LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 22 octobre 2024
[Enregistrement électronique]
[Français]
J'ouvre maintenant la séance.
Bienvenue à la 115e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
Afin de prévenir les incidents acoustiques, je veux rappeler à tous les participants qui sont présents en personne de lire les lignes directrices inscrites sur les petits cartons se trouvant sur la table.
J'aimerais aussi rappeler à chacun d'entre vous d'attendre que je dise votre nom avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Je vous demande de lever la main si vous souhaitez parler, que vous participiez à la réunion en personne ou au moyen de l'application Zoom. La greffière et moi-même allons faire notre possible pour respecter l'ordre des mains levées et vous reconnaître.
Avant d'entrer dans le vif du sujet avec les témoins, je vous rappelle que vous avez reçu un communiqué de presse sur le rapport que nous avons préparé sur le développement économique dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je présenterai ce rapport ce jeudi, à 10 heures.
Cela étant dit, nous entrons…
Non, mais vous avez tous reçu le communiqué de presse.
Nous entrons maintenant dans le vif du sujet de la réunion, le continuum d'éducation dans la langue de la minorité.
Dans notre premier groupe de témoins, nous sommes honorés de recevoir, à titre personnel, M. Pierre Foucher, professeur de droit constitutionnel, entre autres, à la retraite. De plus, nous accueillons deux représentants de l'Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques. Il s'agit de M. Robert Demers, président, et de M. Yves Lévesque, directeur général.
Je vous souhaite tous la bienvenue.
J'informe tout le monde, les témoins de même que les personnes présentes dans la salle ou participant au moyen de l'application Zoom, que je vais être très sévère dans la gestion du temps, ce qui permettra à tout le monde de poser beaucoup plus de questions.
Messieurs Lévesque et Demers, je crois qu'il s'agit de votre première comparution devant le Comité, le meilleur de la Colline du Parlement.
Monsieur Foucher, vous êtes un habitué. Nous vous avons déjà accueilli au Comité.
Les témoins disposent de cinq minutes pour nous adresser la parole et nous faire leur présentation. Suivra ensuite une période de questions-réponses. C'est vraiment intéressant et ça va bien aller.
Monsieur Généreux, avez-vous une question?
Avant d'aller plus loin, concernant le communiqué de presse qui sera ou a été publié, sera-t-il possible d'y revenir pendant la réunion, un peu plus tard, après la comparution des témoins?
D'accord. Nous pourrons en discuter pendant les dix dernières minutes de la deuxième heure, parce qu'il faut compter cinq minutes pour passer à huis clos.
Parfait, merci. Rappelez-le-moi si je l'oublie.
Monsieur Foucher, vous disposez de cinq minutes fermes. La parole est à vous.
Merci, monsieur le président. J'aimerais d'abord vous saluer et vous féliciter pour votre implication politique. Vous êtes un de mes anciens étudiants à la Faculté de droit de l'Université de Moncton. Je vous félicite pour votre carrière politique et tout ce que vous avez fait et je vous souhaite bonne chance dans tous vos projets.
Honorables députés, je vous remercie de votre invitation. Je n'ai pas eu beaucoup de temps de préparation, alors vous comprendrez que ces remarques seront sommaires. Je suis devant vous à titre de juriste et professeur de droit. Je tiens à souligner que je ne peux pas vous donner d'avis juridique, n'étant plus membre du Barreau, mais seulement des informations sur des points de droit.
Je vais commencer par une évidence que vous connaissez aussi: l'éducation est une compétence provinciale. Le rôle et les possibilités d'intervention du gouvernement du Canada sont donc plus limités. Il ne peut pas réglementer des questions spécifiques relatives à l'éducation, comme le contenu des programmes, les conditions d'examen, la discipline des enseignants ou toute question reliée directement à l'éducation.
En consultant l'étendue de votre mandat relatif au présent exercice, j'ai aussi remarqué que la notion de continuum en éducation, utile pour les pédagogues et les intervenants du secteur, recouvre bien plus que l'instruction primaire ou secondaire, notamment l'éducation à la petite enfance, les universités, la formation continue et la formation professionnelle. Certains de ces domaines relèvent des droits protégés par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, tandis que, pour d'autres, c'est plus incertain. J'y reviendrai.
Le gouvernement canadien n'est cependant pas dépourvu de moyens d'intervention. L'exercice de son pouvoir de dépenser, dont la validité constitutionnelle est indiscutable dans l'état actuel du droit, lui permet d'offrir de l'aide, parfois substantielle, pour convaincre les provinces et territoires d'offrir la pleine mesure des droits scolaires des minorités garantis par la Constitution. Ce pouvoir de dépenser est dorénavant encadré par la nouvelle partie VII de la Loi sur les langues officielles, qui impose au gouvernement des obligations plus précises, notamment en matière d'éducation.
Je me permettrai de faire de très brèves remarques sur chacun des éléments du mandat de l'étude.
Le premier volet concerne la petite enfance. Jusqu'à présent, ce secteur, si important soit-il pour le développement de l'instruction primaire et secondaire, puisqu'il s'inscrit bien dans la notion de continuum en éducation, n'est pas couvert par l'article 23, selon la jurisprudence de la Cour d'appel des Territoires du Nord‑Ouest. La Cour suprême du Canada ne s'est jamais prononcée sur la question. Les constitutionnalistes de la francophonie hors Québec continuent d'avancer des arguments en faveur de l'extension de l'article 23 à la petite enfance. Quant aux services de garde après classe, il en va de même, bien que le volet communautaire des programmes fédéraux pour appuyer la construction d'écoles neuves permette de financer des locaux à cette fin. Je trouve que les arguments pour étendre l'article 23 aux services de garde sont convaincants, puisque la notion d'instruction peut s'interpréter de manière large et libérale.
Le second volet concerne le financement des écoles primaires et secondaires. Ici, nous sommes carrément dans le champ de l'article 23, ce qui fait intervenir des notions récentes développées par la jurisprudence: la présomption d'un nombre suffisant d'individus et l'équivalence réelle de la qualité de l'expérience éducative. Ces notions comportent plusieurs éléments pour lesquels l'intervention fédérale peut s'avérer bénéfique.
Le troisième volet concerne le postsecondaire. S'il existe des arguments solides pour inclure le préscolaire dans le cadre de l'article 23, même s'ils n'ont pas encore trouvé la faveur de la jurisprudence, il en va autrement pour le postsecondaire. C'est malheureux, pourrait-on dire, si on défend les minorités de langue officielle, car l'accès au postsecondaire est essentiel pour le développement de la vitalité des communautés linguistiques. À ce titre, j'estime que la Loi sur les langues officielles offre un cadre suffisant pour mettre en place un programme des langues officielles en éducation spécifiquement destiné aux établissements postsecondaires.
Ici, je me permets de dire un mot sur ce que je considère être de l'incohérence de la part du gouvernement canadien. D'un côté, il veut encourager les établissements postsecondaires, mais de l'autre, il réduit, par ses politiques d'immigration temporaire, le nombre d'étudiants internationaux dans ces établissements. Ces réductions sont d'ailleurs suspectes…
Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Foucher, mais vous avez amplement dépassé les cinq minutes qui vous étaient accordées. Vous aurez l'occasion de nous en parler davantage au cours de la période de questions.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous les membres du Comité.
Je suis Robert Demers, président de l'Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques, ou AFOCSC. Je suis aussi vice-président du Conseil scolaire catholique Providence, qui se trouve dans le sud‑ouest de l'Ontario. Je suis accompagné de M. Yves Lévesque, directeur général de l'AFOCSC. Nos bureaux se trouvent à Toronto.
L'AFOCSC tient à remercier le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes de la possibilité de présenter son point de vue, ses inquiétudes et certaines de ses recommandations par l'entremise d'un mémoire aux membres du Comité.
Depuis sa création officielle, en 1998, l'AFOCSC agit en tant que porte-parole des conseils scolaires catholiques de langue française en Ontario. Au service de ses membres, elle défend leurs intérêts et promeut l'éducation catholique en langue française pour la communauté franco-ontarienne auprès des gouvernements. À titre de représentante des huit conseils scolaires catholiques et du Consortium Centre Jules‑Léger, qui offre des services aux élèves sourds et malvoyants de toute la province, l'AFOCSC fait valoir les besoins et les perspectives touchant le développement du réseau des écoles auprès des instances gouvernementales des paliers municipaux, provincial et fédéral.
En tant que représentant de la Couronne et employeur, et avec l'appui considérable de ses membres, les conseils scolaires catholiques de langue française, l'AFOCSC négocie des conditions de travail qui permettent une éducation francophone catholique de qualité pour ses élèves et des relations de travail positives pour le personnel, en collaboration avec les différents syndicats.
À l'aide de concertation, de réseautage et de mesures prises en partenariat, les membres de l'AFOCSC cherchent plus particulièrement à s'assurer que le caractère distinct de l'éducation catholique de langue française s'imprègne dans tous les aspects des programmes d'étude et du processus éducatif. Nous recherchons l'équité pour les écoles catholiques de langue française, basée sur des besoins réels qui relèvent de notre spécificité. Enfin, nous veillons aussi au respect des droits qui nous sont conférés par la Loi constitutionnelle de 1867 et par la Charte canadienne des droits et libertés.
L'éducation catholique de langue française constitue un des quatre systèmes scolaires de l'Ontario et est appuyée de façon constante par la très grande majorité des parents catholiques de langue française. Les écoles catholiques de langue française, choisies par près de 70 % des parents francophones en Ontario, assurent un service aujourd'hui à plus de 77 000 élèves aux paliers élémentaire et secondaire. Nous comptons plus de 180 garderies francophones en milieu scolaire pour les enfants de 18 mois à 4 ans, lesquelles constituent un pilier du succès de nos écoles et du développement de nos communautés. En résumé, nous avons environ 77 000 élèves, 300 écoles et 11 000 employés, et l'éducation catholique de langue française est le choix d'à peu près 7 parents sur 10.
Face aux défis pressants auxquels fait face l'éducation de langue française en Ontario, notamment le sous-financement, la pénurie d'enseignants et les inégalités d'accès, il est impératif que les gouvernements prennent des mesures immédiates et décisives. En mettant en œuvre ou en appuyant les recommandations présentées dans notre mémoire, le gouvernement fédéral peut aider à garantir aux élèves franco-ontariens un accès à une éducation de qualité et équitable, et que le caractère unique de l'éducation catholique de langue française sera préservé et renforcé en Ontario, pour le Canada.
En conclusion, l'Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques a présenté dans son mémoire un survol des défis auxquels fait face l'éducation catholique de langue française en Ontario. Pour relever ces défis, nous recommandons premièrement un financement accru du gouvernement fédéral, spécifiquement pour le transport scolaire, l'éducation de la petite enfance et le recrutement et la rétention des enseignants. Deuxièmement, nous recommandons des processus d'approbation simplifiés pour les projets de construction et d'infrastructures scolaires. Troisièmement, nous recommandons un soutien accru aux universités de langue française afin d'augmenter la formation et le nombre d'enseignants qualifiés de langue française. Enfin, nous recommandons un engagement renouvelé en faveur de l'équité assurant à tous les élèves franco-ontariens un accès égal à une éducation de qualité.
