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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 122 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Nous recevons aujourd'hui des témoins par vidéoconférence. Nous poursuivons notre étude de la situation des droits de la personne du peuple ouïghour.
    Nous accueillons Farida Deif qui est directrice au Canada de Human Rights Watch Canada; et Adrian Zenz. Bienvenue à nos deux témoins.
    Nous allons débuter par Mme Deif.
    Madame la présidente et honorables députés, merci de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité pour discuter de la situation des droits de la personne du peuple ouïghour.
    Human Rights Watch a rendu public le mois dernier un rapport intitulé « Éradiquer les virus idéologiques: Vague de répression en Chine contre les musulmans du Xinjiang. » Ce rapport présente de nouveaux éléments de preuve indiquant que le gouvernement chinois est responsable de détentions arbitraires massives, de tortures et de mauvais traitements à l'égard de la population musulmane turcique du Xinjiang. On y fournit également des détails sur les mesures de contrôle de plus en plus envahissantes dans la vie quotidienne de ces gens-là.
    Comme vous le savez, la Chine a amorcé sa campagne « Frapper fort » de répression abusive dans le Xinjiang en 2014. Le niveau de répression s'est toutefois accru considérablement après que le secrétaire du parti communiste Chen Quanguo a quitté le Tibet pour assumer la direction du Xinjiang à la fin de 2016.
    Depuis, les autorités ont intensifié les détentions arbitraires massives, notamment dans les centres de détention préventive et les prisons, les deux types d'établissements officiels, ainsi que dans les camps d'éducation politique. Selon des estimations crédibles, un million de personnes seraient détenues dans ces camps où les musulmans turciques sont forcés d'apprendre le mandarin et de chanter des hymnes à la gloire du Parti communiste chinois. Ceux qui résistent ou qu'on considère en échec d'apprentissage sont punis.
    Les personnes se retrouvant dans les camps d'éducation politique sont détenues sans aucun respect de leur droit à un procès en bonne et due forme. Elles ne sont ni inculpées ni jugées et n'ont aucune possibilité de voir un avocat ou leurs proches. Elles sont détenues parce qu'elles entretiennent des liens avec des pays étrangers, parce qu'elles utilisent des outils étrangers de communication tels que WhatsApp ou parce qu'elles expriment pacifiquement leur identité et leur religion, autant d'actes qui n'ont rien de criminel.
    Un ancien détenu a décrit à Human Rights Watch les conditions qui prévalent dans les camps d'éducation politique. Voici ce qu'il nous a dit:
J'ai résisté à leurs mesures... Ils m'ont mis dans une petite cellule d'isolement... dans un espace de 2 mètres carrés . On ne m'a donné ni à manger ni à boire. Mes mains étaient ligotées dans mon dos et j'ai dû rester debout pendant 24 heures sans dormir.
    En dehors de ces lieux de détention, les autorités chinoises soumettent les musulmans turciques à des restrictions si poussées dans leur vie personnelle que leur vécu se rapproche, à bien des égards, de celui des personnes détenues. Une combinaison de formalités administratives, de points de contrôle et de mesures de vérification des passeports restreignent leurs déplacements. Ils sont sans cesse soumis à des manoeuvres d'endoctrinement politique, comme des cérémonies obligatoires de levée du drapeau, des réunions politiques et des cours du soir de mandarin.
    Les autorités ont également soumis les gens du Xinjiang à une surveillance envahissante et constante. Elles encouragent les voisins à s'espionner les uns les autres. Elles emploient des systèmes de surveillance de masse reposant sur des technologies de pointe comme les codes QR, les informations biométriques, l'intelligence artificielle, les logiciels espions sur les téléphones et le traitement de mégadonnées. Elles mobilisent aussi plus d'un million de fonctionnaires et de policiers pour surveiller les gens, notamment au moyen de programmes non respectueux de la vie privée où les surveillants ont la mission de passer régulièrement du temps aux domiciles des Ouïghours.
    Cette campagne de répression a aussi de graves répercussions à l'étranger. Les autorités chinoises ont décrété que quiconque entretient des liens avec l'étranger commet une infraction. Le gouvernement a interdit aux musulmans turciques d'entrer en contact avec des gens vivant à l'extérieur du pays. Il a également fait pression sur certains ressortissants d'origine ouïghoure et kazakhe vivant à l'étranger pour qu'ils reviennent en Chine. D'autres se sont vu demander de fournir des informations personnelles détaillées sur leur vie à l'étranger.
    Au cours des dernières années, le gouvernement chinois a aussi intensifié ses pressions sur d'autres gouvernements pour qu'ils renvoient de force en Chine les Ouïghours vivant dans leur pays.
    En exerçant un degré de contrôle des pratiques religieuses sans précédent, le gouvernement a rendu en fait l'islam illégal dans la région. Il a banni certaines formes de pilosité faciale et de vêtements religieux, interdit aux enfants de suivre des cours de religion, et confisquer des matelas de prière et des exemplaires du Coran. Les autorités surveillent étroitement les pratiques religieuses des gens. Le gouvernement chinois a même incarcéré des personnes parce qu'elles avaient prié cinq fois par jour ou distribué des textes religieux à leurs proches.
    Comme l'expliquait un ouïghour à Human Rights Watch:
Les autorités chinoises veulent nous forcer à nous assimiler et à nous identifier au pays de telle sorte que le nom de ouïghour devienne un jour une désignation vide de sens.
    Et une femme ouïghoure d'ajouter:
Nous n'avons aucun droit au Xinjiang... Ils nous font tellement peur. La vie dans de telles conditions change notre façon de voir les choses. On en vient à avoir peur des uniformes, peur de dire la vérité, peur de prier, peur d'être musulman.
