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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 125 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 novembre 2024

[Enregistrement électronique]

(0815)

[Traduction]

    Il est 8 h 15 et je constate que nous avons le quorum.
    Au nom du Comité, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins de ce matin. Nous entendrons d'abord Jess Agustin, ancien gestionnaire de programme à la Coalition internationale pour la défense des droits de la personne aux Philippines. Il prendra la parole en premier, puis nous entendrons par vidéoconférence Cristina Palabay, secrétaire générale de Karapatan. Ils disposeront des cinq premières minutes. Nous passerons ensuite à Branka Marijan, de Project Ploughshares, qui comparaîtra par vidéoconférence.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
    Je donne maintenant la parole à M. Agustin, qui partagera ses cinq minutes avec Mme Palabay. Je vous remercie.
    Monsieur le président, chers membres du Comité, bonjour. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part de certaines de nos plus grandes préoccupations, tout particulièrement concernant la situation des droits de la personne aux Philippines. Je prendrai d'abord la parole, puis Mme Palabay vous fera part de ses préoccupations.
    Au cours des dernières années, le Canada a changé son approche à l'égard des Philippines pour adopter une approche axée sur le renforcement de la sécurité économique et les liens commerciaux avec le pays dans le cadre de sa stratégie pour l'Indo-Pacifique, qui met l'accent sur la croissance commerciale et la sécurité régionale. Toutefois, cette collaboration accrue en matière de défense donne lieu à des préoccupations majeures. Étant donné la ferme position du Canada en matière de droits de la personne, il est préoccupant de constater que les droits de la personne ne constituent pas une condition préalable à toute coopération avec les Philippines dans les domaines du commerce et de la sécurité.
    On ne peut passer sous silence les enjeux éthiques entourant une coopération accrue en matière de défense avec un pays où ont lieu de graves violations des droits de la personne. Si le Canada souhaite préserver l'intégrité de sa politique étrangère, il doit faire des droits de la personne une priorité, au même titre que ses intérêts commerciaux et ceux liés à la sécurité économique. Le Canada doit exiger des Philippines qu'il se penche sur les violations en cours, faute de quoi la réputation du Canada à l'échelle internationale pourrait s'avérer grandement compromise. Le Canada doit impérativement réévaluer sérieusement ses efforts de coopération en matière de défense et s'assurer que ses gestes cadrent avec les valeurs qu'il préconise sur la scène internationale.
    Je vous cède la parole, madame Palabay.
    Il reste environ trois minutes. Je vous en prie.
    La semaine dernière, nous étions avec des parents de victimes de violations des droits de la personne. Sans sépulture où se recueillir, les familles des disparus ont offert des fleurs à leurs proches. Il a été documenté que, depuis Marcos père, près de 2 000 personnes ont été enlevées par les forces de l'État et sont toujours portées disparues, tandis que 14 d'entre elles ont été déclarées desaparecidos sous Marcos fils.
    Nous avons pleuré avec des familles de victimes de la guerre contre la drogue, ainsi qu'avec des centaines de personnes tuées extrajudiciairement dans le cadre des campagnes anti-insurrectionnelles du gouvernement. Au cours des deux dernières années, 105 agriculteurs et Autochtones ont été tués dans cette guerre anti-insurrectionnelle menée par les forces armées philippines, lors de combats, pour mettre fin au mouvement communiste. Ces rassemblements témoignent de la dégradation grandissante, troublante et désastreuse des droits de la personne et du droit humanitaire international aux Philippines.
    Nous recevons des rapports sur des opérations militaires et des bombardements dans des collectivités rurales et autochtones. Des armes, des munitions et des hélicoptères — la plupart achetés à l'extérieur des Philippines — sont utilisés dans ces opérations sur des villages afin de forcer les habitants à évacuer leurs collectivités, ou bien pour détruire des fermes, des maisons et des écoles pour les priver de leurs moyens de subsistance.
    Nous craignons que des troupes et du matériel canadiens ne soient directement impliqués dans les campagnes anti-insurrectionnelles qui sont à l'origine de ces violations, étant donné l'accord sur des troupes étrangères, le SoVFA, qui est en cours de négociation entre nos pays.
    Alors que le Canada élabore des accords en matière de sécurité avec le gouvernement philippin, nous croyons qu'il est essentiel de placer les droits de la personne et le droit humanitaire international au cœur des discussions. Il doit y avoir cohérence entre les politiques et les pratiques, comme l'indiquent vos lignes directrices dans « Voix à risque » et les initiatives en matière de droits de la personne du Sommet pour la démocratie.
    Nous croyons sincèrement que la SoVFA favorisera, sinon aggravera, le climat d'impunité aux Philippines et placera les troupes canadiennes dans le contexte d'une guerre contre-insurrectionnelle, rendant le Canada complice des violations qui y sont commises.
    Nous préconisons des solutions politiques et diplomatiques pacifiques en Asie, en particulier en Asie du Sud-Est. Nous croyons qu'il faut démilitariser, et non exacerber les tensions militaires et accroître la présence militaire dans la mer des Philippines occidentales. Nous devons faire de notre mieux pour ne pas aggraver le contexte déjà difficile des droits de la personne au pays.
    Merci.
(0820)
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Marijan, pour cinq minutes.
    Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de parler de la mise à jour de la politique de défense.
    Cette mise à jour est un pas dans la bonne direction, d'autant plus qu'elle offre une transparence accrue de la politique de défense du Canada en cette période d'incertitude mondiale sans précédent. En tant que puissance moyenne dotée d'une solide tradition multilatérale, le Canada est particulièrement bien placé pour influencer la façon dont nous relevons collectivement les défis urgents en matière de sécurité.
    Aujourd'hui, j'aimerais souligner trois principaux sujets de préoccupation et faire ensuite trois recommandations.
    Les trois principaux sujets de préoccupation sont les crises multiples qui se chevauchent, les changements climatiques dans l'Arctique et le rôle transformateur de la technologie dans la guerre.
    Premièrement, la communauté mondiale, y compris le Canada, est confrontée à une multitude de crises successives. L'environnement de sécurité mondial est de plus en plus volatil et marqué par la concurrence des grandes puissances et ses ramifications. Les conflits comme ceux en Ukraine, au Moyen–Orient et au Soudan démontrent que les menaces se limitent rarement aux frontières d'un État ou d'une région. Ils transcendent les frontières et sont plus complexes que jamais. Nous sommes confrontés au risque du recours aux armes nucléaires dans de multiples contextes, et nous assistons à la dégradation des cadres internationaux de contrôle des armes. Le droit international, y compris le droit humanitaire international, est régulièrement violé. En même temps, les catastrophes liées au climat touchent tous les pays, et les nouvelles technologies comme l'intelligence artificielle amplifient les menaces existantes et en créent de nouvelles.
    Nous devons reconnaître qu'aucun de ces problèmes ne peut être résolu uniquement par des moyens militaires. Ils nécessitent plutôt un dialogue et une coopération à l'échelle mondiale. Malheureusement, le concept d'interdépendance n'est pas mentionné dans cette mise à jour de la politique, malgré sa pertinence pour réagir efficacement à ces crises.
    Au moment où les appels à l'augmentation des dépenses en matière de défense s'intensifient au Canada et dans le monde entier, on a tendance à qualifier le Canada de « traînard » en ce qui touche le volet militaire. Pourtant, comme l'a souligné Ernie Regehr, cofondateur de Project Ploughshares, le Canada se classe parmi les 10 % des pays qui dépensent le plus en armement dans le monde. Le fait de se concentrer sur les dépenses militaires en tant que pourcentage du PIB obscurcit cette réalité.
    De plus, les crises interreliées auxquelles nous sommes confrontés exigent plus que des solutions militaires. Elles exigent des investissements dans des mesures de sécurité non militaires comme la consolidation de la paix et la diplomatie, qui demeurent nettement sous-financées. Même si les dépenses en matière de défense retiennent beaucoup l'attention, nos ressources et nos capacités diplomatiques n'ont pas reçu d'attention ou d'investissements suffisants.
    Deuxièmement, même si la mise à jour de la politique désigne les changements climatiques et la sécurité dans l'Arctique comme des préoccupations clés, elle n'aborde pas pleinement les répercussions plus larges liées à la sécurité mondiale et au bien-être des Canadiens. Les Forces armées canadiennes, ou FAC, et le ministère de la Défense nationale sont de plus en plus appelés à intervenir en cas de catastrophes liées au climat au Canada. Grâce à leurs capacités et à leurs ressources, ils sont souvent les mieux équipés pour faire face à de telles urgences. Cependant, les dirigeants des FAC ont récemment indiqué que leur capacité à répondre aux catastrophes naturelles pourrait être mise à rude épreuve en raison d'autres engagements.
    Si les FAC n'ont pas la capacité de répondre aux crises climatiques à grande échelle, quel ministère sera en mesure de le faire? Nous avons besoin d'une vision claire et détaillée qui décrit comment les FAC et le ministère de la Défense nationale s'adapteront aux défis liés au climat et soutiendront les interventions nationales en cas de catastrophe. De plus, un protocole interorganismes d'intervention en cas de catastrophe est grandement nécessaire, un protocole qui comprend du financement et des ressources désignés pour les urgences liées au climat, afin de veiller à ce que les FAC ne soient pas surchargées par ce rôle en évolution.
    L'évolution de la dynamique de la sécurité dans l'Arctique, en particulier en raison de l'intérêt accru des grandes puissances, rehausse l'urgence d'une stratégie canadienne claire pour faire face aux répercussions tant climatiques que sécuritaires.
    Troisièmement, la mise à jour de la politique reconnaît l'impact transformateur des nouvelles technologies sur la guerre. Cependant, des termes comme « IA » et « apprentissage automatique » en disent peu sur la façon dont le Canada prévoit faire face aux menaces technologiques ou même tirer parti de ces progrès.
    La position du Canada sur l'interopérabilité avec ses alliés, en particulier en ce qui concerne le déploiement de systèmes d'armes potentiellement autonomes, nécessite une formulation plus précise, surtout en ce qui a trait aux engagements à l'égard de la surveillance humaine. Une plus grande transparence et une meilleure planification stratégique dans ce domaine sont essentielles pour garantir que les progrès technologiques du Canada respectent les normes éthiques et juridiques. Il est essentiel que le Canada priorise l'élaboration d'un cadre global pour l'intelligence artificielle et la défense, qu'il détaille son engagement à l'égard du contrôle humain et de la responsabilité juridique, et qu'il joue un rôle de premier plan dans les discussions mondiales sur les systèmes d'armes autonomes.
    En réponse à ces préoccupations, je propose les trois recommandations suivantes: premièrement, renforcer la collaboration interministérielle et la capacité diplomatique; deuxièmement, adopter une perspective plus large en matière de sécurité lorsqu'il s'agit d'examiner les changements climatiques; et troisièmement, fournir plus d'orientation sur le déploiement de nouvelles technologies en matière de défense.
    Monsieur le président, ceux d'entre nous qui s'occupent du contrôle des armements et du désarmement sont témoins du coût humanitaire des conflits et voient de leurs propres yeux comment les politiques avant-gardistes peuvent sauver des vies. Le point de vue de la société civile n'est pas un optimisme naïf, mais un réalisme éclairé, fondé sur les dures réalités auxquelles nous sommes confrontés et sur la conviction que la prévention est à la fois possible et nécessaire.
    Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ces points.
(0825)
    Je remercie les deux témoins, non seulement pour leurs exposés, mais aussi pour leur respect du temps alloué.
    Sur ce, passons à la série de questions de six minutes.
    Monsieur Bezan, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins de s'être joints à nous ce matin.
    Madame Marijan, vous avez parlé des progrès de l'intelligence artificielle. Il y a quelques années, le comité de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique a mené une étude sur les problèmes liés à la technologie de reconnaissance faciale et à l'intelligence artificielle, ainsi que sur les préjugés qui sont souvent intégrés dans les algorithmes qui servent de point de départ à l'apprentissage automatique, en particulier les préjugés raciaux et sexistes.
    Quels types de garde-fous le ministère de la Défense nationale devrait‑il envisager pour s'assurer que la technologie qu'il développe ou achète ne se fonde pas sur ces préjugés?
    Merci beaucoup pour cette question. Je pense qu'elle est excellente. C'est certainement un problème dont nous sommes conscients à l'échelle nationale, et le ministère de la Défense nationale s'y est déjà penché.
    Je pense qu'il y a un nombre incalculable de mesures de sécurité à mettre en place pour déterminer quels systèmes sont utilisés et à quelles fins. Les systèmes d'intelligence artificielle peuvent se leurrer eux-mêmes. Ils font des erreurs. Ils ont des préjugés inhérents. Le ministère de la Défense nationale doit avoir une stratégie globale.
    J'ai été consulté sur la stratégie du ministère de la Défense nationale en matière d'intelligence artificielle. Il faut lui donner plus de substance. Nous avons besoin de savoir clairement quels systèmes seront utilisés, à quelles fins et dans quelles applications. Serviront-ils à des tâches administratives, comme le recrutement du personnel? Ou bien à des fins de ciblage? Il y a un grand nombre de préoccupations, bien sûr, qui seront soulevées en fonction des diverses possibilités d'utilisation. Le ministère de la Défense nationale doit avoir des politiques et des orientations claires. Il n'en existe aucune à l'heure actuelle permettant de déterminer quels systèmes sont permis et lesquels ne le sont pas.
    Vous avez soulevé la question de la partialité. Il est extrêmement important que votre Comité en tienne compte dans son examen de l'application des technologies nouvelles et émergentes. Des préjugés seront intégrés dans les systèmes, et les efforts technologiques pour y remédier ne seront pas suffisants. Il faut préciser clairement qui prend les décisions et qui sera tenu responsable de ces décisions lorsque ces systèmes sont déployés.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine avec vous.
    Comme vous le savez, dans le cadre de l'AUKUS, l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont le pilier II, qui vise à en faire plus dans les domaines de l'informatique quantique, de l'apprentissage automatique, de l'intelligence artificielle et de la cybersécurité.
    Croyez-vous que le Canada devrait s'efforcer de faire partie du pilier II, afin de travailler avec nos partenaires du Groupe des cinq pour mettre au point cette technologie et nous assurer d'être le mieux préparés possible à faire face aux défis futurs de nos adversaires?
(0830)
    L'AUKUS comprend un ensemble particulier d'engagements, mais je ne suis pas sûre que le Canada doive adhérer à cet accord. Dans le cadre du partenariat avec le Groupe des cinq, d'autres engagements et sommets internationaux, nous débattons déjà de ces questions, en particulier lors des sommets sur l'intelligence artificielle militaire responsable qui ont eu lieu aux Pays-Bas et en Corée. Je ne suis pas certaine qu'il soit nécessaire d'adhérer à cette initiative pour clarifier davantage les applications militaires de l'intelligence artificielle et, en fait, d'autres technologies émergentes, telles que l'informatique quantique.
    C'est une question qui devrait être examinée et débattue au niveau politique. Toutefois, je pense qu'il existe de nombreuses autres possibilités de s'engager avec des alliés et des États partageant les mêmes idées sur ces questions.
    Si l'on considère les menaces de cybersécurité émanant de la Fédération de Russie, de la République populaire de Chine, de l'Iran et de la Corée du Nord, pensez-vous que nos adversaires ont des préoccupations d'ordre éthique concernant le développement de cette nouvelle technologie et l'impact qu'elle pourrait avoir sur les Canadiens?
    L'un des risques que nous courons si nous nous positionnons contre ces États, c'est que nous nous engagions dans un nivellement par le bas, car bien des choses considérées acceptables en République populaire de Chine, en Russie et en Corée du Nord ne seraient pas jugées souhaitables dans une démocratie canadienne. Les démocraties doivent tenir compte de l'application éthique des technologies.
    La meilleure approche à notre disposition, c'est la diplomatie. Nous devons travailler avec ces États antagonistes. Malheureusement, à l'échelle internationale, c'est principalement avec des États aux vues similaires que nous échangeons. Nous ne discutons pas assez souvent avec nos adversaires. Il y a quelques discussions bilatérales, notamment entre les États-Unis et la Chine, concernant certaines technologies émergentes. Cependant, il y a aussi une course acharnée, que ce soit pour les semi-conducteurs ou d'autres composantes des technologies émergentes, qui nuit à ce qu’il est possible d'accomplir dans le domaine diplomatique.
    Au Canada, je sais qu'on se préoccupe évidemment des États antagonistes. Je ne dis pas qu'il faut les prendre à la légère ou en faire peu de cas. Je pense que c'est un problème de taille que nous devons résoudre. Cependant, nous ne voulons pas nous engager dans un nivellement par le bas en disant que si c'est acceptable pour la Chine, cela devrait l'être pour nous. Je pense que nous avons de meilleures valeurs que cela.
    Dans les 20 secondes qui me restent, pourriez-vous dire au Comité quelle est, selon vous, la meilleure expertise que le Canada puisse offrir pour faire avancer les nouvelles technologies dans l'intérêt de la sécurité nationale?
    Nous avons d'immenses talents techniques et possédons une expertise juridique et politique considérable. Affaires mondiales ou même le ministère de la Défense nationale n'ont tout simplement pas les ressources ou les capacités nécessaires. Il faut consacrer plus de ressources à ces enjeux et à ces dossiers, puisqu'ils deviendront plus importants sur la scène internationale. De fait, nous en observons déjà les répercussions sur les champs de bataille.
     Merci, monsieur Bezan.
    Madame Lapointe, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Agustin, la nouvelle politique de défense du Canada met l'accent sur l'importance de protéger les droits de la personne et de promouvoir la sécurité internationale. Au regard des préoccupations que vous avez soulevées en matière de droits de la personne et des observations que vous avez faites dans votre déclaration préliminaire, lorsque vous avez dit que le Canada doit veiller à ce que cette nouvelle politique soit conforme aux valeurs qu'il affirme avoir sur la scène mondiale, comment pensez-vous que le Canada peut concilier ses engagements en matière de défense avec un engagement ferme à l'égard des droits de la personne? Quelles mesures précises proposeriez-vous pour que la politique de défense du Canada soutienne les droits de la personne dans le monde?
     Il existe un certain nombre d'actions et de possibilités.
     Premièrement, sachant que l'accord sur le statut des forces étrangères présentes est en cours de négociation, il faut s'assurer que les droits de la personne sont une condition préalable à la conclusion de tout accord.
     Deuxièmement, il importe que nous soutenions les organisations communautaires, comme Karapatan, pour répertorier les violations des droits de la personne, car le monde ignore qu'une guerre fait rage aux Philippines. Ce pays est le théâtre d'attentats à la bombe et d'exécutions extrajudiciaires, et les journalistes y sont muselés. Dernièrement, un groupe qui fait la promotion d'une négociation de paix ou qui demande au gouvernement de rétablir l'accord de paix négocié il y a des années a été arrêté.
     Je pense qu'il est impératif que le Canada exige que les droits de la personne fassent partie de l'accord lorsqu'il négocie avec l'armée ou le gouvernement philippin.
(0835)
    Y a‑t‑il des balises que vous recommanderiez pour éviter que les initiatives de défense n'aggravent accidentellement les risques auxquels s'exposent les activistes, les journalistes et les défenseurs des droits de la personne?
    Me demandez-vous si le Canada a déjà été directement impliqué?
    Y a‑t‑il des faits dont nous devrions être conscients pour ne pas contribuer aux difficultés des militants et des défenseurs?
    Oui. Je pense que l'entente sur les forces étrangères en visite actuellement négociée, qui prévoira l'envoi de soldats canadiens sur le terrain, est déjà un signe du risque que le Canada participe à la campagne anti-insurrectionnelle du gouvernement.
    L'approche pannationale du gouvernement est la cause principale de la violation des droits de la personne aux Philippines. Le gouvernement a constitué une force de frappe pour mettre fin au communisme local. C'est très dangereux, parce que nombre d'entre nous — y compris des gens ici, au Canada — sont ciblés simplement parce que nous faisons la promotion de la paix et des droits de la personne. Dès qu'on fait quelque chose de semblable, le gouvernement et l'armée jugent qu'on fait partie de l'insurrection.
    Je pense qu'il est important que le Canada ne se retrouve pas mêlé à ce genre de dynamiques aux Philippines. En soutenant directement une armée qui commet des violations et des abus des droits de la personne depuis des décennies, je pense que le Canada devient directement complice de ce qui se passe actuellement aux Philippines.
    Certains affirment que la situation est beaucoup mieux sous le gouvernement Duterte que sous le gouvernement Marcos. Ce n'est pas vrai. En fait, la guerre contre la drogue se poursuit. C'est maintenant le sujet le plus important au sénat des Philippines, mais les tueries se poursuivent — en particulier les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires et les autres exactions.
    Merci.
    Madame Marijan, compte tenu de la militarisation croissante de l'Arctique par d'autres puissances, en particulier la Russie, que pensez-vous de la capacité actuelle du Canada de défendre sa région arctique? Comment cette politique peut-elle contribuer à relever ces nouveaux défis en matière de sécurité dans le Nord?
    Il vous reste environ une minute.
    Merci beaucoup de cette question.
    Je pense qu'il y a encore beaucoup de coopération dans l'Arctique. Certains aspects de la sécurité dans l'Arctique ne sont pas nécessairement encore militarisés, mais je pense que nous observons une tendance en ce sens chez d'autres grandes puissances également. Il y a dans cette région des droits de passage qui préoccupent le Canada, selon moi, et nous devons certainement nous préparer à cette réalité. Avec les changements climatiques, je pense qu'il sera plus difficile de patrouiller et de contrôler réellement cette région.
    Je pense qu'il y a encore beaucoup d'aspects non liés à la sécurité que nous devons prendre en considération. Il faudra une coopération accrue entre le Canada et les États antagonistes, particulièrement avec la Russie. Je pense que cette question nous préoccupe beaucoup. Selon moi, la mise à jour de la politique de défense s'oriente vers une sorte d'intervention plus militaire. Cependant, je n'observe pas le même niveau de réflexion concernant les interventions non militaires et les communautés de cette région, et, de fait, les communautés autochtones de cette région, ainsi que leurs connaissances et leurs contributions. Je pense que nous risquons de trop militariser cette région au détriment des interventions efficaces qui seront nécessaires en raison des changements climatiques.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Brunelle‑Duceppe, je vous souhaite la bienvenue au Comité.
    Vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Agustin, vous avez mentionné quelque chose de très intéressant, à savoir que le Canada devrait mettre au centre de toutes ses politiques les droits de la personne à l'échelle internationale.
     On s'entendra pour dire que le Canada n'est ni une puissance commerciale ni une puissance militaire. C'est un souverainiste québécois qui vous le dit. Toutefois, le Canada a quand même un historique de défense des droits de la personne.
    Maintenant, nous avons parlé de l'implication directe ou indirecte du Canada dans la violation des droits de la personne aux Philippines. Il y a des allégations contre des sociétés minières canadiennes qui exercent leurs activités sur le sol des Philippines et qui violeraient les droits de la personne.
     Êtes-vous au courant de ces allégations? J'aimerais que le Comité entende vos commentaires là-dessus.
(0840)

