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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 14 février 2022

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.

[Traduction]

    Bienvenue à la séance no 6 du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.

[Français]

    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 25 novembre 2021, et les membres du Comité seront présents en personne ou pare l'application Zoom. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité.

[Traduction]

    En raison de la pandémie actuelle, et à la lumière des recommandations des autorités sanitaires ainsi que de la directive du Bureau de régie interne émise le vendredi 28 janvier 2022 de rester en santé et en sécurité, tous ceux qui assistent à la réunion en personne doivent maintenir une distanciation physique de deux mètres et porter un masque non médical lorsqu'ils circulent dans la salle. Le port du masque en tout temps, même lorsque vous êtes assis, est fortement recommandé. Une hygiène des mains appropriée doit être maintenue en utilisant le désinfectant pour les mains fourni dans la salle.

[Français]

    En tant que président, j'appliquerai ces mesures pendant toute la durée de la réunion et je remercie d'avance les membres de leur coopération.
    Pour ceux qui participent virtuellement, je voudrais énoncer quelques règles à suivre. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Un service d'interprétation sera disponible pour cette réunion. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en informer immédiatement et nous veillerons à ce que l'interprétation soit correctement rétablie avant de reprendre les travaux.
    Pour les députés participant en personne, procédez comme vous le feriez normalement lorsque l'ensemble du Comité se réunit en personne dans une salle de réunion.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer le son de votre micro. Pour ceux qui sont dans la salle, votre micro sera contrôlé comme d'habitude par l'agent ou le technicien chargé des procédures et de la vérification.
    Nous vous rappelons que tous les commentaires des membres du Comité doivent être adressés par l'intermédiaire du président.
    Lorsque vous parlez, merci de parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être mis en sourdine.
    En ce qui concerne la liste des intervenants, la greffière de Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre de parole consolidé pour tous les députés, qu'ils participent virtuellement ou en personne.

[Traduction]

    Si vous éprouvez des difficultés techniques, veuillez m'en aviser. Veuillez prendre note que nous pourrions devoir suspendre la séance pendant quelques minutes car nous devons nous assurer que tous les membres peuvent pleinement participer à la réunion.

[Français]

    Conformément à l'article 108(3)f) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, le Comité reprend son étude des mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Pendant la première heure de la réunion, comparaîtront par vidéoconférence les personnes suivantes: Mme Lily Crist, présidente du conseil d'administration de la Fédération des francophones de la Colombie‑Britannique, M. Robert Laplante, directeur de L'Action nationale, ainsi que Me Mark Power et Me Darius Bossé, avocats de la firme Juristes Power.
    Un temps de parole de cinq minutes au maximum sera accordé pour les allocutions, après quoi, nous procéderons à une période de questions.
    Je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une minute.
    Bienvenue aux témoins de la première heure.
    Madame Crist, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Nous aimerions tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à vous faire part de la situation et des défis auxquels doivent faire face les francophones de la Colombie-Britannique.
    Mesdames et messieurs membres du Comité permanent des langues officielles, nous comptons sur vous pour faire avancer nos droits et soutenir le développement des communautés francophones en situation minoritaire.
    Nous souhaitons vous parler aujourd'hui de la modernisation de la Loi sur les langues officielles à deux niveaux. Au niveau national, nous avons plusieurs priorités en commun avec notre représentation nationale, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, ou FCFA, en ce qui concerne la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Nous suggérons quatre changements primordiaux dans le projet de loi C‑32.
    Premièrement, nous recommandons la désignation d’une seule agence centrale, en l'occurrence le Conseil du Trésor, qui serait responsable de coordonner l'application de la Loi dans l'ensemble de l'appareil fédéral avec l'autorité d'exiger des résultats d'autres institutions gouvernementales.
    Deuxièmement, nous souhaitons obtenir des éclaircissements sur la partie VII de la Loi. Il faudrait clarifier la notion de mesures positives nécessaires pour favoriser l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, notamment en précisant la façon dont les institutions doivent consulter les minorités sur les politiques et les programmes et en ajoutant des clauses linguistiques robustes dans les ententes fédérales-provinciales-territoriales.
    Troisièmement, nous souhaitons voir une obligation, pour le gouvernement, de concevoir une politique en matière d'immigration francophone ayant pour objectif explicite le rétablissement du poids démographique de la francophonie.
    Quatrièmement, nous souhaitons voir la promotion de la prise de sanctions et d'ordonnances par le commissaire aux langues officielles, y compris la capacité d'infliger des amendes en cas d'infractions aux dispositions de la Loi concernant les obligations linguistiques.
    En ce qui concerne la Colombie-Britannique, plus particulièrement, notre demande est liée au recours juridique que nous avions présenté et qui a abouti au jugement de la Cour d'appel fédérale du 28 janvier 2022. Vous trouverez plus de détails dans la lettre ouverte que nous avons publiée vendredi dernier, soit le 11 février 2022.
    Je voudrais aussi parler des ententes de dévolution. Nous sommes en cour depuis une dizaine d'années à cause de ce type d'entente. Ce ne sont pas des ententes traditionnelles quant à l'administration d'un programme ou d'un champ de compétences partagées. La cour a statué que la province était souveraine dans la dévolution en question pour la durée de l'entente. En raison de ce type d'entente, nous perdons systématiquement nos services puisque, en Colombie-Britannique, nous n'avons aucune législation linguistique et aucune politique concernant les services en français. Nous souhaitons que la Loi soit plus spécifique sur ce type d'entente.
    Nous aimerions aussi attirer votre attention sur certains défis qui touchent nos communautés et qui pourraient retenir votre attention. La cible de 4,4 % en immigration francophone n'a pas été atteinte depuis presque 20 ans.
    Il est urgent de mettre en place des mesures de rattrapage et de réparation. Selon un rapport du commissaire aux langues officielles publié en novembre dernier, la non-atteinte de cette cible a entraîné un manque à gagner d'environ 76 000 immigrants d'expression francophone dans nos communautés. Ce chiffre pourrait représenter l'ensemble des francophones de ma province.
    Il vous reste 30 secondes.
    Nous comptons sur votre engagement.
    Je vous remercie.
(1550)
    Je vous remercie, madame Crist.
    Notre prochain intervenant est M. Robert Laplante, directeur de L'Action nationale.
    Monsieur Laplante, nous vous cédons maintenant la parole.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole.
    La revue L'Action nationale existe depuis 105 ans, et c'est la plus ancienne revue du Canada. Elle a été créée pour promouvoir et défendre la langue française partout sur le territoire. Nous sommes toujours restés fidèles à cet énoncé de principe, qui, dès le premier numéro de la revue, a placé la lutte des francophones d'Amérique dans la même aventure. Tous les locuteurs du français d'Amérique sont solidaires.
    Au cours de ces 105 années de travail pendant lesquelles nous avons porté une attention très sérieuse à l'évolution des droits des minorités et à l'évolution de la situation des locuteurs du français sous toutes ses facettes, deux constats nous apparaissent incontournables aujourd'hui.
    Le premier, c'est celui de l'érosion démographique, qui place partout au Canada des locuteurs du français dans une dynamique de minorisation, au Québec comme ailleurs. Cela ne se manifeste pas, bien sûr, de la même manière partout.
     À ce premier constat, qui s'explique par des pressions démographiques et des choix de société, eu égard, notamment, aux politiques d'immigration, aux politiques familiales et aux diverses mesures de soutien au développement des communautés, s'ajoute un autre constat. C'est celui de l'inadéquation du cadre juridique et du cadre constitutionnel, qui sont pourtant les deux instruments les plus puissants pour atténuer les dynamiques de minorisation. Cela est reconnu dans la littérature un peu partout dans le monde.
    La légitimité du français n'est pas encore acquise et les combats épuisants et interminables que mènent non seulement les minorités, mais également les Québécois qui doivent subir une concurrence des langues et une concurrence des différentes instances, témoignent d'un vice fondamental ou d'un vice de conception dans la Loi sur les langues officielles. Il est en effet sociologiquement indéfendable de poser la situation du français au Québec en parfaite symétrie avec la situation de l'anglais au Canada et, de façon corollaire, avec la situation des minorités anglophones et francophones. On ne peut pas les mettre dos à dos. Il n'y a pas deux majorités au Canada, il n'y en a qu'une, et c'est une majorité anglophone dont une partie des contingents vit au Québec.
    Partout, y compris sur le territoire du Québec, le français recule. C'est un signe patent que la Loi sur les langues officielles a raté sa cible et que ses vices de conception ont été aggravés par les interventions d'Ottawa, qui a entraîné une dynamique distordue par son pouvoir de dépenser et par des interventions auprès de la communauté anglophone du Québec et de ses institutions en contribuant au surfinancement des programmes. Je ne vais pas reprendre les chiffres que plusieurs spécialistes ont établis et que le simple bon sens nous rend évidents. On ne peut pas comparer le sort de la minorité anglophone du Québec à n'importe quelle autre minorité francophone du Canada.
