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Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 31e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 30 mai 2022, le Comité reprend l'examen du projet de loi .
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 23 juin 2022. Les députés peuvent y participer en personne ou à l'aide de l'application Zoom.
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour l'interprétation, ceux qui participent à la réunion au moyen de l'application Zoom ont le choix, dans le bas de leur écran, entre trois canaux: le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser leur écouteur après avoir sélectionné le canal souhaité.
Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole n'ont qu'à lever la main. Pour leur part, les députés qui participent au moyen de l'application Zoom doivent utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre de parole. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à M. Brassard, qui remplace M. Gourde au meilleur comité de la Colline du Parlement.
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Je souhaite maintenant la bienvenue aux témoins.
À l'occasion de notre première table ronde, nous recevons aujourd'hui Mme Vanessa Herrick, directrice générale de l'English Language Arts Network, et M. Donald Barabé, président de l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec.
Madame Herrick et monsieur Barabé, nous accordons habituellement cinq minutes de présentation aux témoins. Une fois les présentations terminées, nous passons aux tours de questions. Si vous n'avez pas le temps de terminer votre présentation, vous pourrez le faire indirectement en répondant aux diverses questions qui vous seront adressées.
Pour commencer, je donne la parole à Mme Vanessa Herrick, pour cinq minutes.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir invitée. Je vais m'adresser au Comité en anglais.
[Français]
Cependant, je pourrai répondre à vos questions en français ou en anglais.
[Traduction]
Je m'appelle Vanessa Herrick, et je suis la directrice générale du English Language Arts Network.
Nous formons un organisme à but non lucratif qui relie, soutient et crée des débouchés pour les artistes et les travailleurs culturels anglophones de toutes les disciplines et de toutes les régions du Québec. Nous partageons notre expertise et nos ressources en matière de développement professionnel, de possibilités de financement, d’occasions d’emploi et d’appels à la participation dans le secteur des arts. Nous défendons les intérêts de nos membres et faisons cause commune avec la communauté artistique francophone.
D'emblée, je veux remercier le Comité de nous inviter à comparaître devant lui.
Nous participons à la séance d'aujourd'hui pour faire connaître l'expérience de notre communauté anglophone au Québec et pour faire figure d'alliés de nos partenaires et collègues francophones partout au pays. L'attention accordée à la protection du français dans notre pays est primordiale, et nous sommes disposés à appuyer cette cause et à y mettre du nôtre de quelque façon que ce soit. Nous croyons qu'on peut élever et célébrer une communauté sans défavoriser l'autre. Nous saluons ardemment le travail du Comité et de nombreux autres intervenants du gouvernement pour garantir que le Canada soit un pays comptant au moins deux langues officielles.
Je suis ici pour décrire l'expérience des artistes anglophones au Québec. Je dispose de cinq minutes. Je vais faire de mon mieux. Je vais surtout lire mes observations afin de ne pas oublier de détails importants. Je déteste lire un texte à mes auditeurs lorsque je prends la parole et je vous demande donc votre indulgence puisque vous me verrez fixer le bureau. Je veux toutefois m'assurer de bien transmettre mes messages.
Je vais d'abord aborder la question des artistes au Québec. Le Québec est bien entendu une province qui glorifie sa culture et ses arts. Je dois rendre à César ce qui appartient à César. Malgré les tensions linguistiques qui peuvent exister et qui pourraient s'envenimer en vertu du projet de loi 96, nous sommes régis par un gouvernement qui appuie les arts, et je veux l'affirmer haut et fort. Cet appui est palpable.
L'expérience des artistes au Québec se distingue par le fait que le fossé linguistique se répercute sur eux. En 2016, les artistes anglophones de la province gagnaient un revenu inférieur à celui de leurs homologues francophones, leur salaire médian atteignant en moyenne 85 ¢ pour chaque dollar gagné par un artiste francophone. Pour bien représenter la situation, je préciserai qu'un artiste au Canada — y compris au Québec — gagne en moyenne 24 000 $ par année, alors que le revenu médian est près de 45 000 $ en moyenne. Il s'agit donc de travailleurs qui vivent d'entrée de jeu dans des conditions très précaires.
Dans l'ensemble du pays, les chiffres du recensement canadien de 2016 révèlent que les artistes anglophones du Québec gagnent un revenu médian plus faible que le reste des artistes canadiens. Ces constats sont particulièrement surprenants quand on prend en considération que les anglophones du Québec représentent une part importante des artistes canadiens dans l'ensemble du pays. Les anglophones du Québec représentent 4,6 % de tous les artistes canadiens même s'ils représentent 2,8 % de la main-d’œuvre canadienne. Les données indiquent que deux facteurs — la profession et la langue — influencent les écarts de revenus pour cette tranche de la population.
J'aimerais d'abord vous faire part d'une tranche de vie. Cet été, pendant les consultations partout au pays, j'ai eu le grand honneur de rencontrer bon nombre de personnes travaillant à cet enjeu et d'échanger avec eux. Quelqu'un du gouvernement fédéral m'a fait un commentaire pendant les discussions sur le projet de loi . Cette personne m'a dit qu'aucune différence ne distingue les communautés de langue officielle en situation minoritaire au pays et qu'elles sont confrontées aux mêmes défis.
Bien que je reconnaisse que c'est là le fruit de la bataille pour l'équité menée depuis des années par de nombreuses communautés de langue officielle en situation minoritaire, je ne pense pas que cette observation reflète la réalité. Je crois que nous sommes confrontés à des défis uniques. Les deux groupes connaissent des difficultés. Je veux cependant exprimer clairement...
Les anglophones du Québec composent la seule communauté de langue officielle en situation minoritaire du pays gouverné par un gouvernement légiférant contre l'usage de leur langue. C'est regrettable, et la différence est on ne peut plus marquée. La différence est récente, mais je crois qu'il faut en tenir compte.
