Chers collègues, je suis désolé pour la réorganisation, mais ces deux heures ont été très difficiles à coordonner.
Je tiens à féliciter tout particulièrement notre greffier et les personnes qui ont travaillé dur pour assurer la tenue de cette réunion. Ce n'est peut-être pas l'ordre idéal que nous aurions souhaité, mais les choses sont ce qu'elles sont, et nous remercions tout le monde de leur souplesse.
Je vois que Mme Arbour est en ligne et qu'elle dispose du bon casque d'écoute, qui, disons, est la source d'une blague d'initiés.
Avant que je vous prie de faire votre déclaration liminaire, madame Arbour, je tiens, en tant qu'ancien juriste praticien, à vous témoigner mon admiration pour votre travail. Au fil des ans, vous avez fait honneur à votre profession non seulement à titre de juge, mais aussi à titre d'avocate. Je tiens à le dire parce que je suis un grand admirateur de Mme Arbour. Merci une fois de plus pour les services que vous avez rendus à notre pays.
Sur ce, madame Arbour, comme je l'ai dit, l'ordre n'est pas optimal, mais c'est ainsi. J'ai hâte de vous entendre durant les quelques minutes à venir. Nous passerons ensuite aux questions.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à répondre à vos questions concernant le rapport que j'ai soumis à la , en mai dernier, et qui porte sur l'inconduite sexuelle et le leadership au sein des Forces armées canadiennes.
Je souligne ces deux volets parce qu'ils sont d'égale importance. Ces deux questions sont aussi interreliées.
L'ampleur de l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes, y compris au sein des grades supérieurs, était déjà très bien documentée, notamment dans le rapport de mon ancienne collègue la juge Deschamps, les nombreux sondages menés par Statistique Canada, des rapports du vérificateur général, les recours collectifs Heyder et Beattie et de nombreux rapports dans les médias. Mes efforts de mise à jour de cette question, y compris par l'écoute de nombreux témoignages des membres de la Force régulière et de la Force de réserve, des membres actifs et retraités, ont confirmé sans ambiguïté l'état des choses et, malheureusement, le peu de progrès réalisé à ce jour pour y remédier.
La deuxième partie de mon rapport portait sur le développement du leadership en lien avec la persistance des agressions, des abus et de toutes sortes de formes de harcèlement et de discrimination d'ordre sexuel dans l'organisation. Cet aspect, qui n'avait pas encore fait l'objet d'un examen externe approfondi, s'est avéré une tâche extrêmement laborieuse consistant à étudier des procédures et des pratiques détaillées et complexes touchant à la fois le recrutement, la formation, la gestion des ressources humaines et, en particulier, les processus d'évaluation de la performance et les promotions.
Finalement, vu les recommandations antérieures à ce sujet, je me suis penchée en particulier sur la question de la surveillance externe et de la responsabilité des membres de la chaîne de commandement envers le pouvoir civil.
Permettez-moi de souligner le constat qui me paraît le plus significatif à la suite de mon examen.
Sur tous les plans, les Forces armées canadiennes gagneraient à s'ouvrir davantage sur le monde extérieur. Il s'agit là d'un changement de culture nécessaire, qui semble faire face à vraiment beaucoup de résistance.
Les Forces ont en effet besoin d'un apport extérieur dans plusieurs des fonctions qui ne sont [difficultés techniques] pas propres aux exigences [inaudible] efficaces. Je parle par exemple de l'éducation, de la justice et de certains aspects de la gestion des ressources humaines.
L'intégration des femmes dans le monde militaire au Canada démontre la difficulté pour les Forces d'évoluer au rythme de la société sur des questions fondamentales qui relèvent, en fait, de l'ordre constitutionnel au Canada. L'histoire se répète malheureusement pour les autres groupes qui y sont sous-représentés.
Les forces culturelles qui façonnent l'évolution de la société canadienne sont très lentes à se manifester dans une organisation enracinée dans l'homogénéité, l'uniformité, la tradition et l'autonomie. La culture hypermasculine et hypersexualisée, dont la prévalence au sein des Forces a été exposée par bien d'autres, est le produit de cet environnement. En fait, dans les domaines où leur performance peut être comparée à celle des acteurs civils équivalents, les Forces ne se distinguent pas de façon particulièrement élogieuse.
J'ai recommandé à cet égard que les infractions sexuelles de nature criminelle soient poursuivies devant les instances civiles. J'y reviendrai dans quelques minutes. J'ai aussi recommandé que les Forces armées facilitent le recours de leurs membres devant la Commission canadienne des droits de la personne et qu'elles renforcent l'indépendance et l'efficacité des services qui sont offerts aux victimes.
Finalement, je vous fais part de ma recommandation au sujet de l'avenir des collèges militaires. Je n'avais pas la capacité d'étudier cette question en profondeur, mais mon examen soulève de sérieuses inquiétudes quant à la viabilité de ce modèle de formation du leadership militaire dans le monde moderne, en particulier.
En comparant ces collèges avec les universités civiles, où, d'ailleurs, plus de la moitié des officiers sont formés, on constate un manque de diversité et une orthodoxie peu compatibles avec l'évolution de la société, ce qui sert mal, à mon avis, la formation de base des officiers de demain.
[Traduction]
Monsieur le président, on m'a avisée que la a déposé sa réponse à mon rapport à la Chambre ce matin. On m'a remis une copie de ce rapport hier, alors que j'étais à New York pour des réunions aux Nations unies, y compris avec le secrétaire général, mais vous serez heureux d'apprendre qu’elles portaient sur de tout autres questions que celle qui nous occupe aujourd'hui.
J'ai eu brièvement l'occasion de consulter la réponse de la à mon rapport et j'ai plusieurs préoccupations.
J'aimerais d'abord souligner que l'une de mes recommandations précise que la ministre devrait informer le Parlement d'ici la fin de l'année des recommandations qu'elle n'a pas l'intention de mettre en application. C'était peut-être une façon un peu étrange de formuler la chose. J'aurais pu simplement recommander qu'elle présente un rapport sur toutes mes recommandations. Pour être bien franche, je craignais que mes recommandations soient enterrées comme tant d'autres aux Forces armées canadiennes et au ministère de la Défense nationale, d'où la formule que j'ai employée ici. Au fil des ans, des présentations et des graphiques sur nombre de recommandations ont été faits à l'interne comme à l'externe. Aucune ne semble faire l'objet d'un refus catégorique; elles végètent plutôt entre les mains de divers groupes de travail, équipes spéciales et autres types de comités.