    D'une part, ces interventions et ce vice de conception, qui placent les anglophones du Québec dans la même situation que les francophones en situation minoritaire au Canada, ont fait en sorte que les disparités quant au traitement des communautés ont été aggravées. D'autre part, les interventions d'Ottawa ont contribué à financer un privilège pour les anglophones.
(1555)
    Il vous reste 30 secondes.
    C'est un privilège que la minorité anglophone devrait partager.
    Nous pensons qu'il faut redresser la situation, c'est-à-dire cesser le surfinancement et déplacer les ratios financiers vers le traitement équitable des minorités partout au Canada.
    Il faut mettre fin au sous-financement et, pour ce faire, utiliser les ressources que dégagerait la...
    Je vous remercie, monsieur Laplante.
    Je suis désolé de vous interrompre, même si je le fais de la façon la plus polie possible. Il faut que je respecte le temps de parole accordé à tout le monde. Vous pourrez poursuivre vos propos en répondant aux questions qui vous seront posées plus tard.
    Nous passons maintenant à nos prochains intervenants de Juristes Power.
    Maître Power ou Maître Bossé, vous avez la parole.
    Je m'appelle Mark Power et je suis avocat. Je suis accompagné de mon collègue M. Darius Bossé, originaire du Madawaska.
    J'ai grandi à Toronto. Mon nom est anglais, mais ma première langue apprise et toujours comprise est le français. Je suis plus à l'aise en français. Ma mère vient du Nord de l'Ontario, plus précisément de Kapuskasing, et mon père vient de Timmins. La famille de ma mère vient de Shawinigan.
    Nous représentons l'équipe juridique de la Fédération des francophones de la Colombie‑Britannique, ou FFCB. Vous venez d'entendre la présidente, Mme Crist. Nous sommes ici pour dire quelques mots au sujet du jugement rendu par la Cour d'appel fédérale, il y a à peine quelques semaines, à la fin du mois de janvier. L'accent de notre présentation sera vraiment mis sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Il y aurait d'autres choses à dire, mais nous voulons nous en tenir à la partie VII.
    Pour appuyer nos propos et pour alimenter le travail du Comité et de son analyste, nous avons fourni de la documentation. Ceux qui ne sont pas en présentiel l'ont reçu par courriel et ceux qui se trouvent dans la salle de réunion, à Ottawa, ont reçu un cahier d'information. Pour celles et ceux qui ont la version PDF, nous avons inclus des signets pour leur permettre de s'y retrouver dans la documentation. Au tout début, vous retrouverez un petit document de cinq pages, bien sûr en français et en anglais, qui résume nos commentaires sur le jugement de la Cour d'appel fédérale.
    Il y a ensuite cinq signets. Le signet A, c'est le jugement de la Cour d'appel fédérale, que nous avons annoté en partie pour faciliter votre lecture. Certains passages sont surlignés en jaune. Le signet B est un extrait de la version actuelle de la Loi sur les langues officielles. En soulignant et en biffant du texte, nous indiquons l'effet qu'aurait eu le projet de loi C‑32, déposé en juin dernier, s'il avait été adopté tel quel et s'il avait reçu la sanction royale. Les signets C et D sont les projets de loi que vos prédécesseurs ont déjà déposés et examinés. Enfin, le signet E est le projet de loi C‑11, qui est en cours d'étude. Il concerne la radiodiffusion.
    Après 10 ans — il a fallu 10 ans —, la Cour d'appel fédérale a rendu un jugement tout à fait fantastique et favorable à l'avancement du français au Canada. Enfin! Il a permis de clarifier plusieurs choses en ce qui a trait à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, surtout en ce qu'elle touche les ententes fédérales-provinciales, lorsque le gouvernement du Canada décide de se retirer d'un champ de compétence partagé.
    Il y a au moins deux gains majeurs qui ont été réalisés devant la Cour d'appel fédérale et qu'il y a lieu de souligner très rapidement. Ils ont trait à la consultation et aux clauses linguistiques. Je vais commencer par la fin. Ce qui est à retenir, c'est que le projet de loi C‑32 déposé en juin dernier n'est pas bon pour le français hors Québec. Il n'est pas très bon pour le français au Québec et il n'est pas très bon pour les anglophones du Québec. Il y a énormément de travail à faire pour que la réforme de la Loi sur les langues officielles fédérale puisse nous aider à vivre en français, que nous soyons au Québec ou à l'extérieur du Québec.
(1600)
    Il vous reste 40 secondes.
    En matière de consultation, la Cour d'appel fédérale conclut, à la page 69 du signet A, que la consultation est de mise, qu'il faut bien connaître les besoins de la minorité francophone et que c'est une exigence qui découle de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Comment consulter? Qui consulter? Quand consulter? Toutes ces réponses sont inconnues. S'il vous plaît, évitons une autre décennie de litiges — c'est ironique de dire cela en tant qu'avocat — et clarifions la chose dans la prochaine version de la Loi sur les langues officielles.
    La Cour d'appel fédérale exige que le gouvernement du Canada mette en place des clauses linguistiques comme condition à la conclusion de l'entente fédérale-provinciale.
     Je vous remercie, maître Power.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions.
    Nous commençons par notre premier vice-président bien-aimé, M. Godin.
    Monsieur Godin, vous avez la parole.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    En cette journée de la Saint-Valentin, votre commentaire est tout à fait à propos. Je suis heureux de vous voir en chair en os.
    J'aimerais remercier les témoins qui sont parmi nous, soit Mme Crist, M. Bossé, M. Power et M. Laplante.
    Ma première question s'adresse à M. Laplante.
    Monsieur Laplante, vous avez parlé dans votre allocution d'ouverture d'un combat épuisant. Je pense que vous avez raison.
    En ce qui a trait au financement, vous proposez d'éliminer le surfinancement pour les anglophones et d'augmenter le financement pour les francophones.
    J'aimerais que nous parlions de pistes de solution qui vont au-delà de la question financière.
    Nous menons présentement une étude sur la promotion et la protection de la langue française au Québec et dans le reste du Canada.
    Pourriez-vous nous aider à trouver des solutions? Je ne vous demande pas de proposer une vingtaine de mesures. Je vous demanderais plutôt de suggérer trois mesures concrètes qui permettraient de protéger et de promouvoir le français.
    Je suis content de pouvoir répondre à votre question, monsieur Godin.
    La première chose à faire, c'est de donner l'exemple. Cet aspect est particulièrement pertinent dans le contexte actuel.
    Premièrement, il faudrait que le gouvernement fédéral lui-même s'impose une conduite impeccable en matière de respect de l'égalité des langues au Canada. Des nominations récentes et des interventions de ministres ont pratiquement semé la consternation à beaucoup d'endroits, tellement elles semblaient aller à l'encontre des objectifs avoués de la Loi et du gouvernement.
    Deuxièmement, il faudrait mettre fin à cette concurrence des langues, qui est soutenue par des interventions juridiques nourries par une conception erronée des minorités au Québec et au Canada, notamment en matière de législation du travail. Le gouvernement fédéral n'a pas à contester l'aménagement linguistique du gouvernement du Québec ni à mettre en place des mesures de résistance — on ne peut pas les appeler autrement — à l'imposition et au respect des obligations linguistiques dans les entreprises relevant du fédéral.
    Troisièmement, j'aimerais aborder un aspect plus diffus, mais qui est quand même très important, et c'est le respect des compétences, en particulier en matière d'éducation et de santé. Des interventions en matière de promotion de l'usage de l'anglais au Québec font que, dans le domaine de la santé, des dizaines de millions de dollars sont accordés pour littéralement saper l'aire de rayonnement du français.
(1605)
    Monsieur Laplante, je suis malheureusement obligé de vous interrompre.
    Avec tout le respect que je vous dois, je veux poser des questions aux représentants de la firme Juristes Power.
    Je vous remercie, monsieur Laplante. Vous avez fait un bon survol de la situation, et vos réponses me satisfont.
    Je vais exprimer une interrogation que j'ai sur le plan philosophique en ce qui a trait à la mise à jour de la Loi sur les langues officielles.
    J'aimerais avoir les commentaires de Me Bossé ou de Me Power sur le fait que l'on traite les deux langues sur le même pied d'égalité et de façon symétrique. Selon moi, cela constitue un problème. Au Canada, il y a deux langues officielles, mais une seule d'entre elles est en difficulté, et c'est le français.
    Maître Bossé ou maître Power, comment peut-on travailler pour protéger les deux langues, quand le vrai problème, c'est la situation de la langue française?
    Pouvez-vous nous parler de votre perception de la protection et de la promotion de la langue qui est en difficulté?
    La meilleure façon de protéger le français au moyen de la Loi sur les langues officielles, que ce soit à Ottawa, à Vancouver, au Nouveau‑Brunswick, à Québec, à Montréal ou à Lévis, c'est de faire en sorte, une fois pour toutes, qu'une agence centrale, comme le Conseil du Trésor, soit responsable de l'application de la Loi.
    En ce moment, personne n'est responsable. Personne ne met son pied à terre. Au Conseil des ministres, personne ne frappe la table du poing quand c'est nécessaire. Personne n'exige qu'un ministère fédéral quelconque adopte une certaine conduite.
    Si le Conseil du Trésor devient responsable de l'application de la Loi et qu'il contraint ses collègues des ministères à agir, cela va certainement permettre de régler plusieurs problèmes, qu'il s'agisse d'affichage ou de la possibilité de travailler en français partout au Canada, que ce soit à Gatineau ou à Bagotville.
    Je vous demanderais de consulter le cahier d'information, au signet B qui figure à la page 108. On y montre que le projet de loi C‑32 aurait permis au Conseil du Trésor de faire certaines choses pour promouvoir le français, mais qu'il n'exige rien d'important. À la page 109, on indique que, ce qui serait exigé du Conseil du Trésor, ce serait de faire de la surveillance, de la vérification et de l'évaluation, entre autres.
    Il faut plus que cela.
    Je vous remercie, maître Power.
    Nous passons maintenant à Mme Lattanzio, qui est aussi avocate.
    Madame Lattanzio, vous avez la parole.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui. C'est une journée fort importante quant à l'évolution de ce dossier.

