Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la 116e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
Afin de prévenir les incidents acoustiques, je demande aux participants présents en personne de lire les lignes directrices mises à jour qui sont inscrites sur les petites cartes se trouvant sur la table.
De plus, je rappelle les points suivants. Je demande aux participants d'attendre que je les reconnaisse avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Je demande aussi aux membres du Comité de lever la main s'ils souhaitent parler, qu'ils participent à cette réunion en personne ou par Zoom. La greffière et moi ferons tout notre possible pour respecter l'ordre dans lequel les gens auront levé la main pour demander la parole.
Conformément à l'article 108(3)f) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 29 avril 2024, nous allons poursuivre notre étude sur le continuum de l'éducation dans la langue de la minorité. La première heure sera consacrée à la comparution de témoins, que je vous présente immédiatement.
Je souhaite la bienvenue d'abord à M. Daniel Giroux, qui est le président du Collège Boréal.
Nous recevons également deux représentantes de la Fédération des conseils scolaires francophones de l'Alberta, soit sa directrice générale, Mme Bourque, et sa présidente, Mme Maisonneuve.
Bienvenue à tous.
M. Giroux a déjà comparu devant le Comité, mais je crois que c'est une première comparution dans le cas de Mmes Maisonneuve et Bourque. Je vais donc expliquer notre façon de fonctionner. C'est simple, j'accorde à chaque organisme cinq minutes pour présenter ce qu'il souhaite nous faire connaître. Je suis sévère dans la gestion du temps, autant pour les témoins que pour toutes les autres personnes autour de la table. L'objectif est de maximiser le temps dont chacun dispose pour s'exprimer ou poser des questions, afin que la réunion soit plus dynamique.
Je commencerai par céder la parole à M. Giroux pour cinq minutes.
Je précise que c'est bien cinq minutes selon les normes du Nouveau‑Brunswick, et non selon celles du Nord de l'Ontario.
C'est parfait. Merci beaucoup, monsieur le président. Ma collègue la vice-présidente vient du Nouveau‑Brunswick, donc je comprends très bien ça.
Je m'appelle Daniel Giroux et je suis le président du Collège Boréal.
Parmi les 24 collèges que compte l'Ontario, deux sont francophones, dont le Collège Boréal. Ce dernier est établi sur un vaste territoire. En effet, il est réparti sur 37 sites dans 27 collectivités. Il offre plus de 70 programmes d'études de niveau postsecondaire ou régulier ainsi que des programmes de formation pour des métiers.
Chaque année, nous voyons défiler dans notre établissement environ 23 500 étudiants et clients. Le continuum et les liens que nous entretenons avec nos conseils sont donc très importants pour nous.
Cette année, le Collège Boréal a reçu une très bonne nouvelle: il est le seul collège ontarien à avoir enregistré une croissance du nombre d'étudiants canadiens au cours des trois dernières années. Nous avons notamment connu une augmentation de 15,1 % du nombre d'étudiants et étudiantes de première année. C'est une excellente nouvelle pour nous.
Tout comme les étudiants, les 24 collèges de l'Ontario reçoivent chaque année un bulletin, qui est affiché sur leur site Web. Ayant cours depuis 24 ans, cette pratique vise à mesurer des éléments comme la satisfaction des étudiants, des diplômés et des employeurs qui embauchent nos diplômés. À 21 reprises pendant ces 24 années, le Collège Boréal a obtenu le meilleur bulletin parmi tous les collèges de l'Ontario. Nous en sommes extrêmement fiers.
Par ailleurs, le Collège Boréal est le seul collège de l'Ontario qui garantit un emploi. C'est une initiative que nous avons appelée la « Garantie Boréal »: lorsqu'on obtient son diplôme du Collège Boréal et qu'on ne trouve pas d'emploi dans son domaine dans un délai d'un an, le Collège Boréal paie la totalité des frais de scolarité. C'est dire à quel point nous faisons confiance à la qualité de notre formation.
Aujourd'hui, j'aimerais aborder trois éléments.
Le premier, c'est la question de la bonification du Programme des langues officielles en [difficultés techniques].
On vous a perdu, monsieur Giroux. Pourtant, je ne crois pas que vous êtes en sourdine, à moins que vous ayez touché par erreur un petit bouton, car je vois une lumière rouge sur votre casque d'écoute. Ne vous inquiétez pas, j'ai arrêté le chronomètre pendant que nous tentons de régler ce problème.
Attendez, on m'indique qu'il y a peut-être un problème technique dans la salle. Nous allons laisser le temps aux techniciens de s'en occuper.
On me dit que le problème est maintenant réglé.
Est-ce que tout le monde entend M. Giroux sur Zoom?
J'espère que vous m'avez entendu parler de la « Garantie Boréal », selon laquelle nous garantissons un emploi à nos diplômés.
Notre première demande est la bonification du Programme des langues officielles en enseignement, dont le financement est gelé depuis 2003. Cela signifie que notre collège reçoit exactement le même financement de base en vertu de ce programme depuis 2003. Cela fait quasiment 21 ans. Étant donné la hausse cumulative du coût de la vie, cela a fait diminuer de près de 70 % notre pouvoir d'action, ce qui est énorme.
En 2021, on a promis d'augmenter le financement des institutions postsecondaires francophones et bilingues à 80 millions de dollars par année, et ce, de façon permanente. Alors, nous demandons que notre financement soit augmenté à 80 millions de dollars par année, comme cela a été promis en 2021, plutôt que de le maintenir à 32 millions de dollars par année.
Notre deuxième demande vise la création d'une nouvelle bourse pour étudier en français. On sait que le ministère du Patrimoine canadien offre des bourses de 3 000 $ aux étudiants qui s'inscrivent à un programme francophone. Cependant, cette bourse est seulement offerte aux étudiants en provenance des conseils scolaires anglophones qui ont suivi un programme d'immersion. Alors, tous les étudiants et les étudiantes des conseils scolaires francophones n'ont pas accès à cette bourse.
C'est là que se manifeste la question de l'assimilation cumulative. C'est un problème pour nous, au Collège Boréal. De fait, 50 % des étudiants des conseils scolaires francophones décident d'étudier en anglais plutôt que de suivre le même programme offert en français au Collège Boréal.
Alors, pour nous, il est crucial qu'on offre une bourse aux étudiants des conseils scolaires francophones pour qu'ils poursuivent leurs études en français.
Notre troisième demande porte sur la réforme d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Selon les prévisions, la proportion d'immigrants francophones atteindra, on l'espère, 8 % d'ici 2026. Cependant, les décisions prises récemment auront pour effet d'exclure des étudiants internationaux qui veulent s'inscrire à des programmes d'études qui sont critiques pour nos communautés, comme des programmes d'éducation à la petite enfance, des programmes de technologie, notamment en génie électrique, et des programmes pour devenir technicien en machinerie lourde. Ces étudiants ne seront plus admissibles à un permis d'études au Canada.
