Passer au contenu

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 112 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Bienvenue à la séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Nous recevons aujourd'hui M. Félix Tshisekedi, chef élu de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de la République démocratique du Congo, dont il était candidat à la présidence en mars 2018.
    L'UDPS est un chef de file d'une alliance globale d'opposition fondée en juin 2016 du nom de Rassemblement congolais pour la démocratie, dont M. Tshisekedi est également le dirigeant.
    M. Tshisekedi succède à son père, Étienne Tshisekedi, qui a fondé l'UDPS et dirigé le Rassemblement jusqu'à sa mort, le 1er février 2017. M. Félix Tshisekedi a dirigé la délégation du Rassemblement au cours de la négociation de l'accord de la Saint-Sylvestre en vue de tenir des élections en 2017.
    Je n'en dirai pas plus en guise de présentation, car je pense que nous voulons profiter de chaque minute que nous passons avec notre témoin.
    Monsieur Tshisekedi, vous pouvez peut-être prendre 10 ou 12 minutes pour nous fournir des renseignements, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité, dont je sais qu'ils sont impatients de vous interroger.
    Merci beaucoup.
    Vous pouvez faire votre exposé.

[Français]

    Mesdames et messieurs, merci de votre invitation et de l'intérêt que vous manifestez envers la situation de mon pays, la République démocratique du Congo.
    Je suis ici pour vous faire part d'une situation assez alarmante qui domine dans mon pays. Cette année est une année électorale, mais cette dernière a été obtenue à la suite de beaucoup de pression de la part de la communauté internationale. Nous vous en remercions, car c'est grâce à cette pression que nous en sommes là. En fait, pour que notre pays soit conforme à la Constitution, nous aurions dû avoir ces élections en 2016, mais elles n'ont pu avoir lieu à cause d'un individu, M. Joseph Kabila, qui veut désespérément s'accrocher au pouvoir. Il ne veut absolument pas quitter le pouvoir et ainsi favoriser, pour la première fois de l'histoire du pays, une alternance démocratique. Mon pays n'a connu que des coups d'État et des prises de pouvoir par la force.
    Comme je l'ai dit, le processus électoral qui est en cours a été obtenu grâce à la pression exercée par la communauté internationale, les États-Unis en tête. Après son passage à Kinshasa, Mme Nikki Haley, qui est l'ambassadrice américaine à l'Organisation des Nations unies, ou ONU, a réussi à obtenir un calendrier électoral de la commission électorale qui organise les élections. Ce calendrier est la feuille de route qui devrait nous mener aux élections à la fin de cette année, soit le 23 décembre 2018, mais ce processus est malheureusement entaché de beaucoup d'irrégularités.
    La première irrégularité, c'est ce qu'on a appelé « la machine à voter ». C'est une machine électronique que le pouvoir a décidé d'introduire dans le processus électoral, en faisant fi de la loi électorale qui interdit l'utilisation de l'électronique. L'article 237 de notre loi électorale interdit l'utilisation de la machine. Cette machine électorale a été fabriquée par une firme sud-coréenne, et le gouvernement sud-coréen a officiellement condamné ladite firme et lui a interdit de fournir ces machines à la République démocratique du Congo.
    Finalement, la firme en question a contourné la loi de son pays et a envoyé la licence de fabrication de cette machine en Argentine, là où on risque de monter ces machines et de les envoyer en République démocratique du Congo. Le premier objectif est donc d'empêcher l'utilisation de la « machine à voter », que le peuple congolais a rebaptisé « la machine à tricher » lors du processus électoral.
    La deuxième irrégularité est liée au fichier électoral. En ce moment, une mission d'experts de l'Organisation internationale de la francophonie, ou OIF, se trouve à Kinshasa. Ce groupe d'experts a déniché, dans le fichier électoral, plus de 8 millions d'électeurs qui ne sont pas en règle, c'est-à-dire de faux électeurs, des personnes dont ni la photo ni les empreintes ne figurent au fichier électoral. Quand on connaît les pratiques en cours dans le régime de la République démocratique du Congo, nous pouvons très rapidement faire le lien avec ce qui s'est déjà passé auparavant, lors des élections de 2011, c'est-à-dire la fabrication d'une fausse base de données et de bureaux fictifs qui vont servir, à un moment donné, à contrebalancer les vrais résultats en vue de faire gagner le candidat Joseph Kabila.