[Traduction]

    Je vais adresser mes questions à MM. Power et Bossé.
    Tout d'abord, je vous félicite tous les deux et vos collègues de tout le travail juridique que vous avez fait au fil des ans devant les tribunaux pour qu'ils reconnaissent et défendent les droits de nos communautés linguistiques en situation minoritaire partout au pays.
    J'ai lu avec grand intérêt l'arrêt récent de la Cour d'appel fédérale concernant la FFCB et je me réjouis non seulement du moment où il a été rendu, mais aussi de sa teneur, et plus particulièrement de la partie du jugement qui infirme la décision du juge Gascon.
    D'après votre avis juridique, de quelle façon cette décision récente contribue‑t‑elle ou nuit-elle à l'amendement proposé de la LLO qui se trouve dans — et je vais l'appeler ainsi — l'ancienne version du projet de loi C‑32 qui a été présentée pour la première fois en juin 2021?
(1610)
    La décision nous éclaire grandement sur les importants problèmes avec la Loi sur les langues officielles existante.

[Français]

    Le jugement de la Cour d'appel fédérale montre à quel point l'inaction d'Ottawa, sur le plan législatif, cause des soucis en matière de langues officielles, qu'il s'agisse du français ou de l'anglais.
    Si vous vous reportez à l'onglet C, vous voyez un projet de loi qui remonte à 1977 et qui est mort au Feuilleton. À la page 112, on peut voir que ce projet de loi aurait eu pour effet qu'Ottawa exige que l'argent dirigé vers les provinces soit bel et bien dépensé pour aider les francophones ou pour aider en matière de langues officielles. Le Bloc québécois a d'ailleurs proposé la même chose. Il y a aussi le signet D qui parle du projet de loi de 1997.
    Pouvez-vous, s'il vous plaît, ajouter des détails dans la Loi sur les langues officielles? Ironiquement, en tant qu'avocats, nous avons assez de dossiers, et c'est avec plaisir que nous travaillerons sur d'autres affaires. Toutefois, aidez-nous à protéger la langue et la culture.
    Pour ce faire, il faut que la Loi sur les langues officielles, dont la partie VII, soit beaucoup plus détaillée.
    Vous savez quoi faire. Je vous implore d'agir.
    Maître Power, vous dites qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, puisque le projet de loi C‑32 n'est bon ni pour les francophones à l'extérieur du Québec, ni pour les francophones du Québec, ni pour les anglophones du Québec.
    Devrions-nous édicter de nouveaux règlements, ou encore devrions-nous préciser davantage le texte de la Loi afin de rendre la partie VII plus robuste?
    Selon vous, quelle est la différence entre le fait d'opter pour de nouveaux règlements et le fait de rendre la partie VII plus concrète, plus robuste et plus complète dans la Loi?

