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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 132 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 12 décembre 2024

[Enregistrement électronique]

(0815)

[Traduction]

    Chers collègues, il est 8 h 15 et je constate qu'il y a quorum. Nous sommes à l'heure, et le temps est toujours notre ennemi ici.
    Notre première heure portera sur les changements, si vous voulez, à l'évaluation des menaces qui sont intervenues au cours des dernières semaines.
    Comparaissent devant nous des témoins que nous connaissons. Nous recevons Eric Laporte, directeur général par intérim de la Direction générale de la politique de sécurité internationale et des affaires stratégiques à Affaires mondiales Canada. Nous recevons également le major-général Greg Smith et le major-général Robert Ritchie du ministère de la Défense nationale.
    Vous avez décidé entre vous que le major-général Smith présenterait les observations préliminaires, pour lesquelles vous disposez de cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.
     Major-général Smith, vous avez la parole.
    Monsieur le président, membres du Comité, comme il a été mentionné, je suis le major-général Greg Smith, directeur général de la Politique de sécurité internationale au ministère de la Défense nationale. Je suis accompagné du major-général Bob Ritchie, directeur d'état-major à l'État-major interarmées stratégique, ainsi que d'Eric Laporte, d'Affaires mondiales Canada.

[Français]

     Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous parler du contexte de la sécurité internationale et de la manière dont le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes interviennent.

[Traduction]

    Les événements de la semaine dernière en Syrie, avec la chute du régime Assad, nous ont prouvé, une fois de plus, combien la situation en matière de sécurité peut évoluer rapidement et de façon inattendue. De concert notamment avec Affaires mondiales Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes continueront de surveiller ce que cela signifie pour la Syrie, la Russie et l'Iran à l'avenir.

[Français]

     La Russie intensifie présentement ses attaques contre les infrastructures énergétiques critiques, desquelles dépendent les citoyens ukrainiens.

[Traduction]

    L'évolution rapide de la guerre des drones et l'introduction continue de nouvelles capacités obligent à s'adapter constamment, ce qui présente des défis importants pour le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes.
    Nous constatons également les cyberactivités et les activités de désinformation persistantes de la Russie qui ciblent fréquemment les pays qui fournissent un soutien à l'Ukraine. Ces efforts visent à bousculer les règles de la démocratie et à entamer le soutien du public à l'Ukraine.

[Français]

    Nous observons une concurrence entre les grandes puissances dans l'Indo‑Pacifique qui comprennent des actions en dessous du seuil de conflit, augmentant les tensions et les risques d'erreur. La Chine est un acteur de plus en plus efficace et offensif qui cherche à remodeler le système international pour mettre en avant son intérêt et ses valeurs.

[Traduction]

    La Chine durcit le ton et intensifie son comportement coercitif à Taïwan, en mer de Chine orientale et en mer de Chine méridionale. Dernièrement, les garde-côtes chinois ont percuté des navires philippins, les ont bloqués et ont utilisé contre eux des canons à eau.
    La rhétorique menaçante de la Corée du Nord, les tirs de missiles balistiques, la mise au point d'armes nucléaires et le resserrement de la coopération militaire avec la Russie sont non seulement très préoccupants, mais en violation de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.
    Dans le Nord, la concurrence stratégique, les changements climatiques et les progrès technologiques rendent l'Arctique plus important que jamais sur le plan stratégique. Alors que le recul de la glace dû aux changements climatiques rend l'Arctique plus accessible, nous constatons un intérêt accru de la part d'États non arctiques et des positions plus affirmées de la part de concurrents stratégiques. Par exemple, la Russie et la Chine, parfois en collaboration, font preuve de plus de détermination et utilisent un large éventail de capacités et de moyens militaires pour recueillir des renseignements.
    Tout en s'adaptant au paysage géopolitique, le Canada est déterminé à faire respecter la primauté du droit et à promouvoir les principes démocratiques dans ses efforts multilatéraux en matière de sécurité. La collaboration fait partie intégrante des efforts de paix et de sécurité, et c'est pourquoi le Canada continue de coopérer avec l'Ukraine et la coalition multinationale pour répondre aux besoins les plus urgents de l'Ukraine. En plus du système de défense aérienne NASAMS, le ministre Blair a annoncé 64,8 millions de dollars en nouveaux dons et contributions à la coalition capacitaire en matière de drones et de technologie de l'information du Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine.
    Dans la région indo-pacifique, nous augmentons la présence des Forces armées canadiennes dans les exercices multilatéraux et nous élargissons les partenariats d'instruction, les engagements de la haute direction et les nouveaux accords bilatéraux. Consciente de l'importance stratégique de l'Arctique, notre politique de défense, « Notre Nord, fort et libre », reconnaît que les approches en ce qui concerne l'Arctique et le Nord sont essentielles à la dissuasion mondiale.
    L'augmentation de nos dépenses permettra d'accroître l'état de préparation militaire et d'augmenter les capacités à l'appui direct de ces priorités.
(0820)

[Français]

    Le ministère et les Forces armées canadiennes sont déterminés à s'adapter et à travailler avec leurs alliés alors que le paysage de la sécurité internationale évolue. Plus que jamais, les mesures que nous prenons aujourd'hui déterminent les conséquences de demain. Nous devons être prêts.
    Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie de votre attention. J'ai hâte de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Je vous remercie, major-général Smith.
    Le premier intervenant est M. Allison. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Vous avez dit que la Chine se montre plus agressive envers Taïwan. Que pensez-vous de cette dernière agression, la semaine dernière? Est‑ce que la Chine essaie d'en remontrer avant un changement de gouvernement aux États-Unis ou est‑ce toujours la même chose?
    Monsieur le président, je vais répondre.
    En ce qui concerne la Chine, on la qualifie parfois de puissance révisionniste. Elle essaie de changer l'ordre mondial de sorte que les grandes puissances puissent faire ce qu'elles veulent aux petites puissances. C'est pourquoi les Forces armées canadiennes veulent être plus présentes, et c'est pourquoi nous avons l'opération HORIZON, qui augmente beaucoup la capacité canadienne dans cette région afin de montrer que nous contribuons à la sécurité et que ce n'est pas la bonne façon d'opérer des changements.
    Étant donné qu'un changement de gouvernement est prévu aux États-Unis au début de l'année prochaine, pensez-vous que cela va changer les relations ou pas?
    Monsieur le président, de mon point de vue, nous entretenons d'excellentes relations avec les États-Unis. Je ne peux évidemment pas parler des changements politiques, mais les relations entre représentants sont excellentes. La Commission permanente mixte de défense s'est réunie récemment, et ce pour la 242e fois. Les relations sont excellentes, évidemment, parce que c'est ainsi que fonctionne le système américain. Nombre de ces représentants seront remplacés après le 20 janvier, mais — et je pourrais céder la parole à mon collègue directeur de l'état-major — nous avons d'excellentes relations de défense à défense, et je n'ai donc aucune inquiétude de ce point de vue.
    Si nous regardons ce qui se passe là‑bas, pensez-vous que la Corée du Nord collabore avec la Chine à propos de Taïwan? Il est évident que les défis sont nombreux quand on a affaire à ce type de pays, mais pensez-vous que la Corée du Nord aide activement la Chine? Qu'en pensez-vous?
    C'est une excellente question. Je pense, cependant, que la coopération entre la Corée du Nord et la Chine n'est pas centrée sur la question de Taïwan. À mon avis, elle est plus liée peut-être à un programme nucléaire, à des transferts de combustible ou au soutien de l'économie nord-coréenne. Il me semble qu'en ce moment, la Corée du Nord concentre une grande partie de ses relations et de son attention sur une collaboration plus étroite avec la Russie, qui ne fait peut-être que commencer. C'est ce que nous voyons avec le déploiement en Russie de soldats nord-coréens qui vont se battre en Ukraine. En échange, il y a peut-être un transfert de technologie russe, ainsi que la livraison d'autres produits.
    Pour répondre à votre question, je ne vois pas le lien entre la Chine, la Corée du Nord et Taïwan.
    D'accord. Très bien.
    Vous avez mentionné la Syrie et le fait qu'un certain nombre de militaires et de personnes ont fui en Russie. Que pensez-vous qu'il va se passer dans les prochaines semaines et les prochains mois quand vous regardez dans votre boule de cristal?
    Je ne suis pas certain que ma boule de cristal soit aussi efficace, monsieur. Je peux dire, qu'évidemment, nous nous réjouissons de la fin du régime Assad, un régime brutal et meurtrier au pouvoir depuis plus de 50 ans. Ce que nous voulons garantir, c'est évidemment la destruction des armes chimiques et une enquête, avec des preuves documentées à l'appui, sur les crimes commis par le régime. Il est évident qu'il est encore tôt. La situation fluctue encore beaucoup en Syrie à l'heure actuelle. C'est pourquoi nous nous attachons pour le moment à encourager un processus politique et inclusif dans le cadre des Nations unies, afin de permettre aux Syriens d'avoir la dignité et la capacité de diriger leur pays comme ils l'entendent.
    Du point de vue de la sécurité, il y a peut-être de bons côtés. En effet, l'accès de la Russie à la Méditerranée se trouvera réduit et l'influence de l'Iran dans la région en sera diminuée. Cependant, je le répète, il est encore trop tôt. Il faudra du temps pour que la situation se stabilise, et il se peut qu'il y ait encore de très gros obstacles en cours de route.
(0825)
    Monsieur le président, si vous me permettez d'ajouter une perspective militaire, le chef du HTS, al‑Joulani, a fait part de son désir de normaliser les relations, de sorte que nous pourrions assister à une collaboration avec d'autres partis et d'autres groupes minoritaires à l'avenir.
    Israël a saisi l'occasion pour occuper des postes d'observation sur le plateau du Golan afin de s'assurer qu'aucune menace syrienne ne pénètre sur son territoire. En outre, Israël prend pour cible les forces du régime. La marine syrienne est endommagée et 350 frappes ont détruit, selon nous, de 70 à 80 % des capacités de l'ancien régime. Nous parlons concrètement des plateformes aériennes et terrestres, et nous avons également vu qu'Israël et l'Occident cherchent à sécuriser les stocks d'agents chimiques de guerre neurotoxique.
    Je poserai une dernière question qui, j'en suis sûr, nécessite beaucoup plus d'explications. Donc, peut-être que d'autres personnes la reprendront.
    Vous avez parlé des préoccupations dans le Nord, l'Arctique, en ce qui concerne les changements climatiques et le fait qu'il doit être plus accessible. Il y a tellement de choses à intégrer dans la défense de l'Arctique. Je précise que vous aurez moins de 60 secondes pour répondre. Que devons-nous commencer à faire pour être en mesure d'avoir une présence là‑haut et de commencer à défendre l'Arctique, en quelque sorte?
    Une voix: [Inaudible]
    M. Dean Allison: Oui, c'est vrai.
    Tout d'abord, nous avons une présence importante dans l'Arctique avec nos Rangers, la station Alert sur l'île d'Ellesmere, le 440e Escadron et le Loyal Edmonton Regiment.
    Plus important encore, nous devons investir, comme nous l'avons fait, dans les centres de soutien opérationnel du Nord, qui apporteront réactivité et agilité à la région.
    De plus, nous investissons dans l'augmentation de la capacité des sites d'opérations avancées qui nous permettent d'accroître notre capacité d'intervention dans la région arctique.
    En ce qui concerne la connaissance du domaine, le radar transhorizon dans l’Arctique est à l'étude avec nos collègues américains et intégré au quartier général du NORAD à Colorado Springs.
    Malheureusement, nous allons devoir en rester là. Je suis certain que vous finirez par obtenir une réponse à votre question.
    Monsieur Collins, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Je commencerai par la Russie.
    Major-général, vous avez parlé des relations de défense. Vous avez dit que vous n'alliez pas vous aventurer dans l'arène politique. Je le comprends et je respecte certainement les raisons de ce choix, mais des décisions politiques peuvent changer les relations de défense. Nous le constatons avec toute la question du soutien des États-Unis à l'Ukraine. On ne sait pas actuellement s'il s'agit simplement d'une fanfaronnade politique ou si la nouvelle administration américaine a réellement l'intention de mettre rapidement un terme à ce conflit.
    Cela peut arriver de bien des manières. Il peut y avoir un arrêt du soutien, comme cela a été suggéré durant l'année qui a précédé les élections américaines. Si, en fait, la nouvelle administration américaine s'en tient à ses déclarations publiques selon lesquelles il faut en finir rapidement, cela signifiera un retrait de tout ou partie du soutien — qu'il s'agisse du renseignement militaire ou d'armements livrés à l'Ukraine —, combien de temps l'Ukraine peut-elle survivre dans son conflit sans le soutien des États-Unis?
    Je commencerai par là et j'aurai des questions supplémentaires.
    Monsieur le président, il est évident que les États-Unis jouent un rôle clé. Ils viennent de débloquer plus de 60 milliards de dollars de fonds pour l'Ukraine. Ils jouent donc un rôle clé.
    Cela dit, la contribution du Canada est également importante — plus de 4,5 milliards de dollars — sous forme d'aide létale et de formation dans le cadre de l'opération Unifier. Nous continuons d'apporter un soutien de différentes façons. Des annonces seront faites au fur et à mesure.
    Les États-Unis jouent un rôle essentiel, mais le Canada a aussi une part importante dans le soutien à l'Ukraine pour qu'elle continue de se battre.
    S'ils retirent leur soutien, l'Ukraine pourrait décider de se tourner vers ses autres alliés pour leur dire qu'elle a besoin de plus. Je suis certain que nous chercherions à l'aider davantage, mais je pense que l'Europe, qui a autant, voire plus, à perdre à une avancée agressive de la Russie au‑delà des frontières de l'Ukraine, serait la plus sollicitée.
    Puis‑je savoir où en est la conversation entre le président Zelensky, son administration et les responsables européens pour ce qui est du soutien supplémentaire qui s'ajouterait à ce qu'ils ont déjà fourni?
    Je pense qu'il y a actuellement une conversation active entre le président Zelensky et les alliés européens. J'ai entendu dans les médias ce matin que la France et la Pologne discutent d'une opération de maintien de la paix potentielle après le conflit.
    Tout cela pour dire que vous avez d'abord dit, je crois, dans votre question, que nous ne savons pas vraiment ce que décidera l'administration américaine à ce sujet. Il y a beaucoup de discussions. Il s'agit probablement en partie d'une tactique électorale et en partie d'essayer de préparer le terrain. Ce que nous savons, c'est que le président élu Trump a nommé l'ancien conseiller à la sécurité nationale du vice-président, le général Kellogg, au poste de conseiller à la présidence pour l'Ukraine.
    Le général Kellogg a déclaré dans le passé que le plan de paix consiste à geler les lignes de front, à lier l'aide militaire américaine à la participation de Kiev à des pourparlers de paix, à retarder l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN — à marquer une pause pour que la Russie participe aux négociations — et à ne lever les sanctions contre la Russie qu'une fois qu'elle aura accepté une paix acceptable.
    Tout cela pour dire que c'est un peu hypothétique. Votre dernier point est que, si les États-Unis retiraient leur soutien, en partie ou en totalité, vous verriez certainement l'Ukraine solliciter d'autres pays. Cela veut certainement dire des alliés européens, mais aussi le Canada, étant donné ce que nous faisons jusqu'à présent.
(0830)
    Monsieur le président, si je puis ajouter, sur le plan militaire, il y a deux jours encore, nous avons eu l'occasion de rencontrer des éléments des pays-cadres. Il s'agit de 14 pays, dont, surtout, des pays européens. Nous voyons des possibilités en travaillant ensemble sur la planification des mesures d'urgence pour les scénarios après la stabilisation.
    En outre, les commandants des forces classiques et des forces d'opérations spéciales se sont rendus en Europe pour examiner quels pourraient être les scénarios d'urgence, afin de s'assurer que nous serons prêts à nous adapter à ce qui se passera après l'investiture du nouveau président américain.
    Notre président a ouvert la séance en disant qu'il se passait beaucoup de choses. Il me semble qu'il a dit cela, entre autres.
    Je suis fasciné par les relations, non pas nouvelles, mais renforcées, entre la Corée du Nord et la Russie, et certainement par la participation des Nord-Coréens à la guerre. Que nous réserve l'avenir à cet égard?
    Il semblait s'agir d'un partenariat tacite dans le passé, à propos duquel on ne lisait rien ou dont on n'entendait pas parler jusqu'à ce que la Corée du Nord s'invite dans l'effort de guerre. Si cette guerre s'arrête, ces relations perdureront.
    Personne n'a de boule de cristal, mais je me demande ce que vous pensez de ce que seront ces relations après la guerre en Ukraine.
    Je commencerai peut-être par décrire les interactions militaires, avant de laisser mes collègues répondre à votre question.
    Nous avons vu déployer 12 000 soldats nord-coréens en Russie, ainsi que, surtout, du matériel: 50 obusiers et 20 systèmes de lance-roquettes multiples, ce qui constitue une capacité assez perfectionnée. Ils ont été envoyés, comme le sait ce groupe, dans l'oblast de Koursk. De son côté, la Russie a également utilisé contre l'Ukraine 60 missiles balistiques fournis par la Corée du Nord.
    Par rapport à ce qu'a dit plus tôt mon collègue, nous pensons qu'il y a un échange dans lequel la Russie fournit à la Corée du Nord des combustibles, des fonds et, surtout, de la technologie, ce qui risque de déstabiliser la péninsule.
    Nous allons malheureusement devoir en rester là. Je crois que cela se répétera pendant toute la réunion. Nous commençons à approfondir le sujet et je dois vous interrompre.

