égard de l’entrée de l’aide humanitaire.
Ce sujet particulier a causé beaucoup d’angoisse et de tension dans les autobus. Certains de nos journalistes ont été attaqués et agressés. Nous avons dû descendre des autobus. Nous pouvons voir que cela crée beaucoup de tension. Cette semaine, la situation est un peu plus calme. Mais dans la rue, nous avons l’impression qu’au cours du dernier mois, l’incertitude nous a tous rendus très vulnérables à la désinformation.
Nous continuons de faire ce que nous faisons et nous continuons de croître. Mais nous savons aussi qu’il sera de plus en plus difficile de monter dans les autobus et de fournir de l’information. Nous pensons que c’est de plus en plus nécessaire et, en même temps, de plus en plus difficile. C’est plus délicat qu’il y a quelques années parce que les gens sont plus tendus.
Merci. Je suis désolée, mais votre temps est écoulé. Merci beaucoup de nous avoir entretenus d’une initiative très originale.
Nous allons maintenant entendre notre expert à Cambridge, qui va parler du Myanmar.
Madame Esther Htusan, vous avez la parole pour 10 minutes.
Merci de m’avoir invitée. J’ai envoyé une brève déclaration hier soir, mais j’aimerais parler un peu plus de la situation actuelle et de ce que nous avons accompli.
Les organisations internationales se sont récemment concentrées davantage sur le Myanmar en raison de la crise plus grave des Rohingyas, mais des mesures de répression contre les journalistes sont en cours depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement quasi civil en 2011, après les premières élections en 2010, qui ont mis fin à un demi-siècle de dictature militaire. En 2012, sous la pression des organisations internationales, le gouvernement civil, appuyé par l’armée, a ouvert un peu plus la porte aux journalistes locaux pour qu’ils travaillent sur différents enjeux touchant le pays. À la fin de 2012, il a aboli la commission de la censure au pays. Auparavant, les journalistes devaient envoyer les documents qu’ils comptaient publier à la commission de la censure. Sans sa permission, nous n’avions pas le droit de publier quoi que ce soit. Après l’abolition de la commission de la censure, on a permis aux journalistes d’écrire ce qu’ils voulaient, une liberté accompagnée de la menace d’emprisonnement et du risque de représailles de la part des militaires.
L’armée du Myanmar lance des attaques militaires offensives contre des groupes ethniques minoritaires du Kachin dans le pays depuis 2011. De nombreux journalistes qui tentaient de couvrir cette actualité ont été menacés par des militaires qui ont eu un recours excessif à des armes et des munitions, y compris des hélicoptères de combat et des frappes aériennes avec des bombes russes, contre des groupes minoritaires de la région. L’armée s’est particulièrement concentrée sur les journalistes qui tentaient de faire état de la situation qui prévalait dans le Nord et le Nord-Est du pays, le long de la frontière avec la Chine.
En 2015, nous avons eu la première élection libre et équitable. La Ligue nationale pour la démocratie, dirigée par la lauréate du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, a remporté une victoire écrasante. Nous nourrissions beaucoup d’espoir, comme les journalistes, les militants et les groupes de la société civile, que le gouvernement civil mette en oeuvre les principes d’exercice de la liberté de la presse, comme il l’avait promis pendant la campagne électorale de 2015. Malheureusement, même si le gouvernement civil du Myanmar détient la majorité des sièges au Parlement, où il a le pouvoir d’abolir les lois répressives utilisées par les militaires depuis 50 ans, il continue de les utiliser contre les journalistes, les militants et les organisations de la société civile qui s’adressent à la population pour essayer de dire la vérité sur ce qui se passe au pays.
Nous avons une constitution rédigée par les militaires qui accorde la liberté d’expression, mais au lieu de respecter nos droits constitutionnels, le gouvernement civil, de concert avec les militaires, se sert actuellement de ces lois répressives contre les journalistes pour nous criminaliser et diaboliser les journalistes qui essaient de dénoncer la corruption ou les échecs du gouvernement civil. Des actions ont été intentées contre des journalistes pour n’importe quel type de satire ou d’articles critiques. De nombreux journalistes ont été accusés en vertu de lois en matière de diffamation ainsi qu’en vertu de la Loi sur les télécommunications, ce qui signifie que le gouvernement peut poursuivre tout journaliste qui écrit pour la presse en ligne ou écrite. La Loi sur les télécommunications encadre les journalistes qui utilisent des appareils de télécommunication et qui écrivent des articles sur les questions relatives aux droits de la personne dans le pays.