    La troisième raison de nos inquiétudes, c'est la Cour constitutionnelle. C'est cet organe de justice suprême qui, le moment venu, va interpréter la Constitution. En ce moment, M. Kabila a des velléités de se représenter une troisième fois, contrairement à ce qu'autorise la Constitution. La Cour constitutionnelle, aujourd'hui, a été totalement manipulée et reconfigurée à la taille de ce que veut voir M. Joseph Kabila. Aujourd'hui, elle n'est composée que de ses amis, dont un ancien conseiller de M. Kabila, qui est un nouveau juge, et un avocat de M. Kabila.
(1310)
    Lorsque M. Kabila va déposer sa candidature, en juillet prochain, celle-ci sera rejetée par la Commission électorale, mais immédiatement avalisée par la Cour constitutionnelle, qui, comme je vous l'ai dit, n'est composée que de ses amis. Voici en gros la situation alarmante à laquelle doit faire face notre pays. Parallèlement à cela, nous avons aussi des problèmes de sécurité. En plein centre du pays, dans le Kasaï, nous vivons une grave crise humanitaire, que la communauté internationale a tenté de résorber. Là encore, le gouvernement congolais a refusé l'aide de la communauté internationale, et il a ainsi laissé mourir des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, surtout, dans les forêts.
    Il y a également la crise en Ituri. On a parlé de deux communautés qui s'affrontaient, mais en réalité, c'est encore là les gens au pouvoir qui exacerbe les tensions. Le but est évidemment de multiplier ces foyers de tension partout au pays afin qu'il soit impossible d'organiser les élections en temps utile.
    Enfin, il y a la résurgence de la fièvre causée par le virus Ebola, qui, comme un coup du sort, donne au pouvoir un prétexte supplémentaire pour ne pas organiser d'élections. Là aussi, nous avons des raisons de croire que le cynisme des gens au pouvoir va facilement les amener à invoquer cette maladie pour ne pas organiser d'élections.
    C'était là un triste aperçu de la situation politique, qui, malheureusement, est accompagnée d'une situation sociale tout aussi désastreuse. En effet, la situation économique et le contexte politique désastreux font que beaucoup de corps de métiers sont en grève, dont les fonctionnaires, les médecins et même les transporteurs.
    Je suis à votre disposition si vous voulez me demander des précisions. Je vous remercie de votre attention et j'attends vos questions.
    Merci.
(1315)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Tshisekedi.
    Nous entamerons directement le premier tour de questions en accordant la parole à M. Sweet.
    Merci, monsieur le président.
    De combien de temps disposerons-nous, étant donné que notre témoin doit partir?
    Nous pourrons effectuer au moins un tour complet, puis nous verrons ce que nous ferons, selon sa capacité de rester pour répondre à certaines questions. Nous tiendrons certainement un tour complet.
    Merci beaucoup de témoigner, monsieur Tshisekedi.
    Je veux vous interroger à propos de ce que vous venez de dire sur le fait que les forces de Joseph Kabila tentent de créer des tensions entre les groupes disparates. Considérez-vous que maintenant que la communauté internationale exerce des pressions sur lui, il a comme stratégie de créer des tensions afin de provoquer de l'instabilité pour que le report des élections semble plausible? Pensez-vous que ce soit la stratégie derrière ses agissements?

[Français]

    C'est exact.

[Traduction]

    Exactement?
    Oui.
    Est-ce que des observateurs internationaux se trouvent sur place actuellement?

[Français]

    À ce que je sache, il n'y en a pas à part l'ONU. Il y en a peut-être par l'entremise des ambassades, mais pour le moment, en République démocratique du Congo, la plus grande mission d'observation est celle de la Mission de l'organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, ou MONUSCO. C'est par son intermédiaire que toute la communauté internationale surveille la situation de notre pays.

[Traduction]

    Compte tenu de la stratégie actuelle de Kabila, à partir de quand faut-il que des observateurs soient sur le terrain pour qu'il y ait un groupe suffisamment important pour — espérons-le — prévenir toute violence et, si jamais la violence éclate, pour faire en sorte qu'il y ait un grand nombre de témoins pour obliger les responsables à rendre des comptes sur le processus et assurer la tenue des élections?