En réponse à mon rapport, la ministre affirme qu'elle a l'intention de recommander toutes mes recommandations. Je suis plutôt préoccupée quand j'aborde un peu plus en détail certaines d'entre elles. Permettez-moi de vous transmettre une ou deux de ces préoccupations plus précises. Je serai bien sûr très heureuse de répondre à vos questions si j'ai...
:
Merci, monsieur le président.
Je vous suis très reconnaissante de la possibilité que vous m'offrez. En fait, c'est en grande partie en réaction à un document qui m'a été remis hier seulement, donc il y a très peu de temps, et j'espère que ces brèves remarques supplémentaires répondront à certaines préoccupations que les membres du Comité et vous pourriez déjà avoir.
Ma première préoccupation porte sur la réponse de la à ma recommandation que toutes les infractions sexuelles visées par le Code criminel, par rapport auxquelles les tribunaux civils et le système de justice militaire ont une compétence partagée, fassent l'objet de poursuites exclusivement devant les tribunaux civils, comme c'était le cas avant 1998.
La justice militaire est une forme de justice exceptionnelle et elle repose sur l'hypothèse qu'elle est nécessaire à l'amélioration de l'efficacité, de la discipline et du moral au sein des forces armées. En 1998, aucune justification n'a été donnée pour accorder une compétence partagée au système de justice militaire, soit la cour martiale et les procès sommaires, en matière d'infraction sexuelle, qui étaient jusqu'à ce moment du ressort exclusif des tribunaux civils, au même titre que le meurtre, qui l'est toujours.
Cette décision était supposément nécessaire pour améliorer l'efficacité, la discipline et le moral. Sincèrement, les 20 dernières années ont, selon moi, montré que non seulement cet objectif n'a pas été atteint, mais que le traitement des l'inconduite sexuelle par la justice militaire a érodé l'efficacité, la discipline et le moral. Je ne vois donc aucune raison pour que les Forces armées canadiennes gardent cette compétence en matière d'infraction sexuelle. Selon moi, elle devrait être strictement l'apanage des tribunaux civils.
Jusqu'à maintenant, les preuves indiquent que, tant qu'il y aura une compétence partagée à cet égard, les Forces armées canadiennes continueront à se voir comme la compétence principale et, étonnamment, les autorités civiles semblent tout à fait heureuses de ne pas exercer leur pouvoir.
Le Parlement doit adopter une loi pour retirer cette compétence aux tribunaux militaires, ce qui n'est toutefois pas nécessaire si l'on cède simplement la compétence partagée aux tribunaux civils. Dans ce cas, cela se résume essentiellement à une décision de politique opérationnelle. Il me paraît on ne peut plus évident que les personnes qui participent à ce processus se traînent les pieds.
Du côté de l'armée, ne pas entendre les poursuites pour infraction sexuelle réduirait considérablement la charge de travail, tant du point de vue des enquêtes du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, ou SNEFC, et de la police militaire, que de celui de la poursuite dans ce qui était alors des procès sommaires et de cours martiales.
En moyenne, le système de justice militaire traite quelque 30 cas d'infraction sexuelle par an. Si ces cas étaient transférés au système de justice civile, qui en traite environ 2 300 par an à l'échelle du pays, cela se traduirait par un ajout minimal au fardeau du système de justice civile, si l'on peut s'exprimer ainsi.
L'administration de la justice pénale au Canada est en fait de compétence provinciale. Je trouve donc très surprenant que certaines autorités provinciales semblent réticentes à exercer leur pouvoir constitutionnel. Franchement, sauf de possibles jeux politiques en matière de ressources, je ne comprends pas la nécessité du genre de négociations approfondies que prévoit la dans sa réponse à mon rapport, dont une série de consultations des sous-ministres fédéral, provinciaux et territoriaux. Il n'y a rien de compliqué là‑dedans. La compétence civile existe déjà. Il suffit de l'appliquer.
L'autre source de mes préoccupations vient de l'abolition du devoir de signaler, un point qui fait l'objet de consultations et de discussions poussées. Il y a un groupe de travail au sein des FAC et du ministère de la Défense qui se penche sur le problème dû à ce « devoir de signaler », qui impose un fardeau injuste non seulement à la victime, mais aussi à ses amis et à ceux auxquels elle souhaite se confier. Il n'est pas appliqué. Le défaut de signaler ne fait jamais l'objet de poursuites. Il n'y a donc aucune raison pour maintenir le devoir de signaler.
La réponse de la fait référence à une initiative qui avait déjà eu lieu avant que je termine mon rapport, soit une mise à jour des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, ou ORFC, ce qui montre qu'il n'est pas bien difficile de faire quelque chose quand la décision d'aller de l'avant a été prise. Toutefois, cela ne remédie qu'à une très petite partie du problème, dans un contexte de justice réparatrice. Pour la majorité des membres des FAC aujourd'hui, ce devoir existe toujours et, selon moi, il devrait être éliminé.
Mon dernier commentaire, monsieur le président, porte sur la réponse de la à ma recommandation que les collèges militaires devraient faire l'objet d'un examen très détaillé mené par des experts dans le domaine de l'éducation. J'ai déposé mon rapport il y a maintenant sept mois, probablement neuf, en fait, si on se fonde sur le moment où j'ai remis la version provisoire aux dirigeants des FAC et du ministère de la Défense, soit en mars; pourtant, nous en sommes encore à étudier les paramètres, les modalités et ainsi de suite. Tout cela se déroule dans un contexte où on laisse entendre que les collèges militaires, tels qu'ils sont aujourd'hui, sont des établissements de qualité supérieure. Cela ne laisse pas présager le type d'ouverture d'esprit qui, selon moi, est nécessaire pour entreprendre ce genre d'exercice.
La bonne nouvelle, monsieur le président, c'est que la a nommé une contrôleuse externe pour superviser la mise en œuvre de mes recommandations. J'ai l'impression que le processus sera long. Quand je regarde la réponse de la ministre, qui crée un grand nombre d'examens internes, de même que d'autres groupes de travail et équipes spéciales, j'espère que la contrôleuse externe dispose d'une décennie complète pour superviser ces efforts.
Globalement, je constate que les examens proposés dans la réponse de la ministre sont pour la plupart internes. Donc, ils passent complètement à côté du point central de mon rapport, soit la nécessité pour les FAC de s'ouvrir beaucoup plus au monde extérieur et sa contribution.
[Français]
Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de votre patience.
