:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de votre invitation. Je suis le lieutenant-général Alain Pelletier, commandant adjoint du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, dont le quartier général se trouve sur la base de la Force aérospatiale Peterson à Colorado Springs, au Colorado.
[Français]
Je suis accompagné ce matin du major-général Iain Huddleston, commandant de la 1re Division aérienne du Canada et de la Région canadienne du NORAD, de même que de M. Jonathan Quinn, directeur général, Politique de défense continentale, au sein du ministère.
[Traduction]
En tant que commandant adjoint du NORAD, je suis le second commandant et je soutiens le commandant du NORAD, le général américain VanHerck, dans l'exécution de nos missions, responsabilités et fonctions décrites dans l'accord et le mandat du NORAD.
[Français]
L'Accord du NORAD, formalisé en 1958, établit trois missions primaires pour le NORAD en Amérique du Nord, soit l'alerte aérospatiale, le contrôle aérospatial, de même que l'alerte maritime.
[Traduction]
Dans le contexte des missions du NORAD, l'« Amérique du Nord », c'est l'Alaska, le Canada, les États-Unis continentaux, Porto Rico et les îles Vierges américaines, y compris les zones d'identification de défense aérienne, les approches aériennes, les zones maritimes et les approches maritimes.
Il convient également de mentionner que le NORAD fournit aussi des services intégrés d'alerte et d'évaluation des attaques de missiles, une mission qui couvre l'ensemble du globe.
Le commandant du NORAD ou moi‑même, en son absence, nous sommes responsables devant le gouvernement du Canada et celui des États-Unis de l'exécution de nos missions.
Les organisations subordonnées du NORAD comprennent la région canadienne du NORAD, ou CANR, la région continentale américaine du NORAD, ou CONR, et la région de l'Alaska du NORAD, ou ANR, toutes dirigées par leur commandant respectif, avec des membres intégrés des Forces américaines et canadiennes.
L'histoire du NORAD est marquée par une évolution qui a permis au commandement de se positionner pour répondre efficacement aux changements de l'environnement de sécurité et aux avancées technologiques. Au cours de son histoire, la menace pour l'Amérique du Nord a évolué, passant d'une approche nordique d'aviation à longue portée à une menace tous azimuts, dans tous les domaines.
[Français]
D'ailleurs, pour la première fois de notre histoire collective de défense binationale, nous avons maintenant deux concurrents stratégiques, soit la Russie et la Chine, tous deux dotés d'armes nucléaires, et un troisième acteur, soit la Corée du Nord.
En raison des changements climatiques en cours, la Russie, la Chine, de même que d'autres pays sont de plus en plus intéressés par l'Arctique. Par conséquent, l'Arctique devient progressivement une région interconnectée, de plus en plus mondialisée et source de contentieux.
[Traduction]
Du point de vue du NORAD, le plus court chemin pour attaquer l'Amérique du Nord passe par l'Arctique. C'est préoccupant. Nos adversaires ont déjà modernisé leurs infrastructures arctiques, déployé de nouveaux systèmes de missiles de défense côtière et aérienne, amélioré leurs forces maritimes et augmenté les opérations d'exercice et d'entraînement militaires, avec de nouvelles organisations de commandement dédiées à l'Arctique.
Pour exécuter efficacement les missions qui nous sont assignées par le NORAD, nous devons devancer nos concurrents mondiaux, dissuader nos adversaires, contrer et vaincre les menaces grâce à la connaissance de tous les domaines, à la domination de l'information et à la supériorité décisionnelle, et être intégrés à l'échelle mondiale avec nos alliés.
[Français]
En juin dernier, la a annoncé du financement pour les capacités de défense continentale du Canada, notamment pour la modernisation du NORAD.