[Français]

     Les observateurs ne sont pas encore venus, mais il commence déjà à se faire tard. Ils doivent être là maintenant, parce que, comme je vous l'ai dit, il y a ce problème du fichier électoral qui comporte énormément d'irrégularités. S'il n'y a pas d'observateurs pour observer la situation concernant ce faux fichier qu'on a introduit dans la base de données, des électeurs risquent de servir demain à contrebalancer ces résultats.
    J'aimerais préciser que c'est à partir de ce fichier que l'on vote la loi sur la répartition des sièges à l'assemblée. Vous vous imaginez bien que 8 millions de faux électeurs, cela peut influencer la répartition de ces électeurs. D'ailleurs, chose curieuse, alors que le fichier comporte encore des irrégularités, le gouvernement ou le Parlement a déjà voté une loi sur la répartition des sièges. La répartition des sièges que nous avons en ce moment est totalement faussée parce que le fichier sur lequel elle est basée est totalement faux.
    C'est maintenant que les observateurs doivent être là, tant pour voir cela que pour ce qui concerne le manque de liberté. En ce moment, nous ne pouvons pas circuler librement, contrairement aux partisans de M. Kabila, qui, eux, sillonnent toute la République pour clamer haut et fort que leur candidat se présentera à nouveau pour un troisième mandat. Quant à nous, nous n'avons pas la possibilité d'aller et venir comme eux dans la République.

[Traduction]

    Monsieur Tshisekedi, vous avez indiqué que les élections sont le résultat de pressions internationales. Or, d'après ce que je peux voir, deux problèmes de taille se posent à ce chapitre. Les problèmes abondent, mais deux importants problèmes se posent dans le cadre de ce processus. Il y a tout d'abord le fait que Joseph Kabila enfreint sa propre constitution en briguant un autre mandat. En outre, tous les partis sauf celui du gouvernement s'entendent pour dire que le dispositif de vote est déficient et qu'il utilise une base de données viciée. Si le président a déjà capitulé en acceptant de tenir des élections, la communauté internationale peut-elle exercer des pressions pour veiller à ce que les élections soient libres et équitables?
(1320)

[Français]

    Oui, la communauté internationale peut le faire. C'est pour cela que je dis qu'il faut agir maintenant. Il serait possible, par exemple, de brandir maintenant des sanctions ou de les appliquer carrément. Ces sanctions viseraient directement le clan Kabila en ciblant des membres de sa famille et d'autres individus qui sont en train de retarder le processus, comme le président et le vice-président de la Commission électorale nationale indépendante, qui sont totalement à la solde de M. Kabila et lui obéissent au doigt et à l'oeil. C'est pour cela qu'il est très important d'agir dès maintenant. Nous avons déjà dépassé la ligne rouge.

[Traduction]

    Je ne me souviens pas du montant auquel s'élèvent nos échanges commerciaux avec la République démocratique du Congo. Considérez-vous que si un pays comme le Canada — qui devrait, à l'évidence, avoir d'autres partenaires, car il ne pourrait pas seulement agir seul — invoquait la Loi Magnitski pour imposer des sanctions à certains membres du régime Kabila et les isoler ou au moins les menacer de le faire si les élections ne sont pas libres et équitables, cela aurait l'effet substantiel d'exercer des pressions sur le régime et aurait un bon résultat?

[Français]

    Oui, mais en même temps que cela, il faudrait également mobiliser les pays de la région en leur demandant d'être beaucoup plus vigilants. Cela aurait une incidence. J'en veux pour preuve les dernières agitations du gouvernement Kabila, qui a interpellé les ambassadeurs de France, d'Angola et du Rwanda uniquement parce que les chefs d'État de ces deux derniers pays sont passés par la France et ont déclaré qu'ils allaient agir pour que nous ayons des élections crédibles et, surtout, une alternance, c'est-à dire le départ de M. Kabila.
    C'est la preuve que la mobilisation des pays voisins a une incidence assez importante sur le comportement de ce régime. Je suis sûr que les sanctions en même temps que la mobilisation des pays africains de la région conduiront à de bons résultats.

