SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 juin 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à tous. Je suis enchantée que le Sous-comité tienne une séance sur les Roms aujourd'hui.
Nous recevons Dafina Savic, fondatrice de Romanipe, une organisation sans but lucratif de Montréal qui lutte contre la discrimination envers les Roms à l'échelle mondiale, que nous avons l'immense plaisir d'entendre à titre de témoin aujourd'hui.
Madame Savic, nous vous accorderons une dizaine de minutes pour faire votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions. Comme c'est la première fois que le Comité entend parler de ce sujet, nous sommes fort impatients d'entendre votre témoignage.
Vous avez la parole, madame Savic.
Je tiens tout d'abord à remercier le Comité de m'offrir l'occasion de traiter de la situation des droits de la personne des Roms dans le monde aujourd'hui, une situation trop souvent ignorée. Les Roms forment un peuple dont l'existence même demeure menacée, dont la dignité humaine est continuellement bafouée aujourd'hui dans le monde et dont le combat reste en grande partie invisible. C'est sur ce peuple que je tenterai de faire la lumière au cours de mon exposé.
Quand on salue quelqu'un en romani, on dit...
[Le témoin s'exprime en romani.]
[Traduction]
... ce qui se traduit par « Je vous salue avec bonne volonté. »
J'espère vraiment que ma présence ici aujourd'hui vous incitera à prendre des mesures au sujet des droits de la personne des Roms, qui restent souvent invisibles et qui sont largement ignorés aujourd'hui dans le monde.
Il y a sept ans, j'ai fondé une organisation sans but lucratif du nom de Romanipe, dont la mission principale consiste à défendre la dignité humaine contre les violations de droits de la personne dont les Roms sont victimes à l'échelle mondiale. C'est sur le principe d'unité que notre organisation a été fondée. Elle collabore donc avec de nombreux groupes dont nous partageons la souffrance et qui ont été victimes de génocide. Dans un esprit de solidarité avec ces groupes, mais également dans le but d'agir avec eux, nous voulons aussi exprimer notre solidarité avec des témoins qui ont comparu devant votre comité, soit les Autochtones ainsi que les gens du Burundi et les Rohingyas du Myanmar, avec lesquels nous sommes solidaires.
Il y a près de 75 ans aujourd'hui, les derniers 2 998 prisonniers roms du camp de familles gitanes d'Auschwitz-Birkenau ont été assassinés en masse par les nazis et leurs collaborateurs. Selon les dernières estimations, au moins un demi-million de Roms ont été tués par les nazis et leurs collaborateurs au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ce fait historique est malheureusement en grande partie ignoré et inconnu, et rien n'est enseigné à ce sujet dans les écoles du monde.
Depuis huit ans, notre organisation se bat pour que le gouvernement canadien admette officiellement le génocide des Roms. Le 2 août dernier, par l'entremise de la ministre Freeland et du ministre Rodriguez, il a indiqué qu'il s'engageait à le reconnaître. Aujourd'hui, toutefois, nous attendons toujours l'adoption d'une loi du Parlement qui officialiserait cette reconnaissance.
La reconnaissance du génocide des Roms revêt une grande importance, car la situation des droits de la personne des Roms, ainsi que la haine et le racisme dont ils font l'objet restent aujourd'hui des formes très normalisées de racisme, étant donné que l'histoire de ce peuple, particulièrement au cours de la Seconde Guerre mondiale, demeure en grande partie inconnue et ignorée.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis et leurs collaborateurs ont invoqué le préjugé voulant que les Roms soient des criminels pour justifier l'assassinat de masse d'au moins un demi-million de Roms. Dans les pays européens, ce préjugé perdure malheureusement encore. Dans un grand nombre de ces pays, des murs physiques ont été érigés pour séparer les Roms des citoyens non roms. Ces murs ne constituent pas des frontières, mais ils ont été construits dans certaines villes pour séparer les Roms des citoyens non roms. Dans des pays comme la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie, les enfants roms sont placés en nombre disproportionné dans des écoles distinctes sans examen préalable, sur la foi de la croyance voulant qu'ils soient mentalement inférieurs aux enfants non roms.
Cette ségrégation a été constatée et condamnée par un grand nombre d'organisations comme Amnistie internationale, le Centre européen des droits des Roms et bien d'autres, qui ont décrié ces pratiques et proposé de demander aux pays concernés de mettre fin à la ségrégation des enfants roms. Malheureusement, comme Amnistie internationale et de nombreuses autres organisations l'ont fait savoir récemment, la ségrégation des Roms est encore présente dans presque tous ces pays.
Encore en 2012, des cas de stérilisation forcée de femmes roms ont été rapportés dans des pays comme la Hongrie et la Slovaquie. Les gouvernements de ces pays ont admis les faits, sans toutefois prendre de mesure pour offrir un dédommagement aux femmes stérilisées de force dans ces pays.
Tout récemment, l'an dernier en fait, en dépit des nombreux avertissements d'organisations comme Amnistie internationale au sujet d'attaques violentes perpétrées contre des établissements roms dans des pays comme l'Ukraine, un jeune Rom a été tué par des membres de l'extrême droite sur le principe voulant qu'il fallait le tuer pour éliminer la prétendue criminalité gitane.
En Italie, le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, a annoncé récemment son intention de lancer un recensement des Roms, une politique qui rappelle fort celles imposées à la population juive en 1933 dans ce pays. Cette politique a remporté un large soutien auprès de la population et a en fait suscité une augmentation des crimes haineux à l'endroit de la population rom en Italie.
L'an dernier à peine, après le meurtre violent de trois jeunes filles roms, des graffitis ont été peints sur les murs de Rome où on faisait l'éloge de ce meurtre. En fait, on peut voir sur des photos que certains de ces graffitis indiquaient « Trois Roms de moins ». Cela s'est produit l'an dernier à peine.
Ce mois-ci, en Bulgarie, des néonazis ont organisé des marches en menaçant des villages roms, en entonnant des slogans contre eux et encourageant la violence contre ce peuple.
En France, il y a quelques mois, en raison d'un stéréotype remontant à l'époque médiévale, des Roms ont été accusés de voler des enfants. De nombreuses familles roms, y compris des enfants, ont été hospitalisées à la suite d'attaques violentes. Ces exactions sont le résultat des fausses nouvelles diffusées sur les médias sociaux.
Nos collègues de France sont membres de la seule organisation qui se soit élevée contre cette violence. Leurs efforts ont incité le gouvernement à agir.
Le problème touche énormément de pays. Ces actes ont été commis au cours des derniers mois. Cela ne s'est pas produit il y a des années, mais au cours des dernières semaines. Des Roms ont été tués en Bulgarie simplement parce qu'ils étaient des Roms.