Nous ne savons pas exactement comment le projet de loi 96 influencera directement le milieu des arts. Nous savons bien évidemment qu'il aura une certaine influence puisqu'il touche tous les anglophones du Québec. Nous avons vent d'incohérences dans la façon dont le projet de loi sera appliqué. Rien n'est encore confirmé, mais on nous dit que les productions d'envergure venant d'ailleurs pour être créées au Québec — surtout des États-Unis, bien franchement — ne seront pas assujetties au projet de loi 96.
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Merci, monsieur le président.
Ce matin, je vais énoncer un certain nombre de faits.
Le premier est que la traduction joue un rôle capital dans l'application de la Loi sur les langues officielles. C'est elle qui permet aux Canadiens d'exercer leur droit constitutionnel de ne pas parler l'autre langue officielle. Elle est au œeur du contrat social, du tissu social du Canada.
Le deuxième fait est que, depuis 1995, on a décidé d'appliquer le concept d'utilisateur-payeur pour la traduction dans la fonction publique fédérale. Dans les faits, les ministères, qui avaient droit à la traduction gratuitement de 1841 à 1995, doivent maintenant la payer.
Le troisième fait est que le concept d'utilisateur-payeur a entraîné des dérives majeures et imprévues. En effet, les ministères ont cessé de traduire certains textes, ne le font que sur demande ou recourent à la traduction automatique ou à des ressources non qualifiées pour le faire. En parallèle, cela empêche le Bureau de la traduction de servir correctement les Canadiens et l'administration fédérale.
Le quatrième fait est que cette non-gratuité a entraîné la dispersion des budgets de traduction dans tous les ministères. Le gouvernement du Canada et le Canada sont les plus grands acheteurs de traduction au monde, toute proportion gardée. La dispersion des budgets de traduction a entraîné l'affaiblissement et la fragmentation de l'industrie canadienne de la traduction, qui joue un rôle clé dans l'application de la politique sur les langues officielles du Canada.
Le cinquième fait est que le Conseil du Trésor reconnaît que le Bureau de la traduction n'est plus en mesure de jouer son rôle essentiel d'intendance en ce qui concerne la sécurité de l'offre de services linguistiques au Parlement, aux tribunaux et à l'administration fédérale.
Le sixième fait est que l'optionalité et la non-gratuité des services du Bureau contreviennent à la Loi sur le Bureau de la traduction, adoptée en 1934. Je vais citer le texte anglais de la Loi, car il est plus clair.
[Traduction]
Elle stipule que « Le Bureau a pour mission » de servir les ministères et autres organismes dans les deux Chambres du Parlement « pour tout ce qui concerne la traduction et la révision de leurs documents. » De plus, tous les ministères et organismes « sont tenus de collaborer avec le Bureau. »
[Français]
Le septième fait est que le Bureau de la traduction a été créé en 1934 pour mettre fin à l'anarchie qui existait au sein de l'administration fédérale en ce qui concerne la gestion de la traduction. Malheureusement, on est retourné à cette anarchie, et il faut absolument corriger la situation.
Le huitième fait est une anomalie, car le secteur privé ne se prononce pas souvent en faveur des institutions gouvernementales. Or, dans le cas présent, le secteur privé, tant en traduction qu'en interprétation, est très favorable à un renforcement du Bureau de la traduction et à une meilleure utilisation du pouvoir d'achat fédéral en traduction.
Le neuvième et dernier fait concerne l'ancienne ministre des Services publics et Approvisionnement Canada, Judy Foote, qui, en février 2017, avait pris un engagement au nom du gouvernement du Canada: « C'est un jour nouveau pour le Bureau de la traduction. On redonne ses lettres de noblesse à cette institution. Nous renversons la vapeur. Nous avons un plan pour une nouvelle gestion, assurer la relève et [...] faire en sorte que le Bureau de la traduction devienne de nouveau obligatoire. »
J'aimerais maintenant faire quatre recommandations au Comité.
Ma première recommandation est d'appliquer ce qui se trouve dans le livre blanc publié par Patrimoine canadien en 2021, à savoir « renforcer le rôle des fonctions de traduction et d’interprétation au sein de l’appareil administratif fédéral, notamment celui du Bureau de la traduction ». Cela reviendrait à vraiment appliquer la Loi sur le Bureau de la traduction en rendant le recours à ce dernier de nouveau obligatoire et non plus optionnel et en rendant gratuits ses services aux ministères.
Ma deuxième recommandation est de confier au Bureau le même mandat que celui de la NASA. Cette dernière a deux mandats: envoyer des Américains dans l'espace — un mandat que tout le monde connaît — et se servir de son pouvoir d'achat pour favoriser le développement de l'industrie aérospatiale américaine.
Le pouvoir d'achat fédéral en traduction est le plus grand au monde, toute proportion gardée, et...
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Merci, monsieur Barabé.
Je vous remercie tous deux de vos allocutions.
Pour la période des questions, la façon de procéder est la suivante: à tour de rôle, les députés vous poseront des questions, choisissant de les poser à l'un ou à l'autre. Durant le premier tour de questions, le temps de parole de chaque député est de six minutes, comprenant questions et réponses.
Nous commençons par le premier vice-président du Comité, M. Joël Godin, à qui je cède la parole pour six minutes.
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C'était donc le Parti libéral du Canada qui était au pouvoir.
Monsieur Barabé, nous sommes ici aujourd'hui pour étudier le projet de loi , qui vise la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Vous avez dû terminer rapidement votre allocution, mais votre troisième recommandation était de modifier la Loi sur les langues officielles pour y consacrer l'importance de la traduction. Pouvez-vous nous en dire davantage, nous donner les outils requis, et peut-être même nous indiquer le libellé des amendements qui pourraient être apportés à la nouvelle mouture de la Loi?