    Par ailleurs, cette campagne de répression a divisé des familles, certains membres se trouvant dans la région du Xinjiang pendant que d'autres sont bloqués à l'étranger, surpris par le durcissement des mesures de contrôle des passeports et de passage à la frontière. Des enfants ont parfois même été coincés dans un pays sans leurs parents. Il est particulièrement alarmant d'entendre dire que certains enfants de détenus musulmans turciques ont été placés dans des orphelinats contre la volonté de leur famille. En envoyant des enfants du Xinjiang dans ces établissements d'État, le gouvernement chinois ne fait qu'ajouter aux traumatismes découlant de sa campagne de répression musclée.
    Pour que les choses soient bien claires, l'ampleur et la portée des sévices en cours au Xinjiang dépassent tout ce que Human Rights Watch a pu observer en Chine depuis des décennies. La situation actuelle est sans précédent, en raison non seulement du nombre de personnes détenues, mais aussi de la gravité des atteintes systématiques aux droits de la personne dans l'ensemble de la région. En outre, les répercussions se font ressentir au-delà des frontières de la Chine et touchent tous les ressortissants ouïghours de la planète, y compris ceux qui vivent ici au Canada. Ce n'est aucunement comparable à ce que nous avons pu observer jusqu'à maintenant.
    Ces sévices endémiques contreviennent aux droits fondamentaux à la liberté d'expression, à la liberté de religion, à la protection de la vie privée, et à la protection contre la torture et les procès inéquitables. Dans une perspective plus générale, les contrôles exercés au quotidien dans le Xinjiang par les autorités chinoises affectent surtout les Ouïghours, les Kazakhs et les membres d'autres minorités ethniques, ce qui contrevient aux lois internationales interdisant la discrimination.
    La crise qui sévit au Xinjiang est symptomatique de la répression croissante qui touche l'ensemble de la Chine sous la direction du président Xi Jinping. En sa qualité de puissance mondiale, la Chine est en grande partie à l'abri des questionnements de la communauté internationale. Si les gouvernements concernés ne réagissent pas pour faire obstacle à cette répression, on se retrouvera à Beijing avec un gouvernement encore plus téméraire aussi bien à l'interne qu'à l'étranger.
    Il est évident que la Chine compte sur le fait que ses atteintes systématiques aux droits de la personne dans le Xinjiang ne lui coûteront pas très cher sur le plan politique. Cela doit changer. Nous demandons donc au Comité d'exhorter le gouvernement du Canada à prendre plusieurs mesures concrètes.
    Premièrement, le gouvernement du Canada devrait, publiquement et en privé, réclamer des plus hautes instances du gouvernement chinois que l'on mette fin à cette campagne de répression. Le Canada devrait aussi, en application de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, imposer des sanctions ciblées au secrétaire du parti, Chen Quanguo, et aux autres hauts dirigeants impliqués dans les sévices qui marquent cette campagne.
    Le Canada devrait également mettre en place des mécanismes appropriés pour le contrôle des exportations afin d'empêcher la Chine d'avoir accès aux dispositifs de surveillance et aux autres outils technologiques dont elle se sert pour violer les droits fondamentaux de la population du Xinjiang. Le Canada devrait par ailleurs faire enquête sur les tactiques d'intimidation employées par le gouvernement chinois à l'encontre des différentes communautés de la diaspora musulmane turcique vivant dans notre pays.
    De plus, nous demandons au Comité qu'il recommande au gouvernement du Canada de ne pas renvoyer de force en Chine, des Ouïghours, des Kazakhs et d'autres membres des ethnies musulmanes turciques sans avoir évaluer de façon complète et équitable dans chaque cas les risques de persécution, de torture ou de mauvais traitements en Chine. Le gouvernement canadien devrait aussi accélérer le traitement des demandes d'asile présentées par des musulmans turciques risquant d'être renvoyés de force en Chine.
    En conclusion, il ne fait aucun doute que la Chine devrait avoir des comptes à rendre à l'égard de ses violations généralisées et systématiques des droits de la personne dans le Xinjiang. Certains gouvernements ont commencé à dénoncer ces politiques répressives et ont pris des mesures dans leurs pays respectifs pour éviter que les membres de la diaspora ouïghoure et les demandeurs d'asile s'exposent à d'autres préjudices. Le Canada devrait leur emboîter le pas. Il ne fait aucun doute que notre gouvernement doit contribuer à des actions plus vigoureuses et mieux concertées afin que la Chine ait un coût politique plus élevé à payer pour sa campagne d'oppression contre les musulmans du Xinjiang.
    Merci beaucoup.
(1310)
    Merci beaucoup, madame Deif.
    Nous passons maintenant à notre second témoin, M. Adrian Zenz, qui est professeur à l'école européenne de culture et de technologie de Korntal, en Allemagne.
    Pour commencer, je vous remercie, votre présidente et vous, de votre invitation.
    Les travaux d'autres chercheurs et les miens prouvent l'existence d'un vaste réseau de détention extrajudiciaire visant à soumettre les minorités musulmanes du Xinjiang et certaines minorités ethniques chrétiennes à une rééducation et à un endoctrinement politiques intensifs.
    Les preuves que j'ai rassemblées proviennent en grande partie du gouvernement chinois lui-même. J'ai publié le compte rendu détaillé de mes recherches, notamment sur le recrutement des policiers et la mise en place de systèmes de surveillance.