[Traduction]
La modernisation du NORAD contribuera à la défense de l'Amérique du Nord et aidera à faire face à l'évolution des menaces liées aux missiles et aux défis en matière d'alerte maritime, conformément à l'accord du NORAD — contribuant ainsi à faire de notre continent une base sûre pour protéger sa puissance et s'engager à l'étranger
[Français]
Le quartier général du NORAD collabore d'ailleurs étroitement avec le Quartier général de la Défense nationale et avec le Pentagone afin de synchroniser et de coordonner la modernisation du NORAD sous les aspects des acquisitions et de la réalisation des projets.
[Traduction]
Comme les menaces continuent d'évoluer rapidement et que l'Arctique devient de plus en plus accessible, il est important pour les deux pays de mettre en place dès que possible des capacités essentielles qui amélioreront notre connaissance du domaine, permettront des opérations persistantes et donneront aux décideurs nationaux suffisamment de temps pour prendre des décisions clés.
[Français]
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser aux membres du Comité.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
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Je remercie le député de sa question.
[Traduction]
Comme il l'a dit, les investissements dans les infrastructures contribueront beaucoup à l'effort de modernisation du NORAD. Il s'agira de mettre à niveau les installations des Forces armées canadiennes dans le Nord, à Yellowknife, à Inuvik, à Iqaluit et à Goose Bay, en modernisant les infrastructures pour accueillir le futur avion de chasse et différents types d'avions, pour élargir la nature des opérations qu'on pourra mener à partir de ces emplacements stratégiques.
De même, le plan de modernisation du NORAD, plus au sud, prévoit de nouveaux investissements pour améliorer les infrastructures destinées à l'avion de chasse, d'un bout à l'autre du pays, celles de réaction et d'alerte rapides et celles qui serviront à l'entraînement des pilotes de chasse. Beaucoup de ces investissements sont financés ou le seront bientôt, mais l'effort devra s'étaler sur un bon nombre d'années avant qu'on voie la fin des travaux et les améliorations sur le terrain.
Merci.
:
Je vous remercie de votre question.
Je vais commencer, et le lieutenant-général Pelletier aura peut-être quelque chose à ajouter.
[Traduction]
Nous avons consulté ces communautés pour mieux connaître leurs besoins et déterminer en quoi les investissements du ministère de la Défense nationale peuvent leur être utiles et leur être, ainsi qu'à nous, mutuellement avantageux.
J'ai énuméré des projets précis d'infrastructures. Alors que les travaux sont à la veille de débuter et que nous entreprenons l'évaluation des lieux et ce genre de choses, nous poursuivrons les consultations et commencerons à interagir avec les communautés locales de façon plus ciblée et plus approfondie, pour encore maximiser les éventuels avantages mutuels. Comme nous le savons tous, les communautés du Nord doivent relever une grande partie des mêmes difficultés que les Forces armées canadiennes dans leurs opérations et pour leur survie sous ces hautes latitudes. Ça présente certainement beaucoup d'occasions sur le plan des infrastructures, des technologies et ainsi de suite.
J'ajouterai également que nous recherchons une capacité de mise en œuvre, dans une grande mesure comme celle que prévoit le contrat récemment signé pour la maintenance continue de l'actuel système d'alerte du Nord. Ça multipliera aussi les occasions d'en profiter économiquement pour les entreprises et communautés autochtones. Ce contrat de maintenance a été accordé à une organisation inuite, et nous envisageons certainement plus d'occasions semblables à saisir à mesure que nous avancerons dans la réalisation du plan de modernisation du NORAD.
J'ignore si le général Pelletier a quelque chose à ajouter.
Merci.
:
Merci de cette question.
[Traduction]
C'est une excellente question. En fait, c'est l'une des premières auxquelles nous ayons répondu en collaboration avec les États-Unis, quand l'effort de modernisation du NORAD est devenu opérationnel — c'est‑à‑dire pour définir exactement ce que signifiait « modernisation du NORAD ». D'après l'accord mutuel entre le Canada et les États-Unis, nous avons convenu qu'il y avait suffisamment à faire, à l'époque, pour augmenter les capacités du NORAD de s'acquitter de son mandat actuel d'alerte aérospatiale, de contrôle aérospatial et d'alerte maritime sans même chercher à l'élargir. Nous avons terminé ce cycle de modernisation du NORAD, et, en fait, aucun engagement n'a été pris pour l'examiner par la suite.