[Traduction]

    Savons-nous s'il y a des violations des droits de la personne qui...?

[Français]

    Je parle d'allégations contre des sociétés minières canadiennes qui exercent leurs activités aux Philippines.

[Traduction]

    Eh bien, il y a effectivement un lien direct entre le déplacement des peuples autochtones et l'exploitation minière. Il est déjà amplement prouvé que l'industrie minière canadienne est impliquée dans des violations des droits de la personne. Les peuples autochtones sont particulièrement touchés, mais cela ne s'arrête pas là; ceux qui les aident, les environnementalistes qui s'opposent à ces actions, sont également pris pour cibles et sont non seulement arrêtés, mais assassinés. Si on examine la carte des Philippines et les données sur les endroits où les violations des droits de la personne se produisent, on constate une corrélation directe entre l'endroit où l'exploitation minière a lieu et l'endroit où surviennent les arrestations, les meurtres et même les massacres.
    Il existe certainement un lien important.

[Français]

    Si je comprends bien ce que vous me dites, monsieur Agustin, non seulement le Canada soutient un gouvernement qui, lui, commet des exactions et des violations des droits de la personne, mais, en plus, il est incapable de contrôler ses propres sociétés minières qui exercent leurs activités sur le sol philippin et qui violent les droits de la personne. C'est quand même assez paradoxal et contradictoire.
    Vous avez également parlé de personnes originaires des Philippines qui subissent, à l'étranger, de la répression transnationale de la part du gouvernement philippin. N'est-ce pas là, encore une fois, un immense paradoxe?
    Sur la plupart des tribunes, le Canada dit que la Chine s'est ingérée, entre autres, dans notre système électoral et qu'elle a commis des cyberattaques contre le Canada. Le Canada dénonce le fait que la Chine commet de la répression transnationale, mais, en même temps, il soutient un gouvernement qui agit exactement de la même façon que Pékin.
    Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit là d'une immense contradiction, d'un immense paradoxe en ce qui concerne la position du Canada?

[Traduction]