    En août 2018, le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale a accusé la Chine de détenir plus d'un million de membres de minorités musulmanes du Xinjiang dans des camps de rééducation extrajudiciaire. La Chine a catégoriquement nié leur existence, tandis que son porte-parole Hu Lianhe précisait que seulement de petits criminels étaient envoyés dans des centres de formation à l'emploi et d'éducation professionnelle pour acquérir des compétences professionnelles et des connaissances juridiques.
    Dans une entrevue récente, le gouverneur du Xinjiang Shohrat Zakir a de même reconnu que les suspects d'infractions criminelles mineures se voyaient accorder une formation professionnelle gratuite dans des établissements d'éducation professionnelle. Des attestations peuvent couronner la réussite de ces cours.
    Cependant, une modification récente de l'ordonnance du Xinjiang sur la désextrémisation désigne expressément les centres de formation aux compétences professionnelles sous l'appellation d'établissements de rééducation: en chinois [le témoin s'exprime en mandarin], expression que Hu Lianhe et Shohrat Zakir prennent bien soin d'éviter de prononcer dans leurs déclarations.
    Récemment, le gouvernement du Xinjiang a publiquement lancé une initiative de formation aux compétences professionnelles pour aider les minorités rurales ignorantes, arriérées et pauvres. On a produit un clip, qui est passé à la télévision chinoise, CCTV. Mais ces reportages très sélectifs ne montrent que la partie supérieure d'un immeuble, et non le dispositif étendu de sécurité qui l'entoure. Les prises de vue d'une classe ne montrent pas moins de cinq caméras de sécurité en arrière-plan. Plusieurs internés font leurs déclarations d'un air très guindé, et leur langage corporel, dissocié de leurs paroles, n'est pas sans rappeler celui des fausses confessions. Une grande partie de ce qui se dit sur ce clip semble avoir été appris par coeur.
    Les documents sur les soumissions publiques nous apprennent que beaucoup de ces camps de formation devaient comporter beaucoup d'éléments de sécurité. On en voit, par exemple hautes clôtures, murs, miradors et ainsi de suite, sur des images satellite de l'emplacement qui serait celui de l'établissement faisant l'objet du reportage télévisé. Les soumissions établissent aussi un lien évident entre la formation aux compétences professionnelles de ce type... que je distinguerais nettement de l'éducation professionnelle proprement dite.
    L'emplacement de certaines de ces installations a été choisi de manière à être à proximité ou au même endroit que des postes de police peuplés de centaines de policiers. Certaines de ces enceintes entourent un établissement de rééducation, en fait, on utilise vraiment le terme de rééducation politique, qu'on peut faire remonter au système ancien et maintenant aboli de rééducation nationale par le travail et à ces prétendues installations de formation aux compétences.
    Ce portrait des pauvres paysans ouïghours censés être naturellement portés à l'extrémisme, uniquement parce qu'ils ne sont pas des salariés parlant bien le chinois ou mal intégrés dans la société générale est déconcertant, particulièrement dans les déclarations du gouverneur du Xinjiang et dans le clip de CCTV. Ce point de vue particulier découle de l'idéologie matérialiste communiste, qui suppose que, grâce à des conditions matérielles améliorées, tous les êtres humains pencheront naturellement vers l'athéisme ou le naturalisme. Cependant, comme la foi religieuse s'est maintenue et s'est approfondie chez beaucoup de minorités chinoises et même dans la majorité han et particulièrement dans les minorités musulmanes du Xinjiang, également en réaction à ce que ces minorités perçoivent comme de la discrimination ethnoculturelle, les autorités ont graduellement intensifié leur offensive sécuritaire.
(1315)
    La Chine affronte une menace crédible de terrorisme de la part d'un nombre assez petit de groupes ouïghours maintenant neutralisés ou dispersés, à ce que nous sachions. La campagne actuelle de rééducation représente une violation grave et générale des droits les plus élémentaires de la personne, qui, non seulement, n'est pas susceptible d'atteindre l'objectif déclaré de la déradicalisation, mais qui est tout à fait susceptible aussi d'approfondir et de promouvoir une renaissance de la radicalisation dans les populations musulmanes du Xinjiang, jusqu'ici réfractaires à l'idéologie extrémiste.
    J'encourage d'abord le gouvernement du Canada: à dénoncer et à condamner publiquement aussi la campagne de rééducation du Xinjiang; à ne pas compter uniquement sur la diplomatie discrète ou vectorielle qui, d'après moi ne changerait finalement pas grand-chose; à ne pas extrader en Chine de musulmans du Xinjiang actuellement au Canada, en raison de nos inquiétudes pour les droits de la personne.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je propose, avec le consentement unanime du Comité, de limiter toutes les interventions à cinq minutes. Les deux séries d'intervenants auront ainsi un droit de parole.
    Êtes-vous d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Madame la présidente, je remarque que, à l'ordre du jour, il y a des travaux du...
    Ça ne prendra que cinq minutes, à la fin, pour discuter d'un témoin.
    D'accord. C'est bien. Merci.
    Nous commençons par M. Anderson, qui dispose de cinq minutes.
    J'aurais aimé disposer de plus de temps avec vous. Le sujet est important.
    Je tiens seulement à soulever certains motifs de préoccupation que nous avons exprimés l'autre jour. Nous avions convoqué des fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada. J'ignore si vous avez entendu leur témoignage. À la lumière de ce que vous avez dit — la reconnaissance publique d'activités de surveillance et du déploiement de policiers, le fait que ces camps sont maintenant considérés comme des entités juridiques et les photographies satellite de ces camps pendant un certain nombre de mois... Les responsables étaient très peu disposés à reconnaître que ces comptes rendus étaient exacts, mais ils sont disposés à reconnaître qu'il se passe là-bas des choses. Essentiellement, ils n'accepteraient pas la conclusion générale, que c'est si grave.