Je voudrais seulement ajouter qu'il existe d'autres mécanismes de collaboration bilatérale entre le Canada et les États-Unis. Nous avons le mécanisme des trois commandements, entre le Commandement canadien des opérations interarmées, le NORAD et les États-Unis, qui offre une tribune pour la collaboration aux opérations terrestres et, par d'autres mécanismes également, pour la cyberdéfense. Outre le NORAD, il se présente amplement d'occasions pour collaborer.
Merci, monsieur le président.
Mes responsabilités englobent les efforts de reconstitution et de rétention de l'Aviation royale canadienne. Je ne suis pas impliqué dans le recrutement, même si ma division a pour mission de soutenir le recrutement en augmentant l'attractivité de l'aviation. Nous faisons la promotion des forces lors d'événements un peu partout au pays et dans les collèges.
Le chef d'état-major de la défense a qualifié de crise la situation du personnel, et je partage son point de vue. Mon rôle en tant que commandant de la 1re Division aérienne du Canada, avec ce chapeau, et non pas celui de commandant de la Région canadienne du NORAD, est de rationaliser le programme d'entraînement pour amener les individus du niveau de base au niveau opérationnel. Nous pourrions, par exemple, reconnaître l'expérience de travail des individus pour accélérer leur parcours.
Le maintien en poste est une autre partie de mon mandat. Mon objectif est de faire de l'aviation un meilleur milieu de travail et un environnement attractif à long terme. À l'échelle des forces aériennes, les priorités sont semblables, mais elles englobent désormais l'entraînement de base et le renforcement du recrutement en collaboration avec le chef du personnel militaire.
Il est exact de qualifier cette situation de crise. Des chiffres ont été rendus publics, comme vous l'avez dit. Je ne parlerai pas de ces chiffres, mais cette crise est une priorité centrale à court terme pour l'aviation.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être des nôtres aujourd'hui.
Je vais adresser mes questions à M. Quinn. J'aimerais que vous puissiez me répondre en termes simples.
Nous avons parlé du Projet de capacité future en matière d'avions-chasseurs. Avec d'autres députés, et plus particulièrement M. Robillard, il a été question de la modernisation du NORAD. J'aimerais savoir comment on pourra combiner ces deux initiatives, la modernisation du NORAD et le Projet de capacité future en matière d'avions-chasseurs, pour nous rendre mieux aptes à patrouiller dans l'espace aérien du Canada.
Monsieur Quinn, je pense que vous avez su fournir certaines indications en vous en tenant à un niveau de spécialisation que je suis en mesure de comprendre, et j'aimerais que vous puissiez poursuivre dans le même sens.
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Merci beaucoup pour la question.
Je vais commencer à y répondre et j'inviterais le général Huddleston à ajouter son grain de sel.
Pour ce qui est de l'interaction entre le Projet de capacité future en matière d'avions-chasseurs et certains investissements s'inscrivant dans le cadre du programme de modernisation du NORAD, j'ai mentionné les nouvelles sommes investies dans les infrastructures. On s'assurera ainsi qu'aussi bien dans les régions du Sud du Canada que dans les emplacements d'opérations avancés du NORAD, on pourra compter sur une infrastructure adéquate qui permettra une utilisation optimale des capacités de pointe de nos futurs avions-chasseurs.
Il faut également savoir qu'un aspect important de l'effort de modernisation du NORAD est l'amélioration des systèmes de commandement et de contrôle. Nous disposons d'ores et déjà d'une énorme quantité de données provenant des différents capteurs. Avec la modernisation de nos systèmes de surveillance, nous nous retrouverons avec plus de données encore. Nous avons recours à de nouvelles technologies, comme l'intelligence artificielle, l'infonuagique sécurisée et l'apprentissage machine, pour absorber toutes ces données provenant des capteurs, les analyser et produire de l'information de qualité facilement compréhensible pour ceux qui ont à prendre des décisions. Cette information pourra être communiquée non seulement aux décideurs au quartier général, mais également aux pilotes qui seront aux commandes des avions-chasseurs, de telle sorte qu'ils aient tous les renseignements voulus à leur disposition.