En mettant en œuvre ces recommandations, les divers paliers de gouvernement peuvent démontrer leur engagement envers la communauté franco-ontarienne et envers les principes d'équité et de qualité. Merci.
Merci, monsieur Demers. Vous pourrez continuer de transmettre l'information que vous désirez aux membres du Comité lors de la période de questions et de réponses qui s'en vient.
Chacune des formations politiques aura maintenant six minutes pour poser des questions aux témoins et entendre leurs réponses. Je répète que je serai très sévère sur le temps de parole. Tout le monde a la même heure que moi: si un député pose une question à la sixième minute, il n'aura pas le temps. Cette façon de faire laisse plus de temps à tout le monde de poser d'autres questions par la suite.
Nous allons commencer.
Madame Gladu, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
Messieurs Lévesque et Demers, je suis très fière d'avoir quatre écoles catholiques dans ma circonscription. Y a-t-il une différence dans le soutien accordé par le gouvernement fédéral aux écoles catholiques et aux écoles publiques?
Non, le soutien financier est semblable.
Comme M. Foucher et nous l'avons mentionné, l'éducation en Ontario est financée par les biens publics. Les quatre systèmes sont donc financés par le gouvernement provincial. L'accès aux fonds fédéraux passe par des ententes entre les deux gouvernements. Par exemple, pour l'entente Canada-Ontario, certains fonds sont dirigés vers la province pour soutenir certains programmes. L'accès aux écoles publiques et catholiques est donc le même. Les montants ne sont évidemment pas les mêmes, mais, oui, chaque système a le même accès au financement.
Il faut rappeler que 70 % des élèves sont dans les écoles catholiques et 30 %, dans les écoles publiques. Il est important de garder ce ratio en tête quand on fait le partage des choses.
La pénurie d'enseignants francophones en Ontario entre bientôt dans sa dixième année. Actuellement, il manque environ 5 000 enseignants francophones dans les écoles francophones pour retrouver un équilibre qui permettrait de fonctionner comme il le faut, c'est-à-dire d'avoir des listes de rappel, d'avoir des enseignants remplaçants et d'avoir du personnel qualifié à tous les niveaux.
Nous avons suggéré de former environ 1 000 enseignants par année pendant cinq ans pour essayer de contrer cette pénurie. Actuellement, le nombre de diplômés en enseignement n'est environ que de 400 ou 450 par année. Il y a aussi de plus en plus de départs à la retraite. La pénurie s'aggrave donc, et ça nuit à la qualité de l'enseignement dans les écoles.
Merci.
Monsieur Foucher, aimeriez-vous terminer votre présentation? Je pourrais ensuite poser des questions sur la Charte canadienne des droits et libertés et le financement fédéral.
Merci, madame Gladu.
J'avais un dernier point concernant le dénombrement des ayants droit, qui fait partie de votre mandat. Le dénombrement est déjà commencé et le gouvernement fédéral a maintenant des données sur les ayants droit, lesquelles ont permis de constater un décalage entre la proportion des ayants droit qui sont dans les écoles de langue française et de ceux qui ne le sont pas.
J'aimerais aussi souligner que la décision la plus récente de la Cour suprême enjoint les gouvernements provinciaux et territoriaux à considérer l'article 23 de la Charte lorsqu'ils statuent sur l'admission des personnes n'étant pas des ayants droit dans les écoles de la langue de la minorité. On parle ici de personnes qui n'ont pas de droit constitutionnel à l'éducation dans la langue de la minorité, mais qui veulent accéder aux écoles de langue française, comme des gens issus de l'immigration. Désormais, les ministres de l'Éducation doivent considérer les objectifs de l'article 23 lorsqu'ils prennent leur décision à l'égard des admissions de telles personnes.
Vous avez dit qu'on a besoin d'un mécanisme pour les personnes qui ne sont pas des ayants droit. Pourriez-vous développer davantage votre idée?
Au fond, si je me réfère encore une fois à ce qu'ont dit les tribunaux, les ministères peuvent donner aux conseils scolaires la responsabilité de prendre la décision. Si des gens veulent être admis aux écoles de langue française, ils pourront le faire. C'est le cas en Ontario, d'ailleurs. Des comités d'admission statuent sur les demandes de personnes qui ne sont pas des ayants droit. Les gouvernements ont la possibilité de le faire et la plupart l'ont fait, soit en déléguant, soit en adoptant des politiques invoquant les critères de l'article 23 pour étendre ce droit. Par exemple, si quelqu'un n'est pas un citoyen canadien, mais qu'il est de langue française, il pourrait être admissible. Un encadrement des critères est donc fait.
Là-dessus, le gouvernement fédéral doit penser son financement en incluant tout le monde, tant les ayants droit que les personnes qui n'en sont pas, mais qui reçoivent la permission de fréquenter les écoles de langue française.
[Traduction]
Si le gouvernement ne les finance pas adéquatement, c'est comme s'il violait les droits que la Charte leur confère. Êtes-vous de cet avis?
[Français]
En fait, une fois que ces gens sont admis dans les écoles françaises, ils deviennent des ayants droit par l'opération d'une disposition de l'article 23. La réponse à votre question serait donc oui.
Merci, monsieur Foucher et madame Gladu.
La deuxième question viendra des libéraux.
Monsieur Lightbound, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous les témoins.
Professeur Foucher, je vous remercie de vous joindre à nous.
Ma première question s'inspire un peu de l'intervention de ma collègue Mme Gladu. En bon ancien étudiant en droit, je prenais des notes lors de votre présentation. Sauf erreur de ma part, le dernier point que vous souhaitiez aborder était les retombées du continuum en éducation. J'aimerais donc vous permettre de poursuivre la discussion sur ce sujet et de nous dire quelles sont ces retombées.
Les retombées me semblent importantes et pourraient donner prise à des arguments en faveur de l'élargissement de la portée de l'article 23, puisqu'il s'agit de la réalisation des objets dans l'instruction primaire et secondaire.
Par exemple, on peut certainement argumenter qu'il est nécessaire d'avoir une intervention efficace dans le préscolaire pour générer des ayants droit, pour leur donner accès à l'instruction et pour s'assurer que les élèves qui intègrent les écoles de langue française et qui sont passés par le préscolaire en langue française reçoivent un soutien et une certaine formation. Je ne suis pas un spécialiste en pédagogie, mais j'imagine qu'il y a des programmes spéciaux pour ça. Ceci s'inscrirait dans la notion de qualité équivalente.
Le postsecondaire est relié au développement des communautés. Une idée m'est venue en écoutant les commentaires des représentants de l'Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques. Il y a une poignée de personnes qui prétendent que les facultés d'éducation devraient être reconnues dans l'article 23, parce qu'elles sont essentielles pour former les enseignants dont on a besoin pour avoir une qualité équivalente en éducation. C'est un argument qui circule parmi les juristes de la francophonie à l'extérieur du Québec, mais qui n'a jamais été testé devant les tribunaux.
Ça tombe sous le sens et je comprends votre argument.
Durant l'une des dernières réunions du Comité, nous avons justement entendu dire que les admissions en enseignement sont en chute libre. Si je ne me trompe pas, c'était au Nouveau-Brunswick. Ça constitue en soi une menace existentielle pour l'enseignement du français à moyen et à long termes.
Selon l'évolution de la jurisprudence, croyez-vous qu'un jour, l'article 23 s'appliquera aussi au préscolaire et au postsecondaire?
Il est probable que le préscolaire sera couvert par l'article 23.
En ce qui concerne le postsecondaire, par contre, c'est un petit peu plus discutable. Comme je l'ai dit, on ne peut pas prétendre que tous les programmes ou tous les établissements d'enseignement postsecondaires seront couverts par l'article 23. Quand on regarde l'historique de l'évolution de l'article 23, on voit bien que ce n'était pas nécessairement l'intention de ses auteurs. Comme je l'ai dit, on peut appliquer le concept aux facultés d'éducation ou à certaines facultés dont les services sont nécessaires pour assurer la qualité de l'instruction. De là à prétendre que les tribunaux vont accepter que tous les établissements postsecondaires homogènes soient couverts par l'article 23, je ne pense pas qu'on en soit encore rendu là.
J'aimerais revenir à ce que vous avez dit à ma collègue Mme Gladu au sujet des ayants droit. Si je ne me trompe pas, vous avez fait référence à la plus récente décision de la Cour suprême dans ce domaine, soit dans la cause Commission scolaire francophone des Territoires du Nord‑Ouest c Territoires du Nord‑Ouest (Éducation, Culture et Formation). Cette décision a eu pour effet d'élargir la notion d'ayant droit.
Êtes-vous satisfait de cet élargissement? Selon vous, quel effet pourrait-il avoir à plus long terme?
Il devrait s'agir d'un effet positif. J'espère que tous les ministères de l'Éducation ont pris bonne note de cette décision et qu'ils l'appliquent. Comme on le sait, il a fallu beaucoup d'autres jugements après celui rendu en 1990 dans la cause Mahé c Alberta pour que les ministères de l'Éducation comprennent qu'il faut créer des commissions scolaires quand le nombre d'ayants droit est suffisant. Ce problème-là est maintenant réglé.
Il va peut-être falloir du temps avant que ce soit assimilé à l'intérieur du système, mais oui, il va y avoir un impact positif. Comme vous le savez, et comme le savent tous les membres du Comité ainsi que l'ensemble de la population, il y a des situations aberrantes. On ne peut pas comprendre, par exemple, pourquoi une personne originaire du Congo qui est venue s'établir aux Territoires du Nord‑Ouest pour y travailler et dont la langue seconde est le français ne peut pas fréquenter l'école de langue française. Cela n'a aucun sens.
Très bien. Vous avez parlé dans votre discours d'ouverture de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Selon vous, assure-t-elle adéquatement que les fonds transférés aux provinces et aux territoires sont dirigés vers les conseils scolaires de la minorité?
En définitive, tout va dépendre de la réglementation. Le commissaire aux langues officielles l'a déjà mentionné et votre comité pourrait le faire également. Le gouvernement est en train d'élaborer des règlements qui vont encadrer le fonctionnement des mécanismes de reddition de comptes. À ce jour, je ne suis pas convaincu que ces mécanismes sont suffisamment efficaces. Il faut donc espérer que les règlements résoudront le problème. Il faudrait donc que nous voyions ces règlements, mais il n'y en a pas pour le moment.
Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez voir dans ces règlements et qui vous rassurerait quant à l'acheminement approprié des fonds?
Il faudrait d'abord que ces fonds soient affectés précisément et bien ciblés, pour qu'ils ne disparaissent pas dans les fonds consolidés des provinces. Il faudrait aussi que le non-respect des règles donne lieu à des conséquences. Le gouvernement fédéral pourrait aussi financer directement les conseils scolaires sans passer par les ministères de l'Éducation. D'autres juristes ont proposé cette mesure, sauf pour le Québec, où cette possibilité existe déjà. À ma connaissance, rien n'empêche le gouvernement fédéral d'envoyer des fonds directement aux conseils scolaires de la minorité.