[Français]

     Monsieur Simard, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, messieurs les témoins.
    Vous avez dit tout à l'heure que la fin du soutien des États‑Unis à l'Ukraine était hypothétique. Je suppose que vous avez tout de même imaginé des scénarios advenant le cas où cela se concrétiserait.
    Vous avez indiqué dans une réponse, monsieur Ritchie, que l'Ukraine se tournerait probablement vers d'autres alliés pour compenser la perte de ce soutien, le cas échéant.
    Dans vos scénarios, comment le Canada pourrait-il remplacer en partie le soutien fourni par les États‑Unis?
     Je vous remercie de votre question.
    Nous sommes en train de discuter de possibles scénarios avec un grand nombre d'alliés. Plus précisément, nous participons actuellement à l'opération Interflex de l'Angleterre pour l'entraînement de recrues. Nous sommes prêts à continuer et à renforcer notre entraînement pour les Ukrainiens. On examine les capacités qui seront nécessaires et la question géographique, mais on n'a pas assez d'information pour développer des plans concrets.
(0835)
    D'accord.
    Je ne sais pas si je me trompe, mais je suppose que le soutien que peut offrir le Canada est de nature un peu moins matérielle. J'ai entendu et lu que l'envoi à l'Ukraine d'obus d'artillerie de 155 mm était très complexe et que la livraison prenait du retard.
    Est-ce une indication que l'aide canadienne est peut-être moins matérielle, mais plutôt axée sur une logistique qui nous permettrait d'offrir un soutien médical ou de formation de troupes, entre autres? Peut-on considérer l'aide canadienne sous cet angle?
     Si vous me le permettez, je peux vous donner une vue d'ensemble.
    Comme plusieurs autres alliés et partenaires de l'Ukraine, nous sommes signataires de l'Accord de coopération en matière de sécurité, qui est d'une durée de 10 ans et dans le cadre duquel on fournit différentes formes d'aide. Il peut s'agir, par exemple, du soutien budgétaire macroéconomique, d'aide militaire, d'aide au développement et d'aide humanitaire.
    Grosso modo, comme le général l'a dit, le Canada a fourni 4,5 milliards de dollars en aide militaire jusqu'à maintenant. Dans l'ensemble, le Canada a donné 19,5 milliards de dollars en aide générale à l'Ukraine. Si l'aide des États‑Unis à l'Ukraine tombe à zéro ou est réduite, le Canada sera appelé à fournir d'autre aide, et elle pourrait être requise pour toutes les choses dont l'Ukraine aura besoin en matière de reconstruction, d'aide militaire ou d'autre chose.
    Je vais céder la parole au général Smith.
     Merci, monsieur le président.
     Je ne pense pas qu'on puisse dire que la participation du Canada se limite à la formation ou à la logistique. Il faut bien le dire, 4,5 milliards de dollars, c'est beaucoup d'argent. Nous continuons de fournir à l'Ukraine beaucoup d'équipement très important.
    Bien sûr, nous donnons de la formation et nous le faisons très bien, mais nous fournissons tout cela dans le cadre du Groupe de contact sur la défense de l'Ukraine. Plus de 50 nations se réunissent pour répondre aux besoins de l'Ukraine, et nous demeurons un membre important de ce groupe. Nous avons participé aux 24 séances qui ont eu lieu, et il y en aura une autre l'année prochaine.
     J'ai lu dans un article récent que la moitié des nouveaux missiles antichars avaient des problèmes de défaillance. Or cet équipement serait envoyé aux troupes qui sont en Lituanie.
    Comment procède-t-on quand de tels problèmes logistiques surviennent? Faut-il trouver un fournisseur qui est en mesure de réparer cet équipement?
    Je vous remercie de votre question.
    Le ministère a acheté ces missiles en 2023, et ils avaient déjà été beaucoup utilisés par nos alliés. Lorsqu'on nous a prévenus de ce problème technique, l'équipe a immédiatement contacté le fabricant, soit RAFAEL Advanced Defense Systems, et nous travaillons ensemble pour régler le problème. Notre priorité est de nous assurer, même s'il y aura de petits ralentissements, que nos capacités demeurent inchangées à long terme, jusqu'en janvier 2026.
    Merci.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous disposez de six minutes. Je vous en prie.
    Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    Je voudrais approfondir des questions qui ont été posées précédemment au sujet de l'Ukraine, de la Russie et des relations avec les États-Unis, étant donné que ces relations sont peut-être en train de changer. On parle beaucoup du retrait du soutien des États-Unis, mais l'inquiétude est grande aussi, en particulier parce que la Russie redouble maintenant son assaut dans la région de Koursk, comme vous l'avez mentionné, que les États-Unis imposent un cessez-le-feu, je suppose, ou une nouvelle réalité à l'Ukraine avec de nouvelles frontières, et ainsi de suite.
    Quels sont les plans de notre côté, à Affaires mondiales ou au ministère de la Défense, si cela...? Encore une fois, dans votre scénario, dans votre boule de cristal, à quoi cela ressemblerait‑il pour le Canada?
(0840)
    Je vous remercie de la question, monsieur le président.
    Je commencerai peut-être par faire le point, sur le plan militaire, de ce qui se passe, selon nous, à Koursk. Je céderai ensuite la parole à mes collègues.
    Comme le Comité le sait, le 28 août, l'Ukraine a repris 1 300 kilomètres carrés dans la région de Koursk. Depuis, en novembre, elle en a reperdu 40 % et, selon nous, elle ne tient plus aujourd'hui qu'environ 800 kilomètres carrés.
    Le dernier élément important militairement est que Moscou aurait engagé 60 000 soldats dans la région de Koursk pour tenter de reprendre la ville et de réaffirmer sa frontière avant l'investiture du président américain.
    Je vous remercie, major-général Ritchie. Je peux ajouter quelques points.
    Il est important, à mon sens, de voir que, vous avez raison, les États-Unis peuvent vouloir faire pression pour arriver à un accord de paix, mais je pense aussi qu'il faut être deux pour arriver à la paix. Pour l'instant, nous n'avons pas vu de geste direct et crédible de la part de la Russie montrant qu'elle est prête à s'engager dans ce processus. Les objectifs de Poutine dans cette guerre restent les mêmes. Tout ce que les États-Unis proposeront ne suffira peut-être pas à le satisfaire sur ce plan, et cela reste donc un problème. Entretemps, nous avons vu que l'Ukraine a mis sur pause stratégique son processus de paix en 10 points parce qu'elle veut savoir ce que l'administration américaine a en tête.
    Pour ce qui est du Canada, évidemment, nous avons parlé un peu de la possibilité de fournir un soutien continu à l'Ukraine et à nos alliés d'un point de vue général. Le Canada, ses alliés et ses partenaires soutiennent pleinement la position de l'Ukraine, qui est que la paix doit être juste et durable en fin de compte. La décision de négocier un accord de paix doit venir de l'Ukraine quand elle y sera prête.
    C'est vraiment la politique et c'est ce que nous ferons pour soutenir cet objectif, tout en sachant que les États-Unis peuvent exercer différents types de pression sur l'Ukraine. Encore une fois, la Russie doit également accepter de négocier.
    Je vais changer de sujet.
    Beaucoup de mes concitoyens ont de la famille au Liban. Ils sont eux-mêmes originaires de ce pays. Ils suivent de près le cessez-le-feu et ils espèrent qu'il tiendra.
    Nous savons que le bombardement du Liban par Israël a eu des conséquences terribles, évidemment, même par rapport aux travaux de reconstruction après l'explosion de Beyrouth. La reconstruction du Liban en général pose tellement d'autres problèmes.
    Pouvez-vous nous parler de ce que fait le Canada pour soutenir ce cessez-le-feu, mais aussi la reconstruction?
    Nous nous félicitons, évidemment, du cessez-le-feu. Il s'agit d'une étape indispensable vers la stabilité et la sécurité dans la région. Nous suivons de près sa mise en œuvre. En ce qui concerne le soutien du Canada, toute initiative visant à remédier aux conséquences de la crise et à ramener une stabilité durable le long de la Ligne bleue est essentielle.
    Le Canada participe à un certain nombre de discussions entre alliés et partenaires du G7 sur la manière de soutenir et de maintenir le cessez-le-feu et de favoriser une prospérité future, notamment par la reconstruction. Je ne connais pas tous les détails, mais je sais que nous parlons avec les partenaires du G7.
    Je vais peut-être céder la parole, si quelqu'un a quelque chose à ajouter.
    Il est probable, d'après notre évaluation de la situation, que nous assisterons à une augmentation ou à une poursuite des attaques suivies de ripostes. Pour le reste, nous pensons que le fondement du cessez-le-feu est valable. Plus précisément, les Forces de défense israéliennes, après plus d'un an de conflit intense, voient la possibilité de se reposer, de se rééquiper et de se reconstituer. Gaza est désormais un flanc oriental instable avec la Syrie. Le Hezbollah libanais au Liban est, de toute évidence, considérablement diminué.
    Pour répondre à votre question, le Canada apporte déjà une solide contribution aux Nations unies dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban. De plus, dans le cadre de l'opération Impact, nous fournissons 10 personnes à l'Équipe canadienne d’aide à l’instruction au Liban. Je peux vous fournir des détails sur ce qu'elle fait, si cela vous intéresse.
    Tout aussi important, nous étions au Comité technique militaire aux côtés de nos alliés il y a à peine une semaine. Nous avons un autre engagement mardi prochain, lorsqu'un grand nombre de pays discuteront de la manière d'augmenter la capacité des forces armées libanaises en partenariat avec les Nations unies pour sécuriser la zone entre la frontière israélo-libanaise et le sud du fleuve Litani au Liban.
(0845)
    Nous passons maintenant à la série de questions de cinq minutes.
    Monsieur Stewart, vous avez la parole.
    Je vous remercie, et je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Major-général Smith, vous avez parlé tout à l'heure de la collaboration avec nos alliés.
    S'agit‑il de l'OTAN ou est‑ce que cela va au‑delà de l'OTAN pour inclure des endroits comme Israël?
    Il y a des alliés, tout à fait, y compris l'OTAN et 31 autres aussi.
    Le Canada continue de beaucoup progresser dans le cadre de sa Stratégie pour l'Indo-Pacifique pour établir des relations politiques et des liens militaires.
    Israël reste un partenaire dans la région. Nous avons des relations militaires avec Israël, même si, comme l'a dit mon collègue, dans le cadre de l'opération Impact, nous sommes présents au Koweït, au Liban et en Jordanie. Nous sommes très présents. Nous sommes dans le Sinaï, et je pourrais continuer. Nous sommes présents dans la région pour accroître la stabilité, mais Israël reste un partenaire.
    À propos de l'opération Impact, quelle incidence la situation en Syrie, et son évolution, a‑t‑elle sur votre présence sur place?
    Permettez-moi de commencer, puis peut-être que d'autres voudront ajouter quelque chose.
    Nous surveillons la situation en Syrie. Le monde a été surpris par ce qui vient de se passer. Nous avons tous regardé les nouvelles ce week-end et vu la rapidité avec laquelle le régime est tombé. Nous ne sommes pas en Syrie. Cela dit, avec les forces dont nous disposons dans les environs, nous continuons de suivre ce qui se passe.
    Comme cela a été dit, nous avons effectivement des forces dans la région. Nous ne prenons pas actuellement de mesures pour envoyer des forces en Syrie, et on ne nous le demande pas. Sous l'égide d'Affaires mondiales Canada, nous surveillons la situation. Nous observons comment elle évolue vers un type de régime stable et durable.
    J'ajouterai que nous continuons de surveiller de très près la situation en matière de menaces. Nous procédons à des ajustements prudents pour que la force protège nos membres, notamment en ce qui concerne leur position, l'endroit où ils se trouvent, leurs déplacements et leur sécurité.
    Général Ritchie, vous avez mentionné la normalisation des relations demandée par al‑Joulani. Faut‑il y croire?
    Monsieur le président, je commencerai peut-être par dire qu'il est encore tôt et que nous essayons d'évaluer la région, la dynamique et la crédibilité des partenaires afin de déterminer s'il y a une différence entre ce que nous entendons et ce que nous voyons. Nous le faisons en partenariat avec d'autres ministères et alliés, puis nous essayons de trouver des partenaires crédibles dans la région avec lesquels nous pouvons travailler militairement.
    L'évolution de la situation au Moyen-Orient a‑t‑elle un effet immédiat sur nos stratégies de recrutement de réservistes ou sur les déploiements dans le cadre de l'opération Impact?
    Non, pas pour le moment, monsieur le président. Nos engagements restent fermes pour ce qui est de l'opération Impact. Cela dit, comme je l'ai dit précédemment, nous avons apporté quelques ajustements à notre dispositif dans les missions pour assurer la sécurité des membres, et nous attendons de voir comment la situation va évoluer dans la région et quelle sera la réponse des Forces armées canadiennes.
    Vous avez fait allusion à la FINUL tout à l'heure. Quel est notre engagement à l'égard de la FINUL?
