LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 2 février 2022
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bonjour à tous.
Je déclare la séance ouverte.
[Traduction]
Bienvenue à la troisième séance du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Les membres peuvent y participer en personne ou au moyen de l'application Zoom. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, je signale que l'écran montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
[Traduction]
En raison de la pandémie qui sévit actuellement, et conformément aux recommandations des autorités sanitaires et de la directive émise par le Bureau de régie interne le vendredi 28 janvier, pour assurer la santé et la sécurité, tous ceux et celles qui assistent à la séance en personne doivent maintenir une distance de deux mètres et porter un masque non médical lors de leurs déplacements dans la pièce. Il est fortement recommandé d'en porter un en tout temps, y compris en position assise, et maintenir une hygiène adéquate des mains en utilisant le désinfectant prévu à cette fin dans la pièce.
[Français]
En tant que président, j'appliquerai ces mesures pendant toute la durée de la réunion, et je remercie à l'avance les membres de leur coopération.
Pour ceux qui participent virtuellement, je voudrais énoncer quelques règles à suivre.
Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont disponibles pour cette réunion. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Si l'interprétation est perdue, veuillez m'en informer immédiatement, et nous veillerons à ce que l'interprétation soit correctement rétablie avant de reprendre les travaux.
Les députés qui participent en personne à la réunion peuvent procéder comme ils le feraient habituellement lorsque l'ensemble du Comité se réunit en personne dans une salle de réunion.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous la donne en vous nommant. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer le son de votre micro. Le micro des gens qui sont dans la salle sera contrôlé, comme toujours, par l'agent chargé des procédures et de la vérification.
Nous vous rappelons que tous les commentaires des membres doivent être adressés à la présidence.
Lorsque vous parlez, veuillez parler lentement et clairement; lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en mode sourdine.
En ce qui concerne la liste des intervenants, la greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre de parole équitable pour tous les députés, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
[Traduction]
Si des problèmes techniques surviennent, veuillez m'en aviser. Sachez que nous pourrions devoir suspendre la séance, puisque nous devons nous assurer que tous les membres peuvent y participer pleinement.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)f) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, le Comité entreprend son étude des mesures gouvernementales pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Tout d'abord, se joint à nous aujourd'hui par vidéoconférence Me Guillaume Rousseau, professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, qui comparaît à titre personnel.
Nous accueillons également M. Marc Termote, professeur associé au département de démographie de l'Université de Montréal, qui comparaît à titre personnel.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Je crois que c'est la première fois en six ans que nous vous rencontrons au Comité permanent des langues officielles.
Finalement, nous recevons aussi le président de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law, Me Daniel Boivin, que nous avons déjà reçu par le passé à notre comité.
Un maximum de cinq minutes vous sera accordé pour chacune de vos présentations, après quoi nous procéderons à une série de questions. J'appellerai chacun des membres du Comité à vous poser des questions.
Lorsqu'il restera environ une minute à vos interventions, je vous en aviserai le plus poliment possible, en essayant de ne pas vous interrompre.
Je souhaite donc la bienvenue aux témoins.
Monsieur Termote, vous avez la parole pour cinq minutes.
Je voudrais tout d'abord remercier les membres du Comité de m'avoir invité. C'est vraiment un grand honneur pour moi, mais c'est aussi un risque que vous prenez, parce qu'inviter un démographe est toujours dangereux. Il arrive toujours avec des mauvaises nouvelles et essaie de vous assommer avec des chiffres.
Je vais aborder tout de suite le nœud du problème. Effectivement, il est difficilement contestable qu'il y a un déclin du français au Québec. Il faut cependant distinguer deux aspects: l'utilisation des langues dans l'espace privé et l'utilisation des langues dans l'espace public. Comme démographes, nous privilégions l'étude de l'utilisation des langues dans l'espace privé, parce que la langue parlée à la maison devient la langue des enfants. Dans une perspective de long terme, c'est crucial.
Ensuite, la deuxième distinction qu'il est important de faire est la différence entre Montréal et le reste du Québec. La région métropolitaine de Montréal représente la moitié de la population québécoise. En ne prenant que l'ensemble du Québec, comme trop souvent on le fait, on noie le poisson, parce que les chiffres de l'ensemble du Québec ne représentent ni ce qui se passe à Montréal ni ce qui se passe en dehors de Montréal, où il n'y a quasiment pas de problème de déclin du français. C'est à Montréal que se trouve le problème, mais c'est la moitié de la population québécoise. Je vais donc rapidement vous citer deux ou trois chiffres.
Depuis 1971, à chaque recensement, le poids démographique des Québécois dont le français est la langue d'usage à la maison a baissé. Il est rendu aujourd'hui à 53 %. Le même déclin s'observe également en dehors de l'île de Montréal, mais dans le reste de la région métropolitaine. Depuis 1971, ce pourcentage décline tout le temps, mais, depuis 2001, il y a un revirement. En effet, ce sont maintenant toutes les sous-régions du Québec qui connaissent un déclin du français comme langue d'usage à la maison. Les dernières prévisions démographiques sur le plan linguistique ont été faites par Statistique Canada en 2017, et elles sont basées sur le recensement de 2011. Ces prévisions confirment ce déclin, et même une accélération de celui-ci, aussi bien sur l'île de Montréal qu'en dehors de l'île de Montréal, dans le reste de la région métropolitaine et du Québec. C'est vraiment un phénomène qui se généralise.
Pour ce qui est de l'espace public, le grand problème, c'est qu'il n'y a plus que deux langues, par définition. Il n'y a plus que les anglophones et les francophones, ce qui pose de sérieux problèmes d'interprétation. Le deuxième problème, en ce qui a trait à l'espace public, c'est qu'il y a tellement de mesures possibles et de variables qu'on peut toujours trouver quelque chose. Le gros problème, c'est que l'indicateur qu'on prend le plus souvent, à savoir la langue de travail, est très difficilement interprétable, d'abord parce que tout le monde ne travaille pas. On ne peut donc pas transposer ce qui se passe au travail à l'utilisation des langues dans l'ensemble de l'espace public.
Qui plus est, la langue de travail, on ne la choisit souvent pas. En tant que démographe, ma langue de travail a souvent été l'anglais ou l'italien. Alors, lorsqu'on interprète les données sur la langue de travail, il faut être très prudent. Quoi qu'il en soit, tous les recensements et les enquêtes faites depuis 2001 montrent un déclin de l'utilisation du français au travail.
D'accord.
La deuxième partie de ma présentation portera sur l'efficacité des politiques. À ce sujet, la nouvelle n'est pas très bonne non plus. On peut démontrer qu'il n'y a que deux facteurs qui dominent l'évolution des groupes linguistiques: l'immigration internationale et la fécondité. Pour ce qui est de la fécondité, on ne peut pas intervenir. Quant à l'immigration internationale, Statistique Canada a publié, il y a un an, une étude qui montre que la composition de l'immigration et la francisation des immigrants n'ont quasiment aucun effet sur le déclin du français. Cela le ralentit très légèrement, mais cela ne renverse pas la tendance, loin de là.
Je m'arrêterai ici afin de respecter les cinq minutes qui m'ont été allouées.
Merci, monsieur Termote. Vous avez respecté votre temps de parole.
Si vous avez autre chose à ajouter ou d'autres informations à nous faire parvenir, vous pouvez le faire en répondant aux questions. Cela dit, nous allons faire le tour de tous les invités avant de passer aux tours de questions.
Pour les cinq prochaines minutes, je cède la parole à notre invité Me Rousseau.
Bonjour à toutes et à tous.
Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler de certains de mes travaux de recherche en droit linguistique.
Je vais essentiellement puiser dans mon dernier bouquin — voilà une minute publicitaire —, Restaurer le français langue officielle. Il s'agit d'un livre que j'ai corédigé avec Me François Côté. L'ancien juge à la Cour d'appel, Jean‑Louis Baudoin, nous a fait l'honneur de rédiger notre préface.
Le premier chapitre de ce bouquin consiste essentiellement en une revue de la littérature scientifique de partout dans le monde sur les deux grandes approches en droit linguistique. C'est de la théorie, mais elle a son importance. Vers la fin de mon exposé, je vais atterrir sur du terrain concret.
Ce que nous apprend la littérature scientifique, c'est qu'il existe deux grands modèles en matière de politique linguistique: celui fondé sur la personnalité et celui fondé sur la territorialité. Selon le premier modèle, il peut y avoir dans un État plusieurs langues officielles, mais chaque citoyen choisit celle qu'il souhaite utiliser dans ses interactions avec l'État. Selon le deuxième modèle, l'État met en avant sur son territoire une seule langue officielle, généralement la langue de la majorité de la population dans ce territoire.
Même si nous nous en doutions et que c'était notre hypothèse, nous avons découvert dans notre revue de la littérature que, selon pratiquement tous les spécialistes des politiques linguistiques de partout au monde, seule une approche fondée sur la territorialité peut assurer la survie et l'épanouissement d'une langue minoritaire. Ce constat est encore plus saisissant que ce que nous avions estimé. Je vous cite quelques-uns de ces spécialistes.
Philippe van Parijs nous dit que « Pour protéger les langues vulnérables, il y a, dans un contexte de forte mobilité, au mieux une stratégie efficace, l’application ferme du principe de la territorialité linguistique ».
Jean Laponce, un des grands spécialistes des politiques linguistiques, nous dit un peu la même chose, soit que, parmi ces approches, « [l]a seule qui ait des chances d'être efficace à long terme consiste à concentrer la langue en danger dans l'espace géographique ».
Plus près de chez nous, le professeur José Woehrling, de l'Université de Montréal, nous dit que « [l]a solution territoriale est celle qui assure le mieux la stabilité et la sécurité des communautés linguistiques » et que le principe de personnalité permet « à la langue la plus forte de se développer au détriment de celle qui est plus vulnérable ». Il nous explique la raison pour laquelle l'approche fondée sur la personnalité ne fonctionne pas. Il nous dit que cette approche permet à la langue la plus forte de se développer au détriment de celle qui est vulnérable. L'approche fondée sur la personnalité peut avoir l'air généreuse — parmi plusieurs langues, l'individu choisit laquelle utiliser —, mais, dans les faits, c'est la langue la plus forte qui va s'imposer.
Il explique ensuite:
Le principe de territorialité peut donc être une façon de protéger la langue d’un groupe minoritaire au niveau national, mais, constituant la majorité dans une entité régionale ou fédérée [un peu comme le français au Canada, qui est majoritaire au Québec], en lui permettant d’assurer à sa langue le statut de seule langue officielle à l’intérieur de celle-ci. Pour une minorité suffisamment nombreuse et dont l’implantation est concentrée sur un territoire où elle constitue la majorité, le principe de territorialité représente la solution la plus avantageuse.
Déjà, on évoquait le Québec et le Canada, mais, concrètement, Philippe van Parijs nous dit que c'est précisément la prise de conscience de la progression constante de l'anglais à Montréal qui a modifié l'exigence d'un régime de territorialité linguistique. Il fait référence à la Charte de la langue française.
Linda Cardinal, que vous connaissez sans doute, une des grandes spécialistes des politiques linguistiques dans le monde, en particulier, au Canada, nous dit que, avec la Charte de la langue française, « l’État québécois privilégie une politique basée sur le principe de territorialité afin de renforcer la langue française sur son territoire ». Mme Cardinal ajoute — cela est très important et constitue le cœur de ma présentation — que « un changement de modèle au Canada devrait servir à reconnaître davantage la nécessaire territorialisation du français afin de garantir sa pérennité. » De plus, selon elle, « le Québec ne doit pas hésiter à poursuivre dans cette même voie et promouvoir davantage le français dans tous les secteurs. »
D'accord.