[Traduction]

    Nous avons besoin d'une loi. Nous n'avons pas besoin d'un règlement.

[Français]

    Il faut des règlements. Le gouvernement nous avait promis des règlements en 1988, quand vos prédécesseurs ont adopté la Loi sur les langues officielles actuelle. Or il n'en existe qu'un seul et il n'a été révisé qu'une seule fois parce qu'il fallait tenir compte d'Internet.
    Il n'y a jamais eu de règlements pour l'application de la partie VII, de la partie III et de la partie II. En fait, aucune des parties n'a fait l'objet de règlements d'application.
    L'avenir des langues officielles au Canada dépend de consignes très claires et très précises, qui seront données par le Parlement. Ces consignes vont mener à des règlements ou non, mais elles ne peuvent pas dépendre du bon vouloir de ceux qui exercent le pouvoir exécutif. En effet, ceux-ci risquent de ne jamais fixer de règlements. C'est essentiellement ce qu'ont démontré les 40 dernières années.
     Vous avez dit précédemment qu'il faudrait peut-être créer une agence centrale qui serait responsable.
    Comment voyez-vous cette agence sur le plan du pouvoir d'exécution? Aurait-elle un pouvoir quasi judiciaire?
    Comment voyez-vous le fonctionnement de cette agence?
    Quels en seraient les pouvoirs exécutoires?
    Il faut faire en sorte que le Conseil du Trésor soit tenu d'agir, et non simplement qu'il ait le choix d'agir quand cela va mal, de sorte qu'il intervienne bien en amont, bien avant que les problèmes surviennent et sans égard au travail fait par le Commissariat aux langues officielles, bien avant la judiciarisation d'une plainte devant la Cour fédérale.
    Il faut que le Conseil du Trésor soit tenu d'agir et qu'il puisse forcer un autre ministère à faire ou ne pas faire quelque chose quand cela va nous nuire, quand c'est complètement stupide, ou pour exiger qu'il rende des comptes.
    Si le gouvernement du Canada dépense de l'argent, il devrait savoir où va l'argent, sinon, à quoi bon dépenser.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, maître Power et madame Lattanzio.
    Notre prochain intervenant est notre second vice-président, M. Mario Beaulieu.
(1615)
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos invités.
    Ma première question s'adresse à M. Laplante.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez des mesures positives, à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, qui servent à financer les écoles anglophones, à faire la promotion du bilinguisme institutionnel, à financer des groupes de pression anglophones, notamment, et à travailler à ce qu'il y ait toujours plus de services en santé en anglais.
    Qu'en pensez-vous?
    C'est une série d'exemples qui illustre très bien le fait qu'une loi peut être conçue pour en défaire une autre. Cette partie de la Loi sur les langues officielles a ceci de particulier qu'elle soutient activement la mise en échec de certaines des aspirations légitimes endossées par l'Assemblée nationale du Québec en matière d'aménagement linguistique.
    Je reviens sur les éléments de contestation des dispositions qui sont financés par des groupes de pression. Les points de référence de ces éléments sont tordus par une conception, qui est erronée, de la place de l'anglais dans la société québécoise et de la place des droits des anglophones. Il ne faut pas oublier que le surfinancement des institutions crée une inégalité qui est nuisible à la cohésion sociale et qui crée, inévitablement, deux catégories de citoyens. Je pense que, ça, c'est mauvais pour tout le monde.
    Évidemment, c'est poussé à l'extrême dans le cas de la défavorisation que les minorités francophones au Canada doivent subir. Les gens de la Colombie-Britannique en font une illustration patente. Ils doivent subir, pendant des années, des inconvénients, des privations de droit et, surtout, des détériorations de condition de vie qui ne sont pas admissibles dans une société démocratique.
     Il faut rectifier cette conception, qui doit reposer sur le caractère asymétrique et non pas symétrique des conditions. Ainsi, s'il faut centraliser des moyens, ils doivent être vus, conçus et appliqués avec la diligence requise quand on comprend que ce sont les institutions et les organismes francophones qui ont besoin de soutien. Il faut également comprendre que l'Assemblée nationale du Québec a et doit avoir tous les droits en matière d'aménagement linguistique sur son territoire.
    Vous avez parlé d'un vice de conception de la Loi. On pourrait même dire un déficit démocratique, car la majorité anglophone a imposé sa loi constitutionnelle à la minorité francophone, établie principalement au Québec.
     Cela introduit un biais qui est plus fondamental. La loi doit être libératrice. Dans une société de droit, ce ne sont pas les rapports de force qui doivent prévaloir, ce sont les rapports juridiques. Étant donné qu'il y a un ordre constitutionnel qu'aucun gouvernement du Québec n'a accepté, on comprend que le travail des tribunaux est d'interpréter des instruments inadéquats à partir d'un cadre qui ne peut faire autrement que de nourrir la distorsion.
    Ce n'est pas seulement une affaire de bonne foi ou d'exemplarité, c'est fondamentalement une question de légitimité, celle d'agir en faveur du français, de sa protection et de son développement. C'est une question qui n'a pas été réglée par le rapatriement de la Constitution et qui n'est pas au cœur de la Loi sur les langues officielles.
    Merci, monsieur Laplante.
    Monsieur Power, la Loi sur les langues officielles vise à aider les communautés francophones et acadiennes à l'extérieur du Québec, mais, au Québec, elle contribue à son anglicisation. C'est un problème que vous avez soulevé. C'est pour cela qu'on revendique une asymétrie.
    Au Québec, en matière d'éducation, les anglophones partaient d'un point où leurs écoles étaient surfinancées. Je crois me souvenir que c'est la commission Laurendeau‑Dunton qui avait classé les francophones du Québec au douzième rang pour ce qui est du salaire moyen, alors qu'à l'extérieur du Québec c'était complètement l'inverse. Les francophones étaient dans une position très difficile.
    Que pensez-vous du principe de l'asymétrie dans une modernisation de la Loi?
(1620)
    Il vous reste 15 secondes.
     La partie VII est utile pour le Québec français aussi. Si cette partie avait été mieux rédigée et était mieux appliquée par les tribunaux, la question de Netflix aurait été réglée autrement. Quand on lit attentivement l'article 41 à la partie VII, même...
    Merci, monsieur Power. Excusez-moi de vous interrompre. Vous pourrez en dire davantage en répondant à d'autres questions.
    Nous allons compléter ce premier tour avec Mme Ashton, qui dispose de six minutes. Je crois qu'elle a beaucoup d'aide chez elles.
    Oui, c'est un travail d'équipe.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, je remercie tous nos témoins.
    Je vais m'adresser à vous, madame Crist. Je veux d'abord vous remercier de votre lettre ouverte de vendredi dernier. Nous nous rencontrons aujourd'hui dans le cadre de notre étude sur le déclin du français au Québec et au Canada et pour discuter de la cause qui a été entendue en cour.
    Je suis d'avis que si le gouvernement fédéral abandonne sa responsabilité d'offrir des services en français aux communautés en situation minoritaire, cela va accélérer le déclin du français. Je veux lire un extrait de votre lettre:
[...] la Cour a conclu que suite à l’adoption de l’entente fédérale-provinciale, le gouvernement fédéral n’avait pas l’obligation de veiller à ce que les services d’aide à l’emploi soient offerts dans les deux langues officielles en vertu de la partie IV de la Loi [...] car [...] le gouvernement de la Colombie‑Britannique n’agissait pas pour le compte du gouvernement fédéral en mettant en œuvre un programme fédéral.
     Cela illustre, bien sûr, l'importance des amendements à la partie VII de la Loi et l'urgence d'intégrer des clauses linguistiques dans les ententes fédérales-provinciales.
    Pensez-vous qu'il est normal que nous attendions encore cette modernisation en 2022?
    Je vous remercie de votre question.
    Je vis en Colombie‑Britannique depuis 25 ans et, non, ce n'est pas normal d'attendre aussi longtemps. Par exemple, nous avons eu des pertes de services en emploi. Qu'on ait passé 11 ans à plaider une cause est inadmissible.
    J'ai travaillé pour le centre communautaire La Boussole, qui a fermé ses portes. Il offrait des services en emploi et s'occupait spécifiquement des problèmes des personnes en situation d'itinérance. On s'attaque donc aux plus vulnérables parmi nos francophones.
    Il est donc essentiel que la future loi que vous allez adopter inclue vraiment des mesures positives claires ainsi qu'une partie VII redéfinie. Je ne suis pas juriste, mais ici, au quotidien, il manque de services [difficultés techniques] sont synonymes de perte de services, aussi bien en emploi que dans des projets ayant trait à l'itinérance.
    Selon moi, il est essentiel que la partie VII soit redéfinie clairement et que la Loi soit plus solide, afin que nous ne nous retrouvions pas devant les tribunaux pour chacun des aspects de nos vies en Colombie‑Britannique.
    Je vous remercie.
     Votre témoignage est très touchant. Je vous remercie du travail que vous avez fait pendant des années, et que vous continuez de faire.
    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adressera à MM. Power et Bossé.
    Messieurs Power et Bossé, en 2018, vous avez été témoins du fait que nous étudiions le besoin de moderniser la Loi sur les langues officielles. Presque quatre ans plus tard, la Loi n'est toujours pas modernisée. Ce très long retard contribue-t-il au déclin du français au Canada?
    C'est évident que, de jour en jour, le retard dans la mise en œuvre de la modernisation de la Loi cause des torts qui, à un certain moment, deviennent irréparables. Oui, malheureusement, c'est le cas.
    Nous avons eu la chance de voir la première mouture d'une tentative de modernisation de la Loi à la fin de la législature précédente. Cette mouture, comme mon collègue l'a souligné, présentait beaucoup de problèmes. Nous observons que les communautés et les organismes se sont mobilisés pour indiquer très clairement au gouvernement quels sont ces problèmes et comment les régler.
    Par exemple, il faut établir plus clairement les obligations du Conseil du Trésor. Il faut donc émettre des directives contraignantes afin d'encadrer, justement, la mise en œuvre des différentes parties de la Loi. Il faut préciser l'obligation de consulter. On sait maintenant que c'est une obligation, la Cour d'appel l'ayant énoncé dans son jugement. Elle a dit que le gouvernement avait enfreint son obligation et devait prendre en compte les besoins de la communauté, ce qu'il n'a pas fait.
    Dans le cas de la FFCB, soit la Fédération des francophones de la Colombie‑Britannique, le gouvernement était également tenu d'adopter une disposition linguistique qui lui permettait d'intervenir et de s'assurer que la Loi était mise en œuvre correctement par la province. Or, selon la Cour d'appel, cela n'a pas été fait, l'obligation d'adopter des clauses linguistiques n'étant pas énoncée dans le projet de loi C‑32. En ce moment, c'est ce genre de précisions que les organismes et les communautés demandent au gouvernement d'apporter, afin de régler les problèmes dans la prochaine version du projet de loi modernisant la Loi sur les langues officielles. Nous espérons que cette prochaine version sera déposée sous peu.
(1625)
    Il vous reste 50 secondes, madame Ashton.
    D'accord.
    Ma dernière question s'adresse à Mme Crist.
    Madame Crist, vous avez rencontré la ministre Joly pour discuter de la modernisation de la Loi lorsqu'elle était ministre des Langues officielles. Quels éléments ont été abordés lors de votre entretien? Estimez-vous que certains d'entre eux ont été oubliés dans l'ancien projet de loi C‑32?
    Les quatre points que j'ai abordés aujourd'hui, lors de mon intervention, avaient été abordés auparavant. Nous ne voulons pas discuter de nouvelles choses. Tout a déjà été dit. Il est manifeste que nous avons besoin d'un outil plus solide. Il revient aux législateurs de rédiger une loi qui est robuste, afin que nous n'ayons pas à nous retrouver devant les tribunaux.
    Merci, madame Crist et madame Ashton.
    En raison du vote, nous avons un peu empiété sur la première heure de la réunion. Comme les témoins sont ici présents, je profiterai de mon privilège de président pour accorder deux minutes supplémentaires à chaque formation politique pour qu'elles puissent poser des questions. Je suivrai l'ordre et je serai sévère quant au respect de ce temps de parole.
    Nous commencerons par Mme Marilyn Gladu.
    Madame Gladu, vous avez la parole.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Monsieur Godin, vous avez la parole.
    J'aimerais que l'on soit rigoureux sur le plan de la représentativité. Pour la deuxième partie de la réunion, les conservateurs ont cinq minutes; les libéraux ont cinq minutes; le Bloc québécois a deux minutes et demie; et le Nouveau Parti démocratique a deux minutes et demie. Si vous voulez allouer deux minutes au Bloc québécois et au NPD, je suggère que vous allouiez quatre minutes aux libéraux et quatre minutes aux conservateurs.
    Je pense que votre intervention est pertinente, monsieur Godin.
    Pour que nous n'empiétions pas trop sur la deuxième heure, le temps de parole lors le prochain tour de questions sera réparti ainsi: deux minutes pour les libéraux; deux minutes pour les conservateurs; une minute pour le Bloc québécois; et une minute pour le NPD. De cette façon, la représentativité des partis sera respectée. Déjà, nous avons atteint la première heure et demie, alors nous procéderons ainsi.
    Monsieur Dalton, vous avez la parole.
    Je remercie beaucoup les témoins. Je suis heureux de les voir, surtout Mme Crist.
    Madame Crist, vos efforts au sein de la Fédération, dont c'est le 75e anniversaire, je pense, sont vraiment louables et je vous en félicite. Vous en faites énormément pour les francophones et les francophiles de Colombie‑Britannique. Padminee Chundunsing a témoigné ici, l'année dernière, et vous avez repris le flambeau pendant la pandémie quand son mandat a pris fin.
     Je n'ai pas beaucoup de temps et j'ai plusieurs questions à poser. Ma prochaine question s'adressera à M. Powers.
    Monsieur Powers, selon vous, quelles mesures concrètes et continues verrons-nous dans la décision de la Cour suprême? Que verrons-nous concrètement qui ne sera pas seulement une continuation de la situation actuelle?
    La décision de la Cour d'appel fédérale sert de laboratoire au Parlement. C'est un ensemble d'idées et de principes qu'il met à l'essai, comme il l'a fait dans le cas de l'obligation de consulter et les dispositions linguistiques, par exemple. La Cour d'appel fédérale remet en quelque sorte au Parlement une feuille de route qui l'oriente sur la façon d'éviter une décennie de litiges, en insérant dans la future Loi sur les langues officielles ce qu'il faut pour pouvoir vivre en français à Ottawa, dans mon cas, et à Vancouver. Il faut absolument lire cette feuille de route si l'on veut réussir à moderniser la Loi.
    C'est pour cette raison que nous vous avons remis des documents dans une reliure, que je vous recommande fortement de lire. Ils sont accessibles en français et en anglais.
(1630)
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Dalton.
    Nous allons enchaîner avec notre collègue Mme Arielle Kayabaga.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais poser ma question à M. Laplante.
    Monsieur Laplante, quelles lacunes trouvez-vous actuellement dans la Loi sur les langues officielles? Comment pensez-vous que ces lacunes peuvent être comblées?
    La principale lacune est celle de mettre sur le même pied les minorités anglophones du Québec et les minorités francophones du Canada. Il s'agit d'une lacune majeure, de laquelle découle toute une série de mesures et de dispositions qui ne tiennent pas compte de la réalité sociologique des communautés.
    Je crois que les programmes visés par des contestations donnent souvent lieu à de longs et interminables combats, essentiellement en raison de cette erreur de compréhension, surtout quand le jugement finit par être déclaratoire. Aucune mise en application n'est donc requise. Or, la Loi devrait comprendre, peut-être dans la partie VII, des dispositions qui rendraient exécutoires les conclusions que pourraient tirer les tribunaux ou le ministre. Autrement, nos amis de la Colombie‑Britannique vont peut-être devoir se battre encore pendant 10 ans pour obtenir des résultats concrets.
    Il faut bien faire la distinction entre la victoire du droit et le changement de la société.
    Il vous reste 10 secondes.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Kayabaga.
    Le prochain intervenant sera M. Mario Beaulieu, qui dispose d'une minute.
    D'une part, monsieur Laplante, le Québec essaie de faire du français la langue commune sur son territoire. Il dit aux nouveaux arrivants d'apprendre le français et de s'intégrer. Il respecte la minorité linguistique anglophone, mais c'est le français qui est la langue commune. D'autre part, le gouvernement fédéral affirme qu'il y a deux langues officielles et deux langues communes, et qu'on peut utiliser la langue de son choix.
    Qu'en pensez-vous?
    Nous sommes au cœur du conflit de légitimité.
    Qui a l'autorité sur l'Assemblée nationale du Québec en matière d'aménagement linguistique sur son territoire? Sur cette question, la concurrence soutenue par les choix politiques du gouvernement du Canada ne peut qu'entretenir des tensions sociales qui sont parfaitement nuisibles, non seulement à l'avenir du français, mais aussi à la concorde de l'ensemble des décisions du Québec.
    Merci, monsieur Laplante.
    Mme Ashton est la prochaine et la dernière intervenante.
    Madame Ashton, vous disposez d'une minute.
    Merci.
    J'adresse mon commentaire à Mme Crist, mais j'invite les autres témoins à nous faire part aussi de leurs conseils.
    Il est clair que, lors des consultations avec l'ancienne ministre, entre autres, les communautés ont déjà défini les problèmes que pose la Loi sur les langues officielles.
    Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure il est important que la nouvelle loi puisse refléter les priorités et les préoccupations des communautés?
(1635)
    Notre province n'a ni législation linguistique ni politique de services en français. Nous risquons donc systématiquement de perdre des services en français. Cette nouvelle loi nous donnera peut-être la possibilité d'obtenir des services en français dans notre communauté.
    Merci, madame Crist.
    Madame Crist, messieurs Laplante, Power et Bossé, je vous remercie de votre présence.
    Si vous désirez ajouter des informations, n'hésitez pas à le faire par écrit à l'intention de notre greffière, qui les fera parvenir à tous les membres du Comité. N'hésitez surtout pas à le faire si vous croyez avoir manqué de temps sur quelque point que ce soit.
    Je vous remercie de votre présence et vous souhaite une joyeuse Saint-Valentin.
    Nous allons suspendre nos délibérations quelques minutes, afin de permettre au prochain groupe de témoins de s'installer.
(1635)