    Eh bien, ce qu'il y a de bien avec le Canada, c'est qu'il a une politique des droits de la personne en place. Il existe un document intitulé Voix à risque, que nous devrions suivre. Nous recommandons entre autres que le Canada réévalue son intervention aux Philippines, particulièrement en ce qui concerne l'armée, et qu'il utilise la politique existante qui est déjà en place. Voix à risque est une excellente politique qui protégerait les défenseurs des droits de la personne, y compris ceux que préoccupent les activités minières aux Philippines.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Madame Marijan, vous avez dit qu'il fallait recourir à la diplomatie pour arriver à nos fins. En fait, vous avez beaucoup parlé de diplomatie.
     Or, comment peut-on honnêtement penser qu'une politique diplomatique pourrait être établie avec la Chine, qui s'est carrément ingérée dans les élections canadiennes et a mené des cyberattaques contre le Canada? Comment pouvons-nous considérer possible de recourir à la diplomatie pour faire avancer nos positions en Asie du Sud?
    Je vois mal comment nous pourrions convaincre Pékin par l'entremise de la diplomatie. C'est la question que je me pose aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je pense qu'il est juste de dire que les politiques et les mouvements de la Chine dans ces domaines sont préoccupants. Je pense que le défi pour le Canada et d'autres puissances moyennes consiste à trouver une façon de travailler dans la sphère diplomatique, parce qu'il n'existe pas de solutions militaires à cet égard.
    Le Canada pourrait peut-être faire jouer davantage la diplomatie en collaborant avec d'autres puissances moyennes afin de trouver des moyens de faire face à la Chine dans les dossiers qui nous préoccupent et de travailler avec les États-Unis. Je sais qu'une nouvelle administration s'en vient. Il y aura des défis liés à la collaboration, mais aussi des possibilités.
    J'ignore quelle serait l'autre solution si nous ne recourons pas à la voie diplomatique. Comme vous l'avez souligné, nous ne sommes pas une puissance militaire. Nous ne pourrons pas vraiment changer les choses. Nous travaillons mieux lorsque nous collaborons avec nos alliés et dans le cadre d'alliances. C'est la réalité à laquelle nous devons composer.
    Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas préoccupés et que nous ne devrions pas nous occuper de notre propre sécurité nationale et de notre propre défense. C'est ce que nous faisons, d'ailleurs. Nous excellons particulièrement dans le domaine de la cybersécurité et nous gardons l'œil sur la menace émanant de la République populaire de Chine. La diplomatie n'est toutefois pas facile. Nous devons trouver des moyens de travailler avec nos alliés pour réagir le mieux possible aux mouvements de la Chine et réfléchir aux manières dont nous pourrions le faire, que ce soit de façon multilatérale ou bilatérale, avec nos alliés.
    Je pense qu'il y a des possibilités.
(0845)
    Nous allons devoir en rester là. Merci beaucoup.
    Madame Mathyssen, vous avez la parole pour six minutes.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
    Monsieur Agustin et madame Palabay, vous avez mentionné à plusieurs reprises les accords potentiels du Canada, comme l'entente sur les forces étrangères présentes. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont ces accords renforcent la culture d'impunité qui règne actuellement aux Philippines?
    En outre, vous avez parlé de l'augmentation du commerce des armes et de la drogue. Quels sont les pays qui s'adonnent le plus à ces activités, et comment le Canada peut‑il mieux intervenir en pareil cas?
    Pourrions-nous poser la question à Mme Palabay?
    Oui, bien sûr.
    Allez‑y, madame Palabay.
    Merci.
     Des violations ont déjà été commises aux Philippines un autre pays dans le cadre d'ententes sur les forces présentes. Il y a eu des viols et d'autres formes de violence. C'est une question de pouvoir la plupart du temps. Par ailleurs, cela met de l'avant les préoccupations relatives à l'accord sur le statut des forces présentes entre nos deux pays et ses implications. Quand des soldats canadiens sont présents ici, cela peut jouer un rôle, car les forces armées philippines pourraient les utiliser pour mener des opérations contre l'insurrection.
     C'est aussi une affaire de perception. Aux Philippines, un sondage a été mené au milieu de l'année sur le rôle des États-Unis dans les tensions avec la Chine. L'appui était très faible. Je pense qu’à peine 8 % des répondants étaient en faveur de telles interventions. Je pense que cela découle des violations commises au pays par des troupes étrangères dont on juge qu'elles se sont comportées de manière non conforme au droit international en matière de droits de la personne et au droit international humanitaire.
    Je vous cède la parole, monsieur Augustin.
    Je pense que vous avez répondu à la question.
    D'accord, et en ce qui concerne le commerce des armes et de la drogue, qui sont les principaux...?
    Pour ce qui est du matériel militaire, les États-Unis sont les principaux fournisseurs. Ils viennent de donner 500 millions de dollars d'armes aux Philippines, tout en accroissant leur présence militaire. Le nombre de bases est passé de cinq à environ neuf. Ils fournissent notamment beaucoup d'équipement militaire, de formation, de soutien logistique et d'opérations.
(0850)
    Madame Marijan, je m'adresserai maintenant à vous.
    Vous avez dit que l'accent mis sur le 2 % du PIB accordé à la défense occultait les faits. Je sais que Project Ploughshares a souvent parlé des cinq D de la défense, de la diplomatie, du développement, du désarmement et de la démocratie. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'effet occultant de ces 2 % et sur le fait que nous semblons nous concentrer sur un pourcentage que d'autres ont souvent qualifié de problématique?
    Certainement. Je pense que le pourcentage de 2 % est vraiment arbitraire et ne repose sur aucune donnée probante. Ce n'est pas une politique fondée sur des données probantes. Elle ne tient pas compte des particularités de chaque contexte de sécurité nationale ou du contexte de défense de chaque État. Je pense que nous devons être beaucoup plus clairs sur ce que nous exigeons des FAC et du MDN, sur les raisons pour lesquelles cette augmentation des dépenses de défense est nécessaire et sur la division qui existe.
    Ce chiffre est une sorte d'approche universelle. Nous avons déjà dit que c'est un beau chiffre rond pour des raisons politiques, mais il ne tient pas vraiment compte des besoins réels en matière de défense. Je pense que nous devons cesser de considérer ce chiffre comme une réponse, car il faut examiner réellement en profondeur ce qui est vraiment nécessaire pour la défense canadienne et la façon dont nous faisons une contribution à l'échelle mondiale.
    Je pense que cette politique occulte le fait que le Canada fait une contribution de manières qui ne sont pas purement militaires, comme lorsque nous travaillons avec les alliés de l'OTAN dans d'autres contextes et la contribution que nous apportons au développement et à la diplomatie.
    Je pense que le fait de mettre l'accent uniquement sur ce chiffre a occulté le fait que le Canada fait des contributions à d'autres égards également.
    Il vous reste 30 secondes.
    Je suppose qu'en fin de compte, il faut rompre avec l'idée que la défense passe en premier et que l'aide humanitaire vient en second, que c'est ainsi que nous faisons les choses et que nous dépensons notre argent, alors que ce devrait être l'inverse.
    Oui. Je pense que nous avons vraiment sous-investi dans la diplomatie et que nous ne sommes pas conscients des coûts de cette approche, même sur le plan de la défense. Je pense que de plus en plus de conflits doivent être résolus au moyen de solutions diplomatiques, mais si nous n'avons pas la capacité de le faire, nous ne contribuons pas à la paix et à la sécurité mondiales, et nous ne contribuons certainement pas à travailler avec nos alliés. Les deux vont de pair. Le travail humanitaire et l'investissement dans la diplomatie, le développement et le renforcement de la paix ne peuvent passer en second, car ce sont vraiment les causes profondes de ces conflits. Il est toujours préférable de faire de la prévention que d'avoir à composer avec toutes les conséquences qui, selon moi...
    Malheureusement, nous allons devoir arrêter ici.
    Monsieur Allison, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également nos témoins de comparaître aujourd'hui.
    Madame Marijan, nous avons parlé de l'intelligence artificielle, et vous avez également abordé la question. Il est certain qu'alors que nous examinons la mise à jour de la politique de défense et les enjeux liés à la défense et à la sécurité, nous savons que les technologies nouvelles et perturbatrices poseront un problème à l'avenir. C'est l'un des faits qui ont été soulignés.
    Le ministre Blair a fait une annonce sur l'intelligence artificielle la semaine dernière. Pouvez-vous nous dire ce que fait notre gouvernement pour exploiter le pouvoir de l'intelligence artificielle et nous indiquer si nous réalisons ou non notre potentiel dans le secteur de la défense?
    Oui, tout à fait.
     Il y a eu beaucoup de discussions et de mouvement pour comprendre les répercussions de l'intelligence artificielle sur l'armée et le ministère de la Défense nationale. Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Je pense que nous sommes l'un des premiers pays à avoir une stratégie en matière d'intelligence artificielle, mais cette stratégie est plutôt un document d'orientation ou de vision. Elle ne nous dit pas vraiment quelles sont les politiques. Je crois qu'il faut maintenant travailler à élaborer ces politiques.
    Nous avons les talents en intelligence artificielle, comme je l'ai dit plus tôt, et nous avons l'expertise juridique et technique requise. Je pense que nous pouvons être un chef de file dans ce domaine. Nous avons généralement joué un rôle de chef de file dans les discussions plus générales sur l'intelligence artificielle, mais dans les discussions relatives au domaine militaire, nous n'avons pas pris la place que nous pourrions prendre, selon moi, en raison des enjeux de capacité d'Affaires mondiales Canada et du ministère de la Défense nationale. Nous devons nous attaquer à ce problème.
    Il faut à la fois tirer parti de l'intelligence artificielle pour la défense et tenir compte des répercussions éthiques et juridiques qui préoccupent nos alliés. Même dans le cadre des discussions des Nations unies, nous ne sommes pas à l'avant-plan en ce qui a trait aux préoccupations éthiques et juridiques, simplement parce que nous ne semblons pas avoir de vision politique sur la façon de procéder avec la technologie. Il faut une vision politique dans ce dossier. Ce n'est pas une question de manque d'expertise juridique ou technique.
(0855)
    Merci.
    Pour poursuivre sur le sujet de l'intelligence artificielle, est‑ce que, à votre connaissance, le gouvernement en fait assez pour intégrer cette technologie? Comment nous comparons-nous à nos alliés dans ce domaine? Est‑ce que, selon vous... Est‑ce que vous pourriez comparer notre situation à celle des alliés? Vous avez dit que nous avions la capacité requise en la matière, mais comment nous comparons-nous aux États-Unis, par exemple?
     Les États-Unis sont un chef de file absolu en ce qui a trait aux applications de l'intelligence artificielle en matière de défense. Je ne pense pas que nous ayons le budget ou la capacité requis pour nous comparer aux États-Unis, parce qu'ils sont beaucoup plus avancés que tous les autres pays.
    Toutefois, je dirais que notre situation est similaire à celle des États semblables au nôtre. Nous n'accusons pas de retard. Je pense que c'est une perception erronée. Nous investissons beaucoup dans la recherche sur l'intelligence artificielle, tant à des fins civiles que militaires. Une grande partie de cette technologie est à double usage, et elle passe donc du secteur civil au secteur militaire. Je pense que d'autres témoins aborderont plus tard le sujet de l'approvisionnement et ce qu'il signifie. Ce n'est pas une question sur laquelle je me concentre, mais je ne pense pas que nous ayons pris du retard dans ce domaine. Je pense que nous nous préoccupons grandement de l'intégration de ces systèmes, et que nous sommes à l'avant-garde dans notre réflexion à ce sujet.
    Ce que nous constatons, cependant, c'est que certains pays comme les Pays-Bas et la République de Corée sont des chefs de file dans ces discussions internationales. Je pense que nous pourrions nous en inspirer un peu plus afin de trouver des façons d'accroître notre contribution, parce que c'est là que se trouve le décalage. Il n'est pas de nature technique, mais plutôt de nature réglementaire.
    Merci.
    J'aimerais vous poser une dernière question à ce sujet.
    Vous avez parlé de certains de nos alliés et des États-Unis. Il me reste une minute. J'aimerais que vous nous disiez où nous nous situons par rapport à des pays comme la Chine et la Russie. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
     Oui, je pense qu'il y a beaucoup plus d'interdépendances que ce que l'on pourrait croire. On a l'impression que la Chine et la Russie peuvent devancer les États-Unis et leurs alliés; ce n'est pas le cas. Les États-Unis contrôlent encore une grande partie du matériel et du savoir-faire technique en ce qui concerne les systèmes d'intelligence artificielle les plus avancés. Je pense que ce que nous constatons lorsque la Russie et la Chine déploient certains systèmes, c'est qu'elles sont encore dépendantes des composantes et des technologies occidentales, de sorte que cette relation est beaucoup plus interdépendante qu'on nous le fait souvent croire. Cela signifie qu'il y a des minéraux critiques qui proviennent de la Chine et de la Russie pour une partie de ces développements technologiques et qu'il faut en être conscients.
     Je pense qu'il serait beaucoup plus utile de mettre l'accent sur l'interdépendance plutôt que sur une course entre les grandes puissances.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Allison.
    Monsieur Powlowski, vous disposez de cinq minutes.
    Mabuhay, monsieur Agustin.
    Ce que vous avez dit au sujet des violations des droits de la personne aux Philippines m'a interpellé. Il est certain que sous Duterte, la politique « tirer d'abord et interroger ensuite » était omniprésente, et il semblait en être fier.
    Ma femme vient de Davao, alors je suis la situation là‑bas. Je croyais qu'elle s'était grandement améliorée sous Marcos. Il ne semble plus y avoir autant d'assassinats dans le cadre de la lutte contre la drogue, qui ne visait pas seulement les trafiquants, mais aussi les consommateurs ou même des gens que l'on soupçonnait de consommer des drogues. Tous ces gens étaient tués de façon régulière.
    Vous dites que la situation ne s'est pas améliorée sous Marcos. Elle ne s'est même pas légèrement améliorée? Comment peut‑on comparer le régime de Marcos à celui de Duterte?
    Mme Palabay pourra aussi répondre à la question.
    Il ne fait aucun doute que la lutte contre la drogue s'est assouplie et que le nombre d'assassinats a diminué, mais ils continuent d'avoir lieu, et nous avons les données pour le prouver. Les meurtres extrajudiciaires, les arrestations arbitraires et le ciblage des journalistes continuent de se produire, et il n'y a pas vraiment eu d'amélioration marquée en ce sens.
    Actuellement... Le sénat s'écroule. La brutalité de la lutte contre la drogue... Le problème, c'est que cela relègue la situation actuelle des Philippines au second plan. Marcos Jr., l'administration, continue de bafouer les droits de la personne en vertu de l'approche en matière de sécurité nationale. Cette approche cible les gens qui s'opposent par exemple à ce qui se passe dans les mines et qui critiquent l'économie du pays, qui ne s'améliore pas. Tous ceux qui s'opposent au gouvernement ou qui le critiquent sont arrêtés.
(0900)
    Vous avez aussi parlé des personnes tuées dans le cadre du mouvement de contre-insurrection. Est‑ce qu'il vise la Nouvelle Armée du peuple, le groupe Abu Sayyaf ou les deux?
    Vous avez également parlé des assassinats politiques des personnes qui s'opposaient au gouvernement. Les assassinats associés à la lutte contre la drogue étaient évidents sous Duterte. Est‑ce que la nature des violations des droits de la personne a changé, en ce sens qu'elles ne sont plus associées à la lutte contre la drogue? Est‑ce qu'elles visent plutôt la suppression politique et la contre-insurrection? Est‑ce que la situation a changé sous Marcos?
    Madame Palabay, vous avez la parole.
     Je pense que, sur le plan qualitatif, il y a eu un changement en ce qui concerne le nombre d'assassinats dans le cadre de guerre contre la drogue; il y en a certainement moins qu'avant. Il n'y a pas de rhétorique, tout comme sous l'administration précédente, mais dans les faits, la guerre contre la drogue se poursuit parce que les politiques n'ont pas été abolies, et les circulaires administratives de la police non plus. Nous pensons que c'est la raison pour laquelle les meurtres se poursuivent.
    À notre avis, il n'y a pas eu d'assouplissement dans les campagnes anti-insurrectionnelles entre Duterte et Marcos, justement parce que l'approche reste la même. Le plan directeur et la politique de sécurité nationale restent les mêmes. Les fonds et la priorisation des ressources ont été beaucoup plus importants sous l'administration actuelle. Il y a ce qu'on appelle des fonds confidentiels et des fonds de renseignement, qui sont répartis dans tous les budgets des organismes gouvernementaux, y compris celui du cabinet du président. C'est l'une des questions sur lesquelles notre congrès enquête en ce moment... L'utilisation de ces fonds pour commettre des violations des droits de la personne.
    Merci, monsieur Powlowski.

