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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 087 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Bonjour à tous, mesdames et messieurs.
    Je vous souhaite la bienvenue à cette 87e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Monsieur Anderson, je crois que vous aviez une brève remarque à faire.
    Je tiens à rappeler aux membres du Comité que nous devons signer et retourner la lettre dont nous avons discuté la semaine dernière.
    Je vous signale que nous devons le faire au plus tard mercredi.
    Y a-t-il d'autres commentaires pour M. Anderson?
    Non? Très bien.
    Deux collègues sont venus me voir, à la fin de la dernière séance, au sujet de la tenue de réunions spéciales sur de nouveaux enjeux dans deux autres pays. Mme Khalid était l'une de ces personnes. Je vais donc réserver quatre minutes à la fin de la séance pour que nous puissions en discuter.
    Je préviens tout de suite les témoins que nous devrons nous réunir à huis clos à la fin de la séance. Nous allons recueillir vos témoignages, puis vous poser nos questions, après quoi je vais vous demander de sortir pour que nous puissions régler cette question à huis clos.
    Mais tout d'abord, au nom du Comité, je tiens à remercier nos témoins de leur présence, MM. Michael Messenger et Simon Lewchuk, de Vision mondiale Canada; et M. Simon Chorley, d'UNICEF Canada.
    Pour Vision mondiale, est-ce qu'il y aura un seul exposé ou bien vous allez partager votre temps?
    Il n'y en aura qu'un seul, mais nous répondrons ensemble aux questions.
    Monsieur Messenger, vous disposez de 10 minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité, d'avoir invité Vision mondiale à s'exprimer dans le cadre de cette discussion importante et à propos.
    Je suis aujourd'hui accompagné de mon collègue, Simon Lewchuk, qui est notre conseiller principal en matière de politiques des droits et de la protection des enfants.
    En plus de notre témoignage d'aujourd'hui, nous vous avons remis un mémoire écrit.

[Français]

     Je vous remercie de nous donner l'occasion de communiquer avec vous aujourd'hui à propos de ces problèmes critiques. Nous sommes encouragés de voir que le Comité écoute ce que les Canadiens ont à dire sur la façon d'améliorer la vie des enfants.

[Traduction]

    Pour commencer, je crois qu'il est important de se rappeler que le travail des enfants est d'abord et avant tout une question de coeur, et il faut qu'il en soit ainsi. Nous croyons essentiellement que chaque enfant devrait pouvoir mener une vie épanouie, à l'abri de la pauvreté, et remplie de promesses. Voilà ce que je veux pour mon fils et ma fille. En tant que Canadiens, c'est ce que nous voulons pour nos enfants. J'ai voyagé partout dans le monde, pour le compte de Vision mondiale, et je peux vous dire que c'est ce que les parents de partout ont en commun. Ils souhaitent tous à leurs enfants une bonne éducation, la santé, la sécurité, la protection, une vie sans violence et sans peur et un avenir prometteur. Nous le devons à nos enfants, les leaders de demain, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour réaliser cet objectif.
    Nelson Mandela a déjà dit que rien n'était plus révélateur de l'âme d'une société que la façon dont elle traite ses enfants. C'est donc habités par cet esprit et cette espérance que nous comparaissons aujourd'hui.
    J'aimerais vous parler brièvement de l'expérience de Vision mondiale en ce qui concerne le travail des enfants, de nos études, qui révèlent que le recours au travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement mondiales est un enjeu canadien, des défis que doivent relever les consommateurs et la société civile, et de nos recommandations sur le sujet. Selon nous, le gouvernement du Canada devrait adopter une loi qui obligerait au minimum les grandes entreprises à rendre compte publiquement des mesures qu’elles prennent pour lutter contre le travail des enfants et le travail forcé dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement.
    Si vous me permettez, j'aimerais vous expliquer pourquoi Vision mondiale s'intéresse à la question du travail des enfants. Dans un premier temps, sachez que nous sommes une organisation qui se consacre à la défense des droits des enfants et à leur bien-être par l'entremise de toutes sortes d'initiatives de développement, d'aide et de défense dans près de 100 pays. Nous avons défendu la cause des enfants au Canada également. Nous offrons des programmes directs et nous intervenons auprès des enfants ouvriers dans plus de 25 pays.
    Par exemple, aux Philippines, nous avons mené un projet de grande envergure qui a permis de réduire le travail des enfants dans l'industrie de la canne à sucre de 74 % sur une période de trois ans. Nous y sommes parvenus en trouvant des solutions économiques, en exigeant des lois et des politiques, en offrant de l'éducation et de la formation aux enfants qui ont pris du retard en classe et en leur donnant les moyens de se faire entendre.
    Nous avons mené un projet régional en Asie de l'Est, plus précisément au Cambodge, au Laos, en Thaïlande, au Vietnam et au Myanmar, afin d'appuyer les enfants et les familles plus à risque d'être astreints au travail forcé, y compris dans l'industrie des fruits de mer — un domaine d'intérêt du Comité — en mettant en oeuvre des initiatives en matière de protection, de prévention et de politiques. Nous avons notamment sensibilisé les enfants dans les diverses collectivités à la migration sécuritaire et nous les avons aidés à se sortir de cette situation malsaine.
    Plus tôt cette année, je me suis rendu au Bangladesh, et j'ai pu voir à quel point les enfants se font exploiter. Je sais que le Comité s'intéresse aux industries des fruits de mer et du vêtement, soit deux secteurs où le risque d’exploitation d’enfants est élevé. Pendant ce voyage, nous avons vu des enfants travailler dans ces deux secteurs.
    J'ai rencontré une jeune fille, Tania, qui m'a particulièrement marqué. Elle est âgée de 15 ans. Elle travaille dans une entreprise de transformation de la crevette dans le sud du Bangladesh. Elle travaille huit heures par jour et est le seul gagne-pain de sa famille. Elle doit souvent travailler de nuit, à empiler des crevettes glacées dans une pièce sombre, après quoi elle retourne à la maison, où une journée bien remplie l'attend.
    La réalité est que les Canadiens consomment fort probablement ces crevettes. Nous avons importé pour plus de 163 millions de dollars de crevettes en provenance des pays de l'Asie du Sud-Est, et ce, même en sachant que des enfants sont victimes d'exploitation.
    Comme tous les autres enfants forcés de travailler, Tania doit s'absenter de l'école. Elle compromet sa santé et son bien-être, et en tant que jeune fille, elle est particulièrement vulnérable aux abus et à la violence en milieu de travail.
    Le travail des enfants est un enjeu complexe, et il n'y a pas de solutions faciles. Il ne faut tout de même pas penser que nous nous opposons à toute forme de travail; en fait, des tâches qui sont adaptées en fonction de l'âge peuvent même contribuer au développement de l'enfant. Cependant, ce n'est pas ce dont il est question ici. On parle des 152 millions d'enfants qui travaillent, dont 73 millions travaillent dans des conditions dangereuses qui mettent en péril leur éducation, leur santé, leur sécurité et leur dignité.
    La pauvreté est à la base de tout cela, et nous poursuivons nos efforts afin de changer les conditions qui poussent les enfants à travailler au départ.
     Outre ces facteurs, nous devons aussi nous pencher sur ce qui est à l'origine de l'exploitation des enfants. Mentionnons notamment notre demande insatiable pour de nouveaux produits à faible coût et le désir des entreprises de produire rapidement et d'engager de la main-d'oeuvre bon marché.
    L'an dernier, Vision mondiale a mené des études pour évaluer l'ampleur du travail des enfants et du travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement des produits que nous consommons et utilisons ici au Canada au quotidien.
    Nous avons relevé quelques faits intéressants. Tout d'abord, sachez que plus de 1 200 entreprises au Canada importent des biens qui peuvent avoir été produits par des enfants. Ces entreprises représentent tous les secteurs auxquels on peut penser, que ce soit l'industrie du vêtement, l'industrie alimentaire ou les détaillants. Près de 34 milliards de dollars de biens susceptibles d'être issus du travail des enfants ou du travail forcé ont été importés au Canada en 2016. On parle d'une augmentation de 31 % par rapport à 2012.
