NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 28 février 2022
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
Nous avons le quorum. Les témoins sont présents.
Le seul élément particulier de la première partie de la réunion, c'est que M. Fisher a l'intention de présenter une motion, et je crois comprendre que tous les partis vont l'appuyer. Il la présentera avant de poser ses questions, mais cela ne devrait pratiquement pas prendre de temps.
Nous devrons absolument suspendre les délibérations à 16 h 30, malheureusement. J'en informe les témoins. Nous devrons passer à huis clos. Le tout requiert quelques changements du point de vue technologique qui ne relèvent pas de ma compétence. On m'en a informé.
Nous recevons aujourd'hui le vice-amiral à la retraite Darren Hawco, et une professeure de l'Université McGill, Mme Maria Popova, dont les témoignages sont toujours excellents. Je vais d'abord céder la parole au vice-amiral, qui va nous présenter son exposé de cinq minutes, puis ce sera au tour de Mme Popova par la suite.
Allez‑y, monsieur le vice-amiral.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de me joindre à vous aujourd'hui, à court préavis.
Je suis un praticien de la profession militaire qui a une expérience stratégique au sein de l'OTAN et des Forces armées canadiennes. J'ai participé à la rédaction de la politique Protection, Sécurité, Engagement et j'ai été chef du déploiement des forces avant de travailler pour l'OTAN. Je comprends les exigences, le développement des capacités et la stratégie. Mes observations et mes réponses aux questions s'inscriront dans cette optique.
Le syndrome de la page blanche s'applique: si l'on est dans une impasse, on l'était probablement quelques pages plus tôt. Il est important de comprendre le contexte dans lequel nous en sommes arrivés là pour pouvoir déterminer ce que nous devons faire.
Il faut commencer par Poutine, qui, de l'avis général, est le décideur. La nature du travail qu'il a effectué au KGB a fait de lui, à mon avis, une personne qui a moins d'égard pour la condition humaine que la moyenne des gens. En 1991, lors de la dissolution de l'Union soviétique, il a choisi le camp d'Eltsine, et non celui de Gorbatchev, ce qui montre ce qu'il pense des décisions qui ont été prises.
De 1999 à aujourd'hui, il a été premier ministre et président de la Fédération de Russie. Très tôt, il s'est concentré sur les réformes et l'économie, ce qui a eu de grandes répercussions sur le niveau de vie dans la Fédération de Russie, entre autres. Cela a probablement aussi fait naître chez lui un certain point de vue quant à la façon dont Gorbatchev aurait dû résoudre le problème de l'Union soviétique, selon lui, plutôt que de la laisser s'effondrer.
Poutine aurait observé le déclin de la Fédération de Russie en tant que superpuissance bipolaire causé par l'expansion de l'OTAN aux dépens de la Fédération de Russie. En 1997, 2004, 2009, 2017 et 2020, 14 pays ont quitté la sphère d'influence de la Fédération de Russie pour se joindre à l'OTAN. On pourrait comprendre qu'il reproche à l'Occident de revenir sur les paroles prononcées, indépendamment du contenu réel de l'Acte fondateur OTAN-Russie.
Comment Poutine déciderait‑il de mettre fin à ce type de comportement? Eh bien, il pourrait prendre une partie [difficultés techniques] différend frontalier. S'il y a un différend frontalier, on ne peut pas joindre les rangs de l'OTAN. C'est ce qu'il a fait en Géorgie en 2008 et c'est aussi ce qui s'est passé en 2014.
La Fédération de Russie [difficultés techniques] c'est pourquoi Poutine s'est battu pour...
Excusez-moi, monsieur le vice-amiral. Pour une raison quelconque, il semble y avoir des coupures de connexion. Je veux m'assurer que nous suivons le rythme.
Est‑ce que ça va du côté des interprètes? Pouvons-nous continuer?
Je ne pense pas que nous puissions faire grand-chose à cet égard pour l'instant. Je m'excuse encore une fois pour les interruptions, mais bienvenue en 2022.
Veuillez poursuivre.
Je pense que la Fédération de Russie aurait considéré le déclin marqué de son économie comme un défi particulièrement difficile à relever sans une grande partie des capacités de l'État soviétique en Ukraine, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Bulgarie, etc., ce qui signifiait qu'elle était davantage reléguée à une économie de ressources. Cela explique partiellement le fait que Poutine a récemment étendu la zone qu'il revendique en Arctique auprès des Nations unies et fait également peut-être partie de ce qui le motive par rapport à l'Ukraine, car celle‑ci constituait un élément important de la capacité industrielle de l'Union soviétique.
Au cours des 70 dernières années, de manière générale, la Fédération de Russie a agi par opportunisme, mais ses actions s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie globale et d'un objectif stratégique, dans une mentalité de gel et de dégel, comme d'autres intervenants vous en ont parlé lors de réunions précédentes. Cela signifie que, ces dernières années, en Géorgie en 2008 et en Crimée en 2014, elle a agi, laissé la communauté internationale passer à autre chose, puis cherché d'autres occasions.
Cela témoigne du recours à la confrontation de l'information, ce que nous appellerions [difficultés techniques], peaufiné ces dernières années par Valeri Guerassimov et qu'on appelle la doctrine Guerassimov, qui consiste simplement à combiner des moyens militaires, technologiques, informationnels, diplomatiques, économiques et culturels, soit à recourir à toutes sortes de tactiques pour atteindre des objectifs stratégiques spécifiques.
Je dirais que seul Poutine sait vraiment ce qu'il veut, mais comme on peut s'y attendre, il veut une reconnaissance. Il ne veut pas d'un monde bipolaire; il veut, au minimum, un monde tripolaire constitué des États-Unis, de la Chine et de la Fédération de Russie.
Raisonnable ou non, il veut que cesse l'expansion de l'OTAN vers l'est. Certains diront qu'il n'y a nulle part où aller. Eh bien, au contraire, il y a l'Ukraine, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, la Finlande, la Suède, l'Autriche, la Moldavie, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine. Il veut que l'OTAN arrête cette progression vers l'est. Il veut une sphère d'influence; il a besoin de diversifier son économie, et c'est un humain, donc il veut probablement laisser un legs.