    Je me demande si vous avez des idées qui nous permettraient de convaincre le gouvernement que la gravité de la situation commande des mesures.
    Question accessoire, jusqu'où la violation des normes internationales doit-elle aller, dans un pays, avant que des gouvernements comme le nôtre ne soulèvent la possibilité d'effets mutuellement néfastes pour leurs marchés et celui du pays?
    Je vous pose la question à tous les deux.
(1320)
    Sur le nombre de détenus et l'échelle des détentions de masse dans ces camps d'éducation, on possède des preuves et des renseignements très crédibles. Il est très difficile, pour un gouvernement, de prétendre que tous ces renseignements sont faux et qu'aucune violation répandue et systématique n'a lieu dans les établissements de détention et dans la population générale du Xinjiang. Ça ne se peut tout simplement pas.
    Je réclamerais du gouvernement, s'il n'est pas disposé à reconnaître l'exactitude des rapports, d'au moins demander au gouvernement chinois d'autoriser la venue d'enquêteurs indépendants au Xinjiang pour qu'ils évaluent la crédibilité de ces rapports. Human Rights Watch, par exemple, n'a pas accès à cette région, ni les journalistes. Ceux qui ont réussi s'y rendre sont surveillés de très près, ce qui, de nombreuses manières, expose à des risques les personnes qu'ils interrogent. Si l'exactitude des rapports est mise en doute, je demanderais au gouvernement d'exiger une évaluation indépendante et d'exercer sur la Chine des pressions pour qu'elle y consente.
    Permettez-moi de vous interrompre; dans mes cinq petites minutes, je tiens à aborder une question dont vous avez traité tous les deux, c'est-à-dire l'échelle et l'ampleur jamais vues depuis des décennies.
    Nous connaissons bien la méthode employée au Tibet. D'autres endroits ont subi la répression. Mais le fait intéressant est que ça se propage à d'autres provinces. Ça commence à s'étendre aux groupes ethniques et religieux. Qu'en pensez-vous? Je pense que les chrétiens de diverses communautés ou provinces sont eux aussi victimes, maintenant, de certaines de ces mesures de répression.
    Qu'en pensez-vous? Je vous cède le reste de mon temps, si vous avez tous les deux quelque chose à dire.
    Monsieur Zenz, si vous voulez ouvrir le bal, nous pourrons ensuite revenir à Human Rights Watch.
    Nous craignons que la Chine ne crée un véritable précédent. Bien sûr, nous savons que, partout en Chine, on a sensiblement intensifié la persécution religieuse, particulièrement en 2018, à la faveur de lois nouvelles sur la religion. Grâce aux méthodes qu'elle applique dans le Xinjiang, la Chine est très susceptible d'apprendre jusqu'où elle peut aller.
    J'ai soutenu, dans mes travaux de recherche, que ça représente un tout nouveau degré d'intensification par rapport à l'État policier créé dans des régions du Tibet, par exemple, puis au Xinjiang. Une campagne de rééducation de cette ampleur, c'est du jamais vu depuis les années 1950 et 1960, bien que, à l'époque, ça n'ait pas été systématique, ç'ait été fait sans recours aux hautes technologies et ça n'ait pas disposé des mêmes ressources économiques pour alimenter la campagne d'endoctrinement politique à laquelle nous assistons maintenant.
    Les autorités chinoises sont susceptibles de tirer les leçons de ces méthodes puis de les appliquer ailleurs. J'ai soutenu, dans un article, que nous pourrions assister à des formes différentes et adaptées de camps d'endoctrinement et de rééducation en d'autres endroits et que ces méthodes étaient même exportables dans d'autres régimes autoritaires.
    Ensuite, et ça touche peut-être un peu ce que vous disiez, si ce qui se passe aujourd'hui dans le Xinjiang, à cette échelle, n'est pas énergiquement dénoncé par la communauté internationale, qu'est-ce qui le serait? À quel niveau faudrait-il descendre? Les Chinois, si la dénonciation manque de force, oseront faire n'importe quoi. Ça ressemble beaucoup à sa façon de faire dans le passé, tester les limites de ce qu'on peut lui laisser faire.
    Nous voyons déjà, depuis dix jours, sa réaction aux reportages des médias internationaux et aux déclarations des institutions internationales et des pays. Les Chinois réagissent maintenant par une campagne qu'on pourrait qualifier de propagande ou de marketing. Si nous n'avions rien dit, elle n'aurait même pas été nécessaire. Ils s'en seraient tenus aux dénégations.
    La reconnaissance et les justifications ont succédé aux dénégations. Mais ce n'est pas assez. Il y a encore un pas à franchir.
(1325)
    Malheureusement, votre temps est écoulé, mais vous pourrez compléter la réponse à la faveur d'une autre question, au besoin.
    La parole est maintenant à Mme Khalid. Cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins pour leurs témoignages très bouleversants.
    Monsieur Zenz, poursuivons. Qu'arrivera-t-il si rien n'est fait? Est-ce que, d'après vous, ça se dirige vers le nettoyage ethnique, le génocide? Quel objectif suprême la Chine vise-t-elle, finalement?
    Ce n'est pas la destruction, l'extermination, l'élimination, littéralement, d'une minorité ethnique. La Chine, dans le passé et au XXe siècle — l'État chinois moderne, depuis 1949, le parti communiste — s'est continuellement représentée comme un pays, un empire multiethnique.
    La Chine se veut multiethnique et, bien sûr, les Han, les Chinois proprement dits, accordent à la culture et à la race une place centrale. Comme les minorités complètent et glorifient cet empire, elles doivent donc exister, mais en étant, en premier lieu, suffisamment assimilées dans la race et la culture han.