En résumé, la littérature scientifique est pratiquement unanime: il faut une approche territoriale. Le gouvernement fédéral devrait concentrer ses efforts de promotion du français au Québec, mais également dans les autres régions francophones, situées essentiellement autour du Québec, soit dans le Nord du Nouveau‑Brunswick et dans l'Est de l'Ontario. Cela ne contredit pas l'approche territoriale pour le Québec et les régions francophones, limitrophes au Québec.
Concrètement, l'État fédéral devrait en faire moins pour l'anglais au Québec et davantage pour le français. Il faudrait soutenir l'application de la loi 101 dans les entreprises privées et de compétence fédérale, offrir des subventions aux groupes de promotion du français au Québec, et pas seulement de l'anglais, et implanter davantage de mesures pour garantir le droit de travailler en français aux fonctionnaires fédéraux au Québec et dans les zones limitrophes.
Merci beaucoup, monsieur Rousseau.
Vous aurez davantage de temps au fil des questions pour en dire plus.
Je cède la parole à Me Boivin.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de votre engagement à la promotion des langues officielles au pays. Je vous remercie de me recevoir dans le cadre de votre évaluation des mesures qui pourraient être prises pour protéger le français.
Au cours des brèves minutes qui me sont offertes en début de séance, j'aimerais parler de deux initiatives qui ont une importance particulière pour la promotion de l'accès à la justice en français, le sujet pour lequel vous me recevez aujourd'hui.
J'aborderai tout d'abord la très importante réforme de la Loi sur les langues officielles et des aspects de la justice qui s'y retrouvent.
Je parlerai ensuite brièvement de l'importance capitale pour le réseau des juristes d'expression française hors Québec du Plan d'action pour les langues officielles.
Je vais parler tout d'abord de la réforme de la Loi sur les langues officielles.
J'ai le plaisir d'œuvrer dans la francophonie hors Québec depuis plus de 30 ans, et j'ai rarement vu une mobilisation plus complète de la communauté d'un océan à l'autre, d'un secteur à l'autre, pour le projet de réforme de la Loi sur les langues officielles.
La FCFA, soit la Fédération des communautés francophones et acadienne, agit généralement comme porte-parole de la communauté francophone. Vous la connaissez bien. Son message sera communiqué de différentes façons et à plusieurs reprises jusqu'à ce que la réforme soit adoptée, mais il est important de mentionner que tous les secteurs d'activité de la francophonie ont mis la main à la pâte et ont de grandes attentes envers le projet de loi qui sera déposé sous peu.
La communauté juridique est très heureuse de certaines protections qui étaient dans le projet de loi antérieur, à savoir le retrait de l'exception de la Cour suprême, à l'article 16 de la Loi sur les langues officielles et donc le droit d'être entendu en français à la Cour suprême, et la reconnaissance du besoin de protéger le programme de contestation judiciaire. Ce sont deux aspects que l'on espère revoir dans le prochain projet de loi. Cela dit, il manquait certains aspects au projet de loi antérieur. J'aimerais en porter trois à votre attention aujourd'hui.
Premièrement, il faudrait une meilleure définition de l'obligation comprise à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. L'accès à la justice est un domaine qui est partagé entre le gouvernement fédéral et les provinces. L'usage de la partie VII dans la promotion du français dans l'accès à la justice est donc d'une importance particulière.
Deuxièmement, il y a la question de l'évaluation des compétences linguistiques des candidats à la magistrature. Il s'agit d'un refrain que plusieurs m'ont déjà entendu chanter, c'est un refrain qui est bien familier à la FAJEF, soit la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law. La disponibilité de juges réellement bilingues est essentielle à l'essor de la justice en français à l'extérieur du Québec.
Troisièmement, dans la réforme, il est nécessaire de garantir l'accès à la justice en français dans le domaine de la faillite. Après les chantiers du droit criminel et celui du droit de la famille, avec les modifications récentes à la Loi sur le divorce, le droit de la faillite et tout le domaine de la faillite est le prochain sujet où l'accès des justiciables à une justice en français partout au pays est nécessaire.
Je passe maintenant à l'aspect du soutien des communautés dans le Plan d'action pour les langues officielles. Il faut absolument s'assurer de renouveler le plan d'action qui est actuellement en place, pour la période de 2018 à 2023.
La protection de l'accès à la justice en français se fait, bien entendu, par le biais de certains grands gestes, comme la réforme récente de la Loi sur le divorce, la réforme à la Loi sur les langues officielles, et la nomination de juges francophones dans les tribunaux et à la Cour suprême. Hormis ces grands gestes, l'accès à la justice en français se fait de façon encore plus importante par le biais de centaines voire de milliers de plus petits gestes qui passent souvent inaperçus, mais qui changent la vie des justiciables francophones. Ces petits gestes, ce sont mes collègues juristes qui travaillent dans toutes les communautés qui les posent. C'est le travail des associations provinciales de juristes qui travaillent avec les gens de leur communauté et qui répondent à des préoccupations qui sont bien locales et bien particulières.
L'identification de ces petits gestes qui ont tant de signification se fait en ayant une permanence dans chacun des organismes communautaires. La protection de cette permanence passe par un plan de financement de base plutôt que par un financement par projets. C'est ce qui a redonné vie au réseau et qui va lui permettre de survivre. Un tel financement devrait être mis à jour rapidement après, bien entendu, la fin du présent plan d'action.
Merci, maître Boivin.
Encore une fois, vous pourrez préciser votre pensée au cours de la période de questions.
Nous allons commencer le premier tour de questions. Les membres auront six minutes chacun. Je vais tenter, le plus poliment possible, de vous avertir quand il vous reste un peu moins d'une minute.
Nous allons donc céder la parole à M. Godin pendant six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je veux aussi remercier nos trois témoins de leur participation.
Ma première question s'adresse à M. Termote au sujet de l'importance de la présence du français, que vous avez divisée en deux volets, soit dans un environnement public et dans un environnement privé. J'aimerais vous entendre sur le second volet, soit l'environnement privé, à la maison, comme l'avez dit.
Je vais vous poser une question, M. Termote. Pouvez-vous nous aider, nous, comme parlementaires... Je partage votre opinion concernant le développement de la langue française, qui passe par la maison, et aussi par l'enfance, par les jeunes d'âge préscolaire, avant leur entrée à l'école primaire.
Présentement, le gouvernement est en train de déployer un programme de garderies à la grandeur du Canada. Je ne sais pas si, à ce moment-ci, il est prévu d'obliger les provinces à fournir des garderies francophones dans les régions minoritaires francophones. Est-ce que ce serait une avenue et est-ce qu'il y aurait d'autres éléments que vous pourriez nous suggérer pour que les enfants en bas âge, dès leur départ dans la vie, puissent goûter à la langue française. Je pense que quand on y goûte, on l'adopte pour la vie.
J'aime beaucoup votre question.
Ma première réaction comme démographe, c'est que je ne peux qu'être d'accord sur ce que vous venez de dire, sauf que, pour cela, il faut qu'il y ait des enfants. La grande difficulté du déclin du français, c'est la fécondité. Les francophones au Québec, tout comme dans le reste du Canada, ne font plus d'enfants. Sur l'île de Montréal, au lieu d'avoir 2,1 enfants par femme, ce qui serait la règle, simplement pour ne pas que la population décroisse. On ne parle même pas de croissance. Il faudrait donc 2,1 enfants par femme. Sur l'île de Montréal, c'est 1,2 enfant chez les francophones; c'est presque la moitié. Il y a un déficit des naissances énorme.
C'est bien de dire qu'il faut que les enfants, dès la garderie, soient élevés en français, mais, pour cela, il faut qu'il y ait des enfants. Tant qu'il y aura ce déclin, ce sera un drame pour l'avenir du français au Québec. Il y a une sous-fécondité énorme du côté des francophones. Ce n'est pas en essayant de franciser les immigrants que cela réglera le problème parce que très peu de gens changent de langue. Personnellement, je suis établi au Québec depuis 50 ans et j'ai toujours mon accent belge. On ne change pas de langue du jour au lendemain.
Par conséquent, je ne peux qu'appuyer votre idée, sauf qu'il faudrait davantage un plaidoyer pour dire que les francophones devraient comprendre qu'ils doivent faire des enfants.
Merci, monsieur Termote.
En fait, nous comprenons bien le fait que nous devons faire plus d'enfants pour propager la langue française, mais je pense que nous devons faire un pas, avant d'avoir plus d'enfants dans notre société, en tentant de franciser les jeunes du Canada.
Ma deuxième question va s'adresser à vous, monsieur Rousseau. Vous avez parlé, tout à l'heure, de deux modèles: la personnalité et le territoire.
Pourriez-vous m'expliquer cela et me rassurer sur le fait que ce modèle pourrait être appliqué au Québec?
Je vais faire apporter une précision: je parle du Québec, de la région métropolitaine, qui représente 50 % de la population, du reste du Québec et du Canada. Pourriez-vous m'expliquer comment on peut appliquer ce modèle territorial lorsqu'on est intégré à un pays bilingue, alors que le Québec est une province majoritairement francophone, mais où il y a d'autres réalités?
Comment peut-on faire la promotion et soutenir la présence du français au Québec et à l'extérieur du Québec?
Je vous remercie de la question.
Il faut faire la distinction entre la réalité et la théorie. Bien que, pour assurer l'épanouissement du français, il soit en théorie préférable d'appliquer le modèle de la territorialité linguistique, certaines réalités politiques, historiques et autres font que nous ne pouvons pas atteindre intégralement cet idéal.
Examinons quand même l'aspect théorique.
Du point de vue théorique, il s'agirait en premier lieu d'affirmer qu'il n'y a qu'une seule langue officielle au Québec, ce qui est bien le cas en vertu de la loi 101. Ensuite, il faudrait que le fédéral démontre, dans le cadre de ses actions et des services qu'il offre dans ses bureaux, que le français est la langue de travail de ses fonctionnaires sur le territoire québécois. L'État fédéral calquerait donc sa politique sur celle de l'État fédéré du Québec, dans ce cas-ci, et sur celles des autres états fédérés, dans les autres provinces.
Comme je l'évoquais tantôt, on pourrait penser qu'il y aurait moyen d'élargir cela un peu pour que le gouvernement fédéral ait des politiques favorables au français dans les zones francophones hors Québec, essentiellement celles autour du Québec.
Donc, selon le modèle territorial pur, la langue de travail pour tous les postes du gouvernement fédéral au Québec serait le français, par exemple. En réalité, je pense qu'il y aura sans doute des compromis à faire et des accommodements à mettre en place pour les Québécois d'expression anglaise.
Cela dit, le principe doit être la territorialité. Ensuite...
Monsieur Rousseau, je dois vous interrompre ici.
Notre collègue Francis Drouin a maintenant la parole pour six minutes également.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui sont parmi nous. Je tiens à saluer un autre collègue franco-ontarien, Me Boivin, à qui je souhaite la bienvenue à notre comité.
Monsieur Boivin, vous avez mentionné l'importance du Programme de contestation judiciaire, ce qui m'a fait réfléchir à quelque chose. Ma femme a eu la chance de donner naissance à notre garçon à l'hôpital Montfort. Je sais que, si cet établissement existe toujours, c'est parce que Mme Gisèle Lalonde est montée aux barricades et que des gens comme Me Ronald Caza ont eu la possibilité, grâce à ce programme, d'aller en cour pour défendre ma communauté. C'est ainsi que, quasiment 20 ans plus tard, ma femme a accouché à cet hôpital et que notre famille a pu vivre cette belle expérience en français.
Je sais que vous représentez une fédération à l'échelle nationale qui regroupe plusieurs associations. Est-ce que vos membres utilisent encore le Programme de contestation judiciaire pour défendre les communautés francophones de partout au Canada, à l'extérieur du Québec?
Absolument. Je vous remercie d'ailleurs de cette très importante question.