Je vous remercie, monsieur Foucher, de même que M. Lightbound.
Monsieur Beaulieu, du Bloc québécois, vous disposez de six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos invités de participer à cette réunion.
Monsieur Foucher, vous dites que le gouvernement fédéral pourrait transférer les paiements directement aux conseils scolaires de la minorité de langue officielle — peut-être dans certaines conditions — dans toutes les provinces, sauf au Québec. Je suis bien d'accord sur ce point, mais j'aimerais que vous me disiez comment vous en êtes arrivé à cette conclusion.
C'est que le Québec a un règlement qui oblige tout organisme qui reçoit plus de 50 % de son financement à obtenir l'autorisation du Conseil des ministres, du lieutenant-gouverneur en conseil, donc de l'exécutif québécois.
Je vous remercie.
Messieurs Demers et Lévesque, de l'Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques, vous avez parlé d'équité. Considérez-vous que la situation des écoles francophones en Ontario est équitable par rapport à celle des écoles anglophones? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
La réponse rapide est non. Les problèmes d'accès aux services sont nombreux. Il faut comprendre que les écoles francophones en Ontario, qu'elles soient publiques ou catholiques, sont considérées comme ce que je qualifierais d'écoles régionales. Pour se rendre à l'école le matin, les élèves doivent faire en autobus un trajet de 30 à 45 minutes, parfois même davantage, et il en va de même pour le retour. Les communautés francophones n'ont pas d'écoles de quartier, alors que c'est le cas pour toutes les communautés anglophones.
Y a-t-il un accès égal à l'éducation? La réponse est non. Les conseils scolaires francophones devraient pouvoir établir plus rapidement des points de service pour leurs élèves, un peu partout. La possibilité de disposer de fonds suffisants pour construire des infrastructures qui répondent aux besoins des francophones demeure une difficulté constante avec le gouvernement. Celle-ci a comme effet d'augmenter l'iniquité en matière d'accès.
Pour l'instant, on ne peut pas dire que ça va mieux. À mon avis, les quatre ou cinq dernières années démontrent que la construction d'écoles n'a pas stagné, mais qu'elle a ralenti. Quand on ne construit pas assez d'écoles, on a moins de services à offrir aux élèves. La population francophone en Ontario continue d'augmenter, même si elle ne le fait pas au même rythme que la population générale anglophone. Or, on ne construit pas d'écoles assez rapidement pour suivre cette évolution. Les élèves ont donc le choix de fréquenter l'école anglophone de leur quartier ou de parcourir des distances incroyables en autobus pour se rendre dans les écoles francophones. Souvent, les parents choisissent d'inscrire leur enfant à l'école du coin, ce qui contribue à une assimilation plus rapide et à l'augmentation des iniquités en matière de services offerts. Je dirais donc que les choses ne vont pas mieux et qu'il y a toujours des difficultés sur le plan de la construction des écoles.
Compte tenu du passé, par exemple de l'adoption du Règlement 17, par lequel on avait interdit pendant un bon bout de temps l'enseignement du français en Ontario, pensez-vous que les francophones devraient avoir droit à des réparations des torts causés? À mon avis, il sera impossible de réparer tous ces torts. Cela dit, je pense qu'on a déjà présenté des excuses en lien avec le Règlement 17, mais on n'entend pas beaucoup parler de la réparation des torts.
Vous avez dit tantôt qu'on devrait prendre des mesures immédiates pour régler le sous-financement, mais on ne semble pas vouloir aller en ce sens.
Pour en arriver là, il faut qu'il y ait une reconnaissance des torts de la part du gouvernement, peut-être après une poursuite, et il faut qu'il y ait réparation, évidemment.
Selon moi, le problème actuel, c'est qu'on ne reconnaît pas nécessairement la spécificité des francophones en Ontario, ce qui fait que nous sommes souvent traités comme les autres conseils scolaires. L'approche actuelle veut que tout le monde soit pareil, mais ce n'est pas vrai. Les besoins en matière d'éducation francophone sont différents de ceux en matière d'éducation anglophone. Souvent, l'éducation en français coûte plus cher. Ce qui permettrait de changer les choses, c'est que le gouvernement provincial reconnaisse les besoins — c'est probablement la même chose pour toutes les autres provinces. C'est un défi. La réparation des torts serait une bonne idée, mais ça découle d'un autre processus.
Pour ce qui est de la reconnaissance des torts, il pourrait y avoir un processus juridique. On pourrait notamment utiliser le Programme de contestation judiciaire. Y a-t-il quelqu'un qui a l'intention de faire ça pour que le gouvernement de l'Ontario reconnaisse les torts qui ont été causés?
Il s'agit probablement d'une question à laquelle M. Foucher pourrait répondre mieux que moi.
Ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit d'une cause importante qui devrait être portée devant les tribunaux. Or, cela veut dire qu'on contesterait l'éducation de langue française en Ontario telle qu'administrée par les gouvernements en place. Il s'agit d'un gros contrat.
Merci, messieurs Lévesque et Beaulieu.
Les prochaines questions viendront de Mme Ashton, qui représente une circonscription du nord du Manitoba.
Madame Ashton, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Monsieur Lévesque, quel est l'impact de la pénurie d'enseignants et de travailleurs du secteur de la petite enfance sur vos écoles? Pensez-vous que le gouvernement fédéral a un rôle clé à jouer pour trouver des solutions pour remédier à cette pénurie?
C'est une excellente question.
Il est évident que le manque de personnel se fait sentir dans les écoles. Lorsqu'on est obligé de faire appel à ce qu'on appelle des enseignants non qualifiés dans les écoles parce qu'il manque justement d'enseignants qualifiés, ça crée un problème de continuité. On n'a pas nécessairement en place des enseignants brevetés ou qui ont les compétences nécessaires, même si, en général, ils sont capables de faire le travail. Ce sont des enseignants qui n'ont pas encore leur brevet, mais qui ont certaines compétences. C'est une solution temporaire pour pallier le manque de personnel. C'est donc un défi.
Il y a aussi un défi du côté des services à la petite enfance. La formation de personnes pour travailler auprès des enfants est déficiente et la formation universitaire pour avoir des enseignants brevetés est insuffisante. Je crois effectivement que le gouvernement fédéral peut faire quelque chose pour augmenter la formation d'enseignants dans les universités. Ça aurait un effet sur la capacité de formation. Actuellement, même si on voulait en faire plus, il n'y a pas plus d'enseignants qui sortent de l'université. Ce n'est pas parce qu'on forme 400 enseignants qu'ils vont tous aller enseigner demain matin. Ils ne deviennent pas automatiquement des enseignants. Ils ont leur brevet, mais ça ne veut pas dire qu'ils vont se retrouver dans une école et qu'ils vont être appelés à travailler du jour au lendemain. On peut supposer que 80 % de ces gens vont se retrouver dans des écoles, mais que 20 % d'entre eux seront perdus parce qu'ils choisiront d'autres secteurs.
On doit donc augmenter le nombre de sièges dans les universités, ainsi que le nombre d'éducateurs ou d'éducatrices de la petite enfance, afin qu'il y ait une masse d'employés suffisante. C'est une solution qui peut être temporaire, elle n'a pas nécessairement besoin d'être permanente, mais elle doit s'appliquer aussi bien à la petite enfance qu'au postsecondaire.
Merci, monsieur Lévesque.
Monsieur Foucher, j'aimerais vous poser la même question sur les répercussions de la pénurie de main-d'œuvre. Selon vous, le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer pour faire face à cette pénurie et trouver des solutions?
Merci beaucoup pour la question.
J'aimerais d'abord prendre deux secondes pour renchérir sur ce que M. Lévesque a dit sur le transport par autobus. Un membre du Conseil scolaire acadien provincial, en Nouvelle‑Écosse, a mentionné qu'il faudrait 10 écoles primaires de langue française de plus à Halifax. Cela prouve que le problème touche non seulement l'Ontario, mais tout le Canada.
Pour répondre à votre question directement, je dirai que l'effet de la pénurie d'enseignants est très grave. Que peut faire le gouvernement fédéral? Comme M. Lévesque l'a mentionné, il faudrait créer plus de places dans les facultés d'éducation. Il y a des secteurs dans lesquels le gouvernement fédéral est intervenu avec succès. J'en suis la preuve vivante, et votre président aussi. Avant le début des années 1980, il n'y avait pas de programmes de common law en français, et le gouvernement fédéral, par son implication, a réussi à en mettre en place non seulement à Ottawa et à Moncton, mais aussi un peu partout dans l'Ouest canadien. Alors, ce genre d'intervention a déjà été fait et ça peut se faire aussi pour l'éducation. Je pense que c'est la clé. Une des prochaines batailles de l'article 23 sera liée à la pénurie d'enseignants.
Je reviens à la suggestion que j'ai faite plus tôt, soit de mettre en place un programme des langues officielles en éducation postsecondaire basé sur le modèle du programme des langues officielles en enseignement qui a bien fonctionné pour l'instruction primaire et secondaire.
Merci beaucoup. Nous appuyons tous la mise en place de nouvelles mesures pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre, qui nous touche tous.
Je vous remercie de cette rétroaction, monsieur Foucher. Ce que vous avez dit concernant l'initiative prise par le gouvernement dans le domaine du droit, il y a plusieurs années, est très intéressant. On pourrait faire quelque chose de similaire en éducation. Il est évident qu'il faut agir pour répondre à cette pénurie de main‑d'œuvre, qui devient de plus en plus grave, et à la demande importante pour l'éducation en français.
Merci, madame Ashton.
Nous passons maintenant à deux autres tours de questions, un de cinq minutes et un de deux minutes et demie.
Monsieur Généreux, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Demers, dans votre allocation d'ouverture, vous avez parlé à plusieurs reprises des écoles catholiques. Si j'ai bien compris, vous représentez 7 élèves sur 10 en Ontario. Je comprends que les trois autres élèves fréquentent des écoles francophones publiques, qui sont tout autant financées.
Le but de notre étude est de déterminer de quelle façon nous pourrions améliorer le continuum de l'éducation, à partir de la petite enfance. Vous avez parlé des garderies, fréquentées par des enfants ayant entre un an et demi et quatre ans, alors que M. Foucher a parlé du volet universitaire.
Si nous voulons porter notre regard sur le cheminement scolaire pour les 15, 20 ou 30 prochaines années, la question que nous devons essentiellement nous poser est la suivante: que peut faire le gouvernement fédéral maintenant pour éviter des bris de service ou des bris de qualité dans le continuum en éducation?
On sait que, partout au Canada, on accueille beaucoup d'immigrants francophones et on met beaucoup l'accent sur l'immigration. Le gouvernement s'est d'ailleurs targué d'avoir atteint son objectif de 4 % d'immigration francophone, fixé depuis longtemps.
Je perçois les répercussions, par exemple, de l'éventuelle formation au Canada d'enseignants provenant d'autres pays afin qu'ils puissent prendre la relève dans nos écoles et remédier au manque de main-d'œuvre, comme une chaîne. Cependant, à quels endroits peut-on prévoir maintenant que cette chaîne, ou ce continuum, pourrait se casser ou s'affaiblir?
