SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 4 mai 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. La séance est ouverte.
C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à M. John Sifton au Sous-comité des droits internationaux de la personne. M. Sifton dirige les services d'assistance judiciaire de Human Rights Watch depuis 2011. Il travaille dans le domaine des droits de la personne, tant dans les recherches et enquêtes que dans l'assistance judiciaire depuis 1999. Outre ses années passées à Human Rights Watch, M. Sifton a été au service du Comité international de secours en Afghanistan et au Kosovo et d'une organisation de défense des réfugiés en Albanie et au Kosovo. Il est diplômé en droit de l'Université de New York.
Nous sommes enchantés que vous soyez parmi nous pour participer à notre étude de la situation des Rohingyas. Je vous invite à faire votre déclaration d'ouverture.
Merci au Comité de m'avoir invité à parler de la situation catastrophique des Rohingyas en Birmanie.
Je commencerai par décrire les faits, après quoi je présenterai nos recommandations visant à corriger la situation.
La situation actuelle des 1,2 million de musulmans rohingyas en Birmanie en matière de droits de la personne demeure absolument désastreuse. Le nouveau gouvernement d'Aung San Suu Kyi est aux prises avec les mêmes difficultés que le gouvernement précédent qui était soutenu par les militaires. Malheureusement, les déclarations publiques de hauts responsables du gouvernement ne donnent pas l'assurance qu'ils prennent au sérieux la grave crise humanitaire de l'ouest de la Birmanie. Suu Kyi elle-même a nié les violences de 2012 qui ont mené à la situation actuelle, que j'aborderai dans un instant. Elle nie toute épuration ethnique et tout crime contre l'humanité. Elle croit et a affirmé publiquement qu'on a exagéré les violences de 2012, et des membres de sa garde rapprochée ont nié publiquement l'existence des Rohingyas, et ils font bon marché de tous les Rohingyas qui se trouvent en Birmanie, disant que ce sont des « immigrants bengalis » ou des « Bangladais ».
Quoi que vous pensiez d'Aung San Suu Kyi, de son rôle de chef de file du mouvement démocratique et de son statut d'icône des droits de la personne, que nous ne contestons pas, son bilan dans le dossier des musulmans rohingyas de Birmanie est décevant. La levée récente de l'état d'urgence dans l'État de Rakhine, où se trouvent la plupart des Rohingyas, n'a pas amélioré et n'améliore toujours pas la situation de cette population. Beaucoup de Rohingyas, ou la plupart d'entre eux, demeurent confinés dans des camps de personnes déplacées et d'autres Rohingyas, dont le nombre est estimé à 1,1 million et qui habitent dans de petites localités du nord-est, sont soumis à des couvre-feux locaux et mènent une vie qui reste extrêmement difficile.
Des règlements locaux qui restreignent les déplacements restent en place; ce sont des règlements municipaux de l'administration locale. Une restriction de cette nature a mené directement à la mort de 21 musulmans le 19 avril dernier. Ils n'étaient pas tous des Rohingyas; il y avait aussi des musulmans ordinaires et d'autres musulmans birmans ou qui ne s'identifient pas comme des Rohingyas. Les restrictions suscitent en somme un climat dans lequel les policiers locaux ont l'impression de pouvoir faire n'importe quoi: arrêter des Rohingyas parce qu'ils sont musulmans, les garder à l'extérieur ou à l'intérieur des camps et leur interdire les hôpitaux. L'animosité bien compréhensible qui en résulte se traduit par de la violence. La police prend les choses en main.
On estime que, en 2015, le gouvernement a rétabli ou relocalisé 25 000 musulmans rohingyas. Ceux-ci ont rebâti leurs maisons à l'endroit même où elles avaient été détruites en 2012. Voilà une évolution favorable, mais soyons clairs: cela ne doit pas faire oublier les très graves dénis de droits qu'on observe sur le terrain encore aujourd'hui.
J'en arrive à la situation actuelle, mais non sans dire un mot de ce qui s'est passé en 2012. Je ferais figurer dans le compte rendu — ou bien vous les lirez dans votre temps libre — les rapports que nous avons produits en 2012. Human Rights Watch a rédigé deux rapports sur la violence qui a éclaté en 2012. Nous avons documenté des faits qui constituent des crimes contre l'humanité et de l'épuration ethnique. La violence était omniprésente. Il y a eu complicité de l'État au niveau local. Il y a également eu complicité par omission de la part de l'administration locale, parce qu'elle n'a pas réfréné les actes de violence de simples citoyens. Des milliers de maisons ont été détruites et des centaines de personnes ont perdu la vie. Plus important encore, des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir leur foyer et se sont retrouvées dans la situation désastreuse dont je veux parler aujourd'hui.
Aujourd'hui, environ 120 000 Rohingyas vivent dans des camps pour personnes déplacées, dont à peu près 95 000 près de Sittwe, dans le nord. Leurs déplacements sont restreints, ce qui veut dire essentiellement qu'ils sont dans des ghettos. Ces camps ne sont pas des lieux d'aide humanitaire, mais des zones semi-urbaines ghettoïsées que les gens ne peuvent pas quitter. Ils ne peuvent pas chercher de travail et ils dépendent de la charité ou de l'aide de parents qui envoient de l'argent de l'étranger dans les camps ou de groupes humanitaires qui approvisionnent les camps.
