LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 1er février 2024
[Enregistrement électronique]
[Français]
Chers amis, nous reprenons la séance.
Conformément à l'article 108(3) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 20 septembre 2023, le Comité reprend son étude du développement économique des communautés de langues officielles en situation minoritaire.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne.
Monsieur Normand, nous sommes heureux que vous vous joigniez à nous pour cette conversation. Vous n'en êtes pas à votre première réunion du Comité permanent des langues officielles.
Vous avez la parole pour cinq minutes, après quoi nous passerons au tour de questions. Je suis très sévère quant au respect du temps de parole.
C'est une évidence pour nous que le secteur postsecondaire joue un rôle dans l'économie canadienne, et c'est d'autant plus vrai pour nos 22 établissements d'enseignement postsecondaire en contexte francophone minoritaire, qui sont souvent des moteurs de l'économie locale en étant à la fois des foyers d'innovation, des employeurs dynamiques, des consommateurs de produits et de services, des pôles d'attraction d'investissements publics et privés et des cartes de visite au pays et à l'étranger.
Il faut aussi penser au travail d'incubation de jeunes pousses entrepreneuriales, ou encore aux gains en productivité liés à des projets de recherche ancrés dans les communautés et les industries locales. On peut aussi ajouter à ce portrait l'activité économique et les revenus générés par des générations de diplômés de nos établissements.
Votre comité est à la recherche de pratiques exemplaires et de modèles économiques à suivre. En ce sens, la contribution des établissements d'enseignement postsecondaire n'est plus à prouver. Néanmoins, notre réseau d'établissements aspire à accroître ses contributions à la société canadienne en offrant de nouveaux programmes adaptés aux réalités socioéconomiques changeantes, en attirant et en retenant la clientèle francophone locale, et en se dotant d'espaces qui continueront à alimenter l'innovation. C'est pourquoi nous vous avons rappelé à plusieurs reprises, ces dernières années, l'attente de notre réseau quant à la concrétisation d'un fonds permanent de 80 millions de dollars par année pour appuyer le secteur et lui permettre de continuer de croître.
Cependant, je voudrais insister sur quelque chose de plus urgent aujourd'hui. Le 22 janvier 2024, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, a annoncé un plafond national de délivrance de demandes de permis d'études pour les deux prochaines années. Cette annonce a largement ébranlé l'ensemble de notre réseau d'établissements.
Nous pensons que la Loi sur les langues officielles modernisée et la Politique en matière d'immigration francophone constituent de nouveaux outils prometteurs, dans la mesure où elles sont respectées. Or, cette annonce nous place collectivement, y compris ce comité, devant une première mise à l'épreuve de ces outils fédéraux et pourrait en illustrer les limites.
Cette décision est en contradiction flagrante avec la version révisée de la Politique en matière d'immigration francophone qui a été annoncée le 16 janvier 2024. Parmi les objectifs de cette politique, notons qu'IRCC souhaite maximiser la sélection d'étudiantes et d'étudiants d'expression française venant de l'étranger, de bonifier les programmes qui les visent et d'accroître leur accès aux établissements d'enseignement postsecondaire francophones à l'extérieur du Québec. Cette politique devrait constituer l'horizon à partir duquel toute mesure visant la clientèle internationale des établissements d'enseignement postsecondaire est définie. C'est plutôt le contraire qui se manifeste.
Comme d'autres le rappelaient cette semaine, la clientèle internationale des établissements d'enseignement postsecondaire joue un rôle crucial dans l'économie canadienne, y injectant plus de 22 milliards de dollars chaque année. En nous fondant sur diverses données, nous estimons que les retombées économiques de la clientèle internationale des établissements d'enseignement postsecondaire membres de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, ou ACUFC, se chiffraient à plus de 300 millions de dollars en 2018‑2019 seulement.
Cette clientèle comble des besoins de main-d'œuvre variés pendant ses études. Elle peut obtenir un permis de travail postdiplôme pour parfaire ses expériences de travail au Canada. Elle peut ensuite décider de faire une demande de transition vers la résidence permanente. Selon une étude menée en 2020, près de 90 % des étudiantes et des étudiants de l'étranger dans notre réseau d'établissements souhaitent rester au Canada à la fin de leurs études. Ce succès illustre bien comment IRCC doit compter sur nos établissements pour atteindre ses nouvelles cibles plus ambitieuses en matière d'immigration francophone.
Les titulaires de permis d'études dans notre réseau d'établissements représentent moins de 2 % du total des permis d'études délivrés au Canada en 2022. Cette proportion est très faible à l'échelle nationale, mais cette clientèle apporte des retombées considérables à l'échelle de nos communautés. C'est pourquoi, dans l'immédiat et devant l'urgence à laquelle nous devons faire face, nous ne formulons qu'une seule recommandation ce matin.
Nous recommandons qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada mette en place des mesures qui feront en sorte qu'un plafond national de délivrance des demandes de permis d'études n'aura pas d'incidence quant à la capacité des établissements d'enseignement postsecondaire en contexte francophone minoritaire à maintenir et à faire croître le nombre d'étudiantes et d'étudiants de l'étranger, comme le prévoit la nouvelle version de la Politique en matière d'immigration francophone. IRCC pourrait, par exemple, faire de la clientèle internationale qui étudie en français à l'extérieur du Québec une cohorte prioritaire, comme il l'a déjà fait, d'ailleurs, pour d'autres cohortes.
Si nous souhaitons que les établissements d'enseignement postsecondaire conservent un pouvoir d'agir sur le développement économique des communautés francophones et que la clientèle internationale sente qu'elle peut contribuer à l'épanouissement de ces communautés, il faut revoir la mesure annoncée la semaine dernière pour l'arrimer aux autres objectifs de politique publique du gouvernement fédéral. Une telle solution s'inscrirait dans l'esprit de la Loi sur les langues officielles et dans celui de la Politique en matière d'immigration francophone, et cela renforcerait l'effet de ces deux outils sur la situation économique des communautés francophones au pays.
Je vous remercie.
Merci beaucoup.
Le premier tour de questions offrira six minutes de temps de parole à chacune des formations politiques. Nous commençons par le premier vice-président du Comité.
Monsieur Godin, vous avez la parole pour six minutes.
Je vous remercie, monsieur Normand, d'être avec nous ce matin. C'est avec plaisir que nous vous rencontrons. Il est bon d'avoir nos témoins sur place, car cela évite des problèmes d'ordre technique.
Monsieur Normand, j'ai bien écouté votre allocution de ce matin, et je constate que le gouvernement dit tout et son contraire. Il a de bonnes intentions, mais les annonces récentes d'IRCC vont à l'encontre des objectifs que nous retrouvons, notamment, dans le projet de loi C‑13. Vous avez dit qu'IRCC avait changé sa politique; c'est ce qui a été annoncé le 22 janvier dernier. Nous comprenons que, à court terme, rien ne s'est produit.
Voici ma première question. Qu'est-ce qui est important à court terme, pour vous, et qui pourrait avoir un effet sur le développement économique dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, soit les CLOSM?
Il est faux de dire que rien ne s'est produit depuis le 22 janvier. La mesure est en place depuis la journée où elle a été annoncée. En ce moment, il y a un moratoire sur le traitement des demandes de permis d'études. Cela peut vouloir dire que certains de nos établissements ne verraient pas de cohorte d'étudiants étrangers s'inscrire en mai, pour la session du printemps. De plus, si les provinces n'agissent pas assez rapidement, il pourrait aussi y avoir un effet sur la cohorte qui arriverait en septembre. En ce moment, nos établissements sont très inquiets. Ils pensent qu'il n'y aura pas de traitement suffisamment rapide pour qu'une cohorte entre à la session de printemps, et cela pourrait avoir un effet sur la cohorte de septembre.
L'effet sur nos établissements est immédiat. Si certaines cohortes disparaissent, ou s'il y avait une réduction importante du nombre d'étudiants étrangers en septembre 2024, ça veut aussi dire qu'il y aura moins de diplômés, dans deux, trois ou quatre ans, qui voudront rester au pays, faire une demande de résidence permanente et participer à la croissance et à l'épanouissement des communautés francophones.
Il y a un effet immédiat sur les établissements et il y a un effet à moyen terme sur nos communautés.
Merci, monsieur Normand.
Compte tenu de ce que vous venez de dire, pouvons-nous affirmer que, s'il n'y a pas de changement, nous compromettons l'existence d'établissements francophones hors Québec? Qu'on le veuille ou non, l'inscription de ces étudiants génère des revenus, et ces revenus permettent à ces établissements de subsister.
Sommes-nous en train de sacrifier ou d'éliminer des établissements francophones au Canada en raison de la politique actuelle du gouvernement?
Les établissements de notre réseau ont toujours prouvé leur résilience, mais il n'en demeure pas moins que, du jour au lendemain, une perte de revenus aussi importante pourrait entraîner, sans nécessairement aller jusqu'à la fermeture d'un établissement à court terme, l'abolition de postes, la réduction de programmes, la réduction de places dans des programmes et la réduction de services sur les campus.
Nous ne pouvons pas nier que ça pourrait très rapidement avoir ces conséquences. Nous parlons d'une réduction des revenus de 35 à 50 % dans certains établissements. C'est une part importante du budget annuel qui disparaît à très court terme.
Ce que vous dites, c'est qu'il y a un risque pour ces établissements, qui participent également à l'économie locale. Il y a un effet important sur l'économie locale.
Sur ce plan, ces régions francophones en milieu minoritaire essaient présentement de survivre. La situation économique n'est pas enviable, présentement, au Canada.
Que pourrions-nous faire rapidement, comme gouvernement, pour préserver ou sauvegarder l'économie locale? Y a-t-il des mesures concrètes, rapides, que nous devrions prendre?
Selon nous, le premier geste à poser rapidement, c'est de faire des étudiants francophones qui étudient à l'extérieur du Québec une cohorte prioritaire, dans le contexte de la mesure annoncée la semaine dernière.
Comprenez-nous bien. Des nouvelles comme celle-là circulent à l'étranger excessivement rapidement. En 24 à 48 heures, les clientèles à l'étranger savent qu'il y a des mesures qui viennent freiner l'entrée au Canada d'étudiants internationaux. Des étudiants pourraient donc choisir d'aller étudier dans d'autres pays qui sont, en ce moment aussi, très concurrentiels sur le marché. Dans le cas de nos établissements, il faut aussi tenir compte du Québec. Le ministre Miller a bien dit que la province était sous le plafond qu'elle avait établi à ce sujet à l'heure actuelle.
Nous craignons donc que des étudiants francophones qui envisageaient d'étudier à l'extérieur du Québec tiennent pour acquis que ce sera pratiquement impossible d'avoir un permis d'études et qu'ils choisissent d'aller étudier au Québec. C'est tout un bassin potentiel de main-d'œuvre qui pourrait disparaître.
En fait, ce que vous dites, c'est qu'il y a un risque que tout le travail fait en amont depuis plusieurs années soit perdu.
C'est tout à fait cela.
Notre réseau d'établissements est très actif, depuis 10 ou 15 ans, en ce qui a trait au recrutement d'étudiants étrangers. Nous avons fait des pas de géant, et il ne faudrait pas que ce travail soit perdu.
Comme on le sait, il s'agit d'un milieu très concurrentiel.
Les libéraux ont annoncé, lors de la campagne électorale, qu'ils investiraient 80 millions de dollars par année dans le Plan d’action pour les langues officielles, ou PALO. Toutefois, selon l'annonce faite au mois de mars 2023, si ma mémoire est bonne, il s'agirait plutôt de 30 millions de dollars par année.
Avez-vous reçu ces 30 millions de dollars?
Comme on le sait, il y a présentement des négociations avec les provinces pour ce qui est du renouvellement des ententes sur l'éducation dans la langue de la minorité.
Avez-vous reçu ces 30 millions de dollars?
Comme je l'ai mentionné, en ce qui concerne les établissements, un montant de 30 millions de dollars figure dans le Plan d’action pour les langues officielles.
Si je comprends bien, vous n'avez pas encore reçu ces fonds, mais le délai vous convient.
Est-ce bien cela?
Merci beaucoup, messieurs Normand et Godin.
La prochaine question nous vient des libéraux. Monsieur Iacono, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Normand.
Quels sont les obstacles principaux que vos établissements membres rencontrent et quelles sont les démarches que vous entreprenez pour les résoudre?
D'abord, il y a évidemment le financement public. La discussion sur les étudiants internationaux fait partie de cela. Si de nombreux établissements se sont tournés vers eux, c'est parce que la proportion du financement public destiné à l'enseignement postsecondaire au Canada est en diminution depuis longtemps. Il faut revoir la structure de revenus pour s'assurer que les établissements sont capables de remplir leur mandat.
Il y a aussi, pour nos établissements...
Avez-vous consulté les provinces pour ce qui est du financement? En réalité, il s'agit d'un champ de compétence provincial.
L'ACUFC n'a pas le mandat de négocier ou de discuter avec les provinces. Ce sont nos membres qui le font directement. Je vous assure que tous nos membres sont en contact fréquent et direct avec le ministère consacré à l'enseignement et à l'éducation supérieure de leur province.
Le deuxième défi, qui découle d'ailleurs du premier, c'est de s'assurer que nos établissements demeurent attrayants pour la clientèle locale et internationale. Pour cela, il faut que les établissements disposent des ressources nécessaires pour mettre sur pied de nouveaux programmes qui répondent à des situations socioéconomiques et à des réalités sociopolitiques changeantes. Pour être en mesure de créer de nouveaux programmes, il faut avoir les ressources en place, mais il faut aussi que cela se fasse de concert avec les provinces, dans la mesure où ce sont elles qui ont l'autorité d'approuver les nouveaux programmes d'étude.
Le troisième défi, c'est de continuer à contribuer à l'épanouissement des communautés francophones. Les communautés ont beaucoup d'attentes à l'égard de leurs établissements d'enseignement postsecondaire, et cela se comprend. Ils sont des moteurs importants de l'économie locale. Ils peuvent également assurer le renouvellement des communautés afin qu'il y ait une transmission linguistique et identitaire ainsi qu'une formation continue de main-d'œuvre spécialisée dans plusieurs domaines.
L'ambition de nos établissements de travailler à l'épanouissement des communautés doit se faire de pair avec les institutions fédérales, qui ont la responsabilité d'agir pour l'épanouissement des communautés.
Quel rôle jouent vos établissements membres dans le développement économique des communautés francophones en situation minoritaire?
Dans mon allocution, je faisais allusion à certaines initiatives de nos membres.
On peut notamment penser à tous les laboratoires conçus pour alimenter l'innovation dans plusieurs secteurs de l'économie, en partenariat avec des entreprises locales et des organisations de la société civile, notamment. Je pense, par exemple, au collège La Cité, qui a un laboratoire en intelligence artificielle et qui forme de nombreux partenariats avec des entreprises locales. Dans certaines communautés, un établissement d'enseignement postsecondaire est un employeur majeur, voire le principal. Cela crée des revenus et de l'activité économique dans une région.
Pensons aussi à des établissements ruraux, comme l'Université Sainte‑Anne, par exemple. Le fait d'avoir un établissement d'enseignement postsecondaire où il y a peut-être 1 000 étudiants, et presque autant de membres du personnel actif, dans une toute petite communauté est important. Cela peut faire vivre des commerces locaux, en plus de fournir aux entreprises locales une main-d'œuvre qui peut occuper des postes importants, qui seraient autrement laissés vacants.
Nos établissements voudraient pouvoir disposer de ressources supplémentaires pour élaborer de nouveaux programmes qui répondent aux besoins du marché. Évidemment, dans certains cas, l'élaboration de nouveaux programmes doit se faire notamment avec des ordres professionnels. Il faut donc entreprendre des négociations avec eux dans le cas des professions soumises à des normes. Cela doit se faire de concert avec les provinces.
Cependant, pour bien y arriver, il faut disposer de données précises et à jour sur les besoins en matière de main-d'œuvre dans les communautés. Je ne suis pas le seul à le dire. En effet, tous les organismes de la société civile appartenant à la francophonie canadienne ainsi que les acteurs économiques ont soif de données pouvant leur permettre de déterminer quelles sont présentement les pénuries de main-d'œuvre et dans quels secteurs elles s'installent.
Grâce à ces données, nous serons davantage en mesure de désigner les stratégies à privilégier pour répondre plus précisément aux besoins locaux en matière de main-d'œuvre.
Merci, monsieur Iacono.
Je cède maintenant la parole au deuxième vice-président de ce comité, M. Beaulieu, du Bloc québécois.
Vous avez la parole pour six minutes, monsieur Beaulieu.
Je vous remercie beaucoup d'être parmi nous, monsieur Normand.
En consultant plus tôt votre site Internet, j'ai constaté que les collèges et universités du Québec étaient exclus. Or, vous dites représenter la francophonie canadienne.
Considérez-vous que le Québec ne fait pas partie du Canada ou de la francophonie canadienne?
Nos établissements voulaient se rassembler sur une base pancanadienne pour échanger sur les réalités de la vie en situation minoritaire. Notre réseau d'établissements entretient beaucoup de liens avec des établissements québécois. À l'ACUFC, nous en avons établi notamment avec l'Université de Montréal, le réseau de l'Université du Québec et le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes.
C'est une bonne chose, que vous entreteniez des liens. Cependant, pourquoi n'ajoutez-vous pas la mention « hors Québec » si cela correspond à la réalité?
Ce sont nos membres qui ont demandé qu'il y ait une association rassemblant les établissements en situation minoritaire.
Vous pouvez le mentionner partout dans vos communiqués, mais il reste que 90 % des francophones se trouvent au Québec, à moins que l’on considère le Québec comme étant déjà indépendant. Quand on parle de la francophonie canadienne, il faut, à mon avis, faire la distinction pour ce qui est du Québec.
Je prends bonne note de votre commentaire. Nous nous assurons quand même de mentionner que nos 22 établissements se trouvent dans huit provinces à l'extérieur du Québec. Nous prenons bien soin de le préciser. Cependant, nous cultivons des relations avec des institutions et des établissements québécois pour nous assurer qu'il y a quand même des échanges quant aux messages et à l'expertise.
Je pense qu'il est important de toujours le préciser. Sinon, c'est comme si vous parliez aussi au nom des collèges et universités du Québec. Cela dit, je n'ai rien contre l'idée d'une réunification.
En ce qui concerne l'application, à l'échelle nationale, d'un plafond pour la délivrance des permis d'études, je suis d'accord avec vous pour dire que c'est très problématique. Un plafond pourrait être établi, mais la solution ne serait-elle pas d'exclure les francophones de cette mesure? Selon moi, il pourrait aussi s'agir des francophones du Québec. Si le plafond n'était pas atteint au Québec, cela ne changerait rien.
Ce plafond établi pour les permis d'études ne devrait-il pas exclure les francophones?
C'est une façon de formuler ce que nous proposons. Dans la mesure qui a été annoncée la semaine dernière, on donne comme exemple des étudiants à la maîtrise et au doctorat qui sont exclus de cette mesure, c'est-à-dire qui ne sont pas touchés par ce plafond. L'ACUFC considère que ce sont des cohortes prioritaires. C'est pour cette raison qu'elles ne sont pas touchées par cette mesure.
C'est pourquoi nous reprenons le vocabulaire d'IRCC. En effet, plutôt que de parler d'exclusion, nous demandons que les francophones qui viennent étudier à l'extérieur du Québec — je ne parlerai pas au nom du Québec parce que nous ne le représentons pas...
Nous demandons que les francophones qui viennent étudier à l'extérieur du Québec soient aussi considérés comme une cohorte prioritaire. Cela aurait pour effet d'enlever aux provinces la responsabilité de déterminer si des établissements francophones reçoivent ou non des permis d'études sous le plafond établi.
Nous n'avons pas parlé de cette dynamique qui a été introduite dans la mesure, à savoir que les provinces auront la responsabilité de répartir les permis d'études entre les établissements. Nous sommes d'avis que si cet aspect était retiré et que le gouvernement fédéral conservait la responsabilité de délivrer des permis d'études aux étudiants francophones à l'extérieur du Québec, et ce, afin de respecter ce qui a été annoncé dans la Politique en matière d'immigration francophone il y a deux semaines, beaucoup de difficultés seraient réglées dans le système.
Certains acteurs seraient retirés des éventuelles négociations parce que la situation aurait été réglée avec le gouvernement fédéral et on laisserait des permis d'études à d'autres types d'établissements qui en auraient également besoin.
Ce que vous dites, c'est que vous aimeriez que le fédéral garde la responsabilité de délivrer les permis d'études, c'est-à-dire qu'il ne la transfère pas aux provinces, hors Québec.
En fait, je veux plutôt dire que les permis d'études délivrés aux étudiants qui vont étudier en français hors Québec ne soient pas visés par le plafond qui va être attribué à chacune des provinces.
D'accord. Il y aurait peut-être lieu de voir si vous pouvez faire front commun aussi avec le Québec.
Les collèges et les universités jouent assurément un rôle crucial pour former les acteurs économiques. Les collèges et les universités sont aussi des acteurs économiques.
J'aimerais savoir comment se portent toutes les universités conçues par et pour les francophones, comme l'Université de l'Ontario français, en Ontario, les universités francophones dans l'Ouest canadien, l'Université de Sudbury, par exemple.
Pourriez-vous nous dresser un bref état de la situation? Sont-elles toutes en difficulté? Se portent-elles bien?
Nous ne sommes pas des experts de la situation financière de chacun de nos établissements. Les personnes responsables de chacun d'entre eux pourront vous répondre. Il reste qu'il y a des défis, et ils sont connus du public. Certains concernent la nécessité, pour les établissements, de pouvoir compter sur un financement public afin d'être en mesure de bien répondre à leur mission.
Toutefois, comme je le disais plus tôt, nos établissements sont très innovants et résilients. Ils trouvent des solutions aux problèmes afin de rester attrayants malgré les barrières qui existent dans le système.
Au-delà de la clientèle internationale, la clientèle locale est aussi très importante, et il faut s'assurer que les établissements sont capables de répondre à ses besoins en premier lieu. Il faut que cette clientèle se sente interpellée par son établissement et qu'elle ait le goût d'aller y étudier.
Avez-vous mis en place un réseau susceptible d'aider les communautés francophones en situation minoritaire pour leur développement économique?
Les collèges et les universités bénéficient-ils de ces programmes? Existe-t-il une interaction avec ces communautés pour favoriser le plus possible le développement économique?
Plusieurs de nos membres créent des liens avec les différents organismes locaux de développement économique, tout comme ils le font avec les agences de développement économique au sein des ministères fédéraux.
Il existe une voie de communication, et des discussions ont lieu. Tous les acteurs comprennent que les établissements d'enseignement postsecondaire font partie du portrait économique de leur communauté. Ils participent donc à ces discussions sur le développement économique.
Merci, monsieur Normand.
Les prochaines questions viendront du NPD.
Madame Ashton, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Normand, de votre témoignage.
Savez-vous quel pourcentage des étudiants inscrits dans des établissements francophones hors Québec sont des étudiants internationaux?
Nous avions fait une étude avant la pandémie. Depuis que les mesures sanitaires ont été levées, nous savons qu'il y a quand même eu une certaine croissance.
Avant la pandémie, nous estimions qu'il y avait environ 5 000 étudiants dans notre réseau d'établissements, tous niveaux confondus. Il ne s'agit pas de 5 000 nouveaux étudiants dans notre réseau chaque année, mais de 5 000 étudiants qui y poursuivaient des études. À l'heure actuelle, nous présumons que le nombre varie de 6 000 à 7 000.
Nous savons qu'en septembre 2022, environ 5 000 permis d'études ont été délivrés concernant des établissements de la francophonie canadienne sur à peu près 500 000 permis d'études délivrés au Canada. Cela représente environ de 1 à 2 % des permis d'études qui sont délivrés.
Il y a une certaine imprécision, car il faut tenir compte du fait que ce n'est pas parce qu'un étudiant a un permis d'études qu'il va nécessairement poursuivre des études en septembre.
D'accord.
J'aimerais revenir sur la Politique en matière d'immigration francophone qui a été annoncée par le ministre Miller, le 22 janvier dernier.
Si cette politique reste telle qu'elle a été annoncée, croyez-vous qu'il y aura des conséquences négatives sur les universités et les collèges francophones, comme la réduction des activités?
Est-il possible que cela mette en péril la survie même des établissements?
Lorsque les provinces auront déterminé la façon dont seront distribués les permis d'études et que les chiffres auront été confirmés, nous pouvons avancer que la mise en place de la Politique pourrait se traduire par une baisse importante du nombre d'étudiants internationaux.
Il s'agit d'une perte de revenus importante pour tous nos établissements, principalement ceux situés dans les provinces où le plafond établi entraînera des conséquences particulières. Je pense ici à l'Ontario, au Nouveau‑Brunswick, à la Nouvelle‑Écosse et à la Colombie‑Britannique. Ce sont les provinces qui ont été mentionnées par le ministre Miller lors de son annonce.
Toutefois, rien ne garantit que, dans les provinces où le nombre de permis d'études n'a pas atteint le plafond établi, celles-ci vont continuer de délivrer aux établissements francophones un nombre de permis d'études équivalent au nombre de permis qui leur est attribué en ce moment.
Tant que nous ne savons pas ce que les provinces prévoient faire concernant l'allocation de permis d'études, même dans les provinces où le plafond laisse une certaine marge de manœuvre, nous ne savons pas ce que cela peut vouloir dire sur le plan des revenus pour les établissements.
C'est pour cette raison que nous disons que tous nos établissements risquent de subir des pertes de revenus à très court terme.
Plus tôt, vous avez dit que ces nouvelles concernant les mesures prises par le Canada à l'égard des étudiants internationaux circulaient très rapidement à l'étranger.
Avez-vous entendu dire, au sein de votre organisme ou des établissements avec lesquels vous travaillez, qu'il y avait déjà des gens à l'étranger qui, après avoir pris connaissance de ces nouvelles, ont remis en question leur plan de venir étudier au Canada ou de faire une demande de permis d'études?
C'est très anecdotique, mais nous avons entendu dire, hier, que des gens changeaient leur plan de venir étudier dans un établissement de la francophonie canadienne et qu'ils allaient plutôt déposer une demande de permis d'études au Québec, parce qu'ils sentaient qu'ils avaient plus de chances d'obtenir un permis.
L'annonce a été faite il y a à peine une semaine, mais le message circule déjà dans les réseaux internationaux. Il ne faut jamais sous-estimer la vitesse à laquelle cela circule. Je vais vous donner un exemple.
Quand le gouvernement du Québec a annoncé une réduction des frais de scolarité pour les étudiants internationaux qui allaient étudier en région dans des disciplines particulières, en 48 heures, des recruteurs de nos établissements sur le terrain, en Afrique, se faisaient demander: « Pourquoi irais-je étudier à Moncton si je peux avoir une bourse pour aller étudier au Québec? » Nous présumons donc que les nouvelles qui ont été annoncées la semaine dernière circulent déjà.
De plus, si quelqu'un a déposé une demande de permis d'étude le 23, le 24 ou le 25 janvier, sa demande ne sera pas traitée, parce qu'elle n'est pas accompagnée d'une lettre d'attestation de la province. Aucune des provinces n'a pu, en quelques jours, mettre sur pied le nouveau système qu'IRCC leur demande de créer.
C'est pourquoi nous vous disons qu'il y a, pour ainsi dire, un moratoire sur le traitement des permis d'études en ce moment. Nos partenaires d'Universités Canada et de Collèges et instituts Canada ont d'ailleurs envoyé une lettre au ministre Miller, cette semaine, pour dénoncer cet état de moratoire et lui demander de permettre le traitement continu des permis d'études.
Merci.
On parle ici du déclin du français et des façons d'assurer sa survie dans nos communautés à l'extérieur du Québec.
En tant que représentant de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, croyez-vous que ces mesures nuiront non seulement aux établissements, mais aussi à notre capacité de résoudre la pénurie de main‑d'œuvre dans nos communautés?
Croyez-vous que la question est plus large que ce dont nous discutons aujourd'hui, et que la Politique pourrait nuire à la survie du français à l'extérieur du Québec?
Merci beaucoup, monsieur Normand, de votre témoignage.
Pensez-vous que le gouvernement a improvisé cette annonce?
Évidemment, je n'étais pas dans les bureaux d'IRCC ou dans celui du ministre Miller lors des discussions. Je ne peux donc pas déterminer si c'était improvisé. Ce que nous savons, par contre, c'est qu'on annonçait une révision des politiques et des mesures relatives au Programme des étudiants étrangers depuis l'été dernier.
Avec nos partenaires du secteur de l'enseignement postsecondaire, nous participons activement à plusieurs consultations menées par IRCC sur différentes mesures. L'objectif est d'améliorer l'intégrité du Programme des étudiants étrangers et de maintenir la réputation du Canada en tant que destination de choix.
C'est pour cela que, dans les derniers mois, il y a eu des mesures prises, comme la mise en place d'un nouveau système de vérification des lettres d'admission produites par les établissements d'enseignement postsecondaire et l'élaboration d'un cadre relatif aux établissements de confiance pour accélérer le traitement des permis d'études là où les établissements sont considérés comme étant de bons acteurs. Récemment, on a augmenté le seuil du revenu vital minimal pour les personnes désireuses d'entrer au Canada et d'étudier dans un établissement au pays.
Beaucoup de choses se tramaient déjà, et, en ce moment, des mesures sont en cours d'élaboration et d'autres font l'objet d'un déploiement. Nous n'avons cependant pas pu mesurer les effets de ces mesures. Nous entendions parler de l'établissement d'un plafond éventuel, mais nous ne savions pas ce que cela pouvait représenter ni l'ampleur qu'il pouvait atteindre. Si le plafond avait été établi pour septembre 2023, la situation aurait été différente, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un plafond et d'une réduction de 35 %.
Je vous avoue que nous n'avions ni entendu ni prévu cela avant l'annonce de lundi dernier.
Il semble que cela a causé un peu de désordre et de chaos dans les établissements, qui s'inquiètent de ce qui se passe et qui se demandent ce qu'ils vont faire.
Vous avez parlé d'un financement de 90 millions de dollars. Ai-je bien compris? Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?
Qu'est-ce que le gouvernement fédéral accorde aux établissements en ce moment?
J'ai fait allusion à une promesse qui figurait dans la plateforme du Parti libéral en 2021 selon laquelle il y aurait un fonds d'appui permanent de 80 millions de dollars par année pour le secteur de l'enseignement postsecondaire. On s'attendait à ce que cette promesse se concrétise dans le budget de 2022, mais cela ne s'est pas fait. On s'attendait à ce que cela se retrouve dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023‑2028. Il y a bien un fonds d'appui de 121 millions de dollars sur quatre ans dans ce plan d'action, mais cela donne à peu près 30 millions de dollars par année pendant quatre ans. On est donc à 30 millions de dollars plutôt qu'à 80 millions de dollars, et c'est temporaire plutôt que permanent.
Il y a aussi d'autres enveloppes visant à appuyer l'enseignement postsecondaire qui transitent par Patrimoine canadien, comme celle relative à un programme d'appui aux langues officielles dans l'enseignement, ou encore celles visant à appuyer les infrastructures éducatives ou d'autres projets annoncés. Toutefois, pour ce qui est d'un fonds d'appui permanent, ce n'est pas à la hauteur de ce qui avait été promis.
Pouvez-vous parler un peu du problème de l'inflation que connaissent les établissements d'enseignement postsecondaire?
Je pense que l'inflation se vit partout. Elle touche autant nos portefeuilles que ceux des établissements d'enseignement postsecondaire. En planifiant leur budget d'année en année, ces derniers doivent tenir compte de cette inflation. Il faut dire qu'elle a été importante dans les dernières années, mais elle se stabilise.
Cependant, en même temps que l'inflation a augmenté, certaines provinces ont, par exemple, gelé les frais de scolarité dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Il y a donc parfois des mesures qui viennent freiner la capacité des établissements à générer de nouveaux revenus pour composer avec l'inflation.
La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, ou FCFA, a proposé d'augmenter le pourcentage d'immigration francophone.
Si j'ai bien compris, vous avez dit que, présentement, à peu près 2 % des étudiants de vos établissements sont des étudiants étrangers.
Est-ce bien cela?
Je vais vous corriger là-dessus. En fait, 2 % du total des permis d'études attribués au Canada sont attribués à des établissements francophones. Parmi les 500 000 étudiants étrangers au Canada, il y en a 5 000 dans notre réseau d'établissements, ce qui représente 1 à 2 % de toute la clientèle. En moyenne, environ 14 % de la clientèle de nos établissements sont des étudiants étrangers.
Excusez-moi, monsieur Normand.
C'est une excellente question, mais nous devrons y revenir plus tard, parce que le temps de parole est écoulé.
M. Dalton commençait à parler de chiffres et, justement, j'aime les chiffres.
Monsieur Normand, vous avez dit que, avant la pandémie, il y avait à peu près 5 000 étudiants étrangers dans les collèges et les universités que vous représentez.
Est-ce exact?
Oui, c'est exact.
En 2018‑2019, selon les derniers chiffres que nous avons, il y en avait environ 5 000 dans nos 22 établissements.
D'accord.
Nous comprenons pourquoi le ministre a réagi dans les dernières semaines. Juste en Ontario, en 2019, il y avait à peu près 62 000 permis d'études pour tout le système collégial et, en 2022, ce nombre s'élevait à environ 142 000. C'est plus du double; c'est presque le triple.
Vos membres constatent-ils la même augmentation? Avez-vous encore à peu près 5 000 étudiants étrangers? Ce nombre a-t-il augmenté pour atteindre de 6 000 à 7 000 étudiants, voire davantage?
Ce n'est pas la même trajectoire. Je peux vous le garantir.
Il y avait 5 000 permis d'études avant la pandémie. En septembre 2022, il y a eu 5 000 nouveaux permis d'études pour notre réseau d'établissements. Il n'est cependant pas possible de confirmer que les 5 000 étudiants étrangers se sont retrouvés dans nos collèges ou universités. C'est une donnée qu'il faudrait vérifier auprès des établissements.
C'est pour cette raison que nous reconnaissons qu'il y a eu une croissance du nombre d'étudiants étrangers dans notre réseau d'établissements dans les dernières années, mais les chiffres ne passent pas du simple au double en deux ans.
Depuis l'annonce du ministre, avez-vous eu des discussions avec l'Ontario, par exemple, pour que nos collèges et nos universités soient protégés dans le cadre de cette mesure?
Comme je le disais plus tôt, l'ACUFC n'entretient pas de relations avec les provinces, mais nos établissements ont été en contact direct avec les autorités provinciales de l'Ontario dans les derniers jours pour leur faire part de leurs inquiétudes et pour leur transmettre le message que nous vous transmettons aujourd'hui. Les francophones devraient faire partie d'une cohorte prioritaire, et il faudrait qu'ils soient exclus relativement au plafond établi.
Cela faciliterait la tâche de certaines provinces en enlevant quelques établissements de l'équation, ce qui permettrait aux autres établissements de distribuer plus de permis d'études.
On sait que le problème ne vient pas des universités et des collèges publics, mais plutôt des universités et collèges privés. Radio‑Canada et CBC ont d'ailleurs fait plusieurs reportages sur ces établissements qui, malheureusement, promettent des certifications qui ne sont parfois même pas acceptées sur le marché du travail. Cela a des conséquences.
Avez-vous connaissance de cela? Formulez-vous un peu plus de revendications pour vous assurer que les gouvernements réglementent ce genre d'établissements?
Même si nous tenons une conversation aujourd'hui au sujet de ce problème, dont vous êtes un peu victime — j'ose le croire pour le moment —, je sais que nous allons connaître du succès. J'ai très bon espoir que les francophones vont réussir à être protégés dans cette affaire. Cette réalité est portée à votre attention, et nous sommes obligés d'en tenir compte.
Discutez-vous avec les collèges qui sont membres de votre association des revendications qu'ils peuvent formuler pour que l'on améliore la réglementation et, par conséquent, la situation?
Nous avons été moins actifs sur ce front. Nos collèges en ont déjà parlé avec leur gouvernement provincial. Ils savent que certains joueurs nuisent à la réputation internationale des collèges.
Si nous l'avons moins fait — car nous choisissons nos batailles — Collèges et instituts Canada, par exemple, notre pendant pancanadien francophone et anglophone qui représente l'ensemble du secteur collégial, a beaucoup travaillé sur la question pour essayer de trouver des mesures qui permettraient d'agir relativement à ce genre d'établissements récalcitrants qui nuisent à la réputation du Canada.
Je reviens dans le vif du sujet, soit la question des étudiants étrangers. Selon vous, quel est l'apport économique de ces étudiants dans votre réseau?
Dans mon allocution, j'ai dit que certaines données nous permettent d'estimer à 300 millions de dollars, en 2018‑2019, les retombées économiques des étudiants étrangers dans nos établissements seulement. C'est une somme qui peut sembler énorme, mais, en fait, elle revient à environ 60 000 $ par étudiant étranger.
Non, cette somme englobe non seulement les frais de scolarité et de logement, mais aussi les dépenses que génère la présence des étudiants étrangers dans les établissements, dans les logements et dans les entreprises privées.
Comme on estime les retombées à 300 millions de dollars pour 2018‑2019, on peut présumer que c'est un peu plus que cela, étant donné qu'une légère croissance a été observée dans les dernières années.
Cela a une incidence importante, pas juste en matière de retombées économiques que l'on peut chiffrer, mais aussi pour ce qui est des étudiants internationaux qui occupent, dans des régions éloignées et rurales, des postes qui ne seraient pas occupés autrement. On peut donc penser que certaines petites ou moyennes entreprises, ou PME, ne pourraient pas fonctionner sans la présence des étudiants étrangers sur les campus.
Merci, monsieur Drouin.
Pouvez-vous me rappeler le montant auquel s'élèvent les retombées? Est-ce 380 millions de dollars?
Merci.
Dans le dernier recensement, on a évalué à 35,3 % la proportion des étudiants admissibles aux études qui n'ont pas du tout fréquenté d'écoles francophones. Je crois que ce chiffre doit aussi tenir compte des écoles d'immersion, dont on dit qu'elles favorisent l'assimilation. Il est certain que cela a des répercussions sur ceux qui vont poursuivre leurs études dans les collèges et les universités.
Existe-t-il une étude ou des données sur le nombre d'étudiants admissibles qui fréquentent les collèges et les universités?
Le chiffre que nous entendons souvent, celui que nous avons déjà vu circuler, c'est celui relatif au nombre de diplômés d'écoles secondaires francophones au pays — je ne tiens pas compte des écoles d'immersion — qui s'inscrivent dans des établissements d'enseignement postsecondaire francophones au Canada. Ce chiffre a diminué d'à peu près 50 %, et ce, pour toutes sortes de raisons. C'est peut-être parce que l'établissement est trop loin de la résidence des étudiants, par exemple, et que leurs études leur coûteraient plus cher.
Comme on le sait, au Canada, les étudiants francophones de niveau postsecondaire sont plus endettés que les étudiants anglophones, pour différentes raisons.
Si beaucoup de barrières s'ajoutent, il devient difficile de choisir d'étudier en français au niveau postsecondaire. C'est pour cela qu'il faut rendre les programmes plus attrayants.
Pour les écoles d'immersion, le pourcentage doit être encore plus faible. Croyez-vous que le pourcentage de 35 % tient compte des écoles d'immersion?
Selon certains tableaux de données produits par Statistique Canada, ce pourcentage tient compte des écoles d'immersion. Toutefois, le chiffre que je peux vous donner est celui concernant les établissements gérés par et pour des francophones, de la maternelle à la 12e année.
D'accord.
On sait que les universités anglophones du Québec ont bénéficié assez massivement des programmes d'appui aux langues officielles. Avant 1995, il y avait un gros déséquilibre.
Par exemple, selon certaines données, environ 38 % du financement a été accordé aux universités anglophones du Québec en 2017, y compris pour les fonds de recherche. C'est trois ou quatre fois plus que le poids démographique des anglophones. À l'extérieur du Québec, la seule étude que j'ai vue indiquait que le taux de financement pour les francophones était inférieur à leur poids démographique.
Utilisez-vous ces données-là?
Nous les utilisons toujours, en collaboration avec l'Association francophone pour le savoir, ou Acfas.
C'était une bonne question, mais votre temps de parole est écoulé, monsieur Beaulieu.
Madame Ashton, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Merci.
Je veux revenir au point que j'ai soulevé à la fin de ma dernière intervention, soit les répercussions de la Politique sur l'avenir de nos communautés hors Québec. Je connais des gens qui sont venus étudier au Canada en français et qui contribuent maintenant à nos communautés de plusieurs façons.
Je suis extrêmement préoccupée par l'application de la mesure annoncée au sujet des étudiants francophones, car je sais combien on a besoin que des gens viennent chez nous.
Quel est votre point de vue sur le sujet?
Vous avez tout à fait raison. Il y a plein d'histoires d'étudiants étrangers qui ont réussi. Ils sont arrivés au Canada comme étudiants étrangers, ils sont passés par nos établissements, ils occupent des postes importants dans les communautés à l'heure actuelle et ils sont des leaders de leur communauté francophone.
C'est pourquoi je vous dis que, s'il y a une baisse radicale du nombre d'étudiants étrangers, que ce soit lors de la rentrée en mai ou en septembre, ce seront autant de diplômés de moins qui, dans deux ou trois ans, pourraient faire une demande de résidence permanente au Canada. C'est une donnée qu'on se plaît à mentionner, mais 90 % des étudiants étrangers dans notre réseau d'établissements veulent rester au Canada. C'est une proportion importante, mais, malgré cela, si le bassin d'origine rétrécit d'une manière importante, beaucoup moins d'étudiants étrangers pourraient faire le choix de cette trajectoire vers la résidence permanente.
D'ailleurs, je rappelle que c'est un objectif de la Politique en matière d'immigration francophone. Un des indicateurs de rendement de cette politique est la croissance du nombre d'étudiants étrangers francophones au Canada à l'extérieur du Québec par rapport à l'année de référence 2023. Si le plafond annoncé était appliqué, on partirait à 30 % ou 35 % sous la mesure utilisée comme mesure de base pour évaluer les succès de cette politique.
Pouvez-vous répéter la demande de l'ACUFC concernant cette annonce qui a été faite le 22 janvier dernier?
Nous souhaitons que les francophones qui veulent étudier à l'extérieur du Québec soient considérés comme une cohorte prioritaire par IRCC, comme c'est le cas pour les étudiants à la maîtrise et au doctorat.
Merci beaucoup, monsieur Normand.
Il reste assez de temps pour deux autres questions de quatre minutes.
Monsieur Godin, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Normand, mon collègue M. Drouin a parlé de la courbe exponentielle que suit le nombre d'immigrants qui viennent étudier au Canada. Celui-ci a explosé. Quel effet cela a-t-il sur l'immigration francophone? Vous avez parlé d'une augmentation, mais pas aussi fulgurante. Peut-on dire que c'est une augmentation normale?
Je ne veux pas dire que l'autre courbe n'est pas normale, mais pouvez-vous m'expliquer cela et me donner des chiffres ou des ordres de grandeur?
Les derniers chiffres que nous avons datent d'avant la pandémie. Nous n'avons pas les chiffres exacts sur la situation actuelle, mais nous pourrions les trouver.
Au fond, cela veut dire que cette croissance à un rythme plus raisonnable du nombre d'étudiants étrangers dans nos établissements s'est effectuée en fonction d'une gestion très serrée des effectifs étudiants. Plusieurs de nos établissements sont situés en milieu rural ou éloigné. Ils ne pourraient pas, du jour au lendemain, avoir deux, trois ou quatre fois plus d'étudiants internationaux sur leur campus, parce qu'il n'y a pas de place. Il n'y a pas de logements ni de services en place pour les accueillir. Cette croissance s'est faite à un rythme qui correspond mieux à une croissance régulière des communautés et des établissements.
Cependant, on est parti de loin. Il y a une quinzaine d'années, certains établissements n'avaient pas d'étudiants internationaux du tout, et ils ont dû mettre des structures en place. Oui, les établissements ont besoin de générer des revenus autonomes, on ne se le cachera pas, mais il s'agit aussi de contribuer au développement économique et démographique des communautés en fournissant sa part d'effort pour accueillir des étudiants.
Vous m'amenez exactement où je voulais aller.
Combien d'étudiants étrangers de plus les établissements que vous représentez sont-ils capables d'accueillir? Peuvent-ils en accueillir 10 % de plus, 50 % de plus ou 200 % de plus? Il faut aussi tenir compte de l'hébergement, des services sociaux et des soins de santé, entre autres choses.