Le Programme de contestation judiciaire est un outil essentiel partout au pays, et ce, non seulement pour les gros organismes comme la FAJEF, mais aussi pour tous les organismes communautaires, car cela leur permet de saisir les tribunaux d'une question importante et ponctuelle. Plus les organismes sont petits, plus ils ont besoin d'avoir accès à un programme d'aide de ce type, parce qu'autrement ils n'ont pas les ressources nécessaires pour soutenir un différend devant les tribunaux. Souvent, en droit linguistique, les causes se rendent jusqu'à la Cour suprême, ce qui est extrêmement dispendieux.
Vous avez mentionné une autre chose, à propos du projet de loi. Au départ, la Loi sur les langues officielles prévoit que les juges doivent pouvoir parler français ou anglais, ou encore les deux, selon la langue choisie pour le déroulement de l'affaire. Cependant, il y a une exception pour les juges de la Cour suprême. Maintenant, le projet de loi prévoit enlever cette exception.
En 1988, je pense, au moment de la mise en œuvre de cette mesure, on a jugé qu'il fallait donner la chance à la communauté de juristes de s'adapter et d'avoir plus d'écoles de common law en français, notamment.
Croyez-vous qu'il y a maintenant assez d'avocats dans la francophonie canadienne qui pourraient être nommés juges à la Cour suprême, de sorte qu'il y ait suffisamment de juges francophones?
Je vous remercie de cette autre question très importante et très intéressante.
La communauté juridique a maintenant produit assez de juristes de renom pour oser penser avoir des nominations à tous les tribunaux, y inclus la Cour suprême du Canada.
Nous avons de nombreux juristes francophones ou francophiles qui ont une excellente connaissance du français et qui peuvent accéder au genre de débat intellectuel qui a lieu à la Cour suprême.
L'objection voulant qu'il n'y ait pas assez de francophones qualifiés pour aller dans cette direction devrait être mise aux oubliettes.
D'accord. Merci beaucoup.
Dans votre présentation, vous avez aussi fait mention de l'importance des petites associations et des petits gestes. Par ailleurs, je sais que vous insistez sur l'importance de financer adéquatement les petites associations.
Pouvez-vous nous donner des exemples de la façon dont ces associations fonctionnent avec les autorités juridiques sur le plan local?
Je peux vous donner un bon exemple. Dans plusieurs provinces, les associations de juristes provinciales, lesquelles constituent les membres de la FAJEF, apportent leur aide en fournissant leurs services à la communauté par le truchement de centres de proximité. On concentre donc dans ces centres l'aide qui peut être offerte. Les francophones peuvent ainsi aller dans ces centres et poser des petites questions juridiques. Ils peuvent obtenir des conseils de base, par exemple, ou encore demander où ils peuvent avoir accès à certains services et se faire aiguiller dans la bonne direction.
Ce sont de petits projets de ce genre implantés dans une communauté qui font que les gens ont vraiment un accès à la justice en français. C'est une chose à laquelle ils n'auraient pas accès s'ils devaient aller consulter un gros cabinet situé dans une grande ville, car de tels services ne sont pas abordables pour bien des gens de la communauté.
Merci beaucoup.
Monsieur Termote, je vais vous poser quelques questions au sujet de la démographie francophone.
Vous avez fait allusion à Montréal. Or, je vous donne l'exemple de ma région, Ottawa. Il y a 30 ans, tous les francophones se retrouvaient dans le district de Vanier, alors qu'aujourd'hui, ils sont éparpillés un peu partout. Cela a des répercussions sur les services et sur les institutions qui les servent.
Est-ce que vous avez fait des analyses sur cette question?
J'ai effectivement eu l'occasion de le faire dans le cadre d'une cause devant la cour à Montréal. J'ai pu examiner cette question à la lumière des travaux de Frédéric Lacroix, qui a voulu déterminer quelles institutions étaient disponibles dans chaque région pour les différents groupes linguistiques. Il s'avère effectivement que, dans la région d'Ottawa‑Gatineau, le problème ne se pose pas tellement, ni pour les francophones ni pour les anglophones, et c'est la même chose à Montréal, parce que...
Merci, monsieur Termote. Je suis désolé de vous interrompre, mais j'essaie d'être juste envers tout le monde. Vous aurez peut-être l'occasion d'y revenir.
Je remercie tous les témoins de leurs excellentes présentations.
Ma première question s'adresse à Guillaume Rousseau.
À mon avis, l'exemple par excellence du modèle territorial est celui de la Belgique, ou encore celui de la Suisse. Dans le territoire flamand, tous les services publics sont offerts en néerlandais, ce qui n'empêche pas les habitants d'apprendre plusieurs langues secondes. En Wallonie, à l'inverse, ces services sont offerts en français.
Je pense que la loi 101 au Québec voulait appliquer le modèle de la territorialité, tout en maintenant une exception afin de respecter les droits de la communauté anglophone du Québec, c'est-à-dire en maintenant des services en anglais pour cette communauté.
Pouvez-vous nous donner des exemples de mesures législatives découlant de ce modèle? Êtes-vous d'accord que la loi 101 s'inspirait du modèle de territorialité? Quelle est la différence, sur le plan des mesures législatives, entre ce modèle et le modèle du bilinguisme institutionnel fédéral?
Je vous remercie de la question.
Essentiellement, c'est quelque chose de beaucoup plus compliqué, mais je vais tenter de vous faire un résumé.
En effet, à l'origine, en 1977, la loi 101 était vraiment basée sur le modèle territorial. Des exceptions étaient prévues, évidemment, mais cela s'inscrivait vraiment dans une logique territoriale.
M. Termote pourra nuancer, corriger ou bonifier ce que je dis, mais, dans les années qui ont suivi, c'est-à-dire à la fin des années 1970 et au début des années 1980, des progrès ont été réalisés quant au français au Québec, sur le plan notamment de la langue de travail la plus souvent utilisée ou encore de la fréquentation des écoles de langue française. Un ensemble d'indices a vraiment démontré une progression à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Par la suite, un certain nombre de jugements de la Cour suprême sont venus amoindrir la protection accordée au français au Québec. Par conséquent, la loi 101, autrement dit le droit linguistique québécois, s'est éloignée du modèle territorial et s'est rapprochée de plus en plus du modèle fondé sur la personnalité.
À la fin des années 1980, les indices de vitalité du français se sont remis à décliner. Évidemment, tout cela dépend de plusieurs autres facteurs, notamment des politiques d'immigration, mais, de toute évidence, il semble que cela ait contribué à ces évolutions législatives.
Concrètement, ce que vise le modèle de la territorialité, c'est d'accorder une prépondérance au français au Québec, par exemple en garantissant le droit de travailler en français. Il n'y a pas d'équivalent ou de droit fondamental de travailler en anglais au Québec, mais il y a un droit fondamental de travailler en français. La règle de la prépondérance du français s'applique aussi à l'affichage, entre autres. Grâce à un ensemble de mesures, on met en avant le français, ce qui n'empêche pas d'avoir des accommodements.
Ce qui est intéressant, sur le plan juridique, c'est que le principe demeure le français, tandis que les règles permettant l'usage d'autres langues, dont l'anglais, sont des exceptions d'interprétation stricte. En revanche, la logique fédérale s'appuie plutôt sur les deux langues. Ainsi, si l'on propose des mesures pour protéger le français, elles risquent d'être considérées comme des exceptions d'interprétation stricte.
C'est pourquoi il est probablement préférable d'appliquer la loi 101 aux entreprises privées de compétence fédérale, plutôt que de créer un régime fédéral qui voudrait favoriser le français, mais qui serait toujours une exception au grand principe des deux langues officielles du droit fédéral. Dans ce contexte, un régime d'exception favorable au français serait probablement un élément d'interprétation stricte. Si l'on appliquait plutôt la loi 101, ce serait un élément d'interprétation large, puisque le principe de la loi 101 est la protection du français.
J'ai d'autres questions à vous poser sur ce même sujet.
Selon le principe de territorialité, si le français est la langue commune des services publics, les nouveaux arrivants seront alors portés à s'intégrer en français. Toutefois, si on leur laisse le choix entre l'anglais et le français, on sait qu'ils auront tendance à aller du côté de l'anglais, puisque c'est la langue majoritaire au Canada.
Au fond, l'évolution des langues depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles montre bien que le modèle fondé sur un bilinguisme individuel comme celui du fédéral, c'est‑à‑dire un modèle fondé sur des droits individuels transportables, ne fonctionne pas, parce que le taux d'assimilation des francophones hors Québec augmente sans arrêt.
Êtes-vous d'accord sur cette analyse?
Pourquoi est-il important d'appliquer la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale?
J'apporterais une nuance.
Si notre objectif est strictement d'assurer le respect des droits individuels, l'approche fondée sur la personnalité peut être intéressante. Il peut parfois y avoir des critères quant au nombre suffisant de personnes, mais en théorie, peu importe où vous êtes au Canada, vous choisissez la langue de votre choix. Pour ce qui est du respect des droits individuels, cette approche a son intérêt.
Par contre, pour ce qui est de l'effet sur l'épanouissement de la langue et sur sa survie à travers les générations, l'approche fondée sur la personnalité ne donne vraiment pas de bons résultats, parce que la langue dominante va systématiquement s'imposer.
Il faut donc déterminer si l'objectif concerne seulement les droits individuels ou s'il s'agit d'un objectif plus vaste d'épanouissement de la langue. Il faut probablement garder les deux enjeux en tête. Cela dit, traditionnellement, le droit fédéral met un peu trop l'accent sur les droits linguistiques. Son approche ne donne pas de bons résultats sur le plan sociodémographique, 54 ans après la première Loi sur les langues officielles.
Pour ce qui est de l'application de la loi 101 dans les entreprises privées de compétence fédérale, il faut comprendre que le droit linguistique québécois, c'est-à-dire la Charte de la langue française, va plus loin que le projet de loi C‑32 en matière de protection du droit de travailler en français. Ce droit est consacré non seulement comme un droit, mais comme un droit fondamental. Il faut comprendre que l'Office québécois de la langue française a l'expertise nécessaire pour aller voir les entreprises privées et les accompagner dans la francisation. Le commissaire fédéral aux langues officielles, quant à lui, est beaucoup plus spécialisé dans les institutions publiques. Dans les quelques cas où il tente de faire appliquer la loi dans des entreprises privées comme Air Canada, c'est plus ou moins un succès.
Merci beaucoup, monsieur Rousseau.
[Traduction]
C'est maintenant Mme Niki Ashton qui posera des questions.
C'est votre tour, madame Ashton.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leurs présentations. Tout ce dont ils nous ont fait part est très important, notamment les recommandations qu'ils ont présentées au gouvernement.
Je vais revenir sur la présentation de M. Termote, mais j'aimerais tout d'abord parler de mon expérience.
Je suis une francophile qui habite au Manitoba. Ma langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français, mais le grec. J'ai eu l'occasion d'apprendre le français dans un programme d'immersion. J'aurais voulu que mes deux enfants, des jumeaux de 4 ans, aient la même occasion. Depuis plus d'un an, nous essayons de les inscrire à la seule garderie francophone chez nous, mais celle-ci fait malheureusement face à une pénurie d'employés, notamment en raison de la COVID‑19. Les responsables de la garderie ont tenté d'embaucher des femmes immigrantes, mais ils se sont butés à des obstacles. Par conséquent, la liste d'attente est très longue et mes enfants ne peuvent pas vivre cette expérience en français. Pour ma part, je suis francophile, mais d'autres parents qui sont francophones vivent la même situation: en fin de compte, c'est l'anglais que nos enfants apprennent à la garderie et à l'école, et ce, malgré notre grand désir qu'ils fréquentent des établissements francophones.