Nous exhortons le gouvernement de la LND à lever les restrictions sur la liberté de mouvement, restrictions qui ont pour effet de transformer ces camps en ghettos, de façon que les Rohingyas puissent accéder aux services de base, retourner chez eux et voir s'ils veulent rebâtir leur maison, ou aller se faire soigner dans les hôpitaux, autant de choses qu'ils ne peuvent faire parce qu'ils sont confinés dans ces camps ghettoïsés. La levée de ces restrictions locales devrait être une priorité du gouvernement, et nous exhortons les gouvernements donateurs à insister sur ce point auprès du gouvernement de la Birmanie: levez ces restrictions locales.
À long terme, le gros problème est celui de la situation juridique. Beaucoup de Rohingyas, ou la plupart d'entre eux, ne sont pas officiellement reconnus comme citoyens birmans. Essentiellement, le gouvernement nie qu'ils soient citoyens. Il doit examiner sérieusement les lois qui l'autorisent à agir de la sorte, dont la principale est la loi de 1982 sur la citoyenneté. Nous exhortons les pays donateurs, dont le Canada à réclamer du gouvernement de la LND qu'il modifie ou, mieux encore, abroge cette loi de 1982.
L'autre problème est celui des gens qui fuient la Birmanie par bateau, se lançant sur la mer d'Andaman pour rejoindre la Malaisie. Au cours des dernières années, cela a été un grave problème pour deux raisons. D'abord, cet exode expose les migrants aux exactions de trafiquants qui peuvent les réduire à une situation économique risquée, comme l'asservissement pour dette dans l'industrie de la pêche. Il y a donc ce risque des trafiquants, puisque ces déplacements sont illégaux. Le deuxième problème tient au transport en mer. En effet, les bateaux sont souvent en mauvais état et ne sont pas construits pour naviguer en haute mer jusqu'en Malaisie. Certains finissent par couler ou leurs moteurs tombent en panne et les passagers dérivent en mer pendant des jours. Voilà pourquoi cet exode par la mer fait autant de morts. Certains meurent de froid parce que ces bateaux sont parfois en mer pendant des mois et d'autres se noient. Le nombre de bateaux qui vont en Malaisie par la côte thaïlandaise a diminué. Il n'y en a eu que quelques-uns pendant la dernière année.
Il ne faut pour autant faire preuve de complaisance. Il n'y a pas lieu de célébrer, car la principale cause du ralentissement de l'exode est que la Malaisie et la Thaïlande ont violemment repoussé les migrants et interdit les réseaux de passeurs. Cela ne tient pas au fait que les Rohingyas sont moins nombreux à vouloir partir. Bien des gens veulent encore partir, mais ils savent que c'est impossible. Ils ont eu une petite chance de partir l'an dernier par bateau, malgré les dangers, mais c'est désormais à peu près impossible. La situation était la même en 2015, mais les possibilités de fuite sont moins nombreuses. Voilà le tableau d'ensemble.
Je termine en vous signalant un dernier problème dont il faut toujours tenir compte, à propos des Rohingyas, et c'est le traitement que leur infligent deux autres gouvernements, ceux de la Thaïlande et de la Malaisie. De nombreux Rohingyas ont tenté de fuir en Malaisie et sont tombés entre les mains de trafiquants en Thaïlande. Le gouvernement de ce pays, dirigé par une junte militaire, a sévi contre les réseaux de trafic, mais on trouve là-bas la même corruption dans les forces de sécurité locales, et il est tout à fait possible que les cartels de trafiquants renaissent et se développent.
Quant au gouvernement de la Malaisie, il échappe souvent à notre attention parce qu'il a accueilli tellement de Rohingyas. C'est vrai, et il faut l'en féliciter. Cela ne veut pas dire pour autant que la situation des Rohingyas en Malaisie soit excellente. Malgré l'acceptation générale de leur présence en Malaisie par le gouvernement, nombre d'entre eux sont exploités par les forces de sécurité locales, la police et la police paramilitaire locale, qui demandent des pots-de-vin, profitant de la situation irrégulière qui est la leur. En effet, les Rohingyas n'ont pas obtenu le statut de réfugié, de cartes de réfugié et ils sont nombreux à être présents illégalement en Malaisie, ce qui permet à la police de pratiquer l'extorsion. Ceux qui ne paient pas sont mis en détention à l'immigration et, dans bien des cas, ils sont expulsés vers la Birmanie, ce qui est contraire aux droits des réfugiés, peut-on soutenir. Malheureusement, la Malaisie n'est pas signataire de la convention relative au statut des réfugiés qui a été conclue dans les années 1950.
Je rappelle à tous les membres du Comité le rôle de la Malaisie dans ce dossier. Il ne faut pas oublier ce rôle. Ce que nous proposons pour la région, et pas seulement aux gouvernements comme celui du Canada et à d'autres gouvernements donateurs, mais aussi aux gouvernements de l'ANASE, c'est que la Malaisie et ses partenaires et alliés, dont le gouvernement du Canada, soient des chefs de file pour la tenue d'un sommet régional des États en cause, dont la Birmanie, pour discuter de la situation des Rohingyas dans l'ouest de la Birmanie. La Malaisie doit aussi être un chef de file à l'égard des questions d'ordre pratique et logistique en ce qui concerne les réfugiés rohingyas qui ont fui.