(1640)
    Nous reprenons la séance.
    Je souhaite la bienvenue au deuxième groupe de témoins.
    Au cours de la deuxième heure de la réunion, nous accueillons, par vidéoconférence, à titre personnel, M. Frédéric Lacroix, essayiste; nous accueillons également, du Conseil du patronat du Québec, M. Karl Blackburn, président et chef de la direction, ainsi que M. Denis Hamel, vice-président des politiques et de la main-d'œuvre; enfin, de la Société de la francophonie manitobaine, nous recevons Mme Angela Cassie, présidente du conseil d'administration, et M. Daniel Boucher, directeur général.
    Nous demandons à chacun des groupes de témoins de nous faire une courte présentation d'un maximum de cinq minutes. Je leur ferai signe lorsqu'il restera plus ou moins une minute à la fin.
    Nous commençons tout de suite, et M. Frédéric Lacroix sera le premier intervenant.
    Monsieur Lacroix, vous disposez de cinq minutes.
    Depuis une quinzaine d'années, une dynamique linguistique inédite s'est mise en place au Québec. Depuis 1871, le poids démographique des francophones au Québec n'était jamais descendu sous la barre des 80 %. Il est maintenant de 78 %, après avoir chuté de 3,4 points en 15 ans: un record. Il baisse également du côté de la langue parlée à la maison, et ce, presque aussi rapidement. Les projections démolinguistiques effectuées par Statistique Canada indiquent que le poids relatif du groupe francophone au Québec va continuer à baisser pour tout l'avenir prévisible.
    Pour arrêter la chute du français au Québec, il faudra faire des changements fondamentaux dans la Loi sur les langues officielles.
    Cette loi a été adoptée en 1969 et son objet est « d'assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles au Canada [et] leur égalité de statut », ainsi que « d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones ». La Loi sur les langues officielles a déclaré l'anglais et le français comme langues officielles et a mis ces deux langues sur un pied d'égalité strictement juridique, sans cependant tenir compte de la réalité sociologique de l'anglais et du français au Canada, une réalité qui est fondée, à vrai dire, sur un rapport de force démographique. Ce rapport de force fait que l'anglais est la langue dominante partout au Canada, même au Québec.
    Le livre I du rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme indiquait que, selon le Recensement de 1961, l'anglais assimilait presque neuf fois plus, relativement, que le français au Canada. L'anglais avait donc, déjà, une vitalité bien supérieure à celle du français. La Loi sur les langues officielles, adoptée par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, n'a pas tenu compte de cette réalité élémentaire.
    Au Québec, les anglophones assimilent environ la moitié des immigrants allophones alors qu'ils ne représentent que 8,1 % de la population, ce qui signifie que, à proportions égales, le groupe anglophone a un pouvoir d'assimilation presque 10 fois supérieur à celui du groupe francophone au Québec.
    Il ne règne donc pas, contrairement à ce que veut nous faire croire la Loi sur les langues officielles, une situation de bilinguisme égalitaire au Québec. C'est plutôt une situation de bilinguisme inégalitaire ou compétitif qui existe.
    La Loi sur les langues officielles est basée sur l'idée que la langue est le résultat d'une préférence d'un individu: c'est le principe de personnalité. Ce principe de personnalité était, et est toujours, une proposition insensée. La langue n'est pas une caractéristique individuelle, c'est un moyen d'échange avec les autres; elle est, par définition, collective.
    Rappelons que la Charte de la langue française est basée, en grande partie, sur le principe de territorialité, qui veut que, sur un territoire donné, une seule langue serve de langue de convergence ou de langue commune. Il y a donc un clair conflit entre les approches fédérale et québécoise en matière d'aménagement linguistique.
    À mon avis, le principe de personnalité doit être abandonné si l'on souhaite véritablement atteindre l'égalité réelle entre le français et l'anglais au Québec. La Loi sur les langues officielles devrait considérer et reconnaître que le Québec est une province de langue française. Cela aurait de nombreuses conséquences pratiques. Par exemple, un immigrant souhaitant obtenir la résidence permanente au Québec devrait démontrer sa connaissance du français, et non du français ou de l'anglais.
    Parlons maintenant de la double majorité.
    Par un jeu de symétrie, la Loi sur les langues officielles institue une double majorité au Canada: les anglophones seraient majoritaires hors Québec, tandis que les francophones seraient majoritaires au Québec. Cette double majorité est effective seulement si l'on considère que la dynamique linguistique est déterminée par les frontières provinciales. Or, ceci est faux. La dynamique linguistique est déterminée par le pays auquel appartient le Québec, c'est-à-dire le Canada.
    La Loi sur les langues officielles s'attelle donc au développement et à l'épanouissement de la minorité anglophone du Québec. Or, cette minorité n'est pas une minorité; en réalité, elle fait partie intégrante de la majorité canadienne et en possède tous les attributs, dont la vitalité linguistique.
    Il faut que la Loi sur les langues officielles abandonne ce concept de double majorité.
    Cela signifie abandonner les subventions visant à l'épanouissement de l'anglais au Québec, par exemple les fonds attribués à l'Entente Canada-Québec relative à l'enseignement dans la langue de la minorité et à l'enseignement des langues secondes, fonds qui viennent rehausser le statut et la vitalité de l'anglais au Québec.
    Il vous reste une minute.
    J'aimerais vous faire part de deux recommandations.
    La discrimination exercée contre les immigrants francophones par le ministère fédéral de la Citoyenneté et de l'Immigration nuit aux efforts du Québec pour attirer des immigrants francophones ou francotropes qui s'intégreront bien au Québec français. Le pouvoir de sélection de l'immigration temporaire, ce qui inclut les étudiants étrangers, devrait être transféré au Québec, à mon avis.
    Par ailleurs, les subventions versées par le fédéral aux universités du Québec défavorisent fortement les universités de langue française. Presque 40 % des fonds versés par Ottawa au Québec sont attribués aux universités de langue anglaise. Environ le tiers des fonds fédéraux est attribué à la seule McGill University. Il existe une discrimination systémique exercée contre les universités de langue française dans l'attribution des fonds fédéraux.
    L'attribution des fonds basée sur des critères de soi-disant excellence récompense les gagnants passés et pénalise les perdants passés, en réalité. Autrement dit, ces fonds récompensent les universités qui sont déjà parmi les plus riches, comme McGill. Des critères différents devraient être introduits dans les programmes fédéraux de subventions.
    Merci, monsieur Lacroix.
    Nous allons maintenant passer au Conseil du patronat du Québec, représenté par M. Blackburn et M. Hamel.
    Vous avez la parole pour cinq minutes.
    D'abord, je vous avise que mon collègue semble avoir des problèmes de connexion. C'est dommage, parce qu'il est très compétent et aurait pu aiguiller le Comité en répondant aux questions. Je vais faire de mon mieux pour y répondre.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, je me présente: je m'appelle Karl Blackburn et je suis président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec, le CPQ.
    Notre organisation, créée en 1969, est une confédération de près de 100 associations sectorielles et de plusieurs membres corporatifs qui représente les intérêts de plus de 70 000 employeurs, de toutes tailles et de toutes les régions du Québec, issus des secteurs privé et parapublic.
    À l'image de l'ensemble de la population francophone canadienne, les employeurs québécois sont soucieux de promouvoir le français comme langue de travail, de commerce, d'affaires et de communication hors entreprise.
    Notre organisation soutient activement les efforts des employeurs québécois visant à faire du français la langue de travail, de commerce et d'affaires au sein de leurs entreprises. Par exemple, nous collaborons depuis plusieurs années avec l'Office québécois de la langue française, c'est-à-dire l'OQLF, à la promotion du français dans le milieu des affaires. Nous avons participé à l'élaboration d'outils, aujourd'hui regroupés sous l'appellation « Mémo, mon assistant pour la francisation », destinés aux employeurs. Nous en assurons la diffusion à nos membres avec l'aide de l'Office.
    L'approche utilisée par l'OQLF, qui est basée sur l'autoévaluation, l'accompagnement et la mise à disposition d'outils pour les entreprises, correspond à celle que nous préconisons pour valoriser la langue française et encourager les entreprises à faire des affaires en français. Nous serions évidemment heureux de pouvoir exercer un rôle semblable en collaborant avec le ministère du Patrimoine canadien pour accompagner les entreprises assujetties à la réglementation fédérale dans leurs efforts de francisation, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble du Canada.
    À nos yeux, notre langue nous place dans une position privilégiée pour tisser des liens avec d'autres pays. En août dernier, le CPQ a signé, au nom du Québec, la Déclaration de Paris sur le renforcement de la francophonie économique. L'ambition de celle-ci consiste à créer un espace privilégié pour le commerce entre les pays francophones, à l'image du Commonwealth, alors qu'il y a plus de 300 millions de personnes dans le monde qui parlent français. L'objectif est de multiplier les occasions d'affaires partout dans le monde et d'attirer chez nous des entreprises étrangères. La francophonie a aussi un potentiel intéressant au chapitre de la main-d'œuvre, puisque les trois quarts des francophones du monde auront moins de 30 ans en 2060. En somme, nous croyons que notre langue peut devenir un tremplin pour le développement de notre économie.
    Dans ce contexte, le CPQ attire l'attention du gouvernement fédéral sur le soutien qu'il pourrait apporter à l'espace économique des communautés francophones et acadienne en favorisant les rapprochements avec les employeurs des pays francophones et francophiles.
    Nous sommes d'avis qu'étant donné la situation minoritaire du fait français en Amérique du Nord, la vitalité de la langue passe par le renforcement des liens économiques avec les autres pays ayant le français comme langue de travail. En tant que seule organisation canadienne d'employeurs signataire de la déclaration commune de Paris, nous vous offrons également notre entière collaboration et nous mettons notre expertise et notre réseau à la disposition des organismes fédéraux et des employeurs canadiens.
    En terminant, j'attire l'attention du Comité sur deux éléments précis.
    Nous avons récemment sondé nos membres sur la question linguistique. De façon générale, les employeurs sont favorables à la défense et à la promotion du français comme langue de travail. Une vaste majorité reconnaît la fragilité de la langue commune, surtout à Montréal, voit le français comme un élément culturel distinct et reconnaît que toutes les entreprises ont un rôle à jouer pour assurer la vitalité de notre langue. Toutefois, les employeurs craignent l'imposition de mesures législatives ou réglementaires sans nuances ou sans distinctions liées à la taille des entreprises qui auraient pour effet d'accroître la lourdeur bureaucratique et qui seraient difficilement applicables, vu le manque de ressources à cet égard.
    La seconde préoccupation exprimée par les employeurs concerne le fait que les entreprises assujetties à la réglementation fédérale pourraient se retrouver dans une situation où elles devraient répondre à la fois aux exigences de la Loi sur les langues officielles et à celles de la Charte de la langue française du Québec. Il ne faudrait pas que les employeurs soient placés devant un double champ d'application qui apporterait son lot de confusion et multiplierait les processus administratifs.
    Je vous remercie de votre attention.
(1645)
    Merci, monsieur Blackburn.
    Nous passons maintenant à la Société de la francophonie manitobaine, représentée par Mme Angela Cassie et M. Daniel Boucher.
    Vous avez la parole.