Je voudrais vous rapporter les propos de partis au pouvoir dans des pays où les marches sont organisées. Un chroniqueur politique membre fondateur du parti au pouvoir en Hongrie, Fidesz, a affirmé que quiconque écrase un enfant gitan agit bien s'il ne lui vient pas à l'idée d'arrêter et qu'il appuie sur l'accélérateur. Quant aux Tchèques ethniques ayant participé à une manifestation contre les Roms en République tchèque, ils ont déclaré que les gitans devaient être jetés dans des chambres à gaz, brûlés vifs, enterrés vivants et poignardés dans le dos.
Depuis 2012, nous avons été témoins de ce que nous appelons des marches contre les Roms. La plupart du temps, elles sont organisées par l'extrême droite, mais elles reçoivent un large appui chez les citoyens ordinaires. Les gens marchent en brandissant des pancartes arborant des swastikas, souvent habillés comme Hitler et en scandant des slogans contre les Roms.
Comment le monde a-t-il réagi à ces situations? Il n'a malheureusement rien fait, car, comme je l'ai indiqué plus tôt, la violence commise contre les Roms constitue aujourd'hui une des formes de racisme les plus normalisées, une forme malheureusement fondée sur la croyance selon laquelle les Roms sont fondamentalement criminels.
Comment le gouvernement du Canada a-t-il réagi à cette violence? Malheureusement, en 2012, sous le gouvernement précédent, un grand nombre de Roms sont venus au Canada pour y demander l'asile et être protégés contre la montée du mouvement néonazi. C'était en 2012, quand le mouvement d'extrême droite a atteint un paroxysme. En fait, dans un village de Hongrie, six Roms, dont un garçon de six ans, ont été tués lors d'attaques commises par l'extrême droite.
Un grand nombre de Roms sont venus au Canada pour y demander l'asile. Le gouvernement de l'époque a toutefois invoqué le prétexte de la criminalité, les accusant d'être de faux réfugiés ne méritant pas la protection du Canada.
Notre organisation a demandé au gouvernement de s'attaquer à ces problèmes avec chaque ministre depuis l'époque à laquelle Jason Kenney était en poste. En fait, ce dernier est responsable du dépôt du projet de loi C-31, lequel prévoyait des mesures visant expressément à restreindre l'entrée de demandeurs d'asile roms et en vertu duquel des affiches ont été disposées dans des villages de pays comme la Hongrie, d'où ont sait que les Roms viennent, afin de décourager les Roms de demander l'asile au Canada. Ces mesures stratégiques se sont avérées efficaces. Selon les statistiques, l'acceptation des Roms a diminué de 90 % entre 1998 et 2012.
Notre organisation a travaillé avec de nombreuses familles injustement expulsées. En fait, nous travaillons encore avec une famille qui risque d'être expulsée au cours des deux prochaines semaines parce que le projet de loi C-31 est toujours en vigueur et que les pays que j'ai évoqués, où les Roms sont perçus comme des animaux et menacés de mort, sont jugés sécuritaires par le gouvernement du Canada. Nous avons proposé de revoir les dispositions de ce projet de loi où figurent les critères sur ce qui constitue un pays sécuritaire et de confier l'établissement de ces critères à un comité d'experts.
Un nouveau gouvernement est entré au pouvoir, et le mandat est passé au ministre Hussen, mais comme ce dossier a été retiré de son mandat, ces pays sont toujours considérés comme sécuritaires.
Bien entendu, les Roms sont de plus en plus acceptés, particulièrement ceux de Hongrie, à la lumière des preuves solidement étayées de persécution des Roms dans ces pays. Pourtant, le projet de loi a encore des conséquences, comme notre organisation a été à même de la constater. Au cours des trois derniers mois, nous avons travaillé à au moins trois dossiers d'expulsion de familles roms arrivées dans les environs de 2012. Les politiques adoptées par le gouvernement du Canada ont encore des conséquences.
Pour vous donner un aperçu des travaux de notre organisation, quand nous avons créé notre organisation, nous avions l'intention d'utiliser le Canada comme modèle pour montrer à l'Europe comment elle pourrait s'améliorer, malgré le fait que notre pays ait ses propres problèmes en matière de droits de la personne. Malheureusement, le gouvernement du Canada nous a obligés à changer notre fusil d'épaule, car les Roms qui ont fui leur pays en raison de la discrimination dont ils faisaient l'objet ont été renvoyés vers cette discrimination et sont donc deux fois victimes de discrimination dans leur pays d'origine.
À ce sujet, pour vous donner un exemple concret, en vertu de la Convention relative au statut de réfugié de 1951, que le gouvernement du Canada a ratifiée, un pays ne peut pas renvoyer de gens vers des situations où ils s'exposent à la persécution; or, dans le cas des Roms, c'est exactement ce qu'il s'est passé. Nous avons travaillé avec de nombreuses familles, particulièrement celles ayant des enfants roms, qui savaient qu'elles seraient refusées en raison du taux élevé de refus de réfugiés dont l'éducation n'était pas reconnue dans des pays où elles faisaient déjà l'objet de ségrégation. Elles ont été renvoyées dans leurs pays, été victimes d'une double discrimination et ont dû abandonner l'école.
C'est sur cette note que je conclurai mon exposé, mais je veux prendre 30 secondes pour formuler des recommandations concrètes, si vous le voulez bien.
Nous demandons essentiellement au gouvernement du Canada d'éliminer le projet de loi C-31 ou, au moins, de nommer un groupe d'experts pour déterminer ce qui constitue un pays sécuritaire; de collaborer avec les gouvernements européens pour s'attaquer à la situation actuelle des droits de la personne dans ces pays; et d'adopter officiellement une loi du Parlement. J'ai préparé un projet de loi déjà prêt à être présenté. Il suffit que des députés le déposent pour que le génocide des Roms puisse être reconnu. Je pense que la mission même de votre comité consiste à prévenir les atrocités de se produire dans l'avenir. Cela commence par l'admission des atrocités du passé.
Merci.
Merci beaucoup de ce témoignage très instructif.
Nous vous poserons maintenant quelques questions.
Nous commencerons par M. Anderson.
Vous disposez de sept minutes.
Je vous remercie, madame la présidente, de m'accorder la parole.
Merci de témoigner aujourd'hui.
Je me demande si vous pouvez m'indiquer la taille de votre communauté et me dire combien de gens...
Non, c'est à l'Europe que je m'intéresse. Je pense que le Canada compte environ 5 000 Roms. Est-ce exact?