Voilà ce dont je veux parler au départ. Je ne doute pas qu'il y ait une foule de questions précises au sujet de problèmes particuliers, mais c'est là un aperçu général. Je conseille aussi à quiconque aurait d'autres questions à poser sur la situation d'ensemble de la Birmanie de consulter la page consacrée à ce pays sur notre site Web. Elle fournit une information abondante.
C'est très bien. Merci beaucoup de votre déclaration d'ouverture.
Nous allons passer aux questions. M. Anderson va entamer le premier tour.
J'ai une question générale à poser sur la liberté de religion. Comment se fait-il qu'une si grande championne des droits de la personne, Aung San Suu Kyi, soit aussi indifférente à ce problème? Hier, un témoin que nous avons entendu a parlé des pressions politiques qui s'exercent dans ce pays. Après avoir acquis une telle réputation, pourquoi a-t-elle si peur de parler de ce problème?
Il existe aujourd'hui une xénophobie absolument viscérale en Birmanie. Il ne doit pas y avoir bien des gens qui, avant que les réformes ne s'amorcent, il y a plusieurs années, ont compris toute la puissance de ce facteur en politique. Les Rohingyas ne sont pas les seuls visés. Il y a d'autres musulmans dans le pays. À propos du sentiment anti-islamique en Birmanie, je ne veux aucunement laisser entendre qu'il soit limité à l'État d'Arakan, dans l'ouest. Il y a des musulmans dans toute la Birmanie, qui ne sont pas forcément des Rohingyas. Souvent, ils appartiennent à d'autres groupes ethniques. Il y en a même parmi les Birmans qui habitent à Rangoon, à Mandalay, et même dans l'État de Kachin. Il y a des mosquées à Kachin. J'y suis allé.
Cette dynamique générale, qui ne vise pas que les Rohingyas, a étonné beaucoup de monde, même parmi les Birmans. Elle est en partie l'oeuvre de nationalistes radicaux. C'est aussi en partie un phénomène qui a sa vie propre, un cycle de haine des musulmans. Mais impossible de nier la grande force de ce facteur. Aung San Suu Kyi semble avoir fait un calcul politique, en somme: cette tendance est si forte que s'y opposer risque de lui nuire au point de vue politique et d'entraver la réalisation de son plan politique d'ensemble.
Je suis un défenseur des droits de la personne. Human Rights Watch fait des recherches sur ces droits. Nous ne sommes pas des analystes politiques. Voilà, pour l'essentiel, ma réponse d'analyste politique. Du côté des droits de la personne, l'objet principal de notre réflexion est la recherche des causes profondes. L'une des causes de la violence, c'est l'impunité. Nous sommes d'accord avec Aung San Suu Kyi sur un point. Elle dit souvent que c'est une question de primauté du droit. Malheureusement, je pense qu'elle dit cela pour esquiver, pour éluder la question, mais sur le fond, elle a raison: c'est une question de primauté du droit. Si ceux qui s'en sont pris à des musulmans, ont brûlé des mosquées et se sont attaqués à des familles musulmanes devaient répondre de leurs actes à la police, il serait moins probable que cela se reproduise à l'avenir. Ce que nous attendons du gouvernement à l'avenir, c'est qu'il oblige les responsables de ces violences à répondre de leurs actes et qu'il réagisse rapidement lorsque ces incidents se produisent.
Le Sous-comité ne veut pas se limiter à parler de cela. Il voudrait aussi apporter des solutions concrètes.
Quelles idées auriez-vous à proposer au Sous-comité, à Ottawa, des idées qui pourraient être utiles au gouvernement du Canada ou à celui de la Birmanie?
Il y a une ou deux choses que les gouvernements peuvent faire. Je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir travaillé au fil des ans avec d'autres gouvernements intéressés, dont ceux des États-Unis et de partenaires de l'Union européenne, et même celui du Japon, pour faire valoir les problèmes et préoccupations concernant les droits fondamentaux des Rohingyas.
La première chose que l'ambassadeur du Canada en Birmanie peut faire, c'est assurer la coordination avec d'autres gouvernements donateurs pour insister auprès de la LND et de l'administration locale de Rakhine pour qu'ils fassent ce dont j'ai parlé aujourd'hui, comme lever les restrictions locales sur les déplacements, par exemple.
À un niveau plus particulier, le gouvernement peut faire bien des choses, comme donateur, pour assurer la coordination avec d'autres donateurs et promouvoir certaines des choses dont j'ai parlé, notamment la primauté du droit. Il peut aider le gouvernement birman à mettre sur pied des unités d'intervention rapide qui peuvent sévir contre ceux qui fomentent des violences contre les musulmans. Il peut payer certains des nouveaux programmes que le gouvernement veut mettre en place pour encourager le dialogue interreligieux et amener les divers groupes à discuter de leurs griefs logistiques et de leurs ressentiments, de façon à y voir clair.
Puis-je vous interrompre un instant, puisqu'il s'agit d'une chose que vous avez dite.
Y a-t-il eu quelque participation du gouvernement aux manifestations qui se sont déroulées autour de l'ambassade des États-Unis? Aggrave-t-il la situation au lieu de participer à la solution?
Le gouvernement de la LND?