    Nous avons deux personnes affectées à la FINUL, et deux autres personnes affectées à la Force des Nations unies chargée d'observer le désengagement. Une de ces personnes avait été dépêchée à Damas et a été transférée au Camp Faouar, et l'autre se trouve actuellement au poste d'observation 51 sur le plateau du Golan, entre Israël et la Syrie.
    Et pour revenir aux changements survenus en Syrie, comment évaluons-nous la puissance de ses forces militaires après les bombardements israéliens récents?
    Selon notre évaluation initiale, elles se sont évaporées en grande partie et, comme mon collègue l'a expliqué, les bombardements intenses d'Israël et d'autres forces ont réussi à démanteler de grands pans des forces du régime syrien. Nous continuons de surveiller le nouveau régime et ses actions, qui jusqu'ici semblent relativement modérées. Nous en sommes au tout début. Tout cela s'est passé la fin de semaine dernière seulement.
    Monsieur le président, je peux parler de deux autres répercussions plus larges.
    La première est que les événements en Syrie vont poser un sérieux problème au Hezbollah libanais parce qu'ils compliquent l'approvisionnement iranien en fournitures, en équipement et en matériel technologique dans la région du Liban.
    La deuxième répercussion touche notre surveillance étroite de la Russie, qui avait une base à Lattakié. Elle avait des navires à Tartous, qui ont été déplacés en mer, mais nous surveillons la situation pour voir comment elle va adapter son dispositif à long terme.
(0850)
    Merci de ces éclairages. Je m'apprêtais à poser une question sur les forces navales de la Russie.
    Il faut en conclure que l'influence iranienne a été affaiblie par les événements en Syrie.
    Monsieur le président, je vais commencer et mes collègues pourront poursuivre.
    Nous constatons un affaiblissement de l'influence iranienne sur plusieurs fronts. Le premier front est Gaza, avec le Hamas. Le deuxième est observé au nord d'Israël, au Liban, le fief du Hezbollah libanais, et le troisième est maintenant en Syrie, à l'ouest de l'Iran. Dans ces trois régions, on observe un recul de qui pourrait être qualifié de soutien à plusieurs niveaux sur lequel repose le concept de la défense iranienne.
    Monsieur Powlowski, vous avez cinq minutes.
    La grande question concernant l'Ukraine et la Russie est de savoir ce que Trump va décider, comme nous le savons tous. Vous avez parlé du général Kellogg et de sa position précédente, qui, semble‑t‑il, consistait à geler les premières lignes, ce qui est le cas actuellement, et à attendre avant d'autoriser l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Je n'aurais pas cru que l'Ukraine puisse adhérer à cela.
    Powlowski est un nom ukrainien.
    Est‑ce que le Canada a envisagé, ou est‑ce que l'OTAN a envisagé — je ne pense pas que ce soit possible pour l'OTAN — la possibilité de déployer des forces de maintien de la paix, ou de les utiliser le long de la frontière entre l'Ukraine et la Russie? Je pense que c'est le seul scénario qui aurait pu rendre cela acceptable parce qu'il empêcherait de nouvelles attaques de la Russie. Je dirai simplement que ce à quoi les Ukrainiens s'attendraient dans un tel scénario, c'est que la Russie en profiterait pour rebâtir ses forces et pour attaquer de nouveau l'Ukraine dans quelques années. Pour que ce soit acceptable aux yeux des Ukrainiens, il faudrait songer à une forme ou une autre d'opération de maintien de la paix.
    Monsieur le président, j'ai participé à des missions de maintien de la paix. Un accord politique entre les deux parties est nécessaire pour que les tacticiens puissent intercéder et rétablir la paix. Nous sommes une partie au conflit. Nous avons fourni énormément d'armement.
    Cela dit, comme les autres pays membres de l'OTAN, nous surveillons la situation. Et croyez-moi, l'OTAN fait énormément de plans parce que ses responsables sont bien au fait du risque que dans cinq ans, la Russie nous donne une nouvelle démonstration que rien n'est à son épreuve. Elle ne s'en prendra pas forcément à l'Ukraine, mais peut-être à un autre pays allié où se trouvent actuellement des milliers de Canadiens.
    Nous restons aux aguets et nous sommes contents de faire partie d'une alliance de 31 pays.
    Je ne sais pas si vous allez pouvoir me répondre, mais est‑il vrai que l'Armée canadienne dresse actuellement des plans de contingence en vue du déploiement de troupes de maintien de la paix?
    Monsieur le président, je le répète, les missions de maintien de la paix ont des objectifs très précis et elles sont déployées dans des situations très précises. Nous l'avons fait dans les années 1990. Un monument a été érigé au centre-ville d'Ottawa en souvenir.
    Nous livrons des armes à l'Ukraine depuis la nouvelle invasion en février 2022. D'habitude, ceux qui assurent le maintien de la paix sont neutres, et ce serait donc très compliqué pour nous sur le plan tactique. Comme il a été dit précédemment, il faudrait tout d'abord que certaines propositions soient acceptables pour la Russie, et qu'elles le soient aussi pour l'Ukraine.
    Il faudra que beaucoup plus d'eau ait coulé sous les ponts avant que ce soit même envisageable.
    Quel est votre regard sur les troupes nord-coréennes postées dans la région de Koursk? Apparemment, les Ukrainiens les auraient attaquées à quelques reprises. Combien reste‑t‑il de militaires d'après vous? Autour de 12 000?
    Nous n'avons pas les chiffres exacts. Ce que nous savons, c'est qu'après le déploiement des 12 000 soldats, ils ont été surveillés étroitement et ciblés par l'Ukraine afin de rompre le lien entre la RPDC et la Russie.
    Nous continuons de surveiller la situation. Nous savons que la RPDC est en train de démanteler ses troupes. Nous avons constaté que de petits groupes ont été intégrés à des unités russes plus nombreuses. Soit dit en passant, les Coréens se retrouvent aux côtés des nombreux soldats russes qui viennent de l'Extrême-Orient et qui forment des organisations groupées. Il est donc plus difficile de déterminer où sont déployées les troupes de la RPDC actuellement.
    Très brièvement, quelle est votre perspective sur le nouveau régime au pouvoir en Syrie et ses liens avec Al‑Qaïda? Le nouveau leader a certes donné l'impression qu'il souhaitait adopter une approche modérée. C'est clair que le Canada aimerait voir un État syrien démocratique et modéré, mais rien n'est certain pour le moment.
    Que faisons-nous pour encourager cela?
    Je vais essayer de répondre à la question, et mon collègue des affaires étrangères voudra peut-être ajouter son grain de sel.
    Je le redis, ces événements sont survenus cette fin de semaine. Tout le monde a été pris par surprise. Nous surveillons la situation. Et comme je l'ai dit, les premiers signes sont prometteurs. Il n'y a pas eu de massacres quand ils ont entrepris des actes de représailles contre les forces du régime. Nous sommes témoins de scènes déchirantes dans les prisons et ailleurs. Tout cela se déroule en ce moment, mais les premiers signes sont très positifs.
    Cela dit, est‑ce qu'il existe une tradition de démocratie dans ce pays? Je ne suis pas historien… Tout ce que je peux dire, c'est que les premiers signes sont prometteurs.
    Je vais céder la parole à mon ami.
(0855)
    Merci. Je vais ajouter quelques éléments.
    Durant le conflit, malgré la fermeture de notre ambassade à Damas dès le début, des diplomates canadiens sont restés en lien avec des membres de la société civile syrienne. Bien évidemment, ils ont eu des discussions avec ces contacts au cours de la fin de semaine et dans les derniers jours. Nous allons rester en lien avec eux pour qu'ils nous aident à comprendre la situation sur le terrain de leur point de vue, et nous allons utiliser cette information pour suivre l'évolution des événements. Nous allons aussi collaborer avec nos alliés et nos partenaires afin de déterminer comment nous pourrons éventuellement soutenir la transition vers ce que nous espérons sera un avenir meilleur pour les Syriens.
    Merci, monsieur Powlowski.
    Monsieur Simard, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Major-général Smith, dans votre déclaration d'introduction, vous avez parlé de la désinformation que faisait la Russie, et je suis curieux de savoir quelle forme prend cette désinformation.
    On comprend aisément que l'objectif est de miner la confiance des gens envers les institutions. C'est peut-être aussi une façon d'envoyer une image différente du conflit qui se produit en Ukraine.
    Cependant, je me demande si cela a des conséquences réelles.
    Au Canada, voit-on des mouvements d'opinion publique qui seraient engendrés par une forme de désinformation russe? Quelle forme cela prend-il, généralement? À quoi cela ressemble-t-il?
    Monsieur le président, je vais parler au nom des Forces armées canadiennes et de la Défense nationale pour l'ensemble de la population canadienne.
    En effet, la désinformation cible les Forces armées canadiennes. Je vais vous donner un exemple.
    Récemment, un officier est décédé en Europe de causes naturelles. Cette information a été utilisée contre les Forces armées canadiennes. On a fait de la désinformation en disant que cet officier était en Ukraine et qu'il avait été tué par les Russes, ce qui est faux.
    Ce n'est qu'un exemple de la façon dont on manipule et on modifie l'information dans le but de tromper la population et d'essayer de l'influencer négativement à l'égard des Forces armées canadiennes.
     Cela a-t-il un certain succès? Seulement sur le conflit ukrainien, je vois parfois passer des trucs sur les médias sociaux qui sont grossiers. Je me demande si cela réussit à influencer une portion de l'opinion publique, qui verrait d'un mauvais œil, par exemple, le soutien du Canada à l'Ukraine.
    Avez-vous des données sur ces phénomènes?
     Monsieur le président, je n'ai pas de données à ce sujet.
    Encore une fois, je vais parler au nom de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes pour la population en général.
    Il y a une chaîne de commandement. C'est à elle de fournir les bonnes informations et de démentir ces mensonges. Bien sûr, il faut porter attention à cela. Il faut veiller à cela dans toutes les communications avec les personnes des Forces armées canadiennes et continuer de contredire ces fausses histoires.
    Est-ce que la Défense nationale…
    Pardon, mon temps est écoulé.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez deux minutes et demie.
    Les menaces nucléaires génèrent énormément de tensions. Les États-Unis ont prévu des investissements de 1,7 mille milliards de dollars pour la modernisation de leur arsenal nucléaire. La Russie a présenté une doctrine révisée concernant les armes nucléaires, elle a lancé des missiles balistiques à capacité nucléaire vers l'Ukraine… Nous sommes littéralement pris en sandwich entre ces deux superpuissances nucléaires.
    Précédemment, le sujet de notre propre souveraineté dans l'Arctique a été effleuré, mais dans ce contexte… La troisième réunion sur le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires va avoir lieu en mars. Le Canada va‑t‑il envoyer des délégués à cette réunion et est‑ce qu'Affaires mondiales Canada envisage de signer le Traité?
    Je ne peux pas répondre à votre question. Ce n'est pas de mon ressort. Tout ce que je peux dire, c'est que je n'ai pas entendu parler d'une quelconque intention du Canada d'envoyer des représentants à la réunion sur le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires en mars.
    Certains de nos alliés de l'OTAN, y compris l'Allemagne et la Belgique, vont participer à cette réunion. Quelle est la raison de la non-participation du Canada?
(0900)
    Comme je l'ai dit, ce n'est pas de mon ressort mais, à ma connaissance, personne n'a prévu d'y participer pour l'instant.
    Ne serait‑il pas prudent, considérant la montée du risque observée actuellement — je crois avoir entendu parler de possibilités de destruction totale en 90 secondes —, d'assumer pleinement notre rôle de puissance moyenne, ou douce, pour favoriser le désarmement nucléaire?
    Encore une fois, je n'ai pas eu connaissance d'une quelconque intention du Canada de participer à la réunion sur le Traité pour l'instant.
    Un des aspects qui me préoccupent concernant l'approvisionnement est que même si nous ne sommes pas une puissance nucléaire, nous avons fait l'acquisition de nouveaux équipements qui ont une capacité nucléaire, comme les F‑35.
    Pouvez-vous nous parler de la position du Canada à cet égard?
    C'est une question intéressante. Toutefois, il reste seulement deux secondes, ce qui est sans doute insuffisant pour donner une réponse songée.
    Je vais donner la parole à M. Bezan. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins. Je remercie le général Smith et le général Ritchie pour les services rendus au Canada, et je remercie M. Laporte de nous faire encore une fois profiter de son expertise.
    Vous avez évoqué un probable transfert de technologie entre la Russie et la Corée du Nord. De quelle technologie est‑il question selon vous, outre l'uranium enrichi?
    Monsieur le président, je vais commencer, et mes collègues pourront peut-être m'aider.
    Je ne sais rien au sujet d'éventuels transferts d'uranium enrichi de la Russie à la RPDC. La Corée du Nord a un programme nucléaire depuis des décennies. Il y a peut-être des systèmes de dissémination, des missiles et d'autres ressources analogues. La Russie est en avance sur la RPDC, et il est possible qu'elle lui envoie ce genre de technologies.