    Que ce soit les vêtements que nous importons du Bangladesh, les tomates qui viennent du Mexique ou même l'huile de palme d'Indonésie — qui a d'ailleurs connu une augmentation de 9 000 % depuis 2012 — qui se retrouve dans les produits tels que le shampoing, le détergent à lessive ou la crème glacée, nous importons de plus en plus de produits en sachant qu'ils sont issus du travail des enfants ou du travail forcé.
    Maintenant, il n'y a rien de mal à importer ces produits en soi. L'importation est d'ailleurs à l'origine de bons emplois et d'une croissance économique durable pour de nombreux pays en développement. Il n'en demeure pas moins que le nombre élevé d'enfants ouvriers prouve que les entreprises doivent prendre des mesures pour minimiser le risque que les enfants se fassent exploiter dans leurs chaînes d'approvisionnement.
    Cela nous amène à notre troisième constatation. La plupart des entreprises au Canada divulguent peu, voire pas, d'informations utiles concernant les politiques, les pratiques et le contrôle préalable mis en place pour prévenir et lutter contre le travail des enfants et le travail forcé dans leurs chaînes d'approvisionnement.
    Pour les consommateurs canadiens comme vous et moi, il est pratiquement impossible de savoir ce que ces entreprises font pour atténuer les risques. Toutefois, le manque d'information ne signifie pas que les entreprises ne font rien. Nous savons que certaines agissent, mais le manque de transparence soulève tout de même des questions. Cela rend le dialogue constructif et la reddition de comptes sur ces enjeux pratiquement impossibles.
    Vision mondiale estime qu'une plus grande transparence de la part des entreprises peut être un important moteur de changement. La société civile, les ONG et les syndicats pourraient ainsi dialoguer de façon constructive avec les entreprises, les tenir responsables face à leurs devoirs et les encourager à prendre davantage de mesures.
    Les partenaires et alliés du Canada, à savoir la Californie, l'Australie, la France, les Pays-Bas et, évidemment, le Royaume-Uni, avec sa Loi contre l'esclavage moderne, ont mis en oeuvre des lois pour rendre obligatoire l'établissement de rapports publics pour les grandes entreprises. Celles-ci doivent faire état des risques et des mesures prises, de même que des progrès qui ont été réalisés.
    Nous avons constaté que le fait de mettre en lumière les pratiques des entreprises pouvait faire une différence. À la suite de l'adoption de la MSA au Royaume-Uni, 39 % des entreprises ont mis en oeuvre de nouvelles politiques et de nouveaux systèmes pour prévenir l'exploitation, et 50 % ont collaboré davantage avec d'autres parties prenantes pour agir. À certains égards, nous pourrions nous inspirer de cette loi ici, au Canada, mais surtout, nous sommes d'avis qu'il faut inclure de façon explicite le travail des enfants dans la portée de toute loi canadienne.
    Cela correspond également à nos engagements internationaux, et c'est ce que les Canadiens veulent. Selon les sondages d'opinion effectués plus tôt cette année par Ipsos, 84 % des Canadiens sont frustrés de voir à quel point il est difficile de déterminer où, comment et par qui les produits qu'ils achètent sont fabriqués. De plus, 91 % d'entre eux pensent que le gouvernement canadien devrait exiger des entreprises canadiennes qu'elles rendent compte publiquement de qui fabrique leurs produits.
    Il faudrait donc mettre en place une loi qui n'imposerait pas un lourd fardeau aux entreprises. Selon nous, c'est ce qui nous permettrait de nous attaquer au problème du travail des enfants. Le gouvernement canadien devrait utiliser son pouvoir de mobilisation et adopter une approche multipartite pour déterminer comment nous pouvons agir ensemble. Il faut éliminer les obstacles qui nous empêchent de résoudre, collectivement, le problème du travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement. Cela aidera les jeunes filles comme Tania, que nous avons rencontrée au Bangladesh, et les autres jeunes filles à l'avenir. Nous pouvons aider les enfants à avoir un avenir plus prometteur.
    Je vous remercie de nous avoir donné cette occasion de témoigner. Nous sommes impatients de répondre à vos questions.
(1310)
    Je vous remercie pour ce témoignage très pertinent, monsieur Messenger.
    Je cède maintenant la parole à M. Chorley.
    J'aimerais remercier les membres du Comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. UNICEF Canada vous remercie de nous donner l'occasion de parler du travail des enfants et de l'esclavage moderne dans les chaînes d'approvisionnement. D'après ce que je comprends, les représentants de l'OIT vous ont déjà parlé de l'ampleur et de la portée de cet enjeu, et ceux de Walk Free et de Vision mondiale vous ont parlé de certaines des questions législatives. Je tenterai donc d'aborder certains autres enjeux qui, à mon avis, intéresseront les membres du Comité.
    Le premier enjeu concerne les causes fondamentales. Il y a quelques années, UNICEF Canada a mené une étude sur les causes fondamentales du travail des enfants dans le secteur de l'exploitation minière artisanale et à petite échelle en Afrique centrale et de l'Ouest. Il semble qu'il existe trois groupes principaux de causes principales, à savoir les normes sociales, le manque de protection et de soutien, ainsi que l'engagement restreint des secteurs public et privé.
    En ce qui concerne les normes sociales, on favorise notamment les revenus plutôt que l'éducation et les garçons plutôt que les filles. Le manque de protection et de soutien est lié à l'accès insuffisant à l'éducation et à l'accroissement des vulnérabilités liées au sexe et à l'environnement. La capacité restreinte concerne notamment les systèmes de protection de l'enfance inadéquats, surtout dans les pays à revenu faible à moyen, ainsi que le manque d'engagement du secteur privé à l'égard de cet enjeu.
    C'est la raison pour laquelle l'UNICEF a adopté une approche axée sur le renforcement du système, et c'est pourquoi le gouvernement du Canada doit également adopter une telle approche pour se pencher sur le problème du travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement et pour trouver des solutions durables. Dans un cas particulier, au Burkina Faso, sur une période de cinq ans, l'UNICEF a retiré plus de 20 000 enfants d'exploitations minières artisanales et à petite échelle et leur ont donné accès à l'éducation, à la formation et l'emploi.
    Les membres du Comité devraient également tenir compte d'un contexte supplémentaire, c'est-à-dire les États fragiles et les situations d'urgence. Affaires mondiales Canada a appuyé les travaux effectués à la suite du typhon Haiyan aux Philippines, car des agents de police formés par l'UNICEF et d'autres organismes d'exécution de la loi ont identifié des cas de trafic d'enfants et sont intervenus à la suite de cette situation urgente. Nous avons reçu des signalements troublants selon lesquels cette tendance se répète actuellement dans le cadre de la crise des Rohingyas au Bangladesh.
    J'ai eu le privilège de visiter des camps de réfugiés en Jordanie, où il y a des problèmes majeurs liés au travail des enfants, car les adultes n'ont pas le droit de travailler et de quitter le camp. On a dû prendre des mesures pour éviter que ces enfants soient forcés de travailler.
    De plus, nous examinons le contexte de sécurité, et nous sommes donc heureux qu'on ait récemment annoncé les Principes de Vancouver, car ces derniers ciblent le recrutement d'enfants soldats, ce que la Convention no 182 de l'OIT qualifie de pire forme de travail des enfants. Par conséquent, il faut maintenant adopter une approche multisectorielle pour cibler ces cas précis. Par exemple, Affaires mondiales Canada, en collaboration avec l'UNICEF et la société minière Barrick Gold, a produit une liste de vérification des droits et de la sécurité des enfants pour s'attaquer au problème des enfants soldats et à la question de la sécurité des enfants dans des contextes d'instabilité.