    J'aimerais vous remercier de cette invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Je me trouve présentement sur le territoire visé par le Traité no 1, la patrie de la nation métisse. La francophonie manitobaine s'étend sur un territoire visé par plusieurs traités et sur les terres ancestrales de plusieurs peuples autochtones.
    Je suis Angela Cassie, présidente de la Société de la francophonie manitobaine, soit la SFM.
    À titre d'organisme porte-parole de la communauté francophone au Manitoba, la SFM se soucie de l'avancement de tous les domaines d'activité de la communauté avec l'aide de son réseau de collaborateurs et de partenaires.
    J'aimerais m'exprimer aujourd'hui sur trois grandes thématiques: l'urgence de moderniser la Loi sur les langues officielles, les priorités de la francophonie manitobaine et les efforts nécessaires pour atteindre l'objectif d'immigration de langue française.
    Je voudrais d'abord mentionner que la SFM adhère aux revendications de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada dans le dossier de la Loi.
    Le travail qui a précédé le projet de loi C‑32, que nous attendions depuis plusieurs années, n'a pas été fait à la hâte. Au contraire, c'est le résultat de plusieurs études et consultations qui remontent à plusieurs années. Tout retard supplémentaire ne ferait qu'affaiblir davantage la position du français dans nos communautés. Le travail parlementaire devrait donc être entamé sans délai.
    Cela dit, je conviens, tout comme l'ensemble des communautés francophones, que le projet de loi C‑32 comporte toujours quelques lacunes importantes qui doivent être comblées.
    Il est d'abord nécessaire d'accorder au Commissariat aux langues officielles des pouvoirs étendus lui permettant de faire des ordonnances et d'imposer des sanctions. Présentement, les simples recommandations qu'il formule n'ont pas la force nécessaire pour protéger les langues en situation minoritaire.
    Cela m'amène à soulever la prochaine lacune décelée dans le projet de loi: il est vital de préciser davantage la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Des éléments de la décision de la Cour d'appel fédérale dans le cadre du recours de la Fédération des francophones de la Colombie‑Britannique devraient servir à établir les mécanismes nécessaires pour assurer le respect de la partie VII et pour clarifier les attentes du gouvernement quant aux « mesures positives ».
    De plus, pour garantir une interprétation commune et généreuse de la Loi, il incombe au gouvernement de désigner une seule agence centrale afin de coordonner la mise en œuvre de la Loi.
    Finalement, le projet de loi C‑32 devrait comprendre une politique en matière d'immigration francophone dans l'objectif de rétablir le poids démographique de la francophonie.
    Je vais maintenant expliquer davantage la question de l'immigration, avant de conclure.
    La communauté d'expression française du Manitoba a adopté, en 2016, un plan stratégique à la suite d'une consultation menée par une équipe de recherche de l'Université de Saint‑Boniface. Ce plan, qui est élaboré dans un horizon de 20 ans, qui s'articule autour de 5 axes et qui vise 33 résultats, est mis en œuvre par le réseau d'organismes de la francophonie manitobaine. À notre avis, afin de respecter l'intention de la Loi sur les langues officielles, et particulièrement celle de la partie VII, les gouvernements doivent tenir compte de ce plan d'action dans l'élaboration et l'évaluation de leurs programmes. L'appareil public doit agir comme partenaire pour l'épanouissement de nos communautés.
    L'Accueil francophone, une initiative de la SFM mise sur pied pour faciliter l'accueil et l'établissement des nouveaux arrivants francophones au Manitoba, a offert des services à la grande majorité d'entre eux. Malgré nos efforts dans ce dossier et malgré la capacité d'action de l'Accueil francophone, la proportion d'immigrants ayant le français comme langue parlée en 2019 a été de seulement 4,3 %. Nous devons avoir des objectifs audacieux et explicites en matière d'immigration francophone.
(1650)
    Merci, madame Cassie. Vous aurez certainement la chance d'en dire davantage durant la période de questions.
    Nous allons commencer le premier tour de questions. Les intervenants de chacune des formations politiques disposeront de six minutes pour poser leurs questions et entendre les réponses.
    Madame Gladu, vous avez la parole pour six minutes.
(1655)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Cassie.
    Nous avons parlé aussi avec le commissaire aux langues officielles, qui nous a dit qu'il manquait de conséquences pour ceux qui enfreignaient la Loi. Il a ajouté qu'il n'y avait pas de conséquences pour les individus, mais seulement pour les organisations. Par exemple, si le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté envoie un courriel seulement en anglais, il ne recevra aucun avertissement et il n'y aura aucune conséquence pour lui.
    Que devrions-nous faire, selon vous, pour améliorer cette situation?
    C'est la raison pour laquelle nous voulons que le commissaire ait la possibilité de faire des ordonnances ou d'imposer des sanctions. On a besoin de plus de mordant. Au cours des dernières années, on a vu que l'approche actuelle ne fonctionnait pas. Elle ne pousse pas les gens à agir et à respecter les droits linguistiques.
    Je veux aussi noter que je suis ici avec M. Daniel Boucher, le PDG de la SFM. Si jamais il veut m'appuyer et ajouter quelque chose, je l'invite à prendre la parole.
    C'est excellent.
    J'ai une autre question pour vous.
    Vous avez un programme destiné aux immigrants qui connaît beaucoup de succès, parce que vous avez des cibles.
    Y a-t-il des cibles partout au Canada?
    Oui, il y a des cibles partout au Canada, mais on ne les atteint pas. C'est pour cette raison que nous voulons souligner le travail effectué par l'Accueil francophone. De 2010 à 2019, plus de 4 800 immigrants arrivés au Manitoba avaient la capacité de communiquer en français. Malgré nos efforts, et bien que nous ayons une initiative pour les accueillir, en 2020‑2021, nous n'avons accueilli que 301 immigrants et 109 réfugiés.
    Alors, nous avons la capacité et la volonté de les accueillir, mais les approbations accusent un retard. On a vraiment besoin d'accélérer le processus et d'avoir des objectifs encore plus audacieux.
    Merci.
    J'ai une question pour M. Lacroix.
    Lorsque j'étais présidente du Comité permanent de la condition féminine, nous nous sommes penchés sur l'abolition du programme de sage-femme à l'Université Laurentienne, dans le Nord de l'Ontario. Tous les francophones et les Autochtones qui parlent français ici, en Ontario, n'ont plus accès à un programme de sage-femme. Il y en a un au Québec, mais on doit habiter au Québec pour y avoir accès.
    Serait-il possible d'obtenir des fonds du gouvernement fédéral pour élargir les programmes du Québec afin de permettre aux autres francophones du Canada d'en bénéficier?
    Les programmes postsecondaires pour les francophones hors Québec sont gravement sous-financés dans toutes les provinces canadiennes. On n'y investit qu'une fraction de l'argent qui devrait y être investi. La situation est inversée au Québec, où les universités et les cégeps de langue anglaise sont financés dans une proportion deux ou trois fois supérieure au poids démographique de la communauté anglophone.
    Pour la vitalité des francophones hors Québec, la question du financement des établissements d'enseignement postsecondaire est absolument vitale. C'est un secteur contrôlé largement par les provinces, alors celles-ci devraient le financer davantage.
    Dans le projet de loi no 96 du gouvernement du Québec, qui est actuellement à l'étude, il y a un article visant à ce que les francophones hors Québec qui n'ont pas de programmes en français à leur disposition bénéficient des droits de scolarité québécois pour venir étudier en français au Québec. Cet article va probablement être adopté. C'est une bonne nouvelle, mais c'est aussi une mauvaise nouvelle, en ce sens que ces francophones seront absorbés par le Québec et vont peut-être y rester par la suite. C'est donc un couteau à double tranchant.
    L'idéal serait de financer beaucoup plus généreusement les collèges et les universités de langue française. Il faut avoir des collèges et des universités de langue française, et non des établissements bilingues.
(1700)
    Ma dernière question s'adresse à M. Blackburn.
    Monsieur Blackburn, vous avez parlé de la concurrence et de la possibilité de faire des affaires avec les autres pays francophones.
    Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
    Comme je l'ai mentionné, je suis très fier d'avoir signé cette entente visant à promouvoir la francophonie économique dans le monde.
    Ce que nous entrevoyons pour le Québec, c'est qu'il soit la porte d'entrée, en Amérique du Nord, pour les entreprises qui veulent venir faire des affaires en français au Canada ou au Québec. Nous voulons également que le Québec soit un tremplin pour permettre aux entreprises d'ici, si elles le souhaitent, de rayonner dans la francophonie mondiale. Pour nous, c'est extrêmement important. Lorsqu'on regarde le potentiel que cela représente sur le plan de la population et de la création économique...
    Merci, monsieur Blackburn. Je suis désolé de vous interrompre. J'ai essayé de le faire le plus poliment possible.
    Avant d'aller plus loin, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Hamel, le collègue de M. Blackburn, ainsi qu'à M. Boucher. Ils viennent tous deux de se joindre à nous grâce à la magie d'Internet.
    Je vous souhaite donc la bienvenue, messieurs.
    Notre collègue Patricia Lattanzio sera la prochaine personne à intervenir.
    Maître Lattanzio, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à quiconque voudra y répondre.
    Nous avons parlé de la question de l'immigration. Que pouvons-nous faire de plus pour attirer des gens qui viendraient bonifier la qualité du français au pays?
    Madame Lattanzio, votre question s'adresse-t-elle à M. Lacroix, à M. Blackburn ou à Mme Cassie?
    Commençons par M. Blackburn.
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Avant d'y répondre, permettez-moi de vous présenter mon collègue qui vient de se joindre à nous. M. Denis Hamel est vice-président des politiques de développement de la main-d'œuvre. Il a une expertise extrêmement poussée dans ce domaine.
    D'entrée de jeu, ce que je peux vous répondre, madame Lattanzio, c'est qu'il faut faire en sorte que la langue française devienne un pouvoir d'attraction, afin que des entreprises de partout viennent faire des affaires en français au Québec et au Canada. En effet, il est possible de faire du développement économique en français.
    Sur le plan démographique, la population francophone sera en croissance au cours des prochaines années. Nous voyons là une occasion de développement économique. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas que l'on se serve des frontières comme remparts contre l'envahisseur; nous voulons plutôt qu'on s'en serve comme tremplin pour faire rayonner la francophonie économique partout dans le monde.
    Je vais maintenant demander à Denis Hamel, mon collègue, d'ajouter des précisions afin de répondre à votre question.
    Madame la députée, vous avez soulevé deux éléments importants.
    Tout d'abord, vous avez parlé de la qualité de la langue. À notre avis, cet aspect est souvent négligé. Bien sûr, il est extrêmement important de maintenir un français fort, c'est-à-dire une bonne vitalité du français au Canada, mais nous insistons beaucoup sur la qualité de la langue. À ce titre, l'immigration nous aide énormément. Plus le Canada aura un grand bassin de population francophone et francophile, plus la langue prospérera.
    Le gouvernement canadien doit être conscient d'une chose, à propos des cibles d'immigration qu'il partage avec le Québec: l'immigration francophone doit être prioritaire non seulement au Québec, mais également à l'extérieur du Québec. Si l'on veut maintenir la vitalité des communautés francophones et acadienne, il est extrêmement important que toute l'immigration francophone ne soit pas concentrée uniquement au Québec.
    Comme l'a expliqué M. Blackburn, notre objectif est vraiment de maximiser l'espace économique francophone à l'intérieur du Canada. C'est véritablement de cette façon que nous allons réussir à transmettre cette expertise.
    Combien de temps de parole me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste un peu moins de trois minutes.