    Et qu'en est‑il des sous-marins?
    Selon ce que je vois, on parle de missiles, et peut-être d'intercepteurs de défense aérienne, de carburant et d'argent. Personnellement, je n'ai rien vu concernant des sous-marins. Il pourrait y avoir des discussions au sujet d'avions de chasse, mais il n'y a rien de concluant pour l'instant.
    La Corée du Nord a déjà envoyé 12 000 soldats, des munitions et des systèmes lance-roquettes en Russie pour soutenir sa guerre en Ukraine. Des rumeurs circulent comme quoi des renforts pourraient s'ajouter aux 12 000 soldats déployés.
    Avez-vous eu connaissance de renseignements indiquant une possible augmentation du contingent de 12 000 soldats?
    Je n'ai pas reçu d'informations concluantes à cet effet. Nous continuons de surveiller la situation de près en partenariat avec nos alliés.
    C'est difficile de déterminer si les troupes nord-coréennes pourraient entrer en Ukraine par le côté est. C'est beaucoup plus facile, à mesure qu'elles s'approchent du front, de voir comment elles sont équipées en vêtements, en armes et en matériel, et comment elles avancent et s'intègrent… Pour l'instant, il y a seulement 12 000 soldats.
    D'accord.
    Nous avons parlé de l'opération Impact dans la région. Nous savons que le cercle de feu autour d'Israël a été pratiquement détruit, grâce surtout à la chute du Hezbollah, du Hamas et du régime Assad en Syrie.
    Comment cela va‑t‑il changer le dispositif iranien en Irak, ou l'Iran soutient la force al‑Qods, le Corps des Gardiens de la révolution islamique et les milices chiites?
    Pouvez-vous nous dire également s'il pourrait y avoir des répercussions sur les troupes canadiennes qui servent aux côtés de nos alliés?
    Tout d'abord, je n'irais pas jusqu'à parler de la chute du Hezbollah ou du Hamas. Les deux ont subi de lourdes pertes aux mains d'Israël. Je n'ai pas eu cette information de première main, mais on a appris qu'Israël aurait aussi porté un très dur coup au système de défense aérien de l'Iran.
    Des milices proches de l'Iran sont encore présentes en Irak. D'ailleurs, des Canadiens se trouvent encore à Bagdad dans le cadre de la mission OTAN en Irak. Nous surveillons de très près la protection des forces.
    Toutefois, il est plus important encore de rappeler qu'il va y avoir un transfert des responsabilités entre l'opération Inherent Resolve, la mission américaine, et la mission OTAN en Irak. Ce transfert pourrait être retardé mais, pour l'instant, il y a une surveillance étroite de la protection des forces.
    Considérant la relation entre l'Iran et la Russie, et sa capacité d'utiliser des drones kamikazes Shahed et d'autres types de roquettes et de munitions fournis par l'Iran, et considérant la détérioration qui découle de la guerre à Gaza et au Liban, peut‑on penser que la capacité future de l'Iran d'approvisionner la Russie sera elle aussi mise à mal?
(0905)
    Moscou fournit en effet des avions de chasse, des technologies de défense aérienne et spatiales et, en retour, Téhéran prête main-forte à la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine. C'est ce que nous comprenons de cette relation.
    D'accord.
    Il me reste une minute, monsieur le président, que j'aimerais utiliser pour faire adopter la motion que j'ai présentée la semaine dernière:
Que le Comité tienne trois réunions sur les volets liés à la défense de la Politique étrangère pour l’Arctique annoncée le 6 décembre 2024 dans les 14 jours suivant l’adoption de la présente motion, et qu’il invite la ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires du Nord à comparaître séparément pendant au moins deux heures chacun en compagnie de fonctionnaires de leur ministère.
    Madame Lalonde, vous avez la parole.
    Je remercie le député.
    Je réitère mes excuses aux témoins, et je vous remercie pour votre service.
    Si c'est possible, j'aimerais proposer un amendement à la motion, et j'espère que nous allons trouver rapidement un terrain d'entente. Je sais que le processus d'adoption est en cours, mais je veux m'assurer…
    Je propose de supprimer le passage « dans les 14 jours suivant l’adoption de la présente motion » et d'ajouter « et qu’il invite la ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires du Nord à comparaître séparément pendant au moins une heure chacun en compagnie de fonctionnaires de leur ministère ».
    Est‑ce que l'invitation à Affaires du Nord est maintenue?
    Mme Marie-France Lalonde: Oui.
    Le président: D'accord. Y a‑t‑il débat?
    Nous allons tout d'abord débattre de l'amendement.
    L'amendement propose encore une comparution d'une heure chacun, n'est‑ce pas?
    C'est exact. Il est proposé de les faire comparaître pendant une heure séparément.
    (L'amendement est adopté.)
     (La motion modifiée est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Merci de votre collaboration.
    Nous allons essayer de procéder le plus rapidement possible.
    Madame Lapointe, les cinq dernières minutes sont à vous.
    Je sais que mon collègue M. Bezan a posé des questions sur la région de la mer Baltique, et je vais poursuivre sur cette lancée.
    Major-général Smith, quelle est votre analyse du dispositif militaire russe et de ses activités de guerre hybrides, notamment sur le flanc oriental de l'OTAN? Le mois dernier, je me suis rendue dans les pays de la région de la mer Baltique et en Pologne. Comment le Canada devrait‑il réagir à ces menaces croissantes?
    Le Canada, comme on le sait, est très présent dans cette région, et notamment en Lettonie. Nous entretenons d'excellentes relations avec la Lettonie et les 12 autres pays du bataillon de combat multinational. Nous venons d'ailleurs de terminer l'exercice Resolute Warrior, qui à mon humble avis a été une grande réussite. Nous avons même eu l'honneur d'accueillir le secrétaire général. De nombreux collègues ont été très impressionnés. Je crois que c'est un bel exemple de la contribution déterminante du Canada à l'effort de dissuasion de l'OTAN.
    Cela dit, pour vous donner une réponse plus complète à la question, la Russie a subi de lourds dommages. Les forces armées russes ont subi de lourdes pertes durant leurs opérations en Ukraine. L'industrie de la défense russe a tout de même fait preuve d'une capacité impressionnante de rétablissement, et le Canada, à titre de pays membre de l'OTAN, suit cela de près. Nous appliquons les plans établis par l'OTAN pour être en mesure d'agir à la fois dans des optiques de dissuasion et de défense dans la région.
    Le recours de l'Iran à des réseaux mandataires a déstabilisé les régions du Moyen-Orient. Quelles sont les incidences directes ou indirectes sur les intérêts en matière de sécurité associés à l'ensemble des engagements militaires canadiens?
    Comme je l'ai expliqué précédemment, je crois que les mandataires de l'Iran ont subi de lourds dommages. En plus de démanteler de grands pans du Hamas et du Hezbollah, Israël a porté un très dur coup à l'Iran. C'est donc quelque chose que nous tenons à l’oeil. Ce qui s'est passé en Syrie la fin de semaine dernière illustre parfaitement l'effritement du pouvoir d'influence de la Russie et de l'Iran dans leurs régions « extraterritoriales », si on peut dire.
    Nous allons continuer de surveiller ce qui se passe dans les sphères russes et iraniennes, pour voir s'ils vont tenter autre chose. Nous savons en effet que ces deux pays ont une grande capacité de rétablissement.
(0910)
    Merci.
    Major-général Ritchie, quel est le rôle du Canada, notamment au sein du NORAD et en coopération avec nos alliés de la région indo-pacifique, dans les efforts menés pour surveiller et contrer le développement de missiles et d'armes nucléaires par la Corée du Nord?
    Je tiens d'abord à préciser que le Canada contribue activement à la surveillance des résolutions des Nations unies en matière de sécurité visant l'inclusion des transferts de carburant et de technologies de navire à navire. Dans le cadre d'un engagement cumulatif, 12 avions de patrouille maritime qui ont effectué des missions, ainsi que 11 navires de guerre. Un avion de patrouille maritime a été mobilisé en octobre dernier, et un navire de guerre le mois suivant.
    Nous poursuivons notre surveillance et, de temps à autre, nous avons des interactions avec des avions ou des navires de la République populaire de Chine. De manière générale, elles se déroulent dans un cadre sûr et professionnel. Il peut arriver que les conditions deviennent moins sûres et moins professionnelles, et nous recourons alors à des méthodes sophistiquées pour les détecter et faire la lumière sur ce qui se passe vraiment afin d'être en mesure de faire un compte rendu exact de ce qui a été constaté. Je le dis parce que les questions de mes collègues ont pu donner l'impression que les comptes rendus n'étaient pas toujours fidèles à la vérité.
    Si vous me le permettez, je vais ajouter quelques éléments concernant la surveillance des activités liées aux armes nucléaires et aux missiles de la RPDC. En plus de tout ce dont vient de parler le major-général Ritchie eu égard à la collaboration du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes à la surveillance aérienne et maritime, Affaires mondiales Canada a des engagements diplomatiques et financiers très importants visant le renforcement des sanctions. En octobre, par exemple, le Canada et d'autres pays aux vues similaires se sont joints à l'Équipe multilatérale de surveillance des sanctions, un mécanisme autonome mis sur pied avec nos partenaires après que la Russie a opposé son veto au maintien d'un groupe d'experts en matière de sanctions aux Nations unies. Nous avons instauré notre propre mécanisme de surveillance en dehors des Nations unies.
    Monsieur Laporte, quelle est la stratégie diplomatique du Canada pour répondre aux provocations de la Corée du Nord? Comment le Canada tire‑t‑il profit de ses partenariats en Asie de l'Est afin de favoriser la stabilité?
    Notre stratégie indo-pacifique nous a permis de renforcer notre présence diplomatique dans la région. Nous collaborons étroitement avec le personnel du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes pour renforcer notre capacité en matière de sécurité. Nous tablons sur nos partenariats avec des pays clés comme la Corée du Sud, le Japon, les Philippines et le Vietnam.
    L'Inde faisait partie de notre stratégie indo-pacifique. Pour le moment, nos relations sont tendues, mais l'Inde est un joueur clé dans la région et nous allons faire en sorte d'y retourner quand les conditions seront propices. Cela dit, nous collaborons aussi avec des pays aux vues similaires, comme je viens de le souligner, dans le cadre d'initiatives comme le mécanisme multilatéral de surveillance des sanctions.
    Avant de vous donner congé, j'aimerais revenir sur le fait que l'attaque du 7 octobre 2023 a été largement perçue comme un échec des services de renseignement israéliens. Tous les observateurs, vous y compris, ont déclaré que nous avions été pris par surprise. Les événements survenus en Syrie étaient inattendus. Selon vous, y a‑t‑il lieu de nous inquiéter de constater que nos services de renseignement ne sont pas aussi solides qu'ils devraient l'être?
    D'entrée de jeu, je souligne que la nouvelle politique de défense, comme vous le savez, nous a amenés à faire des choix stratégiques sur le plan géographique. Nous allons protéger le Canada et l'Arctique canadien, et nous allons participer aux opérations dans la région indo-pacifique et en Europe. Cela ne signifie pas pour autant que nous allons complètement nous désintéresser du Moyen-Orient, mais ce n'est pas là que le gros de nos forces vont être déployées, et ce ne sera pas non plus au centre de nos priorités.
    Le Canada est un vaste pays. Nous ne sommes pas une puissance mondiale, mais nous avons des cibles dans le monde… Il y aura toujours des lacunes. Le Canada a été surpris, mais Israël et les États-Unis ne s'y attendaient pas non plus. Nous ne sommes pas les seuls.
    Monsieur le président, j'ajouterais que les technologies utilisées sont de plus en plus évoluées. Dans ce cas, on a découvert un réseau très complexe de tunnels d'accès. Israël a depuis rempli ces tunnels de béton pour bloquer l'accès souterrain à son territoire.
    Nous devons être très vigilants à l'égard des menaces pandomaines et du regroupement des capacités dans l'espace. Ces nouvelles réalités compliquent toutes les interventions militaires, partout.
(0915)
    J'aimerais beaucoup poursuivre cette conversation avec vous, général Smith, parce que très franchement, je ne suis pas d'accord avec vous. Ce n'est pas la première fois, et ce ne sera probablement pas la dernière.
    Vous avez raison, le Canada est un vaste pays. Nous faisons partie du Groupe des cinq. On peut parler à tout le moins d'un échec collectif des services de renseignement occidentaux, qui n'ont pas anticipé ces événements qui ont eu des répercussions pour le Canada. Ces événements peuvent se dérouler plus ou moins loin de chez nous, mais ils ont des répercussions sur notre propre sécurité.
    Malheureusement, je n'ai plus de temps.
    Merci pour ces échanges. Je les ai trouvés particulièrement intéressants. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venus à notre rencontre.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance pour accueillir les témoins suivants.
(0915)