Pour la francophonie, il est donc essentiel d'élargir les programmes pour encourager les étudiants internationaux, parce que cela vient augmenter considérablement la richesse de la francophonie partout au Canada.
C'est tout ce que j'avais à vous dire pour l'instant.
Messieurs et mesdames les députés, au nom des conseils scolaires francophones de l'Alberta, je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Sylvianne Maisonneuve et je suis la présidente de la Fédération des conseils scolaires de l'Alberta, ou FCSFA. Fondée en 1995, la FCSFA regroupe les quatre conseils scolaires francophones de l'Alberta. Ces derniers ont créé la FCSFA afin de se donner un instrument de concertation, de collaboration, de revendication et de pression politique. Ce regroupement permet aux quatre conseils scolaires de collaborer dans des dossiers d'intérêt commun et dans l'offre de service de l'ensemble des écoles francophones de la province, tout en maintenant la pleine autonomie de chacun des conseils.
En date du mois de septembre 2024, environ 9 550 élèves fréquentaient les 45 écoles francophones de l'Alberta, de la maternelle à la 12e année. Pourtant, le Recensement de 2021 révélait que plus de 67 000 enfants albertains avaient droit à une instruction dans une école de langue française. Après l'Ontario, il s'agit de la province observant le plus grand nombre d'enfants ayant droit à la scolarisation en français hors Québec. Or, seule une fraction de ceux-ci y ont accès et fréquentent une école de langue française en Alberta.
Pourquoi existe-t-il une telle différence entre le nombre d'élèves fréquentant les écoles francophones de l'Alberta et le potentiel de fréquentation?
L'un des défis majeurs expliquant cette différence est le sous-financement des conseils scolaires francophones de l'Alberta. Ces derniers ont longtemps hérité des infrastructures désuètes dont les conseils scolaires anglophones n'avaient plus besoin. Les conseils scolaires francophones doivent donc dépenser une partie de leur budget pour le maintien de leurs édifices. Ils doivent également fournir le transport scolaire à des élèves dispersés sur un grand territoire.
Aussi, certaines stratégies liées à la programmation scolaire sont conçues par le ministère pour l'ensemble du système d'éducation de la province. Cependant, certains éléments de ces stratégies ne permettent pas leur application dans le système francophone.
Dans ce contexte, chaque dollar versé par Ottawa au réseau des écoles de langue française en milieu minoritaire est un pas dans la bonne direction. Cela permet aux conseils scolaires de l'Alberta d'offrir certaines initiatives qui ne seraient pas possibles sans cela. Cependant, cela demeure quand même insuffisant, compte tenu des défis énormes à surmonter.
En juin 2020, la Cour suprême du Canada a prononcé un jugement stipulant que la province de la Colombie‑Britannique sous-finançait systématiquement le réseau d'éducation francophone. Depuis ce temps, les conseils scolaires francophones de l'Alberta constatent une certaine amélioration. Cela se manifeste par l'obtention de nouvelles écoles, par des projets de rénovation d'écoles ou encore par la planification de projets à venir. Il y a quand même tout un travail de rattrapage à faire afin d'obtenir des infrastructures scolaires pouvant concurrencer celles de la majorité et permettant des trajets d'autobus raisonnables pour les élèves.
Pour nos communautés, l'école francophone est souvent le carrefour où tout se passe. Par contre, les espaces communautaires ne sont pas pris en compte par la province. Les enfants vivant en milieu minoritaire doivent pouvoir bénéficier du français dès leur plus jeune âge. Malheureusement, nous ne pouvons fournir de places en milieu préscolaire que dans les cas où nous en avons de disponibles, ce qui n'est pas toujours le cas. La contribution fédérale au financement d'espaces communautaires lors de la construction de nouvelles écoles est donc cruciale à la survie des communautés francophones en milieu minoritaire.
Embaucher et maintenir suffisamment de personnel qualifié dans les conseils scolaires francophones de l'Alberta demeure un défi de taille, tout particulièrement dans les communautés rurales de la province. Certes, le Campus Saint‑Jean est un établissement d'enseignement postsecondaire très important qui permet de favoriser le recrutement de nouveaux employés. Cela dit, les francophones issus de l'immigration comblent également certains besoins en ressources humaines. À ce sujet, il est important de mentionner qu'au cours des dernières années, l'immigration a contribué à l'augmentation du nombre d'élèves fréquentant les écoles francophones de l'Alberta, et c'est toujours le cas aujourd'hui même.
D'une part, le sous-financement chronique des conseils scolaires francophones de l'Alberta freine l'accès à une éducation en français pour les ayants droit et les nouveaux arrivants francophones. D'autre part, il constitue un obstacle au développement et à la consolidation du continuum éducatif en français langue première en contexte minoritaire. Le dénombrement des ayants droit est crucial pour les revendications que doivent mener les conseils scolaires francophones en milieu minoritaire.
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Dans un contexte où le Canada est un pays bilingue, le soutien du gouvernement fédéral a un effet direct sur le développement des communautés francophones minoritaires, ce qui inclut le système d'éducation. D'un côté, il faut célébrer un bilan très positif de 30 ans de gestion scolaire francophone en Alberta; de l'autre, en vertu de ce que prévoit l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, le droit à l'instruction en français n'est pas respecté lorsque des parents raisonnables pourraient être dissuadés d'envoyer leurs enfants dans une école de langue française puisque l'école de langue anglaise leur offre une meilleure expérience éducative. Malgré les efforts...
Merci, madame Maisonneuve. Vous allez pouvoir nous en dire davantage en répondant aux questions des membres du Comité, j'en suis certain.
Comme c'est la première fois que vous témoignez devant le Comité, je vous précise que, lors du premier tour de questions, chaque formation politique disposera de six minutes.
Nous allons commencer par le Parti conservateur, plus précisément par un député francophone de la Colombie‑Britannique.
Monsieur Dalton, vous avez la parole pour six minutes.
Monsieur Giroux et madame Maisonneuve, merci beaucoup de vos témoignages. Ils sont importants pour nous.
Monsieur Giroux, vous avez mentionné que le Collège Boréal avait 36 ou 37 sites. Je ne me souviens plus du nombre exact. Où est situé votre plus grand site?
Il y a certainement quelques-uns de ces sites qui sont petits. Comment cela fonctionne-t-il sur le plan de la collaboration? Y a-t-il beaucoup de cours offerts en ligne?
Il y a 37 sites répartis dans 27 communautés. Le plus grand campus est celui situé à Sudbury, soit à environ quatre heures au nord de Toronto. Il s'agit du campus principal. Le deuxième site en importance est celui de Toronto et le troisième est celui d'Ottawa. Pour ce qui est des autres sites, ils sont dispersés de Windsor jusqu'à Timmins, dans le Nord de l'Ontario.