Finalement, le fait qu'on ne fasse pas de l'immigration francophone une priorité pose un obstacle à l'apprentissage du français pour la prochaine génération.
Voilà l'expérience dont je voulais vous faire part. J'aimerais maintenant entendre vos conseils à ce sujet, monsieur Termote.
Croyez-vous que des mesures en immigration permettraient de mieux soutenir les communautés francophones à l'extérieur du Québec?
Je vous remercie, madame Ashton. Il s'agit d'une très bonne question. Cela me donne l'occasion de souligner un élément important.
Comme vous venez de le dire, madame Ashton, cela semble être une bataille quotidienne pour les francophones hors Québec, à l'exception de ceux d'Ottawa, bien sûr. Tous les jours, des gens se battent pour que leurs enfants puissent vivre en français. Or, cette bataille pourrait également vous permettre, à vos collègues francophones ou francophiles et à vous, de vous franciser.
Cependant, en tant que démographe, j'ai une opinion pessimiste. Il faut dire que changer de langue, récupérer une langue ou s'assimiler prend du temps. Très peu de gens changent de langue. Des estimations ont été faites à cet égard: chaque année au Québec, environ 10 000 personnes, voire quelques dizaines de milliers de personnes, changent de langue. Les francophones peuvent essayer de gagner du terrain de cette façon, mais cela prend du temps. En effet, il faut souvent une ou deux générations avant que des immigrants non francophones passent finalement au français. Pendant ce temps, d'autres phénomènes entrent en jeu, dont la sous-fécondité et le fait que la majorité des immigrants ne sont pas francophones.
Vous me demandez si l'immigration de francophones ou de francophiles à l'extérieur du Québec pourrait résoudre le problème quant à l'avenir du français dans certaines régions, par exemple au Manitoba. Cela va évidemment aider, mais cela se fera au détriment de l'immigration francophone au Québec. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux en même temps. En outre, même si l'on réussit à gagner quelques personnes de plus grâce à l'immigration de personnes francophones ou francophiles dans les communautés hors Québec, cela ne va pas permettre de renverser la tendance que l'on constate dans le reste du Canada.
Je ne suis donc pas très optimiste. Il est indispensable de se battre, je le reconnais, mais j'ai bien peur que cela ne suffise pas, parce qu'il y a une distinction à faire entre le comportement linguistique des personnes et celui des groupes linguistiques.
Je ne sais pas si cela répond à votre question. Cela dit, c'est un sujet qui m'interpelle. Je vois qu'il vous reste encore une minute, madame Ashton, alors si vous n'avez pas d'autres questions, je...
En fait, j'ai une toute petite question pour un de vos collègues. Cela dit, je vous remercie énormément de nous avoir fait part de tout cela. C'est vraiment intéressant, et je pense que c'est tout aussi intéressant pour plusieurs autres parents qui, sur le plan personnel, vivent le même drame que nous.
La prochaine question que j'aimerais poser s'adresse à M. Boivin.
En octobre dernier, le commissaire aux langues officielles a publié un rapport qui recommandait à la Cour suprême du Canada de traduire ses décisions. J'étais surprise d'apprendre que ce n'était pas déjà une pratique courante. Si l'administration de la justice ne se fait qu'en anglais, cela envoie un message selon lequel le français est une langue de deuxième ordre.
Avez-vous vu des changements depuis que le rapport du commissaire a été publié? Est-ce que la traduction des décisions de la Cour suprême du Canada s'est amorcée?
Le travail s'est amorcé, mais c'est un aspect important de la réforme à venir de la Loi sur les langues officielles.
Merci, maître Boivin.
Ce premier tour de questions a été très intéressant. Nous passons maintenant au deuxième tour de questions.
Comme nous en avons tous convenu au préalable, le temps de parole accordé aux membres du Comité sera de cinq minutes ou de deux minutes et demie, selon la formation politique. J'indiquerai au fur et à mesure aux membres le nombre de minutes dont ils disposeront.
La première personne à intervenir dans ce deuxième tour de questions est notre ami Marc Dalton.
Monsieur Dalton, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les invités de leurs excellentes présentations.
Le gouvernement libéral promet depuis plusieurs années de déposer un projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles. Enfin, il en a déposé un à la fin de la dernière session parlementaire, mais en sachant qu'il y aurait une élection. Ce projet de loi n'a donc pas été adopté. Pendant la campagne électorale, M. Trudeau a promis de déposer à nouveau un tel projet de loi au cours des 100 premiers jours de son mandat, mais nous sommes maintenant rendus à 140 jours.
Le gouvernement traîne les pieds depuis tellement d'années, et je me demande quelles sont les répercussions négatives sur les communautés francophones. Aurait-il été important de moderniser plus tôt la Loi sur les langues officielles? Je sais que ce sera toujours une bonne idée de la moderniser, et on va le faire, mais le gouvernement dit toujours qu'il le fera, puis remet cela à plus tard.
Bref, cela a-t-il eu des répercussions négatives sur les communautés francophones?
Merci.
Effectivement, il faut comprendre que l'État fédéral est un joueur important dans l'aménagement linguistique. C'est un employeur important ainsi qu'un important pourvoyeur de services publics. Lorsque l'État fédéral fait essentiellement la promotion de l'anglais au Québec, dans le cadre de services et de subventions qu'il donne à des groupes de citoyens, plutôt que de faire davantage la promotion du français, c'est sûr que cela pèse dans la balance.
Il y a plein d'autres facteurs, comme l'immigration internationale, la mobilité interprovinciale ou le taux de natalité. Cependant, il est évident que l'État fédéral est un des joueurs importants.
Après plus de 50 ans d'existence de la Loi sur les langues officielles, qui est basée sur cette logique selon laquelle le fédéral protège le français dans les autres provinces, mais protège aussi l'anglais au Québec, manifestement, on constate que cela tend à accélérer l'anglicisation de Montréal. Il est cependant difficile de déterminer quelle en est la cause principale. Est-ce le gouvernement fédéral qui a joué un rôle à cet égard? Le gouvernement du Québec en fait-il assez? Les municipalités et le secteur privé ont-ils également un rôle à jouer? Il est difficile de savoir exactement ce qu'il en est.
Cela dit, une chose est sûre, c'est que le fédéral tarde à prendre le virage qui consisterait à dire que le français est menacé et est en déclin partout au Canada, y compris au Québec, et surtout à Montréal. Il doit en prendre acte et en faire plus pour le français à Montréal et ailleurs au Québec. Ce retard du fédéral nuit au français, cela ne fait aucun doute.
Je ne suis pas très qualifié pour répondre à cette question. J'aimerais simplement souligner, comme vous l'avez déjà fait, que le temps joue. On oublie parfois l'importance du temps, mais, en démographie, on est obligé de prendre cet élément en considération.
Votre question me permet d'illustrer les faits suivants concernant l'avenir du français au Québec. Ce qui s'est passé il y a quelques années ou quelques décennies a des répercussions aujourd'hui. On oublie toujours cela. Je vais vous en donner le plus bel exemple. Ce que je vais dire est très cynique, mais, si les francophones ne sont pas plus minoritaires aujourd'hui à Montréal, c'est grâce à l'exode massif des anglophones pendant les années 1960, 1970 et 1980. Sur l'île de Montréal, le français est en train de devenir une langue minoritaire. C'est déjà le cas du français en tant que langue maternelle, et c'est presque le cas aussi du français comme langue d'usage, qui est maintenant à 53 %. Si cet énorme exode n'avait pas eu lieu entre les années 1960 et 1980, il y a bien longtemps que les francophones seraient minoritaires sur l'île de Montréal.
Votre question sur les incidences du temps et du retard qu'on prend dans la mise en œuvre de certaines mesures me semble donc très importante.
J'œuvre dans la communauté depuis 1988. Or, dès les premières années où je me suis occupé d'accès à la justice, des lacunes de la Loi sur les langues officielles avaient déjà été notées.
Au fil des ans, plusieurs problèmes ont eu des répercussions...
Merci, maître Boivin.
Nous passons maintenant à la prochaine personne.
Madame Lattanzio, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les invités de nous livrer leurs témoignages. Ils nous fournissent beaucoup d'information utile.
Je vais d'abord adresser mes questions à M. Termote.
Selon ce que j'ai compris de vos propos, les données dont vous disposez sont basées sur le Recensement de 2017. Or, on sait que, dans le cas d'un recensement, on recule de cinq ans. Comme vous l'avez dit, il s'agit donc d'un portrait de la situation de 2011‑2012. Vos conclusions concernant le portrait de la situation démographique sont-elles fondées uniquement sur le recensement? C'est ma première question.
Voici ma deuxième. Comme vous le savez, les résultats d'un nouveau recensement vont être publiés très bientôt. À votre avis, les données démographiques auront-elles changé, en ce qui concerne le déclin du français au Québec et à Montréal?
Pour ce qui est de ma troisième question, j'aimerais savoir dans quels domaines la langue française est le plus fragilisée au Québec, selon vous.
Vos questions sont d'une très grande richesse. Je vais essayer d'y répondre le plus rapidement possible.
D'abord, je vais me permettre d'apporter une correction: un recensement n'est pas le portrait de la situation qui avait cours cinq ans plus tôt. Le Recensement de 2016 nous fournit un portrait du comportement linguistique, quels que soient la province ou le groupe linguistique, au moment du recensement. Ce portrait nous permet d'étudier l'évolution du comportement d'un recensement à l'autre. Par exemple, nous pouvons suivre une cohorte d'immigrants d'un recensement à l'autre. Il me semble très important de préciser cela.
En ce qui concerne la langue publique, la seule information que nous fournit le recensement concerne la langue de travail, et ce, depuis 2001 seulement. C'est effectivement une très courte période pour dégager une tendance. Or, cette tendance n'est pas très positive, au contraire.
Soulignons encore une fois que la langue de travail est un sérieux problème. L'un des indices non négligeables, c'est la première langue officielle parlée, communément appelée la PLOP. La première langue officielle parlée, vous la choisissez en fonction de vos connaissances, de votre langue maternelle et de votre langue d'usage à la maison. C'est la langue que vous choisissez quand vous quittez la maison et que vous allez dans l'espace public. Or, selon Statistique Canada, la capacité de parler cette première langue officielle parlée dans l'espace public baisse considérablement depuis 2001.
J'en arrive à répondre à votre prochaine question à propos des données sur lesquelles nous nous sommes basés pour faire des prévisions. Ces hypothèses ou prévisions se sont révélées très correctes à ce jour. Qu'il s'agisse des hypothèses de fécondité, de comportement linguistique ou d'immigration internationale, ou encore des scénarios qui les sous-tendent, ils s'avèrent tous très corrects.
Nous pouvons donc supposer que ce que nous avons prévu pour 2021 va être essentiellement confirmé par le Recensement de 2021. C'est d'ailleurs ce qui se produit pour toutes les prévisions depuis que nous en faisons. Pour ma part, j'en fais depuis 40 ans environ. Nous avons toujours prévu correctement les tendances, mais il est parfois arrivé qu'elles aient évolué plus rapidement ou plus lentement que nous l'avions pensé. En réalité, les tendances ont toujours été respectées. Je serais donc très étonné que le Recensement de 2021, dont nous aurons bientôt les résultats, n'ait pas suivi la même logique.
Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions.
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais poser une toute dernière question.
Monsieur Termote, selon vous, dans quelles sphères la langue française est-elle plus fragilisée, outre la langue de travail?
Il s'agit manifestement de la langue d'usage dans les activités culturelles.
Une enquête a été menée par l'Office québécois de la langue française il y a quelques années. Il n'y a pas que les recensements, on oublie les enquêtes. Pour la langue d'usage dans l'espace public, il faut se rabattre sur des enquêtes.