Non. En fait, la documentation, les chiffres et les données constituent l'un des principaux problèmes relatifs aux Roms. La situation est en partie attribuable au fait qu'il n'existe aucun moyen de détecter un Rom à moins qu'il ne s'identifie lui-même. Selon le dernier recensement réalisé au Canada, il y a de 4 000 à 6 000 Roms au pays, mais en fait, selon une organisation rom de la société civile, de 80 000 à 100 000 Roms, voire plus, vivent au Canada.
Si les Roms sont moins susceptibles de s'auto-déclarer, c'est évidemment parce que la plupart d'entre eux viennent au Canada pour échapper à la discrimination et arrivent munis d'un passeport européen, comme ce fut le cas pour moi. J'ai un passeport européen. Il n'existe aucun moyen de détecter un Rom à moins qu'il ne s'identifie lui-même. En Europe, selon les dernières estimations, il y a de 10 à 15 millions de Roms. Ce n'est qu'en Europe. Dans les Amériques, il y en a au moins deux millions.
Si le principal moyen d'identification est l'auto-déclaration, quelle définition utiliseriez-vous pour définir la communauté rom, alors? Avez-vous une définition ou est-ce que le concept est trop vague pour le définir? Je sais que vous parlez précisément d'une communauté, mais existe-t-il des caractéristiques permettant d'identifier les Roms, selon vous?
De point de vue des droits de la personne, nous tendons à éviter de définir les peuples, mais je pense que les Roms se définissent par une histoire, une langue et un patrimoine culturel communs. L'histoire des Roms en est une de discrimination et de persécution. C'est en partie ce qui explique pourquoi les Roms forment une diaspora internationale. Originaires du Nord de l'Inde, les Roms sont arrivés en Europe au XIIe siècle et sont maintenant dispersés aux quatre coins du monde. Il y a des Roms au Moyen-Orient, en Australie et en Amérique latine.
Pour ce qui est de la définition, les Roms ont des traits communs, qui sont en fait leur histoire et leur patrimoine culturel communs. Il est toutefois très difficile de circonscrire un groupe de personnes au moyen d'une définition. Les Roms comprennent de nombreux sous-groupes.
Quels pays luttent plus efficacement contre l'opprobre envers les Roms? Qui intervient le mieux? Quels pays nommeriez-vous?
Malheureusement, partout où vit une population rom, il a de la discrimination. Je ne pense pas que ce soit une question de savoir quel pays se montre le plus efficace, mais malheureusement de savoir dans quel pays les Roms sont les plus invisibles.
Au Canada, en fait, les Roms ont réussi à s'émanciper parce que les premiers sont arrivés au pays au début des années 1800. Il y a des Roms ici depuis au moins 200 ans. Leur invisibilité est la clé de leur émancipation. Quand j'ai indiqué plus tôt au cours de mon exposé que lorsque nous avons créé l'organisation, nous avions l'intention de nous servir du Canada comme modèle, je voulais dire que le Canada, par ignorance, n'a pas imposé ce que je qualifierais de « politiques d'inclusion ». Ce fut une réussite, car les Roms ont simplement bénéficié de droits égaux et d'un accès égal à l'éducation, et ce, sans traitement particulier. Je n'aime pas le mot « intégration », mais sachez que l'émancipation des Roms est devenue naturelle, car ils se sont vu accorder des droits égaux.
En Europe, il y a bien des problèmes avec la manière dont on intervient pour corriger la situation des droits de la personne des Roms, notamment le racisme structurel qui existe au sein des organisations européennes et le fait que les politiques relatives aux Roms soient élaborées par des non-Roms. Les Roms sont exclus des processus stratégiques qui les concernent. Je qualifie donc souvent les politiques d'« inclusion exclusive », car elles ciblent les mauvais problèmes. Par exemple, on parle d'intégration sans s'attaquer à la ségrégation des enfants roms l'école. Quand il est question d'éducation, il importe de s'attaquer d'abord aux causes fondamentales, dont la mentalité bien enracinée voulant que les Roms soient mentalement inférieurs, comme je l'ai souligné.
Puis-je vous poser des questions à ce sujet? La dernière chose que nous voulons, c'est que nos enfants soient victimes de discrimination. Le principe de la ségrégation des enfants roms est-il généralisé dans l'ensemble de l'Europe ou est-il présent seulement dans certains pays? Où la ségrégation est-elle pratiquée?
Elle est pratiquée dans certains pays, tels que la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Serbie et la Grèce. Les exemples les mieux documentés et les plus nombreux sont en Hongrie et en République tchèque, ainsi qu'en Roumanie. En fait, comme je le disais tout à l'heure, des sommes importantes ont été investies dans l'inclusion des Roms, mais en Roumanie, une partie des fonds ont servi à construire une école distincte pour les Roms.
Construisent-ils les écoles dans les régions où les gens sont établis, pour ensuite les isoler? Est-ce...
Dans ce cas-là, l'école a été construite dans un établissement rom, à l'écart du reste de la population. Aucun enseignant ne voulait y travailler. Les fonds ont été utilisés pour construire une école distincte, et aucune route ne permettait d'y accéder. Un des problèmes, c'est que beaucoup d'enseignants refusent de travailler à l'intérieur d'établissements roms pour des raisons liées au racisme et aux préjugés.
Encore une fois, souvent, la cause première se rapporte au racisme. Mon grand-père a dû changer de nom de famille afin de se procurer un passeport serbe. Notre nom de famille était « Sajn », un nom typiquement rom. Nous avons dû le remplacer par « Savic », un nom serbe très commun, pour pouvoir obtenir un passeport serbe.
En Europe de l'Est surtout... J'ai participé récemment au Forum des Nations unies sur les questions relatives aux minorités, qui portait sur l'apatridie. Le Centre européen des droits des Roms vient de publier un rapport qui montre qu'une grande proportion des Roms sont sans papiers et apatrides.
Une des nombreuses questions que je n'ai pas eu le temps d'aborder durant mon exposé, c'est le fait qu'en période de conflit, les Roms sont souvent deux fois victimes de discrimination. La situation dans l'ancienne Yougoslavie en est la preuve: une grande proportion des Roms sont devenus apatrides à cause de la guerre parce qu'ils n'étaient pas considérés comme appartenant à un des pays qui s'est alors séparé. En gros, personne ne voulait d'eux, et ils se sont fait renvoyer d'un pays à l'autre. Comme un grand nombre de Roms étaient analphabètes, l'incapacité d'être identifié à la naissance est une des raisons qui expliquent le manque de documentation et...
Par rapport aux personnes apatrides et sans papiers, j'aimerais savoir si vous pouvez me dire quelles ont été les répercussions de la migration massive vers l'Europe sur votre communauté au cours des 10 dernières années. Quelqu'un voudra peut-être reprendre ce sujet.