Commençons par vous, monsieur Lévesque.
Pour ajouter au commentaire de M. Foucher en ce qui concerne les écoles, si on voulait intégrer dans nos écoles les ayants droit de l'Ontario, il faudrait construire 150 écoles. Il s'agit donc d'une lacune importante, qui empêche l'intégration de tous les ayants droit, même si nous comprenons que ce ne sont pas la totalité d'entre eux qui fréquenteraient nos écoles.
Il est évident que la chaîne est brisée ou accroche à plusieurs endroits, comme vous l'expliquez, ce qui suscite des questions.
Comme l'a mentionné M. Foucher, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés ne prévoit pas nécessairement de protection ou de garantie d'accès à l'éducation en français dans la langue de la minorité pour tous les niveaux, ce qui engendre des problèmes au niveau de la petite enfance, notamment. Il n'existe aucune garantie non plus pour les niveaux secondaire et postsecondaire.
De plus, il n'existe pas actuellement de garanties qui permettent aux étudiants francophones de suivre en français la formation pour devenir enseignants. Par exemple, l'Université d'Ottawa est une université bilingue qui offre un programme d'éducation autant en anglais qu'en français, mais rien ne garantit qu'il puisse toujours être offert en français. Si, une année, il y a plus d'étudiants anglophones, il y aura donc moins d'étudiants francophones. Autrement dit, il n'existe pas de places protégées pour permettre que, disons, 500 francophones puissent y étudier chaque année.
Doit-on faciliter l'intégration d'enseignants issus de l'immigration? Il faudrait poser la question à l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, qui pourra déterminer comment ces enseignants pourraient être intégrés plus facilement ou plus rapidement dans le système. Les enseignants qui sont formés dans les trois universités ontariennes et qui terminent leur année d'accréditation devraient automatiquement être autorisés à travailler dans nos écoles. Or, ce n'est pas le cas, car l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario suit encore un processus qui étire les choses.
Il existe donc plusieurs facteurs dans le réseau qui nuisent au continuum.
Merci, monsieur Lévesque.
Pouvez-vous fournir au Comité une liste exhaustive des facteurs qui, selon vous, accrochent dans cette chaîne?
Vous faites référence, entre autres, à des postes d'enseignants non qualifiés. Il serait important pour nous d'avoir accès à plus d'information sur ce sujet. Pourtant, en ce moment, nous avons cinq minutes pour poser des questions et faire un tour de table, mais nous n'avons jamais le temps d'aller jusqu'au bout de nos réflexions. Or, je pense que la réflexion que vous venez de faire est importante.
Monsieur Foucher, qu'en pensez-vous?
Je vais essayer de répondre en 20 secondes.
D'abord, la garderie et les services d'éducation à la petite enfance étant souvent situés sur le même terrain que l'école, parfois même, à l'intérieur de l'école, il est possible d'intervenir.
Ensuite, pour former des enseignants, il faut des programmes en éducation, et pour obtenir des programmes en éducation, il faut des universités. Les étudiants doivent avoir accès à des universités francophones bien financées. Sur ce plan, le gouvernement fédéral peut intervenir.
Merci, monsieur Foucher.
Merci, monsieur Généreux.
Monsieur Samson, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être avec nous aujourd'hui. Ça me fait plaisir de vous revoir, monsieur Demers, monsieur Lévesque et monsieur Foucher.
Monsieur Foucher, vous avez touché deux points très importants. D'abord, vous avez mentionné le continuum de l'éducation. Pour moi, c'est essentiel. En Nouvelle‑Écosse, on a bien vu à quel point l'accès à l'éducation en français à partir de l'âge de quatre ans était important.
Toutefois, je veux creuser la question un peu plus. Vous savez sûrement que dans la Loi sur les langues officielles, qui a été modernisée par le projet de loi C‑13, on mentionne à quelques reprises le préscolaire et le postsecondaire, soit aux paragraphes 41(3), 41(6) et 93.1(1.2). En ajoutant ces dispositions à la Loi sur les langues officielles, est-ce que le projet de loi C‑13 est venu enrichir, sur le plan juridique, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés?
Oui, ces dispositions sont un complément à l'article 23. Elles offrent tous les outils voulus pour que le gouvernement fédéral pose des gestes concrets en faveur de l'instruction en langue française.
C'est exactement la réponse que je cherchais.
Maintenant, je vais parler d'un autre dossier. Vous avez souvent dit que les conseils scolaires devraient signer des protocoles d'entente relatifs à l'enseignement dans la langue officielle minoritaire. Êtes-vous au courant que le gouvernement fédéral et la Fédération nationale des conseils scolaires francophones ont signé une entente stratégique pour que les conseils scolaires francophones en situation minoritaire soient consultés et puissent faire part de leurs priorités au gouvernement?
C'est un début. C'est exactement la réponse que je cherchais.
Je vais vous proposer un nouveau mécanisme. Si je me trompe, vous pourrez me le dire.
Une décision rendue par un tribunal en 1990 a confirmé le droit des francophones en contexte minoritaire d'établir des conseils scolaires indépendants et en contrôle de leur destin. Toutefois, n'est-ce pas comme autoriser quelqu'un à construire une maison, mais sans lui donner d'argent pour le bois? On permet l'établissement de conseils scolaires francophones, mais on ne leur donne pas l'argent pour fonctionner.
N'est-on pas arrivé au point où l'on peut dire que l'article 23 donne le droit aux conseils scolaires de négocier directement avec le fédéral pour l'éducation en langue française à l'extérieur du Québec?
Je n'oserais pas me prononcer sur cette question. Comme je vous l'ai dit au début, je ne suis plus membre du Barreau. Je ne peux donc pas donner d'avis juridique. Je peux seulement dire que ce serait souhaitable.
Moi, je me permets de le dire, parce que je dis ce que je veux quand je le veux, en réalité. Merci, monsieur Foucher.
Messieurs Demers et Lévesque, grâce un amendement qui a été ajouté au projet de loi C‑13, la Loi sur les langues officielles a maintenant une disposition qui dit que les conseils scolaires ou les provinces ayant des besoins en matière d'immeubles scolaires doivent être consultés lors de la vente par le gouvernement fédéral de biens immobiliers, comme des terrains. En d'autres termes, les conseils scolaires en contexte minoritaire peuvent avoir accès à des terrains du gouvernement fédéral. Êtes-vous au courant de cela?
Ça se fait encore par l'intermédiaire de la province, mais je vais vous dire quelque chose. En Nouvelle‑Écosse, il y a trois ans, j'ai travaillé avec la province et on a pu mettre de la pression sur la Société immobilière du Canada afin d'acheter le terrain qu'on voulait au centre-ville d'Halifax. On cherchait un terrain depuis 20 ans. Il est très important de connaître cette possibilité. Nous devons en parler lors du congrès de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones qui se tiendra en fin de semaine et auquel vous assisterez. Parlons-en, car c'est très important.
Deuxièmement, je veux féliciter la province de l'Ontario, parce qu'elle donne 68 % des fonds qui viennent du fédéral dans le cadre du protocole d'entente relatif à l'enseignement dans la langue officielle minoritaire aux conseils scolaires francophones, et elle en donne seulement 32 % aux conseils scolaires anglophones. À ce chapitre, c'est la meilleure province au pays. En Nouvelle‑Écosse, 51 % des fonds fédéraux vont aux francophones et 49 % vont aux anglophones. À Terre‑Neuve‑et‑Labrador, 33 % des fonds vont aux francophones. Vous pouvez imaginer à quel point c'est difficile.
Est-ce qu'on peut dire qu'en Ontario, 80 % des élèves qui arrivent à la maternelle ne parlent pas la langue de l'institution? C'est le cas en Nouvelle‑Écosse.
Beaucoup de formation se fait à la maternelle, voire à la garderie. On calcule qu'à peu près 60 % des familles francophones sont exogames en Ontario. Donc, je dirais que 60 % des enfants qui arrivent dans les écoles, au départ, ne parlent pas français.
Je soupçonne que vous êtes d'accord avec moi.
En conclusion, c'est la raison pour laquelle on devrait donner plus d'argent pour la francisation. On donne déjà de l'argent pour enseigner l'anglais, langue seconde, aux immigrants. On doit aussi donner de l'argent pour l'enseignement du français, langue première, aux enfants des ayants droit. Ce n'est pas compliqué.
Merci, monsieur Samson. Ce n'est vraiment pas compliqué.
Monsieur Beaulieu, la parole est maintenant à vous pour deux minutes et demie.
Merci.
Tantôt, j'ai posé des questions sur le droit de réparation. On a parlé de la reconnaissance des torts. Monsieur Foucher, je pense que vous vouliez intervenir à ce sujet.
Oui, merci.
Premièrement, le concept de réparation est déjà dans la jurisprudence, et il est évoqué chaque fois dans toutes les décisions de la Cour suprême. Deuxièmement, si on parle d'une poursuite pour une réparation globale, je suis d'accord avec M. Lévesque que ce serait une grosse bouchée. L'idée a déjà été suggérée, mais, compte tenu de la prudence des juges, qui préfèrent régler un cas à la fois, je ne suis pas certain qu'une entreprise de cette envergure aurait du succès.
Merci.
Compte tenu des problèmes de transport, diriez-vous que les écoles d'immersion française sont un peu en concurrence avec les écoles de langue française? Il doit arriver que des parents, plutôt que d'imposer un long transport à leur enfant, vont choisir de les envoyer dans une école d'immersion française. Dans ces cas, quel est l'impact?
Je peux répondre à la question. Effectivement, ça a un impact certain. Il y a de plus en plus d'écoles d'immersion qui s'en viennent. Alors, il y a une concurrence directe avec nos écoles. Elles sont régionales, mais c'est encore moins vaste que nos écoles. Donc, oui, ces écoles nous font concurrence.
Je sais que, quand il y a eu la réforme de la Loi sur les langues officielles, on a annoncé qu'il y aurait une augmentation du financement des écoles d'immersion, mais on n'a pas parlé des écoles par et pour les francophones.
Pensez-vous que ce serait une bonne chose qu'on augmente plutôt le financement de ces écoles par et pour les francophones?
Tout à fait.
Vous avez beaucoup parlé de la pénurie de professeurs. Est-ce qu'il y a une partie plus ou moins importante des professeurs qui proviennent du Québec?
Le Québec a toujours été un endroit où on fait du recrutement, évidemment, mais je pense que les solutions doivent être locales, d'où l'importance d'augmenter notre formation au niveau universitaire, en Ontario. Je pense que la capacité peut être au rendez-vous, mais il y a effectivement beaucoup d'enseignants qui viennent du Québec.
Merci. Nous avons amplement dépassé le temps.
Madame Ashton, la parole est à vous pour deux minutes et demie.
Merci beaucoup.
Je voulais juste faire un petit commentaire sur le sujet qu'a abordé mon collègue M. Beaulieu, soit la question de l'immersion. Je voulais juste souligner que, dans nos régions, ici, dans l'Ouest canadien, il y a une pénurie de main-d'œuvre, un manque d'enseignants en immersion française. On voit aussi des enseignants quitter le réseau de l'immersion pour aller enseigner dans celui des écoles françaises. Les solutions à la pénurie de main-d'œuvre devraient donc s'appliquer aux deux réseaux, qui ont tous deux besoin d'éducateurs.