    C'est donc une assimilation culturelle et linguistique, bien que l'éducation dans la langue en situation minoritaire existe, mais, comme dans le cas des Hui et des Tibétains, ce n'est pas considéré comme acceptable si les minorités baragouinent le chinois.
    Le deuxième axe de l'assimilation suit les grandes lignes de l'idéologie socialiste ou communiste, pour qui la religion est suspecte et pose un problème inhérent. La foi ou la croyance dans le parti a préséance et c'est à peu près l'intention de la campagne de rééducation, et c'est ce que les témoins nous disent. Il doit avoir préséance. Si vous avez une sorte de croyance secondaire et si vous fréquentez une église approuvée par le gouvernement, contrôlé par lui...
    Je suis désolée, monsieur Zenz. Je dois vous interrompre. J'ai encore d'autres questions.
    Notre comité a entendu des témoignages sur des prélèvements d'organes à grande échelle dans la communauté ouïghoure de Chine. D'autres communautés, comme les adeptes du Falun Gong, les ont aussi dénoncés chez les leurs.
    Permettez-moi de poser la question à Human Rights Watch, madame Deif. L'organisation en a-t-elle aussi entendu parler?
    Oui, certainement, mais pas à la faveur de témoignages dans le Xinjiang, mais dans d'autres rapports. Mais je ne peux pas en parler plus en détail, parce que nous n'avons pas effectué nous-mêmes directement la recherche à ce sujet.
    Quand votre organisation fait la recherche et recueille les témoignages ainsi que les preuves de première main, comment prévoit-elle ensuite s'en servir?
    D'abord mettre en évidence les violations des droits de la personne, leur échelle et leur gravité. Le principal objectif est vraiment d'y mettre fin, de stopper la campagne de répression « frapper fort », pour convaincre les gouvernements concernés, comme le gouvernement canadien, de réagir.
    Cet objectif est exprimé dans un certain nombre de recommandations que nous avons formulées. L'une d'elles est de condamner publiquement les violations commises dans le Xinjiang et, si on doute de l'existence des centres de détention, de réclamer une enquête de l'ONU.
    Mais nous savons très bien qu'on laisse la Chine employer de diverses manières sa puissance politique et économique pour museler ses critiques dans le monde. Si nous ne dénonçons pas véhémentement la répression qui a lieu en Chine, elle se propagera à d'autres communautés. Si l'échelle et la gravité des violations dans le Xinjiang survenaient dans d'autres pays, des enquêtes se feraient, on réclamerait des mécanismes particuliers, la communauté internationale organiserait une réaction de plus en plus robuste. Malheureusement, parce que c'est la Chine et que les infractions ont lieu dans ce pays, on trouve divers prétextes pour fermer les yeux.
(1330)
    Merci.
    Madame Hardcastle, vous disposez de cinq minutes.
    Simplement pour donner suite aux questions de ma collègue sur la réponse véhémente et active de la communauté internationale, madame Deif, je pense que vous nous avez communiqué une liste de recommandations sur des déclarations publiques à faire et sur des sanctions économiques ciblant des individus. Nous avons également entendu les propositions de M. Zenz pour une réaction plus musclée de la communauté internationale.
    Quelles sont certains des moyens que nous pouvons employer à cette fin, sur le plan des exportations et des échanges commerciaux? Voyez-vous une mesure particulièrement efficace que le Canada pourrait appliquer dès maintenant?
    Je pense que le Canada peut en faire beaucoup plus dès maintenant. Malheureusement, ce que nous avons vu, ces derniers mois, est que, à part l'expression de certaines inquiétudes à Genève, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, votre gouvernement n'a fait aucune déclaration publique pour dénoncer les violations qui ont eu lieu dans le Xinjiang, ce qui est incroyablement préoccupant.
    À moyen terme, je pense qu'il importerait beaucoup que le Canada emploie son nouveau mécanisme de sanctions ciblées, la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, pour sanctionner les chefs de partis et d'autres hauts fonctionnaires ayant trempé dans la campagne « frapper fort ». C'est une mesure que le Canada peut appliquer immédiatement par l'entremise d'Affaires mondiales Canada.
    Une autre mesure est de ne pas renvoyer de force des membres de l'ethnie ouïghoure en Chine. Par exemple, l'Allemagne et la Suède, deux alliés du Canada, ont suspendu tous les renvois en Chine des demandeurs d'asile ouïghours, vu l'échelle et la gravité des violations et les risques que, rendus là-bas, ils disparaissent ou y soient détenus. Le Canada devrait emboîter le pas. Il n'y a aucune raison qu'il n'y ait pas de moratoire ou d'interruption des renvois d'Ouïghours en Chine.
    Il se trouve aussi que, au Canada, on compte environ 2 000 Canadiens d'ascendance ouïghoure qui ont rassemblé et dressé une liste de 300 membres de leurs familles actuellement détenus dans les camps dont nous parlons. Ils sont intervenus très énergiquement, partout à Ottawa, pour faire connaître ces violations aux niveaux les plus élevés du pouvoir.
    En matière d'immigration, je pense que nous pouvons faire plus. Nous pouvons traiter plus rapidement les demandes d'asile des musulmans turcophones au sens large qui courent le risque d'être expulsés de force. Plusieurs centaines de musulmans ouïghours sont encore coincés en Turquie. Nous pouvons faire pour ces demandeurs d'asile ce que nous avons fait pour les gays tchétchènes et annoncer au monde que le Canada prend au sérieux la protection des Ouïghours et qu'il intégrera dans sa politique d'immigration des mesures pour accélérer le traitement de leurs demandes, pour les préserver du péril.