(0920)
    Nous reprenons.
    Pour la deuxième heure de la réunion, nous recevons M. Max Bergmann, directeur, Center for Strategic and International Studies, Programme Europe, Russie et Eurasie et Centre Stuart, ainsi que M. Robert Hamilton, responsable, Recherche sur l'Eurasie, Institut de recherche sur la politique étrangère. Tous les deux témoigneront par vidéoconférence.
    Bienvenue à vous deux, et merci de vous être rendus disponibles.
    Nous allons tout d'abord entendre la déclaration liminaire de M. Bergman, qui sera suivie de celle de M. Hamilton. Vous disposez de cinq minutes chacun.
    Monsieur Bergmann, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. C'est un véritable honneur et un privilège de m'adresser au comité parlementaire aujourd'hui sur ce qui est, je pense, un sujet incroyablement important.
     J'allais axer mes remarques introductives sur la menace que représente la Russie dans la période à venir, car nous devons être très conscients que, quelle que soit l'issue des événements en Ukraine, tant que Vladimir Poutine restera président de la Russie, il sera un adversaire déterminé du Canada, des États-Unis et de l'Europe.
     Je pense que Vladimir Poutine est très motivé par le fait qu'il considère les États-Unis, en particulier, comme le principal adversaire de la Russie et comme le principal obstacle à la grandeur géopolitique de la Russie, et qu'il est déterminé à voir la Russie atteindre un noble poids géopolitique.
    Si nous avons regardé les événements en Syrie avec beaucoup d'admiration au cours du mois dernier et les avons vus comme une défaite en quelque sorte des efforts de la Russie dans la région, il faut remonter environ 10 ans en arrière, lorsque la Russie est intervenue en Syrie. J'étais alors au ministère américain des Affaires étrangères et nous étions tous choqués de voir la Russie intervenir dans un pays en proie à une guerre civile dans une région éloignée du Moyen-Orient. Au cours des 25 dernières années, la Russie s'était concentrée sur l'étranger proche, et voilà qu'elle intervenait au Moyen-Orient, ce qui a fait d'elle un acteur important dans la région et l'a aidée à nouer des liens avec les États du Golfe et avec Israël.
     L'objectif de cette intervention était en grande partie la capacité de la Russie à agir sur la scène mondiale et représentait une Russie qui, pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, retrouvait la grande puissance et la stature qu'elle avait eues pendant la période soviétique. Si le mois écoulé a été une défaite importante pour la grande stratégie de la Russie, celle‑ci ne va pas courber l'échine aisément; elle va continuer.
     Il ne faut pas oublier que l'armée russe est considérablement affaiblie par la guerre en Ukraine. Elle subit des pertes humaines considérables, plus d'un demi-million, et son matériel terrestre a été considérablement réduit. Pourtant, la Russie a construit une énorme base industrielle de défense et a beaucoup investi avec l'aide de la Chine et d'autres pays et de ses vastes réseaux de contrebande, de sorte que la capacité de production de la Russie sera maintenue, que cette guerre se termine en 2025 ou non, et cela signifiera, je pense, un effort relativement rapide de recapitalisation de ses forces terrestres.
     Cependant, si nous nous tournons vers les autres secteurs militaires de la Russie, la marine russe, l'armée de l'air russe et les capacités spatiales russes ont été beaucoup moins touchées par cette guerre. Nous constatons aussi que la Russie renforce considérablement ses liens militaires non seulement avec la Corée du Nord et l'Iran, mais aussi avec la Chine. Cela signifie que la Chine joue un rôle de plus en plus important dans l'Arctique. Ce n'est pas quelque chose qui devrait nous inquiéter à court terme. À bien des égards, la Chine considère simplement que le climat change et qu'il s'agit éventuellement d'une nouvelle route commerciale mondiale importante; il est donc tout à fait naturel pour la Chine de l'explorer sur le plan militaire.
     Toutefois, je pense que cela laisse présager, à terme, une présence chinoise croissante dans l'Arctique. Bien que cela puisse rendre mal à l'aise certains Russes, c'est le prix à payer pour le soutien de la Chine à la Russie.
     En guise d'observation finale, je pense également que cette guerre a complètement inversé l'histoire passée de la Russie, qui était en fait un acteur plutôt important en matière de non-prolifération nucléaire. La Russie a joué un rôle clé dans les négociations sur le nucléaire iranien et les sanctions contre la Corée du Nord, mais elle a fait volte-face pour une attention à court terme sur les événements en Ukraine, et je ne pense pas qu'elle reviendra là‑dessus. La volonté de la Russie de fournir des composants de missiles et d'autres technologies à des acteurs tels que l'Iran et la Corée du Nord, et peut-être d'autres dans le monde, devrait inquiéter grandement le Canada, les États-Unis et de nombreux pays d'Europe.
     Je terminerai là‑dessus.
(0925)
    Merci, monsieur Bergmann. C'était bien dans les cinq minutes, aussi; je vous en remercie.
     Monsieur Hamilton, allez‑y pour cinq minutes, s'il vous plaît.
     Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître. Comme l'a dit M. Bergmann, c'est un honneur et un plaisir de prendre la parole devant le Comité.
     Je commencerai par dire que la Russie représente la seule menace existentielle pour les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN, y compris le Canada, en raison de son arsenal nucléaire, mais c'est une menace qui risque fort peu de se concrétiser dans les conditions actuelles.
     Je dirais qu'une menace plus probable et toujours profondément dangereuse est une confrontation militaire combinée de la Chine et de la Russie avec l'Occident. Ce n'est pas non plus nécessairement probable dans les conditions actuelles, mais c'est quelque chose de beaucoup plus concevable qu'une attaque nucléaire stratégique russe contre les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN.
     La Russie constitue une menace militarisée aiguë pour l'ensemble de la zone euro-atlantique. Elle constitue une menace militarisée aiguë pour les États-Unis, le Canada et tous nos alliés de l'OTAN. Seule la Chine, comme le dit la stratégie de sécurité nationale des États-Unis, est l'État qui a à la fois la volonté et la capacité de redéfinir les règles de l'ordre international.
     À dire franchement, il est d'un intérêt national vital pour les États-Unis, le Canada et tous leurs alliés de l'OTAN de ne pas avoir à mener une guerre contre la Chine et la Russie en même temps. La question est donc de savoir comment éviter cette issue.
     À l'heure actuelle, la menace active la plus sérieuse pour la sécurité de l'Amérique du Nord est, selon moi, la guerre en Ukraine. Si la Russie gagne en Ukraine, je paraphraserai les mots d'une personne qui, d'après moi, compte parmi nos meilleurs analystes militaires russes, Dara Massicot de la RAND Corporation, qui dit que si la Russie gagne en Ukraine, elle sera meurtrie, vengeresse et trop sûre d'elle-même, croyant qu'elle a battu l'Occident.
     Soyons clairs, la Russie se bat en Ukraine, mais elle croit qu'elle se bat contre l'OTAN, l'Europe et l'Amérique du Nord. Chaque fois que Poutine a cru battre l'Occident — en 2008 en Géorgie, en 2014 en Ukraine et en 2015 en Syrie — il a lancé une guerre plus vaste et plus ambitieuse dans le sillage de cette guerre. Je pense qu'il est important, voire vital, pour les États membres de l'OTAN que la Russie ne gagne pas en Ukraine.
     En outre, ce qui se passe en Ukraine va affecter la Chine et la région indo-pacifique, car tant la Chine que nos partenaires et alliés dans cette région observent l'issue de la guerre en Ukraine pour apprendre des choses sur la tolérance occidentale au risque, le soutien occidental à l'Ukraine et le soutien occidental aux partenaires et alliés dans d'autres régions.
    En revanche, je ne crois pas que considérer la Chine et la Russie comme une menace unique, comme le font parfois les décideurs politiques occidentaux, soit dans notre intérêt, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cela occulte la différence majeure qui existe entre ces deux pays. Oui, la Chine tente de réécrire ou de refaire les règles de l'ordre international. La Russie, je dirais, essaie de brûler l'ordre international en utilisant la puissance militaire, alors que la Chine, jusqu'à présent, utilise principalement des outils diplomatiques et économiques.
    L'autre inconvénient de les considérer comme une seule et même menace est que cela les rapproche. Les États-Unis ont été qualifiés d'agent contraignant dans cette relation. Ce n'est pas pour rien que si l'on regarde où la Chine et la Russie sont le plus en partenariat, c'est dans les régions où les États-Unis et, dans certains cas, leurs partenaires et alliés, ont la plus grande empreinte — en particulier une empreinte militaire.
     Le meilleur moyen d'éviter un défi ou une confrontation militaire combinée Russie-Chine avec l'Occident est de réfléchir sérieusement aux politiques et aux actions qui les rapprochent. Autrement dit, il faut réfléchir sérieusement à l'endroit où nous déployons notre puissance militaire. Des régions comme l'Europe et l'Indo-pacifique ne sont pas négociables, car nous avons des engagements conventionnels contraignants envers nos alliés et partenaires dans ces régions, mais ce n'est pas une coïncidence si c'est là où notre empreinte est la plus légère — dans des régions comme l'Afrique et l'Asie centrale — que la coopération entre la Chine et la Russie est également la plus faible. Dans certains endroits, comme l'Asie centrale, la concurrence émerge.
     J'en suis à quatre minutes. Je résumerai en disant qu'une autre menace à laquelle nous devons nous intéresser, qui ne relève pas du domaine militaire mais plutôt du domaine de l'information, est la nécessité de renforcer notre résilience démocratique et sociétale dans l'ensemble de l'Occident.
     L'ingérence de la Russie dans les élections est un phénomène qui dure depuis longtemps. La Moldavie et la Roumanie sont des exemples très récents que nous pourrons évoquer lors des questions et réponses. En ce qui concerne la désinformation, nous devons renforcer les compétences de pensée critique et penser à des moyens d'empêcher la Russie d'utiliser nos sociétés ouvertes contre nous.
     Enfin, en ce qui concerne la Chine et l'information, la Chine a longtemps utilisé l'instrument de l'information pour construire une image positive de la Chine, mais elle utilise désormais davantage les méthodes de la Russie, qui consistent à discréditer la notion de vérité objective et à discréditer notre propre gouvernement aux yeux de notre peuple.
     Je m'arrêterai là.
(0930)
    J'espère que nos collègues sont aussi disciplinés que vous deux pour ce qui est de la gestion du temps.
     Mme Gallant est la première pour six minutes.
    Monsieur Hamilton, comment la chute du régime de Bachar al‑Assad modifie-t-elle les paradigmes en Russie, en Chine, en Ukraine et en Europe?
    Comme je l'ai dit dans une récente entrevue accordée à Forbes Ukraine, la défaite de la Russie, où qu'elle soit, est une bonne chose pour le monde. Ce qui s'est passé récemment en Syrie est, à mon avis, une défaite pour la Russie. Pour ce qui est de l'évolution de la situation, j'aimerais connaître l'avis de M. Bergmann, mais je ne pense pas que cela ait un impact important sur l'effort de guerre de la Russie en Ukraine, et ce, pour plusieurs raisons.
     Premièrement, les avoirs russes en Syrie étaient assez légers. Le nombre de forces terrestres était très faible. Elles n'ont jamais dépassé quelques milliers. Je pense qu'elles sont beaucoup moins nombreuses à l'heure actuelle, essentiellement des conseillers et des forces spéciales. En ce qui concerne les avoirs aériens et navals dont la Russie disposait à la base aérienne de Khmeimim, dans la province de Lattaquié, et à Tartous, on peut compter les navires qu'elle avait sur les doigts d'une main. Ceux‑ci ont maintenant été déplacés à environ huit à douze kilomètres de la côte, en Méditerranée orientale, dans l'attente de l'évolution de la situation. Si la Russie devait basculer des avoirs de la Syrie à l'Ukraine, je ne pense pas que cela ferait une grande différence.
     En ce qui concerne les relations de la Russie avec la Chine, je ne pense pas non plus que cela ait un effet direct. C'est une défaite; je dirais que ce n'est pas nécessairement une défaite stratégique pour la Russie, mais c'est la défaite d'un régime que la Russie a soutenu pendant neuf ans et qu'elle voulait voir gagner. Je dirais qu'en fait la guerre en Ukraine, et l'incapacité militaire de la Russie démontrée dans au moins certains domaines, a eu un effet plus direct sur la perception de la Russie par la Chine que ce qui s'est passé en Syrie.
    [Difficultés techniques] compte tenu de l'énorme déploiement de troupes chinoises au‑dessus et autour de Taïwan cette semaine, réévalueriez-vous la capacité projetée sur cinq ans de la Chine à envahir Taïwan, ou bien sommes-nous en train de sous-estimer ce délai et c'est simplement une autre crise de nerfs de Xi Jinping face à un nouveau président aux États-Unis?
    C'est une excellente question.
     Je commencerai par dire que je ne me considère pas comme un expert de la Chine. J'ai écrit un livre sur les relations Chine-Russie et j'ai fait des recherches à ce sujet au cours des deux dernières années, mais je me considère davantage comme un spécialiste de la Russie.
     L'échéance de 2027 dont nous entendons sans cesse parler et que Xi Jinping a fixée à l'Armée populaire de libération est le jour où il souhaite que l'APL ait la capacité militaire de libérer Taïwan, « libérer » signifiant envahir et occuper Taïwan par la force. Je ne pense pas que cela signifie forcément que le compte à rebours vers 2027 a commencé.
     Xi Jinping se voit de la même manière que Poutine, comme un personnage historique, comme un personnage d'époque. Par conséquent, d'ici la fin du mandat de Xi Jinping, je pense que son objectif, qui n'est pas négociable pour lui, est de faire réintégrer Taïwan. Je ne peux pas dire si cela se produira par des moyens diplomatiques, économiques ou militaires.
    Vous étiez à Montréal. Vous avez été témoin de la pression exercée par les représentants ukrainiens qui suppliaient et plaidaient pour une invitation à rejoindre l'OTAN, reconnaissant que cela ne serait pas immédiat — de nombreuses normes doivent être respectées —, mais que ce serait la meilleure façon de tenir tête à Poutine.
     Je sais qu'il n'y a pas encore de consensus, mais si cela devait se produire, quel serait l'impact en Ukraine? Cela changerait‑il l'agression de Poutine, ou arrêterait‑il l'augmentation ou l'escalade de l'agression?
    J'ai l'impression que, quelle que soit la fin de la guerre en Ukraine... Malheureusement, je pense qu'elle se terminera probablement avec des troupes russes occupant toujours une partie du territoire ukrainien. J'ai écouté la première partie de cette séance. Ce thème a également été abordé. J'ai le sentiment que, quelle que soit la manière dont cette guerre se termine, la seule façon d'empêcher la Russie de la reprendre dès qu'elle aura reconstitué sa capacité militaire à ce qu'elle considère comme le niveau requis, c'est de faire en sorte que l'Ukraine ait des garanties de sécurité juridiquement exécutoires. Que ce soit l'adhésion à l'OTAN ou un consortium de pays — presque tous des membres de l'OTAN, probablement —, cela donnerait à l'Ukraine des garanties de sécurité juridiquement contraignantes et dirait: « Si vous êtes à nouveau envahis par les Russes, nous nous battrons. »
     La question qui se pose alors est la suivante: comment dissuader cette invasion? Un document juridique, que ce soit l'article 5 de l'OTAN ou un autre document juridique, est‑il suffisant? Doit‑il y avoir des forces sur le terrain? Doit‑il y avoir une force de dissuasion de la part d'armées non ukrainiennes présentes en Ukraine?
     Je pense que cette dernière solution est beaucoup plus susceptible de décourager une nouvelle agression que des garanties de sécurité exécutoires, mais elle comporte également un risque beaucoup plus élevé, car immédiatement, comme c'est déjà le cas dans huit États de l'OTAN en première ligne où des groupements tactiques sont présents, une invasion russe de l'un de ces pays, ou de l'Ukraine s'il y a des forces sur le terrain, mettrait les forces militaires occidentales en état de guerre avec la Fédération de Russie.
(0935)
    Avez-vous des renseignements sur les rapports que nous entendons concernant l'envoi de drones au‑dessus de l'océan Atlantique vers le New Jersey? Y a‑t‑il des éclaircissements à ce sujet? Que se passe‑t‑il?
    Ce n'est pas à moi de répondre à cette question. Mes connaissances sur le sujet viennent de CNN. Je n'arrête pas d'entendre que c'est un navire d'attache iranien, alors que le ministère américain de la Défense a dit: « Non, ce n'est pas le cas ».
     Mais encore une fois, je ne suis pas un témoin expert sur ce sujet.
    Nous passons à Mme Lambropoulos pour six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie nos deux témoins d'être venus répondre à certaines de nos questions aujourd'hui.
     Je vais commencer par M. Hamilton. Vous avez parlé de la meilleure façon d'éviter une confrontation Chine-Russie contre l'Occident. Vous avez dit que c'était la plus grande menace dont nous devons nous préoccuper et que, même si elle n'est pas très probable dans un avenir proche, il y a des choses que nous pouvons faire pour limiter les possibilités. Pouvez-vous être un peu plus précis?
     Vous avez dit que nous pouvions surveiller l'affectation de nos ressources et de notre armée. Pouvez-vous être un peu plus précis et nous donner d'autres idées sur la façon dont nous pouvons veiller à ce que ce type de collaboration ne se produise pas à l'avenir?
    Bien sûr. Je dirai que j'ai perçu la relation entre la Chine et la Russie comme un partenariat stratégique ou un axe de commodité. Ce sont de beaux idéaux théoriques qui aident à encadrer le débat. Je pense que ni l'un ni l'autre n'est exact.
     Je pense que la relation est dynamique, complexe et contingente. Elle est dynamique parce qu'elle réagit aux événements qui se produisent dans le monde. Ce qui s'est passé récemment en Syrie est un de ces événements. Elle est complexe parce qu'elles interagissent avec ce que nous appelons les instruments de pouvoir, qui sont diplomatiques, informationnels, militaires et économiques. Elle est contingente parce que ce sont de grandes puissances qui ont une présence partout dans le monde. Cette relation peut être influencée par des événements qui se produisent sur le terrain et dont ni Pékin ni Moscou n'ont le contrôle.
     Comme je l'ai dit, nos engagements envers nos alliés de l'OTAN et les pays avec lesquels nous — dans ce cas, « nous » désigne les États-Unis — avons des engagements de sécurité exécutoires dans l'Indo-pacifique ne sont pas négociables. Ce sont des engagements juridiques. Il faut donc déployer là une force militaire pour dissuader un conflit ou pour emporter la victoire en cas d'échec de la dissuasion.
     D'autres régions du monde, comme l'Afrique et l'Asie centrale, que j'ai mentionnées comme exemples... Pour ce projet de livre, j'ai étudié l'interaction sino-russe en Afrique et en Asie centrale. Les endroits où l'empreinte militaire américaine est plus légère qu'en Europe et dans l'Indo-pacifique sont des endroits où l'interaction sino-russe a tendance à être soit compartimentée, comme je l'appellerais — en Afrique, chaque pays s'occupe de ses propres affaires et est vaguement conscient de ce que fait l'autre, mais ils ne coopèrent pas ou ne se coordonnent pas —, soit compétitive. En Asie centrale, les deux pays se font de plus en plus concurrence, en particulier dans la sphère économique.
     Je conseille aux décideurs politiques occidentaux — et cela s'applique tout particulièrement aux décideurs politiques américains — de ne pas essayer de creuser un fossé entre la Chine et la Russie, parce qu'ils me disent souvent que nous devrions essayer de le faire. C'est mon conseil. Réfléchissez à l'endroit où nous déployons notre puissance militaire. Nous devons faire preuve de discernement et veiller à ne déployer notre puissance militaire que lorsque des intérêts nationaux fondamentaux ou vitaux sont en jeu. Dans des régions comme l'Asie centrale, je pense que notre stratégie est assez bonne.
     Nous parlons de choses comme la souveraineté, la résilience démocratique, le développement de la société civile, la coopération régionale et le développement économique. Ce sont des choses auxquelles les partenaires occidentaux peuvent contribuer en Asie centrale. Elles ne suscitent pas de crainte en Russie et en Chine quant à une quelconque présence ou intervention militaire occidentale. Elles créent probablement les conditions nécessaires à l'émergence d'une concurrence sino-russe, alors qu'elle n'existerait pas autrement, en particulier si nous y avons une présence militaire.
(0940)
    Merci beaucoup pour cette réponse.
     Vous avez également parlé du renforcement de la résilience de l'Occident face à la désinformation et, peut-être, aux tentatives de la Russie et de la Chine de déstabiliser l'Occident. Je vais vous demander de me donner des exemples qui se sont déjà produits — au Canada, par exemple, ou dans l'Ouest — de la manière dont ils ont réussi à le faire.
     Quels éléments devrions-nous surveiller pour nous prémunir contre de telles situations à l'avenir?
    Très brièvement, — parce que j'arrivais à la fin de mon temps de parole — j'ai mentionné la Moldavie et la Roumanie comme les deux exemples les plus récents d'ingérence électorale russe, mais cette ingérence est également combinée à des opérations d'information — propagande, désinformation.
     En Moldavie, les Russes ont essayé indirectement, par l'intermédiaire d'un oligarque moldave résidant en Russie, d'acheter 300 000 voix contre la candidature de Maia Sandu à la présidence et contre le référendum sur l'adhésion ou l'intégration à l'UE. Dans un pays comme la Moldavie, 300 000 voix suffisent à faire basculer une élection, et il s'en est fallu de peu. Ils ont pu en acheter plus de 100 000 avant que les services de sécurité moldaves ne comprennent ce qui se passait et ne mettent un terme à leurs efforts. Mais ce n'est qu'un exemple.
     Un autre exemple, en Roumanie, est celui de Georgescu, ce candidat qui a remporté le premier tour de l'élection présidentielle et qui est littéralement sorti de nulle part. Un mois avant l'élection, il occupait la huitième ou la neuvième place parmi les candidats. Il n'avait aucune organisation. Il n'avait pas de financement. Il avait une présence sur TikTok qui, selon les services spéciaux roumains, les services de renseignement, a été créée et amplifiée par les Russes depuis la Fédération de Russie. Ce qui est intéressant, c'est qu'il semble que TikTok n'était pas au courant au départ, puis a essayé de prendre des mesures pour empêcher cela, mais n'y est pas parvenu.
     Bien sûr, dans le cas de la Roumanie, la question est de savoir si c'était une sorte d'effort combiné sino-russe utilisant TikTok pour promouvoir la candidature d'un candidat à la présidence roumaine anti-Europe, anti-OTAN et pro-russe. Il ne semble pas que ce soit le cas. Il semble bien qu'il y avait des empreintes russes partout, mais il ne semble pas que même TikTok et encore moins le gouvernement chinois aient participé à cet effort. La Cour constitutionnelle de Roumanie vient d'annuler le premier tour de scrutin; l'élection sera reprise.
     Encore une fois, il s'agit de deux cas où la Russie a failli faire basculer le résultat d'une élection démocratique en recourant à la désinformation et à l'ingérence.
    Nous allons devoir en rester là, madame Lambropoulos.