De plus, je dirais qu'il y a une fluidité entre les deux réseaux scolaires. Par exemple, plusieurs enfants fréquentent le réseau des écoles françaises jusqu'au secondaire, puis entrent en immersion. À l'inverse, d'autres élèves commencent en immersion, puis continuent dans l'autre réseau. Je veux juste rappeler qu'il y a beaucoup de liens entre les deux réseaux, dont la réalité partagée d'une pénurie de main-d'œuvre.
Messieurs Lévesque et Demers, j'aimerais lire un commentaire très intéressant qui se trouve sur votre site Web: « Comment aider? En tant que conseillères et conseillers scolaires élus de l'Ontario, comme contribuable, ou comme parent de notre système scolaire, vous pouvez avoir un impact sur le futur de l'éducation catholique de langue française en contribuant à la sensibilisation de vos élus locaux au niveau provincial, sans oublier le niveau municipal et fédéral. » Vous soulevez là plusieurs points. Je trouve épatant que vous donniez des conseils tellement directs. De plus, vous énoncez clairement que vous avez besoin de l'appui et de la volonté de la classe politique pour relever les défis auxquels vous faites face. Il ne faut pas se dire que les choses sont ce qu'elles sont et laisser les conseillers ou les directions scolaires se dépêtrer avec les problèmes. C'est à nous tous d'agir, et je suis très heureuse que vous mentionniez également le fédéral.
Il me reste très peu de temps, mais je veux juste, encore une fois, vous donner la chance de nous dire clairement à quel point le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre et aux besoins de formation. Ce rôle n'incombe pas seulement aux gouvernements provinciaux ou aux universités; c'est vraiment aussi une responsabilité du fédéral, puisqu'on sait que le français est en péril, et que des mesures doivent être prises pour freiner son déclin.
Merci, madame Ashton. Vous avez pris presque trois minutes pour poser votre question.
Avant de suspendre momentanément la séance pour accueillir le prochain groupe de témoins, je veux rappeler aux témoins de ce premier groupe de ne pas hésiter à nous faire parvenir toute information supplémentaire qu'ils voudraient nous communiquer. Ils pourraient par exemple nous fournir des réponses à l'excellente question que vient de poser Mme Ashton, entre autres.
Monsieur Foucher, je sais que vous n'êtes plus membre du Barreau et que vous ne pouvez donc pas nous donner d'avis juridique. Cependant, vous pouvez peut-être nous guider à travers la carte juridique, qu'il s'agisse de faits ou d'arguments logiques qui ne constituent pas une opinion juridique. Si vous croyez que l'ajout d'autres commentaires pourrait aider le Comité à rédiger son rapport, ne vous gênez pas pour nous les faire parvenir.
Messieurs les témoins, je vous remercie de votre présence. Vos témoignages étaient vraiment intéressants. Cela va certainement nous aider pour la rédaction de notre rapport.
Je suspends momentanément la séance pour accueillir le prochain groupe de témoins.
Nous reprenons maintenant la séance.
Nous revenons à notre étude sur le continuum d'éducation dans la langue de la minorité et nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins.
Nous recevons Mme Stephanie Hickey, enseignante, à titre personnel, et Mme Nicole Nicolas, directrice de l'école communautaire la Voie du Nord. Toutes les deux participent par vidéoconférence.
Mesdames, j'imagine que c'est la première fois que vous témoignez au Comité permanent des langues officielles. J'espère que vous n'êtes pas nerveuses, parce que vous êtes ici entre bonnes mains. C'est le meilleur comité de la Colline du Parlement et nous avons des membres extraordinaires.
Nous allons vous laisser chacune cinq minutes pour vous présenter ou pour nous entretenir de ce que vous voulez nous dire. Je suis très sévère pour ce qui est du temps. Ne soyez pas insultée si je dois vous couper la parole au bout de cinq minutes. Vous pourrez continuer vos interventions, au fur et à mesure que des questions vous seront posées en cours de route.
Madame Hickey, nous commençons par vous et je vous cède la parole pour cinq minutes fermes.
Monsieur le président, membres du Comité, premièrement, je tiens à vous remercier de m'accueillir comme témoin. Je suis un peu stressée, alors je vais m'appuyer sur les notes que j'ai devant moi.
Je m'appelle Stephanie Hickey et je suis enseignante, mais, avant tout, je suis mère de quatre enfants franco-manitobains. J'habite à Thompson, au Manitoba, depuis près de trois ans. C'est ma deuxième tournée à Thompson, car la carrière de mon conjoint nous amène à voyager pas mal dans le pays. Une des choses que nous recherchons avant de nous installer quelque part, ce sont des services préscolaires et scolaires en français pour que nos enfants bénéficient d'une immersion en français. C'est super important. Nous sommes tous les deux des francophones de l'Est du pays, mais l'Ouest canadien est notre chez-nous maintenant.
Le premier point que je vais soulever concerne l'éducation préscolaire. J'ai un enfant au préscolaire et, chaque fois que nous déménageons, nous avons beaucoup de difficulté à trouver une garderie ou un centre d'apprentissage en français, ce qui est très important pour nous. Nous sommes chanceux, car, depuis 2018, il y a une garderie francophone à Thompson, la garderie Les Louveteaux, qui est attachée à notre belle école, La Voie du Nord. Il n'est pas toujours facile d'y avoir une place, car les places sont très limitées. C'est dû à plusieurs facteurs, dont la pénurie de main-d'œuvre, bien sûr. Il est très difficile de trouver des employés francophones certifiés.
J'ai aussi fait partie du comité administratif de la garderie pendant un an. Nous avions perdu la direction de la garderie, qui s'est retrouvée entre les mains de notre comité parental, composé de bénévoles qui travaillent du lundi au vendredi et qui, ensuite, sont responsables des ressources humaines, des embauches, des entrevues et des finances d'une garderie. Ça a été très difficile, et j'ai été là seulement un an. La situation a duré pendant plus de deux ans. C'est quelque chose que les parents avaient mis sur pied, mais nous avons dû déléguer la gestion de la garderie à la Fédération des parents de la francophonie manitobaine, qui en est maintenant responsable.
La situation demeure précaire, parce qu'il y a eu beaucoup de changements de personnel. Il y a des employés qui partent. Quand j'étais là, nous avons dû embaucher une directrice anglophone et plusieurs employés anglophones. Sinon, nous risquions de fermer nos portes et de perdre notre service de garde. Peu à peu, nous voyons des améliorations. On a finalement ouvert la pouponnière ce mois-ci, après deux ans et demi. J'ai oublié de mentionner qu'il y a 16 enfants au niveau préscolaire et 4 enfants à la pouponnière, présentement. L'équipe de la garderie compte maintenant six employés, dont cinq francophones. On a donc réussi à trouver plus de main-d'œuvre francophone, mais il y a quand même un renouvellement constant. Ce n'est jamais stable et on sait qu'on risque toujours de perdre des employés. De plus, seulement deux de ces employés sont certifiés, une francophone et une anglophone.
Une des choses que je veux mentionner, c'est que la formation virtuelle est la seule façon pour les employés de la garderie d'être formés en français. Parfois, ça peut être difficile, puisqu'ils doivent travailler et remplir d'autres obligations.
J'ai probablement oublié de mentionner des choses, mais je veux juste dire ce qui suit. En tant qu'enseignante, je vois les enfants qui quittent la garderie et qui arrivent ici, à la maternelle. Malheureusement, nous n'avons pas de programme de prématernelle. Je souhaiterais que nous ayons les fonds nécessaires pour en avoir un, car ça permet de renforcer les compétences linguistiques des enfants avant qu'ils arrivent à la maternelle. Présentement, comme un des témoins l'a dit plus tôt, un grand pourcentage des enfants qui arrivent à la maternelle ne comprennent pas et ne parlent pas la langue. Alors, à la maternelle, nous passons beaucoup de temps à leur enseigner la langue. Avant la première année, ils ne sont pas prêts à faire des apprentissages avancés en littératie et en numéracie, parce qu'ils passent tellement de temps à apprendre la langue.
En conclusion, j'aimerais simplement dire, en tant que mère de famille, que ça a un effet important sur les familles.
Merci, monsieur le président.
Chers membres du Comité, je tiens à vous remercier pour cette invitation à comparaître devant vous afin de porter à votre attention les défis actuels de l'éducation en français langue première, dans un milieu de langue officielle en situation minoritaire.
D'entrée de jeu, Thompson est une communauté du Nord du Manitoba située à environ 760 km de la ville de Winnipeg, ce qui représente un voyage d'environ huit heures en voiture et d'une heure et demie en avion.
Cette année, l'École communautaire La Voie du Nord accueille 106 élèves de la ville de Thompson ainsi qu'un élève de la communauté de Paint Lake, qui se situe à l'intérieur du parc provincial de Paint Lake. Notre équipe est constituée de 20 personnes: une directrice d'école, une orthopédagogue qui travaille aussi comme conseillère, 10 enseignants, ainsi que 8 membres du personnel de soutien. Dans notre population estudiantine, 77 % de nos élèves viennent de familles exogames, 28 % sont des élèves nouveaux arrivants et 10 % sont des élèves autochtones.
Les parents cherchent à ce que leurs enfants complètent leur parcours scolaire en étant fiers de leur langue et de leur culture franco-manitobaine. Les parents nouveaux arrivants ainsi que les parents n'étant pas des ayants droit cherchent également à ce que leurs enfants puissent s'identifier comme francophones. Ces parents reconnaissent l'importance du bilinguisme au Canada et d'une éducation de haute qualité en français.
Nous devons affronter de multiples défis en tant qu'école francophone située dans le Nord du Manitoba, dans une communauté de langue officielle en situation minoritaire.
Le recrutement et la rétention d'enseignants francophones qui désirent travailler dans le Nord sont nos plus grands défis. Cela a un effet direct sur l'apprentissage des élèves ainsi que sur l'épanouissement des membres du personnel. Par exemple, l'année dernière, en raison d'un manque d'enseignants, 30 % de mon temps a été consacré à l'enseignement; ce fut la même chose pour notre orthopédagogue-conseillère. Par conséquent, les élèves n'ont pas toujours reçu les interventions nécessaires pour cheminer dans leur parcours scolaire, et les enseignants n'ont pas toujours reçu le soutien et la rétroaction nécessaires pour s'épanouir professionnellement afin de bien répondre aux besoins des élèves, surtout ceux à besoins particuliers. En raison de cette charge de travail supplémentaire, le personnel n'a pas toujours pu me consulter ni recevoir mon soutien.
Il est également important de noter que les moments précieux de collaboration pour les enseignants, qui surviennent pendant la journée scolaire et qui visent à donner du perfectionnement professionnel à nos enseignants, ont rarement eu lieu pour ces mêmes raisons. Ces moments de collaboration sont précieux et importants; ils nous permettent de nous rencontrer en équipe de communauté d'apprentissage professionnelle, de faire de la lecture professionnelle, de revoir nos connaissances en littératie et en numéracie et de modéliser les pratiques gagnantes en enseignement.