M. David Anderson Oui.
M. John Sifton: L'un des problèmes, en Birmanie, et c'est un problème dans quelques autres pays, c'est que le gouvernement n'est pas monolithique. Aucun gouvernement n'est monolithique, mais celui de la Birmanie est dans une situation particulièrement difficile. La LND a gagné les élections et contrôle la présidence et la plupart des ministères, mais le ministre de l'Intérieur est désigné par les militaires, qui conservent 25 % de la députation au Parlement et contrôlent toujours, de facto, la politique étrangère et une partie de la politique du gouvernement sur la sécurité interne.
Il y a en somme deux souverains. D'un côté, Aung San Suu Kyi, son président et la LND ont le pouvoir souverain en matière de législation et, techniquement, peuvent ordonner à certains éléments du gouvernement de faire des choses ou de s'en abstenir, mais il y a, de l'autre côté, le ministère de l'Intérieur qui surveille l'État. Vous demandez si le gouvernement a été complice de certaines choses. Il faut parfois se demander de quel gouvernement il s'agit, des militaires ou...?
Rien ne l'indique pour l'instant.
Une chose est préoccupante, toutefois. Des groupes « bouddhistes » radicaux — je mets le qualificatif bouddhiste entre parenthèses — ou des groupes nationalistes non gouvernementaux plutôt radicaux dont vous aurez entendu parler, du groupe culturel bouddhiste Ma Ba Tha au Mouvement 969, groupe anti-islamique davantage politisé, auraient des liens avec les dirigeants militaires. Ces liens existent. Ils sont réels. Se traduisent-ils par un contrôle de facto de ces groupes? Nous n'avons encore rien qui permette de l'affirmer.
Ce sont les groupes qui provoquent beaucoup de violence. Ce sont les groupes qui amènent les foules à s'indigner contre les musulmans.
Monsieur Sifton, je voudrais revenir sur un point de gouvernance. Une constitution a été proposée il y a des années, et elle a reçu l'appui de 92 % de la population. L'un des éléments de cette constitution...
M. John Sifton: [Inaudible]
M. Raj Saini: D'accord, vous avez raison. Je vais attendre vos observations. Je vais simplement exposer certains faits. Vous avez dit que 25 % des sièges étaient réservés aux militaires. Bien entendu, il existe une tension naturelle entre le parti élu et le parti ou les représentants nommés, surtout dans des ministères clés comme ceux de la Défense et de l'Intérieur.
Ma question est générale, mais elle porte précisément sur les Rohingyas. La constitution est donc en place et il y a eu des élections en novembre, censément libres et justes. Vous avez maintenant les résultats de ces élections. Depuis ces élections libres et justes, qu'est-ce qui a changé au juste pour les Rohingyas?
Le climat s'est amélioré dans l'État d'Arakan, en ce sens que les esprits se sont calmés.
Les esprits se sont calmés, essentiellement, et les responsables locaux de Rakhine qui détestent les Rohingyas ont pris conscience du fait qu'ils ont d'autres priorités, à part haïr les Rohingyas. Leur attention s'est détournée et ils ne cherchent plus à les chasser tous du pays en leur menant la vie dure. En ce sens, on peut sans doute dire qu'il y a eu une amélioration.
Il y a des responsables locaux à Rakhine qui reconnaissent qu'il est naïf de penser que le problème va disparaître, qu'on ne peut tout simplement pas enfermer ces gens dans des camps ghettoïsés, dans la misère et les souffrances, tandis que toutes les délégations étrangères qui passent posent des questions à leur sujet. Au bout d'un certain temps, le responsable gouvernemental raciste de Rakhine finit probablement par en avoir assez de se faire poser chaque fois des questions sur les Rohingyas, et il en arrive à se dire qu'il faut trouver une solution quelconque. Il commence à réfléchir rationnellement pour la première fois.
Pour quelque raison, les choses se sont calmées, et j'ai l'impression que les gens commencent à chercher des solutions durables, ce qui est bien. Peut-être pourront-ils commencer à réfléchir aux choses dont je vous ai parlé aujourd'hui.
Sur un plan plus large, à Nay Pyi Taw, où les lois sont élaborées, va-t-on éliminer la loi de 1982 sur la citoyenneté, qui est en fait à la base de tous ces problèmes? La situation ne s'est guère améliorée. On n'a pas l'impression que le parlement est prêt à débattre des modalités de modification de cette loi.
Le parlement a une longue liste de lois à modifier ou à abroger. Nous lui avons fait parvenir une liste. L'autre jour encore, nous avons envoyé à la commission de la primauté du droit une liste de lois qu'il faut abroger ou modifier, à notre avis, en donnant la priorité aux lois qui servent à poursuivre des gens qui osent s'exprimer librement et critiquer le gouvernement. Parmi les textes à modifier figure la loi de 1982 sur la citoyenneté.
Nous avons bon espoir que le parlement se saisisse des lois qui ont servi pendant des années à poursuivre des dissidents, par exemple, mais nous espérons nettement moins qu'il s'intéresse à la loi de 1982 sur la citoyenneté et se demande comment la modifier ou l'abroger. Les gouvernements peuvent aussi insister sur ce point: si vous modifiez des lois, en voici une qui doit être du nombre.
Le grand projet, c'est la constitution de 2008. Il est beaucoup plus difficile de la modifier. Je peux en parler longuement si vous le voulez, mais c'est un projet plus important et beaucoup plus compliqué.
Je voudrais revenir brièvement sur une question du député Saini, mais sous un angle légèrement différent.