    Le deuxième enjeu concerne l'industrie du vêtement, et mes collègues de Vision mondiale ont déjà abordé le sujet. Les causes fondamentales que j'ai déjà énumérées se manifestent également dans l'industrie du vêtement. Le Bangladesh et le Vietnam sont le deuxième et le cinquième plus grands exportateurs de vêtements au monde. Ces deux pays emploient approximativement 4 millions de travailleurs, dont 80 % sont des femmes. La majorité de ces travailleurs sont des migrants nationaux qui quittent les régions rurales pour trouver du travail dans les centres urbains. Dans le cadre de deux études menées par l'UNICEF au cours des deux dernières années, nous avons déterminé que les problèmes principaux auxquels ces gens font face sont le manque de protection de la maternité, le manque de soutien à l'allaitement, des choix restreints en matière de services de garde d'enfants, et des problèmes liés à la santé, à l'alimentation, à l'approvisionnement en eau, à l'hygiène, à l'éducation et à la protection. La liste se poursuit, et il faut ajouter à cela des salaires peu élevés et de longues heures de travail. Ces problèmes devraient préoccuper les entreprises, car ils ont des répercussions sur la productivité des employés. En effet, ils affectent la loyauté des employés et aggravent les problèmes d'absentéisme et de roulement du personnel, ce qui nuit, au bout du compte, à la réputation et à la rentabilité de l'entreprise. Ces renseignements sont pertinents dans le cadre de cette étude, car tous ces facteurs contribuent au travail des enfants, surtout chez les jeunes âgés de 15, 16 et 17 ans.
    Le Bangladesh et le Vietnam ont réussi, dans une certaine mesure, à éliminer une partie du travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, mais nous observons toujours une prédominance inquiétante du travail des enfants dans l'industrie nationale du vêtement de ces pays. En particulier, à Dhaka, au Bangladesh, 59 % des 169 000 travailleurs étaient âgés de moins de 18 ans; il faut donc également s'attaquer à ce problème. C'est la raison pour laquelle l'UNICEF met en oeuvre un programme d'engagement à l'égard des usines, afin d'obtenir la participation des distributeurs mondiaux, des fournisseurs nationaux et des usines locales en vue de résoudre ces enjeux.
(1315)
    Cela m'amène à parler du troisième point, c'est-à-dire du rôle important joué par le secteur privé. Sa participation est essentielle pour éliminer le travail des enfants, et nous devons donc collaborer avec les intervenants de ce secteur. Dans des endroits où il n'y a aucune loi à cet égard, des entreprises tentent déjà de combler cette lacune. Nous avons observé plusieurs exemples de ce genre, surtout dans le secteur de l'extraction. Par exemple, à la suite de pressions exercées par la société civile après qu'on ait découvert que des enfants travaillaient dans l'extraction artisanale et à petite échelle du cobalt dans la République démocratique du Congo, des grandes entreprises ont commencé à dresser la carte de leurs chaînes d'approvisionnement complexes, en tenant compte de la mine artisanale, des négociants et des fonderies, jusqu'aux fournisseurs et l'exploitation minière industrielle. C'est donc possible.
    Nous avons également vu, par exemple, des membres de l'industrie encourager activement l'adoption de lois transparentes. Dans le cadre de la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif de 2014, l'industrie minière a milité pour que ses membres soient tenus de divulguer les paiements effectués aux gouvernements.
    Il y a quelques mois, l'Association minière du Canada a exigé, dans le cadre de ses critères d'adhésion, que toutes ses entreprises membres vérifient, de manière indépendante, que leurs exploitations minières n'ont pas recours au travail des enfants. Certaines de ces entreprises se conforment déjà volontairement aux exigences de la chaîne d'approvisionnement du Royaume-Uni et de la Californie. Cela démontre la nécessité — et je me fais l'écho des commentaires de mes collègues sur la nécessité d'une loi canadienne à cet égard. L'Europe, la Californie et l'Australie sont loin devant le Canada dans ce domaine, et le secteur privé remplit déjà cette lacune.
    En conclusion, je dirais que conformément au commentaire général no 16 formulé par le Comité des droits de l'enfant, le gouvernement du Canada devrait exiger que les entreprises publient des renseignements sur la façon dont elles ont réglé le problème de l'esclavage et du travail forcé. De plus, conformément aux principes directeurs de l'ONU, le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que cette exigence comprenne un engagement politique, un processus de diligence raisonnable et l'accès à un recours qui est approuvé au niveau le plus élevé, qui peut s'appliquer dans les chaînes d'approvisionnement des différentes entreprises et qui est accessible au public. Enfin, conformément aux Principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l'enfant, un principe approuvé par le Canada, le gouvernement devrait appuyer les entreprises à cet égard grâce à une approche plus vaste qui mène à l'adoption d'une approche holistique axée sur les droits des enfants dans tous ses programmes et ses activités à l'étranger.
    Merci beaucoup.
(1320)
    Merci beaucoup, monsieur Chorley.
    Nous entamons maintenant nos séries de questions. Nous entendrons d'abord M. Anderson.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Messenger, il s'agit d'un enjeu très complexe, et j'essaie de mieux comprendre. Vous combinez les termes « travail des enfants » ou « travail forcé ». Faites-vous une distinction entre les deux lorsque vous fournissez des chiffres? Il s'agit de notre deuxième réunion sur le sujet, et ces deux notions semblent parfois se chevaucher.
    Votre mémoire contient de très bons renseignements. Je parle de vos définitions liées au travail des enfants, etc. Lorsque vous parlez du travail des enfants ou du travail forcé et que vous utilisez des chiffres, divisez-vous ces chiffres par catégorie ou englobent-ils ces deux notions?
    J'aimerais donner la parole à mon collègue, Simon, car il connaît le sujet en détail. Nous abordons ces deux notions ensemble, souvent parce que certains des engagements et des descriptions mondiaux auxquels le Canada participe regroupent les notions de travail des enfants et de travail forcé. Ce sont des notions distinctes.
    L'autre jour, nous avons obtenu certaines données de l'OIT, et la façon qu'elles sont regroupées est intéressante.
    Allez-y.
    Je vais commencer au plus haut niveau. L'OIT estime que 218 millions d'enfants ont un emploi quelconque. De ce nombre, un sous-groupe de 152 millions d'enfants sont visés par le travail des enfants. Dans ce sous-groupe, un autre sous-groupe de 73 millions d'enfants font un travail dangereux. Ensuite, un autre sous-groupe de 4,3 millions d'enfants sont forcés de travailler.
    Pour répondre à votre question, nous considérons que le travail des enfants et le travail forcé sont des notions distinctes. Nous pensons souvent que ces deux notions font partie du continuum de l'exploitation par le travail, mais nous sommes certainement d'avis qu'il faut s'efforcer d'éliminer le travail des enfants en général, car il a des répercussions néfastes sur les enfants.
    Lorsque vous utilisez les mots « travail forcé », vous parlez du travail forcé des enfants, et non du travail forcé en général.
    Dans d'autres pays, des mesures législatives visent le travail forcé des adultes et celui des enfants. Nous parlons des deux types, car au Royaume-Uni, par exemple, on vise le travail forcé, qui touche quelque 20 millions de personnes, dont 4,3 millions d'enfants.
    D'accord. Cela m'éloigne un peu du sujet de mes questions, mais vous dites qu'au Royaume-Uni, des mesures législatives visent le travail des enfants, et que cela inclut le travail forcé des adultes. Cela signifie qu'on se concentre davantage, là-bas, sur le travail forcé — si c'est le nom que vous souhaitez lui donner — plutôt que seulement sur les enfants.
    C'est une bonne question. L'esclavage moderne est une notion un peu vague qui n'a pas de définition internationale. La Loi contre l'esclavage moderne du Royaume-Uni vise le travail forcé des adultes et des enfants — les 20 millions de personnes touchées que j'ai mentionnées — ainsi que la traite de personnes, mais la traite de personnes est un processus qui entraîne le travail forcé.