[Traduction]

    Merci.
    Nous venons d'apprendre que M. Tshisekedi et son groupe doivent partir à 13 h 25, mais nous tenterons de retarder légèrement son départ. Voici ce que je vais faire: j'accorderai des interventions de quatre minutes, car je veux que les deux partis puissent interroger le témoin. Je commencerai par Mme Vandenbeld, après quoi nous irons directement à Mme Laverdière.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Tshisekedi, d'être parmi nous aujourd'hui.
    Comme vous le savez, j'étais directrice de l'Institut national démocratique pour les Affaires internationales, ou NDI, pendant les élections de 2011. Durant les six mois qui ont précédé les élections, j'ai géré, avec votre père, un projet de dialogue entre les partis politiques. Je vous offre mes condoléances.
    Merci.
    De concert avec toute la communauté internationale, j'ai fait une déclaration, après les élections, selon laquelle celles-ci n'étaient ni justes, ni transparentes, ni crédibles. Je l'ai fait avec le Carter Centre, avec la mission d'observation électorale de l'Union européenne et avec l'Église catholique. Maintenant, je vois que c'est exactement la même situation. Six mois avant les élections, quand je suis arrivée en RDC, il y avait les mêmes problèmes, notamment celui lié au fichier électoral.
    Que peut faire le Canada, en ce moment, pour éviter que la situation qui s'est déroulée en 2011 ne se reproduise, particulièrement s'il y a des obstacles pour les observateurs internationaux? Pouvons-nous faire de la formation auprès des témoins du parti politique? Pouvons-nous faire des déclarations? Le Canada peut-il faire quelque chose?
    Oui, absolument.
    La première chose, c'est déjà de nous aider, de concert avec la communauté internationale, à tout faire pour empêcher l'utilisation de la machine à voter. La loi interdit cela et même le calendrier électoral ne prévoit pas l'utilisation de cette machine. Le calendrier électoral fait allusion à la commande des bulletins de vote traditionnels et à l'impression de ces bulletins. Il faut déjà nous obtenir cela coûte que coûte.
    En ce qui concerne le fichier électoral, par ailleurs, nous souhaitons que le Canada envoie une mission d'experts afin de remplacer celle qui est actuellement en République démocratique du Congo.
    Je m'explique. Ce n'est pas par manque de confiance envers la mission d'experts qui est là-bas. Je voudrais simplement vous donner un exemple de la manière dont ces experts travaillent. Imaginez-vous qu'ils viennent de dire — parce que ce sont eux qui nous ont fourni ces conclusions —, qu'il y a 8 millions de faux électeurs. Toutefois, leur conclusion est totalement étonnante, parce qu'ils disent que, malgré cela, le fichier électoral reste inclusif et qu'il y a moyen de participer quand même aux élections. Vous voyez que c'est bizarre.
    Après avoir pris nos renseignements, nous avons remarqué que ce sont toujours les mêmes experts qui reviennent et qui sont invités par le général Sangaré. Je n'ai pas de raison de douter de ces personnes, à priori, parce que je n'ai pas de preuves, mais je pense quand même que cette habitude de faire revenir tout le temps les mêmes gens comme experts de l'OIF en République démocratique du Congo a fait en sorte que des relations se sont créées avec les représentants du régime au pouvoir qui font que M. Sangaré est devenu plutôt gentil à leur égard.
    Puisqu'il est membre de l'OIF, le Canada pourrait donc, par exemple, envoyer une délégation d'experts et demander à l'OIF qu'on remplace la délégation actuelle par des Canadiens qui se rendraient au pays. Ce serait de nouvelles personnes qui ne connaissent pas les gens appartenant aux partis et qui pourraient faire leur travail en toute objectivité.
    Vous avez parlé de la formation des témoins. Nous y tenons. Si vous pouvez prendre une décision à cet égard le plus tôt possible, ne serait-ce que de nous aider à former les formateurs de témoins, nous pourrons aller de l'avant. Ainsi, nous ferons peut-être le reste, en allant à l'intérieur du pays pour former à notre tour les témoins, après la formation que nous aurons reçue de vous. C'est important de surveiller le processus dès maintenant, avant qu'il ne commence. La grande bataille sera liée à la surveillance pendant le processus et, surtout, après.