En outre — et c'est le dernier élément que je vais mentionner —, une autre des initiatives de l'effort de modernisation du NORAD consiste à se procurer de nouveaux missiles air-air, de courte et de longue portée. Il s'agit essentiellement d'en acquérir davantage pour nous assurer d'avoir des stocks suffisants, mais aussi de mettre la main sur la nouvelle version de plus longue portée de ces missiles air-air qui sera utilisée dans nos avions-chasseurs à venir. Nous serons ainsi mieux à même de contrer nos adversaires qui pourraient menacer le Canada en lançant des missiles depuis des bases de plus en plus éloignées.
Nos capacités seront grandement renforcées grâce à ces missiles à plus longue portée et à cette infrastructure nordique améliorée qui nous permettra de prépositionner nos avions-chasseurs dans les confins du territoire canadien.
Général Huddleston, je ne sais pas s'il reste assez de temps pour vous permettre d'ajouter quelque chose.
Merci, monsieur le président.
Merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité. Je voudrais traiter de trois éléments dont nous pourrons, je l'espère, discuter plus en détail lors de la période réservée aux questions.
Il s'agit premièrement de la modernisation du NORAD et de ses répercussions dans l'Arctique ainsi que d'autres questions concernant de manière générale la défense et la sécurité en Amérique du Nord. J'aimerais vous parler dans un deuxième temps de nos relations avec la Russie dans l'Arctique. En troisième lieu, nous pourrons discuter de l'engagement à investir dans la défense de l'Arctique — bien que nous ne sachions pas à l'issue de l'annonce faite en juin dernier par la , quelle portion des 40 milliards de dollars investis va effectivement aller à l'Arctique — et de ses incidences pour les communautés autochtones et locales.
Parlons donc d'abord de la modernisation du NORAD. Si l'on prend connaissance des différents documents pertinents, y compris la déclaration commune du secrétaire à la Défense des États-Unis et du en poste au mois d'août de l'an dernier, on constate que les paramètres de modernisation du NORAD demeurent embourbés dans une structure et une mentalité de guerre froide. Même si le contexte de la menace a évolué, en grande partie à la faveur des changements géopolitiques intervenus depuis, je dirais, 2014 et des transformations technologiques qui ont changé la nature même de cette menace, il ne semble pas que le gouvernement canadien ou le ministère de la Défense nationale, tout au moins publiquement — et je ne vous parlerai pas des États-Unis et de leurs points de vue à ce sujet —, ait vraiment réfléchi aux répercussions de la modernisation du NORAD pour l'Arctique.
Pour ce qui est plus précisément de la sécurité dans l'Arctique, lorsque le gouvernement s'engage à financer un nouveau système de surveillance s'articulant autour de nouveaux réseaux de radars avec mise à niveau et modernisation de différents équipements, et peut-être l'ajout de certains emplacements d'opérations avancés, il ne semble pas réaliser qu'il expose ainsi l'Arctique à une menace directe. Dans ce contexte, nous devons nous en remettre à un mécanisme de neutralisation ou à un mécanisme de défense s'appuyant essentiellement sur nos avions-chasseurs de nouvelle génération — lorsque nous les aurons — et nos systèmes de missiles air-air de moyenne et de longue portée.
Il faut être bien conscient qu'en cas de conflit, tous ces éléments deviendront des cibles de choix pour la Russie, sans parler de la Chine que je considère quelque sorte en arrière-plan. Cela nous amène à nous interroger sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de défense ponctuelle. Il s'agit d'équipements installés à terre pour assurer une couche supplémentaire de défense, et on peut les retrouver plus au sud.