Madame Herrick, vous avez dit tout à l'heure ne pas savoir ce que le projet de loi 96 allait changer, mais qu'il aurait certainement une incidence sur les artistes anglophones au Québec.
Aidez-nous à vous aider.
Je comprends qu'il s'agit probablement d'une minorité au Québec. Par contre, il faut aussi tenir compte de ce que les artistes francophones hors Québec vivent de leur côté. Je ne pense donc pas que les artistes anglophones au Québec soient traités différemment des minorités linguistiques francophones hors Québec.
Que voulez-vous dire par...
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Je pense que oui, absolument. Je crois que notre communauté fait face à beaucoup d'incertitude, alors tout effort déployé au palier fédéral pour démontrer du soutien ou donner une voix à la communauté anglophone du Québec est nécessaire.
Le projet de loi 96 n'a pas encore été exposé en détail. Nous ne savons pas précisément comment il sera mis en œuvre, mais nous savons qu'il aura une incidence sur notre communauté. À tout le moins, cette réalité a été clairement exprimée.
Nous savons que les recours à notre disposition se font rares en ce moment, alors tout outil pouvant nous aider et rendu obligatoire par un ordre de gouvernement, quel qu'il soit, serait sans contredit nécessaire et grandement apprécié.
:
Oui. Aucun règlement ni aucune loi ne l'empêchent. Cependant, comme les autres minorités...
[Traduction]
Je suis désolée. Je vais exprimer ce commentaire en anglais, pour m'assurer d'être claire.
Existe‑t‑il des iniquités? Ils peuvent faire des demandes de financement, à l'instar de tous les autres intervenants. Tout à fait.
Les fonds sont-ils alloués aux créateurs à parts égales? Des artistes m'ont confié qu'ils n'ont pas l'impression que c'est le cas. Il est très difficile de répondre à la question parce que la plupart des éléments de réponse sont subjectifs.
Oui, des artistes anglophones du Québec reçoivent du financement du gouvernement du Québec, mais je dirais que nombre d'entre eux croient avoir plus de succès auprès du gouvernement fédéral.
Monsieur Barabé, je vais maintenant m'adresser à vous. Vous avez dit que, depuis 1995, le Bureau de la traduction, que vous représentez, est tenu de recouvrer la totalité de ses coûts directs et indirects. Par contre, les ministères n'ont pas le financement.
Je suis assez d'accord avec vous que la traduction est essentielle pour l'actualité linguistique au sein du gouvernement fédéral. Or, ces coupes viennent certainement amoindrir la qualité de la traduction. Nous le constatons tous les jours ici.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'aujourd'hui.
Monsieur Barabé, mes questions s'adressent à vous. Premièrement, j'aimerais vous remercier de votre témoignage. Vous nous avez donné plusieurs informations préoccupantes sur la situation de la traduction au Canada et les répercussions dévastatrices de la privatisation de ces services.
Dans les cinq dernières années, le Bureau de la traduction a réduit les services qu'il offrait aux ministères fédéraux afin de répondre aux besoins du Parlement.
Puisque le Bureau de la traduction n'offre plus ces services à l'extérieur du Parlement, savez-vous si une agence est responsable de s'assurer que le gouvernement respecte effectivement son obligation de garantir l'égalité des langues officielles dans la machine gouvernementale?
:
Il y a deux choses à faire.
Tout d'abord, il faut renforcer les programmes universitaires en traduction. Il n'y en a que deux, ou plutôt un et demi, en fait. Il faut les renforcer et en ajouter au moins un troisième.
Ensuite, il faudrait créer un programme de bourses. Personnellement, je suis entré au Bureau de la traduction grâce à un programme de bourses, alors je sais combien c'est extraordinaire. Cela prend des bourses en interprétation, cette fois-ci.
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Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adresseront à M. Barabé.
Dans votre mémoire, vous dites, et je cite, que le gouvernement fédéral est un carrefour où se rencontrent des francophones et des anglophones qui travaillent ensemble au service des Canadiens, et que des lacunes demeurent quant à l’application des obligations du gouvernement en matière de langue de travail.
À part rétablir le mandat exclusif du Bureau de la traduction et la gratuité de ses services au sein de l'appareil administratif fédéral, que pouvons-nous faire pour renforcer le rôle des fonctions de traduction? Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets?
:
Le meilleur exemple, c'est le fait d'utiliser le pouvoir d'achat du gouvernement fédéral en traduction. Toutes proportions gardées, ce dernier est de loin le plus important acheteur de services de traduction au Canada. Le pouvoir d'achat du fédéral pourrait être utilisé pour renforcer le secteur privé en traduction.
Actuellement, le Canada est le plus important fournisseur de services de traduction au monde. Les entreprises de traduction du Canada devraient acheter des entreprises étrangères, mais c'est le contraire: ce sont des entreprises étrangères qui achètent des entreprises canadiennes. Ce qui a causé cela, c'est la décision de 1995 de reprendre le pouvoir d'achat du fédéral et de le répartir dans tous les ministères, qui l'ont réparti en leur propre sein.
Ainsi, le directeur d'un service quelconque va mettre sur le marché un tout petit contrat de traduction. Ce qui se passe, c'est que les grandes entreprises de traduction ne peuvent pas concurrencer cela. On est donc revenu à une majorité de pigistes, alors qu'on avait auparavant des entreprises de traduction qui auraient pu acheter des entreprises étrangères et aller sur des marchés étrangers.
[Traduction]
Je dirai que je comprends que la langue officielle du Québec est le français, et c'est très bien ainsi. Nous appuyons cette réalité. Nous y vivons, au sein de la communauté francophone, parce que c'est ce que nous voulons. Je ne crois cependant pas que le français devrait être la langue unique. Notre province multilingue abrite des gens qui y habitent depuis... La communauté d'expression anglaise s'y trouve depuis longtemps, tout comme bien d'autres communautés.