À l'heure actuelle, si un enseignant tombe malade et quitte en congé de maladie prolongé ou si une enseignante prend un congé de maternité, nous n'avons personne pour les remplacer.
De plus, nous devons surmonter un grand défi, celui de soutenir et de mentorer les enseignants nouveaux arrivants qui n'ont vécu aucune expérience du système d'éducation canadien. Ces enseignants se retrouvent dans des salles de classe comme enseignants titulaires alors qu'il y a des différences importantes entre notre système d'éducation et celui qu'ils ont connu. Par exemple, l'inclusion, la différenciation pédagogique, les adaptations et la modification sont des approches qu'ils ne connaissent pas nécessairement. De plus, la presque majorité de ces enseignants ne sont pas aptes à enseigner l'anglais à partir de la quatrième année. Cette année, en raison de la pénurie d'enseignants, nous avons deux personnes qui ont un brevet limité leur permettant d'enseigner, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas suivi les cours universitaires requis pour enseigner.
Par conséquent, nos élèves risquent de ne pas terminer leur année scolaire au niveau attendu de nos programmes d'études. Si cette situation alarmante continue à se produire, nos enfants risquent de ne pas recevoir l'éducation qu'ils méritent et à laquelle s'attendent leurs parents. Ces enfants ont besoin de cette éducation pour poursuivre des études postsecondaires qui sont nécessaires pour occuper des emplois dans les domaines de la santé, des technologies, des sciences, des mathématiques et de l'éducation, bien sûr.
En terminant, je tiens à vous remercier de l'attention que vous porterez à ces défis de l'éducation dans le Nord et dans une communauté de langue officielle en situation minoritaire. Je vous remercie également de votre travail sur ce dossier important de l'éducation de nos enfants et de nos jeunes Franco-Manitobains et Canadiens.
Merci, madame Nicolas.
Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions, pour lequel chaque formation politique dispose de six minutes.
Passons à la francophonie de l'Ouest canadien et au Parti conservateur: monsieur Dalton, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Mesdames Nicolas et Hickey, je vous remercie de vos témoignages, que j'apprécie. Parfois, les représentants des milieux scolaires font des témoignages beaucoup plus généraux, mais, dans ce cas-ci, vous avez mis l'accent sur les plus petites communautés. C'est très important.
Madame Nicolas, le nombre d'élèves dans votre école est-il stable? Y a-t-il un problème sur le plan du recrutement? Vous avez parlé des nouveaux arrivants. Comment est-ce que ça va sur le plan des étudiants?
En fait, la population étudiante augmente dans notre école. Il y a trois ou quatre ans, il y avait 77 élèves, mais il y en a maintenant 106. Dans notre division scolaire, notre école est une de celles dont le nombre d'élèves augmente le plus rapidement.
C'est excellent, toutes mes félicitations.
Je pense qu'il y a une ou deux écoles d'immersion dans votre région. Avez-vous des partenariats avec elles, que ce soit sur le plan de la suppléance ou des ressources?
Non, nous n'en avons pas en ce moment.
Nous travaillons dans deux divisions scolaires différentes. Cependant, l'organisme EFM, soit les éducatrices et éducateurs francophones du Manitoba, ainsi que les enseignants de la Division scolaire franco-manitobaine et les divisions scolaires anglophones qui offrent des programmes d'immersion travaillent ensemble et ont accès à des bourses pour certaines activités.
En fait, nous avons un peu discuté avec une école d'immersion au sujet d'activités que nous pourrions offrir ensemble, mais sans aller plus loin pour l'instant.
Personnellement, j'ai eu une autre carrière. En effet, j'ai déjà enseigné aux niveaux élémentaire et secondaire.
Vous avez un peu parlé des liens, mais parlez-nous un peu du développement professionnel. Cela se fait-il plutôt en ligne? Faut-il payer pour aller à Winnipeg ou ailleurs? Est-ce quelque chose qui pourrait être fait à Thompson, avec les autres écoles d'immersion? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
En fait, je n'ai vraiment jamais réfléchi à la possibilité de faire du perfectionnement professionnel avec l'autre école d'immersion.
La collègue qui m'accompagne, Mme Hickey, est orthopédagogue et conseillère à Thompson. Notre expérience, c'est les services aux élèves. De notre côté, nous offrons beaucoup de formation et de mentorat aux enseignants. Pour la formation professionnelle, nous devons nous déplacer à Winnipeg pour rencontrer nos collègues de la Division scolaire franco-manitobaine, ce qui entraîne des coûts extraordinaires.
Même si j'ai déjà enseigné dans une école publique, je sais qu'on donnait parfois l'occasion à des écoles privées d'en bénéficier.
J'aimerais que vous nous parliez du recrutement. Par exemple, la santé relève des provinces. Au Canada, il y a 20 000 médecins et 30 000 infirmiers ou infirmières qui ne peuvent pas pratiquer, à cause de tous les problèmes de qualification. Pour l'éducation, à Thompson, y a-t-il beaucoup de nouveaux arrivants qui sont qualifiés, mais qui ne peuvent pas enseigner parce que leur diplôme n'est pas reconnu?
Merci, c'est une bonne question, mais je ne peux pas y répondre parce que je n'ai pas de données à ce sujet. Par contre, je peux vous donner un exemple. Nous avions, à l'école, un concierge travaillant en soirée. Il m'a mentionné un jour qu'il était directeur d'école dans son pays d'origine, mais qu'il travaillait maintenant comme concierge.
Merci.
Madame Hickey, je vous félicite de vos efforts, de votre passion et de votre vision pour l'apprentissage des étudiants.
Nous avons parlé de l'augmentation du nombre d'étudiants dans les écoles. Est-ce que la demande augmente aussi dans les garderies pour la petite enfance?
C'est une excellente question, monsieur Dalton.
Excusez-moi d'interrompre la conversation, madame Hickey, mais M. Dalton a la même horloge que moi, et son temps est écoulé. Vous aurez le temps de préciser votre pensée, peut-être en réponse aux prochaines questions.
Nous poursuivons avec la formation libérale: monsieur Serré, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos deux témoins, Mmes Hickey et Nicolas.
C'est vraiment intéressant parce que votre perspective locale fait beaucoup penser à celle des écoles du nord de l'Ontario, dans les régions rurales. Vous n'êtes pas seules et je vous remercie de votre courage et de votre persévérance dans le maintien de l'éducation en français en situation minoritaire.
Avant de parler un peu plus de la pénurie des transports, j'aimerais vous demander si vous êtes au courant du plan d'action du gouvernement fédéral. J'aimerais avoir une idée des fonds que vous avez reçus des différents programmes du gouvernement fédéral pour vous aider.
Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. C'est plutôt notre division scolaire qui aurait ces informations.
D'accord, j'y ai pensé, mais je voulais simplement savoir si vous aviez cette information. Vous n'êtes pas nécessairement au fait, non plus, des fonds alloués par la province du Manitoba.
Madame Nicolas, en ce qui concerne les facultés d'éducation au Manitoba, il a été mentionné tout à l'heure qu'il y a une grande pénurie d'enseignants et de places en faculté d'enseignement en Ontario. Êtes-vous au courant de la formation en enseignement offerte au Manitoba? À Winnipeg, par exemple, combien y a-t-il de places pour des enseignants francophones? Le savez-vous?
Je ne suis pas exactement au courant du nombre de places, mais je sais qu'il y a eu une augmentation de ce nombre dans la faculté d'éducation à l'Université de Saint‑Boniface, à Winnipeg.
Je crois que vous parlez du programme pour le préscolaire.
Présentement, ce sont des cours de niveau collégial pour la petite enfance. À Thompson, nous avons l'UCN, soit l'University College of the North, mais le programme est offert en anglais. C'est justement à cet endroit que nous avions recruté la directrice anglophone pour nous appuyer avec notre garderie. Sinon, la formation est offerte de façon virtuelle, et, comme c'est à distance, je n'ai pas tellement d'information. Je sais qu'il existe différents établissements universitaires ou collégiaux qui pourraient, j'imagine, offrir le programme pour la petite enfance en français.
Madame Nicolas, avez-vous des statistiques concernant la durée des trajets de transport scolaire? Vous avez mentionné que vous êtes passés de 77 à 106 élèves. Y a-t-il eu une étude pour évaluer si, en ajoutant une autre école ou en réduisant la durée des trajets, on pourrait augmenter le nombre d'élèves?
Pas à ma connaissance. Par contre, on parle déjà de rénovations, d'un ajout à notre école en raison de l'augmentation de notre population.
Je vous conseille de travailler par l'entremise de votre conseil scolaire afin de vous assurer que la province soumettra des propositions au gouvernement fédéral, car des annonces ont été faites dans le nord de l'Ontario pour aider les écoles comme la vôtre afin de favoriser l'éducation de la petite enfance.
Nous avons parlé avec un autre témoin de l'immersion en français. En Ontario, l'opportunité de financer les écoles d'immersion par opposition aux écoles catholiques ou publiques constitue un sujet un peu délicat.
Madame Nicolas, y a-t-il des élèves qui sont plus ou moins en immersion, mais qui pourraient fréquenter votre école? Avez-vous analysé cet élément?
Dans notre région, ici, à Thompson, ce qui se passe, c'est qu'après la huitième année, les élèves se retrouvent souvent à l'école anglophone, en raison d'un choix plus important de programmes. Je ne veux pas nécessairement appeler cela une tradition. C'est pour cette raison que nous voulons travailler avec notre division scolaire pour assurer que nos jeunes, de la petite enfance jusqu'au cycle intermédiaire, demeurent avec nous aussi tout au long de leur parcours au secondaire.
Madame Hickey, en petite enfance, l'enseignement préscolaire est tellement important pour aider des écoles comme celle où travaille Mme Nicolas.
Que pourrait faire le fédéral ou la province pour vous aider à aller chercher un plus grand nombre d'élèves? Avez-vous une liste d'attente? De quelles ressources avez-vous besoin pour recruter plus d'élèves?
Nous avons toujours une liste d'attente. Comme je l'ai mentionné tantôt, je ne fais plus partie du conseil d'administration depuis novembre 2023. J'ai délaissé cela. Toutefois, la liste d'attente était interminable. À un moment donné, nous n'avons pas été en mesure d'accepter qui que ce soit pendant presque un an. La demande est là, mais le service n'est pas là tout le temps, et c'est ce qui pose problème. Nous manquons de main-d'œuvre. Nous devons attirer des gens.
Malgré le fait que nous sommes dans un petit centre urbain, dans le Nord du Manitoba, nous sommes dans une région très éloignée. Parfois, les gens nous voient comme si nous venions d'une autre région, parce que nous nous trouvons très loin des grands centres. Il est donc très difficile d'attirer des gens pour venir travailler dans le domaine de la petite enfance, même dans nos écoles. Donc, c'est très…
Merci beaucoup, madame Hickey.
Merci, monsieur Serré.
