LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 11 avril 2024
[Enregistrement électronique]
[Français]
J'ouvre la séance.
Je vous souhaite la bienvenue à la 93e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(3) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 20 septembre 2023, le Comité entreprend son étude sur le financement fédéral pour les institutions postsecondaires de la minorité de langues officielles.
Je ne lirai pas toutes les consignes, puisque, après deux ou trois ans, tout le monde sait comment les choses fonctionnent. Je vais quand même faire une mise en garde au bénéfice de M. Cormier, qui participe à la réunion à distance: attendez que je vous nomme avant de prendre la parole, et mettez votre micro en sourdine quand vous ne parlez pas.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins. De l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, nous recevons M. Martin Normand, directeur, Recherche stratégique et relations internationales, qui participe à la réunion en personne. De la grandiose Université de Moncton, nous recevons M. Gabriel Cormier, vice-recteur à l'Administration et aux ressources humaines, qui participe à la réunion par vidéoconférence.
Monsieur Normand, vous êtes un habitué du Comité, mais je pense que c'est la première fois que M. Cormier témoigne devant nous.
Monsieur Cormier, je vais donc vous expliquer notre façon de procéder: chaque témoin dispose de cinq minutes pour faire son allocution d'ouverture. Je suis très strict pour ce qui est du temps de parole, parce que cela laisse plus de temps aux députés pour poser des questions. Il y aura deux tours de questions.
Monsieur Normand, vous avez la parole pour cinq minutes, exactement.
Dans les nouvelles modifications à la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral s'attribue une responsabilité d'agir pour assurer la présence d'établissements postsecondaires forts dans les communautés francophones en situation minoritaire au pays.
Le préambule de la Loi sur les langues officielles rappelle désormais que le gouvernement fédéral s'est engagé à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et à appuyer leur développement. Cet engagement est repris dans le nouveau paragraphe 41(1) de la Loi.
Le préambule reconnaît aussi l'importance de protéger et de promouvoir la présence d'institutions fortes qui desservent ces minorités. À cet égard, il est également important de rappeler le nouveau paragraphe 41(3) de la Loi, dans lequel le gouvernement fédéral s'engage à renforcer les possibilités pour les minorités francophones de faire des apprentissages de qualité dans leur propre langue tout au long de leur vie, depuis la petite enfance jusqu'aux études postsecondaires. Le paragraphe 41(6) précise même que l'éducation est l'un des secteurs essentiels de l'épanouissement des minorités francophones.
Ces engagements font écho à des préoccupations dont ont fait part diverses parties prenantes, notamment pendant les États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire, que nous avons organisés en partenariat avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. D'une part, la précarité du secteur postsecondaire francophone inquiète les communautés francophones en situation minoritaire, qui doivent pouvoir compter sur des établissements forts et agiles. D'autre part, les établissements postsecondaires veulent accroître l'offre de programmes et de services pour une clientèle locale et internationale. Pour cette raison, il est urgent de préciser les engagements du gouvernement fédéral.
Notre première recommandation demande au Secrétariat du Conseil du Trésor d'accélérer l'émission du futur règlement d'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles afin de donner des indications claires sur les nouvelles obligations du gouvernement fédéral et afin de préciser le rôle que s'attribue ce dernier à l'égard du secteur postsecondaire en contexte francophone minoritaire.
Ces indications permettront de baliser la capacité d'agir du gouvernement fédéral dans le secteur postsecondaire, y compris en matière de financement. Les établissements postsecondaires ont besoin d'un appui permanent afin de se développer à long terme à titre d'institutions fortes qui s'adressent aux communautés francophones.
Les sommes annoncées dans le Plan d'action pour les langues officielles 2023‑2028 en appui au secteur postsecondaire sont les bienvenues et contribueront à résorber le sous-financement des établissements d'enseignement postsecondaire dans la langue de la minorité, comme l'évoque le gouvernement fédéral dans le Plan d'action. Or ces sommes ne sont pas à la hauteur de ce qui était attendu. Comme le dit lui-même le gouvernement dans le Plan d'action, des efforts afin de soutenir davantage le secteur à long terme sont nécessaires.
Dans ce contexte, notre deuxième recommandation demande au gouvernement fédéral de créer un fond permanent de 80 millions de dollars par année en appui aux établissements d'enseignement postsecondaire dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Ce financement a été promis par le Parti libéral du Canada lors de la campagne électorale de 2021, mais il ne s'est toujours pas concrétisé. Par ailleurs, les principaux partis politiques pancanadiens s'étaient aussi engagés à soutenir le secteur postsecondaire lors de cette campagne électorale. Un programme permanent ainsi financé enverrait un signal clair de l'intention du gouvernement fédéral de jouer le rôle qui lui revient pour pérenniser les établissements postsecondaires tout en s'assurant de respecter les compétences provinciales. À cet effet, il est devenu évident qu'une plus grande concertation des acteurs du secteur postsecondaire s'avère nécessaire. Or les mécanismes existants de concertation entre le fédéral, les provinces et les territoires, en matière d'éducation ou de francophonie, n'ont pas le mandat de toucher aux enjeux du niveau postsecondaire ou n'y sont pas intéressés.
Par conséquent, notre troisième recommandation demande au gouvernement fédéral d'appuyer la création d'une structure de concertation rassemblant des représentants du ministère du Patrimoine canadien et d'autres ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux et territoriaux responsables de l'éducation postsecondaire, des établissements postsecondaires et des autres parties prenantes du secteur.
Cette concertation permettra de sensibiliser les instances impliquées dans les enjeux du niveau postsecondaire francophone et permettra de mieux coordonner les interventions en appui à l'éducation postsecondaire des différents ordres de gouvernement, dans le respect des champs de compétence de chacun.
Des indications claires quant à la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, un financement global et une concertation intergouvernementale contribueront à consolider les établissements et à les rendre plus agiles et plus attrayants pour que ces derniers soient mieux en mesure de recruter et de retenir la clientèle internationale et locale. Toute une gamme de mesures additionnelles pourraient être imaginées en collaboration et en concertation, une fois que tous ces morceaux seront en place. Merci.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Normand. Vous avez respecté le temps de parole accordé. Vous avez même pris moins de temps.
Monsieur Cormier, je vous souhaite la bienvenue, pour une première fois, au Comité permanent des langues officielles.
Je ne suis pas en conflit d'intérêts, mais M. Cormier vient de mon alma mater. Mes deux diplômes universitaires sont de l'Université de Moncton.
Monsieur Cormier, vous disposez de cinq minutes.
Bonjour à tous. Je vous remercie beaucoup de m'offrir l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui.
Je vais vous présenter le contexte de l'Université de Moncton. L'Université de Moncton est la plus grande université de langue française à l'extérieur du Québec; son siège social est situé à Moncton, et elle a des campus à Edmundston et Shippagan, au Nouveau‑Brunswick. Nous avons un peu plus de 5 300 étudiantes et étudiants à temps plein, dont 35 % proviennent de l'étranger.
Il s'agit de la seule université francophone au Nouveau‑Brunswick; elle a une mission généraliste, et elle offre une formation universitaire dans plusieurs domaines très variés comme l'art dramatique, les sciences infirmières, l'ingénierie, la common law en français, etc. On y trouve 135 programmes de premier cycle, 46 programmes de deuxième cycle et huit programmes de doctorat. Elle offre de la formation en français, langue seconde, des camps d'été d'immersion pour les élèves du secondaire et beaucoup de formations en français et en anglais.
Étant la seule université francophone au Nouveau‑Brunswick, elle a pour mission d'offrir, en français, un accès à l'éducation postsecondaire pour la population acadienne, pour la francophonie canadienne et internationale. L'accès à la formation postsecondaire en français est donc un élément très important pour assurer la survie du français dans les milieux minoritaires.
La mission généraliste de l'Université de Moncton engendre des défis financiers importants; nous avons plusieurs programmes avec un petit nombre d'inscriptions. Le financement annuel reçu du ministère du Patrimoine canadien par le Programme des langues officielles dans l'enseignement est d'environ 4,9 millions de dollars. Ce montant n'a pas changé depuis 2002. En 2002, ce montant représentait environ 5,5 % des revenus de l'Université, alors que c'est maintenant 2,5 %. Avec l'augmentation des salaires et des dépenses depuis 2002, nous devons absorber de plus en plus de coûts. Nous devons réduire soit notre offre de services, soit les bourses.
Recevoir un financement stable et prévisible est très important pour l'Université. Cependant, pour maintenir le même niveau de service qu'en 2002, il serait extrêmement important que le montant que nous recevons soit indexé. Si je me base sur l'indexation annuelle depuis 2002, le montant de 4,9 millions de dollars devrait être de 7,9 millions de dollars en 2024; le manque à gagner est donc de 3 millions de dollars.
Nous recevons aussi annuellement des subventions du Consortium national de formation en santé. Ce financement, qui était stable depuis 2009, sera bonifié à partir de l'année prochaine.
Nous avons également reçu, en 2022, une importante subvention de 18,5 millions de dollars sur trois ans pour nous moderniser. Cette importante subvention a permis à l'Université de faire des investissements qu'elle n'était pas en mesure de faire, faute de financement. Nous recevons aussi du financement pour des subventions spéciales pour des projets complémentaires, par exemple pour mettre à jour nos salles communautaires, développer des spécialisations dans des programmes ou moderniser nos salles de classe.
Notre priorité est d'offrir une formation en français à l'ensemble de la population. La majorité de nos diplômés sont capables de travailler dans les deux langues officielles du pays. Nous avons le meilleur taux de rétention des diplômés des universités du Nouveau‑Brunswick, tant chez les Canadiens que chez ceux qui viennent de l'étranger. L'accès à une formation postsecondaire en français augmente grandement les possibilités que les étudiants travaillent en français et les chances de survie de notre langue. Nous collaborons aussi avec d'autres institutions, comme l'Université Sainte‑Anne, avec laquelle des formations de perfectionnement du corps professoral sont partagées.
Les investissements fédéraux nous permettent de maintenir des frais de scolarité concurrentiels tout en offrant une formation de qualité. Cependant, ce financement devrait être indexé. Les programmes spéciaux sont tout à fait bienvenus, mais un financement de base stable nous permettrait une meilleure planification financière à long terme.
Nos infrastructures constituent un autre défi important. L'entretien différé à l'Université de Moncton est de 136,5 millions de dollars pour les 10 prochaines années; c'est presque l'équivalent de notre budget annuel. La majorité des édifices de l'Université ont été construits dans les années 1960 et 1970 et en sont maintenant à une étape de rénovations majeures. Nos édifices ont besoin qu'on améliore leur efficacité énergétique et leur résilience climatique, mais cela nécessite de la planification et d'importants investissements.
En résumé, il nous importe vraiment d'avoir un financement stable, qui devra être indexé puisqu'il ne l'a pas été depuis 2002. Je mentionne également que les besoins en infrastructures deviennent de plus en plus importants pour l'Université de Moncton.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Cormier.
Nous allons commencer le premier tour de questions. Chacune des formations politiques disposera de six minutes.
Chers collègues, utilisez le chronomètre de votre téléphone cellulaire, car je serai très sévère pour ce qui est du temps; je veux que nous puissions faire un deuxième tour de questions.
Nous allons commencer par le premier vice-président du Comité, M. Joël Godin, qui représente le Parti conservateur.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être présents.
Messieurs Cormier et Normand, vous êtes ici à 8 h 15, en ce jeudi matin. Vous êtes des gens qui se lèvent tôt, et c'est tout à votre honneur.
Je vais commencer par M. Normand.
Je pense que vous étiez au même endroit il y a peu, monsieur Normand, lorsque vous avez parlé de règlement. Le ministre des Langues officielles a annoncé hier que la production du futur règlement d'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles s'étalerait sur les 18 prochains mois.
Comme la présidente du Conseil du Trésor l'a annoncé au Comité, il faut prévoir entre deux ans et demi et trois ans, ce qui nous place encore dans la même fenêtre de production. Si on ajoute 18 mois à l'année déjà perdue depuis que la Loi a reçu la sanction royale, on se retrouve avec une échéance de deux ans et demi.
Dans ce règlement, espérez-vous qu'il y aura des gains pour vos établissements? Si oui, lesquels espérez-vous?
Je vous remercie de cette question.
Nous avons beaucoup d'attentes à l'égard du règlement d'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, notamment parce que nous espérions certaines modifications au projet de loi qui n'ont finalement pas été apportées à la version définitive de la Loi. Nous espérons que ce règlement précisera certaines des nouvelles obligations du gouvernement fédéral.
Pour nous, l'interaction entre les compétences fédérales et les compétences provinciales dans la Loi sur les langues officielles n'est pas suffisamment précise. Il y a de la confusion quand le gouvernement fédéral annonce vouloir agir dans des domaines de compétence provinciale, alors que, plus loin dans la Loi, il est stipulé que les provinces ont préséance dans la façon dont on doit mettre en œuvre les régimes linguistiques au Canada. Nous estimons qu'l y a là un conflit d'interprétation. On sait que l'éducation postsecondaire est une compétence exclusive des provinces. Par contre, dans la Loi, on dit précisément que l'éducation postsecondaire est un secteur clé sur lequel le fédéral doit agir.