Selon notre modèle, nous n'offrons pas seulement des programmes postsecondaires ou des programmes réguliers, mais aussi des programmes liés à l'emploi et des services en immigration. Nous avons 14 sites où de la formation est offerte. Nous offrons des services d'établissement pour le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Nous offrons aussi des services de formation langagière, en français et en anglais. De plus, nous avons conçu un modèle d'intégration socioéconomique pour que tous les nouveaux arrivants trouvent non seulement un emploi à court terme, mais aussi un emploi à moyen et à long terme, ce qui nécessite parfois de suivre de la formation ou un programme de mise à niveau. Grâce à nos différents modèles et services, tous ces sites sont viables.
L'autre élément sur lequel nous misons, c'est la technologie. Le Collège Boréal a toujours été très avant-gardiste. Par exemple, nous utilisons le système de vidéoconférence depuis 1995. Nous utilisons souvent la nouvelle technologie, comme l'application Zoom Webinars.
Dans les petites communautés, comme Hearst ou Kapuskasing, parfois il y a seulement deux ou trois étudiants dans le programme d'éducation à la petite enfance. À Windsor, il peut parfois y en avoir cinq ou six. Au total, cependant, le Collège Boréal accueille 252 étudiants chaque année uniquement dans les programmes postsecondaires réguliers d'éducation à la petite enfance. S'ajoutent à cela plus de 150 élèves en apprentissage qui travaillent déjà dans des garderies. C'est donc de 450 à 500 étudiants et étudiantes chaque année, seulement dans le domaine de la petite enfance. Sans...
Je me permets de vous interrompre, car j'aimerais vous poser d'autres questions, à vous et aux autres témoins.
J'aimerais que vous nous parliez un peu des frais de scolarité. Ceux-ci ont-ils considérablement augmenté?
J'aimerais aussi que vous nous parliez de l'importance des nouveaux arrivants pour le Collège Boréal et que vous nous indiquiez quel pourcentage ils représentent parmi vos étudiants.
Par ailleurs, je suis un peu surpris d'apprendre que les étudiants provenant des programmes d'immersion peuvent solliciter une bourse, mais pas les étudiants provenant des écoles des conseils scolaires francophones. J'ai peut-être mal compris.
Si vous pouviez nous dire tout ça en 45 secondes, ce serait bien.
Pour ce qui est des frais de scolarité, ils sont de seulement 2 700 $ par année. Ce sont les plus bas à l'échelle nationale. Si nous tenons compte des subventions provinciales et des frais de scolarité, nous sommes à 44 % de la moyenne nationale. Il y a eu une légère baisse de 13 % des frais de scolarité en 2019, et ils ont été gelés depuis. Il s'agit donc de frais de scolarité très modiques pour l'Ontario.
Pour ce qui est de la bourse pour étudier en français, cela a été un choc pour nous aussi ainsi que pour les 12 conseils scolaires francophones de l'Ontario. Il n'est pas acceptable d'encourager uniquement les jeunes ayant suivi un programme d'immersion chapeauté par un conseil scolaire anglophone. Souvent, un programme d'immersion se résume à un cours en français. La définition de ce qui constitue un programme d'immersion n'est pas toujours claire.
Si on veut vraiment encourager le continuum de l'éducation, il faut absolument donner les mêmes avantages et occasions aux étudiantes et étudiants issus des conseils scolaires francophones qu'à ceux issus des conseils scolaires anglophones.
J'aimerais maintenant m'adresser à Mme Maisonneuve. D'ailleurs, j'ai de la parenté en Alberta qui porte le nom de Maisonneuve.
Premièrement, j'aimerais parler de l'importance des nouveaux arrivants dans les conseils scolaires francophones. Je sais que, selon la Constitution, les parents canadiens dont le français est la langue première ont le droit d'envoyer leurs enfants à l'école francophone, mais les nouveaux arrivants qui parlent français n'ont pas le même droit.
Comment cela fonctionne-t-il en Alberta? Le gouvernement provincial ouvre-t-il la porte aux nouveaux arrivants qui parlent français?
Ma réponse à cette question est oui. Heureusement, les conseils scolaires francophones ont le droit de gérer leurs admissions aux écoles dans toute la province sans l'intervention du gouvernement. De ce côté, nous avons une autonomie, et c'est très bien.
J'aimerais donner la parole à Mme Bourque, si elle veut ajouter quelque chose.
Oui, je confirme que c'est à nous que revient la gestion des inscriptions. Si les parents peuvent démontrer qu'ils ont fréquenté des écoles francophones dans leur pays, nous pouvons accepter leurs enfants dans nos écoles.
Madame Bourque, madame Maisonneuve et monsieur Giroux, je vous remercie de vos présentations d'aujourd'hui. Vous avez différentes perspectives. D'une part, vous nous avez parlé de la situation en Alberta; d'autre part, de celle à Sudbury et ailleurs en Ontario.
Je vais poser un peu les mêmes questions aux deux organisations, en commençant par M. Giroux.
Premièrement, j'aimerais féliciter le Collège Boréal et ses employés dans tout l'Ontario pour le travail exceptionnel qu'ils font non seulement pour l'éducation en français, mais aussi pour l'immigration, le développement économique et l'agriculture. Je suis content que vous soyez ici encore une fois pour nous en parler, monsieur Giroux.
Comme vous le savez, on a déjà abordé le continuum de l'éducation au niveau postsecondaire. Aujourd'hui, on veut se concentrer un peu sur la petite enfance.
Votre établissement d'enseignement forme des éducateurs dans le domaine de la petite enfance. On sait qu'il y a une pénurie d'éducateurs et des problèmes de certification, et que l'immigration entre en ligne de compte. Pouvez-vous nous décrire un peu les défis que vous avez en tant qu'établissement d'enseignement?
De la même façon, j'aimerais vous demander, madame Maisonneuve, quels sont les défis en Alberta. Ils sont un peu différents de ceux du Collège Boréal, parce que vous représentez en quelque sorte les employeurs.
Monsieur Giroux, tout d'abord, pouvez-vous nous en dire davantage sur le financement des garderies ainsi que sur la pénurie de personnel, son recrutement et sa rétention?
Merci, monsieur Serré. C'est toujours un plaisir de vous voir.
Le programme d'éducation à la petite enfance est assurément le plus vaste de tous les programmes du Collège Boréal. Du côté postsecondaire et régulier, nous comptons 252 étudiants cette année. Il y a aussi le volet de l'apprentissage, qui vise les personnes qui travaillent déjà en garderie et les autres modèles de formation, comme les cours en ligne. Le nombre d'étudiants dans ce volet varie entre 150 et 200 par année. C'est énorme pour le Collège Boréal.
Malgré ces efforts, nous ne pouvons pas fournir assez de diplômés à nos partenaires. Par exemple, à Sudbury, quatre garderies francophones ont fermé leurs portes par manque d'éducatrices francophones. Des garderies ne peuvent pas ouvrir leurs portes, bien qu'il y ait une liste d'attente incroyable.