Quels sont les types de mesures... Il y a peut-être l'imposition de sanctions, mais rappelez-vous qu'il a planifié les choses sur le plan opérationnel il y a quelques années, et qu'il a donc prévu qu'il y aurait des sanctions et en a tenu compte dans une certaine mesure. Si l'on pense à ce que le chancelier allemand, Olaf Scholz, a récemment déclaré au Bundestag et qui, je pense, est révélateur, l'Allemagne a annoncé qu'elle investirait 100 milliards d'euros dans son armement, qu'elle augmenterait ses dépenses militaires pour y consacrer plus de 2 % de son PIB. Elle a ajusté ses intentions en matière de politique énergétique afin d'éviter d'être dépendante à long terme, elle a pris d'autres décisions en matière de politique industrielle et elle s'est engagée, bien sûr, à fournir les renforts auxquels on peut s'attendre pour les missions et les activités de l'OTAN. Plus important encore, à mon avis, c'est un tournant pour le chancelier dans la politique étrangère allemande en faveur de l'alliance et d'efforts déployés à travers l'Union européenne et l'OTAN. Au Canada, il s'agirait peut-être du Groupe des cinq et de l'OTAN.
Cela dit, monsieur le président, je vous redonne la parole.
Merci.
Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité.
Je suis professeure de sciences politiques. Je travaille sur la politique intérieure russe et ukrainienne depuis environ 20 ans. J'ai une grande expérience de la recherche sur les processus politiques de ces deux pays et j'ai écrit des articles et des livres sur le sujet.
Aujourd'hui, j'aimerais parler de l'origine politique de la crise. Comme vous l'entendrez dans un instant, j'ai un point de vue légèrement différent de celui de l'amiral, ce qui permettra à votre comité d'entendre un large éventail d'opinions.
La cause profonde de l'invasion de l'Ukraine par la Russie est l'opinion exprimée à de nombreuses reprises par M. Poutine, mais aussi probablement par une partie des élites russes de la société, selon laquelle l'Ukraine n'est pas une véritable nation et ne devrait pas avoir droit à son propre État. Selon M. Poutine, la dissolution de l'Union soviétique a été une tragédie. C'est ce qu'il a affirmé à de nombreuses reprises, et il s'efforce actuellement de la reconstituer — et sur ce point, je suis d'accord avec l'amiral — dans l'espoir d'en faire l'héritage qu'il laissera derrière lui.
Je tiens à souligner un point essentiel, et c'est que cette rhétorique de la Russie met en évidence le fait que l'expansion vers l'est de l'OTAN n'a ni précipité ni accéléré cette crise. L'OTAN [difficultés techniques] question à la Russie. Je ne dirais pas qu'elle n'est pas pertinente, mais elle a moins d'importance que la réunification des peuples russe et ukrainien. Même l'ancien président soviétique Gorbatchev a récemment déclaré qu'il avait toujours pensé que la séparation des peuples ukrainien et russe en deux États poserait de graves problèmes. Il s'agit d'abord de cette question, et seulement en second lieu de questions liées à la sécurité.
Cependant, cette vision du monde cache une grossière erreur de jugement sur la force de l'attachement des citoyens ukrainiens à leur identité nationale et à leur État indépendant. La résistance que nous pouvons observer de la part de l'armée ukrainienne et de la population ukrainienne dans son ensemble montre que les attentes avec lesquelles la Russie s'est engagée dans cette guerre — à savoir qu'elle progresserait facilement vers Kiev à mesure que l'armée ukrainienne déposerait les armes et que la population serait d'accord — se sont révélées fausses. Ironiquement, ce point de vue de M. Poutine, qui est aussi en partie un point de vue russe, mine plutôt qu'il ne fait progresser les intérêts en matière de sécurité déclarés par la Russie dans la région. Si M. Poutine avait pris l'indépendance de l'Ukraine au sérieux, la crise actuelle aurait pu être évitée.
Même après que le président pro-russe Yanukovych a été chassé par un soulèvement populaire en 2014, la Russie aurait pu atteindre bon nombre de ses objectifs en matière de sécurité par l'entremise de la puissance douce. Il n'y aurait pas eu d'avancée de l'OTAN en Ukraine, puisque l'Ukraine n'a jamais été même proche d'adhérer à l'OTAN. L'Ukraine aurait été un État séparé, mais largement amical envers la Russie, et la Russie aurait disposé de leviers d'influence perpétuels sur les processus politiques de l'Ukraine. Les présidents pro-russes et pro-ukrainiens se sont succédé au pouvoir tout au long des 30 années d'indépendance de l'Ukraine. La Russie disposait d'importants leviers de pouvoir économique et politique en Ukraine. Il aurait suffi que M. Poutine reconnaisse les événements de 2014 pour ce qu'ils étaient réellement, c'est‑à‑dire un soulèvement intérieur contre un président de plus en plus autoritaire et impopulaire, plutôt qu'un complot occidental contre la Russie. Il a choisi la deuxième interprétation, et nous en sommes là aujourd'hui.
Je voulais également aborder la question plus vaste de savoir comment négocier la paix et quelle sera la situation sur le plan de la sécurité et sur le plan politique une fois que ces hostilités auront pris fin — le plus tôt sera le mieux.
Selon les dernières nouvelles d'aujourd'hui, la Russie pourrait être disposée à entamer des pourparlers sous réserve de conditions préalables, à savoir que l'Ukraine devrait procéder à son désarmement et rester neutre en dehors de l'OTAN et l'Occident devrait accepter de reconnaître officiellement la Crimée comme territoire russe. Pour l'instant, ces conditions sont inacceptables, mais nous devons réellement commencer à réfléchir à ce à quoi pourrait et devrait ressembler la paix. Pour l'Ukraine, le désarmement équivaut à une capitulation sans aucune garantie de sécurité selon laquelle la Russie ne l'envahira pas à nouveau.
Madame Popova, pourriez-vous conclure, s'il vous plaît? Nous avons déjà dépassé les cinq minutes qui vous sont imparties.
Oui, je le peux certainement.
Permettez-moi de mentionner que le plus gros problème, c'est que l'Ukraine a besoin de garanties sur le plan de la sécurité. De plus, reconnaître la Crimée représenterait une menace pour l'ordre international fondé sur des règles.