Le règlement doit préciser comment le gouvernement fédéral peut intervenir dans des domaines de compétence provinciale sans que cela vienne créer de nouveaux conflits. On veut que la part de responsabilité du fédéral soit clairement établie.
Dans le cadre du processus d'établissement des règlements par le Conseil du Trésor, votre association est-elle consultée?
Nous ne l'avons pas encore été. Je pense qu'aucune consultation n'a encore été amorcée sur le règlement, à ma connaissance, jusqu'ici. Nous espérons être invités quand il y en aura. Nous serons prêts, ne vous inquiétez pas.
Merci beaucoup.
Ce que vous dites, de façon indirecte, c'est que le projet de loi C‑13 qui est devenu loi officiellement ne répond pas nécessairement aux besoins de vos établissements. Vous ne vous sentez pas plus outillés pour protéger la langue française. Soyons honnêtes, c'est la langue française qui est la plus vulnérable.
Êtes-vous en accord sur cette affirmation?
J'apporterais une nuance. Il y a des clés intéressantes pour nous. C'est la première fois que le secteur postsecondaire est mentionné dans la Loi sur les langues officielles, mais il y a des failles à combler dans le règlement pour s'assurer que les espoirs que nous avions à l'égard de la Loi se concrétisent effectivement dans le secteur postsecondaire.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé de la création d'une structure intégrant le gouvernement provincial et d'autres intervenants.
Selon moi, ce n'est peut-être pas nécessaire. Nous avons d'autres outils pour faire avancer les choses de façon plus pragmatique.
Croyez-vous sincèrement qu'une structure supplémentaire n'alourdira pas et ne retardera pas la mise en place d'outils pour vous permettre d'être plus efficaces afin de promouvoir le français et de stopper son déclin?
Au contraire, nous croyons qu'une structure est plus que nécessaire à cette étape, justement pour éviter les conflits d'interprétation ou de priorité en ce qui a trait au niveau postsecondaire. S'il y avait une plus grande concertation entre le fédéral et le provincial, on ne se retrouverait pas, notamment, avec des enveloppes annoncées par le fédéral pour soutenir l'éducation postsecondaire qui entrent en contradiction soit avec des processus internes des provinces ou avec des priorités établies au sein des provinces pour leur propre secteur postsecondaire. Il faut un espace où on peut avoir cette concertation pour éviter des conflits de juridiction ou de priorités, ce qui permettrait justement d'éviter les enveloppes concurrentes qui ne seraient pas dépensées adéquatement, d'une part ou d'une autre.
Monsieur Normand, j'aimerais entendre votre avis fondé sur le fait que vos établissements se situent à la fin du continuum de l'éducation. On sait qu'il y a deux clientèles, celle provenant du système actuel au Canada et celle qui provient de l'immigration.
Croyez-vous qu'il y a suffisamment de Canadiens intéressés à poursuivre leur éducation d'un bout à l'autre du continuum en français pour que vous ayez assez de clientèle afin d'être efficaces et rentables en fin de compte, parce que ça génère des fonds? Y aurait-il des efforts supplémentaires à faire du point de vue de la pépinière canadienne?
C'est un peu le paradoxe de la poule et de l'œuf dans ce cas. Nous pensons qu'il y a un bassin important, de la maternelle à la 12e année, qui fréquente les écoles, mais qui ne passe pas au niveau postsecondaire. Le bassin existe. Le défi est de retenir les étudiants et de rendre les établissements suffisamment attrayants pour que la clientèle considère que c'est un projet ou une option efficace que d'aller étudier au niveau postsecondaire en français.
Si on veut agir à cet égard et rendre l'éducation postsecondaire le plus attrayante possible pour les francophones qui sont dans les systèmes francophones, il faut s'assurer qu'ils sont en mesure d'offrir les programmes que les jeunes recherchent. Certains programmes sont moins présents dans notre réseau d'établissements dans les domaines des sciences, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques, parce que les offrir coûte très cher. Il faut pouvoir appuyer les établissements dans l'offre de ces programmes qui sont demandés par la clientèle étudiante.
Merci, monsieur Normand.
Malheureusement, il ne me reste plus de temps. Je m'excuse auprès de M. Cormier. J'aurais voulu lui poser des questions semblables sur l'immigration, mais je vais laisser la place à mes collègues.
Merci, monsieur Godin. Le tour de M. Cormier viendra.
Monsieur Drouin, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les témoins qui sont avec nous.
Monsieur Normand, votre présence à ce comité n'est pas rare. Vous êtes comme le commissaire, si je puis dire. Peut-être qu'on vous verra occuper ce poste un jour.
Pour ma part, je m'intéresse surtout à la question de la recherche francophone. J'ai longtemps discuté avec le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion. On dit souvent que les francophones occupent une place importante dans la recherche, mais la recherche publiée en français est en déclin. Il y a même des francophones qui publient en anglais.
Vos membres ont-ils accès à des programmes et à des fonds de recherche au sein de l'appareil fédéral? Pourriez-vous nous fournir des détails là-dessus? Si vous n'avez pas ces informations sous la main, peut-être pourriez-vous me les fournir plus tard.
Je vous remercie de votre question.
La question de la recherche, de la publication, de la diffusion, de la vulgarisation et de la création du savoir en français occupe beaucoup d'espace dans le discours public et dans le milieu universitaire au Canada et sur la scène internationale. Le français est en perte de vitesse dans le domaine de la recherche partout la scène internationale. L'automne dernier, j'ai participé à la Semaine mondiale de la Francophonie scientifique, qui avait lieu à Québec, et nous en avons parlé pendant une semaine. C'est donc un défi qui est partagé dans tout l'espace francophone.
Pour nos membres en particulier, certains défis s'ajoutent. En effet, les conseils subventionnaires de la recherche au Canada ont souvent des pratiques ou des programmes qui sont mieux adaptés aux grands établissements de recherche qui disposent de grandes infrastructures de recherche et de longues traditions de recherche. Il est donc difficile pour les chercheurs et les chercheuses de nos petits établissements d'être suffisamment compétitifs dans ces grands concours. On a aussi observé qu'il y avait des préjugés linguistiques et institutionnels dans l'évaluation par les pairs des demandes de subvention au sein des conseils subventionnaires. Il y a du travail qui se fait pour corriger ces préjugés, mais il y a encore beaucoup de choses à faire.
Je vous invite à consulter le rapport que le Comité permanent de la science et de la recherche a produit l'année dernière sur la recherche et la publication scientifique en français au Canada. Il contient une foule de recommandations qui vont dans le sens de ce que les acteurs réclament. Or la réponse gouvernementale à ce rapport a été très décevante. Il niait plus ou moins les problèmes que les acteurs ont essayé de souligner. Beaucoup d'éléments de ce rapport pourraient être développés pour répondre aux inquiétudes soulevées par l'ensemble des acteurs.
On peut présumer qu'au moment de choisir un établissement postsecondaire, les personnes qui veulent s'inscrire au doctorat ou faire de la recherche choisissent probablement un établissement renommé, mais y a-t-il une place pour les plus petits établissements? Pourrait-il y avoir une plus grande collaboration entre eux pour favoriser l'écosystème de recherche? Je pense aux établissements dans le Nord, par exemple. Il y a souvent un exode des jeunes vers le sud, où les établissements ont peut-être les reins plus solides financièrement ou sont plus reconnus.
Selon vous, cette discussion existe-t-elle au sein des plus petits établissements?
Cette discussion existe. On sait qu'il y a très peu de programmes d'études supérieures dans notre réseau d'établissements, et c'est un défi. L'Université d'Ottawa en a beaucoup, évidemment. L'Université de Moncton en a un nombre assez important aussi, mais sinon, les programmes d'études supérieures sont très rares, ce qui nuit justement à la compétitivité de nos chercheurs et de nos chercheuses dans leurs demandes de subvention.
Hier, le comité stratégique de notre association se réunissait. On y discute depuis plusieurs mois de projets de collaboration interinstitutionnelle, et l'offre de programmes aux cycles supérieurs est une des priorités soulevées par nos membres pour s'assurer de pouvoir former et retenir des chefs de file en recherche partout au pays.
Vous avez sans doute suivi le débat sur toute la question du financement de l'Université de l'Ontario français, il y a quelques années. J'avais déclaré que je m'opposais à ce que seul le fédéral finance l'Université de l'Ontario français, sans que la province s'engage à apporter sa contribution. La raison en est simple: que ce soit en éducation ou en santé, le fédéral fait des transferts et les provinces se désengagent de leurs propres responsabilités. Elles utilisent tout simplement les fonds qui leur sont transférés et, ensuite, elles utilisent les fonds qu'elles devraient normalement investir en éducation et en santé à d'autres fins. On retourne donc à la case départ et, au bout du compte, nos établissements en paient le prix.
Je ne citerai pas la loi que vous avez mentionnée, mais comment peut-on s'assurer que le fédéral a des partenaires provinciaux pour offrir un mode de financement stable pour nos établissements francophones?
Notre troisième recommandation propose une structure de concertation interprovinciale qui, à mon avis, servirait notamment à cela, soit à créer des liens entre le fédéral et les ministères de l'Éducation postsecondaire des différentes provinces. Vous comprendrez que certaines structures de financement, notamment le Programme des langues officielles dans l'enseignement, le PLOE, passent par les ministères de l'Éducation et non par ceux de l'enseignement supérieur. Ainsi, si l'on créait une structure avec les ministères de l'Enseignement supérieur dans les provinces, on pourrait établir une tradition de collaboration et de concertation.
Monsieur Normand, je vous remercie infiniment de votre contribution à la recherche; je sais que vous avez fait votre doctorat en français.
Merci, monsieur Drouin.
Merci, monsieur Normand.
Le prochain tour de questions revient au Bloc québécois et au deuxième vice-président de ce comité, M. Beaulieu.
Je vous cède la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins.
Tout d'abord, un constat se dégage de différentes recherches: les établissements postsecondaires de langue française en situation minoritaire souffrent depuis plusieurs années, probablement depuis toujours, d'un sous-financement chronique. Êtes-vous d'accord là-dessus?
Au fond, de ce que je comprends, les gouvernements provinciaux autres que le Québec sous-financent les universités francophones, pour le dire poliment, et le gouvernement fédéral compense cela avec les programmes d'appui aux langues officielles, normalement. Êtes-vous d'accord sur le fait qu'il y a un sous-financement chronique? Quelles en sont les répercussions, aujourd'hui? La compensation fédérale comble-t-elle le manque à gagner?
En fait, dans les budgets des universités et des collèges, la part du financement public diminue graduellement depuis au moins une quinzaine ou une vingtaine d'années. De façon générale, il y a donc une baisse du financement public. C'est ce qui explique pourquoi nos établissements sont à la recherche de nouvelles sources de financement qui leur permettraient de maintenir leur niveau de service. Dans le contexte où le financement public des universités continue à décroître, il faut trouver des façons qui permettront aux établissements francophones d'offrir des services comparables à leur contrepartie anglophone.
Vous évitez un petit peu ma question. Vous dites qu'il y a moins de financement public partout. Vous excusez donc les gouvernements provinciaux de sous-financer les universités francophones.
Non, j'y arrivais.
Contrairement à leurs contreparties anglophones, les établissements francophones ont des missions supplémentaires qui ne sont pas toujours reconnues dans les formules de financement des gouvernements provinciaux. Par conséquent, nos membres ont des discussions avec leurs gouvernements provinciaux sur les façons de reconnaître ces tâches supplémentaires. Je suis convaincu que mon collègue de l'Université de Moncton vit cela au quotidien, et pourrait vous en parler mieux que moi. Il y a nettement des fonctions supplémentaires qui doivent être reconnues dans les formules de financement.
D'accord.
Dans l'une des recommandations de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, j'ai vu que l'on critiquait l'exigence d'une contribution provinciale comme condition systématique et nécessaire à la contribution fédérale.
Y a-t-il des gouvernements provinciaux qui refusent de faire cette contribution et, dès lors, refusent la contribution fédérale?
C'est un peu plus compliqué que cela. Pour que nos établissements aient accès au financement fédéral, il arrive parfois que les gouvernements provinciaux leur demandent de puiser dans les ressources qu'ils ont déjà, pour ensuite chiffrer la contribution provinciale. Ce mécanisme ne se traduit donc pas toujours par un effet de levier, où de l'argent supplémentaire provenant de la province s'ajoute à ce que propose le gouvernement fédéral.
Ce qu'il faut comprendre — c'est là que la structure de concertation intergouvernementale est importante —, c'est que les enveloppes annoncées par le fédéral ne concordent pas toujours avec le cycle budgétaire d'une province. On peut donc difficilement imaginer comment une province pourrait, hors cycle, prévoir le montant des contributions supplémentaires pour le postsecondaire et faire la concordance prévue.
C'est donc pour cette raison que la concertation devient un mécanisme important.
Au Québec, par exemple, on voit que le gouvernement du Québec surfinance les universités anglophones par rapport à leur poids démographique, alors que, hors Québec, c'est l'inverse.
Ne trouvez-vous pas un peu aberrant que, au Québec, le gouvernement n'appuie à peu près que les universités anglophones dans le cadre des programmes d'appui aux langues officielles?