    À notre avis, le travail des enfants devrait être explicitement visé dans toute mesure législative canadienne. Comme Michael l'a mentionné, c'est parce que les enfants, étant donné leur âge, sont soumis à un équilibre des pouvoirs disproportionné. Cela signifie qu'ils sont vulnérables à l'exploitation de manière disproportionnée. Les Pays-Bas ont certainement adopté des mesures législatives qui visent précisément les enfants et le travail des enfants.
(1325)
    D'accord. Merci.
    J'aimerais aborder un point mentionné par les représentants de l'OIT l'autre jour. Ils ont parlé d'une diminution spectaculaire du travail des enfants depuis le début de la surveillance exercée par leur organisme, en l'an 2000. Pourriez-vous nous parler des facteurs qui ont contribué à cette diminution? Cela va à l'encontre d'une chose que vous avez dit, c'est-à-dire que depuis 2012, on a observé, au Canada, une augmentation de l'ordre de 31 % des importations effectuées par l'entremise du travail des enfants. Lorsqu'ils parlent d'une diminution spectaculaire au fil des années, mais que vous parlez d'une augmentation assez importante ici au cours des quatre dernières années, que comparons-nous ou quelle information est exacte?
    L'augmentation concerne la valeur des biens à risque. Comme Michael l'a dit, dans nos recherches, nous avons tenté d'évaluer la mesure dans laquelle il existe un risque qu'un bien soit lié au travail des enfants. Il s'ensuit que puisque nous importons une plus grande valeur de biens à risque, le niveau de risque a augmenté à cet égard.
    En ce qui concerne votre question sur la diminution du travail des enfants et de certains des facteurs connexes, il est probable que les deux facteurs les plus importants dans le cadre de cette diminution soient l'augmentation des systèmes de protection sociale et un meilleur accès à l'éducation universelle. Toutefois, nous observons qu'une partie de cette tendance s'est stabilisée et que les progrès ralentissent, comme les témoins qui ont comparu lors de la dernière réunion l'ont mentionné. C'est la raison pour laquelle nous sommes d'avis qu'il est nécessaire d'adopter certaines de ces mesures ciblées.
    Puis-je vous poser une question qui concerne précisément cet enjeu? Les représentants de l'OIT nous ont dit que 69 % de ces enfants étaient essentiellement des travailleurs qui contribuaient au revenu de leur famille. L'OIT a laissé entendre que nous avions terminé avec la partie la plus facile à traiter. J'aimerais savoir si les travailleurs qui contribuent au revenu de leur famille font partie de la catégorie la plus difficile à régler, car ils aident leurs parents. Ils aident leur famille. Est-ce un aspect plus difficile à gérer et à éliminer que certains autres?
    C'est manifestement complexe, mais en même temps, c'est aussi certainement lié aux chaînes d'approvisionnement mondiales. En effet, le travail des enfants se manifeste le plus souvent à ce niveau d'entrée. On pense à l'agriculture, à l'industrie du cacao, au café et à la cueillette du coton qui sert à l'industrie du vêtement, mais je crois que nous avons observé de très bons exemples de la façon dont les entreprises peuvent s'attaquer à cet enjeu. Par exemple, dans le cas du cacao en Afrique de l'Ouest, Mondelez International et d'autres entreprises ont exécuté de très bons programmes dans lesquels on travaille avec les agriculteurs locaux et leur famille pour réduire le travail des enfants en créant des coopératives et du microfinancement. Ce sont certaines des façons par lesquelles, même au sommet de la chaîne d'approvisionnement, on peut tenter de résoudre certains des éléments qui se trouvent en bas de la chaîne d'approvisionnement.
    Le président: Il vous reste 30 secondes.
    Monsieur Chorley, vous avez dit que des intervenants du secteur privé avaient agi avant l'adoption d'une mesure législative à cet égard. Est-il nécessaire d'adopter une loi? Le gouvernement doit-il intervenir et exercer une surveillance bureaucratique des entreprises privées si nous pouvons les convaincre d'agir par elles-mêmes? Est-ce adéquat, ou à votre avis, le gouvernement doit-il intervenir?
    Non, je ne crois pas que ce soit adéquat, car les entreprises qui prennent l'initiative sont habituellement des pionnières dans leur domaine. Elles sont ce qu'on appelle la pointe de l'iceberg. Par exemple, dans un secteur comme celui de l'extraction, dans lequel des milliers d'entreprises ont leur siège social à l'extérieur du Canada — le Canada est le pays d'origine du plus grand nombre d'entreprises du secteur de l'extraction à l'échelle mondiale —, des milliers d'entreprises n'ont toujours pas adopté une telle approche. Même si nous avons des entreprises pionnières dans ce domaine, nous n'avons pas atteint un moment décisif, et c'est à cela que servent les mesures législatives. Par exemple, je crois qu'en France, si 50 % des entreprises n'ont pas adopté cette approche, le gouvernement adoptera les lois nécessaires. Je ne crois pas que nous puissions attendre cela. Je crois qu'il est temps de créer des règles du jeu équitables, afin que les entreprises canadiennes puissent s'engager au même niveau que nos homologues australiens, européens et californiens, mais aussi, bien sûr, dans le meilleur intérêt des enfants au bout du compte.
    Merci beaucoup, monsieur Chorley. Le temps, comme la vie, est toujours l'ennemi des membres des comités.
    Monsieur Fragiskatos.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais également remercier les témoins d'avoir comparu aujourd'hui.
    Monsieur Lewchuk, vous avez mentionné qu'il n'existe aucune définition juridique, internationale et normalisée de l'esclavage moderne. Pourriez-vous nous fournir une définition conforme à la façon dont Vision mondiale comprend le problème?
(1330)
    Nous assimilons souvent l'esclavage moderne au travail forcé — encore une fois, le travail forcé des adultes et des enfants —, car je crois qu'il entraîne les violations les plus extrêmes et les plus odieuses des droits du travail. Mais comme je l'ai dit, je ne crois pas que le fait de soustraire les 4,3 millions d'enfants victimes du travail forcé minimise la réalité des 148 autres millions d'enfants. Les estimations récentes de l'OIT sur l'esclavage moderne comprennent également le travail forcé et le mariage forcé — une décision prise par l'OIT. Dans le cadre de notre comparution devant votre comité, nous ne parlons pas explicitement du mariage forcé, mais je dirais qu'il n'y a toujours pas de définition normalisée de l'esclavage moderne sur laquelle tout le monde s'entend. Cela pose certains défis pour les entreprises, et même au Royaume-Uni, dans le cadre de la Loi sur l'esclavage moderne. Maintenant, les entreprises demandent activement au Home Office du Royaume-Uni si elles doivent signaler tous les types de travail des enfants et quels types doivent être signalés. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il est essentiel de fournir des directives précises.
    Un nouveau thème qui apparaîtra, et qui prend déjà forme, est que la chaîne d'approvisionnement est le noeud de la question. Il faut la surveiller, y pénétrer et comprendre ce qui se passe à chaque maillon avant qu'un produit ne soit vendu sur nos tablettes canadiennes.
    Pouvez-vous nous parler des pratiques exemplaires, d'après vos recherches sur la meilleure façon de surveiller la situation au sein de la chaîne d'approvisionnement? Nous pouvons avoir des dispositions législatives, mais je crains qu'elles soient inefficaces à moins qu'il n'y ait des mécanismes solides en place pour vérifier ce qui se passe dans la chaîne.
    Ma question s'adresse à l'un ou l'autre des témoins, quoi que M. Messenger voudra peut-être y répondre.
    Je peux commencer.
    Je crois que c'est important. Ce que nous observons, c'est que nous avons constaté une réussite lorsque les actions sont assez légères. Même si les différentes instances abordent l'enjeu différemment, l'exemple du Royaume-Uni est probablement le plus mature à ce stade-ci. L'accent est mis sur le signalement. Plutôt que d'aller de l'avant, nous devrions bel et bien en discuter sur le plan de la politique et nous demander comment régler les problèmes relatifs à la chaîne d'approvisionnement dans des circonstances particulières, et jusqu'au bas de l'échelle. Comme mon confrère de l'UNICEF l'a dit, nous ne pouvons pas non plus ignorer les facteurs sociaux et les autres éléments à l'échelle communautaire.