Ce que je tiens à dire très rapidement, c'est que la réalité à laquelle l'Europe et l'Amérique du Nord font face aujourd'hui, après l'agression russe, c'est qu'un nouveau rideau de fer va s'abattre sur l'Europe. Après cette guerre, les voisins de la Russie et tous les États qui faisaient autrefois partie de la Russie ne se sentiront pas à l'abri d'une attaque russe.
Les membres de l'Union européenne et de l'OTAN disposent de structures qui leur permettent de réfléchir à la manière de faire face à cette Russie hostile à l'avenir. Les pays voisins qui sont membres de l'OTAN mais qui ne sont pas membres de l'Union européenne devront trouver un moyen d'éviter d'être aspirés dans la sphère d'influence de la Russie — ou pire encore.
Je suis certain que vous pourrez intégrer ces points dans vos réponses aux questions que vous poseront les députés. Je suis désolé.
Nous entamons maintenant la série de questions de six minutes. Nous entendrons M. Doherty, M. Fisher, Mme Normandin et Mme Mathyssen.
Monsieur Doherty, vous avez six minutes.
Monsieur Doherty, nous ne vous entendons pas.
[Français]
[Traduction]
Monsieur Doherty, nous pensons que votre microphone n'est peut-être pas complètement branché. Pouvez-vous le débrancher et le rebrancher pour vérifier?
Madame Popova, la semaine dernière, les conservateurs ont demandé au gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour montrer que le Canada est solidaire du peuple ukrainien. Nous avons demandé au gouvernement de déclarer l'ambassadeur de la Russie au Canada persona non grata et de l'expulser. Seriez-vous d'accord pour dire qu'en cette période de crise mondiale...
Monsieur Doherty, encore une fois, je suis désolé, mais votre micro est maintenant trop près de votre bouche.
Veuillez essayer à nouveau.
Madame Popova, le Canada devrait‑il adopter une position plus ferme dans le cadre de cette crise mondiale et expulser l'ambassadeur russe du Canada?
Pour être honnête, il faudrait parler aux Russes pour mettre fin à cette guerre. Une expulsion est une mesure symbolique très forte, mais d'une manière ou d'une autre, les pourparlers devront se poursuivre.
Amiral Hawco, pensez-vous également que la protection et la défense de la souveraineté du Canada dans l'Arctique présentent des vulnérabilités importantes?
En ce qui concerne les vulnérabilités, je dirais que le Canada a, dans l'Arctique canadien, tout l'accès dont il a besoin, du moins beaucoup plus que n'importe quel autre pays. De plus, nous recevons des images de Constellation RADARSAT de 16 à 20 fois par jour, et nous savons donc ce qui se passe là‑haut. Cela ne signifie pas qu'une infrastructure et des possibilités accrues de surveillance ne seraient pas utiles, mais nous obtiendrons cela de toute façon par le processus d'acquisition. Je ne pense donc pas qu'il y ait un risque imminent pour la souveraineté dans le Nord.
La seule chose que nous observons, monsieur Doherty, ce sont des incursions normales dans la zone d'identification de défense aérienne par les avions de la Fédération de Russie, dont le NORAD s'occupe de façon routinière.
Je crois que les efforts de modernisation du NORAD, qui sont planifiés et qui font l'objet de discussions actives, ont justement cet objectif précis.
Amiral Hawco, vous avez parlé des tactiques de zone grise utilisées par M. Poutine. Avons-nous dépassé ses tactiques de zone grise avec la mobilisation de sa force nucléaire?
Je dirais que les actions en Ukraine représentent des exemples classiques de choses qui ne font pas partie de ce qu'on pourrait considérer comme étant des activités de confrontation de l'information, car elles sont de nature cinétique. Toutefois, le fait de signaler l'intention d'utiliser des moyens nucléaires constitue un exemple, selon moi, de tactique de zone grise, parce que cela vise à semer le doute, à provoquer une fracture dans la cohésion de l'alliance ou dans le processus de réflexion, etc. Je dirais donc que c'est un exemple de la composante diplomatique et de la composante militaire de la confrontation de l'information.
Madame Popova, souhaitez-vous ajouter quelque chose ou formuler des commentaires en réponse à cette question?
Oui, certainement.
Je pense que le fait qu'il invoque l'escalade nucléaire montre à quel point il est déterminé à gagner cette guerre en Ukraine et à quel point l'Ukraine est importante pour lui. Pour M. Poutine, il s'agit avant tout de prendre le contrôle de l'Ukraine, et c'est la raison pour laquelle il tente de diviser l'alliance et de signifier à la communauté internationale qu'il faut le laisser faire.
Non, je ne pense pas qu'on devrait le laisser faire, car l'Ukraine ne sera pas le dernier pays dont il prendra le contrôle. En effet, il a déjà pris, de facto, le contrôle de la Biélorussie, car il utilise ce pays comme rampe de lancement pour ses opérations militaires. On peut donc dire que ce n'est plus un pays indépendant, dans les faits. Tous les autres États postsoviétiques de la région devraient également être inquiets si l'Occident décidait de céder aux exigences de M. Poutine en ce qui concerne l'Ukraine. Plusieurs pays sont dans sa ligne de mire. Ensuite, il y a les membres de l'OTAN, qui ne sont probablement en sécurité qu'en vertu de l'expansion de l'OTAN.
J'aimerais que les deux témoins répondent à ma prochaine question. La position du Canada — et, en fait, celle de l'Occident — devrait-elle aller au‑delà des sanctions?
Je vous écoute, amiral Hawco.
À mon avis, notre réponse et notre soutien dans le contexte de l'OTAN représentent la décision de politique étrangère la plus appropriée à prendre en ce moment. Le Canada a toujours agi dans ce cadre de référence lorsqu'il s'agit de la sécurité européenne. Il est certainement logique de poursuivre dans cette voie, en reconnaissant les décisions qui ont déjà été prises par le gouvernement en ce qui concerne les soutiens directs de diverse nature à l'Ukraine, qui est un partenaire reconnu du Canada.