J'avoue que je n'ai pas les chiffres en main pour ce qui est du financement des universités anglophones du Québec. Je ne peux donc pas vous dire à quoi ressemble ce financement, mais je vais me fier à votre lecture des données.
Vous avez mentionné que la structure de financement des fonds de recherche fédéraux vise les universités anglophones. Selon les derniers chiffres, au Québec, 37 % des fonds de recherche fédéraux étaient consacrés à ces universités. C'est peut-être la même chose au Nouveau‑Brunswick. Ce qui pourrait expliquer la disparité dont souffrent les francophones hors Québec, c'est qu'on privilégie les grandes universités.
Comment cela pourrait-il être modifié structurellement pour permettre de mieux financer les universités francophones hors Québec et pour permettre au Québec de répartir le financement de façon plus équitable? Je vous demande de vous prononcer sur la partie qui concerne l'extérieur du Québec, et non pas sur la partie qui concerne le Québec.
À mon avis, il faut reconnaître le fait qu'une petite université n'a pas nécessairement accès à l'ensemble des sources de financement et à d'importants laboratoires de recherche.
Comme l'a mentionné mon collègue, la recherche se fait surtout en anglais, et c'est très difficile pour nous de faire notre recherche en français. En effet, il y a des inconvénients. Si on publie un article en français, l'impact ou la portée de la recherche n'est pas la même. De plus en plus, c'est l'anglais qui l'emporte sur le plan de...
Merci, monsieur Cormier. Je suis désolé de vous interrompre, mais le temps de parole est déjà écoulé. Vous aurez l'occasion de nous en dire davantage en répondant aux autres questions.
Les dernières questions de ce tour seront posées par la députée néo-démocrate.
Madame Ashton, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Le but de notre rapport est d'émettre des recommandations au gouvernement fédéral.
Messieurs Normand et Cormier, vous avez clairement exprimé que le gouvernement devait honorer sa promesse en octroyant un financement de base stable de 80 millions de dollars par an.
Monsieur Normand, pourquoi le financement de 80 millions de dollars par an est-il important? Pourquoi est-ce important d'avoir un financement de base stable?
Je vous remercie de ces questions.
Je vais parler au nom de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et mon collègue M. Cormier va pouvoir parler plus spécifiquement de la réalité à Moncton.
Le rapport des états généraux publié par l'Association il y a un an et demi faisait état d'une trentaine de recommandations. Il y a des difficultés structurelles dans le secteur postsecondaire au Canada, et ils doivent être surmontés, notamment au moyen de la collaboration interinstitutionnelle. Pour cela, il faut trouver des sources de financement, afin de soutenir et de pérenniser les initiatives de collaboration et pour répondre à certains défis. Il y a aussi d'autres difficultés structurelles liées au fait que nos établissements sont plus petits et ne sont pas en mesure de faire les mêmes économies d'échelle que les grands établissements. La marche est toujours plus haute pour les petits établissements. On veut rendre les établissements plus attrayants, mais on note aussi que les besoins et les attentes de la clientèle étudiante évoluent. On veut de nouveaux programmes, de nouveaux types de services; c'est ainsi que nos établissements peuvent devenir attrayants. Il faut donc trouver une façon de répondre aux besoins de la clientèle du pays, afin qu'elle choisisse d'étudier dans nos établissements.
Monsieur Normand, que pensent les membres de l'Association du fait que la promesse d'octroyer un financement de 80 millions de dollars par année n'a pas été honorée en 2024? Il y a un plan d'action; on sait ce qu'il faut faire.
Je ne vous cacherai pas qu'il y a une certaine déception de voir que cette promesse ne se concrétise pas. Dans les états généraux, nous avons bien fait état de nos besoins et de nos attentes. Nous fondions beaucoup d'espoir sur les nouvelles obligations du fédéral, à l'égard de l'éducation postsecondaire, contenues dans la Loi sur les langues officielles.
Nous espérons que les gestes posés vont permettre de satisfaire aux ambitions des communautés et des établissements, mais aussi à celles du législateur.
Merci beaucoup.
Monsieur Cormier, pourquoi le financement de base stable est-il important pour votre université?
Ce type de financement permet certainement de faire une meilleure planification financière. Normalement, il s'agit de cycles de cinq ans. Dans l'immédiat, nous sommes dans l'incertitude et nous nous demandons quel sera le financement l'année prochaine. Comme je le mentionnais plus tôt, en 2002, 4,9 millions de dollars, c'était bien, mais, en 2024, ce même montant signifie que nous embaucherons moins d'enseignants pour donner des cours de français. Une bourse de 1 000 $ qui était offerte à un étudiant en 2002 était plus alléchante qu'une bourse du même montant en 2024.
Nous devons appliquer des compressions, faire des choix difficiles pour notre établissement. Il nous faut un financement stable, mais il doit aussi être indexé sur le coût de la vie. Les coûts et les salaires augmentent. Au Nouveau‑Brunswick, notre facture d'électricité s'est accrue de 10 % récemment. Ce financement de 80 millions de dollars serait extrêmement important, en ce sens qu'il nous permettrait de bonifier la base, de planifier nos besoins à long terme et d'investir correctement dans la formation.
Merci beaucoup.
Monsieur Normand, vous avez parlé de soutenir les programmes pour lesquels la demande est forte et qui répondent à un besoin important. Nous avons entendu parler à plusieurs reprises dans ce comité de la pénurie de main-d'œuvre, particulièrement en ce qui a trait à l'enseignement en français et à l'immersion en français.
Soutenir les établissements qui offrent de l'enseignement en français afin de former plus d'enseignants devrait-il être une priorité pour le gouvernement fédéral? Nous en aurons besoin.
La question est intéressante et rejoint un peu celle qu'a soulevée au sujet du continuum le député qui vous a précédée
L'éducation postsecondaire est effectivement à la tête du continuum, mais on y forme ceux qui en alimentent tout le reste. Vous parlez des professeurs, mais il faut penser également aux aides-enseignants, de même qu'à toutes les autres disciplines que peut compter une école. Il faut aussi penser aux éducateurs et aux éducatrices de la petite enfance afin de pouvoir offrir ce genre de choix aux parents.
Notre secteur postsecondaire doit devenir suffisamment agile et attrayant pour que nous puissions attirer des étudiants qui occuperont des postes partout dans ce continuum en éducation.
Merci, monsieur Cormier.
Merci, madame Ashton.
Nous allons commencer notre deuxième tour de questions par M. Généreux, pour les conservateurs.
Vous avez la parole pour cinq minutes, monsieur Généreux.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également les témoins.
Monsieur Normand, vous avez parlé de défis structurels qui ne fonctionnaient plus aujourd'hui. Quels sont-ils exactement? Comment en sommes-nous arrivés à une telle tourmente en ce qui a trait à la structure?
Il est vrai que, dans plusieurs domaines du secteur postsecondaire, les établissements, que ce soit pour des raisons financières, administratives ou politiques, n'ont pas toujours les moyens de réagir promptement aux demandes émanant de la communauté en matière de programmes.
L'écart peut se creuser entre les attentes de la communauté et ce qu'offrent les établissements postsecondaires, et cela peut inciter certains jeunes qui recherchent des programmes très spécifiques à poursuivre tout simplement leurs études en anglais. Si nous sommes incapables de rendre les établissements plus attrayants et leur permettre d'adapter leur offre de programmes aux besoins, il est difficile de bien réagir à l'attrition qu'on observe sur l'ensemble du continuum en éducation.
Quels sont les autres facteurs, non liés à la question de l'argent, qui sont en cause?
Je vais revenir à la question que vous a posée M. Godin, soit la possibilité qu'un nouveau comité, ou une nouvelle structure, mis sur pied par le fédéral, force les provinces à discuter avec vous pour s'assurer d'un continuum parfait. Si on fait abstraction de la question monétaire, quels sont les autres éléments sur lesquels vous auriez prise, et nous aussi, possiblement.
Soyons clairs: vous savez ce que l'avenir nous réserve pour ce qui est des finances du pays. Certains éléments devront être pris en compte. On nous a dit pendant les huit dernières années que tous les problèmes étaient réglés, que la vie était belle, que tout allait bien, qu'on avait donné de l'argent à tout le monde et que tous les gens étaient contents. Or, de toute évidence, ce n'est pas le cas. Tout le monde n'est pas content. Les problèmes structuraux auxquels vous faites allusion ont été évacués. On n'en a pas tenu compte. On a simplement donné de l'argent en espérant que tout allait se régler; or tout ne s'est pas réglé.
Justement, si on veut être plus efficace dans le secteur postsecondaire, il faut une meilleure concertation intergouvernementale ainsi qu'une meilleure concertation avec les acteurs sur le terrain pour s'assurer que les interventions de chacun sont les plus efficaces possible.
Je vais vous donner un exemple. Tout le monde appelle à une plus grande collaboration entre nos établissements pour offrir une gamme de programmes plus large, dans le plus de lieux possible partout au pays. Pour ce faire, il faut que des gouvernements provinciaux se parlent pour favoriser la collaboration entre les établissements des différentes provinces.
Le fédéral peut jouer un rôle de leadership pour s'assurer que les espaces existent, afin que ces discussions aient lieu entre les gouvernements provinciaux. L'initiative et les connaissances dont dispose le fédéral ainsi que le savoir de nos établissements permettraient que les interventions de chacun soient les plus efficaces possible dans le contexte.
Monsieur Normand, je suis ici depuis plusieurs années, et on nous dit, depuis que je suis là, que le gouvernement fédéral donne des sommes aux provinces, mais qu'il n'y a aucune reddition de comptes. Je parle de l'argent versé aux provinces pour l'éducation, quelle qu'elle soit. Il n'y a pas de reddition de comptes. En fait, nous ne sommes pas en mesure de savoir si les provinces ont véritablement dépensé cet argent en éducation.
Je suis tout à fait d'accord sur la tenue d'une concertation, mais est-ce que cela réglera véritablement l'ensemble des problèmes? Personnellement, j'en doute. Cependant, je serais prêt à mettre en place cet élément pour voir si c'est possible. Encore faut-il que les provinces soient véritablement convaincues que cela peut fonctionner. Encore une fois, je suis certain que ce n'est pas seulement une question d'argent. Je pense que la preuve a été faite en ce sens.
Il faut une volonté de l'ensemble des acteurs et, malheureusement, je ne suis pas certain que l'ensemble des provinces ont la même volonté potentielle que pourrait avoir le fédéral.
En tout cas, c'est mon point de vue.
Merci de vos commentaires, monsieur Généreux.
Merci, monsieur Normand.
Monsieur Darrell Samson, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je demande à tous les membres du Comité de donner leur consentement unanime pour m'accorder le droit d'utiliser tout le reste du temps, parce que j'ai beaucoup de questions à poser. J'aimerais beaucoup avoir leur soutien.
Des voix: Ha! Ha!
Monsieur Cormier, je vous remercie beaucoup d'être parmi nous, aujourd'hui.
Les informations que M. Normand et vous-même avez communiquées me tracassent beaucoup. Il y a de bonnes choses et il y a des choses plus complexes. Je vais essayer de soulever rapidement tous les points, et je demanderai plus d'informations, au besoin.
Avant d'entrer dans cette salle, la première chose que je me suis demandée est celle-ci: que font les provinces en matière d'éducation francophone, quelle est la relation entre les établissements postsecondaires et les provinces à ce chapitre? Le mot « équitable » ne veut pas dire « égal ». En écoutant les gens, ici, il m'apparaît évident que les provinces ne le comprennent pas.
J'ai été le directeur général du Conseil scolaire acadien provincial de la Nouvelle‑Écosse et j'ai probablement répété la même chose 50 000 fois pour faire comprendre aux gens que le mot « équitable » ne veut pas dire « égal ». Il faudrait bien que cela change.
M. Normand a soulevé un point en lien avec ma question au sujet du provincial et du fédéral. Que font les provinces et quelle est leur contribution en matière d'éducation francophone? On sait que les provinces le font aussi dans tous les autres domaines. On leur donne de l'argent, puis elles prennent cet argent et l'investissent ailleurs, là où elles le veulent. Comme mon collègue l'a mentionné, la reddition de comptes est une question importante.
J'aime l'idée de créer une structure, un consortium. Il en existe déjà un, à savoir la Table nationale sur l'éducation, qui est un fil conducteur. J'ai participé à cette table, qui fonctionne extrêmement bien. Toutefois, il faudrait avoir un consortium semblable aussi pour le secteur postsecondaire. Ce consortium laisse place à la discussion aux gens de bonne volonté qui veulent faire avancer ce dossier.
Monsieur Cormier, croyez-vous que la création d'une structure, d'un consortium est une bonne idée? Même si M. Normand l'a dit, cela ne signifie pas dire que ce soit une bonne idée.
Pour ma part, j'y crois, mais je veux entendre votre opinion là-dessus.
Je pense que c'est une bonne idée d'avoir une table de concertation pour nous permettre de discuter ensemble de certains sujets et de faire avancer la mise en œuvre de la nouvelle loi.
Merci. Vous avez très bien répondu.
Mon deuxième point est le suivant.