    Je vais poursuivre dans la même veine, c'est-à-dire sur la question de l'immigration.
    Nous avons entendu plusieurs témoignages la semaine dernière, dont celui d'un démographe qui nous a dit que le déclin du français au Québec était attribuable à la réduction des naissances. L'immigration pourrait être un moyen pour combler ce manque.
    Outre l'immigration, y a-t-il d'autres pistes de solution à envisager pour contrer le déclin du français au Québec?
(1705)
    À qui s'adresse votre question, madame Lattanzio?
    Elle s'adresse encore à M. Blackburn.
    Je vous remercie beaucoup de la question, qui est excellente.
    La bonne façon d'y arriver, c'est de trouver une façon de valoriser notre langue française.
    Au cours des derniers mois, nous avons eu l'occasion, et c'est le cas aussi de la Fondation pour l'alphabétisation, ici, au Québec, de constater un élément extrêmement préoccupant pour notre population. Il s'agit du très faible niveau de littératie et de numératie. Au Québec, malheureusement, une personne sur deux, dans le groupe d'âge de 15 à 64 ans, a des lacunes en matière de littératie et de numératie.
    Nous proposons donc que l'on se dote d'outils permettant d'offrir aux gens de faire l'apprentissage du français ou de le perfectionner tous les jours dans nos organisations et dans nos entreprises. Les entreprises qui participent à cet effort et qui en font leur cheval de bataille devraient bénéficier d'incitatifs fiscaux pour le faire, et l'on devrait permettre aux employés au sein de ces organisations de parfaire leur langue, contribuant ainsi à hausser la qualité du français. Nous serons ainsi en mesure d'augmenter le niveau de littératie et de numératie, et...
    Je vous remercie, monsieur Blackburn.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais je veux avoir le temps de vous poser ma prochaine question.
    Vous conviendrez que les anglophones et les allophones du Québec ont fait des efforts extraordinaires, au cours des dernières années, en mettant en place des programmes d'immersion française et des écoles bilingues.
    Ne pensez-vous pas que ces efforts, qui sont aussi faits par d'autres minorités linguistiques, vont aider à contrer ce déclin du français au Québec?
    Il reste 10 secondes.
    Oui, je le crois. D'ailleurs, le message que l'on doit envoyer aux communautés...
    Je vous remercie, monsieur Hamel.
    Monsieur le président, est-ce que je pourrais recevoir la réponse de M. Hamel par écrit?
    Oui. Je vais le rappeler à la fin de la séance, madame Lattanzio.
    Le prochain intervenant est le deuxième vice-président du Comité permanent des langues officielles, M. Beaulieu.
    Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Lacroix, vous avez terminé votre présentation en disant qu'il devrait y avoir des critères différents quant à la langue d'enseignement pour ce qui est des subventions que le gouvernement fédéral verse aux universités.
    Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    Actuellement, les programmes de subvention sont fondés sur des critères d'excellence, c'est-à-dire qu'ils sont fondés sur [difficultés techniques]. Il y a un effet historique là-dedans, c'est-à-dire que ceux qui étaient bons dans le passé sont bons aujourd'hui. Il y a donc une disproportion qui s'accroît avec le temps, à mon sens.
    À mon avis, il faudrait qu'il y ait un critère fondé sur la langue d'enseignement dans l'attribution des subventions, puisque 40 % des subventions fédérales sont attribuées aux universités anglophones, alors que les anglophones représentent seulement 8,1 % de la population. C'est une injustice.
    S'il y avait un critère d'attribution fondé sur la langue d'enseignement, la répartition des subventions serait de 90 % pour les établissements francophones et de 10 % pour les établissements anglophones, ce qui serait une répartition équitable.
    Pourquoi dites-vous 90 % et 10 %?
    Nous avons arrondi le pourcentage de 8 % à 10 %. Ce serait donc 92 % et 8 %, en toute rigueur.
    D'accord.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus du concept de complétude institutionnelle?
    Pourquoi ce surfinancement a-t-il une incidence sur la situation du français?
    La complétude institutionnelle est un concept qui a été inventé par M. Raymond Breton, qui est sociologue à l'Université de Toronto. Il avait noté que la vitalité linguistique d'une communauté était liée à l'étendue de son réseau institutionnel.
    Si l'on applique cette notion aux francophones hors Québec, on se rend compte qu'étant donné que ceux-ci ont peu d'écoles secondaires et presque aucune université de langue française — il n'y a que celle de Moncton —, cela nuit considérablement à leur vitalité. L'assimilation se fait quand les francophones quittent l'école secondaire et choisissent un programme d'études. Beaucoup vont choisir l'anglais comme langue d'enseignement, se dirigeant ainsi vers l'assimilation.
    Cela peut s'appliquer au Québec aussi, où la communauté anglophone bénéficie d'un réseau institutionnel qui est financé environ au triple de leur poids démographique. Cela leur permet d'assimiler un grand nombre d'allophones. En effet, les anglophones au Québec assimilent environ la moitié des allophones, alors que la communauté représente seulement 8,1 % de la population.
    La complétude institutionnelle est une notion clé pour comprendre en quoi la vitalité linguistique d'une communauté est liée à l'argent, c'est-à-dire aux investissements.
(1710)
     Lors d'une réunion précédente, nous avons reçu le vice-président de l'Alliance de la fonction publique du Canada au Québec. Il a dit que, même au Québec, il y avait une discrimination systémique profondément ancrée dans l'appareil fédéral, c'est-à-dire que nous tenons pour acquis que tout se passe en anglais d'abord et ensuite en français.
    Qu'en pensez-vous?
    Je ne suis pas expert de la fonction publique fédérale au Québec, mais, ce que je comprends, c'est que l'anglais est la langue de travail qui est le plus souvent utilisée, et que cela ne devrait pas l'être au Québec. Pour beaucoup de francophones, la liberté de choisir sa langue de travail dans la fonction publique fédérale au Québec est une illusion.
    La fonction publique fédérale est soumise, elle aussi, au bilinguisme inégalitaire ou compétitif. Cela me semble être un très grave problème pour la vitalité du français au Québec. Le gouvernement fédéral contribue donc activement à dévitaliser le français au Québec.
    Plus tôt, M. Blackburn a parlé des problèmes liés à la modernisation de la Loi. Il a notamment mentionné que le projet de loi du Québec visant à renforcer la loi 101 va s'appliquer aux entreprises qui relèvent du fédéral, mais que le projet de loi C‑32 donne le choix aux entreprises de suivre la loi 101 ou de suivre la Loi sur les langues officielles, ce qui va aussi créer de la confusion.
    Comment est-ce que cela devrait fonctionner?
    J'aimerais d'abord avoir vos commentaires, monsieur Lacroix, puis ceux de M. Blackburn.
    Je pense que les entreprises ont déjà le choix de se conformer ou non à la Charte de la langue française. À mon avis, le problème, c'est que cela relève d'un choix. La loi 101 devrait s'appliquer aux entreprises relevant du fédéral, point final. Cela ne devrait pas être le résultat d'un choix.
    Il reste une minute, monsieur Beaulieu.
    Je vais faire un bref commentaire et je vais ensuite céder la parole à mon collègue M. Hamel.
    Dans un récent sondage que nous avons mené auprès de nos membres, les entreprises relevant du fédéral étaient déjà pour la plupart conformes aux exigences de la langue française suivant l'application de la Loi au Québec. Dans ce contexte, elles ne voyaient pas d'inconvénients à continuer de le faire. Il y avait surtout des problèmes pour les petites entreprises, vu la lourdeur administrative et la complexité de certaines façons de faire au Québec et au fédéral, qui pouvaient être de nature à compliquer la situation.
    M. Hamel pourrait peut-être fournir d'autres précisions à l'aide de données statistiques.
    Je vais être bref.
    Effectivement, nous craignons la double compétence, surtout en ce qui a trait aux rapports annuels et aux plaintes.
    Dans plus de 80 % des cas, les entreprises relevant du fédéral sont déjà conformes à la Loi sur les langues officielles. Il faut donc assurer une harmonisation de la législation des deux ordres de gouvernement pour que l'entreprise ne se sente pas écartelée entre deux lourdeurs administratives et que l'une des deux ne l'emporte pas sur l'autre.
    Je vous remercie, monsieur Hamel.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais ce sont les règles du jeu.
    La prochaine intervenante est Mme Niki Ashton, du Manitoba.
    Madame Ashton, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages.
    Je veux saluer particulièrement les représentants de la Société de la francophonie manitobaine, dont nous sommes très fiers ici, au Manitoba.
    Madame Cassie, la Société de la francophonie manitobaine a dénoncé le mode de calcul visant à déterminer le nombre de francophones vivant en situation minoritaire.
    Dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, faut-il revoir la définition de ce qu'est un francophone et revoir ce mode de calcul afin de fournir des statistiques qui sont plus près de la réalité?
(1715)
    Je vais donner quelques éléments de réponse, puis je laisserai M. Boucher ajouter des précisions.
    En tant que francophile, j'estime que la définition du terme « francophone » est un élément très important pour ce qui est de notre identité. Cela renforce la vitalité de notre communauté.
    À mon avis, il faudrait certainement revoir la définition du terme « francophone » en lien avec la langue parlée à la maison. Il faut aussi reconnaître l'importance et l'intérêt des programmes d'immersion et déterminer la façon dont nous pouvons continuer de contribuer à la vitalité des individus et des familles qui choisissent le français comme langue seconde et comme langue d'enseignement. Nous devons aussi nous assurer qu'ils pourront accéder aux services et aux programmes susceptibles de les aider.
    Monsieur Boucher, voulez-vous ajouter un commentaire?
     Essentiellement, cela a toujours été un gros problème pour nous. Nous voulons que le Canada reconnaisse les communautés pour ce qu'elles sont en lien avec leur identité. Au fil des ans, la communauté du Manitoba a beaucoup évolué avec les nouveaux arrivants, les francophiles, si on peut les appeler ainsi, les personnes qui ont vraiment une identité et une appartenance à la communauté.
    Il y a quelques années, nous avons même intenté une poursuite contre le gouvernement fédéral à propos des règlements de la Loi sur les langues officielles. Le but, c'était justement de clarifier cette question et de nous assurer d'élargir le bassin de francophones et la définition de « francophone ». Nous avons réussi à mettre en place ce règlement qui va beaucoup aider à améliorer la prestation des services en français et à élargir le concept de l'identité francophone.
    Les gens qui décident de s'établir dans notre province viennent d'un peu partout dans le monde. Nous avons eu des présidents d'origine africaine, qui n'étaient pas reconnus comme des membres de notre communauté de façon, si je peux dire, légale. Pour nous, c'est inacceptable.
    Nous avons lutté pour changer la définition liée à l'identité francophone dans les recensements et pour apporter des améliorations à la prestation des services dans nos communautés francophones partout au Manitoba.
    J'espère que nous avons posé un geste positif et que toutes ces initiatives seront reflétées dans la nouvelle version de la Loi sur les langues officielles, une version modernisée.
    J'ose espérer que nous aurons fait progresser le dialogue à cet égard.
    Ma prochaine question s'adresse à vous deux.
    Nous savons qu'il y a un manque de personnel au Manitoba en enseignement du français, et ce, dès la petite enfance. Pour dire cela, je me fonde sur ma propre expérience, ici, à Thompson.
    S'il n'y a pas de manque de personnel, c'est le nombre de places qui pose des problèmes dans les écoles françaises et il est difficile d'y inscrire les jeunes.
    Le gouvernement fédéral n'a pas indexé le transfert des fonds destinés à l'enseignement du français depuis des années, et les fonds sont difficilement accessibles.
    Quel rôle pourraient jouer les établissements d'enseignement pour freiner le déclin du français dans les communautés?