Les sanctions commencent déjà à faire effet. Le rouble russe s'effondre et les banques sont menacées. S'il faut intensifier les sanctions, cela peut être fait. L'aide militaire en Ukraine se poursuit. Je pense que c'est la voie à suivre.
Je vous remercie, monsieur Doherty.
Monsieur Fisher, je ne vais pas démarrer le chronomètre. Je crois comprendre que vous avez une motion et que cette motion a obtenu le consentement des autres partis. Je vais donc vous demander de présenter votre motion.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais prendre quelques instants pour remercier tous les membres du Comité d'avoir appuyé cette motion, qui sera vraiment une motion de notre comité. Je propose:
Que le Comité permanent de la défense nationale est solidaire du peuple ukrainien et du gouvernement ukrainien et condamne sans équivoque:
a. l'attaque injustifiée, non provoquée et flagrante contre l'Ukraine, qui a été ordonnée par le président russe Vladimir Putin, et représente une violation claire des obligations de la Russie en vertu du droit international et de la Charte des Nations Unies;
b. l'invasion illégale de l'Ukraine par la Fédération de Russie en 2014 et l'annexion illégale de la Crimée et l'occupation de l'est de l'Ukraine; et,
c. le président Putin et le gouvernement russe pour ces violations hostiles et provocatrices du droit international et de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
De plus, le Comité demande au Canada, à ses alliés et à la communauté internationale de défendre résolument l'ordre international fondé sur des règles, les droits de la personne et la démocratie en Ukraine et dans le monde.
Je vous remercie, monsieur Fisher.
Je présume que tout le monde est d'accord avec cela et qu'il n'est pas nécessaire d'entamer un débat.
(La motion est adoptée.)
Le président: Je vous remercie, monsieur Fisher, de votre travail.
Chers collègues, je vous remercie de votre geste de solidarité à un moment où nous en avons grand besoin.
Cela dit, monsieur Fisher, vous avez six minutes.
Je vous remercie beaucoup.
J'aimerais remercier sincèrement nos témoins. Je suis désolé de ce petit retard.
Madame Popova, je n'ai pas de citation sous les yeux, mais vous avez dit que M. Poutine souhaite reconstituer l'empire russe et qu'il essaie de réintégrer les autres parties de l'empire russe dans les rangs, si j'ai bien compris. Si c'est bien le cas, un très gros problème se profile à l'horizon. En effet, nous ne pouvons pas avoir, au niveau international, un... En 2014, le monde a réagi avec apathie face à l'agression russe. Nous observons maintenant une réponse complètement différente.
Quelle est la prochaine étape? Vous ou l'amiral Hawco avez parlé de M. Poutine. Je pense que vous avez tous les deux mentionné l'héritage qu'il souhaite laisser. Je pense que c'est l'amiral Hawco qui a dit que seul M. Poutine sait réellement ce qu'il tente d'accomplir.
Où allons-nous, si vous avez raison? Un très grand nombre de pays, dont certains sont aujourd'hui membres de l'OTAN, faisaient partie de l'ancienne Union soviétique. S'il pense à laisser un héritage, nous avons un gros problème.
Nous avons vraiment un problème. Je pense qu'il ne fait aucun doute qu'il vise une reconstitution aussi complète que possible.
Comme je l'ai déjà mentionné, l'Ukraine est attaquée, mais la Biélorussie est, en tout état de cause, maintenant contrôlée par la Russie. En janvier dernier, nous avons vu des troupes russes se rendre au Kazakhstan pour soutenir le président de ce pays et réprimer les manifestations populaires. Le président Poutine et la Russie deviennent de plus en plus interventionnistes dans la région qui était autrefois l'Union soviétique.
Si cette invasion éhontée de l'Ukraine réussit et que l'Occident laisse M. Poutine prendre le contrôle de l'Ukraine, nous pouvons nous attendre à ce que les anciens pays soviétiques qui ne sont pas membres de l'OTAN soient aussi victimes d'une agression. Je parle de la Géorgie et de la Moldova, en toute probabilité. Nous devons nous attendre à ce que cette reconstitution... Ce que M. Poutine a démontré avec cette invasion, c'est qu'il a fini de faire semblant de coopérer de quelque manière que ce soit avec l'Occident. Il est maintenant en mission expansionniste. Il va tenter d'annexer le plus grand territoire possible et il est prêt à une nouvelle confrontation avec l'Occident. Si ses actions déclenchent une autre guerre froide, qu'il en soit ainsi. Je pense qu'il est déjà dans cet état d'esprit.
Madame Popova, nous constatons déjà que les Russes deviennent des victimes de l'hostilité et de l'agressivité de Poutine. Des dizaines de milliers d'entre eux se sont rassemblés pour protester contre ses manœuvres abjectes. Vous avez dit que le rideau de fer se fermera hermétiquement ensuite.
Pouvez-vous expliquer ce que ça signifiera pour le Russe moyen? À quoi sa vie ressemblera‑t‑elle après?
Ça dépendra de la façon que ça se terminera. Comme la société russe, en se mobilisant, pourrait faire difficilement renoncer Poutine à cette guerre, le scénario le plus probable pour l'arrêter, qu'il est un peu tôt pour prédire, est de remplacer Poutine par des membres des élites qui, d'une façon ou d'une autre, ne sont pas disposés à aller aussi loin que lui ni à supporter les coûts des sanctions ou, par un mouvement populaire, d'y obliger ces élites.
Cette éventualité qui évite la fermeture du rideau de fer reste théorique. Bien sûr, des Russes se mobilisent, mais il ne faut pas oublier que Poutine a fortifié un régime très répressif au cours de la dernière décennie. Il a exercé le pouvoir pendant 22 ans, mais c'est au cours des 10 dernières années qu'il a vraiment fortifié un régime autoritaire répressif, qui rend très difficile la protestation. Les Russes sont peut-être braves, mais peut-être pas à ce point.
Visiblement, Poutine disposait de quelques années pour se préparer aux sanctions, pour se donner de la marge. Est‑ce que la pression qu'il subira de son propre peuple, de l'intérieur, est susceptible de le toucher davantage que certaines sanctions, quand il verra les protestations et l'agitation sociale?