Nous avons entendu beaucoup de choses, dont le point de vue d'un ancien député, d'un Rohingya qui a été membre du parlement, mais qui n'a pas pu se représenter parce qu'on lui a refusé la citoyenneté. Que pensez-vous de l'incidence que cela a pu avoir? Si ma mémoire est fidèle, il a dit que 25 Rohingyas voulaient se porter candidats, mais qu'on leur a refusé ce droit. Pouvez-vous situer ce problème pour nous?
« On leur a refusé ce droit. » C'est une façon de présenter les choses. Comme c'est un peu compliqué, je ne veux pas donner de chiffre catégorique. Oui, plusieurs dizaines de candidats musulmans voulaient se présenter sous la bannière de la LND et ont fini par ne pas pouvoir le faire. C'est en partie à cause de ce que le gouvernement a fait ou n'a pas fait, puisqu'on nie que les Rohingyas soient des citoyens, mais c'est aussi à cause de la LND et d'un parti qui a décidé de ne pas les accepter.
Oui. Je ne veux donc pas m'éparpiller.
Qu'il me suffise de dire que bien des candidats musulmans, et pas seulement des Rohingyas, mais tous les musulmans et d'autres gens voulaient se porter candidats, mais n'ont pas pu le faire et, a fortiori, n'ont pas pu se faire élire. Voilà un problème, mais il ne faut pas le soulever seulement auprès du gouvernement, comme un problème d'ordre juridique, mais aussi auprès de la LND et de ses dirigeants. Il faut leur demander pourquoi ils ont tellement peur d'avoir des candidats musulmans. Voilà ce qui semble s'être passé.
Au cours de la législature précédente, lorsque des Rohingyas et d'autres musulmans étaient présents, ont-ils pu se faire entendre et infléchir le cours des choses?
Nous avons appris ce qui s'était passé en 2012. Leur présence au parlement a-t-elle changé quoi que ce soit, leur permettant d'obtenir certains droits, ou n'était-ce qu'illusion?
Souvenez-vous que, à ce moment-là, la LND n'avait que quelques sièges, acquis à l'occasion d'élections complémentaires et il y a eu en fait... Bon, je ne vais pas m'engager là-dedans. C'est tout à fait une question de politique interne, mais qu'il suffise de dire que la LND était en soi une minorité, et les musulmans étaient plus minoritaires encore dans cette minorité. Ils étaient presque négligeables. On ne peut pas dire qu'ils pouvaient profiter de leurs sièges pour faire bien des choses.
Je voudrais m'attarder un peu plus aux enjeux constitutionnels qui nous ont été décrits et à la possibilité d'une modification de la constitution. Au coeur du problème, il y aurait ce bloc de sièges réservés aux militaires.
Existe-t-il une volonté politique, un mouvement en ce sens, y a-t-il des discussions à l'intérieur du pays? Est-ce le sujet flagrant que personne n'aborde directement, mais autour duquel tout le monde cherche un consensus? Qu'en pensez-vous?
Vous avez cerné le problème central. Il crève les yeux.
La constitution de 2008, qui a été adoptée par un prétendu référendum, qui n'a été ni libre ni juste et qu'on ne peut guère appeler un référendum, puisque ce fut plutôt une mise en scène, est un document qui souffre de graves imperfections. Aung San Suu Kyi l'a même qualifié de « ridicule », terme qui convient fort bien. Au fond, certain nombre de dispositions de la constitution donnent aux militaires une carte maîtresse, un contrôle de la gouvernance civile dont ils se sont servis pendant des années, mais qu'ils abandonnant maintenant à un gouvernement censé être civil. Ils peuvent renvoyer le parlement. Ils peuvent déclarer l'état d'urgence et dissoudre le parlement. Ils gardent le droit de nommer des responsables clés des forces de sécurité, dont le ministre de l'Intérieur, qui peuvent alors appliquer les lois problématiques de la Birmanie. On se retrouve donc avec une sorte de gouvernement bicéphale. Oui, il peut y avoir des élections, et il y en a eu, pour élire un nouveau premier ministre qui ne soit pas un dirigeant militaire, mais on a toujours, à cause de la constitution, un militaire qui a une foule de pouvoirs pour contrôler la gouvernance civile. C'est le problème central qui va longtemps hanter la Birmanie.
Comme Aung San Suu Kyi l'a dit, il y a au centre de la conjoncture politique la nécessité de modifier la constitution. Bien des gens en sont restés à la disposition qui l'empêche de devenir présidente. En effet, le paragraphe 59f) de la constitution interdit aux étrangers et ceux qui ont un conjoint ou des parents étrangers d'accéder à la présidence. Cette disposition a été prévue précisément pour l'empêcher de jamais devenir présidente. C'est un problème à régler, mais le régler, ce n'est pas en soi une réforme constitutionnelle.
La vraie réforme constitutionnelle éliminerait toutes les dispositions qui accordent aux militaires tous les pouvoirs que je viens d'énumérer. Pour y parvenir, il faut une majorité de 75 % plus une voix au parlement. Comme les militaires détiennent 25 % des sièges en vertu de la constitution, il faudrait donc obtenir une voix, dans ces 25 %, pour la modifier. Les militaires ont donc un veto de fait et de droit à l'égard de la modification de la constitution. C'est dire que toute modification ou l'abrogation ou encore, à Dieu ne plaise, toute décision de convoquer un congrès pour élaborer une constitution toute nouvelle doit être de l'ordre de la politique et non venir par le jeu de la démocratie.