:
D'abord, comme je l'ai dit dans mon rapport, je crois que le mérite pour les progrès qui se feront, à un moment donné et lentement, sur ces questions et d'autres connexes au sein des Forces armées canadiennes revient en grande partie aux victimes et aux survivantes qui se sont manifestées.
Franchement, s'il y a une leçon à tirer de tout cela, c'est que les progrès les plus importants découlent des gestes posés par les survivantes. Le recours collectif Heyder Beattie, qui, vous vous en souviendrez, a mené à quelque 20 000 réclamations, est plus éloquent qu'aurait pu l'être tout examen extérieur sur ces questions, s'il y en avait eu un. J'admire la patience de beaucoup d'entre elles et suis quelque peu surprise par celle‑ci. Il y a encore des femmes qui m'écrivent, après la publication de mon rapport, pour me raconter ce qui leur est arrivé, dans certains cas, il y a des décennies de cela et durant leur carrière.
C'est, selon moi, à leur initiative, surtout au recours collectif et à leur engagement actuellement au sein des FAC, que revient tout le mérite des progrès qui n'ont pas encore pleinement pris forme.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, madame Arbour, d'être ici pour aborder quelques détails supplémentaires et répondre à certaines de nos questions sur ce rapport très important.
Ma première question porte sur certaines des remarques que vous avez faites dans votre déclaration liminaire. Quand vous avez traité du fait que les infractions sexuelles devraient être l'apanage des tribunaux civils, vous êtes entrée dans les détails. Vous avez dit qu'il y a deux gestes précis qui permettraient de rendre cela possible. Vous avez mentionné une décision de politique opérationnelle et une loi du Parlement.
Je me demande si vous pourriez fournir des précisions et un peu plus de détails, afin que nous puissions être les plus précis possible au moment de rédiger ces recommandations, qui, espérons‑le, ne finiront pas enterrées, comme vous l'avez dit.
:
Merci beaucoup, madame la juge Arbour. C'est un plaisir et un honneur de vous avoir avec nous.
J'aimerais continuer à parler de votre recommandation, à savoir abolir carrément la compétence des cours martiales en matière d'agressions sexuelles.
Il y a un an, au moment où vous avez fait la recommandation provisoire de transférer les dossiers aux autorités civiles, parmi les arguments qui ont été soulevés, deux ressortaient. Selon le premier argument, le transfert des dossiers entamés depuis déjà longtemps pourrait causer des problèmes relativement à l'arrêt Jordan. Deuxièmement, on a fait valoir que les victimes pourraient ne pas vouloir revivre le processus complet, avoir à témoigner à nouveau devant des policiers civils et recommencer à zéro l'enquête de leur dossier.
Selon votre suggestion d'abolir la compétence des cours martiales en la matière, il y aurait un transfert automatique des dossiers aux autorités civiles. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces arguments, qui étaient peut-être infondés.
:
Je vous remercie de cette question.
Il est très important de faire la distinction entre le fait de transférer des dossiers existants, qu'ils en soient au stade de l'enquête ou de la poursuite, et le fait de lancer de nouvelles enquêtes ou de nouvelles poursuites, que ce soit pour des infractions commises présentement ou pour des infractions commises il y a longtemps et pour lesquelles des accusations sont maintenant portées. Lorsqu'on parle de transférer des dossiers, on parle de dossiers actuels.
Pour ce qui est de l'arrêt Jordan, j'ai dit très clairement qu'on ne devrait transférer aucune cause qui est déjà devant une cour martiale, par exemple, car des délais additionnels risqueraient de mettre la poursuite en péril. Par contre, pour les dossiers existants, dans les Forces armées canadiennes, qui en sont à l'étape de l'enquête, un jugement doit être exercé. Si on vient tout juste de commencer l'enquête, on devrait probablement transférer le dossier dans le domaine civil. Si, par contre, l'enquête est presque complétée et que la victime a été interrogée à plusieurs reprises, il pourrait être approprié de laisser le dossier poursuivre son chemin devant les instances militaires, pour les raisons que vous avez mentionnées.
Cela dit, pour ce qui est de tous les nouveaux cas, on ne parle pas de transferts; il faut composer immédiatement le 911 pour que les autorités civiles entreprennent les enquêtes.
Le fait de laisser le choix aux plaignantes ou aux victimes est extrêmement problématique, à mon avis. Si leur commandant ou leur chaîne de commandement leur demande si elles préfèrent que leur cause soit entendue par les instances militaires ou par les instances civiles, cela exerce une pression indue sur elles afin qu'elles choisissent les instances militaires, ce qui n'est pas dans leur intérêt, à mon avis. Même un avocat aurait beaucoup de difficulté à vous démontrer les tenants et aboutissants de chacune des deux options.
Je vous suis vraiment reconnaissante des précisions que vous apportez non seulement aux recommandations, mais aussi, en fin de compte, au problème général que nous avons invariablement observé dans le cadre de ce dossier. C'est un message que j'ai également entendu au moment d'étudier ces questions, depuis le peu de temps que je suis au Parlement.
Bon nombre de vos recommandations font référence au rapport Deschamps et évoquent l'incapacité du gouvernement ou l'inaction des Forces armées canadiennes et du gouvernement quand vient le temps de mettre en œuvre ces recommandations. Beaucoup d'entre elles font également référence aux recommandations du juge Fish.
Ce qui nous inquiète, bien entendu, c'est que maintenant — et vous y avez fait allusion en parlant de recommandations enterrées —, le gouvernement est passé complètement à côté de l'essentiel. Les 19 recommandations ou réponses que nous avons pu voir parlent de groupes de travail et d'examens de politiques supplémentaires, et une bonne partie de ce travail est interne.
C'est peut-être lié aux fonctions de la contrôleuse externe. Voilà qui représente énormément de travail pour un seul bureau. Si je me souviens bien, il n'y avait pas de date limite pour la création de ce poste ni pour le dépôt d'une réponse par la contrôleuse externe.
Pourriez-vous peut-être formuler une recommandation à cet égard? Autrement dit, que devons-nous voir de la part de la contrôleuse externe relativement à certaines des mesures qui s'imposent, sachant que le gouvernement a maintenant décidé de faire le travail à l'interne, alors que cela n'aurait jamais dû être le cas?
:
Oui, je crois que dans mon rapport, j'ai recommandé que la contrôleuse externe... Je ne sais plus si j'ai donné un délai, mais j'ai certainement recommandé que la contrôleuse externe produise des rapports publics de façon périodique.