Les Russes sont très résilients. Dans les années 1990, ils ont traversé une dépression économique vraiment profonde. Si la propagande de Poutine est efficace, les Russes pourront être disposés à affronter stoïquement beaucoup d'épreuves économiques.
Pour que les sanctions soient efficaces, il faudra plus probablement une conjugaison de protestations et d'actions de l'élite. C'est cette action contre Poutine qui est plus susceptible d'arrêter cette guerre.
Je remercie beaucoup nos deux témoins.
J'aimerais commencer par une rétrospective des informations dont nous avons discuté à différents endroits, notamment au Comité permanent de la défense nationale, mais aussi à l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN.
Je me souviens qu'au mois de décembre, on parlait à peine de ce qui se passait en Ukraine. On savait que des troupes s'étaient amassées le long de la frontière, mais c'est comme si on n'y avait pas réellement prêté attention.
Au fil du temps, le Comité permanent de la défense nationale se demandait si une agression pouvait avoir lieu, mais on semblait plutôt dire que la Russie pourrait avoir recours aux rebelles dans le Donbass pour annexer indirectement Louhansk et Donetsk. Finalement, nous avons tous été surpris de voir la Russie attaquer carrément Kiev.
Cela dit, je me demande à quel point c'est une lubie de se dire qu'il pourrait y avoir, dans un scénario éventuel, une attaque directe contre un des pays de l'OTAN.
J'aimerais également savoir à quel point le Canada est prêt à participer à l'effort concerté avec les pays de l'OTAN.
[Traduction]
[Français]
[Traduction]
Merci.
Pour commencer, le calcul se fonderait sur des éléments circonstanciels. Poutine examinerait la situation. Quand on envisage l'action militaire de la Fédération de Russie, on fait intervenir à fond une équipe dite rouge, avec beaucoup de strates d'évaluation de la probabilité et des résultats éventuels. Beaucoup de ministères y contribuent. Pour reprendre ma réponse à une question antérieure sur les sanctions, le calcul n'est pas purement militaire.
Il faut se demander si c'était prévisible d'une certaine manière. Je crois que oui. Je parierais que ceux qui savaient étaient bien ou raisonnablement conscients de la probabilité accrue. Bien sûr, quand des troupes sont massées à la frontière, on ne sait jamais, parce que c'est arrivé en de nombreuses autres occasions, à la faveur d'exercices éclair et autres de ce genre, ce qui est d'abord, pourrait‑on soutenir, leur raison d'être.
L'attaque d'un allié de l'OTAN est‑elle possible? Difficile de l'imaginer, sauf dans une sorte de situation extrême ou par suite d'une erreur très peu probable de calcul. Seulement dans les pays baltes, à peu près tous les États membres de l'OTAN ont du personnel. Si certains étaient tués dans cette situation, ils riposteraient tous, sans l'ombre d'un doute. Ce genre de situation n'a qu'une ou deux conclusions, et aucune n'est vraiment agréable pour l'individu Poutine ou pour le pays, la Fédération de Russie, en général.
Le Canada riposterait‑il? Nous est‑il arrivé de ne pas le faire? Oui, nous riposterions.
Si vous me permettez d'intervenir sur la prévisibilité de cette attaque contre Kiev, tous les spécialistes de la politique russe et ukrainienne savaient et ont essayé très tôt d'expliquer qu'une attaque limitée au seul Donbass ne rimait à rien pour Poutine. Il n'a pas besoin de cette région, qu'il contrôle déjà. Il était clair, depuis longtemps, que le calcul était de savoir s'il attaquait ou non. Dans l'affirmative, la cible allait être Kiev.
C'est relié à la probabilité d'une attaque contre l'OTAN. Je suis d'accord avec le vice-amiral, une attaque contre un membre de l'OTAN est peu probable, parce que le contrôle de l'Ukraine présente pour lui de plus grands problèmes. Même s'il parvient à la contrôler, ce sera vraiment difficile, en raison de la grande hostilité de sa population. Il serait simplement incapable, politiquement et militairement, d'attaquer immédiatement un État-membre de l'OTAN. Ce genre d'attaque, en ce moment, est très peu probable.
[Français]
Le « en ce moment » m'effraie un peu.
Professeure Popova, sur la question des sanctions, puisque vous en avez parlé, on constate que des oligarques russes commencent à vociférer un peu et à se plaindre des sanctions.
Jusqu'à quel point le fait qu'ils s'en mêlent peut-il avoir une incidence? Jusqu'à quel point est-ce un indicateur de l'efficacité des sanctions?
[Traduction]
Les sanctions sont l'objectif. L'espoir est que les oligarques — l'un des piliers du régime Poutine — entraînent sa chute s'ils concluent que non seulement les sanctions, mais, également, une guerre froide, longue, une situation semblable à l'instauration d'un rideau de fer les couperont essentiellement de leurs biens dans l'Occident. C'est, actuellement, l'objectif.
Mais le problème est que le deuxième pilier du régime, en ce moment, est le service de sécurité, l'ex‑KGB, un pilier qui craint beaucoup moins les sanctions, parce que ses agents ne possèdent pas de biens considérables. Je suis convaincue qu'ils ont aussi de riches demeures à l'étranger, mais leur loyauté envers le régime vient d'ailleurs. Le régime ne les laisse pas s'enrichir, alors que c'est l'origine de la loyauté des oligarques.
Il sera difficile de fissurer et de pulvériser ce pilier par des sanctions. Les conditions...
Il semble que je possède un talent pour couper la parole aux professeurs.
Madame Mathyssen, vous disposez de six minutes.
Je vous interroge encore sur les sanctions. On nous a dit que Poutine dispose de beaucoup de réserves. Malgré toutes nos sanctions, pendant combien de temps peut‑il tenir grâce à elles?
Je posais la question aux deux témoins.
Les réserves existent, mais nous constatons déjà les effets des sanctions. Comme je l'ai dit, le rouble est en chute libre. La Bourse est restée fermée, de crainte d'une chute plus prononcée et d'un krach brutal.
La fin est relativement proche. Il a diversifié quelque peu son économie et essayé de l'affranchir du dollar, dans la croyance, peut-être, que les États-Unis seraient le pays qui exercerait le plus de pression sur lui, mais sa diversification l'a conduit vers l'euro et, maintenant, c'est l'Union européenne qui exerce de très fortes pressions sur lui.