J'ai entendu que, depuis 2002, le financement reçu du ministère du Patrimoine canadien était resté à 4,9 millions de dollars. Je suis étonné. Je trouve cela inacceptable. Quels sont les efforts déployés par les établissements postsecondaires partout au Canada pour les francophones? Y a-t-il eu une voix forte de ce côté? C'est ce qu'il faut. De 2002 à aujourd'hui, ce sont tous les gouvernements qui ont été responsables de ce financement. C'est inacceptable de la part de n'importe quel gouvernement.
Vous êtes d'accord, bien sûr, sur le fait que c'est inacceptable.
J'ai entendu certains propos et, depuis, mes oreilles bourdonnent. Par le passé, une personne qui faisait de la recherche la faisait peut-être en anglais parce que l'auditoire était plus vaste. Maintenant, vous me dites que si je fais de la recherche en anglais, j'obtiendrai plus de fonds. C'est une blague! Expliquez-moi cela, s'il vous plaît. Ai-je bien compris?
Je ne peux pas mentionner de programme de recherche précis, mais il y a plus de chance d'avoir un financement parce que la recherche en anglais a plus de portée.
Merci.
Comme vous le savez, je suis un ancien et fier étudiant de l'Université de Moncton. Je suis étonné de voir que les étudiants étrangers ne représentent que 35 % de vos étudiants, ce qui est la moyenne au Canada. Bravo, pour ces efforts!
Le financement est nécessaire parce qu'il n'y a pas d'engagement de la province à cet égard. C'est évident. Je crois qu'un consortium pourrait beaucoup nous aider.
Les étudiants étrangers qui étudient chez vous restent-ils ensuite au Nouveau‑Brunswick? Restent-ils en Atlantique? Contribuent-ils à l'économie? Sont-ils nécessaires?
Nous avons le plus haut taux de rétention. Parmi les universités du Nouveau‑Brunswick, ce sont nos francophones qui restent dans nos communautés. C'est sûr qu'il y en a moins que de Canadiens, mais c'est quand même élevé. Ils restent, ils apportent leur contribution, ils travaillent dans nos entreprises et ils comblent le manque à gagner en matière de main-d'œuvre.
Selon vous, quel est l'effet de ce manque de financement sur l'offre de programmes postsecondaires en français au Canada?
Il faut faire des choix. On ne peut pas nécessairement offrir tous les programmes. Il faut les limiter dans certains cas. Il faut réduire le nombre de bourses ou en offrir moins à plusieurs personnes. Il y a donc des choix à faire à cet égard.
C'est exactement comme dans les écoles publiques. C'est pour cela qu'il faut avoir du financement supplémentaire. Il faut aussi que les gens sur le terrain, dans les provinces, comprennent que l'équité n'est pas l'égalité.
Merci, monsieur Cormier.
Monsieur Normand, vous avez parlé d'une structure de concertation. On sait qu'en ce moment le financement passe par des ententes fédérales-provinciales.
La façon de négocier les ententes fédérales-provinciales en ce moment est-elle adéquate? En quoi une structure de concertation viendrait-elle améliorer les choses?
Par exemple, le programme des langues officielles en enseignement — le PLOE a changé de nom, mais on continue de l'appeler ainsi — est négocié avec le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, ou CMEC. On trouve à cette table les ministres de l'Éducation, et non les ministres de l'Enseignement supérieur. Souvent, nos membres s'inquiètent du fait que la voix du secteur postsecondaire n'est pas entendue autour de la table dans le cadre des négociations.
Il arrive que, dans certaines provinces, ce soit le même ministre, mais, dans plusieurs provinces, les ministres de ces portefeuilles diffèrent. C'est pour cela que nous pensons qu'une table distincte réunissant les ministres de l'Enseignement supérieur permettrait d'avoir les bons acteurs autour de la table pour négocier les parties des ententes qui concernent l'éducation postsecondaire.
On parle beaucoup d'un fonds pour l'éducation postsecondaire de langue française. Ce serait un programme d'appui permanent plutôt que par projet.
Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus? Considérez-vous qu'un financement par projet serait plus efficace de la part des fonds de recherche qu'un éventuel fonds pour l'éducation postsecondaire de langue française?
Il nous faut un financement de base stable et à long terme. C'est cela, l'important. Certes, les projets complémentaires nous aident beaucoup, mais ce dont nous avons besoin, c'est de bonifier notre financement de base pour pouvoir améliorer notre planification et faire des choix pour nos programmes. Cela demande du temps. Augmenter ce financement de base stable nous permettrait de faire de meilleurs choix à l'avenir.
Monsieur Normand, la dernière fois que vous avez témoigné devant le Comité, vous avez expliqué comment les nouvelles règles en vigueur depuis janvier et concernant les étudiants internationaux d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, pourraient nuire aux universités francophones et aux communautés francophones. Vous avez également recommandé que les francophones souhaitant étudier hors Québec soient considérés comme une cohorte prioritaire par IRCC, comme c'est le cas des étudiants à la maîtrise et au doctorat.
Avez-vous de nouvelles informations à nous transmettre à ce sujet? Avez-vous d'autres recommandations à nous communiquer?
Le 31 mars 2024, toutes les provinces ont fini de mettre en place leur système de distribution des lettres d'attestation provinciale et de répartition de leur allocation entre les établissements postsecondaires. Finalement, la plupart de nos établissements sont satisfaits de leur part de la répartition. La plupart des provinces ont fait des choix qui ont permis de prioriser les établissements postsecondaires, mais ce n'est pas normal qu'on doive compter sur la bonne foi et la chance pour que les établissements postsecondaires aient accès à un nombre de lettres d'attestation suffisant.
Toute cette période d'incertitude fait que beaucoup de nos établissements craignent qu'il n'y ait pas, cette année, un nombre de demandes d'admission comparable à celui des autres années. Il y a eu une période de trois mois pendant laquelle les demandes de permis n'ont pas été traitées par IRCC. Pendant ces trois mois, les étudiants ont eu le temps de faire le choix d'aller étudier ailleurs, ce qui comprend le Québec. En effet, le Québec était prêt, dès les premiers jours après l'annonce du plafond, à accueillir des étudiants étrangers, parce qu'il avait déjà un système en place. Tant mieux pour le Québec, mais cela devient un compétiteur pour nos établissements. Par exemple, un étudiant qui était dans l'incertitude et qui avait le choix entre l'Université de Moncton et l'Université de Montréal a peut-être choisi l'Université de Montréal devant l'incertitude.
On craint que tous les changements aient eu un impact sur le nombre de demandes d'admission pour septembre 2024.
C'est assez préoccupant.
Monsieur Cormier, pourriez-vous nous faire part de votre expérience des effets de cette annonce et nous donner des recommandations concernant les étudiants étrangers que vous voulez accueillir?
Je suis entièrement d'accord avec mon collègue sur le fait que nous serons pénalisés par le fait que le Québec avait déjà un système en place. Dans mon budget de l'an prochain, je prévois une perte de 130 étudiants étrangers, ce qui représente 2 millions de dollars par année pendant 4 ans. Il s'agit d'une somme substantielle pour l'Université de Moncton. Cela crée énormément d'incertitude par rapport aux choix. Est-ce qu'il y aura autant de permis l'année prochaine?
Le fait que le Québec avait déjà un système en place est inquiétant pour nous. Comme je le mentionnais, 35 % de nos étudiants viennent de l'étranger, et ceux-ci contribuent au Nouveau‑Brunswick. L'impact du plafond est donc important.
Monsieur Normand, j'aimerais qu'on prenne acte de ma proposition de tenir un sommet sur l'éducation francophone au pays. Je l'ai déjà proposé par le passé.
Je réitère ma proposition d'organiser une rencontre nationale avec l'ensemble des acteurs le plus rapidement possible, afin de régler cette question une fois pour toutes.
Je remercie les témoins.
Monsieur Normand, pouvez-vous nous parler de l'importance des étudiants étrangers en ce qui concerne le financement et les programmes des établissements d'enseignement postsecondaire?
Mon collègue de l'Université de Moncton a évoqué la perte de revenus que pourrait entraîner le plafond cette année. Il faut comprendre que nos établissements ont des clientèles plus petites. Toutefois, il y a des programmes qui sont très onéreux. Souvent, pour qu'un établissement puisse se permettre d'offrir certains de ces programmes, il doit accueillir des cohortes plus importantes.
Certes, les étudiants internationaux représentent des revenus supplémentaires, mais ce sont aussi des gens dans des sièges qui suivent des programmes et qui permettent de justifier l'offre de programmes. Sans ces étudiants, nos établissements ne seraient peut-être pas capables d'offrir toute une gamme de programmes.
Par ailleurs, au-delà des programmes et des cours offerts dans nos établissements, ces étudiants ont aussi un impact direct dans leur communauté. Pendant qu'ils sont aux études, ils occupent des postes à temps partiel dans leur communauté. Une fois qu'ils ont obtenu leur diplôme, plusieurs restent, comme M. Cormier l'a dit plus tôt. Ils contribuent donc à l'écosystème des communautés francophones.
Nous calculons que, dans les 22 établissements de notre réseau, il y a environ 12 000 étudiants étrangers, ce qui représente 30 % de la clientèle totale.
Le nombre d'étudiants étrangers et le nombre total d'étudiants sont-ils stables? Sinon, comment évoluent-ils?
Je ne vous cacherai pas que le nombre d'étudiants étrangers a augmenté plutôt rapidement au cours des dernières années. Comme cela ne fait pas très longtemps que les établissements de la francophonie canadienne accueillent les étudiants étrangers. Nos établissements font donc du rattrapage depuis une dizaine d'années.
Certains d'entre eux n'avaient presque pas d'étudiants étrangers, il y a sept ou huit ans. Ils sont donc sur une pente ascendante, en ce moment, pour rattraper les établissements de la majorité anglophone.
Oui, environ.
Merci, monsieur Dalton.
Je suis strict pour ce qui est du temps de parole, parce que cela permet aux membres d'intervenir plus souvent.
Monsieur Serré, vous disposez de trois minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, messieurs Normand et Cormier.
J'ai plusieurs questions à poser.
Monsieur Normand, pouvez-vous faire parvenir au Comité des détails concernant votre troisième recommandation, qui porte sur la structure? Comme M. Samson l'a mentionné, il y a quand même un élément concernant l'éducation élémentaire et secondaire, mais il n'y a pas de concertation.
Ma première question s'adresse à M. Cormier et porte sur les responsabilités des provinces.
Personnellement, je suis né en Ontario. Sans l'intervention du fédéral, l'Université de l'Ontario français n'existerait pas. Pour ce qui est de l'Université de Sudbury, le fédéral a donné 1,9 million de dollars au projet d'une université par et pour les francophones. Il l'a financé à 100 %, tandis que le provincial n'a rien déboursé.
Pouvez-vous m'expliquer le rôle du Nouveau‑Brunswick sur le plan des contributions?
Aux dernières nouvelles, un francophone du Nouveau‑Brunswick est encore un citoyen de la province. Quelle est la responsabilité de la province et quel est son rôle en ce qui a trait à l'éducation en français?
Chez nous, le modèle de financement est très simple. Si le financement était de tel montant l'année dernière, on l'augmente d'un certain pourcentage cette année.
Comme nous l'avons mentionné au sujet des programmes spéciaux, lorsqu'une contrepartie provinciale devrait être offerte pour un projet spécial en lien avec les langues officielles dans l'enseignement, la province considère que ce financement est déjà inclus dans notre financement de base. Nous ne recevons donc pas de financement supplémentaire pour des projets spéciaux en lien avec les langues officielles.
Que recommandez-vous au gouvernement fédéral pour qu'il s'assure que les provinces, comme le Nouveau‑Brunswick, prennent leurs responsabilités?
À mon avis, lorsqu'il y a un projet spécial, il devrait y avoir une contribution supplémentaire de la province.
Il faut aussi reconnaître la mission généraliste de l'Université de Moncton. Offrir la gamme des programmes en français à tout le monde entraîne un coût supplémentaire.
La formation en français est extrêmement importante.
Monsieur Normand, il reste 30 secondes à mon temps de parole.
Que doit faire le fédéral pour s'assurer que les provinces prennent leurs responsabilités à l'égard des francophones citoyens de leur province?
Je pense que M. Cormier l'a bien dit.
Cependant, j'ajouterai que le fédéral a aussi des responsabilités à assumer, ce qu'il ne fait pas nécessairement en ce moment. Il doit prendre acte des nouvelles obligations qui lui reviennent en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Merci beaucoup, chers témoins.
À titre de président, je m'accorde le privilège de poser une question qui touche un peu aux questions de MM. Généreux et Samson.
Dans le Plan d'action pour les langues officielles, on parle du protocole d'entente fédéral avec les conseils des ministres de l'Éducation. Ce protocole comporte des dispositions quant à la transparence et la reddition de comptes. Ces dispositions sont-elles mises en œuvre? Est-ce un outil utile?
Autrement dit, je vous demande si les dispositions relatives à la transparence et à la reddition de comptes, qui se trouvent dans le Protocole, valent toujours la peine. Sont-elles utilisées? Si elles devaient être améliorées, de quelle façon pourrions-nous le faire? Sont-elles efficaces?