    Vous avez de l'expérience en ce qui concerne la République démocratique du Congo. Vous avez vu comment ils nous ont volé notre victoire, en 2011. C'était après les élections, au moment de la transmission des résultats, que tout s'est joué. Vous savez qu'on a détruit des bulletins de vote par caisses entières. C'est ce que nous essayons d'empêcher cette fois-ci. Si nous avons des témoins qui peuvent nous obtenir les résultats le même jour, même si après, les bulletins sont détruits. Au moins, nous aurons les procès-verbaux des bulletins de vote. À ce moment-là, nous pourrons prouver que nous avons gagné les élections.
    Merci, madame Vandenbeld, de votre intervention. Elle était très judicieuse.
(1325)
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant laisser la parole à Mme Laverdière.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Tshisekedi, de votre présentation fort intéressante.
    Comme Mme Vandenbeld, je voulais vous demander ce que le Canada peut faire, mais je pense que vous avez donné une réponse très claire sur ce sujet.
    Je sais que vous devez nous quitter. J'ai une petite question rapide. On estime à plus de 4 millions le nombre de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Selon vous, ces gens auront-ils le moyen de voter ou risquent-ils d'être privés de leur droit de vote?
    Oui, ils risquent malheureusement d'être privés de leur droit de vote. Je pense que c'est l'un des objectifs de cette déstabilisation. C'est pour cela que je vous disais tout à l'heure qu'en Ituri, par exemple, on avait présenté la situation comme étant des troubles entre deux tribus. Or, lors du congrès de l'UDPS tenu les 30 et 31 mars, et à l'occasion duquel j'ai été élu à la tête du parti, une délégation de nos représentants de l'Ituri est arrivée à Kinshasa et nous avons voulu en savoir plus.
    À ce moment-là, ces représentants nous ont dit que les tribus ne se battaient pas. D'ailleurs, dans la délégation, il y avait un Lendu et un Hema, issus l'un et l'autre des deux tribus que l'on dit être en conflit. Ils sont arrivés ensemble à Kinshasa et ils nous ont dit: regardez, nous sommes ensemble, nous ne nous battons pas. Des inconnus, des brigades viennent, et ils assassinent des individus dans une tribu et font croire que c'est l'autre tribu qui est responsable. Ils suscitent des tensions entre les deux. Le but est de déplacer les gens et aujourd'hui, beaucoup d'entre eux sont réfugiés en Ouganda. Ce sont des électeurs, mais ils sont partis. Cela veut donc dire que, dans cette zone de la République, il n'y aura pas assez de votes.
    Vous remarquerez aussi que tout cela se passe dans les zones connues comme étant hostiles à M. Kabila. Au Kasaï, ceux qui ont provoqué cette fameuse crise humanitaire avaient pour but de faire fuir la population pour que l'inscription sur les listes soit très faible et que les électeurs kasaïens, connus comme étant traditionnellement opposés à M. Kabila, ne puissent pas voter. Voilà les ingrédients que M. Kabila mêle à ce scénario pour essayer de rendre la situation invivable.
(1330)
    Merci beaucoup. Nous souhaitons le meilleur pour votre beau pays.
    Merci, madame Laverdière.
    Nous espérons obtenir le soutien du Canada, soutien qui ne devra pas être apporté à des personnes, mais à l'ensemble de notre peuple et à ce processus que nous voulons salvateur pour notre pays. Nous n'avons que cette voie, celle des élections, pour arriver à l'alternance. Si nous échouons dans cette voie, nous n'aurons plus que l'autre, celle de la guerre. Et comme vous le savez, cela serait affreux.
    Soyez assuré que nous désirons fortement vous apporter cet appui, et je pense que tous les pays le souhaiteront aussi.
    Merci, madame Laverdière, je n'en doute pas.
    J'ai été très bien reçu, tout comme l'a été ma délégation. Nous sommes très contents de ce que le Canada fait, et croyez-nous, nous ne l'oublierons pas. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Tshisekedi. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir témoigné devant nous aujourd'hui. C'est formidable qu'au milieu de notre étude sur la République démocratique du Congo, nous ayons pu vous entendre afin que vous puissiez nous fournir des renseignements supplémentaires qui, bien honnêtement, sont extrêmement précieux, compte tenu du rôle que vous jouez dans votre pays. Votre contribution est des plus utiles alors que nous poursuivons nos travaux et évaluons l'information que nous avons recueillie ces dernières semaines.
    Je sais que vos escortes attendent probablement de vous accompagner hors d'ici; je veux donc vous remercier de tout coeur au nom du Comité.
    Sur ce, nous suspendrons la séance.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU