Je vous souhaite la bienvenue à la 47e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 30 mai 2022, le Comité reprend l'examen du projet de loi .
J'informe le Comité que, conformément à notre motion de régie interne, tous les députés ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Aujourd'hui, nous reprenons l'étude article par article du projet de loi C‑13.
Je souhaite la bienvenue aux fonctionnaires duministère du Patrimoine canadien, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui sont présents pour appuyer le Comité et pour répondre à des questions techniques.
Du ministère du Patrimoine canadien, nous accueillons Mme Julie Boyer, sous-ministre adjointe, Langues officielles, Patrimoine et régions; M. Jean Marleau, directeur, Modernisation de la Loi sur les langues officielles; et Mme Chantal Terrien, gestionnaire, Modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, nous recevons M. Alain Desruisseaux, directeur général, Politiques en immigration francophone et langues officielles.
Du Secrétariat du Conseil du Trésor, nous recevons M. Carsten Quell, directeur général, Centre d'excellence en langues officielles, Personnes et culture, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines.
Je remercie tous ces experts de se prêter à cet exercice.
Nous allons reprendre là où nous en étions, mardi dernier, lors de l'étude article par article. Nous en étions à discuter de l'amendement LIB‑4.
Monsieur Housefather, vous avez la parole.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Chers collègues, je vais brièvement reprendre mes arguments, au bénéfice des gens qui n'étaient pas présents.
Nous commençons à prendre des décisions en lien avec le projet de loi . Aujourd'hui, le Comité doit faire un choix. Il peut choisir de voir les langues officielles du Canada de la même façon que depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles, en 1969, à savoir qu'il y a une communauté minoritaire francophone à l'extérieur du Québec et qu'il faut soutenir le français partout au pays, mais qu'il faut aussi soutenir la communauté minoritaire anglophone au Québec.
Le Comité peut aussi choisir la vision présentée par le Bloc québécois. Selon le Bloc, la minorité anglophone au Québec n'est pas vraiment une minorité, parce qu'elle fait partie de la majorité anglophone du Canada, et le gouvernement fédéral n'a aucune obligation de soutenir la communauté anglophone du Québec. Toujours selon lui, le gouvernement devrait acquiescer aux demandes du Québec.
Des amendements proposés au projet de loi visent à supprimer le devoir du gouvernement du Canada de soutenir la vitalité et le développement de la communauté anglophone du Québec et à faire appliquer les règles de la loi 96, c'est-à-dire de la Charte québécoise de la langue française.
Cette vision est légitime, mais c'est celle du Bloc québécois.
[Traduction]
Elle n'a été la vision d'aucun autre parti politique au Canada. Le Parti conservateur a toujours soutenu la vitalité et le développement de la minorité anglophone du Québec; d'ailleurs, dans l'Accord de Charlottetown de 1992, Brian Mulroney a proposé d'intégrer cette idée à la Constitution du Canada. Nous avons toujours estimé que toutes les communautés linguistiques minoritaires devaient être soutenues.
Nous en arrivons maintenant à une référence qui doit être supprimée du projet de loi. Il s'agit d'une référence à la Charte de la langue française du Québec, qui est maintenant le projet de loi 96, qui a été adopté grâce à l'utilisation de la disposition de dérogation de façon préventive pour priver les Québécois de leur droit de se présenter devant les tribunaux si les droits que leur confère la Charte sont violés et de demander au tribunal d'ordonner des mesures de réparation.
N'oubliez pas que la disposition de dérogation vise à reconnaître l'existence d'un droit, et l'article 1 de la Charte des droits et libertés stipule que tous les droits sont limités à ce qui est raisonnable dans une société libre et démocratique. Ici, cet article ne s'applique pas; les gens ne pourront pas vérifier si leurs droits ont été violés et si les choses sont faites d'une manière juste dans une société libre et démocratique. On annule en fait ces droits. Personne, lors du rapatriement de la Constitution ou de l'ajout de la Charte des droits et libertés en 1982, n'a jamais envisagé que la disposition de dérogation puisse être utilisée de cette façon.
Récemment, en Ontario, pour ce qui est des droits des travailleurs, et au Québec, pour ce qui est des projets de loi 21 et 96, la disposition de dérogation a été utilisée de manière préventive. Le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral, du moins, se sont prononcés sans ambages contre l'utilisation préventive de la disposition de dérogation. Ici, nous incorporerions l'utilisation préventive de la disposition de dérogation au niveau fédéral en faisant une référence dans laquelle on approuverait cette loi, car c'est la façon dont cette phrase aborde cette loi. Nous créerions essentiellement un handicap pour le lorsqu'il se présentera devant les tribunaux, comme il a dit qu'il le ferait dans le cas du projet de loi 21, pour faire valoir que l'utilisation préventive de la disposition de dérogation n'est pas constitutionnelle. Le a déjà déclaré que lorsque la Cour suprême entendra les arguments sur le projet de loi 21, le gouvernement du Canada soutiendra que l'utilisation préventive de la disposition de dérogation n'est pas constitutionnelle. Cependant, ce que nous ferions ici, c'est permettre à toutes les provinces qui tentent de justifier l'utilisation de la disposition de dérogation de manière préventive de dire: « Mais, monsieur le procureur général, dans votre propre projet de loi, vous faites référence à une loi qui utilise la disposition de dérogation de manière préventive en l'approuvant ». Ce n'est pas une bonne chose.
J'aimerais également souligner que le projet de loi 96 stipule que pour recevoir des services en anglais au Québec, il faut avoir accès à des écoles anglophones. On prive donc près de la moitié de la communauté anglophone du Québec du droit d'obtenir des services en anglais.
[Français]
La Loi sur les langues officielles a toujours dit que les deux communautés sont censées recevoir des services dans les deux langues.
Où que vous soyez au pays, comme francophone, si vous vous adressez au gouvernement du Canada, vous devriez recevoir des services en français. C'est la même chose pour les anglophones du Québec, même dans les régions où ils sont très minoritaires, dans les circonscriptions comme celles que représentent mes collègues, ici. Les anglophones représentent peut-être moins de 1 % de la population dans la circonscription de M. Lehoux, mais, sur le plan fédéral, nous devrions avoir accès à des services dans les deux langues, et ce, partout au pays. Or ce n'est pas ce qui se trouve dans la Charte de la langue française, aujourd'hui. Ce n'est pas ce qui se trouve dans la loi 96. Aujourd'hui, nous avons la possibilité de dire la même chose.
Le but de cette phrase était d'affirmer que le français est la langue officielle du Québec. Cela ne disait rien d'autre. On peut le dire d'une manière différente. On peut dire que l'Assemblée nationale du Québec a déclaré que le français est la langue officielle du Québec, dans ses propres champs de compétence, sans mentionner que c'est grâce à la mise en œuvre de la loi 96. On peut dire la même chose, sans mentionner une loi qui ne fait pas consensus dans la communauté minoritaire.
[Traduction]
Je tiens à souligner que nous parlerions d'un projet de loi, d'une loi, qui est probablement appuyée par la majorité des Québécois francophones, mais qui, selon tous les sondages que j'ai consultés, ne l'est pas par la quasi-totalité de la communauté anglophone du Québec, soit bien plus de 95 % de ses membres ni par aucun organisme anglophone.
Pourquoi ferions-nous référence à une loi qu'aucun membre de la communauté minoritaire n'appuie? Nous ne ferions jamais cela aux francophones de l'Ontario s'ils n'appuyaient pas un projet de loi ontarien. Nous n'y ferions jamais référence en l'approuvant dans une loi fédérale. Pourquoi le faisons-nous alors que la minorité anglophone du Québec, qui est l'une des communautés que nous sommes censés protéger en vertu de la Loi sur les langues officielles, ne l'appuie absolument pas? Non seulement il n'y a pas de consensus, mais il y a un désaccord total avec cette loi. Il est inutile de la mentionner.
Je vais passer aux derniers points.
Premièrement, ce projet de loi ne fait référence à aucune autre loi provinciale. Nous ne faisons pas référence à la Loi sur les services en français de l'Ontario. Nous ne faisons pas référence aux lois de tout le pays visant à protéger les langues officielles, y compris au Nouveau-Brunswick; nous faisons référence à la loi d'une seule province. Pourquoi?
De plus, nous ferions référence à cette loi en l'approuvant, alors qu'elle pourrait être modifiée. En tant que Parlement fédéral, nous céderions notre autorité à une administration provinciale qui pourrait modifier cette loi à sa guise et à tout moment, comme l'ont dit nos fonctionnaires, sans que nous ayons aucun contrôle. Ce n'est également pas une bonne chose.
Quel message envoyons-nous à la communauté minoritaire du Québec qui n'approuve pas cette loi si le Parlement fédéral la valide et l'inclut dans une loi fédérale alors que la communauté minoritaire ne l'approuve pas?
De plus, j'ajouterais respectueusement que bon nombre des amendements proposés mettraient la minorité anglophone du Québec en péril sur le plan juridique. Si vous appliquez ce projet de loi et que vous l'appliquez au niveau fédéral, lorsque nous nous adressons aux tribunaux pour obtenir réparation de nos droits, cette référence causerait, à mon avis, de véritables problèmes juridiques pour les droits de la communauté anglophone du Québec.
[Français]
Je plaide donc ma cause auprès de mes collègues. Nos discussions sur les langues officielles sont de rares occasions où nous pouvons vraiment mettre de côté la partisanerie, parce que ce sont des sujets pour lesquels nous nous passionnons. Tous les Canadiens sont passionnés quand il s'agit des langues officielles. La protection de leur langue, pour les minorités francophones au pays, mais aussi pour les anglophones du Québec, est un sujet qui suscite la passion.
On peut dire les choses de deux manières différentes: d'une façon blessante ou d'une façon qui ne blesse personne. Je vous demande, personnellement, en tant que collègue, d'y penser quand vous voterez sur cet amendement aujourd'hui. Plusieurs députés du Québec, ici, ont des sentiments passionnés sur la question. S'il vous plaît, donnez-nous la chance de voir notre amendement adopté. Il est très important, non seulement pour nous, mais également pour la communauté d'où nous venons. Nous voulons avoir l'occasion d'être entendus.
[Traduction]
À titre de député, je dirais qu'il s'agit peut-être de l'argument le plus important que j'aie présenté au Parlement au cours des sept années que j'y ai passées, car je parle de quelque chose qui non seulement me passionne, mais qui effraie réellement ma communauté. Jamais je n'ai reçu autant d'appels ou de courriels sur quelque question que ce soit dans ma circonscription au Québec. Mes électeurs craignent les effets qu'ils subiront si un projet de loi et une loi provinciaux auxquels s'oppose complètement la minorité anglophone sont intégrés à la loi fédérale.
Je fais appel à mes collègues et j'espère qu'ils appuieront l'amendement LIB‑4 qui est représentatif, selon moi, la vision historique de tous les partis fédéralistes depuis 1968.
Je vous sais gré de m'avoir accordé du temps. Merci beaucoup.
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Je vais essayer d'être bref, parce qu'il semble y avoir une stratégie visant à faire de l'obstruction dans le but de retarder les débats et d'éviter qu'on en arrive à proposer l'application de la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale.
En résumé, la Loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral sert, depuis 52 ans, à promouvoir l'anglais au Québec, point final. Pourtant, c'est le français qui est menacé, et non l'anglais. Cette loi a servi à financer des groupes de pression anglophones comme Alliance Québec, dont M. Housefather a été le président pendant longtemps. Ce dernier plaide contre l'adoption du français comme langue commune au Québec, ce qu'il a fait pas plus tard hier.
Faire du français la langue commune, c'est la condition pour intégrer les nouveaux arrivants à la société québécoise. Contrairement à ce qu'a dit M. Housefather, et comme le propage Alliance Québec avec beaucoup de préjugés anti-québécois, et ainsi de suite, la situation se poursuit aujourd'hui.
Contrairement aux francophones hors Québec, tous les anglophones du Québec ont droit à des services en anglais. Ils en obtiennent dans toutes les régions, alors que les francophones hors Québec n'obtiennent pratiquement pas de services en français. C'est la réalité.
Ainsi, ce que veulent les anglophones, ce n'est pas le droit de recevoir des services en anglais pour eux-mêmes. Ils veulent que les nouveaux arrivants, les allophones, puissent aussi recevoir des services en anglais. L'objectif, c'est de les angliciser, et c'est ce qu'on observe. La proportion de transferts linguistiques vers l'anglais est très importante et complètement disproportionnée.
L'incidence du gouvernement fédéral au Québec par l'entremise de la Loi sur les langues officielles a été telle que les organisations anglophones sont devenues surdimensionnées et servent à angliciser tant les allophones, les enfants de loi 101, que les francophones de Montréal.
Je pense donc que c'est vraiment crucial. Durant plus de 50 ans, le gouvernement fédéral a nié le déclin du français. Or, eurêka, il a heureusement admis ce déclin il y a deux ans. Dans son discours du Trône, le gouvernement fédéral a admis qu'il devrait avoir la responsabilité de défendre et protéger le français.
On voit que notre collègue essaie d'évacuer la Charte de la langue française. Celle-ci a été démantelée. Elle a été affaiblie dans tous les secteurs d'application au moyen de pressions et de groupes financés par la Loi sur les langues officielles.
En ce moment, les Québécois n'éprouvent pas seulement de la crainte, mais ils luttent pour leur survie. Ce qui se passe, c'est une lutte pour la survie du français dans le seul État où la majorité est encore francophone au Canada et en Amérique du Nord. Il s'agit d'une lutte pour la diversité linguistique sur le plan international en Amérique du Nord.
Il y a eu de belles intentions concernant la Loi sur les langues officielles, qui était censée respecter la Charte de la langue française.
Au gouvernement du Québec, le projet de loi 96, que M. Housefather essaie de diaboliser, ne fait que rétablir quelques articles de la Charte de la langue française. Elle ne vise qu'à assurer une intégration, une francisation des nouveaux arrivants, pour que la société québécoise puisse être une société inclusive et cohérente. Or cela exige la connaissance du français.
En ce moment, on voit le vrai visage du Parti libéral du Canada, qui défend l'anglais au Québec. Il ne fait que le promouvoir et favoriser la diminution du nombre de francophones. Je n'en dirai pas davantage, mais nous aurons le temps d'y revenir.
À mon avis, mes collègues du parti de l'opposition officielle vont certainement rejeter cette proposition. Les Québécois doivent être très attentifs. Si on ne réussit pas à faire des gains significatifs en ce moment, cela veut dire que le gouvernement fédéral va continuer à travailler complètement en faveur de l'anglais au Québec, mais nous ne pouvons plus continuer à reculer.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je suis député depuis 14 ans, et chaque fois que j'examine un projet de loi, j'essaie de le faire pour en assurer la clarté et la logique. Je ne suis pas avocat, mais ingénieur, mais sachez qu'en génie, la clarté et la logique sont deux qualités qui sont particulièrement importantes dans tout ce qui est écrit.
Voici comment je vois le projet de loi sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Ce projet de loi a deux objectifs principaux. Revenons aux fondements de la question. Le projet de loi vise d'abord à promouvoir les deux langues officielles du pays à l'échelle nationale, et à protéger les droits linguistiques des minorités du pays, qu'il s'agisse des droits des Québécois anglophones en situation minoritaire au Québec ou les droits des minorités francophones vivant à l'extérieur du Québec. Ce sont là ses objectifs fondamentaux.
Si nous examinons la Charte de la langue française du Québec, nous constatons qu'il s'agit d'une charte provinciale qui se fonde essentiellement sur le projet de loi 96 adopté à l'Assemblée nationale. Son objectif consiste bien entendu à protéger les droits linguistiques au Québec. Il existe une loi fédérale et une loi provinciale, et pourtant, la loi provinciale est incorporée à une loi fédérale dans le projet de loi . Je pense que nous devons aux personnes qui interpréteront le projet de loi C‑13 dans l'avenir d'en assurer la clarté et la logique. C'est d'une importance fondamentale.
C'est une chose que d'être d'accord ou non avec le projet de loi 96, et je me doute qu'une bonne partie de la question se réglera devant les tribunaux. Quoi qu'il en soit, c'est une loi provinciale qui est intégrée dans une loi fédérale. Cela ne me semble pas logique et ne favorise pas la clarté. Cette loi ne devrait pas faire partie d'une loi fédérale pour que quand le Parlement du Canada devra interpréter le projet de loi dans l'avenir, il soit plus clair et facile à interpréter.
L'amendement LIB‑4 proposé est une manière éloquente d'admettre que l'Assemblée nationale du Québec a établi que le français est la langue officielle dans ses propres champs de compétences, un fait que nous reconnaissons tous. Par ailleurs, l'amendement assure une meilleure clarté en éliminant quelque chose qui ne devrait pas figurer dans le projet de loi.
Je vous exhorte, à titre de législateurs qui croient à la clarté et, j'en suis sûr, à la logique, d'adopter cet amendement.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner la parole aujourd'hui pour parler de cet amendement. Je pourrai donc vous dire pourquoi il est important pour ma communauté, dans la circonscription de Saint‑Laurent, mais aussi pour la communauté linguistique minoritaire du Québec.
[Traduction]
Je commencerai en indiquant que tout le monde sait que le Québec est une province francophone et que le français en est la langue commune, un fait dont nous sommes tous fiers et que nous acceptons tous. C'est un fait connu. Que nous incluions ou non les lignes 1 et 2 dans leur forme actuelle dans le projet de loi, c'est un fait bien connu au Québec.
Je pense que la manière de procéder que propose M. Garneau est excellente, puisque la disposition indique encore que le français est la langue officielle commune du Québec.
Je crois comprendre que quand le projet de loi C‑13 a été initialement rédigé, le projet de loi 96 n'avait pas encore été adopté et mis en œuvre au Québec. Il était alors logique qu'il fasse mention de la Charte de la langue française, mais depuis que le projet de loi 96 a été mis en œuvre et inclut la Charte de la langue française, il n'est plus acceptable que nous en parlions dans le projet de loi C‑13, et ce, parce que le projet de loi 96 recourt à la disposition de dérogation. Il va littéralement à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés ou il en fait fi.
Comment le gouvernement fédéral peut‑il inclure dans son projet de loi en matière de langues une mesure qui fait intervenir une disposition de dérogation? Pour moi, il est en soi inacceptable de l'inclure aux lignes 1 et 2.
J'ajouterais que depuis sa mise en œuvre, le projet de loi 96 a eu des répercussions très négatives sur la communauté anglophone ou linguistique en situation minoritaire au Québec. Déjà, des gens ont appelé mon bureau pour se plaindre, des gens qui ne démêlent pas nécessairement les champs de compétences et qui ne savent pas qui appeler au sujet de certaines questions. Ma coiffeuse, qui vit dans ma circonscription, m'a appelée pour me dire qu'elle avait récemment dû accompagner sa grand-mère chez sa médecin, parce que lors de son dernier rendez-vous, on avait refusé de la servir en anglais. Cette médecin s'adressait à elle en anglais avant l'adoption du projet de loi 96, mais elle ne le fait plus, car elle craint de faire l'objet d'une plainte si elle emploie une autre langue que le français dans le cadre de son travail.
Cette aînée a la chance de pouvoir compter sur une petite-fille qui comprend le français et qui peut l'accompagner à ses rendez-vous médicaux, mais il y a dans ma circonscription des centaines, voire des milliers d'aînés qui ne sont peut-être pas aussi chanceux et qui sont peut-être privés des services de santé de base auxquels ils devraient avoir accès.
Cette mesure a de très graves répercussions. Le projet de loi 96 a, depuis sa mise en œuvre, des effets néfastes sur des Canadiens qui vivent au Québec. Ces effets sont bien réels. Cette mesure n'est en application que depuis quelques mois, mais nous en observons déjà des effets négatifs. Si le gouvernement fédéral soutient ou inclut ce genre de mesure dans son projet de loi, je ne vois pas comment je pourrais l'appuyer.
Revenons brièvement en arrière, car le Comité compte de nouveaux membres qui, je pense, n'étaient pas ici dans le passé quand j'étais membre du Comité. Permettez-moi de fournir quelques explications supplémentaires.
J'appartiens à la communauté grecque de Montréal. Il y a eu, dans les années 1950 et 1960, une importante vague d'immigration. À l'époque, avant les années 1990, les commissions scolaires n'étaient pas linguistiques, mais religieuses. Si on n'était pas catholique, on était automatiquement envoyé à l'école anglophone quand on demeurait dans certains quartiers de Montréal. Quand ma grand-mère est arrivée de la Grèce, sa fille était également de ce pays, mais son fils, mon père, est né ici. Il a essayé de s'inscrire à l'école la plus proche, à un jet de pierre de chez lui, mais comme c'était une école francophone, il n'a pas été autorisé à la fréquenter. Il s'est fait dire qu'il devait aller à l'école anglophone parce qu'il était orthodoxe et non catholique. On lui a donné une adresse en lui indiquant d'aller s'inscrire à l'école anglophone.
Les aînés anglophones de Montréal sont arrivés au pays vers cette époque, dans les années 1950 et 1960, voire avant. Un grand nombre d'entre eux, dans les communautés juive et grecque, du moins, n'ont pas pu envoyer leurs enfants à l'école francophone et ont dû les inscrire à l'école anglophone. Quand on ne travaille pas aux côtés de ses enfants qui apprennent la langue à l'école, il est très difficile de l'apprendre. C'est ainsi que de nombreux aînés n'ont pas eu l'occasion d'apprendre le français au Québec. Même s'ils vivent ici depuis des années, ils n'ont pas pu apprendre la langue.
Les gens qui, comme mon père, ont fréquenté l'école anglophone se sont vu refuser l'occasion d'apprendre le français en milieu de travail.
[Français]
C'est parce que les cours de francisation n'étaient offerts qu'aux immigrants. Les personnes nées au Québec n'y avaient pas droit.
[Traduction]
Certains membres de la communauté grecque se heurtaient constamment à des obstacles quand venait le temps d'apprendre le français. Ce sont les aînés qui n'ont jamais eu l'occasion ou le droit de fréquenter l'école francophone qui n'ont pas accès aux services en anglais. Ils en sont à un point de leur vie auquel ils ont besoin de services plus que quiconque et plus qu'ils n'en ont jamais eu besoin au cours de leur vie.
Il est, selon moi, inconcevable qu'inclure dans le projet de loi le fait que la Charte de la langue française du Québec dispose que le français est la langue officielle. Il ne fait aucun doute que le français est la langue officielle du Québec. Nous devrions l'indiquer dans le projet de loi, mais nous ne devrions pas faire référence à la Charte de la langue française maintenant que le projet de loi 96 en fait partie. Cela porte atteinte à un trop grand nombre de droits de la communauté anglophone en situation minoritaire du Québec.
[Français]
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais commencer mon intervention en français et la poursuivre en anglais.
J'aimerais d'abord dire qu'au NPD, nous croyons que le recul du français est une préoccupation très sérieuse au Canada. Il faut faire tout ce que nous pouvons pour nous attaquer à ce recul. C'est ce sentiment qui guide notre travail, chaque jour, à ce comité, mais particulièrement dans le contexte de ce projet de loi. Nous considérons qu'il faut, de toutes les façons possibles, travailler avec le Québec et nous assurer de progresser pour nous attaquer à ce recul. Bien sûr, nous reconnaissons qu'il faut le faire tout en protégeant les droits des communautés linguistiques minoritaires.
[Traduction]
Cela étant dit, j'ajouterai ce qui suit.
Ce qui me préoccupe énormément, c'est que nous sommes saisis d'un amendement libéral qui vise à modifier un projet de loi libéral. Le gouvernement libéral propose un projet de loi historique, censément pour freiner le déclin du français et protéger les minorités linguistiques, mais depuis trois séances — car ce n'est que notre troisième —, les libéraux veulent continuellement modifier le projet de loi. Je me demande donc comment nous en sommes arrivés là. Comment le gouvernement libéral en est‑il arrivé au point de proposer un projet de loi qui soulève manifestement de très graves préoccupations, des préoccupations que partagent les députés libéraux? Sachez que je respecte ces préoccupations, mais comment en sommes-nous arrivés là?
Depuis six mois, depuis juin, la répète encore et encore qu'il s'agit d'un excellent projet de loi et qu'aucune modification ne devrait y être apportée, affirmant qu'il est parfait tel qu'il est. Nous sommes fondamentalement en désaccord avec cette position depuis le début.
Je suis franchement incrédule quand je vois ce que les libéraux ont fait jusqu'à maintenant avec ce projet de loi. S'il est si préoccupant, comme nous l'entendons dire, comment se fait‑il qu'ils aient proposé un projet de loi qui contient de telles dispositions? Et voilà que des députés libéraux, que je respecte, utilisent les outils mis à notre disposition pour accaparer le tiers d'une séance du Comité afin de traiter de la question et de nous dire à quel point l'affaire est grave.
Ma question est la suivante: la ministre est-elle d'accord avec vous, elle qui nous affirme depuis six mois qu'il est parfait tel qu'il est? Le Cabinet du premier ministre est‑il d'accord avec vous?
On nous demande d'appuyer un amendement visant le projet de loi du gouvernement. À mon avis, cela soulève une question fondamentale plus vaste. Je le répète: je respecte les objections soulevées ici en ce qui concerne les problèmes auxquels les communautés ont été confrontées, y compris la mienne et la communauté grecque.
À mon avis, il convient de s'interroger sur la vision du Parti libéral quand il veut soutenir le français non seulement au Québec, mais au Canada, et réellement défendre et protéger les droits des minorités linguistiques. D'après ce que je vois, il n'a pas de vision ou de plan réel, mais il s'adonne à bien des jeux politiques. Voilà que je juge préoccupant en 2023, sachant que nous avons de graves défis devant nous. C'est la situation à laquelle le Comité est confronté. Je veux exprimer mon inquiétude, particulièrement au sujet des jeux politiques dont nous sommes témoins, tout en affirmant mon profond respect à l'égard des députés qui ont formulé de graves préoccupations au sujet de cet amendement et d'autres dispositions du projet de loi.
Je respecte ces préoccupations, mais je me demande, de manière plus générale, quel est le plan du gouvernement libéral. Ce qui me préoccupe principalement, c'est l'absence de vision ou de plan réel et le recours à maints jeux politiques.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais dire deux choses.
Premièrement, j'ai entendu les paroles de mon collègue M. Beaulieu et je dois dire que nous, les Québécois, sommes tous Québécois de manière égale, que nous ayons pour langue maternelle l'anglais, le français ou une autre langue. Il n'y a pas un parti politique ou une personne qui a le droit de parler pour tout le Québec. Le Québec, comme toutes les sociétés, est composé de gens qui ont différents points de vue, et nous avons tous le droit d'exprimer ces points de vue sans qu'on nous attaque en disant que nous sommes anti-Québécois. Ce n'est pas acceptable.
[Traduction]
Deuxièmement, je comprends très bien ce que mon amie Mme Ashton a dit. Je veux simplement rectifier quelques faits.
Les trois dernières séances... Cet amendement n'a été proposé qu'à la fin de la dernière séance. Lors des deux premières, les membres libéraux du Comité se préoccupaient des amendements proposés par d'autres partis, comme ceux des conservateurs et du Bloc québécois, qui auraient réduit les droits des minorités linguistiques en situation minoritaire. Nous ne tentions pas de modifier le projet de loi.
Il y a, dans la Loi sur les langues officielles et le projet de loi proposé, deux références à la Charte de la langue française. Ce projet de loi a été déposé avant que le projet de loi 96 ne soit adopté et ne vienne modifier la Charte de la langue française initialement adoptée en 1977. Le recours préventif à la disposition de dérogation a profondément troublé bien des gens et les a incités à revoir leur position quant à la pertinence de faire référence à ce projet de loi.