    Ce que nous proposons ici, c'est que le signalement soit un moyen de parvenir à une fin, et non pas une fin en soi. Il jette les bases nécessaires à un véritable dialogue en obligeant les entreprises à affirmer qu'elles se penchent sur la question.
    Nous avons vu au Royaume-Uni que les dispositions législatives sont loin d'être inefficaces. À vrai dire, les entreprises attirent davantage l'attention sur le problème. Elles admettent la situation, qui fait désormais partie de la discussion. Voilà qui favorise le changement et les échanges avec des organisations comme la nôtre, et qui incite les entreprises à demander comment nous pouvons régler ces enjeux politiques essentiels qui sont peut-être encore plus importants, alors que nous examinons la situation et que nous collaborons afin de surveiller la chaîne du début à la fin.
    Puis-je vous poser une question à propos des seuils?
    Au Royaume-Uni, comme vous le savez, le chiffre d'affaires annuel des entreprises visées par la loi équivaut à 60 millions de dollars canadiens. Croyez-vous qu'un tel seuil serait convenable? Êtes-vous en faveur des seuils?
    Un des aspects fondamentaux, c'est que nous voulons que la mesure fonctionne. Le seuil ne doit pas devenir une autre entrave aux échanges commerciaux, dont les formalités administratives et la bureaucratie ralentiraient les choses. Parmi les avantages de cibler uniquement les grandes entreprises, on compte d'abord leurs répercussions plus vastes en raison de leur portée internationale. En deuxième lieu, les grandes entreprises sont généralement celles qui ont les capacités et les ressources nécessaires pour répondre aux exigences et entraîner des changements efficaces.
    Si nous constatons que certaines grandes entreprises sont prêtes à prendre l'initiative, cela pourrait aussi devenir un exemple de pratique exemplaire pour d'autres sociétés. Certaines grandes entreprises sont déterminées à agir, qu'il s'agisse d'Amazon, d'IKEA, de Marks and Spencer ou de Tesco, au Royaume-Uni.
    Nous estimons qu'il doit y avoir un plafond. Le seuil devra être déterminé à l'issue d'une conversation, où nous nous pencherons sur les différents seuils fixés par les nouvelles lois d'autres nations. Nous réunirons plusieurs intervenants pour décider à quel niveau cela devient un fardeau indu, et où nous pouvons fixer le seuil.
    Je vois difficilement comment des entreprises n'ayant pas un chiffre d'affaires annuel de 60 millions de dollars peuvent avoir les capacités de surveillance nécessaires pour exécuter d'éventuelles mesures législatives.
(1335)
    J'aimerais poser une question à propos du commerce équitable. Comme vous le savez mieux que la plupart des gens, le commerce équitable est devenu une sorte de mouvement parmi les consommateurs et les sociétés démocratiques. Le Canada n'y fait pas exception. Il y a toutefois un problème: de nombreux produits portant cette étiquette ne sont pas véritablement issus du commerce équitable, et peuvent même être produits très inéquitablement. La situation a été mise au jour grâce au journalisme d'enquête et à d'autres dénonciateurs, qui ont fait savoir que l'étiquette ne reflète pas la réalité. Je ne dis pas que c'est ainsi dans tous les cas, mais il s'agit certainement d'un problème considérable.
    Que pouvons-nous apprendre de cette expérience? Comment pouvons-nous appliquer les leçons apprises au problème de l'esclavage moderne et du travail des enfants?
    Veuillez répondre le plus brièvement possible.
    En bref, aucun système de certification n'est parfait. Je pense que même l'organisation du commerce équitable reconnaît que l'achat de ses produits n'atteste pas totalement que les fournisseurs n'ont fait travailler aucun enfant. Le sceau signifie que l'entreprise prend des mesures proactives afin de réduire ce risque. L'avantage des mesures législatives en matière de rapports sur la chaîne d'approvisionnement, c'est qu'elles n'imposent aucune solution universelle aux entreprises en leur disant qu'elles doivent attester que leur chaîne d'approvisionnement n'a absolument pas recours au travail des enfants.
    Nous savons que c'est un enjeu complexe. Les dispositions demandent simplement à l'entreprise ce qu'elle compte faire cette année et l'année prochaine pour régler le problème, et elles les invitent à tenir un dialogue constructif.
    Voilà qui semble être une vision pragmatique. Viser la perfection ne nous mènera pas très loin.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, messieurs Fragiskatos et Lewchuk.
    C'est maintenant au tour de Mme Hardcastle.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie de vos commentaires perspicaces.
    Nous savons que c'est un problème de longue date, mais ce qui est nouveau, c'est que les consommateurs s'en rendent compte et exigent une sorte de cadre législatif aussi. Différents pays réagissent de différentes manières. Une des étapes les plus marquantes à ce chapitre a été l'établissement des objectifs de développement durable, qui demandent plus particulièrement de mettre fin au travail des enfants d'ici 2025.
    Pour faire suite au commentaire de mon collègue au sujet du commerce équitable, nous comprenons désormais qu'il y a beaucoup de fraudes à ce chapitre. Les consommateurs et les entreprises pensent avoir affaire à une chaîne d'approvisionnement équitable, alors qu'en réalité, il y a de la fraude, en particulier du côté des fruits de mer, comme je l'ai appris dans mes recherches.
    J'aimerais que chaque témoin réponde. Je vais dire quelques mots, après quoi vous pourrez utiliser le temps qu'il me reste. C'est habituellement ainsi que je procède, dans le but d'employer le temps judicieusement.
    Est-ce que la liste de vérification des droits et de la sécurité des enfants est une chose que…? Comment pouvons-nous adopter des lois de notre côté pour aider à renforcer la capacité des pays qui ont recours au travail des enfants? S'agit-il d'un outil convenable? De quelles autres façons pourrions-nous légiférer et utiliser cela? Peut-être devrions-nous employer d'autres méthodes. Je vais m'arrêter ici.
    Merci.
    Pour répondre à la remarque initiale, en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, que le Canada a évidemment ratifiée, puis de l'observation générale no 16 de la Convention, il y a diverses mesures que les gouvernements peuvent prendre et devraient prendre afin de faire valoir les droits des enfants et de lutter plus particulièrement contre le travail des enfants. L'approche législative en fait partie, mais il existe d'autres méthodes plus souples, je suppose, qui passent par la politique et le renforcement des capacités.
    Pour répondre à une observation antérieure, je dirais que nous devons... Le rapport contribue à la conformité, mais il nous aide aussi à aller plus loin et à façonner une culture des affaires qui prône le nivellement vers le haut plutôt que vers le bas, lorsqu'il est question de rendement en matière de durabilité. En ce qui concerne la liste de vérification des droits et de la sécurité des enfants, les gouvernements croulent déjà sous les dispositions à mettre en oeuvre, comme les conventions 182 et 138 de l'Organisation internationale du Travail, ou OIT.
    La liste de vérification est un outil que les entreprises et les gouvernements se sont engagés à expérimenter dans le monde entier. Elle fait partie des outils qui seront utiles aux différentes entreprises en fonction de leur situation. À ce stade-ci, la législation n'est peut-être pas la solution la plus opportune, mais les entreprises veulent des solutions pratiques. Elles veulent savoir ce que d'autres entreprises ont fait, pour ensuite adapter la solution et la reproduire dans leur contexte. Nous avons déjà des pionniers sur le terrain, et nous devons maintenant encourager le reste du milieu à s'adapter et à reproduire les solutions.
    J'ignore si mes confrères veulent ajouter quelque chose.
(1340)
    Je traiterai uniquement de cette notion de pionniers sur le terrain, car je trouve cela fort intéressant.
    Quels facteurs ont mené l'industrie extractive à désigner des pionniers sur le terrain, par exemple? C'était notamment attribuable à l'attention de la population et aux contestations des consommateurs et des parties intéressées sur des problèmes du côté des pratiques minières. Vision mondiale a participé à certaines de ces discussions en cours de route. C'est au moment où un enjeu se profile et gagne en importance que nous commençons à pouvoir dialoguer et aborder la question.