Récemment, les journalistes ont été visés par des menaces non seulement du gouvernement et des militaires, mais aussi d’organisations extrémistes qui ciblent les journalistes. Ces organisations bouddhistes extrémistes qui répandent des idées xénophobes ou islamophobes au sein de la population bouddhiste du pays ciblent également les journalistes qui essaient d’écrire au sujet des violations des droits de la personne commises par les militaires contre les musulmans rohingyas.
Nous craignions autrefois une seule institution que nous ne pouvions pas contourner, et nous nous retrouvons maintenant à craindre trois institutions, l’armée, le gouvernement civil et les organisations extrémistes bouddhistes.
Depuis octobre 2016, pendant la première vague de la crise touchant les Rohingyas, de nombreux journalistes — surtout des journalistes qui travaillent pour des organisations internationales et qui font état de la crise touchant les Rohingyas et d’autres groupes ethniques minoritaires dans le Nord du pays — ont été particulièrement ciblés par ces institutions. Au cours des deux dernières années, plus de 40 journalistes ont été accusés ou poursuivis par ces trois organisations. Beaucoup font encore l’objet de poursuites de la part du gouvernement ou des législateurs.
Comme nous le savons tous, deux journalistes de Reuters ont été condamnés à sept ans de prison. Au départ, ils ont été accusés en vertu de la loi sur les secrets d’État, qui prévoit une peine d’emprisonnement de 14 ans, mais le gouvernement les a ensuite accusés en vertu de la Loi sur les associations illégales de 1906. Ce sont des lois complètement désuètes et elles ont été utilisées sciemment pour accuser les journalistes d’entretenir des liens avec des groupes ethniques armés et de faire partie de groupes ethniques armés, et enfin, pour les emprisonner.
Avant les deux journalistes de Reuters, trois autres journalistes ont été arrêtés juste pour s’être rendus dans des régions de minorités ethniques et avoir tenté de couvrir la crise humanitaire qui y sévissait.
Nous observons un plus grand nombre d’arrestations, de menaces, y compris des menaces de mort et du harcèlement en ligne. Le harcèlement en ligne n’est pas simplement de quelques personnes qui essaient de harceler des journalistes. Il cible systématiquement ou délibérément les journalistes. Ces plateformes sociales en ligne sont utilisées par les militaires, ainsi que par les lobbyistes du gouvernement, qui tentent de menacer les journalistes pour les empêcher d’accomplir leur travail.
Nous avons observé les premiers signes d’oppression contre des journalistes. En 2014, un journaliste a été tué alors qu’il tentait de couvrir un conflit ethnique à la frontière avec la Thaïlande. Puis, en 2016 — c’est assez récent —, un journaliste a tenté de faire enquête sur une activité d’exploitation forestière illégale à laquelle les militaires avaient directement participé. Il a également été tué juste avant de pouvoir publier son article.
En fait, ces mesures empêchent les journalistes du Myanmar d’écrire ce qu’ils sont censés écrire, et les incitent à s’autocensurer, même s’il n’y a plus de commission de la censure. Les journalistes ont peur d’écrire sur les questions relatives aux droits de la personne et à la crise humanitaire qui sévit au pays.
Comme je l’ai déjà mentionné, depuis la deuxième vague de la crise touchant les Rohingyas, en août 2017 — l’attaque a eu lieu le 25 août 2017, et le lendemain, le 26 août 2017, j’ai été menacée par l’armée parce que j’avais parlé de la violation des droits des Rohingyas et des violations des droits de la personne par l’armée. Ils savaient pertinemment que la plupart des journalistes qui travaillaient pour des organisations internationales allaient écrire à ce sujet et ils ont tenté par tout moyen de nous réduire au silence, de nous empêcher d’écrire ce que nous essayions de rapporter.
En même temps, le gouvernement a mené des campagnes de désinformation en utilisant des médias sociaux comme Facebook, Twitter et d’autres types de plateformes.
La propagande militaire contre les Rohingyas a connu beaucoup de succès. Dans leurs efforts visant à repousser les Rohingyas vers le Bangladesh, ils ont reçu beaucoup d’appui de groupes extrémistes bouddhistes, ainsi que de la population en général, qui ne voulaient pas de musulmans rohingyas au pays.