    Monsieur Zens, pourriez-vous nous expliquer davantage comment nous devrions réagir dans l'immédiat?
    À mon avis, nous devrions nous rallier à d'autres gouvernements, essayer de faire des déclarations conjointes avec d'autres gouvernements, car je crois que ce serait beaucoup plus efficace qu'une action unilatérale. Bien qu'il soit nécessaire et utile que le Canada prenne des mesures, je recommande fortement une action multilatérale, une collaboration avec d'autres gouvernements.
    Avez-vous des recommandations sur la façon de déterminer si les chiffres et les renseignements sur ce qui se passe dans ces camps de détention sont crédibles? Nous avons des renseignements contradictoires. Pouvez-vous nous recommander quelque chose rapidement?
(1335)
    En n'ayant pas accès à la région de Xinjiang et aux dossiers, il est très difficile de confirmer entièrement les données. Ce que nous exhortons les gouvernements à faire, y compris ce gouvernement, c'est de travailler conjointement avec d'autres gouvernements qui s'inquiètent des violations des droits de la personne qui sont commises à Xinjiang pour revendiquer la mise en place d'un mécanisme indépendant de l'ONU afin de pouvoir accéder à la région de Xinjiang, d'enquêter sur les violations et d'en déterminer l'ampleur. Si ces démarches sont prises conjointement avec de nombreux autres gouvernements, nous avons une chance de réussir.
    Votre temps de parole est écoulé, alors nous allons passer à M. Tabbara, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être ici.
    Ma question portera sur le système judiciaire en Chine. Pourriez-vous expliquer s'il y a un régime à deux vitesses au sein du système judiciaire pour les citoyens chinois et les Ouïghours?
    Vous avez mentionné, madame Deif, que les gens n'ont pas accès à un avocat. Monsieur Zenz, vous avez dit que les fonctionnaires ont nié l'existence de ces camps. Si l'affaire faisait l'objet d'un procès ou était portée devant un tribunal, quelle serait l'issue, si l'on ne peut pas avoir accès à un avocat?
    Si ces institutions ne sont pas solides, qui reste-t-il pour défendre les Ouïghours?
    La soi-disant rééducation, si vous me permettez de commencer, est fondamentalement une procédure extrajudiciaire. C'est une détention administrative déterminée par les autorités de la sécurité publique sans l'intervention des cours. Il n'y a aucune poursuite judiciaire, aucun moyen d'interjeter appel ni même aucune façon de savoir quelle est l'accusation, et il n'y a aucune condamnation; par conséquent, aucune condamnation ne peut être portée en appel.
    C'est la raison pour laquelle le gouvernement chinois a fini par décider d'abolir le système national de « rééducation par l'entremise du marché du travail ». Les membres des autorités policières locales peuvent facilement abuser du système en plaçant des dissidents ou toute personne qu'ils n'aiment pas particulièrement dans un établissement de rééducation.
    À Xinjiang, nous avons maintenant une version renouvelée de ce même système, vraisemblablement plus intense et à plus grande échelle, et les Ouïghours et autres musulmans qui sont internés n'ont aucun droit d'appel. Bien entendu, à Xinjiang, il y a aussi le problème que même si vous faites officiellement l'objet de censure, que vous suivez la procédure officielle, il a été démontré que même si c'est le cas, vous aurez très peu de recours pour avoir un procès équitable. C'est toutefois un problème différent qui ne constitue pas le principal objet d'intérêt de mes recherches.
    Madame Deif, pourriez-vous vous prononcer là-dessus aussi?
    Je pense que c'est un régime à deux vitesses à tous les niveaux, un régime à deux vitesses très répressif et abusif qui terrorise la communauté ouïghoure en Chine et à Xinjiang. Je ne peux pas vraiment parler des processus judiciaires car, comme mon collègue l'a dit, ce sont tous des mécanismes extrajudiciaires que le gouvernement chinois essaie de camoufler sous un vernis de légalité, mais ils ne résistent pas aux données probantes.
    En ce qui concerne le régime à deux vitesses, il y a quelques autres points qu'il est important de noter. Même lorsque nous parlons des points de contrôle et de la surveillance accrue à Xinjiang, il y a des points de contrôle à l'intérieur de la région, où le Chinois d'origine han fera en quelque sorte passer rapidement les touristes chinois qui visitent la province. Toutefois, si vous êtes un Ouïghour ou un musulman turc, vous devrez passer à un point de contrôle différent où vous devrez vous soumettre à des lectures d'empreintes rétiniennes et à toutes sortes d'autres mécanismes de collecte de données biométriques. C'est un régime à deux vitesses à tous les niveaux.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux profiter de l'occasion pour dire à M. Zenz que j'apprécie énormément son travail.
    Je pense que vous savez que nous avons accordé au dalaï-lama la citoyenneté honoraire ici au Canada. J'ai présenté cette motion à la Chambre des communes. Je remarque que vous avez fait beaucoup de travail pour faire connaître le sort des Tibétains. Je vous en suis très reconnaissant.
    J'aimerais vous poser la même question à laquelle a répondu Human Rights Watch et qui a été posée par Mme Khalid.
    Avez-vous la preuve, ou y a-t-il des rapports qui prouvent que les Ouïghours subissent le même traitement qui a été réservé aux membres du Falun Gong, en ce qui concerne le prélèvement d'organes?
(1340)
    J'ai principalement cherché des documents officiels du gouvernement, mais j'ai également obtenu des déclarations d'informateurs. Je n'ai pas pu confirmer les preuves sur le prélèvement d'organes. Je n'ai pas essayé de faire des recherches à ce sujet plus particulièrement. Je ne peux donc pas vraiment me prononcer là-dessus.