Comme je l'ai déjà dit, je crois qu'on devrait déployer des efforts pour créer des ponts, collaborer et trouver des points en commun plutôt que de chercher des sources de discorde. La réalité peut-elle être uniquement en français? Je crois que la majorité des services devraient être en français, mais, comme il existe une communauté à prédominance anglophone, la situation dans les services comme les soins de santé est à tout prix non négociable.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mes questions s'adresseront à M. Barabé.
Dans votre mémoire, vous soulignez que de nombreux ministères sont en porte-à-faux avec la Loi sur les langues officielles et que certains documents ne sont plus traduits, ce que nous trouvons inacceptable. C'est d'ailleurs une chose que nous avons entendue, en comité et dans les médias, de la part des travailleurs de la fonction publique.
Que devrait faire le gouvernement pour mieux soutenir le Bureau de la traduction afin qu'il serve l'ensemble de l'appareil fédéral?
Monsieur Barabé et madame Herrick, je vous remercie de vos témoignages. Ils seront très utiles au Comité, qui s'emploie à faire progresser ce projet de loi.
[Traduction]
Si vous aimeriez nous fournir d'autres renseignements par écrit, veuillez les acheminer à notre greffière.
[Français]
Celle-ci fournira ensuite cette information à tous les membres du Comité. Alors, n'hésitez pas à faire parvenir au Comité toute information écrite que vous croirez pertinente.
Nous allons maintenant suspendre la réunion pour faire place aux prochains témoins.
:
Nous reprenons la séance.
J'aimerais faire quelques petites observations à l'intention des témoins que nous recevons pour la deuxième heure de la réunion, dont deux y participent par vidéoconférence.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Le cas échéant, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent à la réunion par Zoom ont le choix, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal qu'ils désirent.
Enfin, je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Chers témoins, vous aurez cinq minutes chacun pour faire votre présentation. Après, il y aura des tours de questions.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins. Mme Sophie Montreuil, directrice générale de l'Acfas, anciennement connue sous le nom de l'Association francophone pour le savoir, témoigne pour la première fois devant le meilleur comité en ville. Nous recevons aussi deux représentants de la Société de la francophonie manitobaine: M. Daniel Boucher, directeur général, et M. Jean‑Michel Beaudry, directeur général adjoint.
Mme Montreuil fera la première présentation de cinq minutes.
Vous avez la parole.
:
Monsieur le président, membres du Comité permanent des langues officielles, bonjour.
[Traduction]
C'est un réel honneur de comparaître devant vous aujourd'hui.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de me recevoir pour discuter avec vous de l'enjeu crucial de la vitalité de la recherche en français au Canada.
Je m'appelle Sophie Montreuil et je suis la directrice générale de l'Acfas, une association qui œuvre dans le domaine des sciences depuis bientôt 100 ans. En effet, elle fêtera son 100e anniversaire en juin prochain.
Notre association regroupe les chercheuses et les chercheurs d'expression française du Canada, de même que les utilisateurs et les utilisatrices de la recherche. En moyenne, nous comptons annuellement 4 500 membres et plus de 25 000 sympathisants.
Nous avons un réseau très important composé de six antennes régionales presque partout au Canada: en Acadie, à Toronto, à Sudbury, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Ces antennes sont dirigées par des comités bénévoles de professeurs et d'étudiants d'expression française qui organisent des activités scientifiques francophones en contexte minoritaire.
De façon générale, la recherche contribue au développement des sociétés, des États et de leur population. La recherche en français, elle, dans le pays bilingue qu'est le nôtre, offre plusieurs possibilités supplémentaires.
Elle permet de développer un vocabulaire en français pour diffuser les savoirs dans les communautés francophones en situation minoritaire, ainsi qu'auprès des médias et des fonctionnaires.
La recherche en français permet d'obtenir des données sur des enjeux et des réalités qui touchent les communautés francophones en situation minoritaire, afin de proposer des politiques publiques et des services qui leur sont adaptés.
Elle permet également de renforcer les liens entre les universités et leur communauté d'appartenance.
Elle permet l'existence d'une vie scientifique en français, où la jeunesse et la communauté scientifique francophone développent un sentiment de sécurité linguistique.
Enfin, elle permet l'inclusion de chercheurs de toutes provenances et de toutes origines réunis par la volonté d'étudier et de travailler en français.
L'Acfas a mené une importante étude de 2019 à 2021, dont le rapport s'intitule « Portrait et défis de la recherche en français en contexte minoritaire au Canada ». En résumé, notre étude démontre un déclin de la recherche en français au Canada et un grand manque de soutien aux chercheurs et aux chercheuses qui produisent cette recherche en français. C'est malheureusement très simple comme constats. Ces derniers sont confirmés par d'autres études également.
Il est donc essentiel que, dans la version modernisée de la Loi sur les langues officielles, il y ait une mention claire de soutien à la production et à la diffusion des savoirs en français au Canada.
Nous sommes très heureux qu'il y ait, dans le projet de loi , un engagement à remplacer les articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles de sorte à prendre des mesures positives visant « à appuyer la création et la diffusion d'information en français qui contribue à l'avancement des savoirs scientifiques dans toute discipline ». Nous en sommes très heureux, mais nous ne sommes pas totalement satisfaits, et il ne manque pas grand-chose pour que nous le soyons.
Comme le note aussi l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, la mention proposée est trop large et son effet sera limité. Elle servira simplement à favoriser la circulation d'information, ce qui est par ailleurs déjà prévu dans d'autres parties de la Loi.
Nous proposons donc trois modifications.