C'est la principale préoccupation découlant du programme de modernisation, mais il va de soi qu'il s'agit de considérations déjà existantes et qu'il n'y a rien de nouveau dans cette problématique. Chose plus importante, dans notre réflexion sur le nouveau contexte de la menace, et sur la menace principale pesant sur nous, deux éléments viennent tout de suite à l'esprit.
Premièrement, le NORAD doit désormais s'occuper de défense antimissile. Étant donné la nature des missiles de croisière hypersoniques de longue portée ainsi que les capacités de la Russie en matière de missiles balistiques — avec la Chine pas loin derrière —, il est devenu nécessaire pour nous de disposer d'équipements nous permettant d'intercepter les missiles en plein vol. Il s'ensuit bien sûr des questions importantes à régler pour le gouvernement et le ministère, de même que pour les États-Unis, quant à la possibilité de conserver le NORAD dans son créneau traditionnel de défense aérienne ou de « contrôle de l'espace aérien » pour reprendre l'expression qu'ils utilisent. C'est simplement de la défense aérienne, parce que nous n'avons pas eu auparavant à nous défendre contre des missiles. On peut donc se demander de quelles capacités nous aurons besoin pour pouvoir composer avec cette problématique.
C'est la première considération qui ressort. Cela soulève des questions d'importance au sujet desquelles le gouvernement et le ministère doivent amorcer une réflexion. Je suis convaincu que cette réflexion est déjà en marche, mais il y a bien évidemment des incidences sur la politique canadienne depuis longtemps établie concernant la défense antimissile balistique.
Il faut considérer en second lieu que nous sommes dans un environnement de défense tous domaines. Il convient donc que la surveillance s'exerce dans tous les domaines avec l'intégration des moyens terrestres, aériens, spatiaux et maritimes. Cette intégration doit se produire non seulement aux fins de la surveillance, mais aussi du côté neutralisation et défense de l'équation pour que la stratégie de dissuasion par interdiction soit efficace. Cela nous oblige à nous interroger sur la structure ou le système de mission du NORAD, qui s'en remet actuellement en grande partie à l'aérospatiale — la défense aérienne —, pour déterminer s'il convient d'élargir ce système de mission en visant en fait la mise en place d'une véritable force intégrée de commandement pour la défense de l'Amérique du Nord.
Cela m'amène à vous parler en deuxième lieu des enjeux liés au commandement et au contrôle. C'est une considération qui est au cœur de la modernisation du NORAD. Ce faisant, il faut s'interroger sur la structure de commandement en place, soit les quartiers généraux et les commandements régionaux du NORAD, en se demandant si c'est une façon efficiente et efficace de faire les choses. Ce sont donc autant de questions auxquelles il faudra bien répondre, car il y a, comme j'aime bien le dire, un éléphant dans la pièce.
Troisièmement, la question des voies d'accès à l'Amérique du Nord en provenance de l'est se pose. C'est là qu'intervient la problématique du NORAD comme accord binational avec les enjeux liés au Groenland, c'est‑à‑dire au Danemark, qui se profilent à l'horizon — et bien sûr l'Islande en coulisses — et le fait qu'il deviendra pour ainsi dire nécessaire d'intégrer ces entités au NORAD. Il s'ensuivra des questions au sujet de l'OTAN et de son engagement dans l'Arctique, car le Canada a toujours eu comme politique de garder l'OTAN hors de l'Arctique.
Voilà donc pour la première série d'éléments à considérer dans le contexte de la modernisation du NORAD.
Viennent ensuite nos relations avec la Russie. Avec comme toile de fond l'agression russe en Ukraine, nous avons renoncé à toute nuance dans nos relations avec la Russie, ainsi qu'avec la Chine. Ce sont simplement nos ennemis, comme l'a déclaré le chef d'état-major de la défense il y a environ une semaine en témoignant devant un autre comité — celui de la sécurité publique, si je ne m'abuse.