Je ne crois pas qu'il puisse se maintenir très longtemps.
Je réserve mon jugement sur les détails de la chronologie, mais je suis absolument d'accord avec Mme Popova. J'ajouterai que, en général, l'économie russe est davantage intégrée aujourd'hui qu'il y a 15 ans, et cela soulève de plus gros problèmes.
Les décisions de l'Allemagne sur Nord Stream, puis sur la diversification de sa base de besoins énergétiques ont été longuement discutées. En gros, elle n'importe que 15 % de son énergie de la Russie, mais c'est encore notable. Ce sont des motifs d'inquiétude à long terme.
La Fédération de Russie aurait misé sur ce qu'elle croyait que les sanctions seraient et sur ce qu'elle était en mesure de faire et de supporter, mais on commence à distinguer un autre niveau de ce qui, peut-être avait été prévu.
Le Congrès des ukrainiens-canadiens a demandé qu'on déclare Poutine criminel de guerre. La Cour pénale internationale a promis des enquêtes.
Pour le moment, ça n'arrêtera pas nécessairement Poutine, mais dans un processus plus longuement réfléchi et dans notre conversation pour viser l'homme lui‑même, il n'y a personne d'autre. S'il est évincé par l'un des siens — je pense que vous en avez parlé — son remplaçant est simplement un autre oligarque, et nous sommes dans la même situation, peut-être. S'il est remplacé de l'extérieur, pourriez-vous nous en décrire les conséquences, soit devant un tribunal pénal, soit autre chose, etc.?
Honnêtement, je ne parviens pas à imaginer un scénario par lequel il serait remplacé de l'extérieur, en raison de la capacité nucléaire de la Russie. Même s'il est évincé de l'intérieur, je doute beaucoup que la Russie le livre volontiers à la Cour internationale de justice. Je ne le perçois pas non plus.
S'il est évincé par un émule, nous devons être réalistes. La Russie ne deviendra pas d'un coup une démocratie amie, qui coopérera avec l'Occident. L'objectif est de remplacer Poutine par quelqu'un qui a une perception plus réaliste des pays qui l'environnent, qui se rend compte que ces pays tiennent désormais à leur indépendance et qui adopte une politique d'influence extérieure par d'autres leviers et non par des prises de contrôle.
Il est réaliste de l'espérer. Il pourrait être remplacé à l'intérieur d'une coalition autoritaire et d'un gouvernement en grande partie autoritaire, mais par quelqu'un de moins expansionniste.
Je propose seulement à votre réflexion que la GRU ou direction principale du renseignement de l'état-major général, le SVR ou service de renseignement extérieur, et le FSB ou service de renseignement intérieur ont un complexe différent de loyauté. Ils sont donc l'appareil interne de sécurité qui répond directement à Poutine. À cause d'eux, la probabilité d'un changement opéré de l'extérieur est, faute d'une sorte de « révolution de couleur », moins probable. Le plus probable est que la situation deviendra vraiment compliquée pour Poutine et que, en fin de compte, il sera remplacé pour toutes les raisons exposées par Mme Popova.
Ce que vous disiez, madame Popova, sur la position du KGB également, va de pair avec ce que M. Hawco vient de dire sur cette loyauté, son report sur quelqu'un d'autre. Ce n'est pas ainsi que ça se produit. Ce n'est pas ainsi qu'on a prise sur eux. N'est‑ce pas?
Vous avez raison. Mais je pense qu'il reste possible que, à un moment donné, le KGB, le FSB, les services de sécurité concluent que Poutine est devenu un poids mort et qu'ils le remplacent par quelqu'un également issu du sérail. Songez au ministre de la défense Choïgou. Ce ne sera pas une colombe, mais nous pouvons retourner à nos relations avec la Russie de la fin des années 2010 plutôt qu'avec la Russie actuelle.
Très bien. Nous devons nous arrêter.
Chers collègues, il nous reste une quinzaine de minutes et nous avons encore pour 25 minutes de questions. Je réduis la durée des interventions à trois minutes et à une minute pour le NPD et le Bloc.
Madame Gallant vous êtes la première et vous disposez de trois minutes.
Merci, monsieur le président.
Vice-amiral, vous avez dit que, d'après vous, le satellite RADARSAT, ce n'était pas assez. Ses ondes ne traversent ni l'eau ni la glace. Nous n'avons pas de sous-marin qui plonge sous la glace et nous ne pouvons pas compter sur les brise-glaces. Nous étudions les menaces pour le Canada. Comment l'invasion de l'Ukraine par Poutine impacte‑t‑elle la sécurité du Canada, y compris par des pays qui peuvent souhaiter profiter d'un éventuel détournement de notre attention pour peut-être même revendiquer nos ressources naturelles de l'Arctique?
Je suppose que l'essence de ma réponse sera que la sécurité de l'Europe est une question d'intérêt national pour le Canada, en ce sens qu'elle fait partie d'un tissu profond de l'ordre international fondé sur les règles. En Ukraine, la Fédération de Russie remet en question la structure et le système hérité du traité de Westphalie. Ça aura un effet galvanisant, et si la communauté internationale ou l'ordre international fondé sur les règles ne cherche pas à s'affirmer pour corriger ce genre de situation ou de résultat, il y va alors de l'intérêt national du Canada, ce qui a des conséquences sur notre sécurité nationale. C'est la réponse simple.
Je pense que les revendications de la Fédération de Russie sur la base maritime de l'Arctique sous la couche flottante de glace, si vous voulez, directement sur la zone économique exclusive du Canada et du royaume du Danemark, est une indication de l'intérêt de la Russie pour l'Arctique, c'est‑à‑dire 25 % à peu près des ressources de la planète qui y ont été reconnues et qui se trouvent là.
C'est une autre question. C'est vraiment une question à plus long terme. Je n'y verrais pas une contestation directe de la zone économique exclusive du Canada et des revendications de sa souveraineté sur l'Arctique, mais ça a des conséquences sur notre application à la base Arctique de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Madame Popova, Poutine, nous l'avons entendu, a proféré la menace nucléaire.