    D'accord. Merci.
    J'oublie quel témoin a mentionné d'adopter une approche multilatérale. Monsieur Zenz, je pense que c'était vous.
    Je m'interroge sur la motivation de la Ligue des États arabes. Des déclarations ont-elles été faites? Des pays membres ou des membres ont-ils fait preuve de leadership dans ce dossier, surtout étant donné que les Ouïghours sont un groupe minoritaire musulman en Chine? Avez-vous entendu parler de quoi que ce soit en ce sens, pour que le Canada puisse travailler avec l'un de ces membres?
    Les gouvernements musulmans sont étonnamment muets sur cette question — diverses sources ont émis des hypothèses sur les raisons, qui sont probablement complexes —, à l'exception du gouvernement malaisien, qui a critiqué l'initiative de la ceinture et de la route et fait savoir plus ouvertement ce qu'il pense de la Chine.
    Le gouvernement malaisien pourrait être une option. D'autres gouvernements musulmans déçoivent grandement en ne prenant pas publiquement position sur la question. Il pourrait être opportun de le signaler et de ne pas simplement se croiser les bras car, comme vous l'avez fait remarquer à juste titre, de nombreuses autres nations comptent d'importantes populations de musulmans ou une majorité de musulmans.
    Oui.
    Avant cette étude, celle dont nous avons été saisis le plus longtemps portait sur une autre communauté musulmane importante, les Royingyas, qui ont été gravement persécutés et chassés de leur foyer également. Dans leur cas aussi, peu de nations sont venues à leur défense.
    Qu'en est-il de Human Rights Watch? Vouliez-vous répondre à la question que j'ai adressée à M. Zenz?
    Je pense qu'il y a certainement des membres de l'organisation des États islamiques qui pourraient s'associer au Canada et à différents alliés pour intervenir.
    Je souligne également qu'il y a un certain nombre de gouvernements respectueux des droits qui sont extrêmement préoccupés par ce qui se passe à Xinjiang. Le Canada peut s'associer avec eux — cela offrirait un niveau de couverture politique, dans un sens —, que ce soit par l'entremise du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies ou à l'Assemblée générale, pour présenter des résolutions qui dénonceraient la situation à Xinjiang et la persécution des minorités religieuses.
    Le Canada s'est toujours porté à la défense des droits de la personne en Chine. Nos collègues de notre équipe chinoise entretiennent des relations solides avec l'ambassade, le consulat du Canada à Beijing. De façon générale, du point de vue de la diplomatie, le Canada réussit bien pour soulever ces enjeux et pour établir des liens avec des défenseurs des droits de la personne afin de dénoncer les questions relatives aux droits de la personne.
    Comme l'autre témoin l'a mentionné cependant, cette sorte de diplomatie privée et déguisée a ses limites. À ce stade-ci, en raison de l'ampleur et de la gravité des violations, un certain nombre d'États préoccupés, y compris le Canada, doivent protester publiquement de manière concertée contre ces abus.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Fragiskatos.
    Merci, madame la présidente. Merci aux témoins.
    Ma question s'adresse à M. Zenz. J'aimerais en apprendre le plus possible sur ce qui se passe sur le terrain et sur la dynamique sous-jacente.
    Cette question ne vise certainement pas à excuser la situation. Je pense que nous sommes tous horrifiés d'entendre ce qui se passe vraisemblablement, mais je veux en savoir un peu plus sur la nature et le but de l'activisme pour défendre les Ouïghours.
    Est-ce de nature culturelle, pour garantir de plus grandes libertés culturelles pour le peuple ouïghour? Est-ce de nature politique, pour assurer la liberté culturelle et l'autonomie politique au sein d'une Chine unie? Ou y a-t-il un sentiment d'indépendance sous-jacent?
    Qu'avez-vous à dire à ce sujet, monsieur?
(1345)
    Je suis désolé, mais votre première question portait sur ce qui se passe à l'intérieur des camps de rééducation?
    Non. J'ai dit que je veux en savoir le plus possible, en tant qu'observateur, sur ce qui se passe sur le terrain, et j'ai ensuite posé une question sur la nature de l'activisme politique pour défendre les Ouïghours. Je pense que vous avez entendu cette partie de la question, n'est-ce pas?
    Oui, je me demandais simplement si ce sont deux questions distinctes.
    Non, elles ne le sont pas. Ma question porte sur la nature de l'activisme politique.
    D'accord. Il y a eu divers niveaux et types de mécontentement parmi les Ouïghours en Chine au cours de l'histoire. Il y a eu un incident particulier dans les années 1990 dans une région de Xinjiang, qui avait trait à l'accès à la liberté religieuse.
    Après la révolution culturelle, au cours de laquelle la liberté religieuse a été grandement bafouée, cela a laissé plus de place à l'activisme. À la suite d'un problème lié à la perception par les autorités d'une utilisation abusive de la liberté religieuse, les Ouïghours ont répondu par écrit, dans une certaine mesure. Il y a des répercussions sur l'emploi également.
    L'activisme ouïghour est dépeint comme étant du terrorisme religieux. Plus récemment, il y a un fond de vérité à cette représentation car les Ouïghours ont été radicalisés et influencés dans une certaine mesure. Certains sont allés en Syrie et d'autres ont juré de se venger pour le traitement qu'on a réservé à leur peuple.