Ensuite, j'aimerais que vous nous fournissiez des chiffres. Entre 2002 et 2024, rien n'a bougé. Comment les investissements provinciaux faits dans les établissements postsecondaires, par exemple à Moncton, ont-ils évolué entre 2002 et 2024?
Les investissements ont-ils suivi l'augmentation du coût de la vie ou pas? Les provinces ont-elles investi davantage? Il s'agit quand même de leurs établissements postsecondaires. C'est bien beau de parler du fédéral, mais il faut aussi parler des provinces. Comment ont-elles assumé leurs responsabilités à l'égard de leurs établissements d'enseignement?
Nous aimerions connaître les chiffres, car ils nous éclaireraient quand viendra le temps de faire nos recommandations.
Messieurs Cormier et Normand, vous n'aurez pas le temps de répondre à ces questions aujourd'hui, mais j'aimerais que vous nous fournissiez vos réponses par écrit.
Monsieur Godin, vous avez la parole.
Monsieur le président, j'aimerais ajouter ce qui suit à vos requêtes. Est-il possible que M. Normand nous fasse parvenir la progression du nombre d'étudiants étrangers dans chaque établissement d'enseignement, et ce, depuis 2002?
En fait, je cherche à savoir si l'augmentation du nombre d'étudiants, par exemple, est directement liée au financement. Je pense que oui, mais j'aimerais avoir de l'information à cet égard, si c'est possible.
C'est parfait.
Sur ce, nous allons suspendre la séance brièvement pour accueillir le prochain groupe de témoins.
Je remercie les témoins de toute l'information que nous avons reçue. Il y a eu beaucoup de bonnes questions et c'était très intéressant. Nous attendrons l'information supplémentaire que nous leur avons demandé de nous fournir par écrit.
Nous reprenons la séance.
Nous entamons la deuxième heure de cette réunion très intéressante sur le sujet très passionnant du financement des établissements postsecondaires francophones.
D'abord, nous recevons M. Jacques Frémont, recteur et vice-chancelier de l'Université d'Ottawa.
Soyez le bienvenu. Je pense que c'est la première fois que vous venez au Comité permanent des langues officielles.
Ensuite, nous recevons aussi M. Emmanuel Aito, doyen de la Cité universitaire francophone de l'Université de Regina.
Monsieur Aito, c'est peut-être votre premier passage en personne, mais nous vous avons déjà rencontré.
Finalement, nous recevons M. Patrick Arseneault, directeur général du Collège nordique francophone, qui participe de façon virtuelle à la réunion. C'est probablement un de mes cousins lointains.
Pour ceux qui ne sont pas des habitués, sachez que nous vous accorderons cinq minutes pour faire une présentation. Si vous pouvez être plus bref, cela permettra à tout le monde de poser plus de questions au cours de la prochaine heure.
Monsieur Frémont, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui à vous faire part de mes réflexions en lien avec l’importante étude que vous avez entreprise sur le soutien financier aux établissements postsecondaires francophones.
Permettez-moi de commencer par deux constats.
Premièrement, les établissements postsecondaires au service des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont dans une situation difficile, voire souvent pénible. Deuxièmement, nos établissements ont trop longtemps été coincés entre les gouvernements fédéral et provinciaux, qui se renvoient la balle.
Nous demandons au gouvernement fédéral d'assumer pleinement son rôle de défenseur des langues officielles et des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de l'Université d’Ottawa. Nous sommes la plus grande université bilingue, française et anglaise, au pays et dans le monde, du moins, nous le croyons. Cette année, nous avons accueilli plus de 49 000 étudiants sur notre campus. Parmi eux, 15 000 s'étaient inscrits à des programmes offerts en français. C'est un nombre considérable. Nous sommes fiers d’offrir le plus grand nombre de programmes universitaires en français hors Québec. Enfin, plus de 80 % des étudiants universitaires francophones en Ontario sont inscrits à l'Université d'Ottawa. Cela démontre l'influence que nous avons dans la province ontarienne.
Nous offrons des programmes universitaires en français dans tous les domaines en appui aux communautés francophones discrètes et isolées, que ce soit la médecine, la santé, le droit ou le travail social, ainsi que le génie, les sciences naturelles et, depuis peu, les sciences pharmaceutiques. C'est donc une offre très importante.
Cela dit, nous sommes dans une situation financière difficile en raison du sous-financement chronique de notre mission francophone. L’année dernière, vous le savez peut-être, le gouvernement de l’Ontario a mis en place un groupe d’experts pour examiner la viabilité financière des établissements postsecondaires. Dans un mémoire soumis au groupe d’experts, nous avons clairement démontré que, pour chaque étudiant francophone qui étudie à l’Université d’Ottawa, nous recevons environ 3 000 $ de moins que ce que reçoivent les autres établissements postsecondaires francophones ou bilingues de la province. En outre, nous avons démontré un manque à gagner de l'ordre de plus de 50 millions de dollars par année en ce qui a trait à notre mission francophone.
Dans son rapport, le groupe d’experts a fait écho à notre sous-financement chronique, mais aussi à celui de l'entièreté du réseau des établissements francophones ontariens. Par la suite, le gouvernement de l’Ontario a répondu à toutes les recommandations du groupe d’experts, sauf une, celle qui portait sur le financement des établissements francophones et bilingues de la province de l’Ontario.
La solution de la province semble bien simple: ne pas financer le système postsecondaire francophone à la hauteur de ses besoins et demander au fédéral de s’en occuper. Encore une fois, nous nous trouvons coincés entre le gouvernement fédéral et le gouvernement ontarien. C'était il y a quatre mois.
Quel est maintenant le rôle du gouvernement fédéral?
Permettez-moi de tenter de répondre à cette question. Depuis plus de 25 ans, et ce, malgré les discours de politiciens qui disent que le fédéral ne peut pas intervenir dans les champs de compétence provinciale, le gouvernement fédéral investit directement dans le secteur postsecondaire. C’est ainsi que Santé Canada investit des millions de dollars dans notre université pour nous aider à former les professionnels de la santé qui assureront l’accès à une main-d’œuvre qualifiée aux communautés francophones partout au Canada. Le ministère de la Justice fait de même pour assurer la formation d’avocats bilingues en vue d'offrir aux francophones un accès à des services juridiques dans leur langue.
C’est sans doute en prenant appui sur des compétences principales de l’État fédéral, telles la justice et la santé, que ces interventions directes sont justifiées et justifiables. Or nous affirmons que l’État fédéral a une compétence tout aussi principale en matière de protection des minorités linguistiques au pays. Ce Parlement l'a d’ailleurs reconnu en modernisant la Loi sur les langues officielles, l’année dernière. L'importance du continuum de l’éducation figure maintenant dans la Loi; c'est donc dire que les parlementaires ont reconnu que le fédéral doit assumer pleinement son rôle en appui aux communautés de langue officielle en contexte minoritaire. Tout comme en matière de santé ou de justice, rien n’empêche donc le fédéral d’apporter un appui financier direct aux établissements postsecondaires.
La contrepartie des provinces exigée par le fédéral, on le sait, n'est toujours pas toujours au rendez-vous. C’est le problème dont tout le monde est conscient, mais que personne ne veut nommer, monsieur le président.
Il arrive souvent que la province nous oblige, dans les faits, à payer sa contrepartie. Les nouvelles initiatives fédérales sont utiles, louables et importantes, mais la stabilité financière de nos établissements l’est tout autant, alors que leur sous-financement chronique demeure la norme.
Merci, monsieur Frémont. Je vous remercie également de votre franchise. Vous allez pouvoir nous en dire davantage en répondant aux autres questions.
Monsieur Aito, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
La Cité universitaire francophone est l'imaginaire collectif entre l'Université de Regina et la communauté fransaskoise de la Saskatchewan. Elle est née de la fusion entre l'ancien Département de français de l'Université de Regina et l'Institut français. Depuis 2015, La Cité est la plaque tournante de la programmation universitaire, de la recherche et des services offerts en français à l'Université de Regina et à l'échelle de la province.
La Cité a pour mission de répondre aux besoins éducatifs universitaires des francophones de la Saskatchewan, quelle que soit leur langue maternelle. Notre objectif est d'assurer une éducation universitaire diversifiée et de fournir des occasions de recherche axées sur les défis de la francophonie en milieu minoritaire, au sein d'un environnement francophone inclusif visant l'excellence universitaire.
La Cité fait partie d'un réseau de 22 établissements postsecondaires qui offrent de la formation en français en contexte minoritaire, en plus d'avoir un rôle de pilier au sein de la communauté francophone en Saskatchewan.
Le Rapport final des États généraux sur le postsecondaire francophone, lancé en 2022 par l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et la Fédération des communautés francophones et acadienne fournit une base solide pour comprendre les défis, les failles et la réalité liés à l'éducation postsecondaire au Canada.
Nous travaillons de près avec la communauté francophone en Saskatchewan. Par exemple, en partenariat avec plusieurs organismes communautaires, y compris le Conseil des écoles fransaskoises, les chercheurs de la Cité étudient le processus de maintien de l'héritage linguistique et culturel francophone en Saskatchewan. De concert avec la Société historique de la Saskatchewan, un chercheur travaille à la mise sur pied d'un centre d'archives fransaskoises, à la création d'un inventaire quantitatif, qualitatif et cartographique des archives fransaskoises entreposées par des individus, des familles, des organismes publics et des congrégations religieuses. Un autre chercheur poursuit sa collaboration avec l'Association jeunesse fransaskoise, dans le but d'évaluer l'impact de ses activités sur la construction identitaire et le renforcement de la sécurité linguistique chez les jeunes Fransaskois.
Grâce au financement que nous recevons du gouvernement fédéral, les programmes que nous offrons comprennent des programmes de doctorat et de maîtrise ainsi que plusieurs mineures et certificats.
De plus, nous avons des partenariats avec d'autres facultés, là où l'expertise et les ressources ne résident pas forcément au sein de la Cité. Par exemple, la Faculté de travail social négocie la mise sur pied d'un baccalauréat bilingue en travail social. On parle aussi de la mise sur pied d'un centre d'études africaines et migratoires, qui bénéficie de nouvelles ententes avec une vingtaine d'universités de partout en Afrique. Enfin, on travaille à la mise sur pied d'un programme de mobilité et d'apprentissage expérientiel en milieu communautaire francophone.
Nous sommes reconnaissants des fonds investis pour les rénovations des espaces communautaires, y compris les salles de classe, les salles d'examen et l'espace administratif, la mise à niveau de la technologie et la pédagogie. Ces espaces sont mis à la disposition de la communauté francophone, ce qui renforce nos relations.
Chaque année, environ 12 000 utilisateurs, à savoir des étudiants ainsi que des membres de la communauté et de notre propre université, profitent des services offerts à La Rotonde et de nos espaces pour tenir des conférences, des ateliers, des séminaires, des réunions et ainsi de suite.
Je me dois de réitérer que la Cité universitaire doit son existence au partenariat avec les deux paliers de gouvernement. Cela lui permet de se doter des outils nécessaires pour répondre aux besoins de la communauté francophone en Saskatchewan, en ce qui concerne l'élargissement de l'accès à l'éducation postsecondaire, surtout universitaire, en français.
Bien que des progrès récents aient été réalisés grâce à l'engagement de la direction de l'Université de Regina, nous continuons de faire face à de nombreux défis découlant de décennies de sous-investissement et de la passivité devant la réalité et les défis des établissements postsecondaires et des communautés francophones en milieu minoritaire. Ce manque d'investissement se traduit par une offre de formation moins diversifiée.
En plus de ces défis, nous faisons face à d'autres obstacles, tels que le manque de promotion et la méconnaissance de l'enseignement postsecondaire en français. Encore aujourd'hui, nous devons lutter contre le mythe qui sous-estime les bénéfices de l'éducation postsecondaire en français, langue minoritaire. De plus, nous sommes confrontés à des lacunes en matière de ressources pédagogiques et de services aux étudiants ainsi qu'à des occasions de recherche limitées.
Vous en aurez l'occasion, monsieur Aito. Je suis désolé, mais je dois accomplir cette tâche ingrate pour que tout le monde puisse avoir la parole. Je vais tout de même vous laisser terminer ce que vous disiez.
En conclusion, je tiens à remercier le Comité de son invitation. Au nom de l'Université de Regina et de la Cité universitaire francophone, j'exprime mes remerciements pour l'investissement et l'appui que nous recevons du gouvernement fédéral depuis les dernières années. J'insiste sur le fait qu'il faut que cela continue.
Merci beaucoup, monsieur Aito.
Monsieur Arsenault, vous avez maintenant la parole pour un maximum de cinq minutes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au nom du Collège nordique francophone de Yellowknife, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser à vous.
Je suis Patrick Arsenault, directeur général du Collège, et je vous parle depuis le territoire du chef Drygeese.
Sans le Collège nordique, il n'y aurait aucune formation postsecondaire en français au nord du 60e parallèle. Sans le soutien du gouvernement fédéral, nous ne pourrions pas augmenter notre capacité et mieux servir les francophones de chez nous et ceux qui viennent nous rejoindre ici. Nous sommes bien ancrés dans notre communauté et nous mettons en avant notre nordicité. Nous sommes un collège créé par et pour sa communauté.