Je ne cherche pas à retarder le Comité. J'essaie seulement de dire que, comme vous le savez, c'est une question très importante pour les citoyens que je représente et, selon moi, pour tous ceux et celles qui partagent notre vision du Canada, car le recours préventif à la disposition de dérogation est inacceptable. Que ce soit correct ou non, peu importe la manière dont nous en sommes arrivés là, au bout du compte, nous en sommes là, et cette référence devrait disparaître du projet de loi. J'exhorte mes collègues, dont je connais l'immense intelligence, à envisager cette possibilité.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Je crois qu'il est important que je lise l'amendement CPC‑7.
L'amendement propose tout d'abord que le projet de loi , à l'article 4, soit modifié par substitution, à la ligne 3 de la page 4, de ce qui suit:
2.1 (1) Le Conseil du Trésor est chargé
Ensuite, l'amendement propose que le projet de loi soit modifié par substitution, aux lignes 7 et 8 de la page 4, de ce qui suit:
(2) Il coordonne, en consultation avec les autres ministères fédéraux, la mise en
Enfin, l'amendement propose que le projet de loi soit modifié par substitution, à la ligne 10 de la page 4, de ce qui suit:
des engagements énoncés aux paragraphes 41(1) à (3), et en assure la bonne gouvernance.
Essentiellement, l'amendement CPC‑7 donne au Conseil du Trésor la responsabilité de coordonner l'application de la Loi sur les langues officielles au Canada.
Ici, à Ottawa, depuis plus de 50 ans, soit depuis que la Loi sur les langues officielles existe, les interprétations diffèrent quant à savoir qui est responsable de l'application de cette loi. D'ailleurs, nous en avons encore eu un bel exemple dernièrement, au sujet de l'application ArriveCAN. Je mets quiconque au défi de trouver qui, à Ottawa, en est responsable actuellement.
La responsabilité de coordonner l'application de la Loi sur les langues officielles à Ottawa doit d'abord relever d'un ministère. La Loi doit s'appliquer de façon transversale dans l'ensemble des ministères, mais la coordination doit être faite au même endroit, et non pas à deux endroits. Selon nous, c'est fondamental.
Le Conseil du Trésor a la capacité de s'assurer de l'application intégrale de la Loi dans tous les ministères fédéraux, à Ottawa comme partout ailleurs au Canada.
Je rappelle à mes amis libéraux que le livre blanc de contenait une promesse fondamentale, soit celle de donner au Conseil du Trésor la responsabilité de faire appliquer la Loi.
et ne veulent pas enlever le rôle du ministère du Patrimoine canadien à cet égard, et ce n'est d'ailleurs pas notre volonté non plus. Sur le plan de l'application au quotidien, cela ne change rien, puisque c'est majoritairement le ministère du Patrimoine canadien qui s'occupe de l'application des programmes. Cela n'y change absolument rien.
L'amendement CPC‑7 a plutôt trait à la responsabilité de la coordination. C'est fondamental, après 50 ans de tergiversations, d'interprétations divergentes et de problèmes vécus par l'ensemble des organisations, que ce soit ici, à Ottawa, ou ailleurs au pays.
Je précise que la modification demandée dans l'amendement CPC‑7 n'émane pas du Parti conservateur du Canada. Cela reflète plutôt la volonté de l'ensemble des organisations, à la suite de tous les témoignages que nous avons entendus depuis le dépôt de ce projet de loi et le début de son examen. Essentiellement, l'amendement reflète ce que désirent les communautés francophones du Canada, et même la communauté anglophone. Elles veulent qu'il y ait un conducteur derrière le volant, un pilote dans l'avion, un capitaine dans le navire. Utilisez l'expression que vous voudrez, mais il faut que quelqu'un à Ottawa soit responsable de l'application de la Loi sur les langues officielles.
J'ajouterais que le présent projet de loi prévoit une révision de la Loi tous les 10 ans. La Loi actuelle ne prévoit aucune révision. Au fil du temps, on y a apporté des modifications, mais il y en a eu très peu. Maintenant, on prévoit une révision tous les 10 ans. Quelqu'un a même proposé que la révision soit faite tous les 5 ans. À la rigueur, on pourrait apporter une modification à ce moment. À mon avis, il faut à tout le moins donner la chance au coureur, en l'occurrence le Conseil du Trésor, de démontrer qu'il est en mesure de coordonner l'application de la Loi sur les langues officielles à Ottawa.
Nombre d'intervenants, dont la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, qui représente plus de 200 organisations au pays, ont été extrêmement clairs quant au fait que le Conseil du Trésor doit être à la tête de la coordination de l'application de la Loi.
Je vais m'arrêter ici. J'ai hâte d'entendre ce que mes collègues ont à dire à cet égard. Je pourrai toujours reprendre la parole par la suite.
J'aimerais quand même poser une question à Mme Boyer, à Mme Terrien ou aux autres témoins. Quelle est leur interprétation à ce sujet?
Pour notre part, tout ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, c'est la difficulté qu'on a à faire appliquer la Loi actuelle. Si, après toutes ces années, on demeure incapable de véritablement donner un rôle de guide à un organisme ou de nommer un responsable à l'intérieur de l'appareil fédéral, il faut changer la Loi.
J'aimerais donner aux témoins l'occasion d'interpréter mes propos et de me dire ce qu'ils en pensent.
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Madame Boyer, je vais essayer d'exprimer cela de façon imagée.
Sur un bateau, il y a un capitaine, un sous-capitaine, des assistants, etc. Le capitaine ne se contente pas de demander à son équipage s'il a mis telle ou telle chose en application, s'il a fait ce qu'on lui a dit de faire. Son rôle va beaucoup plus loin que cela.
Selon ma perception de l'appareil gouvernemental, c'est le Conseil du Trésor qui approuve l'ensemble des dépenses faites au pays, par exemple. De façon unilatérale, il peut donner des instructions à tout le monde, par exemple aux champions des langues officielles. Toutes sortes d'organisations pourraient être impliquées, non seulement le ministère du Patrimoine canadien, mais l'ensemble de l'appareil gouvernemental.