C’est pourquoi la répression du gouvernement contre les journalistes a été couronnée de succès. On ne parle pas beaucoup des meurtres, des viols et des violations des droits de la personne commis contre des civils dans les régions ethniques, ainsi que dans la région où vit la minorité rohingya.
Nous allons commencer la série de questions, et vous pourrez toutes les deux nous en dire un peu plus en répondant.
Nous allons commencer par M. Sweet.
Ma première question s’adresse à Esther Htusan. Tout d’abord, merci de votre bravoure et de votre bon travail.
J’ai deux questions à vous poser. Premièrement, est-ce qu’un front uni de journalistes a approché Facebook en raison des répercussions de la manipulation de Facebook contre des journalistes et d’autres personnes au Myanmar? A-t-on dit à Facebook qu’il devait s’occuper des violations des droits de la personne commises par les gouvernements qui manipulent et utilisent leur plateforme?
Plus tôt l’année dernière, en avril 2018, il y avait un groupe de la société civile dans un centre d’innovation local à Yangon qui s’intéressait de près à la façon dont les plateformes de médias sociaux comme Facebook avaient été utilisées par le gouvernement et les organisations bouddhistes extrémistes pour alimenter la haine au sein de la population et proférer des menaces contre les journalistes.
Ce centre d’innovation a envoyé une lettre ouverte à Mark Zuckerberg pour ses actions mal avisées sur... Lorsque ce centre d’innovation local a signalé à Facebook que des organisations bouddhistes s’échangeaient des messages par l’entremise de Facebook Messenger pour attaquer des populations musulmanes dans tout le pays, Facebook a tout simplement ignoré la dénonciation. C’est pourquoi de nombreuses organisations locales se sont réunies et ont demandé que des mesures soient prises contre Facebook.
Tout de suite après, il y a eu le scandale de Cambridge Analytica. Tous ces problèmes sont survenus en même temps, et Mark Zuckerberg a été interrogé sur des cas particuliers de la guerre au Myanmar en raison de cette lettre ouverte.
Merci.
Madame la présidente, je demande à nos attachés de recherche de veiller à ce que cette lettre ouverte fasse partie de nos témoignages.
J’aimerais poser ma prochaine question à Mme Laura Helena Castillo. Votre diffusion de nouvelles dans les autobus est une version fascinante de « Retour vers le futur ». Vous avez parlé de tension supplémentaire ces jours-ci. Est-ce que le gouvernement intervient auprès des conducteurs pour vous forcer à descendre des autobus?
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Les autobus au Venezuela, les autobus que nous utilisons, sont privés. Ce sont des coopératives privées. En fait, une partie de la politique consiste à ne pas utiliser les autobus appartenant au gouvernement pour éviter les situations compromettantes. Nous avons particulièrement ressenti de la tension et, comme je l’ai dit, il y a eu des agressions verbales et, dans un cas, des agressions physiques par d’autres passagers qui sympathisent avec le gouvernement et expriment leur sympathie pour la ligne officielle. Ils ne sont pas d’accord avec certains des renseignements que nous diffusons. Comme il s’agit d’un bulletin de nouvelles hors ligne, nous sommes sur place sans intermédiaire, en personne avec les passagers. Au cours des dernières semaines, nous avons dû faire face à des agressions verbales et à des tentatives d’agression physique. Encore une fois, c’est parce qu’il y a énormément de tension.
Nous avons pris conscience du fait que, dans l’ensemble, nous sommes très bien acceptés et bien accueillis, mais nous signalons parfois des cas de corruption ou des problèmes avec les services publics et divers aspects de cette situation d’urgence prolongée que nous vivons. Si nous disons, par exemple, « le président intérimaire Juan Guaido », une formulation qui laisse entendre qu’un processus politique est en cours, nous obtenons des réactions très différentes de la part de certains membres de notre auditoire. C’est une minorité, c’est clair. S’il y a 25 passagers dans l’autobus, disons, peut-être qu’un ou deux passagers ne seront pas d’accord, et ils le signifieront parfois avec beaucoup de véhémence. Ces deux dernières semaines, ce fut vraiment une surprise, parce que c’était la première fois en deux ans. Ce n’est que cette semaine que nous avons dû faire face à toutes les tensions que j’ai décrites.