Je suis extrêmement préoccupée, je le répète, par la lenteur avec laquelle on semble procéder pour faire quelque chose, au lieu de dire carrément qu'on n'a pas l'intention de le faire — donc, l'idée de simplement mener un autre examen et... Il s'agit de petites divergences. Je pourrais donner l'exemple du rapport produit par le juge Fish. Son rapport, bien sûr, est un exercice prévu par la loi qui doit avoir lieu périodiquement pour examiner la justice militaire — pas spécifiquement les infractions sexuelles, mais la justice militaire, le rendement du système des griefs, etc. Le juge Fish en a fait un examen très approfondi. J'y fais largement référence dans mon propre rapport.
En ce qui a trait aux infractions sexuelles, il a recommandé, dans son rapport, que ces infractions fassent l'objet de poursuites dans le système civil, du début à la fin, jusqu'à ce que la Déclaration des droits des victimes entre en vigueur dans le système militaire. La Charte canadienne des droits des victimes a été mise en œuvre en 2015 pour l'ensemble des Canadiens. Il a fallu attendre jusqu'en 2022 pour qu'elle s'applique au système militaire. Dans son rapport, le juge Fish a également souligné que les victimes devraient avoir leur mot à dire dans le choix entre les deux systèmes.
Il y a une divergence d'opinions. Je pense que la compétence devrait incomber exclusivement au système civil. Comme je l'ai dit, la ministre n'est pas obligée d'être d'accord avec moi. Cependant, je pense que si elle n'est pas d'accord, elle devrait le dire. Je suis inquiète de voir que cette question fait maintenant l'objet d'autres discussions et analyses. Cela donne l'impression qu'il s'agit d'une affaire très compliquée.
Ce n'est pas compliqué. Si vous voulez abolir cette compétence, faites adopter une loi au Parlement. Ce n'est pas difficile. Il s'agit de prendre une décision, au lieu de procéder à d'autres examens.
Je n'ai malheureusement pas beaucoup de temps.
Nous avons certainement pu constater le problème, dans le passé, pour ce qui est de permettre au grand prévôt d'enquêter sur ceux qui occupent les échelons supérieurs et qui sont donc chargés de faire avancer sa carrière. Cette faille se manifeste constamment. Une bonne partie de ce que vous recommandez relève, au bout du compte, de la ministre.
Une de mes réserves, c'est... Vous estimez que la ministre elle-même — ou le ministre lui-même — se trouve à l'extérieur de ce système et que cela favorise grandement la reddition de comptes. Toutefois, nous avons vu très clairement, dans l'affaire du général Vance, que cela pose parfois problème et que la surveillance politique n'est pas parfaite non plus.
Pourriez-vous expliquer plus en détail pourquoi vous êtes arrivée à cette conclusion? Il y a beaucoup de gens qui préfèrent que les rapports de l'ombudsman, d'un inspecteur général, soient directement présentés au Parlement.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Il est bon d'être de retour au sein du Comité de la défense nationale après la conduite d'une étude approfondie à ce sujet en 2021.
Juge Arbour, je suis très heureuse de vous voir ici, surtout en raison du fait que vous vous êtes faite la porte-parole des survivants. Je sais qu'au début, on s'est demandé, même au sein du Comité, si votre rapport était nécessaire. Je crois que nous avons prouvé que non seulement il était nécessaire, mais aussi qu'il avait une valeur ajoutée incroyable. Je vous remercie infiniment de votre travail.
Je constate que la principale conclusion de votre rapport, c'est que les Forces armées canadiennes ne sont pas en mesure d'effectuer ces changements et de modifier leur culture par elles-mêmes. Il faut qu'une aide et une responsabilisation extérieures soient apportées. On a beaucoup supposé que cela nécessiterait un mécanisme de surveillance et de responsabilisation externe, comme un inspecteur général.
Ma première question est la suivante: pourquoi avez-vous choisi de ne pas suivre cette voie dans votre rapport?
Je pense que mon rapport traite de cette question assez en détail.
Je suis tout à fait consciente que cette suggestion remonte à l'enquête sur la Somalie et qu'elle a été largement discutée dans la documentation. Lorsqu'il s'agit de la formuler, si vous examinez, par exemple, le modèle australien, vous constaterez que la fonction de l'inspecteur général consistait essentiellement à superviser, entre autres, les poursuites pénales pour les infractions sexuelles. J'ai recommandé de retirer complètement cette fonction des FAC.
Que resterait‑il alors de la compétence d'un inspecteur général opérant au sein du système canadien qui est déjà doté d'un ombudsman ou d'un vérificateur général? Depuis que ces recommandations ont été formulées il y a 20 ans, nous bénéficions de plusieurs mécanismes de surveillance civile. Je craignais de tenter de créer un rôle de surveillance civile supplémentaire pour des fonctions qui sont actuellement exercées par la vérificatrice générale. Le Bureau du vérificateur général a produit plusieurs excellents rapports portant sur un grand nombre de ces questions.
J'étais très préoccupée à l'idée que certaines fonctions se chevauchent, et je n'en voyais pas la nécessité. Je pense que la supervision exercée actuellement par le Parlement par l'intermédiaire de ces mécanismes, et des comités de votre genre, possède toute la capacité nécessaire.
Le problème concernant les FAC n'est pas seulement lié à la surveillance, qui est exercée après coup, mais aussi à la rétroaction des civils dans le processus — dans le système judiciaire, dans le système d'éducation et dans la gestion des ressources humaines. Le fait d'exercer une surveillance après que des erreurs ont été commises n'est utile que jusqu'à un certain point, mais, selon moi, il serait beaucoup plus utile d'oxygéner le système tout au long du processus.
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Tout d'abord, lorsque je dis dans ma recommandation que l'autorité civile devrait bénéficier de la compétence exclusive en matière d'infractions sexuelles criminelles, il ne s'agit pas d'une question de négociation entre la police militaire et les victimes. Il s'agit d'un cas à confier aux services d'urgence 911. Tous ces cas le sont, comme pour tous les citoyens du pays. Voilà le point de départ.
Cependant, comme vous l'avez souligné très précisément, cela a des conséquences parce qu'à l'heure actuelle, si les infractions donnent lieu à des poursuites dans le système militaire, l'accusé est représenté gratuitement par l'avocat de la défense qui fait partie du JAG. J'en parle dans mon rapport, car c'est un problème.