D'après vous, lancerait‑il une frappe nucléaire parce que nous aurions gelé son accès à ses actifs financiers et en raison de ses conséquences?
C'est une question vraiment difficile. La question à 1 million de dollars, n'est‑ce pas? Je crois que, en ce moment, c'est plus pour bluffer. Il montre ainsi qu'il tient vraiment beaucoup à l'Ukraine et qu'il est prêt à menacer l'Occident de l'escalade nucléaire, s'il ne cède pas sur l'Ukraine.
Je doute que ce soit le résultat des sanctions en soi. Il signale que l'Ukraine lui importe vraiment. En fin de compte, il bluffe et, dans son entourage, il y en a peut-être qui ne souhaitent pas aller aussi loin.
Ce n'est pas une question à 1 million de dollars, mais à 200 milliards.
Madame Lambropoulos, vous disposez de trois minutes.
Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins d'aujourd'hui.
Pour moi, c'est davantage une question de... Actuellement, ils sont en Ukraine. Je crois savoir qu'il y tient à tout prix. Il fait tout ce qu'il peut et profère des menaces contre tous ceux qu'il peut afin d'empêcher toute intervention extérieure.
Diriez-vous qu'il s'agit aussi d'un effort pour déstabiliser l'Europe, en général, et l'OTAN? S'il conquiert l'Ukraine, quelle est la probabilité qu'il envahisse ensuite la Pologne ou un pays de l'OTAN pour voir si l'OTAN réagirait ou non, s'il menace d'utiliser l'arme nucléaire?
Je pense que le problème ne se limite indéniablement pas à l'Ukraine. Il veut défier l'Europe dans son ensemble, mais je pense que s'il parvient à s'emparer de l'Ukraine, il ciblera ensuite les autres États postsoviétiques qui ne sont pas membres de l'OTAN. Il doit les ramener dans son giron avant de se tourner vers l'OTAN.
Évidemment, si l'OTAN le permet... Voilà pourquoi c'est dans l'intérêt de l'Europe et pourquoi l'Europe réagit aussi vivement, comme nous le constatons. Cela doit prendre fin immédiatement, car les conséquences à long terme sont vraiment considérables.
Je suis plutôt du même avis, mais je vois cela d'un angle différent. Je suis d'accord pour dire que c'est autant une question de sécurité européenne et de la place de la Fédération de Russie dans le monde qu'autre chose. Bien entendu, l'Ukraine suscite les passions de la Fédération de Russie, comme Mme Popova l'a mentionné.
À mon avis, une action offensive de la Fédération de Russie contre un pays de l'OTAN n'est pas probable, car l'enjeu change radicalement du moment qu'il y a effusion de sang.
La question des armes nucléaires et de l'augmentation de l'état d'alerte n'est pas atypique lorsqu'on voit le mouvement et le positionnement de troupes de l'OTAN vers la Russie. On a vu sensiblement la même chose en 2014 ou en réponse au déploiement de forces dans les pays baltes. C'est un calcul relativement normal, du point de vue de la Fédération de Russie, qui invite à la prudence.
[Français]
Merci.
Je comprends qu'on est plutôt certain qu'il n'y aura pas d'attaque contre un pays membre de l'OTAN. Toutefois, pour ne pas faire comme M. Poutine, qui a été visiblement surpris de ne pas rapidement avoir la suprématie aérienne, ne devrait-on pas penser à des scénarios catastrophiques et s'y préparer?
[Traduction]
L'alliance de l'OTAN a certainement une série de plans et les ressources nécessaires pour composer avec un problème sur une échelle stratégique. Je suis convaincu que la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation, actuellement sous commandement de la France, se prépare en ce moment même. Ces 5 000 soldats vont se déplacer.
On constate que les diverses nations augmentent leurs contributions en troupes hors du cadre propre à l'OTAN. Je suis certain, d'après les propos de collègues, que la Force de réaction de l'OTAN accélère sa préparation.
[Français]
[Traduction]
Oui. Vous avez vu, dans les rapports, les déploiements de navires et l'état de préparation des avions. Je sais que des collègues ont eu des discussions au sujet de l'état de préparation de l'OTAN et du respect de toutes les exigences établies par l'Alliance.
[Français]
[Traduction]
Certains pays s'alignent sur la Russie; ils prennent manifestement parti. Le Canada a pris diverses sanctions contre la Russie et contre les oligarques, etc. Est‑il logique que le Canada agisse de la même façon contre certains alliés de la Russie? Est‑ce une avenue pour nous? Est‑ce efficace?
Ce pays n'a pas été très prompt à condamner l'invasion, mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'il appuie la Russie. Je pense que la Russie est plutôt seule en ce moment.
Le Bélarus participe, bien sûr, mais il est de fait contrôlé par la Russie, essentiellement.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins, et merci, amiral, pour votre service.
Amiral, j'aimerais simplement savoir ce que vous pensez de l'état de l'OTAN et de nos forces militaires. Le Canada est‑il toujours considéré comme une référence au sein de l'Alliance?
Vous savez, je vais répondre à l'aide d'une très courte anecdote. Cela nous permettra de sauver un peu de temps.
Lorsque j'étais représentant militaire du Canada, le représentant d'un pays de l'OTAN est venu me voir et m'a dit: « Oui, mais nous ne sommes pas un grand pays comme le Canada ». Nous nous percevons nous-mêmes comme un petit pays, mais nous avons une mobilité stratégique. Nous avons des avions de chasse. Nous avons une force sous-marine. Quant à savoir si cela nous satisfait, cela reste sujet à débat, mais c'est parce que nous voulons une note de 95 % au test. Comparativement à des pays comme la Croatie, la Lituanie, la Belgique, les Pays-Bas ou la Norvège, nous avons une énorme armée avec l'ensemble des capacités, y compris les cyberopérations, etc.
Je pense que le Canada a une réputation et qu'il la maintient. Voilà pourquoi on nous a demandé, en tant que pays-cadre, de nous installer en Lettonie pour commencer.
Cela vaut pour les petits pays. Qu'en est‑il du Groupe des cinq? Au sein de cette alliance, nous considère‑t‑on de la même façon que les petits pays? Que pouvons-nous faire pour améliorer notre capacité militaire et nos acquisitions?