La migration est un enjeu important. Je suis d'avis qu'il faut toujours envisager la situation des Roms dans une perspective historique. Une partie des politiques discriminatoires, notamment en Italie ou même dans la majorité des pays, reposent sur la croyance que les Roms sont nomades, alors qu'en réalité, 90 % d'entre eux sont sédentaires. Par exemple, les politiques d'immigration sont souvent fondées sur la perception que les Roms sont nomades et que les déplacements font partie de leur culture, alors que la plupart du temps, ils se déplacent pour échapper à la persécution.
En ce qui concerne la migration, bien sûr, la montée de l'extrême droite et d'un fort sentiment anti-Roms a causé des déplacements. Dans le contexte du conflit en Syrie, les Doms, un sous-groupe étroitement lié à l'histoire des Roms, ont été deux fois victimes de discrimination puisqu'on leur a refusé l'accès aux camps de réfugiés. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, l'a signalé. Leurs souffrances ont été ignorées. La migration a toujours un double effet.
Pour terminer — car je sais que mon temps de parole est écoulé —, le gouvernement hongrois s'est servi des Roms comme prétexte pour refuser d'accueillir des réfugiés syriens. Il disait: « Nous devons déjà nous occuper des Roms, alors nous ne voulons pas d'autres réfugiés. » La migration entraîne un double effet.
Merci, madame la présidente.
Merci d'être ici, madame Savic, et merci pour votre travail. Il est particulièrement difficile pour les minorités apatrides de faire entendre leur voix à l'échelle internationale, et les efforts que vous déployez au Canada pour lutter contre les violations des droits de la personne sont très importants. C'est le sujet que j'aimerais aborder avec ma première question.
Vous avez mentionné que vous collaboriez avec d'autres groupes — en Europe, je présume, et peut-être aussi aux États-Unis —, mais ici, au Canada, où concentrez-vous vos efforts? Est-ce auprès des parlements nationaux ou des Nations unies, ou encore d'une combinaison des deux? Comment faites-vous?
Très franchement, nous intervenons partout où c'est possible. Comme je l'ai indiqué, l'un des principaux problèmes des Roms est l'absence de visibilité. Les Roms, en tant que peuple, passent inaperçus. Dans les Amériques, beaucoup nient l'existence même des Roms. Quand je me présente et que je dis que je suis Rom, les gens me disent que cela n'existe pas. À cela s'ajoutent les stéréotypes associés aux gitans.
Il y a une forte déshumanisation des Roms. Essentiellement, c'est l'une des étapes du génocide, car selon une croyance bien ancrée, être « gitan » n'est pas être membre d'un peuple; c'est avoir adopté un mode de vie. Cela contribue à déshumaniser les Roms, en plus de compliquer la lutte contre les problèmes dans les Amériques. Les enjeux liés aux Roms sont souvent ignorés, même dans le milieu des droits de la personne, car lorsqu'on évoque leur situation, on entend dire que pour les Roms, c'est un peu différent. C'est un aspect.
Dans le cadre des activités de défense des droits que nous menons depuis sept ans, nous avons abordé le sujet à tous les échelons, tant au provincial qu'au fédéral, comme je l'ai mentionné. Depuis 2012, nous avons présenté un rapport sur le projet de loi C-31 à tous les ministres. Nous avons demandé des réunions, mais nous n'avons pas encore eu de réponse favorable, malheureusement. Nous attendons toujours.
Je suis une ancienne boursière du Programme de bourses pour les minorités de l'ONU. Nous travaillons donc également avec le Haut Commissariat aux droits de l’homme de l'ONU, établi à Genève. Nous avons participé aux deux derniers ateliers régionaux sur la situation des Roms dans les Amériques. Nous avons aussi contribué à organiser ces ateliers, qui ont eu lieu dans les Amériques. Récemment, nous étions à l'Université Harvard et nous avons facilité la collaboration entre le HCDH et l'Université Harvard afin de poursuivre la mise en œuvre des recommandations formulées lors du dernier atelier régional sur les Roms dans les Amériques, qui a eu lieu à Boston. Nous collaborons actuellement avec l'ONU à la préparation du prochain atelier, qui aura probablement lieu au Mexique.
Nous collaborons aussi avec un solide réseau d'organisations européennes qui travaillent étroitement avec le Conseil de l'Europe. Cette initiative a d'ailleurs mené, en 2015, à la reconnaissance officielle par le Parlement européen du génocide des Roms. Nous travaillons surtout avec eux sur la reconnaissance du génocide des Roms. Nous avons récemment reçu l'invitation du Réseau européen sur l'apatridie de devenir membre du réseau, qui traite aussi de questions surtout liées à l'apatridie, principalement en Europe.
On dirait bien, en effet. Encore une fois, je vous félicite, car cela demande beaucoup d'efforts, c'est le moins qu'on puisse dire.
J'ai eu l'occasion, dans le passé ou dans une vie antérieure, si je peux m'exprimer ainsi. Avant de me lancer en politique, j'ai travaillé comme universitaire et commentateur dans les médias. Votre expérience ressemble beaucoup aux activités menées par les gens des minorités kurde et amazighe pour sensibiliser la communauté internationale à leur cause.
Je voulais toutefois vous poser une question bien précise. Vous avez légèrement abordé le sujet aujourd'hui, mais je me demande si vous pourriez nous en dire davantage. Quels sont les principaux objectifs? Quel message souhaiteriez-vous que le Comité retienne quant à l'approche que devrait prendre le gouvernement à l'égard de certains des enjeux que vous avez soulevés? Nommez une ou deux choses que le Comité devrait garder à l'esprit.
Nous en avons quelques-uns, mais je vais m'en tenir à deux.
Concernant nos objectifs au Canada par rapport à la situation en Europe, notre priorité des sept dernières années était la reconnaissance, par le gouvernement canadien, du génocide des Roms. Comme je l'ai mentionné, il s'agit d'une étape essentielle dans la prévention d'un génocide, de notre point de vue, surtout aujourd'hui, car dans le projet de loi que nous avons rédigé, nous demandons un engagement pour la reconnaissance du génocide des Roms, et aussi un engagement pour régler la situation des droits de la personne des Roms, pas seulement en Europe, mais partout dans le monde.
De plus, la protection des droits des réfugiés roms a été l'une de nos priorités. Par conséquent, l'abrogation du projet de loi C-31, ou du moins la révision des critères relatifs à la définition d'un pays sûr, est certainement une priorité. Je pense que le gouvernement canadien a la responsabilité, à tout le moins dans un premier temps, de dénoncer les violations très graves dont les Roms sont victimes. Lorsque des Roms sont tués, le monde reste silencieux. Je pense que le Canada pourrait être un chef de file et prendre ses responsabilités.