Je donne un autre exemple. Michelle Boileau, qui est la mairesse de Timmins, une ville située à seulement trois heures de route au nord de Sudbury, vient d'avoir un deuxième enfant et disait que le temps d'attente pour une place en garderie francophone était de 18 mois. Il n'y a aucune place pour les enfants de la francophonie. C'est le début de l'assimilation lorsqu'on force les enfants à fréquenter des garderies anglophones. C'est pourtant le début du continuum. Tout commence vraiment à la garderie. C'est un besoin énorme.
Les étudiants étrangers occupent une grande place pour nous. Ils constituent près de 50 % de notre population étudiante. À la suite de l'annonce de places en garderie à 10 $ par jour, ce qui constitue une bonne nouvelle pour les parents, on a observé une grande croissance des besoins. Les parents veulent avoir droit à ces places en garderie. Or, selon l'annonce faite par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, les étudiants étrangers ne seront plus admissibles aux programmes d'éducation pour les services à l'enfance. Nous allons donc perdre 50 % de nos étudiants dans le secteur de la petite enfance, alors qu'il y a déjà une pénurie. Ce sera un désastre complet. D'un côté, on favorise les places à 10 $ par jour, mais, de l'autre, on nous coupe les jambes en incluant dans les mesures restrictives d'immigration une main-d'œuvre qualifiée, malgré le besoin d'avoir plus de garderies francophones.
Pour nous, c'est la crise. C'est dommage pour nos partenaires, pour les garderies communautaires, pour nos conseils scolaires, et pour tout le continuum. Cela représente un des plus grands dossiers et la plus grande préoccupation pour la francophonie en Ontario.
Madame Maisonneuve, je vous pose un peu la même question. Que pouvons-nous faire pour inciter nos étudiants du secondaire à présenter une demande au Collège Boréal ou à suivre des cours dans le domaine de l'éducation à la petite enfance?
C'est sûr qu'une intervention précoce dès la petite enfance est essentielle pour la suite de nos programmes d'éducation, de la maternelle jusqu'à la 12e année.
Pour ce qui est des finissants, la tendance actuelle en Alberta est d'offrir des programmes à double reconnaissance de crédit afin d'encourager les étudiants à apprendre un métier et à commencer leur formation professionnelle alors qu'ils sont encore au secondaire. Ces programmes sont très développés pour la majorité linguistique, mais ils le sont malheureusement moins pour la minorité.
Pour la petite enfance, des programmes d'études postsecondaires existent au Campus Saint‑Jean de l'Université de l'Alberta. On peut créer des partenariats de ce côté. Toutefois, des défis demeurent sur le plan de l'accessibilité. Comme vous le savez, la province de l'Alberta est très grande, comme c'est le cas de plusieurs autres provinces.
Je vais donner la parole à Mme Bourque pour qu'elle complète ma réponse.
Il faudrait certainement des campagnes de sensibilisation aux professions dans le domaine de la petite enfance.
Je dois aussi mentionner qu'en Alberta, la maternelle fait encore partie de la petite enfance et est seulement financée à 50 %. Les conseils scolaires francophones ont pris la décision d'offrir la maternelle à temps plein...
Excusez-moi, madame Bourque, mais je dois vous interrompre, car le temps de parole de six minutes a largement été dépassé. Vous pourrez peut-être continuer votre réponse lors d'une question qui sera posée plus tard.
Les conseils scolaires francophones de l'Alberta ont pris la décision difficile, en quelque sorte, d'offrir un programme éducatif à temps plein aux élèves de la maternelle, alors que les élèves anglophones fréquentent la maternelle seulement à temps partiel. Nous avons été obligés de le faire en raison des défis liés au transport scolaire. En effet, en raison du très grand territoire à couvrir, il serait impossible de ramener les petits à la maison, puis de revenir plus tard pour ramener les plus grands.
Dans ce contexte, une grande partie du financement fédéral que nous recevons dans le cadre du Programme des langues officielles en enseignement est utilisée pour financer la maternelle à temps plein. La maternelle à temps plein est une très bonne chose pour la francisation et pour le système, cependant il y a un manque de financement pour le secondaire. Nous manquons de ressources pour inciter les élèves à choisir des carrières, par exemple dans le domaine de la petite enfance. Nos écoles secondaires pourraient offrir des cours optionnels relatifs à des métiers pour permettre aux élèves de voir comment se passent certains cours postsecondaires, par exemple dans le domaine de la petite enfance. Cependant, notre financement ne permet pas d'avoir une telle programmation.
Bref, il faudrait une campagne de sensibilisation aux métiers de la petite enfance et des cours optionnels qui donneraient aux élèves un avant-goût d'une carrière dans ce domaine.
Monsieur Giroux, avez-vous dit que vous aviez de 4 000 à 5 000 étudiants en petite enfance et qu'il s'agissait surtout d'étudiants étrangers? Je n'ai pas bien compris. Pourriez-vous nous donner un peu plus d'explications?
En fait, il s'agit de 252 étudiants dans des programmes postsecondaires ou réguliers. Il y a différents modes d'apprentissage aussi. Certains étudiants travaillent déjà en garderie et suivent des cours à distance. C'est le cas de 150 à 200 étudiants environ. Au total, il y a à peu près 450 étudiants dans les programmes relatifs à la petite enfance, tous modes d'enseignement confondus.
Une des choses que nous avons commencé à faire est de travailler avec les diverses communautés. Par exemple, s'il y a une grande pénurie à Windsor, dans le Sud de l'Ontario, nous allons travailler avec les conseils scolaires et les garderies précisément pour faire du recrutement, un peu comme l'a évoqué Mme Bourque tantôt. Souvent, ce recrutement se fait non seulement chez les étudiants canadiens, mais aussi chez les étudiants internationaux.
Par exemple, depuis septembre 2024, nous offrons pour la première fois un programme d'études postsecondaires à Tunis, en Tunisie. De plus, nous allons offrir un deuxième programme à Rabat, au Maroc. Nous sommes présents dans ces villes et nous commençons déjà à y recruter des étudiants pour qu'ils viennent au Canada.
Saisir des occasions de faire connaître le Collège Boréal est l'une des stratégies sur lesquelles nous travaillons. Nous faisons la même chose dans plusieurs autres domaines, comme les métiers. C'est un exemple concret de ce que nous faisons pour appuyer les conseils scolaires et les garderies francophones présentement en crise.
C'est similaire. À la différence des cégeps, les collèges de l'Ontario peuvent aussi offrir des programmes de baccalauréat de trois ans et de quatre ans, par exemple en sciences infirmières, en travail social, en affaires ou en administration publique.
Nous offrons donc des programmes de deux ans ou de trois ans ainsi que des programmes de quatre ans. C'est un modèle collégial combiné avec un modèle quasi universitaire. Nous offrons des programmes pour une grande variété de métiers, allant des affaires ou des services communautaires jusqu'à l'environnement ou l'agriculture. C'est très varié.