[Français]

     Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    On a parlé de droits de la personne, mais on a aussi parlé de commerce entre le Canada et les Philippines. On fait face à une espèce de dilemme: faut-il continuer à faire du commerce avec un pays où il y a des violations des droits de la personne? Or, si on arrête de faire du commerce avec ce pays, on arrête d'y créer de la richesse. On se dit que, à long terme, si on crée de la richesse, des politiques plus libérales seront probablement mises en place par un gouvernement. Certains observateurs diront cela.
    À quel point faut-il mettre le dossier des droits de la personne au centre de nos politiques en matière de défense? À quel point faut-il le faire quand on fait du commerce avec ces mêmes pays?

[Traduction]

    Nous ne demandons pas au Canada de cesser ses échanges commerciaux avec les Philippines; en fait, nous les encourageons. Cependant, il doit y avoir des lignes directrices sur les droits de la personne, et le pays ne peut pas non plus militariser ses relations.
    Nous sommes très fiers du Canada. Je travaille pour une organisation humanitaire. Nous avons été très impressionnés par le travail de l'Équipe d'intervention en cas de catastrophe lorsque le super typhon Haiyan a frappé. Lorsque Marcos a été renversé, nous avons encouragé le Canada à aider les Philippines à redresser leur économie en faillite. Le Canada est également bien connu pour sa contribution à l'aide au développement, à la promotion des petites entreprises et ainsi de suite.
    La Stratégie pour l'Indo-Pacifique a créé une tension où le soutien à l'armée — et l'excuse invoquée est la Chine — devient la préoccupation prédominante dans les relations avec les Philippines.
    L'Ambassade du Canada fait valoir que le gouvernement est formidable et met l'accent sur les relations commerciales sans même mentionner — comme l'a dit Mme Palabay — les violations des droits de la personne qui perdurent... La corruption perdure. On ne peut pas avoir d'échanges commerciaux si l'institution, la structure du pays, est la même depuis l'époque où le père de Marcos...
(0905)
     Nous allons malheureusement devoir en rester là.
     Nos discussions sont assez larges, et je vous ai laissés vous exprimer. Nous étudions la mise à jour de la politique de défense, alors si vous pouviez, d'une façon ou d'une autre, faire le lien avec la mise à jour de la politique de défense du Canada — l'Indo-Pacifique, la présence de nos soldats en sol philippin et l'interaction de nos relations militaires —, ce serait utile. Je ne dis pas que les sujets abordés ne sont pas importants dans la politique globale, mais il s'agit d'un sous-ensemble d'une politique, à savoir la mise à jour de la politique de défense.
     Madame McPherson, nous vous souhaitons la bienvenue au Comité. Vous disposez de deux minutes et demie.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je remarque que vous avez donné cet avertissement avant que je prenne la parole, ce qui donne à penser qu'il y a peut-être une raison à cela.
     Nous sommes ravis de vous accueillir aujourd'hui. Merci beaucoup de votre présence.
     Nous parlions des droits de la personne, et je sais que cela n'a peut-être rien à voir avec la défense, mais c'est un enjeu important pour moi. J'ai beaucoup travaillé avec M. Brunelle-Duceppe à la question des sociétés minières canadiennes et des répercussions qu'elles ont eues sur les droits de la personne aux Philippines et dans d'autres régions. Cependant, tenons-nous‑en à la défense.
     Pourriez-vous nous parler un peu de la façon dont le Canada pourrait contribuer à la désescalade du conflit dans la mer de Chine méridionale, s'il vous plaît?
     Je pense qu'il est important que toute la mer de Chine méridionale soit démilitarisée. Je pense que la présence des États-Unis et d'autres alliés ne fait qu'exacerber les tensions. Elle provoque la Chine, ce qui place les Philippines dans une situation où elles doivent se défendre.
     Ce que nous disons à nous partenaires, c'est qu'il faut laisser les pays de l'ANASE s'occuper du problème de la Chine et non d'autres pays, comme les États-Unis. Dans le cadre de l'intervention chinoise, vous constaterez que les États-Unis sont largement présents partout aux Philippines.
    C'est pour des raisons historiques, et bon nombre d'autres raisons.
    Pouvez-vous nous parler rapidement des changements auxquels vous vous attendez à la suite des résultats électoraux aux États-Unis?
    Je crois que la situation restera la même, mais on demandera probablement au Canada de payer plus, étant donné l'administration en place. Est‑ce que c'est ce que veut le Canada? Non.
    Je crois que le Canada devrait investir plus dans la diplomatie, dans le maintien de la paix et dans les questions humanitaires... avec tous les typhons qui surviennent. Le Canada devrait en faire plus.
    Merci.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Monsieur Stewart, vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Madame Marijan, j'aimerais d'abord vous poser des questions sur les applications de la technologie dans l'Arctique. Puisque nous examinons la mise à jour de la politique de défense, pensez-vous que le gouvernement fournit des ressources adéquates, d'un point de vue technologique, à nos Rangers canadiens dans le Nord, qui sont notre première ligne de défense?
     Oui, je pense qu'il y a une certaine sensibilisation à l'égard de la nécessité de ces technologies. Les conditions environnementales représentent toujours un défi pour certaines des technologies dont nous discutons, ou pour certaines technologies émergentes. Il faut trouver la meilleure façon de faire et déterminer les technologies à utiliser.
     Il faut examiner la question de plus près, et je pense que cela a été souligné dans la politique de défense. Il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte et à comprendre. Certaines technologies seront très utiles pour la recherche et le sauvetage, alors je pense...
(0910)
    Je pense aux Rangers canadiens de façon particulière. Je me demande si selon vous, on devrait fournir aux membres du personnel de meilleures technologies ou un plus grand nombre de technologies.
    Je crois que nous en sommes au début et...
    Je suis désolé, mais nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Vous avez dit plus tôt que le Canada se situait dans les 10 % des pays qui dépensaient le plus dans le domaine militaire. Est‑ce que c'est de façon mondiale, ou au sein de l'OTAN? À quoi ce 10 % fait‑il référence?
    C'est à l'échelle mondiale.
    D'accord.
    Quel est l'écart entre les pays qui se situent dans la tranche supérieure du 10 % et ceux qui se trouvent dans la tranche inférieure?
    L'écart est important. Je crois que nous avons tendance à nous comparer aux États-Unis. Toutefois, leur budget dépasse celui de tout autre regroupement d'États.
    Bien sûr. J'aimerais toutefois que nous nous comparions à d'autres puissances moyennes de l'OTAN. Vous avez parlé plus tôt du besoin de collaborer davantage avec elles afin de faire avancer la diplomatie. Où nous situons-nous par rapport à certains de ces autres pays? Où nous situons-nous dans ce 10 %? Sommes-nous dans la tranche supérieure ou la tranche moyenne?
     Nous nous situons en plein milieu, à plusieurs égards.
     Nous avons tendance à nous considérer comme beaucoup moins importants, sur le plan militaire, que d'autres puissances moyennes. Bien sûr, il y a eu une frénésie de dépenses de la part d'autres puissances moyennes, en partie pour des motifs géographiques et en raison des développements récents.
     Je ne pense pas que nous soyons à la traîne, loin de là.
    Si nous examinons nos dépenses en matière de défense et que nous ne les mesurons pas par rapport au PIB... Le PIB est peut-être un facteur. L'ampleur du territoire ou le nombre de ressources que nous tentons de protéger peuvent représenter d'autres facteurs. Nous pourrions arriver à un chiffre bien supérieur à 2 % si nous faisions cet exercice.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    C'est un point de vue, en effet. Notre défi a trait à notre vaste territoire, qui est sous-peuplé. C'est un défi unique.
     Je pense que nous devons également tenir compte du contexte plus large de la défense. La géographie détermine notre destinée, à bien des égards. Nous avons toujours un solide allié au sud, quelle que soit l'administration au pouvoir. Nous avons tendance à exagérer certaines de nos préoccupations en matière de défense. Nous ne travaillons jamais seuls. Nous travaillons toujours avec nos alliés. Je pense qu'il faut aussi tenir compte de la collaboration et du travail avec les alliés à titre de facteur.
    Merci.
    Je vais passer à un autre sujet.
    Vous avez dit tout à l'heure que nous devrions coopérer avec la Russie. Comment pouvons-nous coopérer avec la Russie?
    Il existe des institutions multilatérales. Je ne dis pas que nous devons coopérer avec la Russie. Nous devrions avoir une relation diplomatique très réaliste — encore une fois, en collaboration avec nos alliés —, car cette relation est vraiment brisée. Nous devons communiquer avec ces adversaires. Nous vivons dans un monde où nous n'avons d'autre choix que de dialoguer avec eux.
    Je peux comprendre que, pour de nombreuses communautés au Canada, ce n'est pas une option très tangible, mais je pense que c'est la définition même de la diplomatie: nous devons parler avec les adversaires, pas seulement avec les États aux vues similaires.
    Lorsque nous pensons à certaines des excellentes entreprises de technologie canadiennes... Certaines se spécialisent en informatique quantique, par exemple. Misons-nous sur ces avantages technologiques civils pour nous préparer à leur application militaire afin que nous puissions jouer dans la cour des grands?
    L'une de nos faiblesses, c'est que nous ne tirons pas suffisamment parti de ces entreprises pour notre gain économique. Nous ne comprenons pas suffisamment comment les technologies d'applications militaires pourraient être mises à profit et comment elles pourraient être utilisées à mauvais escient. Il y a là une occasion en or, à condition d'avoir une volonté politique pour comprendre ces avantages économiques.
    Nous avons toutefois un énorme problème de propriété intellectuelle. Nous perdons beaucoup de propriété intellectuelle, y compris au profit de nos alliés. Nous avons encore beaucoup de travail à faire à cet égard.
    Merci, monsieur Stewart.
    Les cinq dernières minutes vont à Mme Lalonde.
    Merci beaucoup à tous nos témoins de ce matin.
    Je vais commencer par poser des questions à Mme Marijan.
    Dans le cadre de cette discussion en comité, j'aimerais en savoir un peu plus sur les projets de recherche que vous et Project Ploughshares entreprenez actuellement. Quel est leur lien avec la mise à jour de la politique de défense du Canada?
(0915)
    Nous menons un vaste projet visant à comprendre les répercussions climatiques; comment le Canada peut le mieux répondre aux futures urgences climatiques; et le rôle ou la vision des Forces armées canadiennes, ou FAC, pour répondre à ces urgences.
    Mon propre projet consiste à examiner la réglementation de l'intelligence artificielle militaire responsable; à situer le Canada dans le cadre international plus large; et à cerner notre contribution à ces discussions, y compris la déclaration politique dirigée par les États-Unis sur l'utilisation militaire responsable de l'intelligence artificielle et l'autonomie. Le Canada copréside un groupe de travail sur la reddition de comptes. Nous examinons donc les questions de reddition de comptes et de transparence entourant les applications militaires de l'intelligence artificielle.
    Merci.
    À ce sujet, que recommanderiez-vous au Comité à la lumière de vos recherches actuelles?
    Je pense que le Canada pourrait jouer un rôle beaucoup plus important dans les discussions sur les armes autonomes à l'échelle internationale. Nous sommes tenus à l'écart de cette discussion. Nous n'y avons pas vraiment beaucoup participé. Ici encore, je pense qu'il y a un problème de ressources et de capacité à Affaires mondiales et au ministère de la Défense nationale, ou MDN. Je pense que nous pourrions beaucoup plus participer à la discussion plus large sur l'intelligence artificielle militaire responsable et l'autonomie qui a lieu dans ces sommets. Le Canada pourrait certainement être un chef de file dans ce domaine en travaillant avec ses alliés. Cette discussion est multipartite: elle rassemble donc des universitaires et des représentants de l'industrie, et elle comporte également un volet diplomatique.
    Je pense qu'il serait avantageux pour nous de participer davantage à ces deux discussions sur la scène internationale alors que nous réfléchissons à la meilleure façon d'élaborer notre politique de défense.
    Merci beaucoup.
    Je sais que vous avez mentionné la guerre. Je pense qu'il est difficile pour nous tous de nous pencher sur l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie. Vous avez mentionné la Russie et la Chine. J'ai eu le plaisir de siéger au comité Canada-Chine. Je dois admettre qu'il est un peu difficile pour moi de penser que... Une volonté de dialoguer avec ces adversaires va à l'encontre de ce que nous essayons de réaliser, c'est‑à‑dire une victoire de l'Ukraine.
    Pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détail comment cette possibilité s'inscrirait dans la situation générale? Comme vous l'avez dit, c'est un sujet très délicat ici, au Canada.
    Je compatis vraiment avec la communauté ukrainienne et avec l'Ukraine, étant donné ce qu'elle traverse. Depuis le début de ce conflit, nous disons notamment qu'il y aura une sorte de solution diplomatique. La victoire militaire, du moins pour l'instant, semble hors de portée. Des Ukrainiens perdent la vie, et l'Ukraine souffre énormément. Je pense qu'il y aura des pressions, certainement avec la nouvelle administration américaine, en faveur d'un quelconque accord diplomatique.
    Le Canada doit examiner toutes les options qui s'offrent à lui et réfléchir à la façon de procéder. Encore une fois, comme vous l'avez dit, il s'agit d'une question délicate sur le plan politique. Personne ne veut nuire au besoin de l'Ukraine de se défendre. Nous devons toutefois réfléchir à ce qui pourrait se passer, y compris avec notre allié du Sud et sa position sur ce conflit. Nous devons nous y préparer. Nous ne vivons pas dans un monde d'idéaux; nous devons accepter le monde tel qu'il est.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Cela met fin à notre période de questions.
    Au nom du Comité, je tiens à vous remercier tous les trois de votre patience, de vous être levés tôt ce matin et d'avoir été prêts à discuter. Votre contribution est très utile pour notre étude sur la mise à jour de la politique de défense.
    Sur ce, je vais suspendre la séance, et nous allons accueillir notre nouveau groupe de témoins le plus rapidement possible.
(0920)

(0920)
    Nous sommes prêts à reprendre la séance.
    Notre deuxième groupe de témoins est composé de deux personnes qui connaissent bien le Comité. Nous sommes reconnaissants de leur présence. Nos témoins se passent de présentation.
    Sur ce, je vais d'abord donner la parole à M. Lagassé, professeur agrégé à l'Université Carleton. Nous écouterons ensuite, pendant les cinq minutes suivantes, une personne qui n'a absolument pas besoin de présentation: le général à la retraite Andy Leslie.
    Monsieur, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je suis reconnaissant de l'occasion qui m'est offerte de partager avec les membres du Comité mes réflexions sur la mise à jour de la politique de défense.
    Je concentrerai mes commentaires sur trois engagements qui ont été pris depuis la publication de « Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada », en avril 2024. Ce comité peut suivre de près ces trois engagements et s'assurer que l'exécutif, quel que soit le parti au pouvoir, les respecte.