D'abord, nous suggérons qu'on revienne à la formulation figurant dans le document de réforme sur les langues officielles, nommément ajouter le mot « recherche » et reformuler la phrase au sujet des mesures positives mentionnées au paragraphe 41(6) proposé par le projet de loi. Ainsi, plutôt que d'avoir le libellé existant qui dit « peuvent notamment comprendre toute mesure visant », il faudrait écrire « comprennent toute mesure visant ».
Nous proposons également de reformuler la mesure positive que j'ai citée tantôt, soit celle qui consiste « à appuyer la création et la diffusion d'information en français », en ajoutant le mot « scientifique » après le mot « information » et en précisant que cela se fait « notamment en soutenant la recherche et la vie scientifiques en français ».
Je vais m'arrêter ici.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous salue tous depuis la belle province du Manitoba et le centre du Canada. J'aimerais remercier le Comité permanent des langues officielles de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je m'appelle Daniel Boucher, et je suis le directeur général de la Société de la francophonie manitobaine, soit la SFM. Je me joins à vous aujourd'hui à partir du territoire visé par le traité no 1, et les terres où je me trouve font partie du territoire ancestral des peuples anishinabe, cri, oji-cri, dakota et déné, et de la patrie de la nation métisse. En cette veille de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, je tiens à reconnaître que la langue française a, malheureusement, été utilisée comme outil de colonisation au fil de l'histoire des peuples autochtones.
Aujourd'hui, la SFM souhaite l'épanouissement des peuples et communautés autochtones au Canada, et nous réclamons le plein respect de leurs voix, notamment en ce qui a trait aux efforts de préservation et de revitalisation des langues autochtones. À titre d'organisme porte-parole de la communauté francophone du Manitoba et avec l'aide de son réseau de collaborateurs et de partenaires, la SFM œuvre à l'avancement de tous les domaines d'activité de la communauté.
J'aimerais m'exprimer aujourd'hui sur deux grandes thématiques, soit l'urgence de la modernisation de la Loi sur les langues officielles ainsi que l'importance des dispositions linguistiques avec les tiers. Je voudrais d'abord déclarer que la SFM adhère pleinement aux revendications de la Fédération des communautés francophones et acadienne, soit la FCFA, dans le dossier de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. J'aimerais d'ailleurs en référer au document produit par la FCFA en mai dernier et intitulé « Propositions de modifications au projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l'usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d'autres lois ».
Vous avez en main ce mémoire, qui se découpe en six thèmes: préciser le rôle du Conseil du Trésor; répondre à la question des dispositions linguistiques avec les tiers, y compris les autres ordres de gouvernements; assurer l'efficacité de la politique en immigration francophone; renforcer la partie VII, notamment en matière de consultation; inclure la partie VII dans les pouvoirs d'ordonnance du commissaire aux langues officielles; et clarifier la définition de « minorités francophones ».
Le travail qui a précédé le projet de loi présentement à l'étude n'a pas été fait à la hâte et a été amorcé il y a plus de cinq ans. C'est le résultat de plusieurs études et consultations, notamment par ce comité, par le Commissariat aux langues officielles, par le Comité sénatorial permanent des langues officielles, par le ministère du Patrimoine canadien, par la FCFA et j'en passe.
Comme l'indiquait notre présidente, Angela Cassie, devant le Comité, le 14 février dernier, soit avant le dépôt du projet de loi : « Tout retard supplémentaire ne ferait qu'affaiblir davantage la position du français dans nos communautés. Le travail parlementaire devrait donc être entamé sans délai. »
Cela dit, je conviens, comme l'ensemble des communautés francophones, que le projet de loi comporte toujours des lacunes qui devront être comblées. Je vous renvoie à nouveau aux recommandations de la FCFA. Ce projet de loi représente une étape importante pour assurer la pérennité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ne laissez pas ce travail législatif tomber à l'eau. La Loi sur les langues officielles doit être renouvelée rapidement, sans quoi, les préjudices s'aggraveront.
Je passe à l'importance des dispositions linguistiques. Permettez-moi de préciser la raison pour laquelle la question de ces dispositions avec les tiers, y compris les autres ordres de gouvernements, devrait être abordée plus explicitement dans le projet de loi . Au Manitoba, certains accords entre la province et le gouvernement fédéral prévoient de l'appui au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
:
Merci, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins, Mme Montreuil et M. Boucher.
Monsieur Boucher, je vais vous permettre de continuer votre présentation. À la fin de votre allocution, vous avez parlé des dispositions linguistiques et de la nécessité qu'elles soient plus explicites.
Pouvez-vous être « plus explicite » dans votre définition de « dispositions linguistiques »? Il faut comprendre qu'une disposition linguistique, c'est une disposition sur les langues. Or nous étudions le projet de loi , qui vise la modernisation des deux langues officielles que sont le français et l'anglais.
Ne vaudrait-il pas mieux indiquer plus clairement que les dispositions ont pour but de maintenir les deux langues officielles?
:
Je pense que vous soulevez un très bon point.
Cette question importante devrait être mise sur la table et faire partie des discussions. Il y a des choses qui sont très simples et d'autres qui sont plus complexes. Toutefois, de façon générale, si la possibilité d'avoir des dispositions linguistiques est complètement évacuée, cela deviendra un problème.
Je parlais du domaine de la petite enfance, par exemple. Pour nous, il est crucial que des dispositions linguistiques permettent d'assurer les services en français.
Sur le plan des négociations possibles relativement aux provinces et aux territoires, il est vraiment important de poursuivre cette discussion sur la question des consultations, justement.
Évidemment, plus on obtiendra de droits, mieux ce sera. Cependant, encore une fois, il est important d'inscrire dans le projet de loi une obligation de consultation, ce qui pourrait mener justement à des dispositions linguistiques plus robustes ou mieux adaptées aux besoins des provinces.