Madame Maisonneuve, vous avez parlé d'un jugement rendu en juin 2020 qui a permis d'améliorer les choses. Pourriez-vous apporter un peu plus de précisions là-dessus?
En juin 2020, un jugement de la Cour suprême a été rendu dans une cause impliquant le Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique et la Fédération des parents francophones de Colombie‑Britannique, à titre d'appelants, et la province, à titre d'intimée. Ce jugement a marqué un tournant pour le Canada en entier. Ce jugement est venu appuyer grandement les revendications des conseils scolaires francophones partout au Canada et a poussé davantage toute l'idée de l'équivalence réelle. Ce principe signifie que, si un parent raisonnable juge qu'une école francophone n'offre pas de services équivalents à ceux offerts par une école anglophone dans les mêmes environs, alors il n'y a pas d'équivalence réelle. Ce jugement appuie grandement le pouvoir de revendication des conseils scolaires partout au Canada.
Devez-vous retourner devant les tribunaux chaque fois que vous voulez revendiquer vos droits? Ce jugement a-t-il apporté un grand changement pour votre organisation?
Cela nous a aidés un peu, bien sûr. Cela va-t-il nous éviter d'aller devant les tribunaux? La réponse est non. C'est un processus extrêmement difficile et épuisant. Cela prend beaucoup de temps. Ce n'est assurément pas l'idéal.
Je suis ravie que les témoins d'aujourd'hui comprennent des compatriotes de l'Alberta. Je suis très heureuse de vous voir toutes les deux. J'aurais aimé que vous puissiez vous joindre à nous en personne.
Il va sans dire que je suis extrêmement fière de représenter la circonscription d'Edmonton Strathcona. On y trouve le quartier francophone et une communauté francophone tellement dynamique, ainsi que le Campus Saint-Jean, où j'étudie le français.
Je dois dire que quand je suis devenue députée, je ne parlais pas un mot de français à cause de l'incapacité du système d'éducation de l'Alberta de m'offrir des possibilités d'apprentissage en immersion française. Depuis, j'ai commencé à suivre des cours au Campus Saint-Jean. Je vais donc vous poser quelques questions en français. Je vous demande votre indulgence parce que je suis encore en train d'apprendre.
[Français]
J'ai eu plusieurs rencontres avec des représentants de l'ACFA, soit l'Association canadienne-française de l'Alberta, et je sais qu'ils ont clairement démontré l'énorme écart entre le nombre de places disponibles dans les écoles francophones et le nombre d'enfants d'âge scolaire vivant dans un foyer francophone en Alberta ou dont les parents albertains veulent qu'ils reçoivent une éducation bilingue.
Ma circonscription, Edmonton Strathcona, compte cinq écoles francophones faisant partie du Conseil scolaire Centre‑Nord.
Ma question est la suivante. Combien d'écoles devrait-il y avoir, et combien d'autres écoles francophones faudrait-il en Alberta pour répondre à la demande?
Il faut dire que, il y a 30 ans, nous n'avions pas la gestion des écoles francophones. À cette époque, il y avait 360 élèves répartis dans deux écoles francophones. En 1994, soit 10 ans plus tard, il y avait 2 100 élèves répartis dans 14 écoles. Encore 10 ans plus tard, il y avait 6 000 élèves répartis dans 37 écoles. Présentement, nous avons 45 écoles pour accueillir 9 000 élèves. Si on estime qu'il y a 67 000 élèves admissibles à l'instruction en français, cela nous prendrait une centaine d'écoles, au bas mot, d'ici les 10 prochaines années.
Il faut comprendre que, dans une ville comme Edmonton, les gens cherchent à envoyer leurs enfants dans une école de quartier. Vous dites que votre circonscription, où j'habite aussi, compte cinq écoles francophones, mais chacune d'elles a un bassin couvrant peut-être 10 quartiers, alors qu'en réalité, les parents veulent une école de proximité, une école francophone dans leur quartier ou dans un rayon d'une dizaine de kilomètres.
Ce qui est hautement problématique pour les conseils scolaires francophones, ce sont les importantes sommes d'argent qu'ils doivent consacrer au transport scolaire, du fait qu'il n'y a pas assez d'écoles. Alors, au cours des 10 prochaines années, on pourrait certainement avoir besoin d'une centaine d'écoles francophones de plus en Alberta. J'imagine que bien d'autres provinces au Canada pourraient avoir le même besoin.
Les écoles de proximité sont donc très importantes pour offrir des services à la population francophone, et elles doivent aussi être d'une qualité équivalente à celle des écoles anglophones. Si on se retrouve seulement avec des écoles dont les anglophones ne veulent plus, c'est très problématique.
Par exemple, de la fin février à la fin juin, j'ai remplacé la direction d'une école de 260 élèves. L'école dans laquelle je me trouvais était louée à un conseil scolaire anglophone. L'établissement avait été construit pour accueillir des élèves de la septième année jusqu'à la neuvième année, mais j'avais des élèves de la septième année jusqu'à la douzième année. Cela peut vous donner une idée des problèmes que nous vivons dans les écoles.
Nous avons encore en Alberta des écoles francophones qui n'ont pas de gymnase ou qui ne peuvent pas offrir certains programmes, par exemple dans le domaine de la petite enfance, parce qu'elles n'ont pas les locaux nécessaires.
Je vais poser la question qui suit parce que je sais que beaucoup d'habitants d'Edmonton aimeraient inscrire leurs enfants à un programme d'immersion et que nous avions demandé que le Comité inclue la question de l'immersion dans la présente étude. C'est au‑delà de la portée de l'étude, mais j'aimerais tout de même parler du manque d'accès à l'éducation de langue française pour une grande partie de la population. Nous savons que l'éducation relève principalement de la province, mais le gouvernement fédéral a aussi des obligations dans ce domaine.
Pouvez-vous nous parler brièvement de la mesure dans laquelle il a été difficile pour vous de collaborer avec le gouvernement provincial là‑dessus? Nous savons que le gouvernement provincial a manqué à ses obligations de financer le Campus Saint-Jean. Bien entendu, le Campus Saint-Jean est l'établissement où la majorité des enseignants francophones font leurs études pour pouvoir travailler dans les écoles.
Cette question est complexe et il n'y a pas de réponse facile. D'un côté, nous avons obtenu des gains en collaborant avec le gouvernement provincial et, de l'autre, il y a des défis. Les voies de communication sont certainement ouvertes, mais la prise de décision est très lente...
Excusez-moi, madame Maisonneuve, mais je dois vous interrompre, car on a déjà dépassé six minutes et demie. Je veux qu'on puisse poser le plus de questions possible. C'était un début de réponse très intéressant. Vous aurez certainement la chance d'en dire davantage plus tard.
Madame Gladu, vous avez la parole pour cinq minutes.