[Traduction]

    Ces trois engagements sont les suivants: une stratégie d'acquisition de matériel militaire prêt à l'emploi pour le programme de sous-marins canadiens de patrouille, ou PSCP; la numérisation de la défense; et l'atteinte de l'objectif de 2 % du PIB pour les dépenses en défense d'ici 2032.
    L'été dernier, le gouvernement a annoncé que le Canada procéderait à l'acquisition de nouveaux sous-marins. Une demande de renseignements a ensuite été transmise aux soumissionnaires potentiels. Cette demande indique que le gouvernement souhaite acquérir un modèle prêt à l'emploi avec un minimum de modifications. La stratégie actuelle est strictement axée sur l'acquisition des bateaux, puis sur la gestion de l'intégration des systèmes d'armes spécialisées ou l'intégration de nouveaux systèmes après leur livraison. Bien que cette stratégie comporte des risques notables en ce qui concerne les coûts d'intégration et d'adaptation futurs, elle constitue la bonne approche. Le fait est qu'il vaut mieux avoir des bateaux imparfaits que de ne pas en avoir du tout.
    Je recommande donc au Comité de surveiller de près le PSCP afin de prévenir les efforts visant à canadianiser ou à modifier les bateaux avant leur livraison.

[Français]

    Le ministère de la Défense nationale et les forces armées progressent également sur la voie de la numérisation de la défense, du moins en théorie. Cet effort doit devenir une priorité, sinon les Forces armées canadiennes ne seront pas en mesure d'exploiter pleinement leurs nouvelles flottes, et le Canada se laissera distancer par ses principaux alliés.
    En effet, ce comité devrait pousser le gouvernement à mettre en avant une stratégie globale de numérisation pour l'ensemble de la communauté de sécurité nationale, ce qui pourrait nécessiter de repenser les politiques existantes en matière de souveraineté des données.
    Si le Canada n'accélère pas ses efforts de numérisation, il ne pourra pas pleinement interopérer avec ses alliés, et ses arguments en faveur de l'adhésion du deuxième pilier de l'accord AUKUS seront affaiblis.

[Traduction]