Quand on dit que le français est malmené, ce n'est pas une image, c'est la réalité. J'ai entendu des témoignages à cet effet de la part de personnes qui l'ont vécu à Ottawa. Par exemple, même s'il n'y a qu'un anglophone parmi les 10 personnes présentes dans une salle de réunion, on va parler anglais. Je ne vous parlerai même pas des fautes épouvantables qu'on retrouve partout sur les sites Web des différents ministères du gouvernement. On dit qu'on fait des efforts, mais ceux-ci doivent être mis en application et mesurés. Il y a des gens, quelque part, qui doivent se faire taper sur les doigts.
Cela fait huit ans que je siège au Comité permanent des langues officielles, et tout ce qu'on entend depuis, c'est que le système actuel ne fonctionne pas. Je suis francophone et j'habite à Québec, qui est probablement l'endroit le plus francophone au Canada. Ce n'est pas là que sont les problèmes. Les problèmes sont vécus à Montréal, où il y a une grande proportion d'anglophones, et dans toutes les autres régions du pays où vivent des francophones en situation minoritaire.
Il y a des organisations, comme la FCFA, qui nous supplient de nous assurer que quelqu'un va prendre la barre pour faire respecter la Loi sur les langues officielles. C'est le Conseil du Trésor qui doit avoir ce rôle, et non le ministère du Patrimoine canadien. Nous sommes tout à fait d'accord pour que celui-ci joue un rôle prépondérant dans l'application de la Loi et pour que ce soit ses bureaux, d'un bout à l'autre du Canada, qui offrent tous les services prévus. Toutefois, au-dessus du ministère du Patrimoine canadien, il doit y avoir quelqu'un qui peut lui taper sur les doigts s'il ne fait pas son travail. La FCFA et l'ensemble des intervenants au pays ne sont pas les seuls à le dire, le commissaire aux langues officielles le dit aussi. Je n'invente rien.
Cela fait des années qu'on se fait rabrouer au Comité et au Parlement. Tous les ministres des Langues officielles qui se sont succédé depuis des années se sont fait rabrouer parce qu'on ne faisait pas bonne figure. À mon avis, il doit y avoir un pilote dans l'avion, quelqu'un qui est plus officiellement à la tête de la structure. Il faut apporter un changement fondamental à ce qu'on a vécu au cours des 50 dernières années. Je vous le répète: dans 10 ans, ou peut-être même dans 5 ans, on aura l'occasion de réviser la Loi. Si on voit que c'est le cafouillis total, on pourra alors faire les changements nécessaires. Le projet de loi prévoit la possibilité de faire des changements tous les 10 ans, et il a même été suggéré que ce soit tous les 5 ans.
Je vais me permettre de saisir cette occasion pour souligner autre chose. Le projet de loi dit qu'après son adoption, on va déterminer, par voie de règlement, ce qui constitue une région à forte présence francophone. On parle ici d'endroits où les services devront être offerts en français. Cela m'a dérangé, parce que je me suis demandé sur quels facteurs on allait se baser pour déterminer ce qu'est une région à forte présence francophone ou à forte présence anglophone. Le projet de loi ne contient aucun critère. Il n'y a qu'un passage très vague, qui peut donner lieu à une interprétation dangereuse, dans une certaine mesure.
Ce qu'on doit faire par l'entremise de l'amendement CPC‑7, c'est charger le Conseil du Trésor de s'assurer de l'application du règlement qui sera établi. Ainsi, le ministère du Patrimoine canadien, qui va définir ces régions, ne sera pas juge et partie quant à sa décision et à sa mise en œuvre. Il doit y avoir une organisation au-dessus de lui qui va prendre connaissance de sa décision et qui va véritablement s'assurer que les règles seront respectées et que des évaluations seront faites. Le ministère du Patrimoine canadien ne peut pas être juge et partie dans tout ce qu'il fait, comme c'est le cas depuis 50 ans. Cela prend un chef dans la cabane. Sincèrement, je pense qu'on en est rendu là.
Cela ne vise pas à mettre en défaut les fonctionnaires. Je ne porte aucun jugement sur le travail qu'ils ont accompli jusqu'à maintenant. Ce que je dis, c'est que nous devons nous surpasser quant à la façon dont nous traitons les langues officielles au Canada. Nous pouvons être plus proactifs concernant la mise en œuvre de l'ensemble de ces mesures. Je répète que c'est à la demande non pas des conservateurs ou des libéraux, mais plutôt de l'ensemble des organisations sur le terrain au Canada.
Donnons la chance au coureur, essayons cela et nous verrons. Si cela ne fonctionne pas, il sera toujours possible d'apporter des changements dans 10 ans.
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Merci, monsieur le président.
Merci des informations et des interventions. C'est toujours un plaisir. C'est historique d'être ici à discuter d'une loi qui n'a pas été changée depuis 1988. Je me demande souvent ce qu'on a vécu depuis près de 50 ans, parce que, depuis bien longtemps, il y a des difficultés bien évidentes sur le terrain qui ont causé énormément de problèmes. Pour ma part, je peux vous dire que j'ai vécu énormément d'expériences sur le terrain en lien avec la Loi sur les langues officielles.
J'ai toujours dit que les politiciens doivent prendre les bonnes décisions, même si elles sont difficiles, pour assurer le succès des deux langues officielles au Canada. Je suis ici et j'ai l'occasion de jouer mon rôle. Je vais mentionner quelques points précis pour souligner mon appui à cet amendement, que je trouve extrêmement important, puisqu'il assurerait l'expertise du Conseil du Trésor dans la surveillance des ministères.