Les investissements fédéraux nous permettent de répondre à la demande et de bâtir la confiance des étudiantes et des étudiants dans l'offre postsecondaire en français dans les Territoires du Nord-Ouest. Ces investissements passent principalement par deux programmes, soit les Fonds complémentaires pour le postsecondaire et les ententes bilatérales pour l'éducation dans la langue de la minorité. Nous recevons également des fonds d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, pour enseigner l'anglais aux nouveaux arrivants. Présentement, malgré nos efforts, les immigrants allophones ou francophones dans les trois territoires n'ont aucune option pour apprendre le français ou le perfectionner à des fins d'immigration.
En 2023, la Cour suprême a donné gain de cause aux parents ténois allophones qui souhaitaient inscrire leur enfant dans une école française. Pourtant, les parents, eux, n'ont toujours pas accès à des cours de langue en français, ce qui semble aller à contre-courant du nouveau Plan d'action pour les langues officielles 2023‑2028. Nous avons travaillé fort avec IRCC pour développer un modèle pour combler cet écart, et nous espérons que des fonds seront bientôt disponibles, puisque cela permettrait la mise en place rapide du projet.
Les Territoires du Nord‑Ouest possèdent 11 langues officielles et nous sommes l'un des cinq membres de la fédération canadienne qui ont le français comme langue officielle. Grâce à notre expertise en didactique des langues et à notre engagement en faveur de la réconciliation, nous avons des partenariats avec les nations autochtones de notre région pour enseigner deux des neuf langues autochtones officielles.
Par ailleurs, nous avons développé des ressources d'apprentissage du français et de l'anglais adaptées pour les nouveaux arrivants en ajoutant des référents culturels autochtones et des modules d'apprentissage des langues autochtones.
Pour ce qui est du postsecondaire, le financement fédéral est notre seul réel véhicule en matière de développement. En 2022‑2023, nous avons accueilli 645 étudiantes et étudiants dans nos cours crédités et non crédités. Toutefois, au-delà de ces chiffres, nous devons vraiment tenir d'abord compte de l'impact. Pour nous, une seule personne formée peut créer un nouveau service qui n'existait pas avant dans des domaines très importants, par exemple la petite enfance. Chez nous, chaque individu a la possibilité d'avoir un impact à la hauteur de ses ambitions et de ses talents.
En 2018, nous avons développé notre premier plan d'affaires pluriannuel sans avoir de programme auquel le soumettre, mais nous sommes allés de l'avant pour démontrer la rigueur de notre planification et le potentiel de notre formation en français dans les Territoires du Nord‑Ouest. Nous étions heureux que le gouvernement fédéral annonce, en 2021, les nouveaux Fonds complémentaires pour le postsecondaire, puisque notre plan était enfin recevable et nous pouvions en bénéficier. C'était vraiment transformateur, et ce l'est toujours.
En terminant, j'aimerais souligner trois défis très importants pour nous. Il faut s'assurer que les programmes d'apprentissage du français pour l'immigration sont disponibles dans les trois territoires; il faut pérenniser les fonds pour le postsecondaire en français dans des enveloppes distinctes pour les paliers élémentaire, secondaire et postsecondaire; et, finalement, il faut considérer un mécanisme d'engagement financier direct avec notre établissement, en collaboration avec les territoires, afin que les fonds disponibles pour les apprenantes et apprenants de la minorité puissent mieux atteindre leur cible.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup, monsieur Arsenault.
Nous allons maintenant commencer le premier tour de questions. Chaque formation politique dispose de six minutes pour poser ses questions et écouter les réponses des témoins.
Nous allons commencer par le premier vice-président du Comité.
Monsieur Godin, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Frémont, je suis content de rencontrer le recteur de l'université où étudie mon fils, qui est très heureux à l'Université d'Ottawa.
J'ai une question existentielle à poser aux trois témoins: en quoi la nouvelle Loi sur les langues officielles va-t-elle vous donner plus d'outils et vous permettre d'être plus efficaces?
Cependant, ce qui est clair, ce sont les mesures qui ne sont pas prises. Je constate qu'un des premiers gestes significatifs posés par le gouvernement fédéral a été l'annonce du ministre Miller concernant les étudiants francophones et les étudiants étrangers. Disons qu'on a mis de côté la nouvelle Loi sur les langues officielles et son principe de consultation. En imposant carrément un régime unique au Canada, tant pour les établissements francophones qu'anglophones, on a clairement défavorisé les institutions francophones situées à l'extérieur du Québec.
Oui, pareillement, nous attendons avec impatience la matérialisation des propositions, c'est-à-dire du concret. Nous attendons.
Je suis d'accord avec mes collègues. Je pense que, ce qui va être le plus important, c'est de prendre des mesures et d'être capables de recevoir du financement pluriannuel, prévisible et stable. C'est ce qui va vraiment changer la donne.
Il faudra surtout que ce financement soit indexé, sûrement.
Monsieur Frémont, j'ai une question d'ordre statistique pour vous. Quelle a été la fluctuation du financement pour les étudiants francophones, chez vous, entre 2002 et 2024?
Je ne peux pas répondre depuis 2002, mais je peux répondre pour la période depuis environ 2010 jusqu'à maintenant. La subvention — qui est calculée selon une formule que nous ne comprenons toujours pas — accuse un manque à gagner de 3 000 dollars par année par rapport à l'Université Laurentienne, et de 4 000 dollars par rapport au Collège universitaire Glendon . En ce qui concerne l'Université de l'Ontario français, je ne réponds pas à cette question.
Donc, ce manque à gagner est un déficit, puisqu'il n'y a aucune indexation de la subvention. Avec des coûts de système en augmentation d'environ 3 % par année au cours des bonnes années, et plutôt de 4 % à 5 % maintenant, nous avons complètement déraillé. Quand j'ai mentionné 50 millions de dollars de déficit, c'est directement de nos poches, c'est de l'argent que nous mettons sur la table pour remplir notre mission francophone et pour lequel nous n'avons aucune compensation. Je pense que, selon nos plus récents calculs, le déficit cette année sera d'environ 78 millions de dollars.
Monsieur Frémont, vous dites que vous consacrez de l'argent à cette mission. Où prenez-vous cet argent?
Il est pris dans notre budget de fonctionnement général, c'est-à-dire qu'il y a une subvention, finalement. C'est de l'argent que l'Université dépenserait autrement, notamment pour la recherche, et il y a une péréquation interne.
D'accord. Est-ce que les étudiants étrangers constituent une piste de solution? Il faut se le dire, ils génèrent des fonds supplémentaires.
Prenons le cas de l'Ontario, car je ne peux parler que pour cette province. Les droits de scolarité sont gelés depuis environ quatre ans maintenant. Nous en sommes à la cinquième année. Les paiements de transfert aussi. Les droits de scolarité des étudiants étrangers constituaient notre seule soupape. Nous avons connu une augmentation constante des étudiants francophones étrangers. Depuis cinq ou six ans, le chiffre monte en flèche. Il y a énormément de demandes.
C'était une question de survie, mais maintenant, avec les mesures annoncées par le ministre Miller, nous sommes…
Il me reste deux minutes.
Monsieur Arsenault, vous dites être en discussion avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, mais que, jusqu'à maintenant, ce ministère vous donne de l'argent pour offrir de la formation aux anglophones. Par contre, il ne vous en donne pas pour les francophones. Ai-je bien compris?
Oui, effectivement. Donc, le Collège nordique francophone doit dire aux immigrants francophones qui arrivent qu'ils doivent suivre une formation linguistique en anglais pour passer les tests d'immigration que nous avons, qui ne sont pas en français. C'est un petit pincement au cœur à chaque fois.
Oui, absolument, je vous comprends.
Dans la Loi sur les langues officielles, n'y a-t-il pas un outil pour éviter ça?
Nous avons réussi quand même à gagner du terrain auprès d'IRCC, qui a une certaine ouverture. Nous avons été financés cette année pour développer le prototype, le concept d'une formation en français. Cependant, quand est venu le temps de renégocier ce financement pour le lancement en septembre, on nous a dit qu'il ne restait plus d'argent et que ça irait peut-être à l'année suivante.
On a dit peut-être.
En fait, ce que je comprends, c'est que vous êtes à bout de forces. Les universités d'Ottawa et de Regina également, et vous, aux Territoires du Nord‑Ouest, êtes à bout de ressources pour faire la promotion du français et en arrêter le déclin, mais le gouvernement ne vous donne pas d'outils. La Loi sur les langues officielles, qui est en vigueur depuis juin 2023, ne vous a pas concrètement donné d'outils dans l'immédiat. Vous espérez donc dans l'avenir. Est-ce que je comprends bien?
Oui, c'est bien ça.
Il y a une certaine ouverture de la part d'IRCC, mais il reste quand même à passer à l'action. Donc, nous sommes mieux positionnés que nous l'étions, il y a peut-être un an ou deux, mais il reste quand même encore du chemin à faire.
Je comprends qu'il s'agit d'une profession de foi et que vous faites confiance au gouvernement fédéral. En fait, le ministre des Langues officielles a annoncé hier que les règlements seraient déposés d'ici 18 mois, c'est-à-dire 2 ans et 6 mois après l'adoption de la Loi. Est-ce raisonnable?
Merci, monsieur Godin, c'est une excellente question, mais la réponse devra attendre le prochain tour.
Monsieur Samson, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Messieurs les témoins, je vous remercie de vos présentations ce matin. Vous nous mettez, nous l'espérons, sur une piste de solution. Vous êtes des experts sur le terrain et nous apprécions énormément votre contribution.
J'aimerais également souligner que j'ai aimé que vous ayez reconnu que le gouvernement fédéral a investi dans les infrastructures des universités et collèges francophones. L'investissement est passé de 2,2 milliards de dollars, il y a cinq ans, à 4,1 milliards de dollars aujourd'hui, soit presque le double. Les universités ne sont pas les seules à en bénéficier, bien sûr. Les domaines de la petite enfance, de l'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire en tirent également profit. Si on peut travailler en étroite collaboration avec ces différents secteurs, on ne connaîtra que du succès. Je suis très fier de ça.
Monsieur Frémont, je vous remercie de votre contribution à la plus grande institution d'enseignement supérieur francophone et je vous en félicite. On dit beaucoup de bien de l'Université d'Ottawa. Mon oncle est un diplômé en médecine de l'Université d'Ottawa, et j'ai même fait une petite présentation à l'Université il y a quelques années. Le travail que vous faites en collaboration avec les conseils scolaires francophones de l'Ontario a permis de développer une étroite relation entre vous et je pense que c'est la clé de la réussite. Je vous félicite de ce travail.
Ma question s'adresse aux trois témoins. Tantôt, M. Normand, qui représente le niveau national, parlait d'un consortium, d’un genre de table nationale sur l'éducation postsecondaire. Quelle est votre opinion à cet égard?
La question n'est pas facile. Si ce n'était qu'un autre endroit où ergoter ou jaser, je ne suis pas sûr que ce serait une bonne idée. Honnêtement, pour ce qui est de l'enseignement postsecondaire, il y a eu des états généraux au cours desquels tout le monde a été consulté et s'est prononcé. Les gouvernements provinciaux en ont fait partie. La feuille de route est là. Patrimoine canadien est au courant. Tout le monde en a été informé. Nous pourrions faire une autre ronde et essayer de nous concerter, mais le problème n'est pas là. Le problème actuel en est un de financement, pas seulement des nouvelles initiatives, mais aussi des infrastructures intellectuelles.
Monsieur Frémont, avec tout le respect que je vous dois, le concept d'équité et d'égalité est fondamental. Les provinces ne comprennent absolument pas ce concept.
Des consultations indépendantes ont été organisées. Si tous les joueurs clés se réunissent à une table, comme la Table nationale sur l'éducation, on aura du succès. J'ai confiance en cela, mais je respecte votre réponse. Ce n'est pas que vous êtes contre, mais…
Nous avons l'intention d'y participer.
En tant que professeur de droit constitutionnel à la base, je pense que vous pourriez parler d'« égalité réelle ». C'est ce dont on parle.
Merci.
Monsieur Aito, je pense que j'ai également fait une présentation, chez vous, pour les diplômés, il y a quelques années.
C'était de façon virtuelle. J'essaie d'aller dans tous les coins du pays pour partager quelques expériences et des réflexions en éducation.
Je ne veux pas vous influencer par mes commentaires, mais quelle est votre opinion au sujet d'une table nationale sur l'éducation postsecondaire seulement?
Une table de concertation sur l'éducation postsecondaire qui privilégierait la mise en œuvre de politiques concrètes serait une très bonne idée.
En fait, pour le Collège nordique francophone, le fait de participer activement à Collèges et instituts Canada, au Réseau pour le développement de l'alphabétisme et des compétences et, ultimement, à l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, nous a offert un peu ce genre de forum pour échanger. Selon moi, une table centralisée pourrait être avantageuse.
Je suis désolé d'avoir influencé la décision des deux autres témoins, monsieur Frémont, ce n'était pas mon intention.
Monsieur Aito, j'ai bien aimé le point que vous avez soulevé, c'est-à-dire la recherche axée sur les minorités francophones. À mon avis, c'est la clé. Tantôt, j'ai entendu un commentaire selon lequel la recherche faite en anglais est beaucoup plus appréciée. Avez-vous des commentaires à faire à cet égard?