    Enfin, le Comité a un rôle important à jouer pour veiller à ce que le Canada atteigne la cible de 2 % du PIB pour les dépenses en défense. Le Canada n'atteindra cet objectif que s'il y a un consensus entre les partis. Il est essentiel que le Comité parle d'une seule voix de la nécessité d'atteindre la cible et de demander des comptes à tous les gouvernements lorsqu'ils ne la respectent pas.
    Je me contenterai de dire que les résultats de l'élection présidentielle de mardi aux États-Unis renforcent l'importance d'atteindre cet objectif, afin que le Canada ne subisse pas les conséquences économiques d'être perçu comme un traînard en matière de défense.
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
(0925)
    Général Leslie, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mon intention est de critiquer le statu quo, afin que nous puissions en tirer des leçons et peut-être, pendant la période des questions, discuter de solutions.
    Essentiellement, à mon avis, les valeurs de « Protection, Sécurité, Engagement », les précurseures de la politique de défense actuelle, n'ont rien apporté de substantiel pour l'équipement militaire moderne. En fait, le Canada est devenu plus faible, plus incertain et essentiellement absent des troupes déployables nécessaires pour les missions des Nations unies ou, bien sûr, de l'OTAN.
    La mise à jour de la politique de défense de 2024 intitulée « Notre Nord, fort et libre » n'est pas mieux, malheureusement, en ce sens qu'elle promet de l'équipement dont nous avons un besoin urgent dans des années, mais rien aujourd'hui. En effet, les dépenses de défense de 2024 seront inférieures à celles de 2023.
    Évidemment, nous sommes bien au courant de ce qui vient de se passer aux États-Unis. Tant les républicains que les démocrates sont unis et se font de plus en plus entendre pour dire au Canada à quel point ils sont déçus et frustrés et à quel point ils en ont assez de l'incapacité du Canada à se défendre et à défendre ses alliés, en mentionnant particulièrement l'Arctique.
    Entretemps, comme nous le savons — et j'ai participé aux dernières renégociations de l'ALENA —, les négociations arriveront à échéance à un moment où divers acteurs clés au sud de la frontière ont clairement indiqué qu'un minimum de 3 % se profile peut-être à l'horizon et que la défense, la sécurité, le commerce et la sécurité frontalière sont tous interreliés.
    En cette période de crise internationale, avec ce qui se passe au Moyen-Orient et en Ukraine, l'état de préparation militaire du Canada est à son plus bas niveau en 50 ans. L'an dernier, en 2023, le Canada a dépensé plus d'argent pour des consultants et des services professionnels qu'il n'en a dépensé pour l'armée, la force maritime et la force aérienne combinées, ce qui, bien franchement, est de la folie.
    Plus de 50 % des parcs de véhicules de l'armée sont en attente de pièces de rechange et de techniciens. La force maritime a énormément de mal à garder une poignée de vieux navires de guerre en mer, en particulier dans la région indo-pacifique, et elle manque désespérément de marins formés. La force aérienne n'est pas en mesure de participer à d'importants exercices de dissuasion de l'OTAN, que ce soit dans le Nord ou au‑dessus des océans, en collaboration avec nos amis et alliés. En effet, elle n'a pas les pilotes, les pièces de rechange ou l'argent nécessaires pour faire voler les aéronefs.
    Dans l'Arctique, qui est beaucoup plus grand que l'Europe, le Canada compte moins de 300 employés de soutien militaire, ce qui n'est pas dissuasif. Ils ne sont essentiellement pas armés. Certains d'entre eux travaillent à temps partiel, et on peut les remercier. Il y a environ 1 600 Rangers canadiens équipés de motoneiges et de fusils, qui ne sont pas des combattants. Leur rôle est d'observer et de faire des rapports.
    En fin de compte, le Canada ne dispose pas d'éléments de combat assignés en permanence pour dissuader la présence potentielle des Russes ou des Chinois, qui se rendent de plus en plus souvent dans nos eaux, mais d'autres pays sont bien organisés. La Russie, en particulier, compte entre 25 000 et 35 000 soldats de combat déployés dans son Arctique, et est munie d'énormes quantités d'équipement opérationnel pour les forces aérienne, terrestre et maritime.
    Les États-Unis, heureusement, comptent 22 000 professionnels militaires à temps plein et à temps partiel qui disposent de plus d'équipement que l'ensemble des Forces canadiennes pour les combats. Je remercie les États-Unis de défendre notre Arctique.
    Nous sommes confrontés à des dangers et à des défis sans précédent et, bien franchement, je ne vois chez le gouvernement aucun sentiment d'urgence à changer, à modifier ou à réorienter ses efforts pour soutenir et aider les Forces canadiennes.
    Voici quelques faits.
    Moins de 35 de nos militaires sont déployés dans des missions de l'ONU. En 2003, nous en avions près de 2 500. Nous sommes le seul pays de l'OTAN dont le niveau de préparation opérationnelle militaire diminue, alors que celui de tous les autres pays monte en flèche.
    Notre système d'approvisionnement est le plus lent et le moins efficace de l'OTAN — en fait, de tous les pays que j'ai pu trouver. Nous sommes le seul pays de l'OTAN à ne pas avoir de plan chiffré pour atteindre 2 % du PIB, ce qui a été accepté pour la première fois par le ministre de la Défense en 2008 et réitéré en 2014, 2015, 2016, 2017... Je pourrais continuer.
    Nous sommes le seul pays de l'OTAN dont le ministre de la Défense a admis publiquement qu'il ne pouvait pas convaincre ses collègues du Cabinet de l'importance des dépenses en défense de l'OTAN et des 2 % du PIB. Comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes le seul pays de l'OTAN dont le budget de défense a diminué cette année.
(0930)
    Monsieur le président, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
    Merci.
    Sur ce, je donne la parole à Mme Gallant, pour six minutes.
    Général Leslie, dans les circonstances les plus graves, si le Canada ne couvre pas l'angle mort avec ses satellites, n'installe pas de défense aérienne dans le Grand Nord ou ne patrouille pas dans les voies navigables de l'Arctique, et si les États-Unis se sentent menacés et exposés, que feront les Américains pour protéger le flanc nord de notre continent?
    Il y a un vieil adage, qui est parfois vrai, selon lequel la souveraineté doit être perçue comme étant efficace. Dans notre cas, nos troupes souveraines déployées dans l'Arctique ne peuvent défendre la région canadienne, et ce n'est pas leur faute. En effet, l'équipement, le nombre de militaires, la formation et les ressources — l'argent des contribuables — sont insuffisants.
    Plus les Américains s'habituent à l'idée qu'ils doivent protéger la région et la défendre pour nous, plus il est logique de supposer qu'ils pourraient bien envisager une sorte de compensation économique avec les ressources de l'Arctique, que les Canadiens... Je nous mets au défi de trouver un seul Canadien qui n'admire pas la beauté et la nature vierge de notre Arctique, mais nous devons consacrer du temps, de l'argent et des efforts pour nous assurer qu'il reste à nous, avec nos amis et alliés.
    L'ancien président de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN et membre principal de la Commission des forces armées de la Chambre des représentants des États-Unis, aujourd'hui président de la Commission permanente sur le renseignement de la Chambre des représentants des États-Unis, le membre du Congrès Mike Turner, a récemment écrit une lettre d'opinion dans Newsweek intitulée « Trudeau—Not Trump—Is the Greatest Threat to NATO. »
    Pourquoi la mise à jour de la politique de défense évoque-t-elle une telle méfiance de la part de notre plus grand allié?
    Le Canada consacre des sommes considérables aux aspects généraux de la défense. Comme vous le savez bien, en 2017, l'OTAN a modifié les règles selon lesquelles toute une série de postes budgétaires liés à la lutte et à la victoire des guerres par les nations étaient comptabilisés dans les dépenses de défense: les pensions des vétérans, certaines des agences de soutien, et j'en passe.
    Ce que nous devons faire, c'est remettre en question le rendement des investissements canadiens en défense. Le rendement dépend d'un grand nombre de facteurs. Il comprend de pouvoir compter sur des hommes et des femmes bien formés, aptes et compétents qui sont prêts à aller outre-mer et à réaliser des actes dangereux en notre nom. Ils doivent avoir les installations, la formation, les infrastructures et l'équipement adéquats, ainsi que l'argent pour acheter des munitions.
    D'ailleurs, comment se porte ce contrat de munitions? Je suis désolé. Je vous pose une question. C'est injuste.
    Nous n'en avons pas pour notre argent. Pourquoi? Si un pays dépense plus pour des services professionnels et des consultants que pour l'armée, la marine et la force aérienne combinées; si un pays a augmenté son nombre de fonctionnaires de plus de 40 % depuis 2015 à un coût maintenant stupéfiant; et si un pays est doté essentiellement d'un système d'approvisionnement en matière de défense qui est sans doute l'un des pires au monde pour l'achat de gros équipements comme le matériel de combat, les aéronefs, les navires et les sous-marins... Soit dit en passant, les preuves sont irréfutables. Rien n'indique que le gouvernement actuel a acheté un vaste et complexe système d'armes modernes au cours de la dernière décennie.
    Pour quels programmes et initiatives le gouvernement libéral tente‑t‑il d'effectuer des économies de bouts de chandelle qui ont pour conséquence de réduire la capacité opérationnelle et l'efficacité de nos Forces armées canadiennes? Je crois que vous avez fait allusion à cela dans le National Post.
    Essentiellement, le manque d'effectifs des armées est de 13 000 à 16 000 personnes. Pour combler ce manque d'effectifs, il faudrait au moins un milliard de dollars de plus chaque année, uniquement pour les coûts de personnel.
    À cela s'ajoutent les besoins en instruction de base et avancée. Étant donné l'absence de progrès pour les principaux systèmes d'armement nécessaires à la survie de nos militaires dans le contexte d'une guerre contemporaine — surtout que les exemples que nous avons avec la guerre en Ukraine montrent qu'il faut avoir de nouvelles technologies ainsi qu'une multitude de technologies plus anciennes —, nos forces armées sont atrocement sous-équipées. C'est en raison de l'ampleur du retard accumulé pour l'acquisition d'équipement que le gouvernement hésite à annoncer, par exemple, des contrats pour l'achat de systèmes de munitions pour les navires, les avions, les chars, etc.
    Vous avez aussi dit qu'environ 72 % des véhicules et remorques de l'armée sont hors service. La plupart de ces véhicules ont-ils besoin d'entretien, ou doivent-ils être carrément remplacés?
    Les deux. Une bonne partie de cet équipement est vieux. Quant à l'équipement moins vieux, nous n'avons pas les pièces de rechange pour qu'il fonctionne bien, en particulier lorsqu'on l'utilise pour l'instruction avancée, où les véhicules sont plutôt soumis à rude épreuve.
    Dans ce cas précis, il faut une augmentation à trois niveaux. D'abord, il faut plus de mécaniciens et de personnel capable d'entretenir ces véhicules. Deuxièmement, il faut des munitions, de l'essence et des pièces de rechange pour que le personnel puisse s'entraîner sur ces systèmes. Troisièmement, il faut plus d'effectifs d'exploitation de l'équipement, car un effectif accru permet de réduire le stress et la charge de travail individuelle, facteurs qui ont contribué à un taux d'attrition plus élevé.
(0935)
    Nos troupes stationnées en Lettonie sont-elles adéquatement équipées, avec des véhicules adéquats, si la région devenait une zone chaude?
    Non, nos militaires ne sont pas adéquatement équipés. Ils font de leur mieux avec ce qu'ils ont. Ils ont des chars Leopard 2. Actuellement, ils ont un nouveau système de défense aérienne à courte portée, mais aucun système à moyenne et longue portée. Ils n'ont pas un ensemble complet de drones. Ils n'ont pas l'architecture de commandement et de contrôle articulée et dispersée dont un soldat moderne a besoin pour survivre sur le champ de bataille. Je pourrais continuer longtemps.
    Les forces armées font de leur mieux avec ce qu'elles ont, mais il y a un manque d'investissements dans les acquisitions pour la défense, ou un manque de volonté du gouvernement actuel de dépenser de l'argent pour les troupes.
    Concernant les 72 véhicules hors service, pouvez-vous dire quels types de véhicules sont plus susceptibles d'être inutilisables?
    Actuellement, les types de véhicules les plus susceptibles d'être brisés sont justement ceux dont on a besoin pour aller en guerre ou dissuader les Russes d'entrer en Lettonie: chars, véhicules blindés de transport de troupes, véhicules blindés légers, systèmes d'artillerie, mortiers et radars d'acquisition d'objectifs. En outre, l'architecture de commandement et de contrôle a 25 ans.
    Merci, madame Gallant.
    Monsieur Collins, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à nos témoins.
    Général Leslie, cet été, j'ai eu l'occasion de visiter le centre de recrutement, ici à Ottawa. Le personnel y fait un travail remarquable. Les recruteurs semblent faire un excellent travail pour encourager les gens à présenter leur candidature. On a rapporté à maintes reprises que près de 70 000 candidatures ont été reçues au cours d'une année civile, mais que seulement 5 000 personnes ont complété le processus.
    J'aimerais avoir vos observations sur les façons de corriger la situation. Je ne veux pas parler d'obstacles d'ordre administratif, mais comment peut‑on régler ce problème, sachant que cela ne découle pas d'un manque d'intérêt des gens?
    Il semble y avoir des problèmes internes liés à l'examen des candidatures. La question est abordée dans la mise à jour de la politique de défense. On y présente les changements et les recommandations qui, espérons‑le, permettront de régler ce problème, en tout ou en partie. Pourrais-je avoir votre opinion sur cette question précise?
    Essentiellement, la question du recrutement... C'est une crise, comme le chef d'état-major de la défense l'a indiqué. Vos chiffres sont exacts: 70 000 personnes se sont présentées, et seulement 5 000 candidatures ont été retenues.
    N'oublions pas le problème de la lourdeur administrative accrue. Les organisations sous pression ont souvent tendance à essayer de centraliser la gestion. Le problème, c'est la pression qu'elles exercent en compliquant les choses pour obtenir des résultats, car cette centralisation à outrance étouffe l'initiative et la capacité d'agir rapidement. La situation actuelle est un échec du processus et un échec de la gestion.
    Je tiens à rappeler à tous que, selon la Loi sur la défense nationale, le ministre de la Défense nationale « occupe sa charge à titre amovible et est responsable des Forces canadiennes ». C'est une question qui relève du ministre, et il devrait être personnellement responsable de la régler immédiatement, pour le Canada et les Canadiens, étant donné la menace imminente, et parce que notre ami et allié du Sud commence vraiment à en avoir assez de nous couvrir.
    J'ai eu l'occasion d'examiner diverses vérifications antérieures, et ce problème remonte à plusieurs années. Puis‑je vous demander quelles mesures ont été prises il y a 10, 15 ou 20 ans pour régler ce problème? Il ne date pas d'hier. Donc, avez-vous de l'expérience par rapport à certains des enjeux que vous venez de soulever?
    Oui, et je suis ravi d'en parler. Je vais peut-être trahir mon âge, mais quand je me suis enrôlé dans les Forces armées canadiennes, il y a bien longtemps, il m'a fallu quatre ou cinq jours pour remplir les formulaires. Les appareils portables et les médias sociaux n'existaient pas à l'époque.
    Au plus fort de la guerre en Afghanistan, près de 5 000 soldats étaient déployés. Nous avions moins d'argent et une force plus petite. Nous achetions du nouvel équipement un peu partout. Nous avons décentralisé le recrutement. Essentiellement, ce rôle a été confié aux unités de la Réserve, étant donné leur proximité avec le bassin de population, contrairement à la Force régulière. Quant à la Force régulière, nous avons mobilisé activement les bataillons et les régiments, et nous avons fait preuve d'intransigeance quant à l'acceptation des risques.
    Faut‑il être en parfaite santé pour s'enrôler dans les Forces armées canadiennes? La réponse est non, mais il y a facteurs susceptibles d'entraîner un refus. De quoi s'agit-il? Cela peut être de suivre une partie de l'instruction simultanément, d'accepter le risque de duplication, de veiller à ce que personne ne se blesse avant l'obtention du diplôme, puis aller de l'avant. La vérification des antécédents prend beaucoup trop de temps. Quel est le risque réel qu'un soldat connaisse tel ou tel individu, sachant qu'on parle de systèmes d'armement qu'on peut facilement se procurer dans divers bazars internationaux?
(0940)
    Je vais passer très rapidement à la Russie. Les Canadiens d'origine ukrainienne, en particulier ceux de ma circonscription, sont très inquiets pour la suite des choses en raison du soutien des États-Unis, ou de l'absence de soutien, pour la guerre en Ukraine.
    J'aimerais avoir vos conseils sur la façon de traiter avec quelqu'un comme Donald Trump, sachant que ses buts et objectifs par rapport à la situation et à la guerre en Ukraine sont différents des nôtres. J'aimerais avoir vos observations quant à la probabilité que le Canada et ses alliés réussissent à aider l'Ukraine dans ses efforts contre la Russie sans le soutien, en tout ou en partie, des États-Unis.
    Il ne m'appartient pas de faire des commentaires au sujet du président élu des États-Unis. Cela le regarde. Cependant, je peux faire amples commentaires sur ce que le Canada pourrait et devrait examiner concernant les questions imminentes liées à la guerre de la Russie contre l'Ukraine.
    Concentrons-nous sur le Canada. Nous avons une population de 41 millions et une économie de 2,4 billions de dollars, et nous avons réussi de peine et de misère à fournir quatre pièces d'artillerie, huit chars, quelques milliers de fusils et quelques milliers de cartouches de munitions. Il n'y a pas de quoi être fier. C'est odieux.
    Où est ce contrat de munitions pour la production d'obus d'artillerie de 155 millimètres, que l'Ukraine réclame désespérément, et que certaines personnes malavisées — j'allais utiliser un mot beaucoup plus dur — ont annulé il y a quelques années? Pourquoi ce contrat n'a‑t‑il pas été signé?
    Merci, monsieur Collins.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, j'attends avec impatience vos six minutes sur la mise à jour de la politique de défense.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Monsieur Lagassé, en 2023, vous avez écrit un article intitulé « Defence Policy and Procurement Costs: The Case for Pessimism Bias ».
    C'était quelques mois avant que la politique de défense soit annoncée. Vous avez dit que le ministère, lorsqu'il faisait un budget, était plutôt optimiste, mais qu'il devait peut-être changer son fusil d'épaule, si vous me permettez l'expression, et être plus pessimiste.
    Quand vous avez vu la nouvelle politique, avez-vous considéré que le ministère avait pris en compte l'article que vous aviez écrit quelques mois auparavant?
    Je crois que non, et je vais vous donner un exemple.
    Nous venons d'apprendre de la part d'un des hauts fonctionnaires du Parlement que même les projections en ce qui concerne l'atteinte de l'objectif de 2 % du PIB pour les dépenses de défense d'ici 2032 sont basées sur des analyses selon lesquelles l'économie canadienne sera en récession. C'est une autre façon d'interpréter la situation. On va atteindre la cible parce qu'on tient certaines choses pour acquises sur le plan économique et qu'on ne tient pas compte de différents scénarios. Je dois malheureusement répondre à votre question par la négative. On va voir ce qui va se passer du côté du budget, par exemple, en ce qui a trait aux sous-marins, mais j'estime également qu'on va être assez optimiste.
    Cela fait partie d'une culture selon laquelle on veut toujours aller de l'avant et on ne veut pas donner de réponses directes et honnêtes, surtout au ministère des Finances. Ce dernier veut toujours qu'on dépense moins et le ministère de la Défense nationale veut toujours avoir l'approbation, la permission du gouvernement pour mettre en œuvre des projets. Cela crée donc un scénario où le ministère de la Défense nationale indique qu'un projet coûte beaucoup moins afin d'avoir l'approbation du ministère des Finances pour une ligne budgétaire. Cela crée des scénarios, comme le général le disait, où on se retrouve avec plusieurs projets alors qu'on n'a tout simplement pas le budget nécessaire pour les mettre en œuvre. Autrement dit, il manque d'argent. Même si le projet est bien conçu et qu'il est prêt à être mis en œuvre, on décide de ne pas avancer, parce qu'on n'a tout simplement pas les fonds nécessaires pour répondre aux besoins.
    Avez-vous l'exemple concret d'un projet qui a dernièrement été budgété de façon trop optimiste?
    On a beaucoup parlé de défense aérienne pour la Force terrestre. Ce projet a subi un retard extraordinaire parce qu'il était mal financé. Je ne veux pas donner trop d'informations quant au rôle que je jouais en tant que conseiller en matière d'acquisitions, mais je peux dire que, lorsque j'ai revu ce projet au sein du ministère, c'était extrêmement frustrant, parce que c'était un besoin, mais il manquait de fonds pour aller de l'avant. C'est un exemple.
    On peut aussi penser aux camions, qui sont un élément de base. Vous avez vu que, maintenant, on divise un projet de camions en deux, tout simplement pour s'assurer d'avancer avec le budget qu'on a. On met de côté l'autre partie, qui concerne les véhicules blindés, parce qu'on attend encore d'autres fonds avant d'avancer. C'est malheureusement très commun.
(0945)
     Par conséquent, ou bien les projets ne se font pas au complet, ou bien ils coûtent beaucoup plus cher que ce qu'on avait prévu. Cela ne vient-il pas alimenter un certain cynisme à l'endroit du ministère de la Défense nationale, non seulement chez certains observateurs, mais aussi chez nos alliés et chez les Canadiens en général?
    Oui, et c'est surtout vrai en ce qui concerne les navires.
     Honnêtement, je ne sais pas qui a eu l'idée selon laquelle 15 navires de guerre modernes allaient coûter 26 milliards de dollars. Maintenant, on nous dit qu'ils vont coûter 100 milliards de dollars, et on se demande encore une fois d'où viennent ces projections. Présentement, le gouvernement insiste sur le fait que le budget pour les 15 navires est encore de 60 milliards de dollars, même si on sait que toutes les autres analyses disent qu'ils coûteront 100 milliards de dollars.
    Quand sera-t-on honnête avec les Canadiens? Quand sera-t-on honnête avec vous, les parlementaires, au sujet des prix? Cela ne sert à rien d'être toujours optimiste et d'espérer que les gens ne remarqueront pas que le prix aura tout simplement doublé, voire triplé. Ce n'est pas une façon de procéder.
     Merci beaucoup.
    Général Leslie, vous semblez très critique à l'égard des dernières politiques fédérales en matière de défense, certainement avec raison.
    Quels seraient vos commentaires au sujet des politiques d'approvisionnement actuelles du gouvernement canadien en matière de défense?
    Je pense que notre système d'acquisition est effectivement le plus mauvais au monde, franchement. On peut voir les résultats. Au cours des 10 dernières années, les Forces canadiennes n'ont pas reçu un seul système avancé, moderne et complexe qui ait été mis en service par les Forces canadiennes. De plus, il y a un coût associé à chaque année de retard.

[Traduction]