Si quelqu'un est poursuivi dans le système civil, un militaire... ce qui est possible. En fait, il y a des cas qui font l'objet de poursuites civiles — des cas où l'infraction a eu lieu avant 1998, comme cela s'est produit récemment, ou elle a eu lieu en dehors de la base, dans un bar quelque part, et ne touche pas une victime militaire, et le système militaire refuse d'aller de l'avant pour une raison quelconque —, et dans ces cas-là, l'accusé doit assumer les coûts de sa propre défense. En ce sens, l'accusé est privé de certains avantages.
J'ai abordé dans mon rapport la question de savoir comment l'aide juridique pourrait être fournie pour compenser la perte de ces avantages, ou comment elle pourrait être offerte de la même façon qu'elle l'est pour tout le monde. À mon avis, le problème, c'est que, même si les membres des FAC ne touchent pas des salaires extraordinaires, la plupart d'entre eux gagnent suffisamment d'argent pour ne pas être admissibles à l'aide juridique, dans le cadre des systèmes d'aide juridique pas très charitables qui sont mis en oeuvre partout au pays.
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J'aurais du mal à désigner une seule recommandation. L'un des arguments que j'ai fait valoir dans le rapport, c'est que les recommandations sont toutes interdépendantes. Si je n'ai pas recommandé, par exemple, la création d'un poste d'inspecteur général, c'est en partant du principe que les infractions sexuelles criminelles seront éliminées du système.
Si certaines mesures ne sont pas mises en œuvre, d'autres recommandations peuvent ou non avoir la même incidence. J'aurais du mal à désigner une seule recommandation qui serait cruciale.
Cependant, il ne fait aucun doute que la solution commence par le recrutement: quel genre de personnes recherchons-nous? À l'heure actuelle, si l'on examine la population des collèges militaires, on constate qu'elle compte une grande majorité de garçons blancs de l'Ontario et du Québec. Ce sont eux qui forment la majorité de la population. Pour autonomiser les groupes sous-représentés, tout dépend dès le début des personnes que l'on recrute et de l'environnement dans lequel elles sont formées. Cela imprègne... Je veux dire que nous choisissons des personnes qui nous ressemblent. Ce phénomène est tellement bien documenté qu'il est banal de le mentionner.
En ce qui concerne les évaluations du rendement, qu'est‑ce qui est valorisé? Quel type d'entraînement physique et quelles qualités fait‑on valoir? Cela passe par l'ensemble du processus de promotion pour aboutir à des généraux ou des amiraux. Il y en a aujourd'hui environ 140 — dont 15 femmes et un Noir? Comment parvient‑on à ce stade? Il n'y a pas de recommandation unique, car cela passe par l'ensemble d'une organisation.
Je pense que cet aspect est peut-être évident, mais il faut garder à l'esprit que c'est une organisation qui ne peut pas recruter des membres à l'extérieur de ses rangs. S'il lui manque 20 colonels, elle ne peut pas les recruter dans l'armée allemande ou dans l'entreprise Amazon. Toutes les ressources sont développées à l'interne. Si une partie du système — allant du recrutement à la formation en passant par l'évaluation du rendement et la promotion — n'est pas constamment mise à niveau par des influences extérieures, elle va prendre du retard.
:
Monsieur le président, membres du Comité permanent de la défense nationale, bonjour.
J’aimerais souligner que je me trouve sur le territoire traditionnel non cédé du people algonquin Anishnaabeg.
Le 20 mai 2021, l’ancienne juge de la Cour suprême, l’honorable Louise Arbour, a été chargée de mener un examen des politiques, des procédures, des programmes, des pratiques et de la culture au sein des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale, intitulé Examen externe indépendant et complet.
Le 20 mai 2022, Mme Arbour m’a remis son rapport final ainsi que les recommandations de l’Examen externe indépendant et complet. Puis, le 30 mai, j’ai accueilli les 48 recommandations de l’Examen externe indépendant et complet et j'ai annoncé que l’on entamerait immédiatement la mise en œuvre de 17 de ces recommandations. Ce matin, j’ai présenté au Parlement la voie à suivre pour l’ensemble des 48 recommandations formulées par Mme Arbour plus tôt cette année.
Je sais que Mme Arbour a déjà comparu devant vous ce matin. Nous nous sommes entretenues et je l'ai remerciée sincèrement pour les mois de travail inlassable qu'elle a consacrés à la production de ce rapport. Madame Arbour a apporté une contribution majeure à notre pays. Nous lui en sommes reconnaissants. Comme le souligne mon rapport, aucune des recommandations de madame Arbour ne sera rejetée, et j’ai demandé aux fonctionnaires d’établir une feuille de route en vue de la réalisation de chacune d’entre elles.
Il s’agit d’une feuille de route ambitieuse pour la réforme, élaborée après des mois de travail et de consultation. Voici quelques‑uns des principes de base qui contribueront à la concrétisation d’un changement de culture significatif, transformateur et axé sur les survivants:
Je m’attends à ce que le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes mettent en œuvre la recommandation no 5, selon laquelle les infractions sexuelles visées par le Code criminel doivent être retirées de la compétence des Forces armées canadiennes et faire l’objet de poursuites exclusivement devant les tribunaux criminels civils. J’ai demandé aux fonctionnaires de suggérer des façons d'effectuer ce changement de compétence, en consultation avec des partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, tout en tenant compte des défis tels que la capacité des policiers civils à faire enquête sur des dossiers historiques ou sur des cas survenus à l’extérieur du Canada, y compris dans les zones de conflit.
[Français]
Comme Mme Arbour le reconnaît elle-même, la mise en œuvre prendra un certain temps, probablement des années, et sa recommandation provisoire restera en vigueur pendant l'intervalle, comme elle le demande.
[Traduction]
Conformément aux recommandations no 7 et 9, j’ai aussi demandé aux Forces armées canadiennes de cesser de déposer des objections fondées sur l’alinéa 41(1)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de permettre ainsi à la Commission canadienne des droits de la personne d’évaluer toute plainte pour harcèlement sexuel ou discrimination fondée sur le sexe.
Plus tôt aujourd’hui, j’ai aussi annoncé notre intention de créer un comité d’examen du Collège militaire canadien, pour donner suite à la recommandation no 29. Le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes élaborent actuellement l’ébauche du mandat et des idées pour la composition du comité, qui se penchera sur la qualité de l’éducation, de la socialisation et de l’instruction militaire dans les collèges militaires. Ces collèges attirent certains des meilleurs candidats de la société canadienne. Mais soyons clairs: la culture de nos collèges militaires doit changer de façon significative.
Nous veillerons à ce que cela se produise.