    Voici ce que nous cherchons vraiment ici: plutôt que d'aller dans cette direction, nous pourrions nous tourner vers l'ensemble des secteurs afin de voir comment appuyer ce dialogue continu. À vrai dire, la situation ressemble au mouvement du commerce équitable, qui est désormais distinct. Le fait qu'une certaine controverse entoure peut-être des entreprises qui prétendent faire du commerce équitable alors que ce n'est pas le cas est uniquement un point de départ, car nous savons que l'enjeu préoccupe les Canadiens. Si des entreprises prétendent être équitables alors que c'est faux, cela fait désormais partie de la volonté des consommateurs. Il s'agit également d'une bonne pratique commerciale lorsque les entreprises peuvent faire état des pratiques qui, selon elles, vont dans le sens des préoccupations et des motifs politiques qui justifient le commerce équitable.
    Pour faire suite à cette remarque, je dirais que la certification est indispensable à une vérification indépendante. Dans le mouvement du commerce équitable, nous constatons que la capacité à répondre à la demande est souvent limitée.
    Dans différents marchés des produits de base, comme le cacao, les minéraux ou d'autres secteurs, on constate la présence d'une multitude de fournisseurs à la base de la chaîne, qu'il s'agisse de mineurs artisans ou de cacaoculteurs, après quoi les produits sont acheminés à un nombre relativement faible de commerçants. Nous devons aller au-delà de la première étape de diligence raisonnable ayant trait à la chaîne d’approvisionnement, où les détaillants et les sociétés en lien direct avec les consommateurs assurent une diligence raisonnable uniquement à l'endroit des fournisseurs initiaux. Or, il faut regarder plus loin, c'est-à-dire du côté des commerçants, des fonderies ou des autres maillons de l'industrie. L'industrie commence à prendre cette voie.
    Cette approche nous aidera à atteindre ce tournant, à mesure que l'industrie l'adoptera, et si elle est combinée à des dispositions législatives.
    J'allais ajouter brièvement que les possibilités qui s'offrent aux entreprises, les mesures qu'elles peuvent prendre et les outils dont elles disposent pour lutter contre le travail des enfants sont innombrables, en réalité. Tout dépend du contexte.
    En revanche, le grand défi fondamental qui se pose pour l'instant est un manque d'ouverture et de dialogue sur la question. C'est pour cette raison que je trouve la transparence législative si indispensable.
    À titre d'exemple, la Associated Press a publié en 2015 un grand article sur le travail des enfants et le travail forcé dans l'industrie thaïlandaise de la crevette, et sur la liaison avec des chaînes de supermarchés et de restaurants en Europe et en Amérique du Nord. Vision mondiale a vu l'article. Avec l'aide de nos partisans, nous avons communiqué avec quatre des plus grandes chaînes d'épiceries du Canada. Nous leur avons simplement dit: « Nous avons vu cela dans les nouvelles. Nous sommes conscients que ces produits sont sur vos tablettes. Quelles mesures prenez-vous pour atténuer les risques? »
    Il était très difficile de même avoir une conversation. En attendant que la situation nous permette d'avoir un échange constructif avec les entreprises... Des mesures législatives sur la transparence pourraient contribuer à éclairer et à ouvrir le dialogue, ce qui est essentiel pour passer outre à ces attitudes défensives ou éviter que les entreprises perçoivent les organisations non gouvernementales, ou ONG, comme une menace. Nous devons établir un dialogue réel afin d'examiner ces enjeux et leurs aspects complexes, puis de trouver les meilleurs outils permettant d'y remédier.
    Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions.
    C'est maintenant au tour de Mme Khalid.
    Avant de poser mes questions, monsieur le président, j'aimerais obtenir le consentement unanime du Comité pour réserver cinq minutes de notre prochaine réunion aux travaux du Comité, dans le but de discuter des études à venir.
    Pouvons-nous le faire mardi de la semaine prochaine?
    La semaine prochaine nous convient parfaitement.
     Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie de votre témoignage très convaincant d'aujourd'hui. Nous venons de terminer une étude sur la traite de personnes à des fins sexuelles en Asie du Sud, et nous comprenons les facteurs en jeu lorsqu'il est question de la traite et du travail des enfants, qui sont fortement interreliés.
    Nous examinons la possibilité d'éradiquer le travail des enfants, mais il y a une vraie question que je trouve de plus en plus pertinente, tandis que nous essayons d'éliminer la principale source de revenu de nombreuses familles qui dépendent fortement du revenu que ces enfants rapportent à la maison: comment pouvons-nous essayer d'éliminer le travail des enfants tout en assurant la survie de ces ménages? Tandis que nous cherchons à éradiquer le problème, quelles mesures votre organisation a-t-elle prises, et que peut faire le gouvernement canadien à ce chapitre?
(1345)
    Permettez-moi de vous parler de notre programme. Au Bangladesh et au Vietnam, par exemple, l'accent est mis sur les femmes, qui sont les principales pourvoyeuses de soins aux enfants. On s'assure que, même si elles gagnent le salaire minimum, l'écart entre ce montant et le coût de la vie soit réduit au moyen de meilleures conditions de travail et de meilleurs soins. Lorsqu'on augmente les moyens de subsistance du pourvoyeur, celui-ci est moins porté à faire travailler les enfants. Pour y arriver, il faut notamment travailler auprès du gouvernement, mais avec l'industrie aussi; il faut aussi voir comment aider les enfants et les jeunes à combler les lacunes de la main-d'oeuvre qui en résultera.
    Il faut adopter une approche holistique et communautaire afin d'offrir ce genre de mesures aux familles et aux pourvoyeurs. C'est ce que nous commençons à expérimenter dans ces deux pays.
    Il faut également tenir compte du genre, car les femmes ont un double devoir. Elles doivent parfois travailler 12 à 18 heures par jour, après quoi elles ont aussi des tâches domestiques, alors que les hommes de nombreuses sociétés n'ont pas ce double fardeau. Il est donc essentiel de cibler les femmes en tant que pourvoyeuses, et de veiller à ce que leur qualité de vie ne les oblige pas à assumer ces doubles fonctions, pour éviter que des enfants ne soient envoyés au travail.
    Je peux peut-être ajouter quelque chose.
    Un bon exemple est celui de Tania, la fille dont j'ai parlé. À vrai dire, une loi sur les chaînes d'approvisionnement n'aiderait actuellement pas Tania à répondre aux besoins économiques de sa famille. Vision mondiale, avec l'aide d'autres acteurs gouvernementaux et de Canadiens, doit jouer un rôle parallèle et s'attaquer à ce qui constitue selon moi les facteurs d'incitation, en offrant d'autres débouchés économiques et en essayant de rendre le travail moins dangereux grâce à l'amélioration de la situation économique de l'ensemble de la communauté dans le but d'éliminer ces facteurs, qui incitent les enfants à se trouver du travail par nécessité.
    Il ne faut également pas oublier qu'en plus d'examiner ces choses et les normes sociales complexes de façon générale, il y a également un facteur d'attraction en cause qui aura une incidence dans cette situation particulière. En nous occupant des chaînes d'approvisionnement et en encourageant les entreprises à comprendre comment nous pouvons améliorer la vie des gens tout au bas de l'échelle... L'un des facteurs que nous observons, c'est que lorsqu'on cherche une main-d'oeuvre bon marché, la plus abordable qui soit, il est souvent question d'enfants, de ceux qui peuvent être exploités, pas de travailleurs adultes. En incitant les entreprises dans la chaîne d'approvisionnement à examiner les facteurs d'attraction et à s'en préoccuper afin qu'il y ait une attente à cet égard, nous pourrions améliorer les perspectives d'emploi d'un adulte en empêchant les entreprises de trouver la solution de rechange la moins coûteuse. Les enfants pourraient ainsi avoir ce qui leur convient selon nous, comme une éducation et une vie sécuritaire.
    Dans quelle mesure la collecte de données est-elle importante et comment procédez-vous?
    Je crois qu'une des difficultés liées à la Modern Slavery Act du Royaume-Uni est l'absence de répertoire central des rapports déposés par les entreprises. Je ne sais pas si c'est exactement le genre de données dont vous avez parlé, mais je pense qu'une des façons de renforcer la loi est de veiller à ce que les citoyens, les ONG, la société civile et les syndicats sachent qui est visé par la loi et à quel endroit obtenir cette information pour éviter de chercher partout ailleurs.
    Si votre question fait allusion aux difficultés des entreprises en matière de données et d'attribution de contrats dans les chaînes d'approvisionnement, il ne fait aucun doute que les chaînes d'approvisionnement sont extrêmement complexes. Je pense toutefois qu'il existe d'excellents outils, mais il faut venir à bout de nombreux renseignements. Nous disons toujours aux entreprises d'évaluer leurs risques, de déterminer à quels égards elles sont plus vulnérables et de commencer quelque part. Elles peuvent commencer la première année avec un ou deux fournisseurs, et il peut ensuite y avoir un effet domino.
    Merci, monsieur Lewchuk.
    En passant, messieurs, je crois que vous avez présenté des mémoires, mais après avoir réfléchi et répondu à toutes les questions, s'il y a un point que vous n'avez pas eu l'occasion d'aborder, n'hésitez pas à en présenter un autre. Nous serons heureux de le joindre à notre rapport.
    Vous avez la parole, monsieur Anderson.
(1350)
    Merci encore, monsieur le président.
    Je devrais peut-être le savoir, mais ce n'est pas le cas. La loi du Royaume-Uni fait-elle actuellement l'objet d'un examen? À quelle étape se trouve-t-elle? Elle a été adoptée, n'est-ce pas? Est-on en train de l'examiner?
    Elle est en vigueur depuis environ l'automne 2015. Nous pouvons compter sur à peu près un an et demi de rapports déposés en vertu de la loi du Royaume-Uni.
    A-t-on prévu un examen ou une évaluation de la loi à un moment donné? Le savez-vous?
    Pas à ma connaissance, mais j'ai cru comprendre que la loi australienne fera l'objet d'un processus d'examen triennal lorsqu'elle sera finalement adoptée.
    Monsieur Lewchuk, nous avons parlé plus tôt du travail forcé, des dispositions du projet de loi sur le travail des enfants. Pouvez-vous nous donner une description plus normative de ce qui devrait être abordé selon vous?
    J'ai peur que nous nous retrouvions avec des dispositions qui sont générales au point d'être inefficaces. M. Fragiskatos a parlé de conformité et de surveillance. Devrions-nous commencer plutôt modestement en essayant de mettre l'accent sur l'un ou l'autre de ces aspects, ou est-ce bon d'avoir un projet de loi ambitieux sur l'esclavage moderne et de tenter de mettre en place les mesures de conformité nécessaires pour s'attaquer à un problème de cette ampleur? Que nous recommanderiez-vous pour commencer?
    Je vais juste très brièvement souligner que la Modern Slavery Act est dans son ensemble une mesure législative d'envergure. Mes observations porteront donc assez précisément sur les dispositions relatives aux chaînes d'approvisionnement, qui se trouvent à l'article 54 de la loi.
    Nous pensons que pour établir une certaine équivalence avec les autres pays, il serait sans aucun doute important dans une loi canadienne de considérer le travail forcé comme faisant partie de l'esclavage moderne, mais nous recommanderions une fois de plus d'ajouter aussi explicitement le travail des enfants. Dans la pratique, même en vertu de la Modern Slavery Act du Royaume-Uni et d'une partie des directives créées par le Home Office, les entreprises sont encouragées à tenir compte de la question du travail des enfants; ce n'est tout simplement pas explicite dans la loi. Nous croyons qu'il serait vraiment essentiel d'en faire mention. Notre mémoire présente d'autres recommandations qui portent sur des aspects de la loi du Royaume-Uni qui pourraient être renforcés.
    En ce qui a trait à la conformité, l'un de nos témoins précédents a mentionné que les sociétés présentes dans les pays du Sud font l'objet d'une surveillance moins poussée que les sociétés qui se trouvent dans des pays comme le Canada. Est-ce exact? Est-il plus difficile de les soumettre à une évaluation? Doivent-elles respecter les mêmes normes, ou cette affirmation est-elle inexacte?
    Elles sont toutes interreliées. Si nous parlons d'une surveillance publique, quand je regarde le Royaume-Uni, je vois que les entreprises britanniques sont surveillées davantage que les entreprises canadiennes. Quant à savoir où elles en sont maintenant — et je pense que cela change —, je ne peux vraiment pas trop parler de la situation des entreprises dans les pays du Sud et dire à quoi ressemblent les mouvements citoyens et le milieu des ONG.
    Je dirais que les chaînes d'approvisionnement mondiales sont de plus en plus complexes et interreliées. Une entreprise canadienne n'est donc plus uniquement qu'une entreprise canadienne; elle a des liens avec des fournisseurs dans des pays du Sud ou en Asie de l'Est. En nous concentrant sur les aspects sur lesquels nous pouvons mettre l'accent au Canada, sur les entreprises au premier maillon de la chaîne d'approvisionnement, je pense que nous pouvons avoir un effet domino et apporter des changements aux maillons inférieurs.
    Monsieur Chorley, vous semblez intéressé. Avez-vous quelque chose à dire?
    Je vais seulement dire qu'une des questions essentielles ici se rattache évidemment au renforcement de la capacité de la société civile dans les pays à faible ou à moyen revenu, plus particulièrement en ce qui a trait aux normes sociales, aux changements de comportement et aux communications, ainsi qu'à l'aide d'une approche plus globale pour lutter contre le travail des enfants. Lorsque ce sera fait, et plus particulièrement lorsque les entreprises et le gouvernement doivent mettre l'accent sur la mobilisation de groupes difficiles à joindre et vulnérables comme les femmes et les enfants, nous verrons alors une diligence raisonnable accrue. À cet égard, la loi permettrait d'éviter certaines des situations que nous voyons actuellement, par exemple en matière de compétence extraterritoriale lorsque des groupes communautaires doivent venir jusqu'au Canada pour défendre leur cause concernant de mauvais traitements infligés à l'étranger par des entreprises dont le siège est au Canada.
    Mon temps de parole s'écoule plutôt rapidement.
    Pouvez-vous nous dire de quelle façon les conflits armés contribuent au travail des enfants? De plus, quel rôle jouent-ils en matière de conformité et en ce qui concerne la capacité de vérifier la conformité des entreprises à tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement?
    De toute évidence, les conflits armés mettent les enfants dans des situations particulièrement précaires où ils n'ont pas accès à une éducation ni à des soins de santé, où ils ont moins — tout comme les membres de leur famille — de débouchés économiques et où ils sont contraints d'exercer des formes particulièrement dangereuses de travail, que ce soit en se faisant recruter par des groupes armés ou en offrant des services de soutien à ces groupes, en tant que porteurs, ou en se faisant exploiter sexuellement. Il leur est donc très difficile de travailler dans les chaînes d'approvisionnement, et on ne voit que très peu d'entreprises présentes dans des situations aussi instables. Il y a, par exemple, des sociétés extractives.
    C'est ce qui explique la présence d'une mesure comme les principes volontaires sur la sécurité et les droits de la personne, qui vise la sensibilisation des fournisseurs publics et privés de sécurité aux droits de la personne, c'est-à-dire les gouvernements et les forces armées ainsi que les fournisseurs de services de sécurité du secteur privé. Nous constatons que les entreprises prennent les devants en offrant aux gouvernements une formation sur les droits de la personne, notamment des enfants. Elles tracent la voie. Je crois que c'est prometteur.
(1355)
    Merci beaucoup, monsieur Chorley.