    Le coût du retard est le prix de l'échec. Après 10 ans de procrastination et de tergiversations par rapport à l'acquisition d'équipement de défense et, très franchement, avec une énorme bureaucratie qui n'a fait que s'alourdir — ce qui ne favorise pas nécessairement l'efficacité —, le coût de l'achat d'équipement de défense complexe a probablement triplé par rapport à 2015. C'est un peu comme le problème du logement. Plus on laisse le problème s'envenimer, plus l'équipement coûte cher, ce qui rend totalement caduques les estimations de coûts.
    Merci.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Je vous remercie tous les deux de comparaître aujourd'hui.
    Je suis toujours disposée à parler davantage de ces fameux ou arbitraires 2 %, peu importe comment vous voulez les qualifier. Pour des raisons évidentes, le Canada a fait l'objet de beaucoup de pressions pour atteindre cette cible, et je pense que nous pourrions y arriver grâce aux dépenses à venir, possiblement, notamment pour les F‑35, les sous-marins, etc.
    Au Comité, il a longuement été question de l'extraordinaire crise de recrutement et de rétention qui sévit actuellement. Il y a une crise du logement militaire. Il manque beaucoup d'équipement aux militaires sur le terrain pour faire le travail qui leur est demandé. Nous avons considérablement recours à la sous-traitance et à des experts-conseils. Je pense, général, que c'est en partie lié au point que vous avez soulevé. Il y a eu des compressions, puis une expansion, mais c'est insuffisant pour satisfaire aux besoins. Je suis convaincue que cela découle du recours aux experts-conseils externes. C'est mon opinion.
    Êtes-vous d'accord pour dire que l'atteinte des 2 % par l'intermédiaire des grands projets d'acquisition ne suffit pas? Que devons-nous faire pour concentrer nos efforts et veiller à faire ce dont les gens sur le terrain ont réellement besoin?
    Je suis profondément et sincèrement reconnaissant des efforts du Comité de mettre en lumière certains enjeux qui revêtent de plus en plus d'importance pour les Canadiens ordinaires. Malheureusement, ce n'est pas tâche facile, car fondamentalement, la plupart des Canadiens ignorent tout des questions de défense. Très franchement, je ne pense pas que le gouvernement ait fait beaucoup pour conscientiser les Canadiens quant aux conséquences du non-respect de nos obligations, de nos promesses.
    N'oublions pas cela. En 2008, par l'intermédiaire du ministre de la Défense, nous avons promis que nous respecterions nos engagements. La promesse a été répétée en 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022. Oups! En 2023, nous avons annoncé que nous n'atteindrions pas la cible avant 2032, une date arbitraire choisie par le premier ministrepour se tirer d'embarras lors de sa visite à Washington.
    Il n'y a rien dans le cadre fiscal qui indique que le gouvernement du Canada est sérieux et veut véritablement atteindre ces 2 %. Si cela ne figure pas dans le cadre fiscal, ce sont des paroles en l'air. Où est le contrat de munitions? Vous parlez d'une idée facile à vendre! C'est représentatif. C'est typique. Les gens ont perdu de vue l'apport réel requis des Forces canadiennes. C'est sur cette base que nous devrions être évalués. Très franchement, c'est en fonction de cela que nos alliés nous évaluent.
    Lorsqu'on se lamente de ne pas pouvoir atteindre les 2 % d'ici 2024, le reste de l'OTAN s'en moque, car nous avons promis que nous pourrions le faire et que nous y arriverions, et voilà où nous en sommes. Je pense que nous nous retrouverons dans une situation étonnamment difficile au cours des deux prochains mois, alors que nous subirons un barrage de questions très difficiles dans le contexte de la défense nord-américaine, de notre contribution à l'OTAN et du libre-échange nord-américain. Toutes ces choses sont liées, mais beaucoup de Canadiens ne voient pas les choses du même œil.
(0950)
    Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai demandé, monsieur.
     Cela se fait‑il uniquement par l'intermédiaire de gros contrats d'approvisionnement? Comment établissez-vous un équilibre avec les besoins des forces sur le terrain?
    C'est une excellente question. Je m'excuse. Mon savoir-faire politique a pris le dessus. J'ai répondu à la question que j'espérais et non à celle que vous avez posée. Vous m'avez pris en flagrant délit. Bien joué.
    Les forces armées ont un plan. Le gouvernement a un plan. Maintenant, il ne reste qu'à financer ces plans et à réduire les délais. Auparavant, on pouvait attendre 10 ans, alors qu'aujourd'hui, on parle d'une question de mois.
    « C'est impossible », direz-vous. Nous l'avons fait durant la guerre en Afghanistan. Nous avons acheté des chars en moins de six mois et des C‑17 en quatre mois. Nous avons acheté des 777 en l'espace de cinq ou six mois. Nos troupes se sont entraînées sur ces nouveaux chars alors qu'elles avançaient sans relâche vers la zone de combat. Je pourrais continuer, car la liste est longue et démontre que...
    Et que se passe‑t‑il si vous n'avez pas de pilotes pour faire voler les F‑35 ou si vous manquez de personnel de la Marine pour compléter l'équipage d'un sous-marin?
    Les deux vont de pair. Il faut faire une chose en fonction de l'autre, en gardant à l'esprit qu'il faut une dizaine d'années pour former un pilote. Il faut environ une décennie pour acheter un F‑35. Leur entrée en service devrait coïncider, mais ce n'est pas le cas, puisque le taux d'attrition était très élevé, notamment parce que personne n'était disposé à consacrer l'énergie et le temps nécessaires. Outre la composante militaire, personne n'était prêt à consacrer l'énergie et le temps nécessaires pour régler le problème.
    Maintenant, cela attirera peut-être plus d'attention, sachant que la responsabilité à cet égard incombe au ministre.
    En tant que néo-démocrate... Un des fondements, qui est totalement absent de la mise à jour de la politique de défense, d'après ce que nous avons vu, est le maintien de la paix. On n’y trouve aucune mention des initiatives de maintien de la paix, alors que les Canadiens ont joué un rôle fondamental dans leur création.
    Le gouvernement a fait une promesse à la communauté internationale, et cela se rapporte peut-être à vos commentaires au sujet des promesses non tenues et du non-respect de nos obligations... À votre avis, le Canada doit‑il en faire plus pour respecter cet engagement? Cela aurait‑il dû être inclus dans la mise à jour de la politique de défense?
     Oui. J'ai mentionné dans ma déclaration liminaire que 35 militaires canadiens ou peut-être un peu moins sont déployés dans des missions des Nations unies.
    Je fais remarquer que l'Ukraine déploie plus de Casques bleus que le Canada même si elle combat dans une guerre sauvage contre la Russie et qu'elle doit littéralement monnayer la vie de ses soldats contre des portions de territoire en raison d'un manque de munitions — que le Canada aurait d'ailleurs pu lui fournir s'il n'avait pas annulé le contrat.
    Chers collègues, il reste seulement 20 minutes à cette série de questions, et nous avons 25 minutes de questions. Je vais retrancher une minute par question.
     Vous avez quatre minutes, monsieur Stewart.
    Merci, monsieur le président.
     Merci aux témoins.
     Général Leslie, quel est l'état des effectifs? Nous connaissons la situation générale du recrutement et du maintien en poste. Les salaires et les avantages des militaires sont-ils appropriés? Faudrait‑il étudier de près cette question dans le cadre de la majoration des dépenses?
(0955)
     Oui. Il faut examiner cette question. Les membres viennent de recevoir une modeste augmentation de salaire, mais en considérant le stress qu'ils ont vécu — surtout les vétérans qui tiennent le coup depuis cinq ou six ans, les gestionnaires intermédiaires, les superviseurs, les sergents-majors, les adjudants-chefs et les capitaines, et tous les autres —, une augmentation de salaire substantielle serait providentielle étant donné les hausses du coût de la vie un peu partout.
     Oui. Cette augmentation se fait attendre depuis longtemps.
    C'est le cas particulièrement dans les communautés où nous essayons de recruter. Toronto est un endroit où le coût de la vie est très élevé. Dans la force de réserve, c'est de plus en plus difficile de déployer les membres en raison des salaires qui ne sont pas assez motivants.
    Je voulais vous poser une question sur le conflit au Moyen-Orient, la guerre en Ukraine et les hostilités qui se poursuivent ailleurs dans le monde. Les Forces armées canadiennes ne sont pas préparées à participer et à contribuer aux opérations menées dans les conflits dans diverses régions du monde. À quel point ce manque de préparation vous préoccupe‑t‑il?
    Le Canada, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, fait à peine partie des 10 ou 12 États qui dépensent le plus pour la défense selon nos méthodes de calculs. Toutefois, je pense que mes commentaires et ceux des autres témoins ont exposé clairement que notre contribution n'est pas proportionnelle aux sommes que nous dépensons. Notre première tâche est de déterminer ce que nous devons faire, les sommes que nous sommes prêts à dépenser à cet effet de même que la rapidité à laquelle nous pourrons exécuter le tout.
    Tout à coup, nous voilà confrontés à trois situations pressantes. L'une d'elles se trouve dans la région indo-pacifique, avec la Chine et ses tendances expansionnistes. Il y a ensuite les tragédies qui continuent de dévaster le Moyen-Orient et qui sont aiguillonnées par l'Iran et la Russie. Enfin, évidemment, il y a le spectre menaçant d'autres massacres dont le tribut en vies humaines en Ukraine dépendra des directives que donneront les grands décideurs ailleurs dans le monde au cours des deux prochains mois.
     Le Canada est‑il prêt à combler les trous qui pourraient découler d'une vision plus centraliste du rôle des États‑Unis? Combien d'argent le Canada veut‑il allouer à la défense d'autres pays? Il vaudrait mieux se tenir prêts à faire notre part.
     Que pensez-vous des risques dans l'Arctique? Vous avez mentionné plus tôt l'importance de la visibilité pour la défense de la souveraineté. Il y aura peut-être un prix économique à payer si nous confions notre défense à l'un de nos alliés. Puisque nous ne sommes pas présents dans l'Arctique et que nous comptons sur les États‑Unis pour nous défendre, pouvons-nous vraiment revendiquer notre souveraineté dans la région?
    C'est une excellente question. Depuis 2007, la Russie et la Chine sont engagées dans une démarche judiciaire devant les Nations unies, car elles ne reconnaissent pas une grande portion des fonds marins arctiques revendiqués par le Canada. Si elles ne reconnaissent pas la souveraineté du Canada sur ce territoire, il leur suffirait, pour nous défier, de déployer leurs navires d'exploration dans les eaux canadiennes. Il y a un risque immense à ne pas avoir de forces navales en permanence pour affirmer notre présence.
    En passant, la Russie et la Chine ont conclu récemment une entente sur l'exploitation de l'Arctique. La Chine y a inscrit son objectif d'inclure un passage dans l'Arctique dans ses nouvelles routes de la soie.
     Le Canada a‑t‑il établi une stratégie pour contrer ce programme?
     Le Canada n'a aucune stratégie.
    Merci, monsieur Stewart.
    Madame Lambropoulos, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins d'être venus répondre à nos questions.
     La mise en place de mesures pour atteindre l'objectif de 2 % beaucoup plus tôt que prévu occasionnerait des dépenses colossales. Je suis d'accord pour dire que nous devons travailler en vue de cet objectif et en arriver à un état de préparation approprié compte tenu de la situation dans le monde et des résultats des élections américaines.
    Toutefois, pour aller de l'avant, il faut que la population appuie un tant soit peu les dépenses. Je me demande quel message le gouvernement devrait commencer à envoyer au grand public. Les réunions des comités sont pratiquement le seul espace public où se tiennent ces conversations et où les Canadiens peuvent s'informer sur ces questions. Par contre, je ne pense pas que tout le monde les suive.
    Quels arguments devrait-on invoquer pour rallier les gens à un changement d'orientation aussi considérable?
    Ma question s'adresse aux deux témoins.
     Je ferais valoir en premier lieu que des développements notables se sont produits, mais que ces développements n'ont pas bien été compris. C'est sur cet aspect que mon point de vue diffère un peu de celui du général Leslie.
    Parmi les nouvelles capacités, certaines ne sont pas encore en service, mais au cours des dernières années, nous avons acheté de nouveaux avions de ravitaillement en vol et des avions de patrouille maritime. Nous avons commandé 88 chasseurs F‑35. Nous avons des drones pour l'Arctique de même que des véhicules MRZR pour les forces spéciales. Nous allons obtenir un certain nombre de brise-glaces polaires et de brise-glaces de programme. Nous faisons également l'acquisition d'un système de satellites pour le projet Polar Epsilon. La liste est longue.
    Je suis étonné de voir persister cette idée — qui me rappelle les indicateurs tardifs diffusés pendant la pandémie de COVID — selon laquelle les Forces armées canadiennes sont mal équipées et qu'elles tombent en morceaux. Cette perception n'est pas erronée à l'heure actuelle parce que nous accusons un retard d'une décennie ou d'une génération sur le plan des capacités militaires. Par contre, dans 10 ou 15 ans, un grand nombre de capacités seront ajoutées à notre arsenal.
    Il faut au moins essayer de décrire les choses sous un angle positif. Si nous lançons un message trop négatif, autant jeter l'éponge. Il faut reconnaître que des efforts sont déployés pour renflouer l'armée canadienne. Si nous voulons que les Canadiens s'enrôlent dans les forces et les soutiennent, il faut leur dire que nous achetons de nouveaux équipements. Pourquoi les Canadiens voudraient-ils se joindre à une armée sous-équipée? Pourquoi s'enrôler dans une armée dont on dit continuellement qu'elle est sur le point de s'effondrer?
    Il ne faut pas occulter les problèmes, mais il faut aussi reconnaître au moins les progrès accomplis. Deux gouvernements sont impliqués. De nombreuses personnes peuvent s'attribuer le mérite. Si nous nous concentrons uniquement sur ce qui va mal et que nous n'essayons pas de démontrer les progrès accomplis... Ce n'est pas suffisant, mais les choses s'améliorent. Il faut relater ce pan essentiel de l'histoire si nous voulons que les Canadiens se joignent aux forces armées.
    Je suis quelqu'un de plutôt pessimiste. D'aucuns seraient surpris de m'entendre prononcer ces paroles.
(1000)
    Merci. Vous avez tout à fait raison. Je pense que nous avons fait de grandes avancées et que nous sommes dans la bonne voie.
    Toutefois, selon bon nombre de témoins que nous avons entendus, il y a encore beaucoup à faire et encore énormément d'améliorations à apporter. Je pense que le gouvernement pourrait aller en ce sens dans le prochain budget et peut-être dans les budgets suivants. Je me demande quel message transmettre au public pour le rallier à cette augmentation majeure des dépenses de défense. C'était le sens de ma question.
    Le gouvernement fédéral devrait exercer un leadership. Les premiers ministres et le Cabinet ne peuvent pas toujours anticiper le sens du courant et se rallier en conséquence. Ils doivent se positionner en amont.
    Ce n'est pas faux de dire que dans les années à venir, les équipements des Forces canadiennes seront renfloués, mais selon moi, l'OTAN n'en a cure. Nous avions dit que nous atteindrions la cible de 2 % en 2024. Nous en sommes encore très loin. L'administration actuelle et celle à venir aux États‑Unis ne font pas grand cas de nos excuses. Leur logique transactionnelle exige des résultats rapides. Tout cela a des effets sur le commerce, et des négociations commerciales auront lieu bientôt. Lorsque nous mettons les choses en contexte, le message est clair comme de l'eau de roche.
     Nous devons nous arrêter ici.