Enfin, je tiens à souligner que, pour donner suite à la recommandation no 36, j’ai demandé aux forces armées d’établir un système de cibles progressives pour la promotion des femmes. Ce système permettra d’augmenter le nombre de femmes dans chaque grade, en vue d’accroître leur proportion parmi les officiers généraux pour qu'il soit supérieur à leur niveau de représentation dans l’ensemble des forces armées.
Ce ne sont là que quelques-unes des mesures que j’ai annoncées aujourd’hui. Les autres sont décrites en détail dans le rapport que j’ai déposé plus tôt au Parlement.
Pour conclure, j'aimerais dire que nous sommes fermement déterminés à faire progresser les choses en faisant preuve d’honnêteté, de transparence et de responsabilité.
[Français]
Comme je l'ai annoncé en octobre, j'ai nommé Mme Jocelyne Therrien au poste de contrôleuse externe, afin de surveiller la mise en œuvre des recommandations de Mme Arbour.
[Traduction]
J’ai rencontré madame Therrien régulièrement, et elle continuera à me fournir, ainsi qu’au public, des mises à jour de manière ouverte, transparente et responsable.
Les initiatives de changement de culture que j’ai soulignées aujourd’hui, ainsi que les autres qui sont décrites dans le rapport, constituent des étapes importantes pour faire des Forces armées canadiennes un organisme inclusif et diversifié. Nous avons fait des progrès, mais il reste beaucoup de travail à faire. Un certain nombre de recommandations ont déjà été mises en oeuvre, ou sont en voie de l’être, tandis que d’autres seront mises en oeuvre à court terme et au cours des années à venir.
Et le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes continueront d’offrir régulièrement des séances d’information aux journalistes et aux intervenants sur nos progrès, afin que la population canadienne puisse être bien informée de notre travail.
Nous devons aussi reconnaître que le changement de culture ne peut se produire de façon descendante. Nous y parviendrons seulement si nous avançons ensemble. Ce travail d’équipe continuera de nécessiter la participation et l’engagement de tous les employés du ministère de la Défense nationale et de tous les membres des Forces armées canadiennes. Je les invite à répondre à cet appel aux armes et à poursuivre cette mission avec le même dévouement et la même détermination qui font leur renommée dans le monde entier. Le progrès est nécessaire, possible et réalisable. Et tous ensemble — parlementaires, membres de l’Équipe de la Défense et Canadiens — continuons de travailler dans cette voie.
Merci. Meegwetch.
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Merci, monsieur le président, et merci beaucoup pour votre question.
Je pense que ce que nous devons faire, et c'est l'objet de ce rapport, n'est pas seulement donner suite à la recommandation de Mme Arbour, mais aussi jeter les bases de la création d'une institution au sein de laquelle tous les membres qui servent peuvent être respectés et protégés. Pourquoi est‑ce important? Pour répondre directement à votre question, parce que nous devons montrer aux Canadiens qu'il s'agit d'une institution au sein de laquelle, s'ils s'engagent et choisissent de porter l'uniforme, ils seront traités avec le respect qu'ils méritent. Il s'agit d'une question de reconstitution, ainsi que d'une question morale.
En d'autres termes, d'un point de vue opérationnel, nous avons besoin que l'effectif des Forces armées canadiennes croisse. Nous avons entendu le chef d'état-major de la défense en parler régulièrement. Pour que les Forces armées canadiennes croissent, nous devons entreprendre ces initiatives de changement de culture, et nous devons nous assurer qu'elles soient couronnées de succès.
Dans une large mesure, la réponse à votre question est oui. Il s'agit d'une question de croissance pour les Forces armées canadiennes, et de la nécessité de faire ce qui est juste sur le plan moral.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie la ministre d'être présente aujourd'hui, ainsi que tous nos témoins, pour répondre à certaines de nos questions ce matin.
Nous venons d'entendre la juge Arbour, qui a parlé de l'importance de passer des tribunaux militaires aux tribunaux civils pour ce qui est des agressions sexuelles. Vous avez dit être sur la même longueur d'onde qu'elle quant au fait qu'il s'agit de la seule solution, mais vous avez également mentionné que vous envisagiez différentes voies possibles. Elle en a décrit quelques-unes, que nous recommanderons, je l'espère, dans notre rapport.
J'aimerais savoir quels sont, selon vous, les obstacles potentiels à ce changement et pourquoi vous pensez qu'il pourrait prendre tant d'années, alors qu'il semble qu'une politique ou une décision du Parlement pourrait nous faire avancer rapidement dans la bonne direction.
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Permettez-moi de dire tout d'abord que nous sommes à un moment charnière dans les Forces armées canadiennes. Nous devons nous assurer que la mise en œuvre des initiatives de changement de culture se poursuit. Nous devons également veiller à faire croître les Forces armées canadiennes dans l'intérêt du Canada, de la société canadienne. Nous faisons souvent appel aux Forces armées canadiennes lorsque des événements se produisent: ouragans, inondations, COVID‑19. Pour que nous puissions continuer à compter sur les Forces armées canadiennes, nous devons les faire croître.
Ce n'est pas nouveau. C'est pourquoi nous sommes très déterminés à prendre des initiatives de changement de culture depuis des années. Quelles sont certaines des mesures qui sont déjà en place et en cours? Nous élargissons la prestation des programmes et des services du CIIS — le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle — partout au pays. Nous sommes en train d'élaborer un programme d'aide juridique indépendant pour les survivantes et les survivants d'inconduite sexuelle. Nous améliorons l'accès aux services du CIIS pour inclure tous les membres de l'équipe de la défense et les familles des militaires. Nous lançons des initiatives pour améliorer les processus de grief, y compris le renvoi de tous les griefs d'inconduite sexuelle au Comité externe d'examen des griefs militaires.
Dans les budgets de 2021 et de 2022, notre gouvernement a mobilisé des ressources financières supplémentaires pour que ces programmes puissent continuer de se développer. Dans l'annonce d'aujourd'hui, bien sûr, vous verrez maintenant qu'il y a une feuille de route pour chacune des 48 recommandations que Mme Arbour a proposées.
Votre question portait également sur la reconstitution. Bien entendu, la reconstitution est l'élément essentiel lorsqu'il s'agit de faire croître les Forces armées canadiennes. Nous avons une directive pour la reconstitution des FAC pour veiller à ce que les FAC aient les ressources et le personnel qu'il faut pour accomplir leurs missions. Nous nous réjouissons du fait que des résidents permanents peuvent faire une demande d'enrôlement dans les Forces armées canadiennes. Cela permettra d'accroître l'inclusivité et la diversité au sein de l'organisation. Nous ajoutons du personnel dans les centres de recrutement. De plus, nous simplifions le processus. Nous travaillons avec les groupes sous-représentés. Nous donnons la priorité aux candidatures féminines. Nous mettons également en œuvre une nouvelle stratégie de maintien en poste.