Vous avez dit que vous aviez enregistré une croissance du nombre d'étudiants canadiens. Tous vos campus et vos programmes ont‑il connu la même croissance? Pouvez-vous nous fournir plus de détails là‑dessus?
Trois de nos campus principaux ont connu une croissance.
[Français]
Le premier est celui de Sudbury, à quatre heures de route au nord de Toronto. Le deuxième campus où nous observons une belle croissance est celui du centre-ville de Toronto, dans le quartier de la Distillerie. Je vous invite à le visiter si vous n'en avez pas encore eu la chance, car il s'agit d'un formidable campus. Le troisième campus en forte croissance est celui situé à Windsor, complètement dans le sud de la province.
C'est surtout dans les programmes pour les métiers et pour le domaine de la santé que nous avons vu une croissance incroyable. Quand je parle de métiers, il s'agit notamment des programmes dans les domaines de l'électricité, de la mécanique de la machinerie lourde, de la charpenterie et de la plomberie. Dans le domaine de la santé, il s'agit de programmes permettant de travailler en soins infirmiers auxiliaires ou comme préposé aux services de soutien personnel, par exemple. Ce sont les deux secteurs où nous avons observé une importante croissance.
Par ailleurs, nous avons vu aussi une grande croissance dans notre programme d'administration publique, un nouveau programme axé sur l'appui aux municipalités et aux communautés qui cherchent à embaucher des personnes bilingues. Il s'agit d'un programme en administration des affaires qui combine les volets communautaire, municipal, fédéral et provincial. Le programme compte actuellement 200 étudiants, et ces 200 étudiants ont trouvé des emplois à temps plein, ce qui est vraiment incroyable. Il y a une grande pénurie dans ce secteur de l'administration publique. Chaque fois que je me rends dans les communautés, la première chose que j'entends dire, c'est qu'on a besoin de gens bilingues pour travailler au sein des organismes.
C'est là que nous avons vu la plus grande croissance.
Vous avez constaté qu'il y avait un décalage entre la volonté du gouvernement d'offrir des places en garderie à 10 $ par jour et son annonce de réduire l'immigration pour les étudiants en éducation à la petite enfance. Je pense que la situation est semblable en ce qui touche la population vieillissante et la demande croissante de préposés aux services de soutien personnel et de personnel infirmier. Le gouvernement a réduit l'immigration au niveau collégial dans ce domaine aussi.
Quelle incidence ces réductions auront-elles sur vos collèges?
Pour ce qui est du programme d'éducation à la petite enfance, puisque les étudiants internationaux constituent 50 % de notre clientèle, cela veut dire que nous perdrons 50 % des nouvelles inscriptions dans ce programme. Nous perdrons donc la moitié des étudiants dans ce domaine.
Or, nous sommes l'un des plus grands fournisseurs d'éducatrices francophones en Ontario, sinon le plus grand. Si le Collège Boréal se voit réduire de moitié son nombre d'inscriptions et de diplômés, quelles seront les conséquences sur les services de garde et sur l'économie? Souvent, l'accès à des services de garde à 10 $ par jour est ce qui permet aux mamans et aux papas d'aller travailler. La crise sera donc énorme.
Il y aura des répercussions aussi sur le programme de baccalauréat de quatre ans en sciences infirmières que nous offrons. Les étudiants inscrits au programme en soins infirmiers auxiliaires, qui est de deux ans, sont admissibles à l'obtention d'un permis d'études par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, mais ceux inscrits au baccalauréat en sciences infirmières ne le sont pas. Cela veut dire que nous ne pourrons pas diplômer autant d'infirmières.
Pourtant, il y a une pénurie incroyable d'infirmières francophones et bilingues en Ontario. Des salles d'opération doivent fermer à cause du manque d'infirmières. Comme on le sait, la population de certaines communautés en Ontario se compose de 35 à 40 % de francophones. Si on n'a pas ces infirmières francophones et bilingues, ce sera une crise incroyable. Ce sera vraiment une perte pour nos communautés.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Bourque; elle concerne la volonté d'obtenir l'équivalence pour la langue française en Alberta.
Vous avez parlé du nombre d'écoles qu'il vous faudrait; le nombre est énorme. Y aurait‑il moyen de partager l'espace avec le conseil scolaire de langue anglaise et de créer des écoles bilingues afin de réduire la distance pour les parents?
Quand c'est possible, nous le faisons déjà. À Jasper, une école a été construite il y a environ huit ans et nous la partageons avec les anglophones. Ce n'est cependant pas la meilleure situation. Il faut comprendre que nos élèves en milieu minoritaire ont vraiment le goût de parler en anglais. Il est donc vraiment important de préserver les endroits qui leur permettent de parler le plus possible en français.
Il y a aussi des conseils scolaires anglophones qui nous ont donné des terrains. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de partage avec les anglophones, mais, en réalité, nos écoles ne sont pas toujours équivalentes à celles de la majorité.
Cela relève donc de l'infrastructure. C'est un aspect de l'équivalence.
Par ailleurs, des difficultés peuvent se poser à nous en ce qui concerne les mesures mises en avant par le gouvernement provincial. Je vais vous donner un exemple. Dans la lettre de mandat que la première ministre de l'Alberta a écrite à son ministre de l'Éducation, elle dit qu'il faut absolument promouvoir la possibilité pour les étudiants de participer dès le secondaire à de la formation dans les métiers spécialisés. Or, en Alberta, le seul établissement d'enseignement postsecondaire francophone, c'est le Campus Saint‑Jean. Il s'agit d'un petit collège qui offre trois programmes pour les métiers spécialisés.
Présentement, une de nos démarches auprès du gouvernement provincial vise à lui expliquer que la structure qu'il a créée ne peut pas fonctionner pour nous. En revanche, nous avons des solutions. Est-ce qu'il est prêt à nous permettre de faire des collaborations, par exemple avec le Collège Boréal, qui est situé à l'extérieur de l'Alberta? Ce serait une possibilité. Nous sommes...
Madame Bourque, je suis désolé, mais j'ai la difficile tâche de vous interrompre, car on a largement dépassé le temps alloué. Je dois maintenant donner la parole à M. Darrell Samson. Vous aurez peut-être l'occasion de poursuivre vos explications avec lui.
Monsieur Samson, vous avez la parole.
Attendez, ça ne fonctionne pas. On semble éprouver les mêmes difficultés techniques que tantôt. J'arrête le chronomètre.
Soit dit en passant, j'ai accordé par erreur presque six minutes vingt secondes à la dernière intervention, plutôt que cinq minutes. Je vais donc faire la même chose pour tout le monde.
Merci beaucoup, monsieur le président. Vous savez que toutes les secondes comptent. C'est très important en milieu minoritaire.
J'aimerais d'abord saluer mes collègues.
Monsieur Giroux, je suis très content de vous revoir.
Madame Maisonneuve, cela ne fait pas longtemps que nous nous sommes parlé.