Cette enquête sur l'activité culturelle montre manifestement que de gros problèmes existent. C'est normal. Nous pouvons parler, par exemple, de la langue d'accueil dans les commerces, qui pose des problèmes selon les enquêtes. La situation s'est beaucoup améliorée jusqu'aux alentours des années 2001, et, depuis lors, le problème s'est aggravé.
Effectivement, il existe toute une série d'autres domaines, mais nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour en discuter.
Je vous remercie, monsieur Termote.
Monsieur Beaulieu a maintenant la parole pour deux minutes et demie.
Je vous remercie, monsieur le président.
Ma première question s'adressera à M. Termote.
Monsieur Termote, il y a beaucoup d'immigration dans le reste du Canada, notamment à Toronto. Or presque cent pour cent des transferts linguistiques chez les nouveaux arrivants se font vers l'anglais, et l'anglais n'est pas menacé parce qu'il s'agit vraiment de la langue commune dans le reste du Canada, où le français est très minoritaire.
Si le Québec adoptait un modèle territorial, les transferts linguistiques pourraient se faire davantage vers le français. Bien entendu, même si l'on accueillait 50 000 immigrants par année, le nombre de transferts linguistiques s'élèverait tout au plus à 5 000, voire à 10 000, mais, à tout le moins, au fur et à mesure que les immigrants arriveraient, ils seraient largement francisés.
Un régime territorial au Québec permettrait-il de protéger le français?
Le modèle de Toronto correspond justement, selon moi, au principe de territorialité. La territorialité, ce n'est pas seulement une question de loi, comme en Belgique ou en Suisse. La territorialité, c'est aussi la loi du nombre.
Un immigrant qui s'installe à Toronto parlera anglais, car il n'a pas le choix. Un immigrant qui s'installe à Rome parlera italien, peu importe sa langue d'origine. Il n'y a pas de loi à ce sujet. Ces pays n'ont pas besoin de loi, car le principe de territorialité se base sur la loi du nombre.
Le Québec pourrait augmenter les transferts vers le français grâce à un surplus de territorialisation linguistique. Toutefois, on ne pourra pas aller très loin dans cette voie, et il faut être prudent.
Les estimations donnent un maximum de 7 000, 8 000 ou 10 000 transferts linguistiques par année au Québec, et ce, dans toutes les directions. Il ne s'agit pas seulement des immigrants qui changent de langue pour passer du français à l'anglais, mais aussi de ceux qui passent de l'anglais au français. Pour le groupe francophone, cela donne un gain net annuel de 2 000.
Grâce à de nouvelles mesures, on pourrait passer de 2 000 à 4 000, et 2 000, c'est une estimation très convergente. On peut bien doubler ce nombre, mais ce n'est rien à côté des 20 000 ou 25 000 naissances francophones qui manquent.
Monsieur Beaulieu, vous pourrez la poser au prochain tour de questions.
Je vous remercie, monsieur Termote.
Madame Ashton, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Termote, je voudrais revenir sur le point que vous avez soulevé concernant la démographie et le besoin de renforcer l'apprentissage du français à la maison. J'aimerais aussi parler du manque d'accès à des services d'éducation en français pour les petits, particulièrement à l'extérieur du Québec.
Ma question a trait aux fonds versés aux provinces par le fédéral pour les garderies. Ces fonds étaient bien nécessaires. On sait que toutes les provinces sont d'accord avec le fédéral pour recevoir des fonds, sauf l'Ontario.
Pensez-vous que le gouvernement fédéral a raté une belle occasion de promouvoir l'épanouissement du français en n'incluant pas de dispositions linguistiques dans les ententes avec les provinces sur l'offre de services de garderies?
Je n'ai pas la compétence requise pour répondre à votre question, même si j'en comprends le sens.
Évidemment, on peut toujours dire que l'on a raté la cible. Or je ne peux pas vous dire dans quelle mesure, car cela demanderait des études en fonction de chaque cas. En effet, cela diffère d'une province à l'autre.
J'aimerais revenir sur l'élément fondamental de ma présentation.
Malgré tous les efforts consentis par le gouvernement, de concert avec ses collègues francophiles des autres provinces, cela ne permettra pas de changer la tendance. Autrement dit, cela va permettre de ralentir le déclin, mais pas de renverser la tendance.
Oui, je vous remercie, madame Ashton.
J'aimerais attirer l'attention du Comité sur la récente décision de la Cour d'appel fédérale, dont vous avez peut-être pris connaissance. Il s'agit bien sûr d'un dossier un peu différent, puisqu'il s'agit du transfert fédéral de la gestion de programmes liés à l'aide à l'emploi. Cependant, la même logique pourrait être appliquée aux garderies.
Au moment de signer des ententes intergouvernementales entre le fédéral et les provinces, ces dernières pourraient inclure des obligations beaucoup plus fermes touchant la promotion du français dans les autres provinces. Cependant, il ne faut pas que le fédéral se voie obligé de faire la promotion de l'anglais ou qu'il oblige le Québec à en faire la promotion sur son territoire. L'important ici, c'est l'asymétrie du bilinguisme.
Je vous remercie, monsieur Rousseau.
Madame Gladu, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Pour commencer, j'aimerais poser une question à M. Boivin.
Monsieur Boivin, lorsque je siégeais au Comité permanent de la condition féminine, on nous a signalé des problèmes liés aux services judiciaires, notamment un manque de juristes.
Il y a deux mois, la circonscription de Sarnia—Lambton a obtenu la désignation francophone en Ontario. À l'heure actuelle, il n'y a pas de services judiciaires en français.
Quelle solution proposez-vous pour qu'il y ait des juristes francophones dans ma ville?
Voilà un bon exemple qui montre que le fait de donner du pouvoir et des ressources aux organismes communautaires permettrait de faire la liaison avec les secteurs qui ont besoin de services, comme ceux touchant les aînés, la condition féminine, la santé et l'éducation. Cela permettrait de trouver des gens susceptibles de faire le pont en venant s'établir dans votre région de façon permanente ou en mettant à profit les pratiques de plusieurs villes.
Votre communauté, madame Gladu, est située près de certaines grandes communautés francophones. Ailleurs au Canada, les communautés francophones sont très éloignées des grandes communautés francophones. Le fait de ne pas avoir la possibilité de résoudre localement les problèmes ponctuels dont vous avez parlé fait que les communautés n'ont aucun accès à la justice en français.
Je vous remercie.
Ma prochaine question s'adresse à M. Rousseau.
Monsieur Rousseau, pourriez-vous nous parler de la question de la territorialité en Ontario? Dans quelques régions, il y a des points à améliorer sur le plan du français.
Je vous remercie de la question.
Si l'on devait appliquer une logique territoriale à l'Ontario, cela aurait pour effet de nous forcer à déterminer les régions où sont concentrés les francophones. Ainsi, l'État fédéral pourrait concentrer ses efforts dans ces régions quant à la promotion du français.
Cette logique est d'une certaine façon implicite dans le projet de loi C‑32. Selon ce projet de loi, les employés ont le droit de travailler en français au Québec et dans les régions à forte présence francophone.
Pour ce qui est de l'Ontario, le gouvernement fédéral pourrait faire un effort encore plus grand sur le plan de la promotion du français, surtout dans les régions limitrophes, soit dans le nord-est et l'est de l'Ontario.
La littérature scientifique nous apprend que c'est en concentrant les efforts là où il y a beaucoup de locuteurs de la langue que l'on peut assurer son épanouissement à long terme.
Je vous remercie, monsieur Rousseau.
Ma prochaine question s'adresse à M. Termote.
Monsieur Termote, vous avez parlé des familles établies à Montréal. Que devrait-on faire pour augmenter la proportion des personnes vivant à Montréal qui utilisent le français au travail?
La question est très pertinente.
Justement, dans une société normale, une personne qui parle une certaine langue à la maison parle la même lorsqu'elle quitte la maison pour aller dans l'espace public, entre autres au travail ou dans un commerce. Dans une société normale, cela fonctionne de cette façon, sauf dans le cas de régions où il y a des frontières linguistiques, comme Montréal.
Un immigrant qui arrive à Montréal et qui parle une langue différente des deux langues officielles est obligé de choisir l'une ou l'autre de ces langues. Il n'y a plus de langue tierce dans le domaine public. Il lui faut donc choisir. Or, on ne choisit pas toujours la langue de travail. Ce sont des questions que je me pose quand on utilise la langue de travail comme indicateur.
Par ailleurs, toutes les études montrent que les personnes vont parler leur propre langue le plus souvent possible hors de la maison. On a fait beaucoup d'enquêtes à ce sujet. Au travail, on aimerait bien parler sa langue, mais on ne peut pas toujours. C'est là-dessus que l'on peut jouer. Les interventions de M. Arseneault et de Me Boivin montrent très bien qu'il est possible de le faire.
Les choses vont-elles changer? Encore une fois, je me permets d'être pessimiste là-dessus. Je crois qu'il faut jouer sur cet élément, c'est absolument indispensable, mais cela ne suffira pas. Il y a trop peu de changements de langue par rapport aux conséquences de la sous-fécondité et de l'immigration internationale.
Je vous remercie, monsieur Termote.
Je cède maintenant la parole à M. Angelo Iacono pour cinq minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins et les remercie d'être avec nous aujourd'hui.
Ma première question s'adresse au professeur Rousseau.
Monsieur Rousseau, en tant que Québécois, je suis d'accord avec vous concernant la protection et la promotion de la langue française afin d'assurer sa survie dans un espace où l'anglais est prépondérant.
Pouvez-vous cependant nous dire comment on peut maintenir un équilibre entre la protection du français et la promotion de cette langue hors du Québec?
Je vous remercie de la question.
Cela nous ramène à la question de ce que l'on appelle l'asymétrie.
Traditionnellement, le pays a adopté une approche symétrique. L'État fédéral voulait protéger la langue minoritaire française dans les autres provinces et, de manière symétrique, il agissait de manière semblable au Québec pour protéger le droit des Québécois d'expression anglaise par la promotion de l'anglais. Il y avait cette approche symétrique.
On comprend les raisons politiques qui sous-tendaient cette approche. Cela permettait un compromis entre les deux grandes communautés linguistiques du Canada, ce qui semblait vraiment logique. Toutefois, ce que l'on réalise 54 ans après la promulgation de la Loi sur les langues officielles, c'est que cette logique de symétrie joue contre le français au Québec et pour l'anglais à Montréal. Dans les autres provinces, elle favorise le français, mais de façon très minime.
L'approche symétrique aide plein d'individus et de petites communautés. Cela contribue au respect de petits droits individuels, mais, si l'on examine le portrait d'ensemble, l'effet que cela a sur le français dans les autres provinces est très limité. Or, cette approche a un effet très important sur la promotion de l'anglais et, à certains égards, sur la limitation du rayonnement du français au Québec. Il n'y a qu'une seule façon de faire, c'est de sortir de cette logique de symétrie pour adopter le principe de l'asymétrie selon lequel le fédéral ne traite pas la question de l'anglais au Québec de la même façon qu'il la traite dans les autres provinces.
Je vous remercie.
Ma prochaine question s'adresse au professeur Termote.
Monsieur Termote, en tant que démographe, quelle démarche croyez-vous utile pour équilibrer le poids démographique des francophones au Canada?
Comment peut-on garder le Québec comme territoire pour les francophones sans menacer d'extinction les francophones des autres provinces?
C'est une question très pertinente pour un démographe et je vous en remercie.
J'ai déjà insisté sur la sous-fécondité, mais je ne vois pas comment nous pourrions agir sur ce facteur. On ne va pas décider, demain, que dorénavant, uniquement les mères francophones vont avoir droit à des allocations familiales. On ne peut pas poursuivre une politique nataliste pour un seul groupe linguistique. Cela n'aurait pas de bon sens. On ne peut donc pas jouer sur la fécondité. Les seuls deux domaines sur lesquels on peut jouer, c'est sur l'immigration et sur la francisation des immigrants.