Je vois que le chef hoche la tête. Voulez-vous ajouter quelque chose, chef?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également la ministre de sa présence et de sa disponibilité. Nous lui en sommes toujours reconnaissants.
J'aimerais revenir sur l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle, puisque Mme la juge Arbour en a fait état aujourd'hui. Cette discussion sur l'opportunité d'abolir l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle est en cours depuis longtemps. Mme Arbour l'a mentionné dans son rapport. Cet outil n'est pas mis en œuvre ou est très peu utilisé par les hauts gradés.
En outre, il n'y a pas de poursuites lorsque quelqu'un ne respecte pas l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle. Dans votre rapport, vous mentionnez qu'on retournera la question au groupe de travail en vue de l'élaboration de mesures de transition. Je me demande ce que sont ces mesures de transition, dans la mesure où c'est un outil qui n'est pas utilisé.
Ne serait-il pas plus rapide d'abolir l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle?
Quels sont les grains de sable dans l'engrenage, actuellement?
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D'accord. Merci. C'est que mon temps est si limité. Je suis désolée.
On n'a pas vraiment fourni de date lorsqu'il s'agit de présenter une mesure législative ou de régler la question. Cela m'inquiète, étant donné que vous avez dit à quel point vous acceptiez toutes les recommandations.
En ce qui concerne les recommandations, je pense aux recommandations no 4 et no 11 sur l'obligation de signaler, dont a parlé ma collègue; aux recommandations no 24 et no 28 sur la chaîne de responsabilité pour les élèves-officiers; et à la recommandation no 37 portant sur le principe de l'universalité du service. Pour toutes ces recommandations, dans le cadre de votre réponse, il a été question de comités internes et d'audits de procédure, au lieu d'abolition de l'obligation de signaler, par exemple.
En ce qui concerne la reconstitution, les comités internes et les groupes de discussion, on ne fait que continuer ce que nous voyons constamment depuis le rapport de la juge Deschamps, à savoir qu'on ne fait pas en sorte que la lumière se fasse d'un point de vue externe.
Bien sûr, une contrôleuse externe a été nommée, mais elle relève de vous, qui êtes la ministre. Comme nous l'avons constaté à l'époque de votre prédécesseur, c'était un grave problème. Nous avons vu les carrières de femmes, leur sens du devoir et tout ce qu'elles avaient donné à ce pays être cachés, parce qu'il n'y avait pas d'ouverture.
Pouvez-vous expliquer précisément en quoi, lorsqu'il s'agit de cette contrôleuse externe, nous ne verrons pas se répéter les mêmes problèmes que nous avons observés dans le cas de l'ombudsman, qui ne faisait pas rapport au Parlement?
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Eh bien, je suis en désaccord avec vous pour la plupart des choses que vous avez dites.
Je dirais en premier lieu que 48 recommandations ont été présentées et que c'est la première fois qu'un gouvernement réagit à un rapport en donnant une réponse complète et détaillée à chacune des recommandations quant à la voie à suivre.
Il me semble prudent de ne pas fournir d'échéancier pour une recommandation de l'ampleur de la recommandation no 5. Voulez-vous vraiment que je dise aujourd'hui que je mettrai en œuvre la recommandation no 5 d'ici le 1er janvier 2024 sans consulter mon ministère au sujet du processus, des options et de la façon dont nous allons nous assurer que le tout se concrétise? Ce ne serait pas prudent, et ce serait peut-être inexact. Je dois donc m'assurer que l'information que je donne à ce comité et à la population du Canada est exacte.
Ce que je dis, c'est que nous allons mettre en œuvre la recommandation no 5. J'ai demandé à mes collaborateurs de me présenter des options, et tout comme j'ai agi à l'égard des 17 recommandations immédiatement après avoir accepté le rapport de Mme Arbour le 30 mai 2022, je vais agir au sujet des options dès que possible.
Vous avez parlé de la contrôleuse externe. Elle a été nommée quelques mois après que nous avons reçu le rapport final de Mme Arbour. Je l'ai déjà rencontrée à maintes reprises, et elle travaille avec le ministère. Elle fait également un travail de surveillance, comme Mme Arbour l'avait recommandé dans son rapport.
Je ne pense pas qu'il se passe la même chose. Je suis convaincue que cette fois‑ci, les choses sont différentes, qu'avec cette équipe de leaders et nos approches respectives visant à répondre au besoin de réaliser un changement de culture à une période charnière de l'histoire des Forces armées canadiennes, vous continuerez non seulement à avoir des mises à jour de notre part, mais aussi à voir des changements significatifs qui auront des répercussions positives sur la vie des personnes au sein des Forces armées canadiennes et qui, espérons‑le, inciteront des gens à se joindre aux Forces armées canadiennes.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à remercier la ministre Anand et tous les représentants du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes de leur réponse au rapport. C'est la première fois que nous voyons une telle chose. Pendant sept ans, votre prédécesseur a laissé le rapport Deschamps s'empoussiérer sur son bureau. C'est donc un pas dans la bonne direction.
Pour enchaîner sur les commentaires de ma collègue, Mme Mathyssen, nous venons d'entendre le témoignage de la juge Arbour, qui a été critique quant à la réponse à la recommandation no 5. Nous savons que, dans cet endroit, nous pouvons adopter des mesures législatives rapidement, même s'il a fallu attendre sept ans avant que le projet de loi , la Charte des droits des victimes dans les forces armées, entre enfin en vigueur.
Quel est votre échéancier pour qu'un projet de loi nous soit présenté rapidement? Tous les parlementaires veulent que le transfert du système de justice militaire au système de justice civile se concrétise. J'aimerais que vous nous informiez sur votre échéancier concernant les modifications à la Loi sur la défense nationale et la question de savoir si nous devons apporter des changements au Code criminel.
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Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui et de votre détermination à changer véritablement les choses en profondeur. Il ne s'agit pas uniquement de mettre fin à la culture toxique et aux mauvais comportements, mais aussi, comme vous l'avez dit, et je reprends vos propres termes, de vraiment faire de cette institution un lieu « au sein [du]quel tous les membres [...] peuvent être respectés et protégés ».