    Cependant, il est impératif d'examiner la situation dans un contexte beaucoup plus large. Il y a différents types de mécontentement parmi les gens normaux sur le terrain à Xinjiang, et ils ont répondu très différemment. Certains, bien entendu, ont répondu par la violence, pas nécessairement seulement pour des raisons religieuses, mais aussi pour des raisons politiques et économiques.
    C'est une réponse succincte à votre question.
    Au-delà de cela, je dirais que mon domaine d'expertise n'est pas d'étudier en détail la nature du séparatisme ouïghour.
    Madame Deif, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui, je dirais qu'au cours des cinq dernières années, il y a eu un certain nombre d'incidents violents mettant en cause des Ouïghours ou des auteurs soupçonnés d'être d'origine ouïghoure, mais il est vraiment important de souligner que le vaste mandat de la campagne « Frapper fort » pour punir et contrôler tous les musulmans à Xinjiang ne peut pas être justifié sous prétexte que la campagne vise à assurer la sécurité publique.
    Les objectifs énoncés de la campagne « Frapper fort » sont la sécurité de l'État, l'unité ethnique et la stabilité sociale, mais nous savons très bien que ce sont des termes extrêmement généraux que le gouvernement chinois emploie souvent pour réprimer toute expression politique.
    Quelle forme d'opposition, s'il y a, se manifeste à Xinjiang? À quoi ressemble cette opposition? Comment les opposants à ce qui se passe mènent-ils leurs activités, et comment s'organisent-ils, le cas échéant?
    À notre avis, l'opposition à ce qui se passe à Xinjiang se manifeste à l'extérieur de la Chine en ce moment. En raison du niveau et de la gravité de la surveillance, de la supervision, des violations, de l'oppression et des détentions massives, le gouvernement chinois a fermé la porte à toute possibilité de dénoncer la situation ou d'organiser publiquement une quelconque activité à l'intérieur du pays.
    D'accord. C'est ce que je pensais. Je voulais seulement savoir s'il y avait un signe quelconque, mais on peut facilement comprendre pourquoi il n'y en a pas.
    Merci beaucoup.
    Les cinq dernières minutes sont allouées à Mme Hardcastle.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais simplement que l'un de vous nous aide à comprendre un peu la situation. Vous avez dit tout à l'heure que la communauté internationale doit faire front commun et que nous pouvons être efficaces en collaborant.
    Je dois en savoir un peu plus sur la façon dont nous pouvons lutter contre les pressions que nous connaissons. La Chine exerce en quelque sorte des pressions dans d'autres pays qui ramènent des Ouïghours en Chine. Ils avaient été déportés. Quelles sont exactement les pressions qui rendent cette population à l'extérieur du pays encore plus vulnérable, et que pouvons-nous faire?
(1350)
    Il y a plusieurs mesures que le Canada peut prendre par lui-même, de même que conjointement avec d'autres pays. Seul, comme vous l'avez mentionné à juste titre, de fortes pressions sont exercées pour retourner les Ouïghours en Chine, dans la région de Xinjiang, où ils seront assujettis aux politiques abusives et oppressives existantes là-bas. Le gouvernement chinois ne veut pas que les Ouïghours en dehors du pays dénoncent les violations des droits de la personne qui sont commises à Xinjiang. Ils ne veulent pas de cet activisme.
    Par conséquent, ce que le gouvernement du Canada peut facilement faire, c'est de suivre l'exemple de la Suède et de l'Allemagne et de suspendre le retour des Ouïghours en Chine pour le moment. Nous connaissons la gravité des abus. Les risques sont si élevés que ces personnes pourraient disparaître ou être placées dans des camps d'éducation politique. Il est donc inconcevable pour le Canada de renvoyer les Ouïghours pour le moment, sans appliquer un processus très rigoureux. C'est une chose que le Canada peut faire dans l'immédiat.
    Conjointement avec d'autres pays, un certain nombre de résolutions ont été proposées dans divers mécanismes des Nations unies pour dénoncer les violations commises et ordonner la tenue d'une enquête par des enquêteurs indépendants. Le Canada devrait appuyer ces mécanismes.
    Connaissons-nous certaines de ces mesures? Monsieur Zenz, vous pourriez peut-être nous éclairer à ce sujet. Quelles sont certaines des mesures que la Chine utilise pour ramener les Ouïghours en Chine?
    La Chine exerce des pressions directement sur les Ouïghours, surtout lorsque ceux qui sont à l'étranger ont des membres de leur famille en Chine, ce qui les rend plus susceptibles de faire l'objet de manipulation.
    L'un des mécanismes que la Chine utilise est de refuser de délivrer de nouveaux passeports, si bien que lorsque les passeports expirent, on dit à ces Ouïghours de retourner en Chine plutôt que d'obtenir un nouveau passeport dans le pays où ils résident. Ces Ouïghours deviennent alors apatrides.
    Il est impératif pour des pays comme le Canada d'accepter ces Ouïghours en tant que demandeurs d'asile et de leur accorder l'asile plutôt que de les renvoyer en Chine. On devrait leur délivrer des passeports étrangers, ce qui leur donne des bases plus solides. Essentiellement, tous les Ouïghours qui ne sont pas en Chine devront recevoir un passeport étranger pour être mieux protégés. Autrement, ils sont très vulnérables aux diverses pressions, que ce soit par ces mécanismes légaux ou d'autres formes de manipulation.
    Merci beaucoup. Je veux remercier nos deux témoins, Farida Deif et Adrian Zenz, de leur présence ici aujourd'hui.
    Nous allons maintenant suspendre nos travaux pour une minute afin de passer à huis clos. Je demanderais aux gens de quitter la salle à l'exception des membres et de leur personnel pour que nous puissions passer à huis clos quelques minutes.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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