    Nous allons maintenant entendre M. Tabbara.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question sera pour les témoins. Je vais parler des passeurs. D'ici à ce que j'aie fini de poser la question, vous constaterez que je m'en tiens au sujet à l'étude.
    J'ai regardé une vidéo et lu un article en ligne sur les passeurs de clandestins mexicains à la frontière américaine. Ces enfants gagnent environ de 200 à 300 $ pour le passage d'un clandestin de l'Amérique centrale et 500 $ pour le passage d'un clandestin d'Amérique latine. En une seule nuit, ils gagnent plus que ce que leur famille gagne dans certaines industries.
    Je vais indiquer en quoi c'est pertinent dans le cadre de notre étude. Pensez-vous que les modifications des lois sur l'éducation d'un pays pourront réduire le travail des enfants? L'exemple que je viens tout juste de donner montre que de nombreuses familles ne sont pas capables de financer l'éducation de leurs enfants. Si les lois nationales étaient modifiées, pensez-vous que cela contribuerait à réduire le nombre d'enfants qui travaillent dans les principales régions sur lesquelles nous nous sommes concentrés, à savoir l'Asie du Sud-Est, le Bangladesh et la région du Pacifique?
    Tout à fait. Je pense qu'un meilleur accès à une éducation de qualité, à l'instar de systèmes de protection sociale, contribuerait grandement à offrir aux familles des moyens économiques viables de gagner leur vie. C'est pour cette raison que nous croyons qu'une approche holistique est nécessaire. Nous devons nous attaquer à la question sous tous ces angles. Nous devons recourir à l'aide au développement offerte par le Canada: comment pouvons-nous changer les systèmes dans le milieu concerné, aider la société civile et les gouvernements locaux à offrir ces services de base à leurs citoyens?
    Toutes ces choses sont nécessaires, mais elles ne suffisent pas. C'est la raison pour laquelle nous disons que la loi sur les chaînes d'approvisionnement est un moyen — pas une solution miracle, mais un moyen — de régler le problème, en plus de toutes les autres interventions louables et essentielles comme celles dont nous avons parlé, notamment l'éducation, qui est primordiale.
    Si je peux me permettre, je vais ajouter rapidement que l'éducation est souvent gratuite, mais pas les coûts qui y sont associés, par exemple pour le transport, les uniformes, les ressources et ainsi de suite. Nous devons examiner les programmes d'éducation au moyen d'une approche axée sur les enfants pour nous assurer de tenir compte de tous ces coûts.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez deux minutes.
    Je vais les céder à mon collègue, monsieur McKay.
    Merci. J'en suis reconnaissant.
    Comme le savent M. Lewchuk et M. Messenger, je suis pas mal persuadé que c'est une bonne mesure. Le Canada essaie par tous les moyens de décider si c'est un problème fédéral ou provincial, et de nombreux aspects de la mesure laissent entendre que c'est une question fédérale, surtout à cause de la portée internationale des entreprises canadiennes.
    J'aimerais savoir de quelle façon vous élaboreriez une mesure qui n'aurait pas maille à partir avec l'éternel problème canadien qui consiste à déterminer si c'est fédéral ou provincial.
    Je peux en parler.
    À vrai dire, dans le cadre de notre travail, nous avons engagé un cabinet d'avocats de premier plan pour obtenir une réponse à cette question, et cela m'a rappelé mes cours de droit constitutionnel à la faculté.
    Je sympathise avec vous.
    Nous croyons essentiellement qu'il est convenable sur le plan constitutionnel de recourir à une loi fédérale sur les chaînes d'approvisionnement. Lorsqu'on regarde le pouvoir fédéral en matière d'échanges et de commerce, on constate que c'est probablement la source de pouvoir fédéral la plus prometteuse. On peut faire valoir qu'une loi sur les chaînes d'approvisionnement pourrait être mise en oeuvre par l'un ou l'autre des organismes de réglementation des échanges et du commerce, que ce soit dans les dispositions générales ou au moyen de l'organisme international ou interprovincial responsable.
    L'avantage, à notre avis, de recourir au pouvoir général, c'est que cela s'appliquerait constitutionnellement à toutes les entreprises du Canada, y compris celles qui mènent des activités dans une seule province. Nous pouvons certainement fournir de plus amples renseignements à ce sujet, mais comme les lois sur les chaînes d'approvisionnement ont un effet extraterritorial — les entreprises qui mènent des activités au Canada seraient effectivement tenues de produire des rapports sur leurs activités à l'étranger et de communiquer l'information concernant la surveillance de leurs fournisseurs à l'échelle mondiale —, nous estimons que le gouvernement fédéral, contrairement aux gouvernements provinciaux, a le pouvoir constitutionnel nécessaire pour proposer ce genre de loi.
(1400)
    Merci, monsieur Messenger.
    Avec la permission du Comité, Mme Hardcastle a une dernière question à poser.
    Merci beaucoup.
    Qu'en est-il des accords de libre-échange? En matière d'environnement, nous avons maintenant des dossiers liés aux objectifs de développement durable, au domaine du travail. Il y a des accords parallèles. Qu'aimeriez-vous voir dans les accords commerciaux? Cela nous rend un peu mal à l'aise sur le plan politique lorsque nous parlons de la façon dont certains pays en exploitent d'autres, mais même le pape a parlé de capitalisme prédateur. À votre avis, comment devrions-nous procéder pour assurer un commerce équitable?
    C'est une question épineuse. Avec du recul, lorsque nous regardons les domaines dans lesquels nous prenons des engagements, en commençant peut-être par les objectifs de développement durable et notre objectif d'éradication du travail des enfants et du travail forcé d'ici 2025 — nous avons d'ailleurs parlé plus tôt de l'Organisation internationale du Travail —, nous constatons qu'il y aura encore des millions d'enfants et de personne forcés au travail, même si la tendance actuelle, qui est à la baisse, se maintient.
    Qu'il s'agisse des engagements du G7 ou du G20, ou de ceux que nous avons signés à l'assemblée générale, à tous ces endroits, et vraisemblablement pour ce qui est des accords commerciaux, nous devrions au moins tenir compte de l'effet positif que nous pouvons garantir, grâce à la participation du Canada dans ces ententes afin qu'elles puissent avoir une incidence positive et soutenir l'objectif du Canada et de la communauté internationale qui consiste à éradiquer ce problème.
    Monsieur Chorley, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je ne peux pas parler précisément des accords commerciaux, mais je pense que le ministère du Commerce dans son ensemble et que les délégués commerciaux peuvent jouer un rôle beaucoup plus important en donnant aux entreprises et aux gouvernements hôtes des moyens de défendre les droits des enfants, notamment pour lutter contre le travail des enfants. Nous avons déjà collaboré pour renseigner les délégués commerciaux sur les droits des enfants et les obligations des entreprises à l'étranger, et je pense qu'il est possible d'en faire beaucoup plus, ce qui pourrait ensuite influencer les relations commerciales entre les entreprises canadiennes et les communautés hôtes à l'étranger.
    Messieurs, merci beaucoup de vos témoignages et de vos réponses.
    Juste avant de terminer, M. Messenger a parlé d'un avis juridique obtenu par son organisation. J'ignore si l'avis peut être rendu public, mais chaque fois que ce genre de questions remontent à la surface jusqu'au gouvernement, il y a toujours une centaine d'avocats pour dire pourquoi il est impossible d'intervenir. Je suis curieux de savoir pourquoi c'est possible dans ce cas-ci.
    Monsieur Messenger, il serait formidable que vous puissiez nous présenter la documentation sur l'avis juridique concernant la compétence fédérale par rapport à la compétence provinciale.
    Merci beaucoup. Je suis bien au fait du travail que Vision mondiale accomplit depuis 35 ans.
    M. Chorley, M. Fragiskatos et moi avons vu l'excellent travail de l'UNICEF dans le camp de Zaatari lors de notre séjour en Jordanie. Je tiens à vous remercier sincèrement de tous vos bons efforts. Grâce à votre organisation, de nombreux enfants ont de l'espoir pour l'avenir. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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