Selon les chiffres des deux dernières années, plusieurs de nos établissements considèrent être à la limite de la croissance effrénée; il pourrait y avoir une croissance lente. Pour contribuer à l'immigration francophone, il ne faut pas seulement se pencher sur le nombre d'étudiants qui entrent au pays, mais aussi sur le nombre d'étudiants qui y restent.
Nous avons des discussions avec IRCC à cet égard; il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous travaillons ensemble afin d'imaginer des mesures nous permettant de nous assurer qu'il y a un meilleur taux de transition vers la résidence permanente des étudiants étrangers qui restent au Canada. Il y a encore du travail à faire à cet égard dans notre réseau d'établissements.
Monsieur Normand, quelle est l'incidence de toutes les mesures et de tout le chambardement provoqué par IRCC en matière de développement économique dans vos régions?
On a parlé des établissements, mais je veux maintenant parler de ce qui se passe sur le plan local pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Quelles sont les répercussions de la Politique sur le développement économique de ces régions? Selon moi, ces communautés souffrent énormément présentement.
La réponse est simple. Cela se traduirait par une possible pénurie de main-d'œuvre dans les communautés.
Cela peut certainement avoir un effet sur les entreprises locales. Nous avons reçu des témoignages selon lesquels, sans l'apport d'étudiants étrangers dans certains de nos établissements situés en milieu rural ou en milieu éloigné, les PME fermeraient leurs portes, faute de main-d'œuvre. Les risques ne sont donc pas seulement limités aux établissements. Une réduction considérable du nombre d'étudiants étrangers pourrait freiner la croissance économique des communautés francophones.
Merci, monsieur Normand.
J'avais une autre question à vous poser, mais je crois que mon temps de parole est écoulé.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Normand et madame Brouillette, je vous remercie du travail que vous faites à l'échelle nationale. J'ai bien aimé vos commentaires.
Tantôt, vous avez mentionné que les établissements d'enseignement postsecondaire francophones du pays ont fait de bonnes démarches au cours des dernières années. Le pourcentage d'étudiants internationaux n'est pas très élevé, parce qu'on s'est concentré sur la main-d'œuvre de façon systématique.
Ce pourcentage est différent pour les établissements d'enseignement postsecondaire anglophones. En Ontario, 44 % du financement des établissements d'enseignement postsecondaire proviennent du gouvernement. C'est un des plus bas pourcentages au Canada. Le gouvernement provincial a gelé les fonds, et il n'a pas assumé sa part de responsabilités.
Tantôt, M. Drouin a dit que, au cours des deux ou trois dernières années, il y a eu 360 000 étudiants étrangers additionnels. Leur nombre est maintenant de 900 000. Les établissements d'enseignement postsecondaire anglophones sont ce que l'on appelle des « puppy mills » en anglais. Il y a eu de la fraude. On a entendu des histoires affreuses concernant des étudiants qui sont venus étudier dans des établissements privés de l'Ontario. Ils n'ont pas obtenu de diplôme ou, s'ils en ont reçu un, ce dernier n'était pas valide. La province n'a rien fait.
M. Miller a été clair à ce sujet depuis qu'il est ministre.
Selon vos membres, quel a été l'effet du sous-financement des établissements d'enseignement postsecondaire en Ontario? Je sais que vous ne formulez pas de revendications au nom des provinces qui veulent aller chercher encore plus d'étudiants étrangers, mais j'aimerais avoir vos observations là-dessus.
Comme vous l'avez bien dit, le financement public de l'éducation postsecondaire a été réduit. Il y a une baisse continuelle depuis 10 ou 15 ans, et ce, partout au pays. L'Ontario est la province qui finance le moins ses établissements d'enseignement postsecondaire, mais il y a quand même une baisse un peu partout au pays, ce qui a forcé les établissements à diversifier leurs sources de revenus.
Dans le cas de nos établissements francophones, il n'y a pas de mauvais acteurs, comme ceux qui ont été mentionnés plus tôt. Il n'y en a pas dans notre réseau d'établissements. Il n'en reste pas moins que nos établissements font du recrutement actif, transparent, éthique et crédible dans les bassins francophones. Souvent, ils joignent leurs forces à celles d'autres organismes de la société civile qui mènent aussi des activités de promotion à l'étranger afin de bien faire connaître la réalité qui les attend s'ils décident d'aller étudier au Canada dans un contexte francophone minoritaire.
Il y a tout un accompagnement qui se fait pour s'assurer qu'un étudiant francophone qui arrive en contexte francophone minoritaire est bien accueilli ou reçu et qu'il est au courant de ce qui l'attend. Ces démarches s'inscrivent dans une réflexion éthique et transparente avec cette clientèle. Évidemment, dans certains cas, on contribue au financement des universités, mais on contribue aussi à l'épanouissement et au développement économique des communautés qui accueillent ces établissements et ces étudiants.
Le gouvernement fédéral n'a aucune idée de qui sont les mauvais acteurs, parce que ce sont les provinces qui sont responsables de réglementer les établissements d'enseignement postsecondaire.
Plus tôt, vous avez mentionné que le Plan d'action du gouvernement fédéral ajoutait 4,1 milliards de dollars. Il a doublé le financement du plan d'action de 2015. C'est quelque chose qu'aucun autre parti ne s'est engagé à faire.
Pouvez-vous nous parler brièvement des fonds additionnels accordés par le gouvernement fédéral pour l'infrastructure et pour l'enseignement postsecondaire?
Notre gouvernement a encore un engagement à remplir, soit celui concernant le montant de 80 millions de dollars. Qu'a fait le gouvernement jusqu'à maintenant?
Les négociations avec les provinces sont en cours. Nous attendrons donc l'issue de ces négociations. Nous espérons que cela se réglera rapidement pour ne pas qu'il y ait d'écart entre les années de financement et que le financement prévu au PALO se rende aux établissements.
Merci beaucoup.
C'est ce qui met fin à cette réunion.
Monsieur Normand, merci de vous être prêté à l'exercice. Nous saluons, au passage, Mme Brouillette, qui vous accompagne.
Juste avant de terminer, je veux dire aux membres du Comité que, lundi, au cours de la première heure, nous aurons au minimum un témoin; pour la deuxième heure, ma lettre d'invitation est déjà envoyée au commissaire aux langues officielles. Prenons note du fait qu'il s'agit d'un court préavis; nous verrons donc ce qui arrivera. En fonction de la disponibilité ou non du commissaire en raison de ce si court préavis, nous aurons en deuxième heure soit une discussion sur les travaux du Comité, soit une rencontre avec le commissaire.
Merci, tout le monde.
La séance est levée.
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