Je pense que c'est la clé. Cela va bien au‑delà de l'inconduite sexuelle. Pour vraiment changer la donne, il faut que ce soit un endroit où les femmes et les autres groupes en quête d'équité ne sont pas seulement pris en considération, mais inclus. Pour changer les choses, il faut transformer tous les processus et l'institution dans son ensemble pour offrir un milieu accueillant où tout le monde peut s'épanouir, ce qui, je le sais, vous tient très à cœur. Cela n'inclut pas seulement la justice, mais aussi l'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre en ce qui a trait à la santé des femmes. Cela inclut les trajectoires de carrière, les familles militaires, les soins aux enfants, le recrutement et tout ce qui précède.
Ma question s'adresse à vous, mais j'aimerais entendre le général Eyre, la générale Allen et la générale Carignan à ce sujet également, alors j'espère que tout le monde sera très bref.
Comment pouvons-nous aller au‑delà du changement de la culture de la masculinité toxique et passer à un changement institutionnel complet, afin que chaque personne puisse trouver sa place au sein des FAC?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame la ministre, merci à votre équipe et à vous d'être ici aujourd'hui. Je l'ai dit avant et je le dirai encore: vous êtes une force sur laquelle il faut compter. Je ne fais pas partie des sceptiques. Je vous connais depuis assez longtemps pour savoir que lorsque vous dites que vous allez faire quelque chose, vous allez le faire.
Je voudrais également prendre un bref instant pour remercier les membres du Comité d'aujourd'hui, qui ont posé des questions vraiment bonnes, justes, sérieuses et difficiles. C'est une de ces fois où je suis très reconnaissant envers ce comité; il arrive bien préparé. La journée d'aujourd'hui a été très bonne et respectueuse.
Une chose que les membres de ce comité ont faite est de prendre toutes les questions que j'allais vous poser et de les poser.
Lorsque vous vous entreteniez avec Mme Lambropoulos, vous avez offert à ce comité et au Parlement une feuille de route pour l'avenir.
Pour 17 des 48 recommandations que vous avez dit que vous commenceriez à mettre en oeuvre immédiatement, pouvez-vous nous fournir une mise à jour, une feuille de route, sur l'état d'avancement de ces recommandations? Il serait injuste de vous demander une feuille de route pour des choses que vous n'avez pas encore pu aborder. Cependant, j'ai pensé que je pourrais peut-être vous donner l'occasion, si possible, de nous dire où vous en êtes avec les 17 des 48 recommandations que vous avez dit vouloir commencer à mettre en oeuvre immédiatement.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais soulever quelques points.
Premièrement, l'examen des divers règlements et règles est en cours. Le chef en a évoqué quelques-uns aujourd'hui.
Le point que je voudrais signaler au Comité concerne les 48 recommandations de Mme Arbour. Elles font partie d'un programme plus large de changement de culture. Nous n'avons pas beaucoup parlé de l'organisation du général Carignan aujourd'hui, mais c'est aussi ce qui est différent cette fois‑ci. Cette organisation est maintenant bien établie et a le mandat de se pencher sur la culture de l'organisation.
Elle est encore assez nouvelle dans l'histoire des organisations, mais elle va être essentielle pour faire avancer ces recommandations et le travail plus large de changement de culture, y compris les mesures pour s'attaquer au racisme et à l'inclusivité. Cela fait partie d'un ensemble plus vaste, et je voudrais signaler au Comité que ce travail ne doit pas être ignoré.
Nous parlons aujourd'hui du rapport de Mme Arbour. Il y a un programme de travail plus large qui est tout aussi important.
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Tout à fait. Nous sommes en train de réviser le mandat et la clientèle du CIIS, ce qui constitue la première étape de la mise en oeuvre de la recommandation de Mme Arbour visant à renforcer le CIIS en tant que centre de ressources principal destiné uniquement aux plaignants, victimes et survivants d'inconduite sexuelle.
Je pense qu'il est vraiment important de se rappeler ce que le sous-ministre vient de mentionner, à savoir que nous ne partons pas de zéro avec le rapport Arbour. Un certain nombre d'initiatives sont en cours depuis des années dans les Forces armées canadiennes, y compris les programmes du CIIS, dont une aide juridique indépendante, et l'accès aux services du CIIS, dont des initiatives visant à améliorer le processus de règlement des griefs. Nous nous appuyons sur une base de changement transformateur.
En ce qui concerne le CIIS, ce qui est l'essentiel de votre question, nous travaillons à transférer l'autorité du CIIS en matière de formation et d'éducation sur l'inconduite sexuelle au centre de Mme Carignan, le CCPC, et nous assurons également que cette structure relève directement du sous-ministre de la Défense nationale. Le CIIS est également en train de mettre en oeuvre un examen de sa propre structure administrative afin de renforcer son indépendance.
Il y a un certain nombre de réformes en ce qui concerne le CIIS, mais je veux m'assurer que vous savez qu'il y a une base de changement transformateur qui est déjà en place.
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Merci, monsieur Fisher.
Voilà qui met fin à notre discussion avec la ministre et ses fonctionnaires.
J'ai pris note, madame la ministre, de votre volonté de comparaître à nouveau devant le Comité. En tant que président de ce comité, je dois dire que la période entre votre dernière comparution et celle d'aujourd'hui a été un peu trop longue, et nous espérons rectifier la situation en vous convoquant vos collègues et vous plus souvent. Il y a un certain nombre d'études auxquelles ce comité participe et pour lesquelles votre contribution serait nécessaire et bienvenue. J'encourage ceux qui organisent votre horaire à libérer un peu plus de temps pour le Comité afin que nous ne soyons pas dans le néant.
Sur ce, je tiens à vous remercier. J'ai passé deux heures extraordinaires dans mon fauteuil de président à entendre parler de l'engagement en faveur d'un changement substantiel de la part de certaines des personnes les plus importantes et les plus influentes de ce pays, et nous n'avons pas droit à l'échec. Je prends à coeur les observations du général Eyre: il est tout simplement trop dangereux pour nous d'échouer. Je suis donc heureux de voir cet engagement.
Sur ce, nous allons clore la séance.
Chers collègues, je ne sais pas ce qui est prévu pour jeudi. Selon M. Bezan, nous ne serons pas ici. Si nous le sommes, j'ai l'intention de tenir une réunion et de donner des directives aux analystes sur l'étude de l'Arctique et aussi d'entendre vos réflexions concernant notre voyage dans les pays baltes et en Pologne. Nous devons commencer à y travailler dès maintenant afin de tirer le meilleur parti de ce voyage et d'apporter notre aide. Nous verrons ce que jeudi nous réserve.
Sur ce, la séance est levée.