Une étude de Statistique Canada, qui est sortie il y a un an, est passée totalement sous le radar. Habituellement, les gens n'aiment pas les mauvaises nouvelles. Cette étude montre justement que vous avez beau augmenter le nombre d'immigrants francophones, jouer sur le nombre et la composition linguistique de l'immigration, cela n'a pratiquement pas d'effet. Les chercheurs ont formulé des hypothèses pour voir dans quelle mesure la tendance au déclin ralentirait si l'on francisait davantage les immigrants, et ils ont découvert que cela diminue un tout petit peu la rapidité du déclin, mais c'est tout.
Comme démographe, je suis obligé de vous dire que, malheureusement, depuis 40 ans, toutes les hypothèses aboutissent toujours au même résultat. Nous ne sommes pas pessimistes parce que nous avons envie d'avoir des résultats pessimistes. Nous établissons des hypothèses quant à la fécondité, à la mortalité, à l'immigration et au comportement linguistique. À partir de ces hypothèses, nous créons des scénarios. Jamais personne n'a remis en cause ces scénarios puisqu'ils se sont tous plus ou moins révélés corrects. On pousse sur un bouton et cela donne un résultat qui n'est pas très agréable, c'est tout.
Selon vous, quels peuvent être les moyens, autres que les lois, à privilégier pour valoriser la langue française auprès de différents groupes, mais plus particulièrement les jeunes Canadiens et les nouveaux arrivants?
En ce qui a trait aux nouveaux arrivants, on oublie que l'âge moyen d'un nouvel arrivant, au Québec, est de 32 ans. À cet âge, il est très difficile de changer de langue. Les changements de langue se font essentiellement chez les nouveaux arrivants très jeunes, qui sont âgés de 5 à 14 ans, à l'école primaire et à l'école secondaire, par exemple. Passé ce jeune âge, c'est très difficile.
Je vous remercie.
Je prie les témoins de me pardonner si je les interromps, mais je veux donner l'occasion à tous les collègues de pouvoir profiter de leur présence, de façon égale et comme il a été convenu à l'avance.
Nous sommes chanceux aujourd'hui puisque nous pouvons passer à un troisième tour de questions.
Monsieur Gourde, vous avez la parole pour cinq minutes.
D'accord, il s'agit donc du quatrième tour.
Monsieur Gourde, je remets le chronomètre à zéro.
Vous avez la parole.
Je pense qu'une collègue a dû quitter la réunion pour une entrevue. Je viens donc à sa rescousse pour la remplacer.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Leurs interventions sont vraiment très intéressantes.
Nous allons bientôt entreprendre une étude sur la version modifiée de la Loi sur les langues officielles. Est-ce qu'il y a des recommandations que les témoins aimeraient porter à notre attention, des choses primordiales qu'il faudrait surveiller quand la réforme proposée sera à l'étude?
Les témoins peuvent répondre à tour de rôle et je serai heureux d'entendre leurs commentaires.
Monsieur Rousseau, voulez-vous commencer?
Je vous remercie de la question.
Effectivement, je pense que le projet de loi C‑32 peut être une bonne base de travail. S'il pouvait être déposé à nouveau, nous pourrions alors recommander un certain nombre d'amendements.
Ce qu'il y a de bien dans le projet de loi C‑32, comme je l'évoquais plus tôt, c'est que l'on peut y voir un début de changement de paradigme, c'est-à-dire que l'État fédéral réalise qu'il ne peut pas traiter le français et l'anglais de la même manière en disant vouloir protéger l'anglais au Québec et le français dans les autres provinces. L'État fédéral doit réaliser que la langue française est en déclin, y compris au Québec, et particulièrement à Montréal, et il doit faire des efforts sur ce plan. C'est la première des choses à faire. Ce constat avait déjà été amorcé dans le Livre blanc qui a précédé le projet de loi C‑32, mais il faut aller plus loin.
Concrètement, je vois trois choses. Il y a d'abord l'application de la Charte de la langue française du Québec, communément appelée la loi 101, aux entreprises privées de compétence fédérale. Cela m'apparaît préférable à ce qui était proposé dans le projet de loi C‑32, soit une espèce de régime d'options entre la loi 101 ou un équivalent fédéral, des dispositions dans le droit fédéral qui s'inspirent un peu de la loi 101 tout en allant moins loin.
À mon avis, il est préférable d'opter pour l'application de la loi 101, car c'est l'Office québécois de la langue française qui possède le savoir-faire dans l'accompagnement des entreprises privées en matière de francisation, beaucoup plus que le commissaire aux langues officielles. Ce dernier est davantage spécialisé dans les institutions publiques. C'est une question de cohérence, de savoir-faire, car la loi 101, surtout lorsqu'elle sera modifiée par le projet de loi 96 au Québec, va plus loin que ce qui était prévu dans la législation fédérale. L'inclusion de l'application de la loi 101 dans une législation fédérale par un renvoi à cette loi serait donc une solution à privilégier. La législation fédérale peut ensuite s'inspirer de la loi 101 pour protéger le droit de travailler en français dans les régions francophones hors Québec, essentiellement celles situées autour de cette province.
Il y a donc moyen de faire les deux, mais, pour le Québec, l'application de la loi 101 me semble préférable.
Ensuite, il y a beaucoup de travail à faire concernant le droit pour les fonctionnaires fédéraux de travailler en français. Selon un sondage, près de 44 % des fonctionnaires fédéraux francophones ne sont pas à l'aise de travailler en français. Il faut absolument se doter d'une règle et ne pas mettre les deux langues sur le même pied d'égalité. Lorsque l'on fait cela, dans les faits, c'est l'anglais qui s'impose. Il faut une prépondérance du français dans les bureaux des fonctionnaires fédéraux, partout au Québec et dans certaines régions francophones. Cela n'empêchera pas d'offrir certains accommodements, certains services en anglais, mais il faut accorder la priorité au français dans la loi, car, dans les faits, c'est l'anglais qui est prioritaire. Le droit doit rétablir l'équilibre en accordant une primauté au français.
En matière de culture — nous en parlions plus tôt —, il faut aussi s'assurer que les subventions du gouvernement fédéral sont davantage dirigées vers les groupes de citoyens qui font la promotion de la culture du français au Québec, pas seulement vers les groupes qui font la promotion de la culture dans d'autres langues.
Oui, je ne peux que souscrire à ce qui vient d'être dit.
Il faut absolument renforcer dans la législation le principe de territorialité. Cependant, jusqu'où peut-on aller? De très bons exemples ont été donnés, mais, encore une fois, est-ce que cela va suffire? Ce qui va être fondamental, je parle à titre de démographe, c'est le comportement futur du facteur lié à la fécondité et, tant que nous sommes bloqués de ce côté-là, on a beau gagner quelques milliers de personnes chaque année grâce aux mesures, cela ne suffit pas.
Pour ce qui est du principe de territorialité, je pense à ce qui s'est passé en Belgique, d'où je suis originaire — vous pouvez le deviner à mon accent —, où la territorialité s'applique en Flandre et en Wallonie. Elle ne s'applique pas à Bruxelles où le choix est laissé aux immigrants. Eh bien, voici le résultat: 90 % des immigrants passent au français.
Pour terminer, je dirai que l'une des mesures que l'on pourrait peut-être prendre serait d'augmenter le pourcentage d'enfants parmi l'immigration, car c'est dès le jeune âge que tout se joue.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie aussi les trois témoins de leur témoignage.
J'aimerais poser ma première question à Me Boivin.
Tout comme mon collègue M. Drouin l'a fait précédemment, je vous remercie, monsieur Boivin, du travail que vous faites pour la francophonie.
On a répondu en partie à ma première question en ce qui concerne les juristes, leur qualification et leur nombre, mais j'aimerais aussi connaître vos recommandations.
Au gouvernement fédéral, il y a maintenant des comités de sélection qui recherchent des juristes dans le nord-est ou dans l'est de l'Ontario. Si nous considérons l'ensemble de l'Ontario, des régions comme Sarnia—Lambton, mentionnée précédemment, que recommandez-vous pour augmenter le nombre de juristes bilingues? Est-ce que les critères pourraient être établis en fonction de la population, en appliquant des quotas?
Afin de nous assurer d'accroître le nombre de juristes bilingues non seulement en Ontario, mais aussi au Manitoba, en Alberta et dans d'autres provinces, que recommandez-vous au gouvernement fédéral?
Il sera très important que le Plan d'action ou la Loi sur les langues officielles prévoient d'accorder aux communautés les pouvoirs nécessaires pour rapatrier les francophones qui vont étudier dans les grands centres dans les endroits où les francophones sont moins nombreux.
Je présume qu'en plaidant pour une approche fondée sur la territorialité, mon collègue M. Rousseau ne met pas une croix sur la possibilité de faire adopter des mesures qui encouragent les petites communautés éloignées des grands centres à rapatrier ces francophones pour qu'ils contribuent à la vitalité de leur communauté francophone. C'est important. Or, ce rapatriement des professionnels se fait lorsqu'on leur propose une communauté francophone en santé où il fait bon revenir.
Votre intervention m'a fait penser à une autre question. L'approche fondée sur la territorialité que favorise M. Rousseau me pose un problème. Je pense aux classes d'immersion dans des endroits comme le sud de l'Ontario.
Je ne veux pas vous demander si vous contredisez M. Rousseau quant à l'importance du français hors Québec, mais il me semble que l'approche qu'il favorise pourrait causer plus d'ennuis aux francophones en situation minoritaire au Canada.
Il y a peut-être parfois une contradiction entre ce que nous dit la littérature scientifique et les facteurs politiques. Cela est très clair et quasiment unanime: un État qui veut assurer l'épanouissement à long terme d'une langue vulnérable doit concentrer ses efforts dans les régions où cette langue est davantage parlée. Pour le français, ces régions sont le Québec, le nord du Nouveau‑Brunswick et l'est de l'Ontario. Voilà ce que préconise l'approche scientifique.
Il est certain que, pour des raisons politiques, d'autres moyens peuvent servir à favoriser le français dans d'autres endroits. Il faut en tenir compte et faire la distinction entre la science et les facteurs politiques pouvant entrer en jeu.
Ensuite, il faut toujours différencier deux objectifs inhérents aux politiques linguistiques. Le premier vise l'épanouissement de la langue. C'est l'approche fondée sur la territorialité qui est la meilleure façon de l'atteindre. Le deuxième est celui qui vise à respecter les droits individuels. Lorsque l'on vise cet objectif dans une communauté de l'Ouest canadien, ce n'est pas l'approche fondée sur la territorialité que nous allons encourager. Par contre, du point de vue du respect des droits linguistiques individuels, cela peut tout à fait être justifié de proposer des mesures pour les communautés francophones très isolées dans l'Ouest canadien. Il faut tenir compte des deux objectifs.
D'accord.
Monsieur Termote, avez-vous des recommandations précises en ce qui a trait à la collecte de données?
On recommande qu'elle ait lieu aux cinq ans, mais avez-vous des recommandations précises qui permettraient au gouvernement fédéral d'améliorer sa collecte de données linguistiques dans le cadre du recensement?
Le recensement canadien est exemplaire du point de vue de la collecte de données linguistiques. Il compte parmi les meilleurs du monde.
À une certaine époque, la Suisse posait la question suivante dans son recensement: dans quelle langue pensez-vous?
Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Termote.
Vous pourrez éventuellement continuer votre réponse dans le cadre d'un prochain tour de questions.
Monsieur Beaulieu, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
Je vous remercie, monsieur le président.
Plusieurs juristes au Québec ont dit que le gouvernement du Québec pourrait appliquer la loi 101 dans les entreprises de compétence fédérale. Pourtant, le projet de loi C‑32 vient préciser que les entreprises de compétence fédérale ont le choix entre la loi 101 et la Loi sur les langues officielles.