Je tiens simplement à dire que nous travaillons actuellement avec le ministère des Affaires internationales et le ministère du Patrimoine canadien sur la question de la reconnaissance. Nous avons demandé au ministère des Affaires mondiales d'en saisir les ambassades dans les pays concernés. Nous avons notamment communiqué avec notre ambassadeur en Bulgarie concernant le récent meurtre d'un enfant rom et le discours haineux véhiculé par un ministre, à l'époque. Nos regards sont maintenant tournés vers les situations en France. Le gouvernement canadien pourrait jouer un rôle de chef de file, ne serait-ce qu'en facilitant le dialogue entre les ambassades des pays à forte population rom.
Je suis heureux que le dialogue soit commencé, au moins. Je vous remercie.
Vous auriez pu venir ici avec 40 priorités et ne rien nous laisser, mais vous nous avez laissé deux aspects sur lesquels concentrer notre réflexion.
Madame la présidente, ai-je le temps de poser une autre question?
Très bien. Ce sera ma dernière question.
Vous avez parlé des médias sociaux ainsi que des images et discours précis qui y circulent. Vous n'êtes pas allée dans les détails, mais je suppose que vous parliez de WhatsApp et de Twitter. On peut aussi penser à d'autres exemples. Au Canada, cela a fait l'objet d'un débat. Récemment, un comité de parlementaires basé au Canada, mais formé de parlementaires de divers pays, s'est réuni pour discuter des mesures que peuvent prendre les démocraties à l'égard des médias sociaux. En tant que députés, à l'instar du gouvernement, nous continuons d'exhorter les médias sociaux à reconnaître leur responsabilité dans la lutte contre les fausses informations, les fausses nouvelles et les vraies fausses nouvelles, et non contre les vraies nouvelles que certains dénoncent comme étant fausses.
Pouvez-vous parler de cet aspect?
Vous avez dit que les Roms sont des victimes particulières, qu'ils sont victimes de l'intérieur, surtout en raison du discours populiste d'aujourd'hui qui s'appuie sur une rhétorique qui a toujours visé les Roms. Quand vous parlez de défense des droits, votre organisation et d'autres organismes semblables ont-ils demandé à Facebook, Twitter et aux dirigeants de WhatsApp d'exercer une surveillance rigoureuse de l'utilisation de leurs plateformes?
Je suppose qu'il y a trois réponses à votre question.
Premièrement, j'ai déjà mentionné que nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres groupes qui ont été victimes de génocide. Récemment, en avril dernier, dans le cadre du Mois de la commémoration, de la condamnation et de la prévention du génocide, nous sommes venus ici pour demander au gouvernement canadien d'adopter une politique sur la prévention de la propagande haineuse en ligne. Nous savons tous qu'un génocide commence toujours par des mots. En fait, l'un des principaux éléments déclencheurs est la légitimation du discours haineux, en particulier sur les médias sociaux. Vous avez parlé de Twitter. J'ai mentionné ce qui s'est passé en France, qui découlait en fait de la promotion de fausses nouvelles sur Twitter. Des campements roms ont été attaqués, et des gens ont été hospitalisés simplement en raison de la propagation d'une rumeur fondée sur une croyance remontant au Moyen-Âge, selon laquelle les Roms volent des enfants. La haine contre les Roms, fondée sur cette rumeur, a été encouragée. Nous tentons évidemment de lutter contre cela.
Je dirais que dans les Amériques, comme je l'ai déjà dit, l'enjeu est de décourager l'utilisation du mot « gitan » comme synonyme de « nomade » ou de « libre esprit ». Le niveau de déshumanisation est très élevé. En Europe, nous avons beaucoup...
Je vois que mon temps est écoulé.
Oui. Merci beaucoup. Vous pourrez peut-être y revenir plus tard.
Nous passons à Mme Hardcastle, pour sept minutes.
Madame Savic, j'aimerais que vous poursuiviez dans cette veine, car je dirais, en toute franchise, que si nous sommes appelés à informer les gens et à discuter ouvertement de la question tout en étant respectueux à l'égard des Roms, je dois en savoir plus sur l'utilisation de termes comme « gitan » et sur ce que nous pouvons faire sur les médias sociaux.
Allez-y.
Je ne vais pas vous en faire l'historique, parce que ce serait très long. Je vais simplement vous expliquer pourquoi la terminologie est péjorative. Évidemment, comme dans de nombreux cas, le terme « gitan » fait souvent l'objet de débats.
La racine du mot « gitan » vient du mot grec athinganos, qui signifie « intouchable ». Ce terme a été accolé aux Roms à leur arrivée en Europe, car on croyait, à tort, qu'ils étaient Égyptiens, puisqu'ils avaient la peau plus foncée. Le mot « Égypte » est devenu « gyp ». Le mot anglais « gypped » est synonyme de « vol ». On associe les Roms au vol ou au banditisme. Il y a une émission de télévision américaine intitulée Gypsy, qui n'a rien à voir avec les Roms. Ce sont plutôt des histoires de mauvais comportements, je suppose, ou de vols et de cambriolages. À Montréal, un restaurant appelé « Gypsy » vient d'ouvrir ses portes. Nous avons contacté les responsables pour leur dire que le terme est désobligeant. Ils ont dit qu'ils pensaient que cela signifiait « libre esprit » et que c'était acceptable.
Quant au degré de compréhension, il est difficile de convaincre les gens d'utiliser les bons termes. Nous avons recommandé aux Nations unies d'adopter une résolution pour condamner officiellement l'utilisation du mot à ces fins. L'enjeu connexe, à l'instar du mot commençant par la lettre « n », c'est que certains Roms s'identifient au terme, comme ils l'ont fait pendant des siècles. Il faut se réapproprier le terme. Il y a donc divers niveaux de complexité.
En ce qui concerne les mesures concrètes, on pense immédiatement aux médias sociaux. Je dirais que Facebook, en particulier, a fait l'objet de beaucoup d'attention. Le cas du Myanmar est un exemple. Les médias sociaux ont une responsabilité à l'égard de la diffusion de discours haineux. Des mesures concrètes peuvent être prises, sans aucun doute. Je pense qu'il faut d'abord commencer à condamner, partout dans le monde, l'utilisation de tels termes lorsque nous les voyons. Étant donné l'ampleur des violations des droits de la personne qui touchent les Roms, il devient très difficile de régler les problèmes liés à la terminologie. Dans les Amériques, je dirais que c'est l'une des causes profondes de la déshumanisation des Roms et de la perception selon laquelle les Roms ne sont pas un peuple, mais plutôt des gens qui ont adopté un certain comportement social. En fait, il s'agit encore aujourd'hui de l'une des raisons que l'on invoque pour justifier les violations des droits de la personne à l'encontre des Roms.