C'est exact. Nous avons établi un centre qui privilégie la recherche chez les communautés minoritaires. Nous subventionnons ce centre à partir des fonds que nous recevons du fédéral. La contrainte, c'est que nous ne pouvons pas avoir l'appui de notre propre université.
J'aimerais simplement dire qu'il y a 12 chaires de recherche sur la francophonie canadienne à l'Université d'Ottawa. Celles-ci sont entièrement financées par l'intermédiaire du budget de l'Université. J'ajoute aussi que la recherche se fait entièrement en français.
Je pense qu'il faut faire la distinction avec les trois grands organismes subventionnaires de recherche, où il y a véritablement un défi. Si on dépose des demandes de fonds en français, ça devient compliqué. Par souci de pragmatisme, les chercheurs préfèrent donc faire leurs demandes en anglais, ce qu'il faut déplorer.
J'aimerais faire un dernier commentaire, monsieur le président, et je vous remercie de votre patience.
Quelqu'un a mentionné qu'un mémoire avait été produit par la FCFA relativement à l'éducation postsecondaire. J'aimerais m'assurer que ce rapport va être transmis au Comité, afin que nous puissions y fouiller.
Merci, monsieur Samson.
Je vais bientôt devoir quitter la réunion, parce que je dois déposer à la Chambre des communes un rapport du Comité, lequel porte justement sur l'immigration francophone. Le premier vice-président du Comité va me remplacer pendant mon absence.
Je donne maintenant la parole au Bloc québécois, plus précisément au deuxième vice-président du Comité permanent des langues officielles.
Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Frémont, tantôt, vous avez parlé d'une étude dans laquelle on comparait le financement destiné aux étudiants francophones et celui destiné aux étudiants anglophones. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à cet égard?
Je vais parler de l'Université d'Ottawa. Nous avons des subventions générales, mais nous avons aussi des subventions d'appoint, qui, selon ce que nous comprenons, proviennent de l'argent que l'Ontario reçoit du fédéral et auquel l'Ontario ajoute son argent. C'est sur le plan de ces subventions d'appoint qu'il y a un manque à gagner de 50 à 80 millions de dollars par année par rapport à ce que ça nous coûte pour offrir nos programmes en français.
Merci.
Comme vous le savez, il y a une différence entre ce qui se passe au Québec et ce qui se passe à l'extérieur du Québec. Si nous comparons le poids démographique des anglophones et des francophones, nous constatons que, au Québec, comparativement aux universités francophones, les universités anglophones sont surfinancées par le gouvernement du Québec, par le gouvernement fédéral et, surtout, par les fonds de recherche fédéraux.
Plusieurs organisations francophones hors Québec demandent une plus grande reddition de comptes et demandent que les subventions et le financement ne soient pas conditionnels à ce que les provinces donnent, parce que la situation est inverse. Dans les autres provinces, les gouvernements provinciaux semblent donner moins d'argent. Le gouvernement du Québec va s'opposer à ça, parce qu'il veut avoir de la latitude.
Pensez-vous qu'une approche asymétrique — c'est généralement la direction qu'on a prise dans le projet de loi C‑13 — pourrait nous permettre d'améliorer les choses? Les établissements francophones hors Québec, qui ont moins de poids, demandent une plus grande reddition de comptes quant à la réponse des gouvernements provinciaux.
Il me paraît manifeste, si on connaît bien la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, que l'approche asymétrique est tout à fait acceptable et qu'elle fonctionne. D'ailleurs, je crois comprendre que la version révisée de la Loi sur les langues officielles adopte un peu cette approche asymétrique. En effet, ce n'est pas la même chose pour tout le monde: les minorités ne vivent pas les mêmes situations selon qu'elles sont au Québec ou ailleurs au pays. Je pense donc qu'il n'y aurait absolument aucun problème à adopter une approche asymétrique.
Ce que je ne comprends pas de votre question, c'est le lien avec la reddition de comptes et la transparence. J'avoue que, de notre côté, nous regardons ça de l'extérieur, mais, quand des fonds publics sont dépensés, ça me paraît être l'enfance de l'art que d'exiger une reddition de comptes et de la transparence.
Si les organismes demandent que les fonds fédéraux ne soient pas conditionnels aux sommes versées par les provinces et les territoires, comme dans les ententes fédérales-provinciales, ça cause déjà moins de problèmes au Québec, parce que le gouvernement provincial surfinance déjà les universités anglophones. Ma question allait plus dans ce sens.
Je passe à un autre sujet, sur lequel j'aimerais entendre les commentaires des trois témoins. On dit que les fonds de recherche fédéraux sous-financent les universités et les établissements d'enseignement postsecondaire francophones, et que la structure même du financement devrait être modifiée pour s'adapter davantage aux petites universités. Qu'en pensez-vous?
La question se pose réellement. Je viens d'une université membre du U15 Canada, un regroupement de 15 universités canadiennes qui font de la recherche intensive. L'année dernière, nous avons généré 480 millions de dollars de fonds de recherche. Nous sommes une grosse machine de recherche.
Il reste que le financement de la recherche au Canada se fait essentiellement en fonction du jugement par les pairs, ce qui favorise de plus en plus des consortiums de recherche avec de grands établissements et de plus petits établissements. Le Canada a déjà de la difficulté à maintenir sa compétitivité en matière de recherche sur la scène internationale. Il est clair que si le Canada veut, avec le même argent, répartir son financement de façon plus étendue, ça posera problème en matière de qualité de la science. Ce qui s'en vient derrière ça, c'est le problème de la perte de talents. Les États-Unis sont extrêmement compétitifs, l'Europe est compétitive et, tous les ans, nous perdons des chercheurs qui vont poursuivre leur recherche ailleurs, où il y a beaucoup plus d'argent. C'est donc une situation très délicate.
Je suis les établissements francophones et, souvent, ceux-ci font presque de la recherche de survie. C'est là où il y aurait moyen d'avoir plus de collaboration, mais le même problème se pose pour les petits établissements anglophones qui n'ont pas accès à leur part de recherche.
Comment peut-on modifier la structure de financement pour favoriser davantage l'enseignement postsecondaire en français?
La Cité universitaire francophone fonctionne à l'instar d'autres facultés à l'Université de Regina. Notre université est nécessairement sujette à des processus institutionnels. Malgré les contraintes auxquelles nous faisons face dans notre établissement, nous encourageons nos professeurs et nos chercheurs à travailler en français, ce qui pose énormément de problèmes. Il y a des contraintes à surmonter. Cependant, c'est la politique que nous avons adoptée.
Monsieur Beaulieu, votre temps de parole est écoulé. Si quelqu'un veut reprendre votre question, ça lui appartient.
Madame Ashton, je vous cède maintenant la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs les témoins, bienvenue.
Comme vous le savez, le but de cette étude est de mettre en œuvre des recommandations pour ensuite les soumettre au gouvernement fédéral.
Lors de la comparution du premier groupe de témoins et pendant vos témoignages, nous avons entendu à plusieurs reprises que le besoin d'un financement de base stable est essentiel. Dans le cadre de cette étude, si vous aviez une recommandation principale ou des recommandations prioritaires à faire à ce comité, croyez-vous que la question du financement devrait être la plus importante?
Merci pour la question.
Il est clair que c'est le point le plus important, selon l'Université d'Ottawa et pour ce qui est de la francophonie canadienne. Il faut trouver un moyen de responsabiliser les provinces et de s'assurer qu'un travail se fait véritablement et dans la bonne direction, pour soutenir non seulement les projets spéciaux, mais aussi l'infrastructure. En effet, le soutien des programmes implique des coûts.
À notre université, il y a moins d'étudiants francophones. Pour les programmes qui sont entièrement en français, les groupes sont d'environ 30 étudiants plutôt que de 60 ou 70 étudiants. Ça coûte donc plus cher, y compris pour les maintenir. Je veux bien qu'il y ait des collaborations, mais établir des collaborations et mettre en œuvre de nouveaux projets, comme ce qui est de plus en plus sur la table au fédéral, ça demande de la main-d'œuvre.
Je vais vous donner un exemple. Nous avons actuellement 25 technopédagogues pour soutenir nos programmes et nos cours en français et en anglais. S'il faut collaborer avec d'autres établissements, il faudra mettre nos technopédagogues au service de ces autres établissements, ce qui fait qu'il en faudra davantage et qu'il va falloir gérer ces ressources. Ça représente donc des coûts. Ce que je suis en train de dire, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de débours, mais aussi des coûts en matière d'infrastructure. C'est le genre de coûts qu'il faut soutenir.
Merci beaucoup.
Monsieur Aito, pensez-vous que cette recommandation devrait être la plus importante dans le cadre de cette étude?
Absolument. Un financement pluriannuel beaucoup plus prévisible, qui permettra une planification, serait une très bonne idée. Il faut savoir aussi que les coûts sont beaucoup plus élevés dans un contexte minoritaire.
Pour moi, comme pour mes collègues, il s'agirait d'assurer un financement pluriannuel stable. Par contre, il faudrait aussi trouver des mécanismes pour que le fédéral puisse transiger directement — ou le plus possible — avec les établissements. En effet, le fait qu'on doive passer par notre gouvernement territorial crée des lourdeurs. Cela engendre beaucoup de délais et d'obstacles.
D'accord, merci.
Monsieur Frémont, vous avez commencé votre présentation en parlant des programmes que vous offrez à l'Université d'Ottawa. J'aimerais mentionner, sur un plan plus personnel, qu'au Manitoba, les médecins qui travaillent en français ont étudié à l'Université d'Ottawa.
Vous dites avoir besoin d'un soutien stable et adéquat de la part du gouvernement fédéral. Pouvez-vous nous dire quel est le lien entre un financement de base stable et les services, qui sont en quelque sorte une question de vie ou de mort, offerts en français dans ma province grâce aux programmes que vous offrez?
Je vais vous donner un exemple. Nous avons lancé récemment, soit en septembre dernier, un programme de sciences pharmaceutiques, afin de former en français des pharmaciens de première ligne qui iront travailler partout au Canada. Il n'y a pas de formation équivalente en anglais. Le fédéral a alloué des fonds à cette initiative, ce qui était très bien. L'Ontario devait en fournir, mais a décidé de ne pas le faire, parce que nous avions déjà obtenu une subvention.
Or, l'argent octroyé par le fédéral était destiné au démarrage, et nous parlons ici d'un programme de quatre ans qui va permettre de former des gens, une génération après l'autre. Les fonds obtenus du fédéral au départ ne sont pas suffisants pour maintenir ce programme. Dans notre plan d'affaires, nous sommes coincés, et nous prenons donc de l'argent d'ailleurs à l'Université.
Quand je parle d'un financement stable en matière d'infrastructure, ce n'est pas uniquement pour lancer ce programme: c'est aussi pour lui permettre de se développer et de produire une centaine de pharmaciens francophones de première ligne qui iront travailler partout au Canada.
Depuis longtemps, nous formons en français des médecins qui changent la donne en Ontario et partout au Canada. À cet égard, le financement est relativement correct, mais, comme nous le disions plus tôt, les besoins évoluent. Ceux des minorités évoluent également, de même que leurs attentes. Ces gens ont le droit d'avoir accès aux services de pharmaciens en français. Les femmes ont le droit d'accoucher en français, au Canada. Il est donc important que nous puissions offrir notre soutien, surtout dans les domaines où nous améliorons réellement la qualité de vie des communautés francophones.
C'est là où il y a un problème de financement en matière d'infrastructure. Il faut que le financement aille au-delà du démarrage. Le fédéral nous a permis de lancer le programme de sciences pharmaceutiques, mais il faut que sa survie soit assurée à moyen et à long termes.
Merci beaucoup.
Puisqu'il ne me reste plus que dix secondes, je remercie les trois témoins pour tout ce dont ils nous ont fait part.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue du Québec, M. Généreux.
Monsieur Aito, mon père détient deux baccalauréats de l'Université de Regina, mais malheureusement pas de la Cité universitaire francophone. Il a un baccalauréat en mathématiques et un autre en éducation. C'est là qu'il a rencontré ma mère, qui vient du Québec, mais dont la famille vient de la circonscription du président de ce comité. Ce sont donc des Brayons, des Acadiens.
Il y a une autre connexion intéressante entre le Parti conservateur et la communauté fransaskoise. En effet, le père de notre chef, Pierre Poilievre, est membre d'une communauté fransaskoise. Pour ma part, j'ai une connexion avec la Saskatchewan, comme tout bon Albertain, dont au moins un des deux parents vient de cette province. C'est aussi le cas de notre leader.
Étant donné que mon père est un ancien élève de l'Université de Regina, j'aimerais en savoir davantage sur les étudiants de la Cité universitaire francophone. Pourriez-vous me dire combien d'étudiants viennent précisément de la Saskatchewan?
Nous ne faisons pas forcément le décompte. Nous ne gardons pas de statistiques comme cela. La Cité universitaire francophone sert toute la communauté francophone, peu importe la langue première.