Madame Bourque, vous êtes une ancienne partenaire d'équipe au Conseil scolaire acadien provincial. Je suis enchanté de vous entendre.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps de parole, mes questions seront pointues. Je souhaite que vos réponses le soient aussi. Je vais limiter ma contextualisation.
Monsieur Giroux, je vais d'abord m'adresser à vous.
Très rapidement, je vous dis bravo pour la garantie d'emploi à 100 % offerte par votre collège. C'est très impressionnant.
Pour ce qui est des bourses qui sont accordées aux anglophones, et non aux francophones, c'est une décision qui est prise par la province. Vous devriez avoir des discussions avec la province à ce sujet. En Nouvelle‑Écosse, auparavant, on ne privilégiait pas les Acadiens. Puisqu'ils ne représentaient que 5 % de la population, ils se noyaient parmi le reste des étudiants pour l'obtention d'aide financière. Tous ne parvenaient pas à remonter à la surface, alors c'était un peu par hasard qu'ils réussissaient à en obtenir. Ce sont des choses qu'il faut régler rapidement.
En ce qui concerne la petite enfance, je sais que vous savez que le projet de loi C‑13 vient mettre de la chair autour de l'os. Maintenant, on mentionne les secteurs préscolaire et postsecondaire comme faisant partie du continuum de l'éducation. Cela vient enrichir la question des langues officielles en éducation et fait augmenter davantage la demande dans vos communautés.
En ce qui concerne les mesures restrictives en matière d'immigration, il va falloir avoir une conversation avec le ministre fédéral de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Une structure est en place pour les secteurs de l'éducation et de la médecine, mais il faudra peut-être ajouter celui de la petite enfance.
Pouvez-vous faire quelques commentaires en 30 secondes, s'il vous plaît?
En ce qui a trait à la question des bourses pour étudier en français, il y a plusieurs années, une bourse accordée par l'Ontario pour étudier en français a été éliminée. Cependant, la bourse de 3 000 $ accordée aux étudiants en provenance des programmes d'immersion des conseils scolaires anglophones qui souhaitent poursuivre leurs études en français vient de Patrimoine canadien. Cela vient directement du fédéral, par le truchement de l'ACUFC, soit l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, qui devient le porteur du dossier. Cela provient des fonds fédéraux, et non de la province.
C'est bon, vous savez où est le problème et vous avez le pouvoir d'agir. Si jamais vous voulez en discuter avec moi en parallèle, je suis prêt à vous aider dans votre cheminement.
Je vais maintenant m'adresser à mes amies de la Fédération des conseils scolaires francophones de l'Alberta.
Comme je l'ai dit, cette étude est extrêmement importante pour le continuum de l'éducation, du préscolaire jusqu'au postsecondaire. Je suis heureux d'avoir cette occasion.
Vous êtes certainement au courant de l'entente stratégique qui a été signée, il y a sept ou huit ans, entre le ministère du Patrimoine canadien et la Fédération nationale des conseils scolaires francophones. Cette entente stipule que vous devez être consultés. Je remarque qu'il y a présentement des négociations entre le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement du Canada au sujet du financement du Programme des langues officielles en enseignement, c'est-à-dire le PLOE, si je comprends bien.
Oui, nous sommes consultés, mais nous sommes considérés au même titre que les écoles d'immersion. La population francophone dans nos communautés augmente vite et il s'agit souvent de le démontrer pour justifier nos besoins. C'est là que les recensements deviennent extrêmement importants. Malgré 30 ans d'éducation et de gestion scolaire en français, il y a toujours une espèce de scepticisme. On nous demande pourquoi la population francophone, si effectivement elle augmente, ne fréquente pas nos écoles.
Alors oui, nous sommes consultés, mais ce n'est jamais facile de débattre pour départager ce qui va appartenir aux écoles d'immersion et ce qui va nous appartenir. C'est encore très difficile.
Merci beaucoup de votre réponse. Je vous félicite quand même, car vous êtes maintenant rendus à 45 écoles et à plus de 9 000 étudiants. Déjà, c'est exceptionnel et vous rapprochez ces communautés.
Il y a une autre idée que je veux vous lancer. Vous avez mentionné que la province de l'Alberta payait pour une demi-journée à la maternelle et que vous deviez assumer les coûts pour le reste de la journée. Je crois qu'il est temps d'avoir une conversation très importante avec la province à ce sujet. Il faut qu'elle reconnaisse qu'une grande proportion de vos élèves ne parlent pas la langue de l'établissement quand ils arrivent à la maternelle. J'imagine que c'est le cas d'environ 80 % d'entre eux. Cela les désavantage dès le début. C'est aussi pour cette raison que vous avez besoin que la province paie pour l'autre moitié de journée.
Avez-vous eu des conversations avec la province à ce sujet?
Ce qui nous préoccupe présentement, c'est surtout la programmation dans nos écoles secondaires. Nos élèves ne restent pas dans nos écoles autant que nous le voudrions. Alors, nous misons beaucoup sur l'infrastructure. C'est une énorme partie de nos conversations avec la province, ainsi que la programmation dans nos écoles secondaires.
Effectivement, j'aimerais préciser que nous avons eu des conversations avec le gouvernement sur la question de la maternelle à mi-temps. Plus tôt, j'ai parlé de la complexité de nos relations avec le gouvernement. Le problème, c'est que la majorité anglophone a aussi ces conversations avec le gouvernement et revendique la maternelle à temps plein. Dans nos relations avec le gouvernement, on utilise toujours la lentille de la majorité pour évaluer les besoins.
Oui, j'ai vécu cette expérience. Cependant, il faut faire comprendre au gouvernement que ce sont deux réalités distinctes. Dans votre cas, 80 % de vos élèves ne parlent pas la langue de l'établissement lorsqu'ils arrivent à la maternelle. Dans le cas des écoles anglophones, les élèves qui arrivent à la maternelle parlent déjà la langue de l'établissement. Alors, ce n'est pas équivalent, comme vous l'avez dit.
C'est peut-être un cas à faire valoir devant les tribunaux, comme l'exemple de 2020 que vous avez mentionné. C'est une autre piste à explorer.
Monsieur Giroux, vous avez parlé de la concurrence avec les écoles d'immersion. Je pense que c'était en lien avec les bourses, mais pourriez-vous nous en parler plus?
Comme on le sait, des fonds de Patrimoine canadien servent à attribuer des bourses de 3 000 $ à des étudiants en provenance des programmes d'immersion des conseils scolaires anglophones pour qu'ils poursuivent leurs études en français. Quand nous parlons du continuum de l'éducation avec nos partenaires des 12 conseils scolaires francophones, ils nous disent qu'ils se sentent quasiment discriminés par ces bourses. Quand on accorde des bourses de 3 000 $ à des étudiants des conseils anglophones pour qu'ils continuent leurs études en français ou pour qu'ils décident de passer à un programme d'études en français, on ne tient pas compte du grand défi qui existe pour les communautés francophones. Comme l'a dit Mme Bourque tantôt, des élèves décident déjà de quitter les écoles secondaires francophones, ou même les écoles primaires francophones, pour aller dans le système scolaire en anglais. Que peut-on faire pour garder ces étudiants et les encourager à poursuivre leurs études en français?