Nous vivons dans un monde dont le fonctionnement est dicté par les relations entre les grandes puissances. Il est important de se rappeler que dans cette conjoncture politique, les États-Unis sont à la tête de l'Occident, alors que la Russie et la Chine, et j'ajouterais…
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Merci de me donner l'occasion de traiter avec vous de la sécurité dans l'Arctique. Je vais vous exposer aujourd'hui mon point de vue d'ancien militaire et d'universitaire comptant trois décennies d'études et de publications sur la gestion des ressources de défense. Pour vous donner une idée de mon parcours, disons que j'ai quitté les forces militaires en 2017 alors que j'occupais le poste de planificateur d'activités et contrôleur au sein de l'Aviation royale canadienne.
Je vais vous parler aujourd'hui des changements climatiques et de leur incidence sur l'infrastructure de défense dans le Nord du Canada. Dans son plan d'action de 2021 sur le changement climatique et la sécurité, l'OTAN indique que le changement climatique est un « multiplicateur de menaces » pour les pays membres. Dans le temps qui m'est alloué, je vais d'abord traiter des effets de la hausse des températures dans le Nord et des répercussions sur la défense, puis conclure en parlant des risques que font peser les changements climatiques sur l'infrastructure de défense.
La disponibilité des infrastructures est d'emblée l'élément absolument essentiel pour que les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale puissent mener efficacement leurs activités dans le Nord tout au long de l'année. Depuis quelques années déjà, les changements climatiques sont une réalité bien concrète pour les résidants du Nord canadien.
Le récent rapport de l'Institut climatique du Canada intitulé Faire face aux coûts des changements climatiques pour les infrastructures du Nord indique d'entrée de jeu que « Le Nord du Canada fait face à une double menace : des infrastructures inadéquates soumises à un climat qui se réchauffe rapidement. » Ce n'est pas d'hier que le Canada doit composer avec un déficit sur le plan des infrastructures, un problème particulièrement criant dans le Nord. Les infrastructures physiques comprennent les routes, les ponts, les trottoirs, les systèmes d'approvisionnement en eau potable, les aérodromes, les ports et les systèmes d'évacuation des eaux pluviales et de traitement des eaux usées. Les gouvernements, de l'échelon municipal jusqu'au fédéral, ont été lents à adapter leurs infrastructures aux changements climatiques.
Dans un rapport récent, les autorités américaines ont indiqué que les changements climatiques font croître la demande pour des opérations militaires au pays et à l'étranger, et en élargissent la portée. On peut lire dans la Stratégie énergétique et environnementale de la Défense pour la période 2020‑2023 que le ministère de la Défense nationale est « le plus grand consommateur d'énergie et le plus grand émetteur de GES au sein du gouvernement fédéral ».
Pendant que les températures continuent de monter à l'échelle planétaire, les systèmes météorologiques subissent de grandes transformations, ce qui rend des événements comme les sécheresses, les ouragans et les inondations plus intenses et moins prévisibles. Des phénomènes météorologiques extrêmes qui pouvaient ne se produire qu'une seule fois du vivant de nos parents deviennent plus fréquents.
Le coût des infrastructures dans les localités éloignées du Nord est considérablement plus élevé que dans le Sud du Canada.
Le ministère de la Défense nationale doit composer avec quatre risques distincts découlant des changements climatiques. Premièrement, il y a un risque budgétaire. Il faut réparer les installations endommagées par les événements attribuables aux changements climatiques en plus de mettre à niveau les édifices et les infrastructures afin de les adapter à la réalité des changements climatiques. Deuxièmement, il y a un risque opérationnel résultant de la nécessité de réduire les activités de formation en raison des aléas de la météo et des autres menaces associées au climat. Troisièmement, il faut tenir compte de la fréquence accrue des situations où l'on doit se porter au secours des pouvoirs civils, c'est‑à‑dire des gouvernements provinciaux, en ayant de plus en plus souvent à déployer du personnel militaire dans les différentes régions du pays pour aider les provinces et les collectivités touchées par des inondations, des incendies de forêt et des ouragans. Nous avons pu observer un grand nombre de phénomènes semblables récemment. Le quatrième risque est associé à une réglementation désuète. Tous les ordres de gouvernement des régions nordiques doivent mettre à jour leurs politiques, leurs règlements et leurs normes en matière d'infrastructures en même temps que leurs codes du bâtiment afin de tenir explicitement compte des répercussions complexes et graves des changements climatiques dans le Nord.