Nous faisons principalement de l'enseignement aux étudiants d'autres facultés, bien que nous ayons aussi nos programmes à nous. La Cité compte à peu près une soixantaine d'étudiants qui pourraient l'appeler leur propre chez-soi, mais nous recevons à peu près 1 000 étudiants de partout à l'Université de Regina qui viennent suivre des cours de français. Nous collaborons également avec d'autres facultés, notamment pour offrir un programme en sciences infirmières avec option bilingue. Nous travaillons aussi avec la faculté de travail social, en plus d'avoir des ententes avec d'autres facultés. Ainsi, nous parrainons des cours en sciences, en mathématiques, en statistique, et même en autochtonisation.
Notre mission est donc bien particulière. Normalement, il n'y a pas d'unité académique francophone comme la Cité dans une université majoritairement anglophone. On dit que c'est une invention de la communauté fransaskoise, et c'est pour cela que j'appelle la Cité un imaginaire collectif, une collaboration assez étroite entre la communauté fransaskoise et l'Université de Regina.
Merci, madame Kusie.
Monsieur Frémont, en tenant compte des subventions qu'elle reçoit, l'Université d'Ottawa a-t-elle un surplus financier ou est-elle en déficit?
Oui. Nous sommes une des universités ontariennes qui ont un déficit important. Nous travaillons très fort pour le réduire, mais actuellement, en Ontario, 12 des 18 universités reconnues par le gouvernement sont en déficit.
Plus tôt, vous avez dit que vous devriez obtenir plus d'argent grâce à vos étudiants francophones. Vous avez parlé d'un montant de 3 000 $ par étudiant.
Nous avons un problème: personne n'est capable de nous expliquer la formule en question, ni pourquoi nous en sommes arrivés là. Déjà, le gouvernement Wynne était au courant. Depuis, nous faisons des démarches auprès du gouvernement, mais l'aiguille ne bouge pas. Certaines années, notre budget est équilibré, mais, d'autres années, il ne l'est pas. Ça commence à être fatigant.
Tout à l'heure, vous avez dit que votre manque à gagner était de 50 millions de dollars. Est-ce exact?
Disons que c'est entre 50 et 80 millions de dollars.
Comment ce montant se compare-t-il au manque à gagner d'autres programmes, au budget des infrastructures ou au budget global?
Nous avons un budget d'exploitation de plus de 900 millions de dollars. Cela exclut les fonds de recherche.
Monsieur Frémont, je dois malheureusement vous interrompre, mais j'ai étiré le temps alloué au maximum.
Excusez-moi, monsieur Généreux. La question était pertinente. M. Frémont aura peut-être l'occasion d'y répondre plus tard.
Je cède maintenant la parole à M. Marc Serré, du Parti libéral. Il partagera son temps de parole avec M. Drouin.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Le financement fédéral en matière de langues officielles de 4,1 milliards de dollars sur cinq ans a doublé depuis 2015. La Loi sur les langues officielles a été modernisée pour la première fois en 50 ans. Nous avons également eu le Fonds d'investissement stratégique pour les établissements postsecondaires, un programme qui soutenait des projets d'infrastructure, grâce auquel l'Université d'Ottawa a reçu plusieurs millions de dollars. L'Université Laurentienne a également reçu 25 millions de dollars dans le cadre de ce programme.
Monsieur Frémont, vous avez aussi parlé de santé, de médecine, de pharmaceutique et de droit. Dieu merci, il y a de l'argent du fédéral qui va dans ça aussi, évidemment. L'Université de l'Ontario français a reçu de l'argent du fédéral. L'Université de Sudbury a reçu un financement de 1,9 million de dollars qui provenait entièrement du fédéral. D'ailleurs, je vous remercie de votre partenariat avec l'Université de Sudbury. En 2022, j'ai aussi eu l'occasion d'annoncer un financement de 5 millions de dollars au Collège nordique francophone, à Yellowknife, en compagnie de son directeur général, M. Patrick Arsenault.
Je comprends votre frustration…
Excusez-moi, monsieur Serré, mais je dois vous interrompre.
Il y a un appel au vote à la Chambre des communes: le Comité consent-il à continuer la réunion?
Des députés: Oui.
Merci.
Monsieur Frémont, je comprends votre frustration. En Ontario, le sous-financement des établissements postsecondaires a été chronique ces dernières années. C'est pourquoi ceux-ci ont dû recruter des étudiants étrangers, dont le nombre s'élève à près de 1 million. Certains comparent même la situation des étudiants étrangers dans ces établissements à des usines à chiots.
Dans vos revendications d'aujourd'hui, vous dites du gouvernement fédéral qu'il devrait être responsable des programmes en français.
Combien d'argent par année représenterait le manque à gagner pour l'Université d'Ottawa?
De plus, si c'était le fédéral qui était responsable, que diriez-vous à des gouvernements comme celui du Québec, ainsi qu'à Mme Smith, de l'Alberta, qui dit que sa province adoptera une loi pour empêcher le fédéral d'intervenir directement dans les affaires des établissements postsecondaires et des municipalités?
L'ancien professeur de droit constitutionnel que je suis va vous dire que, au Québec, la question est réglée: une loi empêche les établissements de recevoir de l'argent directement du fédéral, exception faite des organismes subventionnaires. C'est bien et il est évident que les universités sont de compétence provinciale.
Pour ce qui est de la mission francophone des établissements francophones, nous suggérons de ne pas s'empêcher, au besoin, d'intervenir directement. Vous le faites par exemple par l'intermédiaire du Consortium national de formation en santé, entre autres.
Il faut faire cesser la gêne. Récemment, on a été témoin de cette gêne dans l'histoire qui est arrivée avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Les gens ont dit que les universités étaient de compétence provinciale, et nous avons demandé au ministre de mettre les établissements dans une bulle.
Combien de millions de dollars par année représenterait un financement complet des programmes en français par le fédéral?
Je ne dis pas que les provinces doivent désinvestir; je dis que, au besoin, il faut que le fédéral soit capable d'investir directement dans les établissements en milieu minoritaire.
Oui, mais, si vous vous concentrez sur le fédéral, est-ce que ça n'encouragerait pas le gouvernement Ford à se retirer encore plus de ce domaine?
C'est effectivement le problème et c'est un défi. Cependant, jamais je ne croirai que le fédéral ne sera pas capable de trouver un moyen pour que les provinces assument leur responsabilité, par exemple en désignant des personnes de bonne volonté pour négocier.
Monsieur Frémont, j'ai étudié à votre université avant que vous n'arriviez en poste et je me souviens que, en 2003, ni le pavillon Desmarais ni la Faculté des sciences sociales n'existaient. À l'époque, il y avait de la construction partout en Ontario parce que, justement, le gouvernement dirigé par M. McGuinty avait fait ce choix politique d'investir dans nos établissements.
Je ne sais pas s'il faudra un autre « jeudi noir ». Je sais qu'il existe un besoin d'infrastructures partout au Canada. Malheureusement, certains gouvernements ne comprennent pas l'importance d'investir dans nos établissements postsecondaires.
J'ose croire que l'arrivée de l'intelligence artificielle aura une incidence majeure, parce qu'elle exigera d'offrir de la formation continue à nos populations, étant donné que des emplois vont disparaître beaucoup trop rapidement.
Je vous appuie donc à 100 %. S'il faut à nouveau mobiliser la communauté franco-ontarienne et les communautés francophones de partout au Canada pour nous faire entendre, nous le ferons. C'est ce qu'il faudra peut-être faire, d'ailleurs.
On observe un épuisement parmi les gens, qui doivent tout le temps se battre pour démontrer que la Terre est ronde dans ce domaine.
Il vous restait 10 secondes, monsieur Drouin.
Le message a été clair et entendu.
Je cède maintenant la parole à M. Beaulieu pour deux minutes et demie.
Merci.
Un sujet qu'on n'a pas abordé, c'est l'approche selon laquelle une université par et pour les francophones serait efficace. On a vu, au moment de la fondation de l'Université de l'Ontario français, l'Université d'Ottawa et d'autres universités bilingues s'opposer à une telle université.
Monsieur Frémont, qu'en pensez-vous?
Je vais mettre les choses au clair. Je suis recteur et vice‑chancelier à l'Université d'Ottawa depuis huit ans et nous ne nous sommes jamais opposés à la création de l'Université de l'Ontario français. Au contraire, nous offrons notre collaboration.
Le mouvement « par et pour » est un mouvement extrêmement légitime et nécessaire en Ontario. Récemment, nous avons annoncé une entente de collaboration avec l'Université de Sudbury, précisément pour mettre en commun nos programmes afin de permettre la double diplomation.
En Ontario, il est crucial d'élargir l'offre dans toutes les régions. Par exemple, l'Université de Windsor a des besoins en matière de santé, de travail social et de justice. Nous commençons à collaborer avec elle pour qu'elle offre des programmes d'un an en français afin de former des professionnels qui seront capables de travailler en français.
Ce qui est essentiel, c'est que l'offre soit élargie. Le mouvement « par et pour » contribue à l'élargissement de cette offre. C'est crucial.
Certains disent que, dans les établissements bilingues, on favorise l'assimilation des francophones.
Nous avons fait un audit il y a un an pour déterminer si c'était effectivement le cas et si l'Université d'Ottawa respectait la Loi sur les services en français. Il s'est avéré que nous la respections à 98 %. Uniquement dans certains programmes, la séquence des cours n'était pas ajustée et, par conséquent, un cours en anglais était nécessaire pour terminer à temps. Ce problème a depuis été corrigé.
On parle aujourd'hui d'une université bilingue, certes, mais dont, au moment où je vous parle, 250 programmes de premier cycle sont entièrement en français et sont offerts en français par des francophones, et pour lequels les laboratoires et les stages sont en français.
C'est bon.
Messieurs Aito et Arsenault, avez-vous demandé dans vos revendications qu'il y ait d'autres universités « par et pour » les francophones?
Oui, absolument. Nous dépendons largement des collaborations que nous avons établies avec d'autres établissements qui, bien sûr, sont situés à l'extérieur de la Saskatchewan. Donc, oui, nous adhérons en principe à cette proposition.
Monsieur Aito et monsieur Beaulieu, je vous remercie.
Je cède maintenant la parole à Mme Ashton pour deux minutes et demie. Ce sera la dernière intervention.
Merci, monsieur le président.
Comme nous le savons, il y a présentement au pays une crise de l'abordabilité. Les jeunes, partout au Canada, font face à une réalité économique de plus en plus difficile. Les problèmes touchent aussi bien le logement que l'alimentation ou les plans de carrière. Faire des études postsecondaires coûte de plus en plus cher.
Messieurs les témoins, cette étude porte effectivement sur le financement des établissements postsecondaires, mais il n'y aura pas d'établissements s'il n'y a pas d'étudiants. J'aimerais donc savoir ce que vous recommanderiez pour faire face à la crise de l'abordabilité que sont en train de vivre vos étudiants, les jeunes Canadiens, les jeunes francophones et ceux qui veulent étudier en français. Que pourrait faire le gouvernement fédéral pour les aider et faire en sorte qu'ils puissent poursuivre leurs études chez vous?
Merci.
À mon avis, le financement est vraiment la clé. Ce qui est important, c'est de ne pas perdre dans le continuum en éducation les étudiants qui, après le secondaire, décideraient de poursuivre leurs études à l'université en anglais. Dans de tels cas, ils en viendraient à exercer leur profession en anglais et à se détacher de leur secteur.
Des régimes de bourses seraient une façon intéressante de favoriser les études en français. Il pourrait aussi y avoir des régimes de bourses pour les immigrants francophones qui s'établissent en région. Les immigrants ont effectivement le choix de s'intégrer au réseau anglophone ou d'opter pour le milieu francophone. Il s'agirait donc de les encourager à choisir un milieu francophone et à s'y intégrer.
Je dirais aussi que les bourses et autres mesures d'aide financière sont importantes. Il est déjà impossible, surtout dans un contexte minoritaire, de ne pas mettre en place de l'aide pour nos étudiants.
Monsieur Arsenault, vous venez du nord du pays, et c'est mon cas également. Comme nous le savons, il y a une véritable crise du logement chez nous.
Monsieur Arsenault, je vais vous demander de répondre très rapidement. Sinon, je vais devoir vous interrompre.
En ce qui concerne l'abordabilité, comme nous sommes dans le Nord, les étudiants doivent souvent quitter la région pour aller à Ottawa, à Toronto ou à Montréal. Or, ces déplacements, de même que le logement, engendrent des coûts faramineux et séparent des familles. Il est donc important de développer notre offre dans le Nord afin de garder nos gens chez nous.
Merci, monsieur Arsenault.
Messieurs les témoins, je vous remercie. Je rappelle que si vous avez des informations ou des documents à fournir pour nous aider à compléter notre étude, vous pouvez les faire parvenir à la greffière, qui partagera l'information avec nous.
Je profite de l'occasion pour informer tous les membres du Comité que la conférence de presse qui était prévue à 10 h 30 aura lieu à une date ultérieure, parce que notre président n'a malheureusement pas pu déposer le rapport.
Je termine en disant que, lors de la prochaine réunion, nous poursuivrons notre étude sur le financement fédéral pour les institutions postsecondaires de langue officielle en situation minoritaire.
Les membres du Comité souhaitent-ils ajourner la réunion?
Des députés: Oui.
Le vice-président (M. Joël Godin): Merci.
La séance est levée.
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