Puisqu'il doit y avoir une sorte de marché, Aung San Suu Kyi doit trouver le moyen de s'entendre avec les militaires pour qu'ils permettent de modifier la constitution.
La seule autre voie vers le changement de la constitution est une crise politique, une insurrection qui contraindrait les militaires à renoncer au pouvoir sous peine de faire sombrer le pays dans la crise.
Il reste un dernier moyen d'entrouvrir la porte de la réforme constitutionnelle. C'est un peu compliqué et nous n'en avons pas parlé. Comme vous le savez probablement, il y a des conflits armés dans plusieurs autres États du nord et de l'est, dans les États de Kachin, de Shan et de Karen. Pour parvenir à des accords de paix avec les différents groupes insurrectionnels, et la Birmanie en compte un plus grand nombre que tout autre pays au monde... L'accord de paix qu'il faudrait élaborer, pour peu qu'on puisse faire la paix avec tous ces groupes, devrait par définition prévoir la modification de la constitution, car, après tout, c'est là une revendication de tous ces groupes insurrectionnels. Ils veulent que la constitution soit modifiée pour obtenir plus d'autonomie et toutes sortes d'autres choses. C'est une autre voie qui pourrait mener à la modification de la constitution, celle de la nécessité diplomatique d'apporter des modifications pour parvenir à un accord de paix.
Toutefois, vu ce que je sais des négociations de paix et ce que beaucoup d'entre vous savent également, je n'entrevois pas l'espoir que cela se produise de sitôt.
À propos de tactiques ou de nécessités diplomatiques, nous voulons étudier, pour les travaux du Sous-comité, l'approche que le Canada devrait adopter. Selon vous, faut-il maintenir les sanctions prises contre les personnes et entités associées à l'ancien régime militaire?
Le ministre des Affaires étrangères du Canada a annoncé que des fonds seraient accordés pour renforcer les institutions démocratiques du gouvernement du Myanmar. Devrions-nous jouer un rôle de mentor? À votre avis, quel serait le moyen le plus efficace de tirer le maximum de nos efforts et des ressources que nous pouvons apporter de manière acceptable?
Il est indispensable d'être un donateur efficace, en coordination avec d'autres donateurs, pour promouvoir les groupes qui travaillent aux divers problèmes. Il faut aussi assurer la coordination avec d'autres gouvernements pour maintenir les régimes de sanctions qui existent toujours. Notre plus grande récrimination, c'est que le gouvernement américain et l'Union européenne ont assoupli trop rapidement le régime de sanctions sans obtenir une contrepartie suffisante de la part du gouvernement de la Birmanie.
Vu la complexité de ce que j'ai décrit comme un gouvernement qui n'est pas monolithique, il devient un peu plus compliqué de parler de sanctions contre le gouvernement de la Birmanie aujourd'hui. Il faut maintenant parler de sanctions contre les militaires et leurs structures, contre les personnes que le département américain du Trésor a identifiées et contre d'autres entités qui font obstacle à la promotion des droits de la personne, par exemple. Il faut que les sanctions soient beaucoup plus ciblées que jamais par le passé, puisque le gouvernement a deux composantes. On ne veut pas que les sanctions nuisent à Aung San Suu Kyi et à la LND, qui tentent de normaliser le pays, mais il faut que les sanctions demeurent une menace pour les militaires, de façon à les inciter à laisser les réformes se poursuivre.
Voilà qui met fin au premier tour.
Passons au deuxième. Madame la députée Khalid, pourriez-vous commencer?
Merci beaucoup de votre exposé. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vous avez vraiment éclairé un problème très important, et nous vous en savons gré.
D'abord, pour faire ressortir l'importance du problème, pourriez-vous dire ce qui se passerait si personne ne faisait quoi que ce soit au Myanmar, aux plans international ou national? Qu'arriverait-il aux musulmans rohingyas si rien ne se faisait?
C'est à peu près ce qui se passe en ce moment. Il se fait quelques petites choses: des secours sont toujours acheminés et des groupes apportent de l'aide, et l'ONU aide le gouvernement local de Rakhine. Tout est dans un état de ghettoïsation suspendue. Il y a ces ghettos qui tentent de se débrouiller. Les Rohingyas de Malaisie et d'ailleurs envoient de l'argent. Les gens dépendent des dons de groupes de bienfaisance. Ils parviennent à se faire une existence, ou pas. Certains meurent. Des femmes meurent en couches parce que l'hôpital est interdit aux Rohingyas. À peu près rien ne se fait et la ghettoïsation tue lentement les gens, leur rend la vie misérable et les incite à partir. Telle est la situation actuelle à Arakan.
Il y a des tentatives modestes de recherche de solutions durables, et c'est prometteur. Mais à moins qu'on ne maintienne la pression sur le gouvernement, sur la LND et sur les responsables locaux pour qu'ils trouvent des solutions à long terme, les petits efforts qui se font maintenant vont s'amenuiser. Voilà pourquoi nous demandons toujours aux représentants étrangers de passage d'aborder les problèmes à plus long terme des musulmans rohingyas.
Ce n'est pas seulement une crise humanitaire. C'est aussi une crise des droits de la personne. Il y a aussi le fait que Naypyidaw devrait modifier la loi de 1982 qui a privé tous ces gens-là de leur citoyenneté, au départ.