Certains ont dit que la Loi sur les langues officielles va être calquée sur la loi 101. Ce qu'on a vu dans le projet de loi C‑32, c'est que la partie concernant la Loi sur les langues officielles prévoit le droit de travailler en français, mais aussi celui de travailler en anglais. C'est toujours la logique du bilinguisme qui régit la Loi sur les langues officielles.
Premièrement, le projet de loi C‑32 va-t-il empêcher le Québec d'appliquer la loi 101?
Deuxièmement, dans la Loi sur les langues officielles, le projet de loi C‑32 est-il un calque de la loi 101?
Je vous remercie.
Sur le plan juridique, la question de l'application du droit linguistique aux entreprises privées de compétence fédérale comporte un double aspect. D'un côté, il s'agit d'une compétence fédérale et, de l'autre, il s'agit d'une compétence provinciale québécoise. Les deux peuvent s'appliquer, mais, en cas de conflit clair entre les deux droits, le principe de la prépondérance fédérale s'applique. Ainsi, s'il y a un vide sur le plan du droit fédéral, le droit québécois va pouvoir s'appliquer, mais, si le droit fédéral entre en conflit avec le droit québécois, le droit fédéral va s'appliquer.
C'est donc effectivement un peu dangereux que le fédéral légifère sur des questions régies par la loi 101, parce que le droit fédéral risque de s'appliquer de manière prépondérante. Le projet de loi C‑32 va moins loin que la loi 101. De plus, le projet de loi no 96 du Québec fait que la loi 101 va encore plus loin.
Dans le projet de loi C‑32, ce qui est intéressant, c'est que l'on s'inspire de la loi 101 pour l'extérieur du Québec, donc pour des régions à concentration francophone, qui restent à déterminer. Selon moi, ce devrait être les régions limitrophes du Québec, soit le Nord du Nouveau‑Brunswick, l'Est ontarien et le Labrador, et peut-être quelques autres.
Il faut faire les deux à la fois, c'est-à-dire que l'on doit appliquer la loi 101 dans les entreprises fédérales et, en ce qui a trait aux autres régions, le droit fédéral doit intervenir en faveur du droit de travailler en français.
Merci, maître Rousseau. Vous n'avez pas dépassé le temps de parole qui vous était accordé; vous êtes un champion.
La prochaine question provient de M. Joël Godin.
Monsieur Godin, vous disposez de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Rousseau.
Monsieur Rousseau, lors de votre présentation, vous avez cité Mme Cardinal — je n'ai noté ni son titre ni quel est son bagage.
Elle a mentionné un changement de modèle, mais elle a aussi dit que le Québec ne doit pas hésiter à poursuivre dans cette voie. À mon avis, c'est contradictoire.
Pouvez-vous expliquer cela plus en détail au Comité?
Je vous remercie de votre question.
À mon avis, ce que suggère le texte de Mme Cardinal, c'est que le modèle du Québec est fondé sur la territorialité et permet quelques accommodements. Elle dit aussi que le Québec devrait renforcer son modèle fondé sur la territorialité. Au Canada, la politique fédérale est moins fondée sur la territorialité et davantage sur la personnalité. Il faudrait que le fédéral change de modèle, en partie, afin d'être un peu plus territorial et surtout avoir une approche asymétrique. Celle-ci suppose que le fédéral ne met pas systématiquement les deux langues sur un pied d'égalité. Ce que dit le gouvernement fédéral, c'est que le français est vraiment en péril et que le fédéral doit davantage promouvoir cette langue, y compris au Québec.
C'est là que s'effectuerait le changement de paradigme par rapport à l'approche traditionnelle du fédéral qui promeut le français dans les autres provinces et l'anglais au Québec.
Je vous remercie de ces éclaircissements.
Si j'ai bien compris, le projet de loi C‑32, qui modifie la Loi sur les langues officielles, offre aux employés du Québec de travailler dans la langue de leur choix, c'est-à-dire soit en français, soit en anglais. Je rappelle que notre étude porte sur les mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
Le fait d'offrir aux employés de travailler dans la langue de leur choix est inclus dans le projet de loi C‑32 permet-il d'atteindre les objectifs de promotion et de protection du fait français au Québec?
La réponse est non.
Si l'on veut vraiment faire la promotion du français, il faut protéger beaucoup plus le droit de travailler en français et pas nécessairement le droit de travailler en anglais. La logique de la Charte de la langue française veut que les employés aient le droit fondamental de travailler en français. Cela ne veut pas dire que l'on interdit aux employés de travailler en anglais. En effet, ce sera possible dans certains cas, mais ce ne sera pas un droit fondamental.
Le projet de loi fédéral pourrait aller en ce sens: les employés auraient le droit fondamental de travailler en français, au Québec et dans d'autres régions à forte concentration francophone. À mon avis, cette approche permettrait de s'inspirer de manière plus précise de la Charte de la langue française.
Dans ce cas, dans le projet de loi sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, devrait-on lire « on doit » plutôt que « on peut »?
C'est le commentaire que je voulais faire. Monsieur Rousseau, je vous remercie de nous avoir éclairés à ce sujet.
Je vais maintenant m'adresser à M. Termote.
Monsieur Termote, vous avez affirmé que l'immigration francophone n'avait pas d'effet sur le déclin du français. Plus tôt, vous avez suggéré aux francophones de faire plus de bébés. Maintenant, vous dites aussi que l'immigration francophone n'est pas une solution qui permet de mettre un terme au déclin du français.
Que doit-on faire du côté de l'immigration francophone?
Il faut de l'immigration francophone, c'est évident. Ce que l'étude de Statistique Canada publiée l'année passée a démontré, c'est qu'on a beau augmenter le pourcentage d'immigrants francophones, cela a une faible incidence sur le déclin du français. Il a même envisagé une hypothèse où les immigrants ne pourraient entrer au Québec que s'ils étaient francophones et venaient d'un pays où la langue officielle est le français, et il a conclu que même cela ne ferait que ralentir un tout petit peu le déclin. En effet, d'autres phénomènes entrent en ligne de compte, comme la sous-fécondité.
De plus, lorsqu'on parle d'agir sur la composition de l'immigration, on oublie que le pourcentage d'immigrants au Québec est de 12 %. On essaie donc d'agir sur ce chiffre. Je comprends pourquoi on veut toujours intervenir sur ce plan, parce qu'on ne peut pas intervenir sur le taux de fécondité. On choisit donc d'intervenir sur le plan de l'immigration.
Je ne peux pas m'empêcher de dire qu'on en demande quand même beaucoup aux immigrants. On leur demande d'occuper des emplois qu'on ne veut plus occuper; on leur demande d'aller en région parce qu'on ne veut pas y aller; on leur demande de faire des enfants parce qu'on ne veut plus en faire; et on leur demande aussi de passer au français du jour au lendemain. Or, même s'ils faisaient cela, ce ne serait pas suffisant.
Merci beaucoup. J'appuie le commentaire de M. Godin, en passant.
Madame Ashton, pardonnez-moi, j'ai sauté votre tour plus tôt. Vous disposez de deux minutes et demie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Termote, ce que vous avez dit sur la question de la démographie est vraiment intéressant. Selon moi, il y a certainement des choses que le gouvernement pourrait faire pour s'attaquer à la sous-fécondité. Je viens d'avoir des enfants, mais je sais que plusieurs femmes de ma génération ne peuvent pas y penser, puisque cela coûte de plus en plus cher d'avoir des enfants. On n'a qu'à penser au coût des garderies, qui est beaucoup moins élevé au Québec qu'ailleurs au Canada, au logement ou au coût de la vie en général. Je crois qu'il est important de faire le lien entre le déclin du français et les barrières auxquelles se heurtent plusieurs femmes lorsqu'elles décident d'avoir ou non des enfants et, si oui, combien elles auront.
Ma question porte sur la notion d'urgence. Les données que vous avez présentées aujourd'hui sont non seulement intéressantes, mais préoccupantes. Quelle est l'urgence d'agir pour le gouvernement fédéral? Les autres gouvernements doivent également agir, mais nous nous intéressons ici au fédéral. Est-il urgent de s'attaquer maintenant à la question du déclin du français?
J'aimerais d'abord entendre M. Termote, suivi de M. Rousseau et de tous les autres témoins.
Pour répondre à votre dernière question, il est certain qu'il y a urgence. Plus le temps passe, plus le problème s'aggrave. Les francophones sont déjà sur le point d'être minoritaires sur l'île de Montréal. Selon les prévisions de Statistique Canada, dans 15 ans, ils représenteront 40 % de la population.
Comment pensez-vous que les immigrants de langue tierce qui arrivent à Montréal vont réagir quand ils verront que la majorité de la population qui les entoure sur l'île de Montréal n'est plus francophone? Ils ne choisiront plus le français, à ce moment-là, ils choisiront la langue du groupe qui est majoritaire dans leur région.
Je voudrais revenir à la question de M. Godin, qui demandait si on devait dire « vous pouvez » ou « vous devez ». Toutes les expériences qu'on a vues en Suisse et en Belgique ont démontré que, si on laisse le choix, les immigrants choisissent la langue socialement la plus prestigieuse.
Merci, monsieur Termote.
Pour terminer ce troisième tour de questions, je passerai la parole à notre collègue Mme Kayabaga.
Madame Kayabaga, vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup.
Je remercie les témoins, qui ont pris le temps de venir répondre à nos questions.
J'ai noté quelques petites questions pendant les discussions.
Monsieur Rousseau, vous parlez du principe de territorialité. Pouvez-vous nous expliquer comment cela s'applique aux francophones à l'extérieur du Québec qui vivent en milieu minoritaire, comme les Franco‑Ontariens, par exemple?
Pensez-vous que cela laisse derrière les francophones qui ne se trouvent pas sur le territoire du Québec?
Je vous remercie de votre question.
Si on appliquait la logique territoriale à l'extérieur du Québec, on pourrait procéder en déterminant... Les mesures de protection des droits linguistiques des francophones de ces provinces qui sont en place constituent un minimum en deçà duquel il n'est pas question de descendre.
On veut que le droit fédéral en fasse davantage pour le français. Si on veut y arriver non seulement pour ce qui est des droits individuels, mais pour que le français s'épanouisse et soit encore parlé dans plusieurs générations à venir, c'est là où il faut concentrer l'effort sur le plan géographique.
Il faudrait donc essentiellement que le fédéral dise, par exemple, qu'on a le droit de travailler en français, et il faudrait que ce droit soit vraiment très bien protégé là où il y a beaucoup de francophones, c'est-à-dire l'Est ontarien et le Nord du Nouveau‑Brunswick. Cela devrait s'ajouter aux mesures déjà en place. Il devrait y avoir un minimum en matière de droits qui s'appliquent, peu importe où on se trouve. Le fédéral pourrait en faire davantage pour concentrer ses efforts sur le plan géographique.
C'est de cette façon qu'une approche territoriale pourrait être appliquée à l'extérieur du Québec. En fait, ce serait surtout appliqué aux régions limitrophes du Québec. Cela viendrait donc renforcer les politiques québécoises qui sont également territorialisées.
Je vous remercie de votre réponse.
Permettez-moi d'approfondir la question. Selon vous, comment cela peut-il fonctionner de manière fluide pour les francophones qui vivent dans des communautés linguistiques en situation minoritaire?
Vous expliquez comment cela peut fonctionner au Québec et comment le fédéral peut identifier les communautés linguistiques en situation minoritaire. Comment peut-on arriver à faire comprendre au gouvernement que cette question ne touche pas seulement le Québec?
Vous avez aussi mentionné que la loi 101 devrait s'appliquer au domaine du travail afin que l'on ait le droit de travailler en français en tout temps. Est-ce que cela remet en question les droits des personnes qui parlent d'autres langues minoritaires au Québec?