[Français]

     Monsieur Simard, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

     M. Simard posera ses questions en français; donc, tant que vous avez le canal de l'interprétation...
    Allez‑y, monsieur Simard.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Messieurs Bergmann et Hamilton, je vous remercie de votre présentation fort intéressante.
     Vous avez tous deux parlé du soutien ou de la collaboration que la Chine offre à la Russie.
    Quelle forme prend ce soutien ou cette collaboration de façon plus spécifique?

[Traduction]

    Je peux peut-être commencer.
     Je pense qu'à l'heure actuelle, la forme la plus importante que cela prend est que la Chine diminue effectivement l'impact des sanctions mondiales contre la Russie. Les sanctions se sont avérées très efficaces pour anéantir une économie, provoquer des souffrances économiques et appauvrir la population. La Chine atténue cet effort. Par exemple, l'industrie automobile russe s'est effondrée, mais les Russes peuvent désormais acheter de très bonnes voitures chinoises. Il en va de même pour la production industrielle militaire et de défense, comme je l'ai mentionné.
    Qu'obtient la Chine en retour? Eh bien, la Chine obtient, je pense, l'accès à la technologie militaire russe qui est plus avancée que la sienne: des choses comme les moteurs d'avion, peut-être la défense antimissile, la conception de chasseurs et d'autres technologies liées à des systèmes avancés.
    Ensuite, comme je l'ai mentionné, la Chine semble également avoir davantage accès à l'Arctique et à d'autres endroits. Je crois que nous avons souvent pensé que nous pouvions séparer ces deux pays — la Russie et la Chine — en raison du conflit qui a émergé pendant la guerre froide à la suite de la visite de Nixon en Chine. Toutefois, après la mort de Staline, ce conflit a également été alimenté par une concurrence pour le leadership au sein du monde communiste et d'une rivalité de dix ans entre la Chine et la Russie. Nous assistons aujourd'hui à un effort de plus de dix ans de la part de Poutine et de Xi Jinging pour tisser des liens. Comme les deux dirigeants croient vraiment en cette relation, je pense qu'elle est assez durable, et qu'elle s'étend au plus profond des bureaucraties, sur le plan militaire et économique.
(0945)
    Je voudrais juste ajouter que la question du soutien de la Chine à la Russie est très importante en ce qui concerne la guerre en Ukraine. Sur le plan diplomatique, la Chine soutient surtout la Russie dans ce qu'elle ne fait pas. On a dit qu'elle se reposait sur les vetos russes aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'Ukraine. Les Chinois savent que les Russes vont mettre leur veto à toute résolution appelant le retrait de la Russie de l'Ukraine ou critiquant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, alors ils s'abstiennent. C'est en quelque sorte un soutien diplomatique passif.
    Sur le plan informationnel, les opérations d'information de la Chine font très étroitement écho aux arguments avancés par la Russie pour justifier la guerre, à savoir l'élargissement de l'OTAN, l'indivisibilité de la sécurité et toutes ces choses. Sur le plan militaire et économique, je décrirais la réponse de la Chine comme un intérêt égocentrique plutôt qu'un soutien direct à la Russie. Nous savons que la Russie a demandé un soutien militaire direct. Nous ne pensons pas que la Chine l'ait fait. C'est la conclusion de tous les services de renseignement occidentaux.
     Les Chinois s'exercent davantage avec l'armée russe — au sol, en mer et dans les airs — et ils le font parce que la Russie est le seul pays de la planète qui combat actuellement un adversaire entraîné et équipé par l'Occident. Les Chinois essaient d'en tirer des leçons, car ils pensent devoir faire quelque chose de semblable à l'avenir. Cela confère une certaine légitimité aux exercices militaires russes avec la Chine, mais la Chine en tire également des avantages et des leçons.
     Sur le plan économique, oui, la Chine fournit des produits à double usage et des produits qui permettent à l'économie russe de se maintenir face aux sanctions. Franchement, il en va de même pour de nombreux autres pays de la planète, y compris plusieurs pays de l'Union européenne et d'Amérique du Nord. Ils passent simplement par des intermédiaires, comme le Kirghizistan et, jusqu'à récemment, le Kazakhstan, la Géorgie et l'Arménie.
     Les exportations de plusieurs pays de l'Union européenne vers le Kirghizistan, par exemple, ont augmenté de 2 000 à 4 000 % au cours de l'année dernière. Nous savons tous où cela va, n'est‑ce pas? Ils passent par le Kirghizistan pour aller en Russie. La Chine fait la même chose, mais directement.
     Je termine en disant que les relations économiques entre la Chine et la Russie se rapprochent de plus en plus d'une relation coloniale dans laquelle la Russie exporte des matières premières vers la Chine, telles que le pétrole et le gaz, à un prix réduit. Les Chinois achètent le pétrole et le gaz russes à un prix fortement réduit. La Russie importe ensuite des produits finis de Chine, ce qui la place de plus en plus dans une position économique subordonnée.

[Français]

    Je vous remercie.
     Sachant cela, si les États‑Unis décidaient de couper leur soutien à l'Ukraine, quel message cela enverrait-il? Cela pourrait-il augmenter la pression que la Chine exerce sur Taïwan? Cela pourrait-il changer les relations stratégiques qu'entretiennent la Chine et la Russie, en quelque sorte?

[Traduction]