Nous comprenons que toute aide internationale doit être dispensée avec l'aval et le soutien du gouvernement du Myanmar. Il doit y avoir collaboration, à mon sens. Selon vous, ce gouvernement est-il ouvert à l'idée de recevoir de l'aide, est-il prêt à la recevoir, non seulement pour assurer le respect des droits de la personne, mais aussi pour mettre en place les procédures législatives et se faire accompagner d'un mentor pour former un bon gouvernement démocratique? Le gouvernement est-il ouvert à ce genre d'aide?
Les membres du gouvernement appartenant à la LND le sont, oui. On trouve parfois des membres du parti de l'armée qui souhaitent vraiment en apprendre davantage sur la procédure parlementaire et législative, mais au bout du compte, il faut se rallier à ce que disent les militaires et agir en conséquence.
Oui, on accueille volontiers les efforts de l'étranger. Les dirigeants de Naypyidaw et de l'administration locale d'endroits comme l'État d'Arakan veulent en apprendre davantage sur la gouvernance, la police ou les soins de santé. On a l'impression que la Birmanie a pris un virage et nous devons bâtir une nouvelle structure gouvernementale, une nouvelle société. Pendant trop longtemps, le pays a été dirigé à peu près complètement par les militaires. Ils ont corrompu la bureaucratie de l'État.
Voici un exemple: le ministère de l'Administration générale. Il s'agit essentiellement d'une institution de la fonction publique administrative qui est surimposée à tous les ministères et autres éléments de l'appareil, et il est dirigé par les militaires. Ce dispositif administratif a permis aux militaires birmans de contrôler toute la fonction publique et la bureaucratie de la Birmanie pendant plus de 60 ans.
Ce ne sera pas une mince tâche que d'éliminer tout cela. Il faudra procéder district par district, province par province pour éliminer ce cauchemar bureaucratique. C'est très compliqué. Oui, les Birmans ont besoin de l'aide technocratique d'avocats, de parlementaires et d'autres spécialistes de l'étranger pour dissiper ces cauchemars bureaucratiques.
Merci beaucoup, monsieur Sifton, de votre témoignage et du travail admirable que vous faites à Human Rights Watch. Nous comptons sur des gens comme vous, capables de collaborer avec ceux qui s'y connaissent, sur le terrain, et de nous donner de l'information claire sur ce qui se passe vraiment. Merci également de votre description convaincante de ce qui semble être deux gouvernements parallèles, celui des militaires et celui d'Aung San Suu Kyi.
J'ajouterai, monsieur le président, que le cas de la Birmanie diffère un peu de celui d'autres pays vers lesquels le gouvernement du Canada axe sa politique étrangère de façon à les aider à franchir les difficultés de la transition entre une junte militaire et une démocratie. La différence, c'est que la présidente elle-même est citoyenne honoraire de notre pays.
Les questions de mon collègue au sujet de sa position révèlent l'investissement supplémentaire que nous avons fait dans ce pays pour qu'il réussisse sa transition, le chef du parti au pouvoir étant une dame qui, nous pouvons le dire avec fierté, est une citoyenne canadienne honoraire.
À ce propos, monsieur Sifton, maintenez-vous votre position de 2012 selon laquelle les Rohingyas ont été victimes d'épuration ethnique?
Tout à fait. La violence a été systémique et répandue, et ce qui s'est passé correspond à la définition. Nous ne changeons pas d'avis.
Une question plus intéressante qu'on peut ajouter à la réflexion est la suivante: est-il possible que l'épuration ethnique ou les crimes contre l'humanité soient perpétrés par une persécution lente et tortueuse comme la ghettoïsation, par opposition à la violence plus dynamique, plus active des pogroms?
Autrement dit, créer un ghetto et refuser d'en laisser sortir ou d'y faire entrer quiconque, rendant la population misérable et l'obligeant à se dire qu'elle n'a d'autre choix que de partir, peut-on dire que c'est de l'épuration ethnique? Je l'ignore, mais nous devons nous poser la question, car c'est ce qui se passe.
Dans ce cas-ci, en fait, tout a commencé par des pogroms et a abouti à cette ghettoïsation. Il y a des preuves des deux phénomènes.
Qui a accès à ces camps? Les déplacements des Rohingyas sont restreints, et ils ne peuvent pas sortir. Des restrictions sont-elles imposées aux ONG qui apportent de l'aide? Avons-nous des représentants de l'ONU sur place qui visitent ces camps? Y a-t-il des rapports indépendants qui nous renseignent sur la qualité de vie dans les camps?
Oui, les camps sont accessibles. Il y a des restrictions, mais les groupes humanitaires et les représentants des Nations unies peuvent y circuler. L'ONU a son bras humanitaire, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires ou BCAH, qui joue un grand rôle.
Quant aux éléments de preuve à recueillir, il y a un problème central dont nous n'avons pas encore parlé, mais que vous devez connaître: le problème du haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme et de son bureau. Le Haut-Commissariat se trouve à Genève, mais il a du personnel en Birmanie.
Le plus souvent, dans un pays qui sort d'un régime autoritaire, de la guerre ou d'autres difficultés, le nouveau gouvernement signe un protocole d'entente avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme pour que celui-ci puisse ouvrir un bureau sur place afin d'aider le pays à résoudre les problèmes de droits fondamentaux, ou bien il peut y avoir une résolution du Conseil de sécurité s'il s'agit d'un pays comme l'Afghanistan. Il arrive souvent que ce soit le Haut-Commissariat qui ouvre un bureau sur place.