Merci.
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À mon avis, il faut davantage que des consultations. D'après moi — et c'est ce que j'allais dire durant mon exposé, mais j'ai manqué de temps —, les investissements dans la modernisation du NORAD en vue de renforcer la sécurité dans l'Arctique auront d'importantes répercussions, mais nous ne savons pas exactement lesquelles, car elles seront nombreuses. Ils seront porteurs de changements dans l'Arctique.
Qu'est‑ce que cela signifie pour les collectivités autochtones? C'est un enjeu important, car lorsqu'on songe à la sécurité, on pense à la sécurité de la défense du pays et de l'Amérique du Nord en collaboration avec les États-Unis, mais cela peut miner la sécurité dans les collectivités autochtones et locales. Le gouvernement va investir beaucoup d'argent dans les emplois et la formation. Est‑ce soutenable sur le long terme? Quelle sera l'incidence sur la culture autochtone?
En outre, les activités du gouvernement sont organisées par fonction, ce qui signifie que le ministère de la Défense s'occupe de la défense, le ministère des Transports s'occupe des transports et le ministère de la Santé s'occupe de la santé, quand il s'agit de l'Arctique. Il y a de nombreux ministères et agences, mais il n'existe aucune structure centrale au sein du gouvernement du Canada pour intégrer les investissements dans ces domaines, de sorte que, lorsque nous investissons dans la défense dans l'Arctique, ces investissements aient un double usage. Se doter de meilleurs systèmes de communication permettra d'améliorer les communications — l'accès à Internet, la télémédecine — et entraînera divers bénéfices pour les collectivités autochtones. Ces investissements doivent être intégrés dans ce qu'on appelle au gouvernement une approche pangouvernementale, mais le problème, c'est qu'il n'existe aucune structure pangouvernementale pour permettre cela.
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C'est la question à un million de dollars, et elle fait référence à la politique du Canada quant à la nature de sa participation et ce qu'il doit faire.
De façon générale, dans le contexte actuel de la menace, qui est fondé sur la technologie, — dans lequel les États-Unis réunissent la défense aérienne et antimissile, qui inclut la défense contre les bombardiers aérobies et les chasseurs-bombardiers, les missiles de croisière et les missiles hypersoniques et la défense antimissiles balistiques — le territoire canadien devient très important. Si les États-Unis, par exemple, vont de l'avant avec leur troisième site de défense antimissile, situé dans le Nord de l'État de New York, ce qu'ils n'ont pas encore fait, le territoire canadien deviendra beaucoup plus important lorsqu'il est question de suivre les radars d'évaluation des dommages de combat.
On peut imaginer que, dans l'avenir, si le Canada se joint au programme, sa participation sera bien accueillie par les États-Unis, car le Canada leur fournira un territoire très utile pour défendre efficacement l'Amérique du Nord.
Cela soulève la question de savoir si nous bénéficions d'une défense à l'heure actuelle de toute façon. Nous ne le savons pas, ce qui soulève également la question du commandement et du contrôle. Si nous remontons à 2003 ou à 2004, lorsque nous en avons discuté avec les États-Unis, ils ont déclaré que le Canada ne pourrait pas avoir un rôle à jouer — ni le NORAD — au chapitre du commandement et du contrôle, mais cela pourrait changer.
Il y a de nombreuses questions émergentes à ce sujet. Ce que je pense, c'est que nous allons devoir participer d'une manière ou d'une autre, mais la question à un million de dollars est celle de savoir comment fonctionnera cette coopération avec les États-Unis.
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Je vous remercie beaucoup.