    C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre en moins de 30 secondes.
    Si les États-Unis cessent de fournir une aide militaire à l'Ukraine... Soyons clairs: l'administration Biden va épuiser son budget d'aide militaire d'ici la fin de son mandat. Cela signifie que pour accorder une aide supplémentaire, le président Trump devra en faire la demande. C'est peu probable. J'ai le sentiment que la Russie tentera alors de gagner la guerre et ne sera pas très intéressée par des négociations.
     Je ne vois pas vraiment la Chine intervenir pour accroître son soutien à la Russie. Cela ne fera que renforcer la perception à Pékin que l'Occident n'est pas engagé sur le long terme. Par conséquent, même si elle se mettait à se créer des ennuis en essayant d'envahir et d'occuper Taïwan, et si cela se révélait une tâche de longue haleine, comme la Russie l'a vécu en Ukraine, après de nombreuses années, la Chine finirait par l'emporter. L'Occident n'aurait plus envie de se mêler à ce combat, ce qui confirmerait en quelque sorte la vieille vision communiste d'un Occident faible, capitaliste et matérialiste. Cela confirmerait la perception...
(0950)
     Malheureusement, nous allons devoir en rester là. Je suis désolé.
     Nous cédons la parole à Mme Mathyssen, pour six minutes.
    Je suppose que je peux reprendre à partir de là. Ma première question allait être assez similaire.
     Avec l'entrée en scène de Trump 2.0, nous pourrions observer des différences majeures. Cela pourrait modifier la menace qui pèse sur la stabilité de l'ordre mondial. Certainement, avec le nouveau secrétaire à la défense Hegseth, pourriez-vous poursuivre ce que vous disiez avant d'être interrompu, à propos de ces différences?
     La question que j'ai également posée au groupe précédent n'était pas nécessairement... Oui, il y a un potentiel de retrait de l'Occident, des États-Unis, dans ce conflit, mais qu'en est‑il de l'incidence plus importante dans la détermination de la façon dont la paix se jouera aux dépens de l'Ukraine sur le plan territorial ou autre? À quoi cela ressemblerait‑il?
    Je commence tout de suite.
     Pour compléter ce que je disais, si nous envisageons des négociations entre la Russie et l'Ukraine — les États-Unis faisant pression pour qu'elles aient lieu — la question que nous devons nous poser est la suivante: qu'est‑ce que Vladimir Poutine y gagne? Pourquoi accepterait‑il des négociations alors qu'il pense, à l'heure actuelle, qu'il est en train de gagner la guerre et que le soutien des États-Unis pourrait ne pas être au rendez-vous à long terme?
     Il a vu ce qui arrive à l'armée ukrainienne si l'aide américaine est suspendue lorsque nous avons cessé de fournir de l'aide entre le 1er octobre 2023 et avril dernier, quand nous avons enfin adopté le budget supplémentaire. L'armée ukrainienne s'est considérablement affaiblie et la Russie a réalisé d'importants gains, dont l'Ukraine essaie toujours de se remettre sur le plan militaire. Il pourrait considérer la fin de l'année 2025 comme une véritable occasion, alors que l'Ukraine sera considérablement affaiblie sur le plan militaire.
     Oui, la Russie a perdu plus d'un demi-million de soldats, mais nous le savons ici aux États-Unis: la notion fallacieuse des coûts irrécupérables s'applique lorsque vous êtes dans une longue guerre, que vous avez subi beaucoup de pertes et que vous pensez vouloir en sortir, mais vous voyez une lumière au bout du tunnel. Je pense que cette lumière au bout du tunnel pour Poutine brille de plus en plus fort à mesure que les États-Unis sont moins disposés à soutenir l'Ukraine à long terme.
    Je suis tout à fait d'accord.
     J'ajouterais qu'essayer d'inciter l'Ukraine à négocier maintenant, surtout avec la perspective du tarissement de l'aide militaire à l'Ukraine, serait une grave erreur.
     Comme l'a dit M. Bergmann, tout d'abord, qu'est‑ce qui motiverait la Russie à négocier? De nombreuses variantes d'une éventuelle stratégie de Trump pour l'Ukraine ont été évoquées. L'été dernier, Mike Pompeo et David Urban en ont lancé une, mais ni l'un ni l'autre ne fera partie de l'administration et je ne suis donc pas sûr qu'elle ait beaucoup de chances d'être retenue. Toutefois, je pense qu'il s'agissait d'une stratégie un peu plus réaliste dans la mesure où, dans un premier temps, nous renforcerions le soutien militaire à l'Ukraine en levant certaines restrictions afin d'accroître le niveau de douleur pour les Russes et de les inciter à négocier en toute bonne foi.
     Le problème de cette stratégie et de toutes les versions des stratégies de Trump pour l'Ukraine est qu'elles sont un peu irréalistes, voire naïves, en ce qui concerne l'architecture de sécurité post-conflit. Elles proposent de retarder de dix ans l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, ou de laisser simplement cette question sans réponse. Si vous laissez cette question sans réponse, vous ne faites que retarder le début d'une nouvelle guerre. La guerre reprendra dès que la Russie aura reconstitué ses capacités. Elle doit renoncer à son objectif de contrôler toute l'Ukraine, ou du moins d'en contrôler suffisamment pour rendre l'État restant instable, avec un potentiel économique et militaire presque nul et d'énormes problèmes et bouleversements sociaux et politiques.
     De plus en plus, la question la plus importante concernant la phase actuelle de la guerre entre la Russie et l'Ukraine est de savoir si l'Ukraine peut survivre militairement assez longtemps pour que les tensions de la guerre, économiquement et politiquement, commencent à se faire sentir en Russie. Je pense que le moment viendra. L'économie de la Russie a été beaucoup plus résistante que nous le pensions, mais de nombreux indicateurs pointent dans une seule direction, celle de la dégradation de l'économie russe à moyen terme et d'un possible effondrement économique.
     Encore une fois, ce sont des choses difficiles à prédire. Je ne suis pas économiste, mais tous les indicateurs récents de l'économie russe sont très négatifs. La banque centrale russe a de plus en plus de mal à soutenir l'économie et à maintenir un niveau d'activité économique, la croissance du PIB, etc.
     Forcer l'Ukraine à négocier sans inciter la Russie à s'asseoir à la table de bonne foi tout en laissant l'architecture de sécurité de l'après-guerre indéfinie serait une erreur très importante.
(0955)
    Vous avez brièvement parlé de l'Arménie et de cette partie du conflit.
    Pourriez-vous faire le point sur la situation? Comment le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'inscrit‑il dans ce contexte plus large?
    Vous disposez de 30 secondes pour un sujet tout nouveau, mais allez‑y.
    Je dirais que pour l'Arménie, il est clair que la Russie n'est pas un partenaire fiable en matière de sécurité. L'Arménie avait misé sa sécurité sur une garantie russe qui ne s'est pas matérialisée. L'Azerbaïdjan en a profité. Je pense que l'Arménie se trouve actuellement dans une situation très difficile, essayant de pivoter vers l'Ouest et de nouer des liens avec la France et les États-Unis, alors que la Turquie et l'Azerbaïdjan resserrent l'étau sur l'Arménie. Je pense qu'il y a un réel danger, notamment en raison de la façon dont les événements en Géorgie se déroulent.
     La démocratie arménienne pourrait être en difficulté. Elle a besoin d'aide parce qu'elle avait fait un mauvais pari. Je pense que le Canada, les États-Unis et l'Europe ont vraiment la possibilité de jouer un rôle important à cet égard.
    Je suis désolé. Toutes mes excuses, mais nous en sommes au deuxième tour. Il reste 25 minutes de questions à poser en 18 minutes environ, de sorte que nous n'aurons plus que quatre minutes par intervention.
     Nous allons commencer, et je suis heureux d'accorder cinq minutes. Nous aurons cinq minutes, alors allez‑y sans tarder, mais je serai vraiment impitoyable, monsieur Stewart.
     Merci, monsieur le président.
     Ma question porte sur la Syrie et sur le fait que la Russie pourrait perdre certains sites militaires par suite de la chute du régime. Je me demande si vous pouvez nous faire part de vos observations, monsieur Hamilton, puis monsieur Bergmann.
    Les deux principaux sites militaires russes en Syrie étaient la base aérienne de Hmeimim dans la province de Lattaquié et la base navale de Tartous. Ces deux sites sont très importants pour des raisons de statut et de prestige pour la Fédération de Russie, qui se perçoit comme une sorte de puissance mondiale. Elles sont également importantes pour la projection de puissance en Méditerranée orientale et en Afrique du Nord, jusqu'au Sahel.
     Ce sont les principales plateformes de projection de puissance de la Russie dans cette partie du monde. Jusqu'à présent, il ne semble pas que la Russie soit en danger imminent de les perdre. J'ai vu des évaluations d'une évacuation en cours. Je ne vois rien. Oui, des avions de transport arrivent et repartent. Oui, ils ont un peu déplacé les navires de Tartous vers le large, mais je ne vois pas l'activité qui indiquerait qu'une évacuation majeure est en cours.
     Les Russes sont très doués pour les négociations en coulisse. Je suis sûr qu'ils ont discuté avec le HTS et les autres groupes d'opposition pendant tout ce temps. Un premier ministre syrien intérimaire du régime Assad est resté en place, et je pense donc que la Russie pense pouvoir préserver son accès à ces bases. Nous verrons, mais je pense que c'est le calcul du Kremlin à l'heure actuelle.
    Oui, je suis d'accord avec cette évaluation.
     J'ajouterais qu'à mon avis, l'Occident dispose d'un bon levier ici, surtout si nous allons fournir une aide potentielle au nouveau gouvernement syrien et si nous allons le rayer de la liste des groupes terroristes. L'influence de la Russie réside simplement dans le fait qu'elle dispose de moyens militaires sur le terrain.
    J'ajouterais aussi qu'il s'agit d'une perte de prestige pour la Russie, mais le maintien de ces bases militaires est essentiel pour sa présence déstabilisatrice en Afrique, ainsi que pour sa présence diplomatique auprès des États du Golfe et des Israéliens. Les Israéliens n'ont pas fourni une aide importante à l'Ukraine au début de cette guerre, en partie à cause de la présence de la Russie, et les États du Golfe n'ont pas nécessairement été d'une grande aide lorsqu'il s'est agi d'imposer des sanctions à la Russie et de prendre d'autres mesures. Ils pourraient se montrer plus conciliants si la Russie était totalement expulsée de la région.
(1000)
    Il y a de fortes chances que la Russie redéploie ces moyens navals pour renforcer ses forces contre l'Ukraine.
    Je ne pense pas qu'elle puisse le faire, car ce serait de la provocation. Ils sont présents en Méditerranée. Ils devraient passer par le Bosphore, ce qui signifie que la convention de Montreux s'applique. Je crois savoir que les Turcs ont été assez scrupuleux en n'autorisant pas les pays belligérants dans la guerre en Ukraine à entrer dans le Bosphore, mais encore une fois, je nuance mes propos en disant que je ne suis pas non plus un expert de la Turquie.
    C'est également ce que j'ai compris.
    Si nous revenons à la situation de l'Ukraine avec la Russie, qu'est‑ce que cela dit de l'engagement des États-Unis si Trump va de l'avant et ne fournit pas plus d'aide? Qu'en est‑il de l'engagement envers le reste de l'Europe?
    Je pense que cela témoigne de l'orientation des États-Unis et je pense que le pays se tourne vraiment vers l'Indo-Pacifique. Je pense que Donald Trump, en particulier, ne considère pas l'OTAN comme particulièrement importante pour les États-Unis et c'est une position qui date de plusieurs dizaines d'années.
     Au cours de son premier mandat, il a ordonné à son secrétaire à la Défense de retirer les troupes d'Allemagne. Je pense donc qu'il existe un sentiment dominant selon lequel les États-Unis souhaitent un changement de paradigme en ce qui concerne la sécurité en Europe, de sorte que nous sommes moins disposés à y assurer la sécurité que nous l'avons été au cours des 75 dernières années et que nous voulons transférer cette responsabilité à l'Europe. Le problème est que la sécurité en Europe dépend entièrement de l'armée américaine, et la supprimer reviendrait à supprimer la colonne vertébrale, qui est très difficile à remplacer. Je pense qu'un retrait brutal, comme je crains qu'il ne se produise, plongera l'Europe dans une grande insécurité.
    Dans votre introduction, vous avez parlé d'un manque de « pensée critique » dans ce pays. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par là et comment nous pouvons y remédier?
    Je ne parlais pas du Canada en particulier, bien sûr. Je voulais parler des sociétés occidentales en général. Je voulais simplement dire que... Écoutez, la Russie est extrêmement efficace. Ce n'est plus la Guerre froide de votre grand-père ni la propagande soviétique maladroite que nous voyons dans les sociétés occidentales.
     La RAND Corporation a publié un très bon rapport datant de 2016, intitulé Firehose of Falsehood. Il traite de la désinformation russe. On y évoque quatre caractéristiques: un volume important, une diffusion multicanal et l'absence d'engagement, tant à l'égard de la cohérence que de la vérité objective.
     L'idée est que la Russie n'essaie pas d'amener le public occidental à se faire une image positive de la Russie, à être d'accord avec la position russe ou à penser que la Russie dit la vérité; elle essaie de miner complètement la notion de vérité objective et de faire croire au public occidental que tous les gouvernements mentent tout le temps et que, par conséquent, ce que mon gouvernement dit n'est pas plus légitime que ce qui émane du Kremlin. Il faut faire preuve d'esprit critique pour démêler la vérité objective, qui existe toujours, de tout le reste.
     Malheureusement...
    D'accord, et malheureusement, nous allons encore nous en tenir là. Je dois vous arrêter et vous présenter mes excuses. Ça me déchire.
     Nous sommes au deuxième tour.
     Madame Lalonde, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
     Merci à vous deux.
     J'aimerais en savoir un peu plus sur ce que vous pensez de la réaction de la Russie au régime d'Assad et à sa chute. Est‑ce que vous anticipez un repositionnement de la Russie?
     Mon collègue a mentionné l'Ukraine. Je suis plus intéressée de savoir si nous anticipons que la Russie redéploie certains de ses moyens militaires dans l'Arctique ou en Afrique. Peut-être trouvera-t-elle d'autres options au Moyen-Orient pour continuer à avoir une certaine « puissance », et je le mets entre guillemets.
    Oui. Je pense que ce que la Russie tentera de faire... Par ailleurs, il reste à voir si elle sera complètement expulsée. Je pense que dans un premier temps, elle tentera de maintenir sa présence en Syrie. Si on l'en expulse, je pense qu'elle se mettra en mode démarchage, à gauche et à droite, pour tenter de conclure un accord, peut-être à Tobrouk en Libye, ou peut-être au Soudan.
     Ce qu'il faut retenir, c'est que la Russie a besoin d'un port naval où elle peut soutenir ses forces en Afrique et ses sous-traitants militaires privés. C'est essentiel pour les services de soutien à des régimes autoritaires que la Russie fournit, essentiellement, à de nombreux dirigeants africains. Je pense que pour elle, ces services sont un outil géopolitique vital pour créer potentiellement de l'instabilité, des flux migratoires et d'autres conséquences qu'elle pourrait utiliser comme levier face à l'Europe et déstabiliser la politique européenne.
(1005)
    Je dirais simplement que le Soudan est l'endroit le plus probable. Après des années de valse-hésitation, la Russie et le Soudan ont finalement conclu un accord pour l'installation d'une base navale russe à Port-Soudan, sur la mer Rouge. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour que cette base soit opérationnelle, mais à mon avis, ce serait l'endroit le plus évident où la Russie pourrait s'installer si elle devait quitter la Syrie.
    Je vous remercie.
     Vous avez mentionné — et ça m'a beaucoup plu — que l'Ukraine doit gagner et qu'elle se bat pour le Canada et tous les alliés de l'OTAN. C'est ce que nous avons entendu à maintes reprises de la part de plusieurs autres pays. Nous avons discuté de la possibilité d'un retrait de l'aide militaire américaine. À mon avis, ce serait un moyen de dissuasion et une très mauvaise décision de la part des dirigeants jusqu'au président élu Trump.
     À quoi ressemble une victoire pour vous? Qu'est‑ce qu'une victoire? Je pense que perdre du territoire n'est pas une victoire, mais j'aimerais vraiment entendre votre opinion sur ce à quoi ressemble une victoire.
    Pour moi, je pense que cela remonte à 10 ans et à l'origine du conflit. Je pense qu'il s'agit pour l'Ukraine de réaliser son avenir européen et, à terme, d'adhérer à l'Union européenne, d'être un État démocratique libre et libéral et de faire partie de l'Europe.
     Je pense que cela peut se faire avec des concessions territoriales, donc que l'Ukraine conserve le Donbass ou la Crimée — du moins de mon point de vue d'Américain — n'est pas l'élément pertinent. Il s'agit de préserver sa souveraineté, son statut démocratique et son avenir européen. Je pense que les négociations peuvent aboutir, sous réserve de concessions territoriales. La pilule sera dure à avaler, mais je pense que l'accent doit être mis sur la préservation de la démocratie ukrainienne et de la liberté de l'Ukraine de choisir son propre avenir.
    Je suis tout à fait d'accord, sauf qu'aucun politicien ukrainien ne peut le dire à haute voix à l'aube des négociations, évidemment. Cependant, il y aura un espace de négociation qui mènera probablement à un résultat, je pense, dans lequel les troupes russes resteront sur une partie du territoire ukrainien.
     Je pense que la déclaration de Welles constitue une bonne analogie. Tout au long de la Guerre froide, les États-Unis n'ont jamais reconnu l'incorporation de la Lituanie, de la Lettonie et de l'Estonie dans l'Union soviétique. Cela peut sembler une réponse faible ou diplomatique à une occupation militaire, mais elle a eu des conséquences juridiques lorsque l'Union soviétique s'est effondrée, en ce sens qu'il s'agissait d'une reprise des relations diplomatiques avec ces trois pays et non de leur établissement, comme ce fut le cas avec toutes les autres républiques soviétiques, à l'exception de la Russie. Par conséquent, je pense qu'il serait souhaitable de faire quelque chose d'analogue en ce qui concerne l'occupation russe de l'Ukraine.
    Lors d'un forum public auquel j'ai eu le plaisir de participer, il a été mentionné que le territoire actuellement occupé par la Russie est également riche en minéraux critiques. Quand je pense aux minéraux critiques et à l'avenir du monde, je crois que ces actifs devraient demeurer en Ukraine, qui est un pays démocratique, comme vous l'avez dit. Comment le fait de laisser ce territoire à la Russie peut‑il être considéré comme une victoire pour l'OTAN ou les États-Unis d'Amérique?
    Je pense que c'est un résultat très négatif et la question plus générale pour l'Ukraine est de savoir si continuer à se battre pour essayer de reprendre ce territoire, et les coûts potentiels que cela pourrait entraîner en valent la peine. Je pense qu'il est possible de négocier, surtout au vu de l'état de l'armée et de l'économie ukrainiennes, de sorte que la Russie pourrait considérer cela comme une victoire.
     Par contre, je dirais aussi que c'est là que le maintien des sanctions contre la Russie et notre position à l'égard de la Russie en tant que menace sont essentiels, donc je ne considérerais pas nécessairement cela comme une victoire pour la Russie si elle occupe ce territoire. Ce n'est pas un bon résultat pour l'Ukraine, mais il se peut que nous nous trouvions dans une situation où l'Ukraine envisage des résultats « peu reluisants », surtout si les États-Unis vacillent dans leur soutien à l'Ukraine.
(1010)
    Je n'ai rien à ajouter. Je suis d'accord.
    Monsieur Simard, c'est à vous pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Hamilton, tout à l'heure, en répondant à une question de mon collègue qui portait sur la désinformation, vous avez dit qu'on tentait de miner l'idée de vérité objective.
    Quelle forme cela prend-il? À quoi s'attaque-t-on? Essaie-t-on de réduire la confiance envers les institutions? Veut-on s'immiscer dans des débats politiques? Cherche-t-on à influencer des groupes de la société civile?