Cela ne devrait pas vous surprendre, mais, il y a quelques jours, je suis allé lire le discours de l'ancien sénateur De Bané pendant les débats de 1988 sur les changements à la Loi sur les langues officielles. J'ai trouvé certaines de ses interventions très intéressantes, surtout au sujet de l'article 42. Nous sommes bien au fait des articles 42, 43 et 44.
J'aimerais vous lire un extrait de son intervention. Il répond à M. Bouchard, le ministre de l'époque:
[...] monsieur le ministre, je voudrais revenir à cet article 42 auquel vous avez fait allusion. Permettez-moi de vous dire que personnellement je suis très pessimiste au sujet de l’impulsion que le secrétariat d’État pourra avoir avec un article aussi dilué [...]
C'était en 1988 et il était en train de faire le point. Je continue:
Le secrétaire d'État du Canada, en consultation avec les autres ministères fédéraux, suscite et encourage la coordination [...] Comme vous le savez, au gouvernement central, il n'y a que deux ou trois organismes qui réellement ont un pouvoir de coordination: le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le Conseil privé.
C'était en 1988 et il a prédit ce qui allait se passer. Il a prédit ce que beaucoup de Canadiennes et de Canadiens, y compris moi-même, ont vécu et continuent de vivre.
Je vous prédis, monsieur le ministre, que jamais l'article 42 ne vous donnera l'autorité pour appeler les ministres récalcitrants et pour leur dire en vertu de l'article 42[:] je vous demande de poser tel et tel geste dans telle section du pays pour m'aider à atteindre les objectifs de la loi. Tel qu'il est, cet article-là, monsieur le ministre, tout ce qu'il va vous causer[,] c'est des frustrations.
J'ai très souvent vécu ces frustrations comme directeur général du conseil scolaire acadien provincial. Est-ce que M. De Bané faisait erreur? Absolument pas. Tous les intervenants que nous avons entendus sur cette question depuis plusieurs années sont d'accord qu'il faut que la coordination soit assurée par un seul organisme, le Conseil du Trésor. Il faut dire aussi que notre livre blanc de 2021 indiquait la même chose. Selon moi, l'amendement CPC‑7 est un compromis acceptable.
Le Conseil du Trésor est chargé du dossier en consultation avec le ministère du Patrimoine canadien. Nous avons simplement apporté une modification. En réalité, l'amendement LIB‑6 propose que Patrimoine canadien travaille en consultation avec le Conseil du Trésor, mais il n'y a qu'à inverser les rôles et c'est le Conseil du Trésor qui serait l'expert. En effet, il a depuis toujours l'expertise voulue pour faire respecter la Loi dans toutes ses forces, et il le ferait maintenant en consultation avec Patrimoine canadien.
À mon avis, c'est clair et évident. Je vais aller encore plus loin. Selon moi, l'amendement CPC‑7 renforcerait le rôle du Conseil du Trésor en matière de surveillance et de coordination tout en maintenant un rôle important pour le ministère du Patrimoine canadien en ce qui concerne une stratégie pangouvernementale. Encore ici, il est évident qu'il y a une collaboration très importante entre les deux institutions. Comme je l'ai mentionné, l'amendement CPC‑7 est semblable à LIB‑6, mais inverse les rôles, en confiant le dossier à l'expertise du Conseil du Trésor.
En conclusion, je suis en faveur de l'adoption des deux amendements, soit CPC‑7 et LIB‑6, car, ensemble, ils viendraient mettre fin aux frustrations exprimées par M. De Bané et que nous connaissons tous depuis 1988. Tous les organismes ont accordé leur appui.
Aujourd'hui, nous avons l'occasion de revoir le projet de loi et de corriger le tir. Comme mon collègue l'a dit plus tôt, nous pouvons réviser cette Loi tous les cinq ans si certaines parties posent problème. Cependant, je veux vous rappeler que nous vivons avec ce problème depuis 50 ans. Alors, réglons le problème maintenant pendant que nous en avons l'occasion. Sinon, quelqu'un d'autre devra s'en charger dans cinq ans. Je vous demande donc d'appuyer l'amendement CPC‑7.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir permis de faire cette intervention.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous ceux qui sont intervenus, en particulier M. Généreux.
Nous sommes entièrement d'accord sur les propos énoncés par les nombreux intervenants en ce qui concerne le Conseil du Trésor.
Mon collègue M. Samson a parlé de l'amendement LIB‑6, mais je voudrais présenter un sous-amendement pour apporter une clarification, à la suite des propos de Mme Boyer. Cela permettra d'enrichir le débat soulevé par M. Généreux et M. Samson. Je demanderais à la greffière d'envoyer ce sous-amendement à tous les membres du Comité. Nous pourrions prendre une ou deux minutes pour le lire. Ensuite, je pourrais continuer la discussion à ce sujet.
Nous voulons nous assurer que le Conseil du Trésor a plus de pouvoirs, c'est sûr et certain. Nous regardons également les ressources communes du Conseil du Trésor et du Patrimoine canadien. Nous allons aussi voir comment le Conseil du Trésor assurera la mise en œuvre des engagements, car il faut comprendre que ce dernier n'est vraiment pas outillé pour coordonner toute la mise en œuvre des engagements en matière de langues officielles partout au pays.
Le sous-amendement que j'ai déposé et que vous allez recevoir sous peu permettrait de clarifier cette partie pour assurer le rôle important de coordination que jouera le Conseil du Trésor. Il permettrait également de regarder le rôle des intervenants locaux.
Avant de continuer sur le changement de mots proposé à la ligne 7 de la page 4 du projet de loi, je veux m'assurer que tous les membres ont reçu le texte du sous-amendement.
Vous me ferez signe, monsieur le président.