Je ne sais pas si vous avez compris ma question.
Oui, je l'ai comprise.
En ce qui concerne le dernier aspect que vous avez mentionné, il faut comprendre qu'il y a toujours un peu de tension. D'une part, le droit de travailler en français existe. D'autre part, dans d'autres lois, y compris des lois québécoises, il est question du droit de recevoir des services dans d'autres langues.
Forcément, cela occasionne une tension, car, si on demande à un fonctionnaire de donner des services en anglais, il pourra moins travailler en français. Au contraire, si on lui accorde le droit de travailler en français tout le temps, il ne donnera peut-être pas de services en anglais. Du coup, il y aura moins de services en anglais pour la personne qui y a droit. Il faut comprendre que cette tension existe et qu'elle est inhérente aux droits linguistiques. Il faut chercher à trouver le meilleur équilibre possible. Ce ne sera jamais tout l'un ou tout l'autre.
C'est un peu un jeu à somme nulle, c'est-à-dire que, si on donne très généreusement des droits à des services dans les autres langues, forcément on vient diminuer le droit de travailler en français, et inversement. Il faut être réaliste, avoir cela en tête et chercher un compromis, qui ne sera jamais parfaitement satisfaisant pour tout le monde.
Pour ce qui est des communautés francophones hors Québec, il faut vraiment distinguer celles qui sont dans des régions à forte concentration francophone autour du Québec. À l'égard de ces communautés, le gouvernement devra faire un plus grand effort en matière de subventions et de droit de travailler en français, ce qui est réaliste.
Cependant, le droit de travailler en français quelque part dans l'Ouest canadien loin de Winnipeg n'est probablement pas réaliste. Sur le plan démographique, cela ne donnerait pas nécessairement de résultats. Cela dit, si on concentre les efforts autour du Québec dans les régions francophones limitrophes, cela engendrera effets positifs sur les droits individuels et l'épanouissement du français à long terme.
Merci, maître Rousseau.
Puisque les membres du Comité permanent des langues officielles sont des gens éternellement disciplinés, nous serons en mesure de faire un quatrième tour d'ici la fin des deux heures prévues pour la réunion.
Cependant, je vais réduire à deux minutes le temps de parole de ceux et celles qui disposaient de cinq minutes et je vais réduire à une minute le temps de parole de ceux et celles qui disposaient de deux minutes et demie. De cette façon, nous pourrons faire un quatrième tour complet. À ma connaissance, ce sera un record, parce que je n'ai jamais vu cela depuis les six années que je suis député, ni à un comité sur la Colline du Parlement ni lors d'un comité virtuel.
Monsieur Dalton, vous avez la parole pour deux minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Termote, j'ai toujours pensé que l'immigration causait le déclin du français dans la région de Montréal. Or votre témoignage m'a encouragé, puisque vous parliez d'une amélioration.
Je ne comprends pas comment il peut y avoir un déclin malgré cette augmentation. Les réseaux culturels, la musique, Netflix et les films ont-ils de grandes répercussions? Est-ce qu'ils causent une anglicisation? Pourriez-vous nous en parler davantage?
Je comprends très bien votre question, qui est totalement pertinente. L'immigration n'est pas la cause principale. Les études que nous avons faites et dont j'ai parlé le démontrent très clairement. La fécondité, ou plutôt le bas taux de fécondité, en est la cause essentielle.
D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé les propos — c'étaient ceux de Mme Ashton, je crois — selon lesquels on en demande beaucoup aux femmes. Imaginez une politique visant à soutenir la natalité ou la fécondité. Ce serait faire injure aux femmes que de leur offrir de l'argent pour qu'elles fassent des bébés. Un pourcentage très faible de femmes ont l'âge d'avoir des enfants. Chaque année au Québec, seules quelques centaines de milliers d'entre elles en ont. De telles mesures sont quasiment impossibles sur les plans éthique et social.
On ne peut donc pas jouer sur la fécondité et l'impact sur l'immigration est marginal. Quand nous faisons de telles affirmations, nous n'avons pas d'état d'âme. Ni Statistique Canada ni moi-même n'en avons lorsque nous faisons des prévisions. Ce sont des constatations, tout simplement.
Merci, monsieur Termote.
Je vais être strict quant aux limites de temps de parole.
Monsieur Drouin, vous avez la parole pour deux minutes.
Merci beaucoup.
J'ai deux questions, et elles s'adressent à M. Rousseau ou à M. Termote.
Aujourd'hui, en cette ère de mondialisation, les jeunes passent beaucoup plus de temps dans un monde virtuel. Or la loi n'y impose pas de limites, ou du moins pas ici au pays.
Dans le domaine universitaire, discutez-vous de la façon dont on pourrait influencer le monde francophone?
Nous avons des partenaires. Nous interagissons avec la France ainsi qu'avec d'autres pays francophones, mais je vois mal comment il serait possible de protéger le français dans un monde virtuel. Je ne sais pas si vous abordez ces questions dans le milieu universitaire.
Oui, nous en discutons, parce que c'est un sujet très actuel.
Les mesures législatives sur la langue s'appliquent à Internet. Lorsque la Charte de la langue française dit qu'on doit faire sa publicité en français, cela s'applique à Internet et a un effet sur la langue de travail. Si une entreprise est obligée de diffuser sa publicité en français sur Internet, cela suppose effectivement qu'un employé la prépare à l'ordinateur. À la base, les lois linguistiques s'appliquent à Internet. Si elles vont plus loin, les choses vont aller plus loin sur Internet également.
Il ne faut pas oublier que, si on fait la promotion du français dans le monde physique, réel, et que beaucoup de spectacles sont présentés en français, cela va avoir un effet sur les habitudes de consommation, y compris celles qui appartiennent au monde virtuel. C'est une façon indirecte de procéder. Il y a aussi la question des quotas qui devraient s'appliquer à YouTube, mais ce sujet sera réservé à une autre réunion de comité et à un autre projet de loi.
Monsieur Termote, je ne pense pas que le taux de natalité des anglophones soit supérieur à celui des francophones.
L'indice de fécondité, soit le nombre d'enfants par femme, est légèrement plus élevé chez les anglophones que chez les francophones. En somme, les anglophones sont dans le même bateau que les francophones. L'énorme différence est que, proportionnellement, les anglophones profitent beaucoup des transferts linguistiques.
Si on augmentait l'immigration francophone et qu'on adoptait un modèle territorial ayant comme effet d'augmenter de façon substantielle les transferts linguistiques au profit du français, on pourrait renverser la tendance. En Wallonie, l'immigration ne menace pas le français.
La Wallonie applique une territorialité pure et dure. C'est la grande différence.
Pour ce qui est de la politique visant à faire venir des enfants...
Merci, monsieur Termote. Je suis désolé de vous interrompre.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Ashton, également pour une minute.
Merci beaucoup.
Je remercie encore grandement tous les témoins.
Pour ce qui est de savoir avec quelle urgence il faudrait agir, je vais poser la question à M. Rousseau et à M. Boivin.
Je pense que l'urgence concerne particulièrement Montréal, surtout sur l'île, mais la région métropolitaine de Montréal aussi. Je verrais d'un très bon œil une initiative où le fédéral, le gouvernement du Québec et les différentes municipalités de la région métropolitaine de Montréal adopteraient ensemble un plan d'urgence avec des entreprises très présentes dans la région de Montréal. Ce serait une initiative qui serait plus que bienvenue.
La cause concernant l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles en Colombie‑Britannique, dans laquelle la Cour d'appel fédérale a rendu sa décision la semaine passée, démontre très bien que, si on ne répare pas certains dommages immédiatement, il y a des communautés qui vont disparaître.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Rousseau, vous avez répondu à mon collègue d'en face, tout à l'heure, qu'il revenait à d'autres comités de surveiller davantage le français sur le plan numérique. Nous sommes à l'ère du numérique. Nous sommes aussi à l'ère de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Nous allons devoir vivre avec cette nouvelle loi pendant 20, 30, 40 ou 50 ans, si elle est bien faite. Il est important que la surveillance du français soit prévue dans la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Je n'ai pas la solution. Ce pas un dossier facile et les règles sont complexes.
Je crois beaucoup à l'importance de faire la promotion du français, notamment sur le plan des activités culturelles, mais, dans d'autres pays et d'autres régions du monde, il y a des gens qui veulent parler français. C'est une nouvelle mode, une nouvelle tendance. Il faut promouvoir le français.
Alors, comment peut-on établir rapidement les mesures que l'on doit prendre pour tenir compte de ce phénomène dans la modernisation de la Loi sur les langues sur les langues officielles?
Je sais que c'est tout un défi.
Merci.
D'abord, et très concrètement, toute la logique des quotas de musique francophone du CRTC qui s'appliquent à la radio devrait s'appliquer à YouTube et à différents médias numériques.
Ensuite, je pense qu'on pourrait facilement faire en sorte que, dans la Loi, pour ce qui est du droit de travailler en français au Québec et dans les autres régions francophones, il y ait une insistance sur les technologies. Aujourd'hui, on utilise beaucoup la technologie pour travailler. Alors, il faut vraiment que les employeurs soient obligés de fournir les logiciels et tout le reste en français. Encore là, on peut appliquer la loi 101 au Québec, et les autres régions francophones peuvent s'en inspirer.
Nous avons du temps pour une dernière question.
Madame Lattanzio, vous avez la parole pour deux minutes.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Rousseau, la communauté minoritaire anglophone du Québec dit que, depuis un certain temps, elle fait des efforts pour apprendre le français. Il y a même des commissions scolaires qui comptent des écoles bilingues offrant un programme d'immersion française au Québec, précisément à Montréal. Même mes enfants ont tous fait leurs études en immersion française. Je suis très contente, aujourd'hui, d'avoir des enfants qui parlent aussi bien le français que l'anglais. Cependant, la communauté minoritaire anglophone, qui dit faire des efforts à cet égard et qui croit à l'importance de renforcer le français, craint que cela ne se fasse au détriment de son droit à recevoir aussi des services en anglais.
Vous avez parlé d'atteindre un équilibre entre les deux langues pour s'assurer que cette communauté minoritaire peut continuer de recevoir des services dans sa langue. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
En ce qui a trait aux écoles primaires et secondaires, beaucoup d'efforts ont été faits. Il y a beaucoup plus de français depuis l'adoption de la loi 101, soit depuis 1977. Il pourrait y avoir des améliorations, mais je pense qu'il y a un équilibre aux niveaux primaire et secondaire. À mon avis, les commissions scolaires anglophones peuvent donc dormir tranquilles.
Là où il y a un effort à faire de la part du fédéral, c'est dans les cégeps et les universités. Les universités anglophones reçoivent beaucoup plus de financement pour la recherche que les universités francophones...
Merci, monsieur Rousseau.
J'espère que les témoins me pardonneront de leur avoir, le moins impoliment possible, coupé la parole.
De plus, je tiens à mentionner aux témoins qu'ils peuvent transmettre à la greffière du Comité toute information qu'ils n'ont pas eu le temps de nous transmettre aujourd'hui. L'information supplémentaire sera envoyée aux membres du Comité. Je précise qu'il s'agit d'une pratique courante.
Aujourd'hui, nous avons réussi à compléter quatre tours de questions; je n'ai jamais vu cela en six ans. Je salue la qualité des témoignages de nos invités et la qualité des questions de nos excellents collègues ainsi que la qualité de tout le système [difficultés techniques] qui assistent à la réunion et ceux qui y participent de manière virtuelle. Pour que tout fonctionne, il faut avoir l'aide de toute une équipe. Je remercie les analystes, la greffière ainsi que les techniciens et les techniciennes.
Je souhaite une bonne semaine à tous.
La séance est levée.
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