Lorsqu'il s'est rendu en Birmanie, le président Obama a incité diplomatiquement le gouvernement à promettre d'agir de la sorte. Mais quatre ans plus tard, rien ne s'est fait. Il n'y a pas de protocole d'entente officiel avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, si bien que celui-ci n'a pas de bureau officiel. Les quelques membres du personnel qui sont admis le sont sous l'égide de l'ONU dans son ensemble et ils relèvent de l'autorité centrale du coordonnateur en résidence de l'ONU, poste rattaché au PNUD.
C'est dire que la surveillance de la situation des droits de la personne dans des États comme ceux de Rakhine et d'Arakan ou dans les zones de guerre du nord-est en souffre, puisqu'il n'y a pas assez de personnel. Et ce personnel ne relève pas d'un bureau unifié. Il n'a pas de protocole d'entente avec le gouvernement qui lui permette de négocier des conditions précises d'accès, et il est beaucoup plus à la merci du gouvernement, des caprices de tout le système de l'ONU et de tous les autres aléas.
C'est là un élément essentiel sur lequel nous avons insisté tant et plus. Je témoigne à partir de Washington. C'est le genre de petite question épineuse que nous abordons même avec la Maison-Blanche. Nous sommes allés à la Maison-Blanche pour lui rappeler que les Birmans avaient promis au président Obama de signer un protocole d'entente. Cela se trouvait dans un engagement écrit qui a été pris avec le président Obama en personne, et rien ne s'est fait.
Chose étonnante, même sous le gouvernement de la LND, cela ne semble pas près d'arriver à cause du veto de facto que les militaires peuvent imposer par l'entremise du ministère de l'Intérieur, qui doit donner son autorisation. Tout est très bureaucratique et politisé. Le protocole n'a pas été conclu, et il faut insister. C'est un élément essentiel, puisque vous parlez de la surveillance des camps.
En général, oui, on peut entrer dans les camps. Nous l'avons fait. Mais c'est au prix d'une démarche tortueuse qu'on obtient des responsables de Rakhine le droit d'accès. Il y a un autre problème. Les habitants de Rakhine ont également de graves difficultés sur le plan humanitaire. Beaucoup de groupes de défense des droits de la personne et de groupes d'aide humanitaire doivent faire des calculs politiques s'ils veulent avoir accès aux camps de Rohingyas. Ils ont aussi accès à certaines des régions les plus pauvres du pays, où habitent des bouddhistes. Ils font rapport de leur situation afin de donner une évaluation équilibrée de l'état des droits de la personne
Merci, monsieur Sifton.
Il nous reste un peu de temps. Je sais que vous devez également vous rendre à une autre séance.
Tenons-nous-en à une question et à une réponse relativement brèves, monsieur Miller. Merci.
Vous avez dit un mot de la situation des Rohingyas dans deux autres pays. Vous n'avez pas parlé du Bangladesh. Selon nos chiffres de 2015, il y aurait là-bas 32 000 Rohingyas inscrits et peut-être 200 000 non inscrits.
Pourriez-vous parler brièvement de la situation de ces personnes réfugiées au Bangladesh, et peut-être aussi de la réaction du gouvernement de ce pays à cet afflux massif?
Je rectifie mes propos. Je ne voulais pas dire qu'il n'y avait des Rohingyas qu'en Thaïlande et en Malaisie. Il y en a dans le monde entier. Mais il est vrai que le Bangladesh est un autre pays clé. Beaucoup de Rohingyas se sont enfuis là-bas. Les problèmes dont j'ai parlé à propos de la Malaisie existent aussi au Bangladesh, mais ils sont loin d'être aussi graves qu'en Malaisie.
J'ai volontairement omis le Bangladesh parce que je voulais mettre l'accent sur la Malaisie, mais inconsciemment, je m'abstiens souvent de parler du Bangladesh parce que cela ne sert à rien. Les responsables sont très récalcitrants et n'écoutent jamais ce que nous leur disons ou ce que vous, du gouvernement du Canada, pouvez leur dire.
Je crois que la secrétaire d'État adjointe des États-Unis se trouve au Bangladesh en ce moment pour parler de diverses questions, comme les droits des travailleurs, les droits de la personne, les libertés politiques et les Rohingyas, et je suis persuadé que sa mission doit être exaspérante. Le gouvernement n'écoute pas très bien quand on lui parle de droits de la personne. On lui offre des fonds pour s'occuper des Rohingyas, et il les rejette. Voilà le genre de gouvernement avec lequel il faut traiter au Bangladesh.
Faut-il le condamner pour son refus de coopérer à la recherche de solutions durables pour les Rohingyas? Oui. Cela donnera-t-il de bons résultats? Je n'en suis pas sûr.
Si je semble un peu désabusé, à propos du Bangladesh, c'est que je le suis.
Merci beaucoup d'avoir témoigné devant le Sous-comité.
Nous avons abordé un certain nombre de questions, et nous avons tous beaucoup gagné à entendre votre opinion sur la question des Rohingyas. Nous pourrions communiquer de nouveau avec vous. S'il y a des choses à ajouter, nous pouvons communiquer par courriel.
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous parler.
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