Quoique nous comprenions très bien le partage des compétences ainsi que les différences entre ces dernières et que nous les respections, il y a aussi des obligations liées aux langues officielles qui ont préséance sur ces considérations. On devrait toujours les garder à l'esprit, les mettre sur la table et examiner ce qu'on peut faire ensemble pour en arriver à un résultat solide.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier mes collègues qui sont présents, que ce soit en personne ou en mode virtuel.
Ma première question s'adresse à Mme Montreuil.
Vous souleviez un point extrêmement important. Il est vrai que la recherche en français est en déclin au Canada, mais aussi que, dans le monde entier, elle n'est pas proportionnellement représentative de la population francophone mondiale. Nous discutons aussi de cette question justement, le vice-président et moi.
Nous tentons de déterminer comment stimuler la recherche scientifique et créer des incitatifs pour qu'elle soit beaucoup plus publiée dans le monde. Je sais qu'il y a d'excellents chercheurs et chercheuses au Canada. Ces discussions visent donc à ce qu'ils aient, eux aussi, accès à des infrastructures et à des véhicules en français ainsi qu'à des universités francophones, ou à ce qu'ils puissent dialoguer en français, à tout le moins.
Comment cet aspect peut-il être relié au projet de loi ?
J'aborderai ensuite les mesures positives avec vous.
:
C'est éminemment lié au projet de loi C‑13, c'est clair. Je ne me prononcerai pas sur la situation de la recherche en français dans le monde. Je me concentrerai sur le Canada, parce que les données dont nous disposons concernent le pays. Elles proviennent de l'étude que nous avons réalisée avec de chercheurs importants.
Voici quelques chiffres, qui datent de 2020. Il y a 63 455 chercheurs et chercheuses en français au Canada, dont 30 070 sont en situation francophone minoritaire. Grosso modo, c'est un partage à peu près équivalent entre le Québec et les autres provinces.
Les chercheurs qui font de la recherche en français au Québec ne rencontrent pas les difficultés auxquelles se heurtent les 30 000 autres chercheurs dans les autres provinces. Ce sont deux mondes, deux univers complètement différents.
Vous parliez de la diffusion. Je vais commencer par aborder le soutien à la production de la recherche.
En tant que chercheur, il faut du financement pour faire de la recherche. Il y a trois conseils subventionnaires. D'abord, sur le plan fédéral, on retrouve la Fondation canadienne pour l'innovation. Or, selon les chiffres inclus dans le rapport que nous avons publié, les pourcentages de financement accordés aux chercheurs en français sont moindres que ceux attribués au financement de la recherche en anglais. On pourrait dire que ce n'est pas anormal, si cela représente le prorata des chercheurs francophones et anglophones, mais ce n'est pas le cas. Je vous donne un exemple. Seulement de 5 à 12 % des demandes de financement qui sont envoyées aux conseils subventionnaires sont rédigées en français, alors que les chercheurs d'expression française représentent 21 % de la communauté de recherche.
Je vous explique la raison de cet écart. Dans bien des cas, un chercheur qui est dans une université bilingue ou anglophone et qui fait de la recherche en français ne peut pas soumettre sa demande de financement en français, parce que les instances dans son établissement n'ont pas la capacité d'évaluer sa demande en français. Rappelons qu'il est question de demandes de plusieurs dizaines de pages. Ainsi, soit le chercheur ne la soumet pas, soit il la rédige en anglais, ce qui n'est pas sa langue première. On peut supposer que le niveau de la qualité d'une telle demande n'est pas le même que si elle était effectuée dans la langue d'origine du chercheur. Ainsi, il y a un problème à la base.
Il n'y a pas d'égalité réelle entre les chercheurs qui font de la recherche en anglais, bien qu'ils soient tout à fait en droit de le faire. Ma position n'en est pas une de confrontation; je cherche plutôt à favoriser l'égalité réelle. Au Canada, on a le droit de vouloir étudier en français, de faire de la recherche en français et d'enseigner en français. On devrait avoir accès aux mêmes conditions que les chercheurs et les étudiants qui choisissent de le faire en anglais, tout simplement. Tous les chiffres montrent que ce n'est malheureusement pas le cas.
Voulez-vous réagir ou préférez-vous que je poursuive?
La position de mon organisation quant au projet de loi et aux consultations qui ont eu lieu cet été sur le Plan d'action pour les langues officielles n'a rien à voir la défense des enveloppes accordées à la recherche. Ce sont les conseils subventionnaires qui ont leur budget de recherche.
Je travaille à faciliter les conditions d'accès aux demandes de financement et cela passe par le fait de soutenir la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire, là où sont les chercheurs francophones, qui sont d'ailleurs très bien implantés dans leur communauté. À l'heure actuelle, je ne peux pas obtenir de financement — à un moment donné, on va parler d'argent — du ministère du Patrimoine canadien pour soutenir ces efforts. Je ne parle pas du fait d'obtenir du financement pour soutenir la recherche, car ce sont les conseils subventionnaires qui le font. S'il avait un ancrage plus fort dans la Loi pour le savoir en français, le ministère du Patrimoine canadien pourrait créer et accueillir des projets qui soutiennent la vitalité scientifique francophone dans toutes les provinces et les villes où il y a des communautés francophones.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs présentations.
Je vais d'abord m'adresser à Mme Montreuil.
Vous dites que la recherche en français est en déclin au Canada. Nous sommes d'accord là-dessus. Pensez-vous que ce déclin est lié au financement des universités?
Par exemple, à l'extérieur du Québec, il y a l'Université de l'Ontario français, qui est nouvelle. En général, il y a très peu d'universités francophones relativement au poids démographique des francophones. Pensez-vous que cela est lié au déclin de la recherche en français au Canada?
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Ma prochaine question s'adresse à M. Boucher ou à M. Beaudry, de la Société de la francophonie manitobaine.
Selon les dernières données de Statistique Canada, le déclin du français au Manitoba s'est poursuivi. C'est ce que révèlent presque tous les indicateurs, notamment celui de la première langue officielle parlée. Les personnes qui parlent français à la maison de façon prédominante représentent 1,1 % de la population au Manitoba.
Considérez-vous que le gouvernement manitobain et, jusqu'à un certain point, le gouvernement fédéral, ont permis aux mesures interdisant le français au Manitoba d'être mises en vigueur? Devrait-on accorder une forme de réparation? Sentez-vous qu'il y a une volonté de réparer les injustices du passé?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à nos témoins. Évidemment, je suis très contente de voir des gens de la Société de la francophonie manitobaine à notre comité.
J'aimerais commencer sur une note un peu personnelle. J'en ai d'ailleurs déjà parlé au Comité.
Je suis une francophile du Manitoba, et toute ma génération a pu avoir accès à une éducation en français. Pour ma part, cela s'est fait en immersion. On doit beaucoup au travail et à la lutte de la Société de la francophonie manitobaine. Cela se poursuit aujourd'hui, et c'est grâce à vous.
J'aimerais aussi souligner l'existence de la Division scolaire franco-manitobaine, qui nous donne l'occasion d'envoyer nos enfants dans ses écoles afin qu'ils puissent apprendre le français.
Le 7 septembre dernier, j'ai eu le grand privilège de pouvoir envoyer mes jumeaux — vous en avez vu un plus tôt — à l'école communautaire La Voie du Nord ici, à Thompson, une communauté qui n'a pas d'héritage francophone, mais où habitent plusieurs francophones. C'est une école qui répond au désir manifeste des Manitobains de ma génération de donner l'occasion à leurs enfants de parler le français. On ne peut pas tenir cela pour acquis. C'est possible grâce à votre travail.
Cette lutte doit se poursuivre, et, pour cela, il faut prendre plusieurs mesures, incluant la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il faut combler les lacunes existantes, dont vous avez parlé aujourd'hui.
Encore une fois, je vous dis un grand merci.
J'aimerais maintenant vous poser quelques questions.
Monsieur Boucher, nous avons souvent parlé avec vous et d'autres personnes de la Société de la francophonie manitobaine de l'importance de l'immigration francophone pour lutter contre le déclin démographique dans les communautés en situation minoritaire. Nous espérons enchâsser des cibles de rattrapage dans la Loi, alors que le projet de loi n'en contient pas présentement.
Quelle est l'importance d'un rattrapage démographique pour une communauté francophone comme celle-ci, au Manitoba?
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Je vous remercie beaucoup, madame Ashton.
Nous sommes ravis d'avoir une école française à Thompson et de savoir que vos enfants peuvent en profiter.
En ce qui concerne l'importance de redresser les chiffres et d'établir des cibles de rattrapage démographique au Manitoba, lors du dernier recensement, nous avons vu des tendances inquiétantes, mais, d'un autre côté, le travail que nous avons fait en matière d'immigration francophone depuis plusieurs années nous permet d'être optimistes pour l'avenir. Cela répond un peu à la question de M. Beaulieu.
Par contre, il faut que le gouvernement canadien et le gouvernement provincial travaillent ensemble pour atteindre ces cibles, car nous ne sommes pas en voie de les atteindre. Il est absolument essentiel que l'on mette en place tous les programmes et services nécessaires pour ce faire.
Le Manitoba est très bien soutenu à cet égard. Depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral investit dans l'immigration francophone. Cependant, il manque encore quelque chose. Nous n'atteignons pas les cibles en matière d'immigration francophone, alors le projet de loi doit établir des cibles très concrètes, parce que c'est une des façons de combler l'écart démographique. S'il n'y a pas de mesures beaucoup plus robustes dans le projet de loi C‑13, quoique je pense qu'on a fait quand même un grand bout de chemin, on n'avancera pas. Selon nous, ce serait rater une occasion que de ne pas être le plus explicite possible dans le projet de loi C‑13.
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Je vous remercie de votre réponse.
J'aimerais maintenant aborder les dispositions linguistiques, un sujet que vous avez soulevé. C'est l'une des priorités de la FCFA, la Fédération des communautés francophones et acadienne. Nous appuyons cette mesure et nous croyons, comme l'ont dit plusieurs, que cela donnera plus de force à la Loi sur les langues officielles.
La question de l'éducation est primordiale pour les communautés francophones en situation minoritaire, comme ici, au Manitoba. Les outils que se sont donnés les différents ministères du gouvernement ne permettent pas de financer la mission éducative des établissements d'enseignement. Du préscolaire au postsecondaire, le fédéral n'est pas le partenaire fiable qu'il devrait être.
Par exemple, depuis les dernières années, la garderie francophone de la DSFM, la Division scolaire franco-manitobaine, fait face à une pénurie de main-d'œuvre assez sérieuse. Nous pouvons en témoigner, puisque nous l'avons appuyée dans ses efforts pour y remédier. Nous savons aussi qu'il y a plusieurs autres problèmes, notamment en ce qui concerne l'immigration. Il y a un manque de financement pour inciter les gens à venir travailler chez nous et enseigner à nos enfants. Le gouvernement ne finance que des projets ponctuels, et les institutions d'enseignement vont chercher la moitié de leur financement ailleurs.
Pensez-vous que les dispositions linguistiques joueront un rôle important dans la résolution de cette crise?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Bonjour, madame Montreuil. Ma première question s'adresse à vous.
Dans votre esprit, qu'est-ce qu'une mesure positive? On en parle beaucoup dans le projet de loi et nous en avons parlé avec plusieurs témoins, qui nous ont dit que c'était important. Cependant, quelles sont-elles, concrètement? On semble dire qu'on va les appliquer par règlement par la suite et qu'on va les inventer ou, en tout cas, leur trouver une définition. Qu'est-ce que cela représente pour vous?
C'est une bonne question, n'est-ce pas?
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Oui, c'est une excellente question et j'y répondrai de mémoire parce que je n'ai pas mon ordinateur pour aller chercher le texte exact du projet de loi .
J'ai mentionné plus tôt les changements que nous proposons d'apporter aux éléments du projet de loi portant sur les mesures positives.
Les mesures positives constituent un levier pour inciter l'ensemble de l'appareil gouvernemental à respecter et épouser les principes de la loi. Nous proposons des changements de formulation parce que les mots utilisés dans les passages sur les mesures positives sont autant de leviers pour des organisations comme la mienne, par exemple, pour qu'elles s'assurent de rappeler à certaines instances ou organisations, certains ministères et autres, leurs obligations découlant de la loi.
Je vous donne un exemple. À l'alinéa qui commence par « à appuyer la création et la diffusion d'information scientifique en français, » nous proposons d'ajouter « notamment en soutenant la recherche et la vie scientifique en français. »
Concrètement, cet ajout proposé nous donnerait un levier pour dire au ministère du Patrimoine canadien que nous soutenons, dans les limites de nos moyens, car nous n'avons pas l'argent pour le faire, nos chercheurs, étudiants, professeurs aguerris, bénévoles dans toutes nos antennes au Canada. Ils font un travail remarquable pour que le français et des activités en français existent au sein de leurs établissements, mais aussi dans leurs communautés, et nous considérons que cela revient au pays de soutenir la vitalité de ces communautés.
Une mesure positive ainsi formulée nous donne un levier de plus pour interpeller, par exemple, le ministère du Patrimoine canadien et lui rappeler ses obligations.
Vous croyez peut-être que, dans le domaine de la recherche, les conseils subventionnaires s'occupent de tout et que la chose est réglée, mais ce n'est pas le cas. La dynamique est également transversale, car, pour soutenir la recherche, il faut aussi soutenir la vie scientifique et communautaire ainsi que l'épanouissement des étudiants, si nous voulons que ces derniers poursuivent leurs travaux de recherche en français et restent dans leur communauté plutôt que de s'exiler dans une autre province.
Un organisme comme le ministère du Patrimoine canadien, par exemple, pourrait avoir une responsabilité beaucoup plus grande à cet égard.
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Nos demandes relatives à la modification de la Loi sur les langues officielles sont, somme toute, assez simples. Elles se résument à changer un mot pour un autre et à ajouter une incise à un certain endroit. Aussi modeste cela soit-il, cela aura un effet majeur pour une organisation comme la nôtre. C'est la première fois que, dans la Loi sur les langues officielles, on fait mention du savoir francophone et de la recherche en français. C'est un gain pour nous.
Nous demandons que l'on en fasse un peu plus pour que les chercheurs à l'extérieur du Québec, notamment en situation de francophonie minoritaire, aient de meilleures conditions au fil des ans, en vue de ralentir, voire de stopper le déclin de la recherche en français au Canada. Personne n'a avantage à ce qu'il n'y ait plus de recherche qui se fasse sur des populations locales francophones, anglophones ou d'autres expressions linguistiques. La pluralité des points de vue, le multilinguisme et le multiculturalisme au Canada sont importants. Il faut s'assurer d'avoir des études là-dessus.
Dans notre cas, c'est la recherche en français que nous défendons. C'est important pour que les études et les données se répercutent dans les politiques publiques qui servent la population, les établissements et les institutions. Nous proposons des changements qui vont un peu plus loin pour nous assurer d'avoir une prise un peu plus serrée, afin que tous les secteurs ciblés par les mesures positives soient interpellés par l'ajout concernant les savoirs et l'importance de soutenir la production et la diffusion de ceux-ci.
Ai-je répondu à votre question?
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D'accord, monsieur le président.
En fait, l'Acfas fait la promotion de la recherche en français à l'échelle du Québec et du Canada, et même sur la scène internationale. Depuis 100 ans, la mission n'a pas changé. Nous sommes bien servis par le gouvernement du Québec en matière de financement. Je me permets de le dire.
Je me permets d'ajouter un élément important. Le gouvernement du Québec nous a octroyé très récemment du financement à deux reprises en vue de la création du service d'aide à la recherche en français. Il s'agit d'un service inédit que notre organisation va créer au cours des prochains mois et qui ne s'adresse aucunement aux chercheurs du Québec, mais uniquement aux chercheurs francophones en situation minoritaire.
À l'heure actuelle, nous ne recevons aucune somme du fédéral pour ce service. Notre financement ne provient que du secteur privé et du gouvernement du Québec.
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Merci, madame Montreuil.
Je remercie nos témoins d'aujourd'hui. Pour ceux dont c'était la première expérience, je rappelle que le temps de parole alloué pour chaque question a été déterminé à l'avance, d'un accord mutuel. Donc, si j'ai eu l'air d'une personne qui a une main de fer dans un gant de velours, je rappelle que je n'ai fait qu'appliquer les règles que nous avions établies.
Chers témoins, merci pour vos témoignages. Si vous croyez avoir des informations supplémentaires que vous n'avez pas eu le temps de nous soumettre, étant donné le peu de temps accordé pour les questions et les réponses, vous pouvez les faire parvenir par écrit à notre greffière, qui va nous les envoyer.
Avant de lever la séance, j'aimerais vous rappeler, chers membres, que, jeudi, il n'y aura pas de réunion, et que, mardi prochain, la dernière demi-heure sera consacrée à des travaux du Comité pour établir la liste des témoins en fonction de la représentation des partis politiques et pour voter sur une motion concernant de l'information qui nous a été demandée.
La séance est levée.