Il y a trois catégories de poids dans le Groupe des cinq; c'est simplement fonction de la taille des PIB et de la taille des pays. Je pense que c'est juste [difficultés techniques]. Votre question serait... Évidemment, il est inutile de nous comparer aux États-Unis, et on hésiterait à nous comparer au Royaume-Uni, même si nous nous comparons avantageusement à bien des égards. Le Royaume-Uni a 2,3 fois la population du Canada, n'a pas le même niveau d'enjeux relatifs à l’infrastructure, et il a des dispositifs de dissuasion nucléaire, etc.
Je dirais que nous nous comparons favorablement aux Australiens. Il est évident que la Nouvelle-Zélande, avec sa population de quelque quatre millions de personnes, ne se compare ni à l'Australie ni au Canada. Nous avons toujours le même éventail de capacités, malgré toute l'hyperbole entourant l'AUKUS.
Serions-nous un meilleur partenaire si nous avions consacré un plus grand pourcentage de notre PIB à la défense?
Oui, absolument.
Dans le contexte de la sécurité nationale, je pense que le point de vue du chancelier allemand est instructif. Il a reconnu que l'engagement de 2 % est celui qui est utilisé, même si on peut faire valoir qu'il s'inscrit dans une certaine continuité et qu'il repose sur une pensée économique rationnelle.
Concernant les investissements dans les capacités de sécurité nationale, qui sont essentiellement de nature militaire, mais pas uniquement, je pense au témoignage récent de M. Fadden sur les besoins d'Affaires mondiales Canada, du Centre de sécurité des télécommunications et du SCRS. C'est une discussion beaucoup plus complexe qui ne se limite pas aux investissements dans la force militaire.
Cependant, la force militaire a‑t‑elle besoin de ressources supplémentaires? Dans le nouveau système de Westminster, des changements aux processus d'affectation des ressources pour les capacités militaires sont-ils nécessaires? Oui.
Merci, monsieur le président.
Vice-amiral, alors que l'OTAN se modernise, quels genres de contributions le Canada devrait‑il chercher à faire, pas maintenant, mais dans les prochaines décennies? Je vais vous donner l'occasion de nous donner un aperçu de l'avenir. Quelles devraient être nos priorités? Quelles contributions... Dans votre esprit, en quoi cela consiste‑t‑il pour le Canada?
J'aborderais cela brièvement sous trois angles: politique, gestion et capacité [difficultés techniques].
L'Alliance se rend compte qu'elle a besoin d'être capable de prendre des décisions ou de parvenir à un consensus rapidement en cas de situation de crise ou de quasi-crise. À cet égard, le Canada a joué un rôle au niveau gouvernemental — et il doit continuer d'exercer ce rôle — en disant qu'il est essentiel, étant donné les grandes tensions entre l'Union européenne et l'OTAN, d'aller au‑delà des discussions sur la question de savoir si les enjeux européens concernent strictement l'Europe et non l'OTAN. Le Canada a sa place et un rôle dans ce débat, et il s'acquitte de ce rôle.
Sur le plan de la gestion, le Canada accomplit beaucoup de travail de base lié à l'état de cyberpréparation et à la gestion financière de l'Alliance. Le Canada contribue beaucoup dans ce secteur, et nous devons continuer à le faire.
Quant aux capacités, on constate que la nature de la guerre est en train de changer. On observe des problèmes croissants, notamment par rapport à la capacité d'agir des institutions démocratiques allemandes, à la fonction des élections, à l'ingérence de la Russie, etc. La façon de mener la guerre évolue également, alors qu'on délaisse l'armement lourd, par exemple, au profit de capacités plus petites, de forces plus légères, moins faciles à cibler avec des armes au‑delà de la portée optique et ce genre de choses.
Il y a beaucoup de réflexion sur la nécessité, collectivement, de veiller à notre interopérabilité afin d'assurer la poursuite des échanges entre tous les pays, de manière significative et de façon à permettre des déplacements rapides.
L'Europe est grande, mais pas tant que cela. Il faut pouvoir se placer et se déplacer, au besoin, et avoir la posture et la logistique nécessaires pour mener des missions à un rythme soutenu pendant une longue période. Le Canada a contribué et continue de contribuer à ce dialogue sur les capacités de la force dont l'Alliance a besoin, et il doit continuer à le faire.
Y a‑t‑il des aspects de notre position en matière de défense que nous devrions changer pour nous aider à remplir ces rôles, selon les besoins?
Je dirais d'abord que nous sommes en Amérique du Nord; nous devons donc nous rendre là‑bas. Nous devons reconnaître que nous devrons nous y rendre si jamais la sécurité européenne était menacée. Cela touche le transport maritime; il faut donc réfléchir à cela. Soit ce serait par contrat... C'est probablement la façon la plus intelligente de procéder, si vous n'avez pas de navires capables de transporter l'équipement. Nous devons nous rendre là‑bas. C'est un aspect.
Un autre aspect, c'est simplement qu'il faut être prêt en permanence, car si vous ne l'êtes pas, vous serez pris de court. Cela a une incidence sur les ressources, notamment pour la formation, le transport et l’approvisionnement national. Monsieur May, on parle de l'injection nécessaire de centaines de millions de dollars supplémentaires dans le programme d'approvisionnement national. Je dirais que l'approvisionnement est un enjeu auquel nous devons nous attaquer. D'autres témoins l'ont mentionné. J'ai des idées à ce sujet et je pourrais vous les transmettre plus tard.
Ce sont des questions que nous devons examiner.
Merci.
Je tiens à remercier Mme Popova et l'amiral Hawco de leurs témoignages dans le cadre de notre excellente série de séances sur l'analyse des menaces et l'état de préparation face à ces menaces. Je dois dire que lorsque nous avons entrepris cette étude nous n'avions pas prévu que nous serions au bord d'une troisième guerre mondiale. Cela changera la perspective du Comité, c'est le moins qu'on puisse dire.
Encore une fois, vous avez offert d'excellentes contributions, et je tiens à vous en remercier tous les deux.
Sur ce, chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant une minute, le temps de passer à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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