C'est vraiment intéressant. Je ne faisais que le souligner, car je pense que les députés de la région de Montréal ont besoin d'explications à ce sujet. Dans le meilleur des cas, le restaurant changerait de nom, mais il faut comprendre le point de vue du petit entrepreneur qui a investi beaucoup d'argent dans ce nom. Les gens peuvent aussi utiliser les médias sociaux pour parler des causes qui leur sont chères et de ce qu'ils dénoncent. C'est une possibilité.
C'est tellement intrigant. Je suis ravie que vous nous en ayez parlé, car il y a beaucoup de choses à faire.
Selon vous, quelles leçons pouvons-nous en tirer concernant la liste des pays d'origine désignés et le retrait de pays de la liste? À votre avis, quelle orientation devrions-nous prendre à cet égard, à l'avenir?
Évidemment, notre recommandation est d'éliminer la pratique découlant du projet de loi C-31, car ce projet de loi n'a pas seulement eu un impact négatif sur les Roms. En fait, la liste des pays sûrs comprend tous les pays de l'Union européenne, le Mexique et les États-Unis. Dans la plupart des cas, l'inscription sur la liste est arbitraire. Après le retrait... L'exigence d'un visa pour la Hongrie et la Roumanie découlait directement de la crainte de l'arrivée de Roms au Canada.
Nous recommandons d'abroger le projet de loi C-31, mais si ce n'était pas possible pour une raison quelconque, je pense qu'il faudrait rétablir une disposition qui faisait partie du mandat du ministre de l’Immigration, soit la révision des critères servant à déterminer si un pays est sûr ou non. Cela ne vaut pas seulement pour les Roms, mais aussi de façon générale pour les minorités de la plupart de ces pays, où l'on assiste à la montée de l'extrême droite, de l'antisémitisme et de l'homophobie. Je pense que nous devons définir les critères quant à la sûreté d'un pays, et pour quelles populations.
Oui. Le problème, c'est que cela a toujours des répercussions. Depuis 2012, par rapport à la Commission et à la façon dont les décisions sont prises... Je peux uniquement parler de la situation des réfugiés roms, car ce sont les cas sur lesquels nous avons travaillé. À titre d'exemple, j'ai mentionné que nous nous occupons actuellement sur un dossier d'expulsion. Nous constatons les répercussions du projet de loi quant à la perception de la sûreté de ces pays. On invoque ces critères pour justifier le rejet d'une demande jugée non fondée, puisque ces pays sont considérés comme sûrs.
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'être ici et de défendre le peuple rom.
Je sais qu'à l'occasion de la Journée internationale des Roms, la ministre des Affaires étrangères a fait preuve de solidarité en publiant sur les médias sociaux une déclaration selon laquelle le Canada dénonce la haine et la discrimination dont les Roms sont souvent victimes. Je sais que votre organisme a été parrainé pour prononcer des allocutions sur le sort des Roms sur de nombreuses tribunes internationales. J'aimerais que vous nous parliez de la contribution du Canada et des mesures supplémentaires qu'il peut prendre pour contribuer sur la scène internationale.
Concernant le financement, personne ne nous finance. Notre organisation fonctionne sans argent depuis sept ans. C'est une organisation formée entièrement de bénévoles. Cela s'explique en partie — et je sais que cela a changé récemment — par le fait que notre organisation n'est pas enregistrée comme un organisme de bienfaisance. Nous ne pouvions donc pas avoir accès à des fonds. L'essentiel du travail que nous faisions était en fait lié à la défense d'intérêts politiques.
Je sais que cela a changé assez récemment. Notre seule source de financement a été la tenue de concerts-bénéfices, et cet argent est, en fait, allé aux Roms et a servi à payer les frais juridiques des réfugiés roms.
Cela étant dit, concernant les propos que vous avez mentionnés, cette déclaration a découlé du travail que nous faisons avec Affaires mondiales et avec le cabinet de la ministre Freeland. Nous avons demandé que cette déclaration soit faite à la lumière de la reconnaissance du génocide des Roms. Ce qui est arrivé, c'est que nous avons demandé au gouvernement canadien de reconnaître officiellement le génocide des Roms et de désigner le 2 août comme étant la journée officielle de commémoration du génocide des Roms.
Parallèlement à cela, nous avons demandé au gouvernement de s'engager à s'attaquer aux violations des droits de la personne des Roms à l'échelle mondiale. Dans le cadre de cet engagement, nous travaillons avec Affaires mondiales à trouver des façons d'y arriver. Je peux dire qu'il est beaucoup plus facile d'obtenir du gouvernement qu'il prenne des mesures. Cependant, il est vraiment très difficile d'obtenir du gouvernement qu'il adopte une loi fédérale officielle reconnaissant le génocide des Roms. En ce moment, ce que nous avons, c'est une déclaration de l'engagement du gouvernement ou de sa reconnaissance du génocide des Roms. Il n'y a cependant pas de loi fédérale officielle qui le reconnaît. C'est à cela que nous travaillons en ce moment.
Je crois que le gouvernement pourrait davantage parler de telles situations. Nous n'avons pas constaté que le gouvernement faisait des déclarations à propos de telles situations. Nous soulignons cela régulièrement à Affaires mondiales. Chaque fois qu'il se produit quelque chose, nous envoyons un courriel. En outre, nous faisons de la sensibilisation, aussi bien auprès de nos propres députés à Montréal qu'à l'échelle fédérale, ainsi qu'à l'échelle internationale. Ce sont les deux choses concrètes qui peuvent être faites.
En plus de siéger à ce comité, je siège au Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Ces dernières années, il y a eu un afflux important de migrants qui fuyaient dans l'espoir de trouver une plus grande prospérité en Europe. Dans les 20 ou 30 dernières années, est-ce qu'il y a eu une montée de la discrimination et des crimes haineux envers les Roms, en Europe? Est-ce que l'arrivée d'autres immigrants dans la région a été un facteur, de même que les politiques d'immigration strictes de l'Europe de l'Est et la fermeture des frontières à tous les immigrants? Est-ce que cela a causé une augmentation de la discrimination envers les Roms?