Heureusement, à l’intérieur de l’autobus, il semble y avoir un système de freins et de contrepoids, et d’autres passagers débattent ensuite de l’enjeu, mais ce n’est évidemment pas notre devoir. Nous sommes là simplement pour lire les nouvelles, puis nous partons, mais j’espère que le débat se poursuit. Pour nous, c’est un résultat très sain et positif, parce que les gens ont généralement très peur de parler ouvertement de la situation politique. Heureusement, nous avons aussi reçu beaucoup d’appui de la part des conducteurs, dont plus de 70 p. 100...
Est-ce que certains de vos journalistes ont été arrêtés? Reçoivent-ils une rémunération quelconque ou sont-ils tous des bénévoles?
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Aucun n’a été arrêté. L’un d’eux a été détenu temporairement parce qu’il y avait un poste de contrôle de la police et qu’on demande à la plupart des jeunes de présenter une pièce d’identité, mais cela n’avait rien à voir avec leurs activités journalistiques. Chaque jour, des gens sont détenus. La majorité est composée d’étudiants. La plupart sont des étudiants en journalisme qui font du service communautaire avec nous. Au Venezuela, il y a une loi sur le service communautaire qui oblige les étudiants en journalisme et de toute autre profession à donner des services à la collectivité. Dans le cas des journalistes, ils peuvent faire une sorte de stage dans un média, et ils le font avec nous.
Nous avons un groupe qui est rémunéré. Il y en a qui font du travail communautaire et des stages, et d’autres qui sont rémunérés. Au total, nous sommes maintenant environ 40.
Merci à nos témoins d’être ici.
Ma première question s’adresse à Mme Castillo, après quoi je poserai une question complémentaire.
J’aimerais d’abord que vous décriviez ce qui se passe avec les plateformes de médias sociaux. Les médias sociaux sont-ils très restreints? Les gens ne sont-ils pas en mesure de voir ce qui se passe dans les médias grand public? Je poserai ensuite une autre question.
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Oui. Depuis l’an dernier en particulier, il y a eu une politique visant à restreindre et à bloquer les médias sociaux, surtout ceux qui font des enquêtes ou qui ont une vaste portée, comme El Pitazo. Il y a d’autres médias, comme Runrunes, armandoinfo, Climax, qui sont bloqués de façon sélective, surtout lorsqu’ils font du journalisme d’enquête. Certains d’entre eux sont bloqués depuis des mois. C’est un exemple.
Un autre exemple est que plus de la moitié de la population — ce sont des chiffres officiels du Conseil des télécommunications — n’a pas accès à Internet. Ceux qui y ont accès constatent que les médias indépendants sont bloqués. Récemment, YouTube a été bloqué et des chaînes de radiodiffusion étrangères comme CNN ont été bloquées.
Oui, c’est vrai. Beaucoup de ces médias ont été bloqués. Le téléphone intelligent ici, par exemple, coûte très, très cher. Il n’est pas facile pour les gens d’avoir accès à un téléphone intelligent, parce que son achat représente une grande partie du revenu minimum.
Il y a eu tellement de désinformation. Je peux voir que lorsqu’on bloque tant de plateformes et de médias, il y a de la désinformation dans un grand pays comme le Venezuela.
Comment votre organisation contribue-t-elle à fournir des renseignements plus exacts et impartiaux?
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Il est très important pour nous de fournir des renseignements exacts.
La désinformation est tellement grave qu’il n’y a pas seulement de la désinformation au sujet des fonctionnaires ou des chefs de l’opposition, il y a aussi beaucoup de désinformation, comme je le disais plus tôt, au sujet d’un enjeu central comme la santé.
Nous croyons que cette information est celle qui est la mieux reçue. Il s’agit de l’information qui peut vraiment servir la population. C’est ce qui nous aide à transformer les nouvelles en un véritable service public. Nous avons vu que la réaction a été très positive.
Bien sûr, on ne peut jamais négliger les enjeux et les sujets politiques. Il est important d’offrir une représentation des différentes voix et des différents points de vue. C’est la nature même du journalisme. Notre intention n’est pas de compliquer la situation. Notre objectif est de nous rendre là où se trouvent les auditoires et le public, afin de fournir de l’information sur ce qui se passe dans les rues, de présenter les différents points de vue sur les différents incidents. Par exemple, si un des thèmes est la violence faite aux femmes, on peut commencer par expliquer ce en quoi consiste la violence faite aux femmes. On peut parler d’impunité, d’économie. On peut aussi parler de nutrition ou d’autres sujets liés à la santé.
Si vous me permettez d'intervenir, lorsque j'ai lu un court article sur votre programme, j'ai entendu dire qu'il suscitait beaucoup de débats lorsque vous prenez la parole. Souvent, d'après ce que j'ai lu, vous recevez aussi beaucoup d'applaudissements à la fin de vos bulletins.
Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Oui, la première fois que nous l'avons fait, nous avons constaté la réponse. C'est ce qui se produit dans la plupart des bulletins que nous effectuons. Il est clair pour nous que les gens applaudissent en reconnaissance de leur droit de recevoir de l'information.
Notre pays a une longue histoire démocratique et une longue histoire de liberté d'expression. Les citoyens savent qu'ils ont droit à l'information. Ainsi, les applaudissements soulignent également la bravoure des journalistes, parce qu'ils sont très jeunes et qu'ils sont restés au pays. Nous savons qu'ils applaudissent également pour signifier leur appréciation de l'accès aux nouvelles et à l'égard des gens qui entreprennent cette initiative.
Cette initiative a débuté après la fermeture de la première chaîne d'information sous le gouvernement d'Hugo Chavez. Dix ans s'étaient écoulés. C'était le 10e anniversaire de cette fermeture. C'était le jour même où nous avons lancé ce projet. C'est en quelque sorte un hommage au journaliste du bulletin qui a été supprimé sous le gouvernement d'Hugo Chavez. Cette fermeture remonte à 12 ans.
Madame Htusan, si vous voulez bien patienter une minute, je voudrais m'adresser à Mme Castillo, parce que nous parlons d'El Bus TV.
Très rapidement, madame Castillo, où vos journalistes obtiennent-ils leurs renseignements? Quelles sont leurs sources?
J'aimerais aussi avoir des précisions. Ces journalistes sont-ils surtout de jeunes étudiants? S'agit-il de bénévoles?
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Oui, les sources que nous utilisons sont des sources officielles. Ce sont des sources du gouvernement, par exemple. Mais nous avons aussi recours à des services indépendants. Nous avons aussi ce que nous appelons l'information interlocale; l'information qui émerge des lieux où nous effectuons nos diffusions.
C'est un de nos objectifs. Nous voulons que notre bulletin de nouvelles soit de plus en plus local et utile pour la collectivité, parce qu'il est plus pertinent pour elle. C'est plus direct pour l'auditoire, alors nous utilisons l'information locale, ce que nous apprenons, observons et colligeons pendant nos diffusions. Nous voulons encourager nos journalistes à chercher de l'information dans les collectivités même où ils travaillent, afin qu'ils puissent enrichir leurs bulletins de nouvelles et offrir des nouvelles qui proposent des solutions. Ce serait l'idéal.
Il existe une loi relative aux services communautaires qui s'applique aux étudiants universitaires. Pour obtenir leur diplôme, ils doivent effectuer des heures de service communautaire pendant les dernières années de leur formation. Certains le font avec nous. Nous avons des liens avec plusieurs universités. Notre projet de service communautaire a été approuvé. C'est aussi un processus de formation pour les journalistes et les reporters. Certains qui ont commencé à travailler avec nous lorsqu'ils étaient étudiants sont restés avec nous. Ils font maintenant partie de notre équipe.
Merci, madame Castillo.
Madame Htusan, j'aimerais vous poser une question au sujet des médias ethniques, des médias locaux au Myanmar. Je crois comprendre qu'il n'en reste que peu ou pas du tout.
Est-ce bien le cas?
C'est exact.
Même les médias grand public, lorsqu'il s'agit de la crise touchant les Rohingyas, sont passés à droite. Ils sont soudainement devenus les partisans du gouvernement. Pendant très longtemps, ils ont considéré que les Rohingyas n'existaient pas ou n'appartenaient pas au pays; ainsi ils refusent de publier des reportages sur les Rohingyas. Nous avons un très, très petit groupe de médias de gauche.
Cela m'amène à ma prochaine question.
Quelle est la meilleure source d'information en provenance de l'État de Rakhine?
C'est une question très difficile pour tous les journalistes à l'heure actuelle. Depuis 2016, le gouvernement du Myanmar a fermé toute la région de l'État de Rakhine, en particulier là où des centaines de milliers de Rohingyas ont fui. Lorsque les meurtres et les viols dont nous avons entendu parler ont eu lieu, nous n'avons pas été autorisés à nous approcher de cette région. Dans mon cas particulier, j'avais établi des liens de longue date avec les communautés des Rohingyas de sorte que j'ai pu communiquer avec elles sur différentes plateformes de médias sociaux, comme WhatsApp ou Viber, pour obtenir toute l'information qu'elles pouvaient me fournir. Partant de cette information, bien sûr, j'essaie de vérifier auprès de l'administration locale, qui nie invariablement que quoi que ce soit se soit produit.
Il est très difficile pour les journalistes d'accomplir leur travail. Lorsque nous signalons un événement dont nous avons pris connaissance grâce à des sources des Rohingyas et que le gouvernement nie l'information, lorsque nous la publions, nous devenons les fautifs... ceux qui sont accusés de diffamation.
Merci beaucoup.
Nous allons passer à la prochaine série de questions. Nous allons nous limiter à quatre minutes par personne.
Commençons par M. Picard.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je remercie nos témoins de leurs témoignages, et je leur dis bravo pour le courage dont ils font preuve.
Ma question concerne le Myanmar. Tout à l'heure, nous avons posé à la représentante d'El Bus TV une question sur l'accès à Internet, qui me semble assez limité. Comment cela se passe-t-il au Myanmar en matière d'accès à Internet? Est-ce un outil qu'on peut utiliser tant pour contourner toute censure qu'aggraver la situation actuelle?
[Traduction]
On a parlé d'Internet avec El BusTV et du fait que l'accès était limité et ainsi de suite. Comment cela fonctionne-t-il au Myanmar? Quel genre d'accès avez-vous, le cas échéant? Quel genre d'impact a l'accès à Internet? Il y a aussi toutes les questions sur les fausses nouvelles, l'intervention d'entités étrangères, etc.
Nous obtenons l'information du gouvernement. Le gouvernement utilise différentes plateformes de médias sociaux pour les pages Facebook ou les sites Web de ses ministères officiels. Le problème, c'est que l'information officielle que nous obtenons du gouvernement est elle-même de la désinformation.
Actuellement, les médias locaux rapportent les déclarations du gouvernement et les commentaires tirés directement des entrevues avec le gouvernement, qui sont habituellement inexacts.
En fait, nous obtenons beaucoup de désinformation. Mais en même temps, rien n'empêche de la diffuser, parce qu'elle vient directement du gouvernement. Le gouvernement donne aux journalistes le genre d'information qu'il veut diffuser. C'est l'un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés en ce moment.
Madame Castillo, vous avez dit que vos journalistes étaient parfois arrêtés pendant leurs bulletins de nouvelles. Mais vous dites aussi que dans bien des cas, vos sources sont officielles. Comment les sources officielles finissent-elles par devenir celles qui vous arrêtent? Ça semble plutôt contradictoire. Il veut que vous ayez les bonnes sources d'information, mais en même temps, il veut vous empêcher de faire votre travail.
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Notre responsabilité est de pouvoir analyser et critiquer l'information officielle, afin de pouvoir comparer ce que Juan Guaido dit au sujet de l'aide humanitaire à ce que Nicolas Maduro dit au même sujet. Cela fait aussi partie de notre responsabilité dans le travail que nous accomplissons. Nous laissons au public et aux citoyens le soin de décider de leur point de vue sur ces différentes versions.
Étant donné que la plupart des gens n'ont accès qu'à des médias officiels et à des chaînes de télévision officielles, ils sont surpris d'entendre des informations pertinentes pour l'opposition, sur la corruption ou l'inflation et sur tous ces sujets qui ne sont pas couverts par les médias officiels ou comme l'aide humanitaire.
Il y a des gens qui sont surpris quand on leur montre toutes ces réalités que le gouvernement n'évoque pas. Ils ne savaient pas que ces choses se passaient et sont donc surpris de l'apprendre.
Désolée, votre temps de parole est échu.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Anderson, pour quatre minutes.
Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Madame Htusan, j'aimerais vous questionner un peu sur le rôle que joue actuellement le bouddhisme dans l'état des choses au Myanmar. Vous avez parlé de trois entités dont vous devez vous préoccuper: l'armée, les extrémistes bouddhistes, dont certains moines qui sont étroitement liés aux dirigeants militaires en ce moment, et bien sûr le gouvernement civil.