[Français]

     Vous avez la parole pour une minute et demie, monsieur Brunelle‑Duceppe.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lagassé, vous avez entendu les propos du général Leslie lors de ma dernière intervention. Le système d'approvisionnement du ministère de la Défense nationale du Canada est le pire au monde. En fait, c'est un peu ce qu'on nous a dit.
    Premièrement, partagez-vous l'opinion du général? Deuxièmement, s'il y avait une recommandation principale à formuler, quelle serait-elle? On ne parle plus seulement d'un coup de barre, c'est le modèle au complet qu'il faut changer, si on est véritablement dans cette situation.
     Le problème ne se pose pas uniquement au ministère de la Défense nationale. C'est un problème présent dans le gouvernement canadien en général. Le gouvernement n'aime pas le risque, et il l'évite à tout prix. Pourquoi? Quand il y a des erreurs, comme dans le cas d'ArriveCAN, tout le système explose. On se dit alors qu'il faut plus de règlements, plus de procédures et plus de fonctionnaires qui surveilleront le tout.
    Il existe une culture, au sein du gouvernement canadien, selon laquelle il faut éviter le risque à tout prix. Comme l'a dit le général, si vous voulez acheter de l'équipement rapidement et avoir des capacités rapidement, il faut accepter un certain niveau de risque.
    Il existe une notion selon laquelle, quand on échoue très vite, on peu corriger le tir immédiatement. Cette culture n'existe pas au gouvernement canadien, puisqu'il veut éviter le risque à tout prix, même s'il était en mesure de corriger le tir.
     Selon une de vos recommandations, il faudrait donc que le gouvernement accepte un certain niveau de risque lorsqu'il est question d'approvisionnement.
(1005)
    En matière d'achats militaires, monsieur, le risque est la seule façon de survivre dans le monde actuel.

[Traduction]

     Merci.
    Madame Mathyssen, vous avez une minute et demie.
    Monsieur Lagassé, la dernière fois que vous êtes venu témoigner, nous avons discuté de l'approvisionnement. Nous avons parlé des marchés à fournisseur unique et des problèmes qui y sont associés. De nombreux témoins se sont dits préoccupés par la transparence et la reddition de comptes, ce qui pourrait se rattacher [Inaudible] à la prise de risques.
    Les États‑Unis ont établi un bureau chargé d'examiner la reddition de comptes dans les approvisionnements. Le Canada devrait‑il reproduire ce modèle? Que peut faire le gouvernement pour atteindre ce niveau de reddition de comptes dans les processus d'approvisionnement coûteux?
    Au Canada, le problème de reddition de comptes n'est pas lié à la surveillance. Il ne se réglera pas par l'ajout d'organismes chargés de surveiller le gouvernement. Le problème fondamental est le manque de transparence. C'est en travaillant sur la transparence que nous améliorerons la reddition de comptes au pays. Comme je l'ai dit lors de mon dernier témoignage, pour bien faire leur travail, les membres du Comité devraient avoir la cote de sécurité nécessaire pour examiner les processus en marche pour tous les types de besoins en matière d'acquisition.
    Voilà le problème fondamental. Pour avoir une meilleure reddition de comptes de la part du gouvernement, il faut accroître la transparence. Notre système d'approvisionnement se distingue par sa lenteur, certes, mais le Canada fait partie des pays les moins transparents dans le monde, particulièrement parmi les membres du Groupe des cinq. Vous n'avez pas accès à un volume d'informations ahurissant dont vous auriez pourtant besoin pour bien faire votre travail et obliger le gouvernement à rendre des comptes.
    Pour instaurer une plus grande reddition de comptes, il faut accroître la transparence, et non pas la surveillance.
    Merci, madame Mathyssen.
    Monsieur Bezan, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Général Leslie, monsieur Lagassé, merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
    Général Leslie, vous avez déjà été député libéral. Le premier ministre Trudeau ou le ministre Sajjan vous ont-ils consulté lors de l'élaboration de politiques sur la défense?
    Afin de répondre à la question, je vais fournir un peu de contexte. Avant les élections de 2015, je coprésidais avec Marc Garneau les séances sur le contenu lié à la défense, à la sécurité et aux frontières du programme libéral. Je trouvais très satisfaisant d'avoir voix au chapitre et de pouvoir influer sur le programme libéral de la défense de 2015 et sur la politique sur les vétérans.
     Combien de fois vous ont-ils consulté pour la politique « Protection, Sécurité, engagement »?
     Ils m'ont consulté quelques fois, mais la politique récupérait en grande partie ce qui avait été fait pour préparer le contenu lié à la défense du programme libéral. Ce qui est tragique...
    Vous ont-ils consulté par la suite sur la mise en œuvre des éléments de la politique et sur le processus d'achat des équipements dont nous avions besoin?
     Non. J'ai essayé plusieurs fois de donner mon avis. Je n'ai pas nécessairement essayé de parler au premier ministre parce que, comme nous le savons tous, son intérêt pour la défense est assez limité.
    En parlant du premier ministre... Vous avez mentionné la Loi sur la défense nationale. Vous avez dit que le ministre est responsable de la direction et de l'orientation opérationnelle des Forces armées canadiennes et qu'il est au service du premier ministre. Dans quelle mesure les lacunes sur le plan de la reddition de comptes, de la surveillance et de la responsabilité découlent-elles du peu d'intérêt démontré par le premier ministre Trudeau pour la défense?
    Visiblement, jusqu'à tout récemment, la volonté du Cabinet de se pencher sur les détails de la défense et de faire ce que M. Lagassé propose — de réduire la bureaucratie et d'accroître la reddition de comptes — était à peu près nulle, et ce, depuis au moins 10 ans en raison du faible niveau d'intérêt pour la défense et la sécurité. Voilà pourquoi nous sommes... Nous ne sommes pas dans le pétrin, mais nous avons perdu l'estime de nos amis et alliés de l'OTAN et nous sommes en train de perdre celle de nos voisins du Sud. Nous avions promis de faire quelque chose qui impliquait un engagement financier, et nous n'avons pas tenu nos promesses. Nous devons répondre de nos actes à présent.
     M. Lagassé a énuméré les achats d'équipements effectués par le gouvernement. Nous, les députés de l'opposition officielle, avons soutenu tous ces achats.
     Les processus d'approvisionnement en question se sont-ils soldés par l'achat de suffisamment d'équipements cinétiques pour permettre aux Forces de défendre le Canada et de participer aux missions de nos alliés si nécessaire?
    Ma réponse est un non catégorique.
    Le gros des achats n'était pas des équipements cinétiques — qui causent des blessures ou la mort. N'oubliez pas que le rôle fondamental des militaires canadiens, ce pour quoi ils sont préparés, est d'aller au front et de remporter les guerres aux côtés de nos amis et de nos alliés.
    Quels équipements devrions-nous acheter dans le domaine de la défense aérienne qui nous permettraient d'assurer la protection du Canada? De quoi avons-nous besoin pour compléter nos effectifs déployés dans des régions comme la Lettonie et dans les autres missions de l'OTAN?
     Il y a une liste longue comme le bras — je ne parle pas du mien, qui n'est pas très fonctionnel en ce moment — que je pourrais réciter facilement.
    Dit simplement, parmi les choses qui seraient facilement réalisables à court terme, en quelques mois, à condition de le vouloir, il y a l'achat de systèmes de roquettes de précision à longue portée pour l'Armée de terre, de nouveaux canons automoteurs et d'un vrai système de défense aérienne en mesure d'atteindre et de toucher une cible plus loin que les systèmes à courte portée que nous achetons habituellement — il nous faut des systèmes à courte portée, à moyenne portée et à longue portée — de même que l'augmentation de notre capacité de drone, la mise en place d'architectures de commandement et de contrôle et l'acquisition de nouveaux navires militaires. Ce serait bien de conclure un contrat de navires. Ce serait fantastique de fournir des munitions à l'Armée de terre. Est‑ce que j'ai mentionné les munitions?
(1010)
    Je pense qu'il ne me reste plus de temps.
    Monsieur Lagassé, je vais vous demander de transmettre par écrit au Comité votre réponse à ma prochaine question. Comment faire pour mettre en place un mécanisme de reddition de comptes tout en accélérant le processus d'approvisionnement? Cela inclut la notion de transparence. Nous avons besoin d'indications qui nous aideraient à réparer le système, qui est de toute évidence brisé et dysfonctionnel.
     Nous serions prêts à payer pour obtenir une réponse à cette question.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Vous avez quatre minutes, madame Lapointe.
    Merci à vous deux d'être ici.
    Monsieur Lagassé, une des choses dont nous n'avons pas encore parlé aujourd'hui, c'est la sécurité face aux cybermenaces. D'autres témoins nous ont dit que la menace était croissante.
    Pouvez‑vous nous dire comment les gouvernements peuvent collaborer pour élaborer des mesures de cybersécurité plus vigoureuses et protéger leurs pays?
    Je pense que le Canada doit d'abord comprendre que la solution ne viendra pas du gouvernement. Il faut établir un partenariat avec le secteur privé. Je ne peux pas insister assez là‑dessus. Si nous ne comptons que sur les procédures et politiques gouvernementales en matière de TI pour garantir la cybersécurité de ce pays, nous n'y arriverons pas.
    Si on examine nos principaux alliés, ils se fient à de grandes sociétés de TI et travaillent étroitement avec elles. Aux États‑Unis, c'est Google, Microsoft, AWS et Oracle. Au Royaume‑Uni et en Australie, c'est AWS. C'est simplement en raison du niveau d'expertise et de savoir. Le secteur public a du mal à maintenir le rythme avec les cybermenaces, compte tenu de nos systèmes.
    Dans le contexte canadien, on doit faire plus que de simplement travailler avec les grandes sociétés dans la communauté de la sécurité nationale. Il faut aussi travailler avec le secteur bancaire et d'autres secteurs vulnérables, parce que ce n'est pas tant une attaque contre la défense nationale et la communauté de la sécurité nationale qui va nous rendre vulnérables qu'une attaque contre le secteur bancaire civil et privé qui va nous paralyser. Ce niveau de collaboration n'est pas encore adéquat.
    Lieutenant‑général Leslie, aimeriez‑vous ajouter quelque chose?
    Je m'en remets au professeur, surtout parce que ce n'est pas mon domaine de spécialité.
    Merci.
    Nous voyons certainement que les temps sont incertains au pays et à l'étranger.
    Monsieur Lagassé, comment le Canada peut‑il bien se positionner en tant que pays, partenaire et allié forts, et quels investissements devons‑nous faire à votre avis?
    Je dirais qu'un de nos principaux problèmes, c'est d'essayer de tout faire — et nous cherchons à le faire avec un budget très limité.
    Comme je l'ai dit à bien d'autres tribunes, nous aimons penser que nous sommes l'Australie de l'Amérique du Nord, alors qu'en réalité, nous sommes la Nouvelle‑Zélande de l'Amérique du Nord. Je veux simplement dire par là qu'il vaut mieux reconnaître que si nous dépensons seulement 1,5 % de notre PIB pour la défense — ce qui a été le cas par le passé —, nous devrions peut‑être focaliser sur des secteurs et des contributions en particulier et faire de notre mieux de cette manière. Nous pourrions nous concentrer sur l'Arctique, ce que les États‑Unis nous demandent de faire avec toujours plus d'insistance. Nous pourrions aussi jouer d'autres rôles précis. Je ne sais simplement pas comment nous pourrions continuer comme cela, en dépensant moins que ce que nous disons et en tentant d'appliquer une politique de 2,5 % du PIB pour la défense, alors que nous ne dépensons que 1,5 % de notre PIB.
    Je dirais que nous devons choisir des rôles et des contributions précis et y travailler en faisant de notre mieux, au lieu d'essayer de tout faire.
    Lieutenant‑général, allez‑y.
    Je comprends ce que le professeur a dit, et c'est très logique. Cependant, c'est très difficile de prévoir l'avenir, donc il faut se garder de la flexibilité dans la suite de cartes qu'on pourrait jouer.
    Bien sûr, il ne faut pas oublier la valeur de la diplomatie, d'un corps diplomatique bien doté et engagé, et de l'aide internationale. Un autre pilier, si l'on veut, c'est les capacités de défense ou de dissuasion. Il se pourrait qu'un jour, dans 5 ou 10 ans, on veuille se concentrer davantage sur les Nations unies, soit en général, les capacités terrestres. Il se pourrait qu'on veuille peut-être appuyer une force de l'OTAN, qui opère d'habitude en milieu terrestre, en plus de compter sur quelques capacités aériennes et marines.
    La souveraineté exige qu'on focalise beaucoup plus sur la surveillance, qui met en jeu des satellites et la force aérienne. Il faut aussi surveiller ce qui se trouve à la surface de l'eau et en dessous, un travail qui revient essentiellement à la marine. Cela demande toujours de déployer des soldats, mais en bien plus petit nombre que pour d'autres opérations.
    Il faut avoir de la flexibilité quand on bâtit ses forces pour pouvoir effectuer différentes missions. Il faut trouver un équilibre. Je dirais qu'à l'heure actuelle, comme le professeur l'a dit, nous ne faisons rien de très bien.
(1015)
    Ce sont des commentaires affreux pour terminer la réunion: nous ne faisons rien de très bien. Il me semble que Mme Gallant va sauter sur cette citation pour en faire le titre de notre étude.
    Je tiens à vous remercier tous les deux au nom du Comité pour nous avoir parlé de cet enjeu, un enjeu d'actualité bien réel.
    Je pense que Mme Lapointe ou Mme Lambropoulos a dit, à la grande surprise de tous ici, que ce ne sont pas tous les gens au Canada qui suivent les délibérations de ce Comité. Je sais qu'il devrait le faire, et c'est choquant qu'ils ne nous écoutent pas. Il faut faire passer le message. Je suis particulièrement reconnaissant envers M. Lagassé de nous rappeler que nous avons un certain nombre de réalisations à notre actif.
    Cela me rappelle une expérience que j'ai vécue aux États‑Unis. J'y dirigeais une délégation de parlementaires. Mon coprésident témoignait devant le comité des affaires étrangères et a dit: « Ces sacrés Canadiens, ils ne dépensent pas les 2 %. Je vais les rencontrer cet après‑midi et je vais leur faire savoir. » Cet après‑midi‑là, nous nous sommes tous réunis dans son bureau et, comme on pouvait s'y attendre, Bill a dit: « Je présume que vous êtes ici à cause de ce que j'ai dit. » Eh bien, c'était aussi pour d'autres raisons, mais après qu'il nous a sermonnés, j'ai utilisé la liste des choses que nous avons accomplies de M. Lagassé. J'ai fait valoir que nous avions presque tout acheté de lui.
    Je ne pense pas que ce soit un échec cuisant, mais vous nous avez tous les deux brillamment parlé de cet enjeu et avez apporté une réelle contribution à notre étude.
    Sur ce, la séance est levée.
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