C'est toujours difficile à dire, parce que je crois que c'est mieux documenté depuis 20 ans. On a essayé davantage de documenter cela, mais selon le dernier rapport de l'Université Harvard, il y a bien eu une augmentation des crimes haineux contre les Roms en Italie, de 2017 à 2018. La montée de l'extrême droite partout en Europe alimente un fort sentiment anti-Roms, et bon nombre des partis d'extrême droite ont, en fait, pris le pouvoir en faisant de la propagande contre les Roms. Nous avons vu cela en Hongrie, par exemple, ainsi qu'en République tchèque. Il y a eu un plus grand nombre de cas de violence. Nous avons vu des marches organisées contre les Roms dans des villages, et ce, non seulement en Hongrie, mais aussi en République tchèque et en Bulgarie, récemment. La France n'est pas en reste. Il n'y a pas eu de marches, mais des attaques ont été perpétrées par des citoyens.
En ce qui concerne les propos haineux contre les Roms, le danger, c'est qu'ils n'émanent pas que de l'extrême droite, mais également du centre. Nous avons vu cela en France, récemment, et nous voyons partout qu'il y a une forte normalisation des propos haineux contre les Roms.
En effet, cette augmentation a été documentée. Le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale, ou CERD, qui vient de soumettre la Hongrie à un examen, s'est dit profondément préoccupé, dans son rapport, par la montée de la haine et de la violence envers les Roms.
Merci, madame la présidente.
Madame Savic, puisque vous parlez de cela, la haine manifestée contre les Roms en France a maintenant éclipsé ce qui se passe en Hongrie, n'est-ce pas? Cela s'est vraiment détérioré. Est-ce juste?
La Hongrie est difficile à battre, mais en effet, au cours des dernières semaines, comme je l'ai dit, nous avons constaté une augmentation du sentiment anti-Roms.
Oui. Nous avons entrepris le travail préparatoire en 2012, mais nous l'avons officiellement enregistrée en 2013.
D'accord. Est-ce que vous avez rencontré de la résistance aux Nations unies concernant vos efforts pour qu'ils s'attaquent à l'apatridie de certains membres de votre communauté en Europe et pour qu'ils reconnaissent la taille de votre communauté?
La résistance que nous avons rencontrée aux Nations unies n'était pas liée à la question de l'apatridie, mais plutôt à la reconnaissance du génocide des Roms.
Chaque année, le 27 janvier, c'est la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste. De nombreuses organisations de la société civile rom ont en fait demandé que les Roms soient invités à cette cérémonie. Au cours des 20 dernières années, deux Roms seulement ont été invités. La résistance est davantage liée à la reconnaissance du génocide des Roms qu'à l'apatridie. En fait, j'ai mentionné que le Forum sur les questions relatives aux minorités de l'ONU a porté son attention sur l'apatridie, l'année dernière, et que de nombreuses déclarations sur l'apatridie ont été faites par la société civile. En ce qui concerne la taille de la communauté, nous avons aussi beaucoup travaillé avec de nombreuses organisations afin d'amener les Nations unies à parler davantage de la situation des Roms, plus nombreux dans les Amériques, car une des difficultés au Canada et dans les Amériques en général, c'est que la situation des droits de la personne des Roms est très eurocentrique en ce moment, en raison par exemple d'institutions comme l'Union européenne. On ignore souvent la situation difficile des Roms dans les Amériques et même au Moyen-Orient, par exemple, parce qu'aucune institution internationale ne la surveille. Nous travaillons en ce moment avec les Nations unies afin d'obtenir la prise de mesures supplémentaires à ce sujet.
Il y a une similitude entre la situation des juifs et l'antisémitisme qu'ils subissent, et la haine envers les Roms, et c'est qu'on a concocté à leur sujet des histoires diaboliques. Dans le cas des juifs, ce sont les fausses allégations historiques de meurtres rituels perpétrés par des personnes malfaisantes. Je constate que des histoires de vols de bébés sont constamment inventées à propos des Roms.
Parlez-moi de cela et de la façon dont cela a perturbé les communautés et même amené la police à faire enquête.
J'ai mentionné très brièvement l'histoire du génocide des Roms, mais en fait, en 1936, les lois de Nuremberg ont été modifiées pour inclure les Roms. En ce qui concerne la pureté de la race — la rhétorique des nazis —, ils ont en fait expressément dit que les Roms étaient inférieurs et qu'ils avaient une propension à la criminalité. Comme je l'ai mentionné, on utilisait l'idée de la criminalité des Roms, au cours de la Deuxième Guerre mondiale, pour justifier le massacre des Roms. Malheureusement, nous voyons encore cela aujourd'hui.
Nous avons mentionné les médias sociaux. Quand nous publions des messages à propos de situations fréquentes, comme la ségrégation ou la stérilisation forcée, la réponse est souvent: « Oui, mais certains Roms sont des voleurs. » Je crois que les préjugés voulant que les Roms soient fondamentalement des criminels sont très ancrés dans l'esprit des gens. C'est ce que nous constatons en général dans les politiques adoptées. Comme je l'ai mentionné, l'intention des politiques de Matteo Salvini, par exemple, est d'éliminer la criminalité tzigane. En Hongrie, le plus récent groupe d'extrême droite a publié un manifeste qui comporte une section intitulée « La question des Tziganes ». L'intention de cela est d'éliminer la criminalité tzigane. En Italie, ils ont même déployé des troupes dans les quartiers roms pour assurer une protection contre la menace à la sécurité que les Roms représentent.
Nous avons constaté que la rhétorique selon laquelle les Roms sont des criminels représente l'un des principaux arguments pour justifier les violations aux droits de la personne des Roms aujourd'hui.
Merci.
C'est vraiment intéressant. Dans la même veine, vous avez parlé un peu de ce que certains de ces groupes disent au sujet de l'élimination de la criminalité tzigane. Pouvez-vous nous donner des exemples du racisme structurel dont vous avez parlé? Je sais que cela se passe en Europe, mais dans quelle mesure y a-t-il un effet d'entraînement et un racisme structurel même ici, dans les pays de l'Ouest, y compris au Canada?
Je vais m'appuyer sur la notion relative à la police. Souvent, dans de telles situations, la police est appelée à intervenir, mais elle contribue en fait à la violence. Cela a été documenté en Ukraine. Il y a des vidéos qui le prouvent. On utilise souvent cette rhétorique pour cela.
Comme je l'ai dit précédemment, c'est malheureux, mais le gouvernement canadien lui-même a utilisé cette rhétorique quand il a dit que les Roms étaient des demandeurs d'asile qui n'avaient pas besoin de notre protection et qui venaient ici pour abuser du régime d'aide sociale. Leurs demandes ont été jugées non fondées, alors que manifestement, la situation en Hongrie et dans la plupart des pays d'où venaient les Roms à l'époque était bien documentée. Par la suite, six Roms ont été assassinés en Hongrie.