Les prochaines questions viendront du Bloc québécois: monsieur Beaulieu, vous avez la parole.
Mesdames, je vous remercie de votre présence. Vos témoignages portent davantage sur la vie locale, et c'est intéressant.
Madame Hickey, vous dites que beaucoup d'employés quittent. Qu'est-ce qui explique ces départs? Est-ce en raison de salaires insuffisants? Que se passe-t-il?
En fait, c'est juste une opinion que j'exprimais.
Je suis arrivée à Thompson en 2010, au début de ma carrière. Mon mari et moi avons commencé notre carrière ici. Nous avons dû changer de région, puisque mon mari a un emploi pour lequel il est appelé à voyager partout au pays. Thompson est justement une région où il y a vraiment beaucoup de gens en transit: ils viennent dans la région pour commencer leur carrière pour des employeurs, des compagnies, pendant quelques années, puis ils quittent la région. C'est la réalité de notre région.
Concernant l'Accord entre le Canada et le Manitoba sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants à l'échelle du Canada — 2021 à 2026, on nous dit qu'il comporte des dispositions sur les services de garde.
Avez-vous tiré profit de ces dispositions? Croyez-vous que ça a une incidence sur plusieurs garderies comme la garderie Les Louveteaux?
L'Accord entre le Canada et le Manitoba sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants à l'échelle du Canada — 2021 à 2026 comporte des dispositions sur le français. Êtes-vous au courant si une nouvelle enveloppe, de l'argent supplémentaire a été prévu pour vos services de garde?
Je ne suis pas au courant, présentement. Comme je l'ai mentionné, la gestion de la garderie est maintenant confiée à une fédération. Je suis désolée. Je n'ai pas de réponse pour vous.
Au fond, s'il y avait plus de financement, est-ce que ça vous permettrait de recruter plus facilement davantage de professeurs et de les garder?
Encore une fois, il s'agit de mon opinion. Il serait très intéressant de voir les données et de savoir combien de nos élèves au secondaire veulent se diriger vers le domaine de l'éducation.
Ici, à Thompson, nous avons un petit groupe de sept élèves au secondaire, mais aucun de ces sept élèves n'a d'intérêt pour l'enseignement. Ici, dans la Division scolaire franco-manitobaine, nous cherchons à ce qu'un certain pourcentage de nos élèves deviennent des enseignants, parce que c'est ce qui est important. Toutefois, je pense que de moins en moins d'élèves sont intéressés à entrer dans le domaine de l'enseignement, ce qui est représente un gros défi et une très grande inquiétude.
Y a-t-il un établissement, au Manitoba ou dans les environs, où peuvent étudier ceux qui choisissent le domaine de l'éducation?
Oui, il y a l'Université de Saint‑Boniface, à Winnipeg. Je crois que c'est la seule université francophone dans l'Ouest du Canada. Cette université offre un très bon programme d'éducation.
En matière de statistiques, je vois que la proportion de la population parlant le français à la maison au Manitoba était de 4 % en 1971, mais de 1,3 % en 2021. Il y a donc eu un réel déclin du français. Ce déclin est-il perceptible autour de vous?
Oui, absolument. Nous l'observons dans notre école, où la majorité des élèves viennent de familles exogames. Il y a une expression qui dit que l'anglais s'attrape aussi facilement que la grippe. Nous ne craignons pas que les élèves n'apprennent pas l'anglais, car l'anglais est partout autour de nous. Nous craignons plutôt qu'ils n'acquièrent pas la base et des habiletés de communication orale suffisantes en français.
Oui, tout à fait. Quand nous allions à l'école, on nous disait des choses. C'était moins le cas pour ma génération, parce que nous éprouvions une certaine fierté du fait d'être francophones. Cela dit, il faut se garder de rappeler sans arrêt aux élèves de parler français. Nous nous efforçons de travailler avec les enseignants et de leur faire comprendre qu'on apprend une langue et qu'on s'identifie à une culture en s'amusant. S'amuser en français pour que les élèves puissent acquérir la fierté de la francophonie est vraiment ce que nous visons.
Merci. Quand on regarde les chiffres, qu'on constate le sous-financement et tout le reste, il est vraiment difficile d'être optimiste. Or, on n'entend pas vraiment de signal d'alarme provenant de l'Ouest du pays, à part celui que vous nous faites entendre aujourd'hui.
Des choses se sont passées du côté des gouvernements provinciaux. Au Manitoba, il y a eu des lois anti-français. Ce n'est donc pas un hasard si le français a décliné à ce point, surtout avant les années 1970. Pourtant, c'est comme si on n'admettait aucunement les torts causés ou qu'on ne manifestait pas de volonté réelle de les réparer.
Merci, monsieur Beaulieu. Vous avez amplement dépassé votre limite de temps.
Madame Ashton, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup.
Je veux d'abord dire quelque chose à mes collègues autour de la table. C'est peut-être assez évident, mais Mme Nicolas, Mme Hickey et moi-même sommes toutes les trois de la même communauté. C'est grâce à elles que mes enfants et les 106 enfants dont vous avez entendu parler peuvent vivre en français et apprendre le français dans notre communauté. Je veux donc les remercier de leur travail acharné. La situation n'est pas facile du tout.
Madame Hickey et madame Nicolas, je veux aussi vous remercier de parler avec honnêteté des défis auxquels vous êtes confrontées et de ceux qui touchent nos écoles dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Avant d'aborder le niveau scolaire, je veux vous poser une question sur le niveau préscolaire, dont j'ai beaucoup parlé à ce comité.
Pour ce qui est de ma famille, nous avons longtemps été inscrits sur une liste d'attente, mais nous n'avons jamais pu accéder aux services de garde à cause de la pénurie de main-d'œuvre. Je me rappelle que la directrice m'en avait parlé, à l'époque.
Madame Hickey, pouvez-vous nous parler de la liste d'attente des familles qui veulent inscrire leurs enfants à la garderie? Le message qu'on doit entendre est-il que, dans nos communautés, de nombreuses familles veulent accéder à ces services?
Oui, il y a beaucoup de familles qui veulent inscrire leurs enfants au préscolaire en français. Souvent, ce sont les petits frères ou les petites sœurs d'enfants qui fréquentent déjà nos écoles, et leurs parents veulent qu'ils apprennent la langue pour qu'ils soient prêts à commencer la maternelle. J'en vois beaucoup lorsque je vais à la garderie, mais je sais que la liste d'attente est très longue et qu'il y en a beaucoup plus. Je n'ai pas les données, mais il y a continuellement un besoin pour ces services. Comme ça n'a pas toujours été le cas, mais seulement depuis 2018, et compte tenu des interruptions importantes liées aux services qu'on pouvait donner à la pouponnière, cette demande va se maintenir.
Les gens finissent par essayer de trouver une place dans une garderie anglophone, ce qui a un effet important sur la langue. Par exemple, ma première enfant n'a pas bénéficié de services de garde francophone. Pendant trois ans et demi, ma fille a donc reçu des services de garde anglophones. Sur le plan du développement social, avec les petits amis, tout se déroulait en anglais. C'est la seule de mes quatre enfants qui n'a pas eu accès à des services préscolaires en français, et c'est la seule qui continue d'éprouver des difficultés en français. Elle veut toujours passer à l'anglais, parce que c'est la langue sociale qu'elle a apprise en premier.
La liste d'attente pour ces services est longue et ça me fait de la peine que nous ne puissions pas les offrir à toutes les familles qui en ont besoin ou qui veulent en bénéficier.
Merci de nous avoir fait part de cela. Cela nous touche tous personnellement.
Vous avez parlé de l'accès à la formation et du fait que le programme, chez nous, par exemple, est en anglais. Serait-il utile d'utiliser des fonds fédéraux pour offrir de la formation à distance en français, ainsi que des incitatifs salariaux? On sait que ceux qui travaillent dans le domaine de la petite enfance ne sont pas bien rémunérés pour le travail qu'ils font. Faudrait-il agir à ce sujet, particulièrement en investissant des fonds fédéraux dans le domaine de la petite enfance?
Oui, absolument. Nous sommes en concurrence avec les grands centres urbains pour la même main-d'œuvre. Si on suit un cours dans un établissement francophone à Winnipeg, il est plus facile d'y demeurer, puisqu'on est déjà là. Si on habite ici, dans le Nord, et qu'on doit se déplacer, c'est un coût qui s'ajoute au coût de la vie. Ça a donc des conséquences financières. Alors, si on pouvait mieux rémunérer la main-d'oeuvre pour l'attirer ici, ça aurait un effet important.
Merci.
Il me reste peu de temps, madame Nicolas, mais j'aimerais vous demander si vous avez des commentaires à faire sur les services à la petite enfance à titre de lien important facilitant l'entrée à l'école, ainsi que sur les améliorations qu'il faudrait y apporter.
Les cinq premières années de la vie d'un enfant sont très importantes. Si on va chercher les francophones et ceux et celles qui veulent fréquenter une école francophone plus tôt que tard, ça a un effet marqué sur leur cheminement scolaire et social. Le préscolaire est donc presque essentiel dans les milieux minoritaires.
Merci beaucoup.
Monsieur le président, je pense qu'il ne me reste plus de temps. Je poursuivrai mes questions pour Mme Nicolas au deuxième tour. Merci.
Mesdames, je vous remercie d'avoir accepté l'invitation du Comité. J'imagine que c'est Mme Ashton qui vous a proposées comme témoins, évidemment.
Je suis allé voir où se trouvait la ville de Thompson sur Google Maps, car, sincèrement, je ne le savais pas. Dans ma circonscription, quand un rang est un peu loin, je dis qu'il est perdu dans le désert. Vous, vous êtes perdues dans le Grand Nord, c'est le cas de le dire. Toutefois, vous n'êtes pas vraiment perdues, finalement. Vous avez décidé d'aller habiter là-bas, dans une petite communauté. J'imagine que c'est un choix que vous avez fait.
Quelle est la population de Thompson? J'imagine que Mme Ashton pourrait me répondre, mais vous pouvez me répondre aussi. J'imagine que ce n'est pas une grande communauté, selon ce que j'ai pu voir.
Mme Ashton pourrait peut-être répondre à cette question. Personnellement, je ne serais pas en mesure d'y répondre.
En fait, non. Par contre, il faut se poser des questions sur la qualité de ces données. Je pense que Mme Nicolas a beaucoup parlé des nouveaux arrivants, qui comptent un grand pourcentage de francophones.
J'imagine que l'existence de ces communautés dans le Nord est due à la présence de certaines entreprises privées. Ces dernières contribuent-elles à la question de l'enseignement, particulièrement l'enseignement en français? Par exemple, pour les services de garderie, vous sentez-vous appuyées par ces entreprises, que je ne connais pas par ailleurs? Sentez-vous la présence de ces entreprises dans le monde éducationnel?
Je commence à connaître la ville de Thompson. Saviez-vous que cette ville est l'une des seules qui doivent leur développement à l'industrie minière?