Dans mon cas, lorsque j'ai fait mes études, on offrait une bourse pour étudier en français, et c'est ce qui m'a aidé à prendre la décision d'étudier en français et en anglais. Cette bourse a été un élément déterminant dans ma décision. J'en vois les avantages, maintenant que j'ai obtenu mon diplôme. Cela peut contribuer considérablement à freiner l'assimilation cumulative et à encourager le continuum de l'éducation, à partir de la petite enfance, en passant par la maternelle, le primaire et le secondaire, jusqu'au postsecondaire. Une bourse pour étudier en français constitue une valeur ajoutée afin d'encourager les étudiants à continuer dans le continuum de l'éducation en français. Selon moi, cela a une grande valeur ajoutée. Cela empêche ou décourage les étudiants de changer de parcours et d'aller vers des conseils scolaires anglophones.
Vous avez dit tantôt qu'il s'agissait de subventions de Patrimoine canadien qui ciblaient davantage les étudiants anglophones. C'est assez étonnant.
Dans le cadre de la dernière réforme apportée par le projet de loi C‑13, il a beaucoup été question d'augmenter le financement des écoles d'immersion. Toutefois, il n'était pas question d'augmenter le financement des écoles gérées par et pour les francophones. Pendant ce temps, l'assimilation se poursuit.
Ne serait-il pas plus judicieux de vraiment miser sur les écoles gérées par et pour les francophones, compte tenu de l'assimilation croissante?
Absolument. Je le constate lorsque je marche dans les corridors de certaines écoles où la francophonie est vraiment en situation minoritaire, comme au centre-ville de Toronto ou dans des communautés comme Windsor et Sarnia. Je me dis qu'il faut absolument encourager nos conseils scolaires francophones.
En réalité, les chances que les étudiants des conseils scolaires anglophones poursuivent leurs études en français sont quasiment nulles, comparativement à la situation des étudiants des conseils scolaires francophones. Pour preuve, parmi tous les étudiants que nous accueillons chaque année au Collège Boréal, seulement quatre ou cinq proviennent des conseils scolaires anglophones et des programmes d'immersion. Selon nous, il faut vraiment concentrer l'énergie sur les étudiants des conseils scolaires francophones. Il faut dire que, une fois sur deux, nous perdons des étudiants en provenance des conseils scolaires francophones qui décident d'aller étudier dans des collèges anglophones même si notre collège offre le même programme en français. C'est le problème auquel il faut absolument s'attaquer. Je pense qu'on devrait davantage continuer à investir dans des organisations gérées par et pour les francophones.
C'est très intéressant, la situation de la minorité francophone en ce qui concerne les services de garde en Alberta.
Au NPD, nous sommes fiers que Leah Gazan, la députée de Winnipeg‑Centre, ait proposé un amendement pour garantir que les francophones en situation minoritaire allaient avoir accès aux services de garde en français. Cependant, compte tenu des listes d'attente, c'est plus difficile pour les familles en Alberta.
Pouvez-vous nous parler des listes d'attente pour les garderies francophones?
[Traduction]
Je demanderais à Mme Maisonneuve de répondre en premier.
En Alberta, 12 % des ayants droit fréquentent des écoles francophones. Dans le cas des enfants âgés de 0 à 5 ans, seulement 8 % fréquentent un établissement préscolaire, en quelque sorte.
Dans toute l'Alberta, les services à la petite enfance en français comptent 1 536 places et 300 employés. Les employés sont un élément important, parce que, en parlant en français, ils contribuent au fait français.
En fait, pour les prochaines années, nous prévoyons avoir besoin de 1 500 employés de plus, ce qui est énorme. Une des solutions mises en avant, c'est de mettre l'accent sur les garderies en milieu familial. Cependant, je vous explique quel est le problème, selon ma compréhension. Quand le gouvernement fédéral a donné de l'argent au secteur de la petite enfance, c'était destiné à tout le secteur, tant du côté anglophone que du côté francophone. Au bout du compte, cela nous a donné une quinzaine de places dans des services francophones pour toute l'Alberta.
Ici, quand on parle d'un continuum en français, il faut avoir des porteurs de dossier. Quand le gouvernement fédéral donne de l'argent aux provinces, il faut qu'il détermine qui est le porteur de dossier et combien d'argent sera alloué à un secteur précis. Je travaille plutôt dans le milieu scolaire, mais, d'après ce qu'on me dit, dans le cas de la petite enfance, le grand problème est qu'on n'a pas donné de financement destiné précisément aux francophones dans ce dossier.
Madame Bourque, nous, les membres du Comité, ne sommes pas à votre place et ne maîtrisons pas le dossier aussi bien que vous. Le même commentaire s'adresse aussi à M. Giroux. Si vous avez d'autres statistiques à fournir au Comité, nous vous invitons à le faire. Vous avez indiqué que 12 % des ayants droit fréquentaient des écoles francophones et que, si j'ai bien compris, 8 % des enfants âgés de 0 à 5 ans se trouvaient aussi dans ces écoles. Est-ce bien cela?
Il s'agit de 8 % dans le cas de la petite enfance. Il peut s'agir de services offerts à l'école ou dans des garderies en milieu familial. Quoi qu'il en soit, 8 % des enfants âgés de 0 à 5 ans ont accès à des services de garde.
La même remarque s'adresse à vous tous, chers témoins. Si vous avez de l'information beaucoup plus précise qui nous permettrait de pondre le meilleur rapport possible sur l'étude que nous menons, n'hésitez pas à la faire parvenir par écrit à notre greffière. Celle-ci pourra ensuite la transmettre à tous les membres du Comité. Je pense notamment à des statistiques, des tableaux, des graphiques ou d'autres informations. Cela nous aiderait beaucoup.
Cela dit, avant de suspendre la réunion momentanément, je vous remercie de vos excellents témoignages, chers témoins.
Merci, madame Maisonneuve. C'était une première comparution en comité pour vous. C'était votre baptême, mais l'information que vous nous avez transmise était vraiment intéressante.
Nous avons peut-être perdu une minute en raison des problèmes techniques. De plus, j'ai alloué une minute supplémentaire à toutes les formations politiques lors du deuxième tour de questions. En réalité, il est rare que nous réussissions à avoir un troisième tour de questions dans une période d'une heure.
Chers témoins, je vous remercie et vous souhaite bonne chance dans votre combat, qui ne doit pas s'arrêter.
Avant de suspendre la séance, je m'adresse à ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence: lorsque vous reviendrez après la pause, veuillez utiliser le nouveau lien envoyé par la greffière à 9 h 1 ce matin pour vous brancher à la portion à huis clos.