    Je peux répondre en partie à cette question.
    Justement, la semaine dernière, la province du Manitoba a franchi un pas de plus en mettant en œuvre un projet que nous demandions depuis longtemps. La province a accepté d'ajouter une somme importante dans le programme d'immersion française et dans le système scolaire francophone pour former des professeurs. C'est un pas dans la bonne direction, même si ce n'est qu'un pas.
    Je pense que nous avons tous la responsabilité de poser des gestes concrets si nous voulons avoir les infrastructures nécessaires pour offrir des cours en français, et je suis heureux de mentionner ici l'école française à Thompson. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas la géographie du Manitoba, je peux vous dire que c'est une belle réussite pour le Manitoba.
    Notre but est toujours de nous assurer d'avoir les ressources nécessaires et de travailler tous ensemble. Au Manitoba, nous avons un continuum en éducation, qui va de la petite enfance à l'enseignement postsecondaire. Cela est important.
    Je vous remercie, monsieur Boucher et madame Ashton.
    Nous entamons maintenant le prochain tour de questions.
    Monsieur Gourde, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages. C'est vraiment très intéressant.
    Monsieur Blackburn, la question de la francophonie économique m'intéresse beaucoup. Vous avez dit avoir signé une entente visant à promouvoir la francophonie économique dans le monde. Vous avez beaucoup parlé du potentiel que cela représente.
    Avec quels pays avez-vous signé cette entente?
    Quels sont les pays ou les continents où nous pourrions tirer notre épingle du jeu dans un avenir rapproché?
    Comment nos entreprises peuvent-elles savoir quel secteur sera le plus prospère dans l'avenir? Est-ce que ce sera le secteur primaire, secondaire ou tertiaire?
    Si vous pouviez nous guider dans nos réflexions, cela pourrait se révéler intéressant pour nos entrepreneurs.
(1720)
     Je vous remercie beaucoup de votre question, monsieur le député.
    Cela me permet de faire le point également sur l'engouement que nous avons, au Conseil du patronat du Québec, pour la Francophonie économique.
    D'abord, nous avons signé cet engagement de développement de la Francophonie économique avec 29 autres territoires francophones partout dans le monde avec la France et Bruxelles, évidemment, mais également avec des pays d'Afrique, du Maghreb, du Maroc. Nous avons réuni plusieurs pays de l'Afrique du Nord, de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique du Sud pour faire de cette Francophonie économique, un levier économique, un peu comme je l'ai mentionné dans mon allocution, à la manière du Commonwealth, mais pour la Francophonie.
    Aujourd'hui, il y a près de 300 millions de francophones dans le monde. En 2060, le nombre de francophones atteindra plus de 500 millions avec une moyenne d'âge de moins de 30 ans. Vous voyez qu'il y a là un potentiel de croissance extrêmement important.
    Au Canada, nous sommes confrontés à des enjeux démographiques, particulièrement au Québec.
    Vous avez devant vous des gens provenant de différents endroits au Canada, mais, au Québec, nous avons un problème extrêmement important, et c'est de la courbe vieillissante de notre population. En 2011, une personne sur six avait 65 ans ou plus. En 2031, dans quelques années seulement, ce sera une personne sur quatre. La pénurie de main-d'œuvre, que nous connaissons tous, sera amplifiée, en lien avec notre courbe démographique.
    Dans quels secteurs le potentiel de la Francophonie peut-il nous aider? Il peut nous aider de différentes façons, notamment dans le domaine des technologies de l'information, des jeux vidéo, des soins de santé, de l'industrie manufacturière, de l'éducation, de la formation dans le domaine de la santé. Tous les secteurs, monsieur le député, ont un fort potentiel.
    Nous pourrions créer des maillages importants et intéressants avec, par exemple, des pays francophones qui verraient la courbe de leur population plus jeune que la nôtre, ce qui permettrait de répondre à des besoins en formation. Des formateurs de ces pays pourraient venir ici, et les nôtres pourraient aller ailleurs. Ainsi, leurs défis sociétaux en lien avec leur courbe démographique plus jeune pourraient représenter des occasions pour nous, au Québec et au Canada. De notre côté, nos défis sociétaux en lien avec notre courbe démographique plus vieillissante pourraient représenter des occasions pour ces pays.
    Il y a vraiment un potentiel de croissance extrêmement intéressant. Il s'agit de s'en occuper, et c'est ce que le Conseil du patronat compte faire. Nous avons déjà pris des engagements extrêmement importants en lien avec la croissance de la démographie ou de la Francophonie économique, et ce n'est qu'un début. Je suis convaincu que le potentiel de la Francophonie est extrêmement important dans tous les secteurs technologiques, quels qu'ils soient, et ce, pour toutes les régions du Québec, monsieur Gourde.
    Merci beaucoup. Vous êtes très inspirant.
    Je vais m'adresser aux témoins du Manitoba au sujet d'un problème que je trouve triste.
    Beaucoup d'efforts ont été faits en éducation primaire, postsecondaire, collégiale et universitaire en faveur de l'enseignement du français. Cependant, quand les étudiants arrivent sur le marché du travail, après trois, quatre, cinq ans, ils perdent la maîtrise du français.
    Y aurait-il moyen d'offrir des ateliers de français ou de motiver ces jeunes travailleurs à continuer de pratiquer leur français? En effet, nous avons investi énormément dans la Francophonie des régions de l'Ouest. Beaucoup de gens souhaitent apprendre le français, mais, malheureusement, ils ne le maîtrisent plus à court terme.
    C'est justement la raison pour laquelle nous avons des établissements culturels, comme le Centre culturel franco-manitobain, le Théâtre Cercle Molière et d'autres organismes du même genre. Nous les avons créés pour pouvoir vivre en français après notre journée de travail.
    Je pense aux cours offerts à l'Université de Saint-Boniface et à l'Alliance française du Manitoba. C'est aussi important pour la Francophonie. Pour nous, l'investissement dans la programmation francophone et dans nos établissements culturels francophones est aussi très important pour pouvoir vivre en français quand notre journée de travail est terminée.
    Merci, madame Cassie.
    Les prochaines questions seront posées par Mme Arielle Kayabaga.
    Madame Kayabaga, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord remercier les témoins et saluer Mme Cassie. Je suis heureuse de la revoir.
    J'aimerais que tous les témoins puissent répondre à ma première question.
    M. Lacroix a parlé de l'immigration et de sa contribution à la croissance de la communauté francophone au Québec et partout au Canada.
    Sachant que 60 % des francophones se trouvent en Afrique, et surtout en Afrique de l'Ouest, que suggérez-vous au Comité pour changer le contexte de la discrimination entourant l'immigration des francophones de l'Afrique?
(1725)
     Est-ce que j'y réponds le premier?
    Oui, monsieur Lacroix.
    D'accord.
    Plusieurs données ont récemment été publiées dans les journaux. Je pense notamment à un article du journal Le Devoir, publié en novembre passé.
    Dans cet article, on indiquait que ceux qui venaient étudier en français au Québec subissaient de la discrimination. En effet, le taux de refus du fédéral à leur égard était beaucoup plus important que celui à l'égard des gens issus des mêmes pays, mais qui voulaient venir au Canada pour étudier en anglais.
    Ce qui semblait poser problème, c'était langue d'étude choisie. C'est le cas au Québec et partout au Canada. Cela me semble un immense problème.
    À mon avis, c'est important de comprendre ce qui se passe au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, à Ottawa.
    Que s'y passe-t-il pour qu'une telle chose soit possible? Une discrimination active est-elle exercée contre les francophones...
    Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Lacroix, mais je pense que vous n'avez pas compris le sens de ma question.
    Ma question est la suivante. Quelle suggestion feriez-vous au Comité afin qu'il puisse stimuler la croissance et tenir compte des pays qui ont les plus grands bassins francophones?
    Le Comité peut-il faire des recommandations au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration?
    Non, c'est à vous que je pose la question. Quelle suggestion feriez-vous au Comité?
    Selon moi, le Comité devrait exiger des réponses de la part du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration quant au traitement des francophones. Le Comité devrait demander au ministère pourquoi le taux de refus est élevé.
    Je vous remercie.
    Je vais poursuivre en m'adressant à M. Blackburn.
    Monsieur Blackburn, que pensez-vous de la cible visant à augmenter de 4,4 % l'immigration francophone au Canada? Quel impact cela pourrait-il avoir sur le Québec et sur les communautés francophones en situation minoritaire?
    Je vous remercie de votre question. Je vais tenter d'y répondre brièvement, en m'appuyant sur des données statistiques.
    Plus tôt, j'ai mentionné que la pénurie de main-d'œuvre est plus importante au Québec qu'ailleurs, ce qui est en lien avec notre courbe démographique. Depuis des mois, nous demandons au gouvernement du Québec d'élargir les bassins de travailleurs étrangers.
    Vous avez mentionné les pays de l'Afrique de l'Ouest. Ils ont été partie prenante de l'entente que nous avons signée à Paris, l'été dernier. Dans quelques semaines, nous ferons le lancement mondial d'un nouvel organisme visant à promouvoir la Francophonie économique. Ce nouvel organisme permettra au Québec de jouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale de la Francophonie économique, si je puis m'exprimer ainsi, et nous permettra d'en faire davantage à cet égard.
    On parle souvent d'intégration, de capacité et d'atteinte maximales. Le Conseil du patronat du Québec est convaincu que, la meilleure façon de faire de l'intégration un succès, c'est au moyen du travail, des communautés, des parties prenantes et des entreprises. Si tout le monde est d'accord sur les objectifs à atteindre, ce défi collectif sera un succès collectif.
    Votre temps de parole est écoulé, madame Kayabaga.
    Les témoins étaient très intéressants, mais le temps file rapidement. En effet, comme il est 17 h 30, je dois obtenir le consentement unanime du Comité pour prolonger la réunion.
(1730)
    Malheureusement, je ne peux pas rester.
    Dans ce cas, et j'en suis désolé, nous devons mettre fin à la réunion.
    Avant determiner, j'aimerais remercier nos témoins, soit M. Hamel, M. Blackburn, Mme Cassie, M. Boucher et M. Lacroix. Leurs témoignages étaient vraiment intéressants et passionnants.
    Madame et messieurs, je vous invite à compléter vos réponses en les envoyant par écrit à la greffière du Comité; c'est elle qui les distribuera à tous les membres du Comité, afin qu'ils en prennent connaissance. N'hésitez pas à le faire.
    J'aimerais maintenant entendre l'intervention de M. Godin.
    Monsieur Godin, vous avez la parole.
    Monsieur le président, j'ai une demande particulière à faire au Conseil du patronat du Québec.
    Nous avons parlé de l'étude sur les pays francophones. Je ne sais pas si cette entente internationale est publique, mais j'aimerais que M. Blackburn en fasse parvenir une copie au Comité, si cela est possible.
    Vous pouvez le faire par l'entremise de la greffière, monsieur Blackburn.
    Nous la rendrons disponible lorsque nous ferons officiellement notre lancement, soit au cours des prochaines semaines.
    Merci, monsieur Blackburn.
    Merci, monsieur Blackburn.
    Je souhaite à tous une joyeuse Saint‑Valentin.

[Traduction]

    Chers collègues, restez à l'écoute juste un instant avant de quitter la réunion.

[Français]

    Mercredi, nous allons terminer la présente étude. Par la suite, il y a une semaine de relâche.
    La greffière aimerait recevoir, avant la semaine de relâche, la liste des témoins que les membres souhaitent inviter à témoigner lors de l'étude sur l'immigration.
    Je demande à tous les membres du Comité de transmettre la liste à la greffière avant vendredi midi. Cela nous permettra de prendre un peu d'avance.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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