Je sais que la mine Vale cherche à recruter nos élèves. Cette mine est le plus grand employeur de Thompson. Ses dirigeants sont très contents que nous soyons nombreux à participer beaucoup à ses séances d'information sur les métiers. Cette mine a certainement une incidence sur nos élèves, parce qu'ils savent qu'elle offre beaucoup de possibilités d'emploi.
Thompson est reconnue comme étant la plaque tournante du Nord. Des membres de toutes les autres communautés du Nord se retrouvent à Thompson pour y profiter de soins de santé, y magasiner, et ainsi de suite.
Madame Hickey, vous dites être en quelque sorte de passage à Thompson, parce que vous n'y êtes pas née, mais vous y habitez avec votre famille. J'imagine que votre mari travaille pour la mine Vale ou autour d'elle, ou serait-il plutôt médecin?
C'est pour ça qu'il est appelé à voyager partout au Canada, ce qui a évidemment des répercussions sur votre vie familiale.
Vous avez parlé des services à la petite enfance dans le cadre du continuum en éducation. Je comprends que, dans de petites communautés ou des communautés éloignées comme Thompson, c'est le fait de pouvoir accéder à de tels services qui peuvent lancer tout le système d'éducation de l'enfant dans la francophonie.
Vous avez toutes les deux parlé de l'arrivée de personnes de l'extérieur ou, en fait, d'immigrants. Y a-t-il beaucoup d'immigrants francophones qui viennent travailler chez vous, pas nécessairement dans le domaine de l'éducation, mais dans le milieu en général?
Dans le milieu de Thompson, et par « milieu » j'entends la ville ou le comté, pensez-vous que la région s'investit aussi dans la promotion de Thompson comme étant un endroit où les francophones pourraient s'installer?
Merci, madame Nicolas. Vous savez respecter le temps, contrairement à mon collègue M. Généreux. Il disposait de cinq minutes et le chronomètre indique qu'il a pris douze secondes de plus.
Madame Koutrakis, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais continuer à mieux comprendre le sujet de la pénurie de main-d'œuvre. Qu'est-ce qui distingue la formation des futures éducatrices de la petite enfance qui travailleront dans une communauté de langue minoritaire de celle qui est offerte aux éducatrices destinées à travailler dans les institutions où la langue est celle de la majorité?
Madame Hickey, je vais vous laisser répondre d'abord à la question, et j'ajouterai mes commentaires par la suite.
Si je comprends bien, vous voulez savoir quelle est la différence entre la formation des éducatrices et des éducateurs francophones qui vont travailler dans un milieu minoritaire et celle qui est offerte aux éducateurs et éducatrices qui vont travailler dans un établissement de la majorité.
D'une part, il y a la langue, évidemment. D'autre part, il y a la culture. Les chansons, les comptines et toutes les choses qui rendent la francophonie vivante feraient partie de la formation de la personne qui suit le programme francophone.
J'espère que ça répond bien à votre question.
Je n'ai peut-être pas bien compris la question, mais une des grandes différences est l'accès au postsecondaire en français. Ici, à Thompson et dans le Nord, on n'a pas accès au postsecondaire en présentiel. S'il y a des possibilités d'accès, ce serait en mode virtuel, mais je crois qu'il n'y en a pas beaucoup. Si les gens veulent suivre une formation, ils doivent donc aller à Winnipeg.
Premièrement, les enfants, les jeunes et la francophonie manitobaine me tiennent à cœur. Il n'a pas toujours été facile d'être francophone au Manitoba. Beaucoup de membres de ma famille sont devenus anglophones, en raison de la société en général. À un moment donné, il n'était pas légal d'enseigner en français; ceux qui parlaient français ne faisaient vraiment pas partie de la société. L'épanouissement de nos jeunes en français me tient vraiment à cœur. D'ailleurs, j'ai deux enfants qui sont maintenant des adultes. Ma fille a fréquenté l'Université de Saint‑Boniface, à Winnipeg, où elle a fait un baccalauréat en sciences. Ensuite, elle a choisi d'étudier à Ottawa, parce que c'est là qu'on offrait un programme de médecine en français. Elle est maintenant médecin, et elle est fière d'avoir pu suivre sa formation en français.
Deuxièmement, il me tient à cœur que, nous, les francophones, ayons les mêmes possibilités que nos collègues ou les jeunes anglophones, mais ce n'est pas le cas en ce moment. Il y a beaucoup plus de possibilités pour les enfants et les jeunes anglophones que pour les francophones. Nous le ressentons dans toute la province. Je ne peux pas dire que nous le sentons juste dans le Nord de la province, bien que ce soit plus flagrant. Ça a un impact chez nous aussi. Comme je l'ai mentionné, souvent, nos élèves du secondaire veulent fréquenter l'école anglophone, à Thompson, parce qu'ils vont ainsi avoir accès à plusieurs autres programmes, notamment la musique ou les métiers.
Ce sera difficile de répondre après ce que Mme Nicolas vient de dire. Pour moi, il était important de témoigner devant le Comité pour des raisons personnelles et professionnelles.
Sur le plan personnel, j'ai un peu tenu pour acquise mon enfance en français. Je viens d'une région où il y avait un meilleur équilibre. Je viens d'une famille exogame, mais j'ai eu la possibilité de faire toute mon éducation en français. Je veux que mes enfants aient cette même possibilité. Comme Mme Nicolas vient de le dire, il y a certainement des avantages du côté anglophone, mais je trouve que c'est injuste. Mes enfants devraient avoir les mêmes avantages dans leur langue maternelle.
En ce qui a trait au côté professionnel, comme je travaille avec ces enfants, je suis en mesure de voir à quel point ils accusent un retard s'ils n'ont pas eu la chance de parler le français dès un jeune âge. Leurs camarades anglophones, qui parlent déjà l'anglais, peuvent simplement apprendre et s'épanouir. Ils n'ont pas besoin de travailler aussi fort à aussi apprendre la langue dans laquelle la matière est enseignée. Je ne sais pas si ce que je viens de dire a du sens.
Oui, ça a du sens, madame Hickey. C'était très bien expliqué.
Monsieur Beaulieu, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
Merci, monsieur le président.
Mesdames, on a dit tantôt que beaucoup d'enfants arrivaient à la garderie sans savoir parler français. Est-ce parce qu'ils ne parlent pas français à la maison? Qu'est-ce qui fait qu'ils ne savent pas parler français en arrivant à la garderie?
Je vais tenter de répondre un peu à cette question.
La Division scolaire franco-manitobaine a fait des recherches, mais je ne sais pas si elles sont officielles. À la maison, la famille adopte la langue de la mère et, si la mère est anglophone, l'enfant apprendra l'anglais. Ainsi, lorsque vient le moment d'inscrire leur enfant de cinq ans à l'école française, les parents se rendent compte qu'ils auraient pu l'inscrire à des programmes préscolaires et à des activités en français, le cas échéant. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Oui, de toute façon, ce n'est pas une question facile.
Je pense que le taux d'assimilation et de transfert linguistique vers l'anglais est important, car, selon les dernières données que j'ai vues, il était de près de 60 % au Manitoba. De toute évidence, certains parents ne parlent plus français à la maison, même s'ils sont d'origine francophone.
Pour ce qui est de la vie à l'extérieur de la maison, je suis tombé sur un article qui parlait de vivre sa francophonie à Thompson. La dame qui faisait l'entrevue a dit que c'était possible à condition de se regrouper entre amis francophones, mais qu'une fois sortis de la maison, c'était fini. Est-ce que ça correspond pas mal à votre réalité?
Selon moi, c'est vrai. Quand je vais au magasin ou faire l'épicerie, mon enfant me demande pourquoi on ne lui parle pas en français et pourquoi on ne peut pas faire l'épicerie en français. Cependant, il m'arrive parfois de rencontrer des élèves à qui on a enseigné dans le cadre de l'immersion en français et qui offrent des services en français. Quand ça arrive, mon fils est surpris.
Je pense que, en effet, on parle français le plus souvent à la maison, mais il faudrait le faire davantage à l'extérieur du foyer.
C'est parfait. Merci, monsieur Beaulieu.
Madame Ashton, vous avez la parole pour les deux dernières minutes et demie de ce tour de questions.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux commencer en disant un grand merci à Mmes Nicolas et Hickey. Je pense qu'il est très important d'entendre la voix de personnes en première ligne dans le cadre de cette étude. On a déjà entendu beaucoup de personnes issues de la direction de conseils scolaire, du secteur universitaire et autres. Cependant, il est bien d'entendre les propos de deux personnes sur le terrain. Je sais que Mme Nicolas enseigne parce qu'il y a une pénurie de main-d'œuvre et que Mme Hickey fait tout dans notre école. Je pense que leur contribution est vraiment importante pour cette étude et pour les recommandations que nous voulons mettre de l'avant.
Il me reste peu de temps de parole. Madame Nicolas, vous nous avez clairement indiqué les défis auxquels vous faites face, notamment la pénurie de main-d'œuvre. J'aimerais que vous nous parliez de l'importance de s'assurer que les écoles francophones, dans des milieux minoritaires comme les nôtres et dans d'autres régions rurales et du Nord, ont le soutien financier nécessaire pour embaucher les gens qu'il faut.
Est-ce que ça prend des incitatifs salariaux? Est-ce que ça prend du soutien en matière de logement, parce qu'on sait que, au Nord, le logement est difficile à trouver? On sait qu'il faut agir pour mettre fin au déclin du français. On sait qu'on a besoin d'enseignants. Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer pour financer ce genre d'incitatifs et de soutien pour attirer des enseignants chez nous?
Oui, absolument. Mme Hickey et moi parlions justement de cela. Une des choses qui pourraient améliorer la situation serait d'offrir des bourses aux élèves francophones qui poursuivent des études à la faculté d'éducation. J'irais même plus loin en proposant que leurs deux dernières années d'études en éducation soient payées et qu'en retour, par exemple, ils travaillent trois ans dans un milieu minoritaire. De cette façon, on aurait toujours un bassin d'enseignants dans lequel puiser.
Il faut absolument avoir des programmes qui incitent les futurs enseignants à travailler dans les milieux minoritaires. Souvent, les enseignants fraîchement diplômés veulent travailler en milieu urbain. Les milieux minoritaires cherchent beaucoup à les encourager à venir chez eux. Aussi, à l'Université…
Je vous remercie, mesdames Nicolas et Hickey.
C'est ce qui met fin à la partie publique de la réunion, que nous allons poursuivre à huis clos. Nous avons peu de temps devant nous.
Comme je le dis toujours aux témoins qui viennent nous rencontrer, si vous désirez nous faire parvenir de l'information supplémentaire pour que nous en apprenions davantage sur ces questions et qui pourrait nous aider à rédiger notre rapport, n'hésitez pas à le faire et à l'envoyer à la greffière, qui la fera suivre à tous les membres du Comité.
Je vous remercie vraiment de vous être prêtées à l'exercice. Vous nous avez donné le goût d'aller visiter l'école La Voie du Nord à Thompson. Peut-être que Mme Ashton nous y invitera un jour. Comme le disait un de nos collègues tantôt, nous vous remercions de votre courage et de ne pas abandonner le combat. Nous vous sommes reconnaissants de ce que vous faites pour la francophonie hors Québec.
La séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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