Comme je l'ai dit, cette rhétorique ne se limite pas à l'Europe. Elle s'est vraiment répandue… Nous voyons cela même en Amérique latine, dans les Amériques et aux États-Unis. Cette rhétorique est prédominante, et nous le constatons souvent du point de vue de l'égalité des chances. Les Roms instruits n'auront pas accès à des emplois à cause du racisme structurel et parce que les gens ne veulent pas embaucher des Roms. Il y a un exemple concret en Italie. Des Roms ont créé une cantine mobile, et personne ne voulait y manger parce que les gens présumaient qu'ils faisaient cuire des rats ou des choses de ce genre. Cette mentalité est profondément ancrée.
En ce qui concerne le racisme structurel, comme je l'ai mentionné, il y a une forte proportion de Roms, à l'échelle du monde, qui sont très instruits, mais qui ne peuvent décrocher d'emploi, souvent à cause du racisme. Ils doivent alors cacher leur identité rom. Bien entendu, certains Roms qui n'ont pas l'air aussi Roms et qui ont la peau plus pâle peuvent le faire, mais il y a aussi les noms de famille, qui font qu'il est difficile de déterminer si une personne est rom ou pas. Cela a également été documenté: des Roms ont envoyé leur curriculum vitae et ont été invités à des entrevues, mais ils n'ont pas obtenu l'emploi parce qu'ils étaient manifestement des Roms.
Comme je l'ai dit également, sur le plan de la participation politique, malgré la population nombreuse dans la plupart des pays où les Roms composent en fait la principale minorité, très peu de Roms participent au processus politique ou sont des élus. De plus, les politiques d'inclusion des Roms sont rarement conçues de concert avec les Roms; ce sont des non-Roms qui les créent. Entre autres politiques de l'Union européenne, vous avez par exemple une invitation à faire du bénévolat pour enseigner l'hygiène aux Roms, ce qui est en soi manifestement problématique du point de vue de la situation des droits de la personne des Roms.
Dans quelle mesure est-ce problématique quand vous pensez à l'objectif de votre organisation et à l'objectif d'obtenir la reconnaissance non seulement du génocide, mais aussi des droits de la personne des Roms?
Vous avez mentionné que votre famille avait changé son nom. Dans quelle mesure est-ce fréquent? Est-ce que vous croyez que cela pourrait être problématique, à l'avenir, ou que nous devrons mieux faire savoir cela — hypothétiquement —, si nous pensons que cela a touché 200 personnes, alors qu'en fait, ce sont 200 000 membres d'une communauté qui ont été touchés?
Encore une fois, il y a toujours des niveaux de complexité, quand on parle des Roms. Je crois que c'est en partie à cause des siècles de persécution qui ont fait que rien de cela n'a été résolu. Il n'y a pas eu que le génocide des Roms, depuis le début de leur existence. Pendant l'Inquisition espagnole, on coupait la langue des Roms qui parlaient le romani.
C'est la raison pour laquelle, dans de nombreux groupes de Roms, la langue est en voie de disparition ou bien franchement disparue. Un grand nombre de Roms qui se sont émancipés et ont eu accès à des emplois ou à une instruction supérieure ont pu le faire parce qu'ils ont d'une certaine façon renoncé à leur identité rom. C'est la raison pour laquelle ils ont pu avoir accès à cela.
Mon grand-père en est un exemple. C'était un homme de grande taille, aux yeux bleus. Il n'était donc pas visiblement rom, et c'est la raison pour laquelle il a pu changer son nom de famille. C'est la même chose pour de nombreux Roms. Dans ma famille seulement, de nombreuses personnes ont dû le faire pour pouvoir obtenir un passeport.
En ce qui concerne la reconnaissance de notre histoire, comme je l'ai dit, pour les Roms, il faut que notre existence en tant que peuple soit reconnue. En Roumanie, les Roms ont été déplacés pendant 500 ans, et cela s'est manifestement traduit par des répercussions socioéconomiques pour les Roms.
Je crois qu'on peut faire un parallèle évident entre notre histoire et celle des Afro-américains. C'est ce que nous constatons, car cette histoire est en fait le reflet de la situation socioéconomique des Roms. Les Roms se montrent très passifs. Malgré la violence, la persécution, l'esclavage et les camps de travail forcé avant même la Deuxième Guerre mondiale, les Roms ne sont pas violents. Les Roms ne réagissent jamais par la violence; ils sont passifs. C'est la raison pour laquelle il y a des Roms partout dans le monde: ils ont été forcés au nomadisme. Les Roms ont quitté leur pays à la recherche d'égalité, mais ils n'ont jamais réussi à trouver cette égalité, parce que partout où ils sont allés, ils ont subi de la persécution.
Il est important de reconnaître l'histoire, mais également la contribution des Roms depuis le XIIe siècle, dans les pays européens ainsi qu'en Amérique.
Merci.
Nous avons avec nous M. Levitt, le président de notre comité parent, le Comité des affaires étrangères, et je vais lui donner deux minutes pour une très brève question.
Madame Savic, j'ai eu le plaisir de discuter avec vous à d'autres occasions. La dernière fois que je vous ai croisée, vous sortiez d'une conférence de presse, et j'aimerais vous interroger à ce sujet, parce que c'était pour le mois de la prévention du génocide. Je crois que c'était pour cela. Des groupes de la société civile ukrainienne, arménienne, rwandaise, évidemment rom et juive, ainsi que d'autres groupes ayant subi de la persécution au fil des années se réunissaient à cette occasion.
Je me demande si vous pouvez rapidement nous fournir un peu d'information sur le soutien qui existe dans la société civile et par l'intermédiaire d'organismes de ce genre, et si vous pouvez nous dire dans quelle mesure c'est un réel avantage pour la communauté rom d'ici, alors que ce soutien n'existe probablement nulle part ailleurs dans le monde.
Oui, bien sûr. J'ai aussi beaucoup collaboré avec le Musée de l'Holocauste Montréal, en particulier concernant la reconnaissance du génocide des Roms. Vous avez mentionné l'histoire que les juifs et les Roms ont en commun. La Commission internationale pour la justice et la responsabilité, ou CIJA, a créé une sorte de coalition composée de groupes ayant été victimes de génocide. Les yézidis d'Irak devraient aussi être ajoutés à cette liste.
Le but de la conférence de presse était en fait de demander trois choses bien concrètes au gouvernement du Canada, dans le contexte de la sensibilisation aux génocides et de la prévention des génocides: adopter une politique visant les messages haineux en ligne; essayer d'accueillir des gens qui subissent en ce moment des atrocités de masse et un génocide, le Burundi étant un exemple; enfin, adopter officiellement une loi fédérale reconnaissant le génocide des Roms.
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