Le bouddhisme semble changer de visage. Avant la révolution de 2007, les notions de bonté, de compassion et d'amour étaient au premier plan. Il semble maintenant que ce soit un nationalisme birman qui prenne le dessus.
Ce n'est pas seulement au Myanmar non plus. On l'observe au Sri Lanka, en Thaïlande et dans d'autres régions.
Pourriez-vous nous parler de l'impact de cette nouvelle réalité sur le journalisme et sur votre capacité en tant que journaliste? Aussi, comment lutter contre cette situation ou quelles sont les façons dont nous devons travailler ensemble pour essayer de combattre ce phénomène?
Lorsque nous examinons la révolution de 2007 menée par les moines bouddhistes pour la démocratie et les droits de la personne, nous constatons qu'ils avaient beaucoup de revendications politiques. Les moines bouddhistes et les organisations bouddhistes sont des organisations de longue date qui représentent les collectivités et les sociétés du Myanmar, parce qu'il s'agit d'un pays à majorité bouddhiste.
Le problème, c'est que dans le passé et jusqu'en 2012, le pays était sous une dictature militaire et le nationalisme n'était pas une priorité: la priorité pour le peuple, c'était de renverser le régime militaire et d'instaurer la démocratie. Lorsque le pays a commencé à s'ouvrir au monde en 2010, 2011 et 2012, les organisations bouddhistes ont vu le jour avec le soutien des forces militaires. Ces organisations ne sont pas nées spontanément. Il a été démontré que lorsque les moines bouddhistes extrémistes prêchent le bouddhisme au peuple partout au pays, ils revendiquent la mise à mort des musulmans. Ils le prêchent ouvertement et ne se font pas arrêter. Le gouvernement les entend. Les dirigeants locaux et les gens les entendent, mais jusqu'à présent, pas un seul moine bouddhiste n'a été réprimandé pour ses agissements.
Cela signifie que ce groupe en particulier est très prolifique, parce qu'il reçoit l'appui des militaires et peut être utilisé à des fins politiques en tout temps. La façon dont cette organisation a été utilisée et le succès de l'armée dans la crise touchant les Rohingyas en sont la preuve.
En même temps, leur donner autant de pouvoir en tant qu'organisation religieuse est très dangereux non seulement pour le peuple du Myanmar, mais aussi pour les journalistes. Lorsque des journalistes veulent faire des reportages sur des minorités particulières dont l'organisation ne veut pas, elle s'en prend à eux.
De nos jours, ils ne se cachent même plus pour contrer le travail des journalistes. Par exemple, lorsqu'ils ont essayé de fermer deux madrasas musulmanes, un de mes journalistes vidéo a essayé de faire état des manifestations et a été battu par un moine bouddhiste au milieu des manifestations.
Les extrémistes mettent réellement en danger la liberté de la presse, et cela ne vient pas seulement du gouvernement ou des militaires. Ils ont tellement de pouvoir ces jours-ci qu'ils nous empêchent de faire des reportages sur les situations que nous sommes censés couvrir. Il est très important, en tant que médias grand public, de sensibiliser davantage les gens et de travailler avec des groupes de la société civile qui peuvent joindre les gens dans les efforts de libéralisation de la religion. Je pense qu'il s'agit là de la seule façon de procéder.
Merci aux témoins.
Comme je n'ai que quatre minutes, ma question est très brève, mais importante, je pense. Elle s'adresse à Mme Castillo.
Compte tenu de la situation actuelle au Venezuela, il est évidemment difficile pour les journalistes de faire leur travail dans un contexte de conflit. Cependant, je crains que le Venezuela se dirige éventuellement vers une guerre civile, compte tenu des manifestations récentes et des récents affrontements qui ont eu lieu, en plus du fait que l'État semble divisé, avec certaines forces de sécurité qui se rangent du côté de l'opposition, ou du moins qui commencent à le faire.
Pensez-vous que le Venezuela se dirige vers une guerre civile? De toute évidence, si c'est le cas, la situation serait encore plus dangereuse pour les journalistes.