Je pense que vous vous demandez si nous avons les lois qui conviennent pour inciter la Russie à continuer de respecter l'ordre international fondé sur des règles. Nonobstant le comportement scandaleux de la Russie en Ukraine, en ce qui a trait à l'Arctique, la Russie s'est révélée un partenaire très utile. Le NORAD, par exemple, s'empresse de souligner que, même lorsque la Russie entre dans notre zone d'identification de la défense aérienne, elle demeure dans l'espace aérien international. Les ententes sur la recherche et le sauvetage ainsi que le moratoire sur la pêche dans l'océan Arctique central sont encore en vigueur.
Ce que nous voulons faire, c'est encourager les États de l'Arctique, particulièrement la Russie, et, par extension, les observateurs dans le reste du monde, à respecter l'ordre international fondé sur des règles, à reprendre le travail sur des projets scientifiques et autochtones fondés sur le savoir permettant d'atténuer les effets des changements climatiques, à respecter la Commission des limites du plateau continental de l'ONU, qui a été respectée jusqu'à maintenant, et à revenir à la meilleure attitude de coopération qu'on observait avant 2014.
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J'ajouterais deux ou trois choses.
Tout d'abord, et je ne veux pas paraître désinvolte, il faut espérer un ralentissement économique et un rétrécissement considérable du marché du travail. Il y a toujours une corrélation avec une intensification du recrutement dans l'armée. Comme je l'ai dit, je ne veux pas paraître désinvolte. La Défense nationale peut prendre des mesures dans le cadre d'un programme de recrutement plus ciblé et plus sophistiqué, mais il ne faut pas oublier que de nos jours, et c'est le véritable éléphant dans la pièce, la transition des forces armées d'un milieu axé sur la main-d'œuvre vers un milieu axé sur la technologie signifie que les forces armées sont en concurrence avec des entreprises de haute technologie privées dont les employés sont très instruits ainsi qu'avec la fonction publique. Qu'est‑ce qui incitera les gens à s'enrôler dans l'armée s'ils peuvent gagner plus cher et avoir une meilleure vie — soyons honnêtes — dans le secteur privé? C'est un talon d'Achille, et il n'y a parfois pas... C'est ce qu'on appelle un « problème pernicieux » en administration publique.
Une chose que les forces armées doivent commencer à comprendre... et ce n'est pas nouveau pour moi. Je me reporterais à ce que Doug Bland a dit il y a longtemps, à savoir que les forces armées adoptent la mentalité selon laquelle on est recruté à l'âge de 18 ou de 19 ans pour ensuite être formé et instruit, et faire carrière. Or, dans le monde actuel, il n'est plus intéressant de rester à la même place toute sa vie: on se dit qu'en l'espace de 5 ou 10 ans, on peut acquérir des compétences et de l'expérience pour ensuite passer au secteur privé...
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Merci, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins de s'être joints à nous.
Ma question est pour le professeur Fergusson ou la professeure Charron.
Je veux remettre en question vos hypothèses selon lesquelles la Russie sera une partenaire fiable dans l'Arctique, non seulement à cause de ses agissements en Ukraine, mais aussi, pendant la période qui a précédé la situation en Ukraine, à cause de la façon dont elle a continué d'ouvrir et d'agrandir des bases militaires dans son territoire arctique. Compte tenu du comportement de la Russie, nous assistons maintenant à l'élargissement de l'OTAN, auquel la Russie s'oppose, évidemment. J'espère que la Russie sera vaincue et que tous les territoires en Ukraine seront retournés, y compris la Crimée.
La question est de savoir comment nous allons combler cet écart alors que, essentiellement, les Russes seront, il me semble, d'une humeur exécrable longtemps après une défaite en Ukraine, et ils blâmeront le Canada et nos alliés de l'OTAN pour avoir fourni le matériel et les fonds qui permettent à l'Ukraine de réagir aussi efficacement.
L'Arctique ne deviendra‑t‑il pas une partie du voisinage qu'ils pourraient considérer comme étant faible? Ne devrions-nous pas investir plus énergiquement dans nos capacités là‑haut?