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Je pense que vous avez raison, et il est très difficile de répondre à cette question. Selon le dernier rapport, au moins 500 soldats ont franchi la frontière et quitté les forces armées. Les forces armées perdent des militaires et s’affaiblissent. Il y a eu un affaiblissement au fil du temps. Des groupes paramilitaires ont été créés et ce sont eux qui ont la responsabilité de mener à bien certaines actions ou d’exécuter certains ordres. Ce sont les groupes paramilitaires armés violents que nous avons vus dans les rues en fin de semaine, par exemple, et oui, ils pourraient créer une situation qui dégénère en violence et en anarchie — surtout beaucoup d’anarchie.
Lorsque nous pensons à une transition possible, il est important de trouver une façon de traiter avec ces groupes très anarchiques qui sont armés depuis de nombreuses années. Il ne fait aucun doute que ces groupes ont reçu l’appui du gouvernement.
Être journaliste, c’est déjà compliqué. J’espère que les groupes paramilitaires n’auront jamais un plus grand pouvoir, mais si cela se produit et la situation s’aggrave considérablement, je pense que le simple fait de sortir dans la rue deviendra très délicat, non seulement pour les journalistes, mais aussi pour tout le monde. On l’a déjà vu en fin de semaine. Le vice-président a déjà dit que c’était un exemple de ce qu’ils sont capables de faire.
Ma question s’adresse à vous deux. Nous pourrions peut-être commencer par vous, madame Castillo, pendant environ une minute, puis nous passerons à vous, madame Htusan.
J’aimerais savoir ce que vous pensez de certaines des mesures visant à protéger les journalistes. Comme vous le savez, Reporters sans frontières, par exemple, a demandé aux Nations unies de créer un poste de conseiller spécial pour la protection des journalistes qui relèverait du secrétaire général. Il y a peut-être d’autres organisations qui ont des mécanismes. Qu’en pensez-vous?
Nous allons commencer par vous, madame Castillo.
[Le témoin s'exprime en espagnol et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
Au cours des dernières années, le journalisme au Venezuela a été reconnu à l’échelle internationale. De nombreux journalistes ont dû s’exiler, et bon nombre d’entre eux ont reçu des prix et une reconnaissance pour leur travail. Nous avons des organisations et des syndicats qui nous rassemblent et nous unissent. Ils nous appuient. Toutefois, il ne fait aucun doute que nous aurions besoin d’une meilleure coordination pour assurer la protection. C’est quelque chose que nous recherchons continuellement.
Les migrations ne touchent pas seulement les journalistes. Elles touchent tout le monde. Notre groupe de journalistes n’est plus aussi important qu’il l’était, mais nous cherchons à obtenir du soutien au sein des syndicats et des organisations internationales qui sont présentes ici.
Pour l'instant, nous nous débrouillons comme nous pouvons. Il y a deux ou trois jours, nous avons vu comment un journaliste mexicain américain a été détenu et expulsé du pays. La protection des journalistes est très fragile. Il n’y a aucune garantie. C’est la réalité au Venezuela.
Oui. J’en déduis que vous êtes d’accord pour dire qu’il devrait y avoir un poste spécial au sein des Nations unies qui traite de la protection des journalistes et en fait rapport.
Madame Htusan, j’aimerais connaître votre opinion sur les mécanismes que nous pourrions mettre en place ou qui pourraient être améliorés?
Je suis tout à fait d’accord pour dire que nous avons besoin d’une plus grande organisation, à l’ONU ou ailleurs, d’un mécanisme international qui puisse protéger directement les journalistes partout dans le monde.
En même temps, dans le contexte du Myanmar, le plus grand défi pour les journalistes est la menace juridique. Je pense que le gouvernement du Myanmar, le gouvernement civil, doit subir des pressions pour abolir ces lois. Le gouvernement civil se plaint qu’il a les mains liées parce que l’armée est toujours au pouvoir, ce qui n’est pas vrai. Au Parlement, ils ont du pouvoir. Ils ont plus de sièges. Ils peuvent voter en faveur de l’abolition de ces lois répressives de l’ère coloniale qui touchent directement la liberté de presse au pays, et ils ne l’ont pas encore fait. Ils s’en servent plutôt pour faire avancer leurs propres intérêts depuis l’arrivée au pouvoir d’Aung San Suu Kyi en 2016. Je pense qu’il est très important d’éliminer ces entraves au travail des journalistes, car elles ne devraient pas exister et pourraient être éliminées facilement.
De plus, je suis tout à fait d’accord pour qu’il y ait une organisation internationale qui puisse travailler avec les journalistes et les protéger.
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