[Traduction]

    Je commencerai par la dernière question.
     Oui, les Russes s'adressent à la fois à l'extrême droite et à l'extrême gauche dans la plupart des sociétés occidentales. Je pense que leur préférence idéologique va à l'extrême droite, mais ils sont très instrumentaux dans la manière dont ils le font, et ils s'adressent aussi à des groupes d'extrême gauche. L'idée est de déstabiliser les sociétés et non forcément de faire en sorte que la plupart des membres d'une société soient d'accord avec la vision idéologique de la Russie sur le fonctionnement du monde.
     C'était similaire pendant la Guerre froide. L'Union soviétique a fait la même chose. Il est vrai que la plupart de ses contacts se faisaient avec l'extrême gauche dans les sociétés occidentales, mais elle a également tendu la main à des groupes d'extrême droite et les a financés. L'idée, une fois encore, est de déstabiliser et d'amener les Occidentaux à renoncer à l'idée d'une vérité objective. L'objectif est de provoquer la paralysie. Si vous renoncez à l'idée d'une vérité objective, vous ne savez pas qui a raison ou qui a tort, vous êtes paralysé et vous ne pouvez pas réagir à ce que font les Russes. Je pense que c'est l'objectif.

[Français]

     À votre connaissance, y a-t-il des opérations qui ont un certain succès?
    Y a-t-il une façon de documenter l'influence que peut avoir la Russie grâce à ce type de méthode et aux nouveaux moyens de communication? Y a-t-il des indicateurs qui permettent de savoir si cela fonctionne?
    S'agit-il d'un phénomène qui, somme toute, a une influence minime?

[Traduction]

    Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de données fiables, car il est difficile de déterminer exactement combien de votes ont été influencés.
     Je citerai à nouveau les deux exemples récents de la Moldavie et de la Roumanie. Nous savons que l'argent lié à la Russie a essentiellement acheté plus de 100 000 voix moldaves lors des dernières élections. L'argent et les opérations d'influence russes ont également permis l'ascension d'un candidat d'extrême droite roumain. Il est parti de rien — les sondages étant à la limite de l'insignifiance statistique — pour obtenir plus de 22 % des voix et remporter le premier tour de l'élection présidentielle roumaine.
    Je vous remercie.
     Madame Mathyssen, vous disposez de deux minutes et demie.
    M. Hamilton n'a jamais eu l'occasion de répondre à la question sur l'Arménie et l'Azerbaïdjan. J'aimerais lui en donner l'occasion.
     Je vous remercie.
    Bien sûr.
     Le sud du Caucase est l'une des régions du monde que je préfère. J'ai vécu en Géorgie et j'ai travaillé à l'ambassade des États-Unis pendant près de quatre ans.
     L'Arménie a malheureusement choisi le pire moment pour son virage à l'Ouest. Bien sûr, elle n'a pas choisi les conditions géopolitiques qui ont mené à son virage à l'Ouest. Si l'on jette un coup d'oeil sur la carte, on constate que l'Arménie a quatre voisins. Elle n'a pas de relations diplomatiques avec la Turquie. L'Azerbaïdjan vient de la vaincre dans une guerre. L'Iran est sa meilleure relation bilatérale, mais à l'échelle mondiale, l'Iran est vu comme un État voyou à bien des égards. Il reste la Géorgie, qui a toujours été la fenêtre de l'Arménie sur l'Ouest. La Géorgie est peut-être un autre endroit où les opérations d'influence russes ont été couronnées de succès. Le gouvernement géorgien est de plus en plus anti-occidental et autoritaire. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de Tbilissi depuis plus de deux semaines, sans relâche, depuis que le gouvernement géorgien a annoncé qu'il suspendait son processus d'adhésion à l'UE et rejetait l'aide de l'UE après avoir manipulé les élections parlementaires d'octobre pour s'octroyer une victoire.
     L'Arménie est dans une position très difficile. Comme M. Bergmann l'a dit, elle cherche des partenaires. La Russie n'est manifestement pas fiable. Sur place, je dis aux Arméniens: « Ne pensez pas non plus que l'Occident est un garant fiable de la sécurité, car nous ne le sommes pas ». Les intérêts en jeu ne sont pas suffisamment importants pour que nous venions en aide à l'Arménie si elle est à nouveau attaquée. L'Arménie doit diversifier ses partenariats. Elle doit compter au sens diplomatique et économique et avoir des relations économiques et diplomatiques fortes avec des pays du monde entier.
     Les relations entre l'Arménie et l'Inde ont connu un véritable essor ces dernières années, y compris en matière de défense. Je pense que l'Arménie est aujourd'hui la première destination des exportations d'armes militaires de l'Inde.
     La situation est difficile dans l'ensemble du Caucase du Sud, et en Arménie en particulier. Le moment est très mal choisi pour se tourner vers l'Ouest.
(1015)
    Monsieur Bezan, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier les témoins de participer à notre réunion et de nous aider à nous renseigner.
     J'aimerais parler un peu de la position de la nouvelle administration.
    Nous avons parlé de l'Ukraine. Bien des gens pensent que Trump va être aussi dur avec Poutine pour parvenir à une solution pacifique en Ukraine, mais il y a un autre calcul ici. M. Trump a également tenu des propos très durs à l'égard des pays BRICS et de leur désir de remplacer le dollar américain comme monnaie mondiale. Il s'est montré assez agressif dans sa rhétorique à l'égard de ces pays et sur la destruction de leurs économies.
     Cela le rendra‑t‑il encore plus agressif lorsqu'il traitera avec Vladimir Poutine sur la question de l'Ukraine, en raison des politiques monétaires?
    C'est une très bonne question.
     J'ai lu avec intérêt les déclarations de Trump à propos des pays BRICS et je ne pense pas nécessairement qu'il liera les deux aussi étroitement. Il va probablement bifurquer et s'occuper de la Russie séparément.
     En ce qui concerne la Russie et l'Ukraine, je crains qu'il n'y ait un effort pour négocier avec Moscou en faisant fi des Ukrainiens, du Canada et de nos alliés européens. Je constate que l'administration s'efforce de mettre fin à la guerre, mais pas nécessairement dans les meilleures conditions pour l'Ukraine.
     En ce qui concerne les pays BRICS et le système monétaire international, la question du dollar comme monnaie de réserve des banques centrales est très pertinente. À bien des égards, les renseignements sont contradictoires. D'un côté, nous voyons la Russie et la Chine travailler activement à la création d'un système de rechange et la résilience de l'économie de la Russie jusqu'à présent laisse entrevoir une capacité à se diversifier quelque peu en délaissant le dollar, mais d'un autre côté, lorsqu'il y a une crise économique, tout le monde veut se tourner vers le dollar, et le dollar reste incroyablement fort. Il reste la monnaie de réserve des banques centrales qui donne aux États-Unis un grand effet de levier, car les gens veulent faire partie du système financier américain.
     Je ne vois pas vraiment le Brésil et l'Inde se ranger du côté de la Chine et de la Russie et peut-être aller dans cette direction, mais c'est quelque chose que de nombreux experts du système financier mondial suivent de près pour voir comment la situation évoluera au cours des prochaines années.
    Je suis d'accord. Je pense que l'administration Trump divisera ou bifurquera ses réponses aux pays du BRIC et à la dédollarisation en Ukraine. Ce qui importe aux BRICS, ce sont les enjeux économiques et je pense que c'est ce qui aura préséance dans l'administration Trump. Les États-Unis mèneront le bal en jouant de l'instrument économique.
     Il ne faut pas oublier que Trump a été destitué à cause de l'Ukraine. L'Ukraine est une affaire personnelle pour lui, je pense donc qu'il la mettra dans une corbeille à part.
    Merci pour cette réponse.
     Je pensais simplement qu'il pourrait appliquer aussi sa rhétorique musclée à l'Ukraine. J'espérais que les rencontres qu'il a eues avec Zelensky renforceraient la position de l'Ukraine dans les négociations potentielles visant à mettre fin à la guerre.
     J'aimerais revenir sur la Syrie et la chute du régime Assad. Nous avons parlé du port de Tartous que la marine russe utilise. Compte tenu des intérêts de la Turquie en Syrie et de l'effondrement du régime, pensez-vous qu'elle s'opposerait à ce que la Russie poursuive ses opérations en Syrie?
    Je pense que la Turquie souhaiterait très probablement que les bases russes disparaissent, parce que la Turquie et la Russie se trouvaient dans des camps opposés du conflit.
     Cela dit, la Turquie et la Russie sont en quelque sorte des « ennamis », dans la mesure où elles ont établi des relations de travail très fortes et solides alors qu'elles s'opposent à bien des égards en raison de leur situation géographique historique.
     La Turquie pourrait être un pays utile pour faire pression en faveur de l'expulsion des bases russes, mais nous verrons si Erdogan et Poutine sont au diapason. Nous ne le saurons peut-être pas, mais cela pourrait être l'un des premiers appels de Poutine en réponse à l'effondrement d'Assad.
(1020)
    Je suis très surpris que nous n'ayons pas vu la flotte russe traverser la Méditerranée, se rendre dans les pays baltes et revenir à Saint-Pétersbourg, et que nous n'ayons pas vu la Russie rapatrier tous les avions stationnés en Syrie. L'impact à long terme des opérations mercenaires brutales de la Russie en Afrique menées à l'origine par Wagner sera également fortement compromis, n'est‑ce pas?
    Je suis désolé, mais nous devons en rester là.
    C'est ce que je présume.
    Très bien.
     Monsieur Powlowski, c'est à vous.
    Vous avez tous deux parlé de la collaboration entre la Russie et la Chine, et nous avons également commencé à parler de la zone BRICS. Je me demande comment nous devrions traiter avec eux. Il est évident que la Russie et la Chine sont de gros morceaux de la zone BRICS, alors dans quelle mesure pensez-vous qu'en soi, la zone BRICS en soi contribue à miner l'ordre juridique international, étant donné la place centrale que la Russie et la Chine occupent au sein de cette organisation? Quelle devrait être notre réponse aux pays BRICS?
     Je pense que les BRICS essaient de séduire un grand nombre de pays à revenus faibles et moyens pour qu'ils adhèrent à cette alliance mondiale contre l'Occident. Il est certain qu'ils essaient de gagner les faveurs de l'Afrique, notamment.
     En faisons-nous assez pour essayer de contrer cela et de gagner la faveur et l'allégeance des pays, en particulier en Afrique?
    Ma réponse courte serait non, je ne pense pas que nous en fassions assez.
     Je pense qu'une partie de ce que la formation et l'élargissement de la zone BRICS mettent en évidence, c'est qu'il n'y a pas eu assez d'efforts pour entamer un véritable dialogue avec le Sud mondial ou d'autres pays dans le cadre de l'architecture internationale mondiale, comme nous l'appellerions.
     Nous avons vu l'administration Biden carrément doubler la mise sur le G7 — le G7 est un format incroyablement important — mais sans vraiment créer un forum qui inclurait beaucoup de nos partenaires démocratiques ou des pays avec lesquels nous voulons nous engager davantage dans le monde en développement ou l'hémisphère sud ou quel que soit le nom que l'on veut utiliser. Il s'agit en particulier du Brésil, de l'Inde et de l'Afrique du Sud ainsi que d'autres pays comme le Sénégal.
     Je pense qu'il s'agit d'une sorte d'angle mort, et c'est là que la Chine et la Russie ont en quelque sorte pris l'initiative d'essayer de rééquilibrer l'architecture internationale mondiale et d'élargir la zone BRICS. Il s'agit d'un groupe diversifié et je pense que nous devons y être très attentifs à l'avenir, car c'est une autre façon de définir les normes et les règles du jeu du système international.
    Je suis d'accord. J'ajouterais seulement deux petits points.
     Tout d'abord, plus la zone BRICS s'élargit — depuis cette année, il comprend l'Égypte, l'Éthiopie, l'Iran et les Émirats arabes unis — plus il sera difficile de parvenir à un consensus.
     Deuxièmement, avec la Chine et la Russie, les deux plus grands pays de la zone BRICS, je pense qu'il existe une différence fondamentale quant à l'objectif de l'organisation. La Russie tente d'en faire explicitement une organisation anti-occidentale. La Chine et de nombreux autres membres fondateurs, je pense, ne sont pas d'accord avec cette vision et il y a donc un certain décalage entre leurs positions.
    Merci, monsieur Powlowski.
     Il nous reste encore quelques minutes, je vais donc conclure.
    Notre plus célèbre hockeyeur et philosophe politique est un certain Wayne Gretzky. On s'en souvient, c'est lui qui a dit qu'il faut se diriger vers l'endroit où sera la rondelle, et non là où elle est.
     Premièrement, j'aimerais que vous me disiez tous les deux où va la rondelle en ce qui concerne la place des Kurdes en Syrie, et surtout, si vous pensez qu'il y aura une réduction des ressources américaines dans ce pays.
     Deuxièmement, que peut‑on attendre d'Erdogan, en particulier en ce qui concerne le gouvernement de la Syrie?
     Troisièmement, vous avez beaucoup parlé des Russes, je pense donc que vous avez répondu à cette question.
     Quatrièmement, je pense que la grande inconnue ici est Israël et ce que l'on pourrait en attendre.
     Sur trois de ces quatre points, où va la rondelle à court terme, en 25 mots ou moins?
(1025)
    Je pense que la plus grande préoccupation de la Turquie est liée aux SDF, les Forces démocratiques syriennes, l'organisation politico-militaire soutenue par les États-Unis qui contrôle essentiellement un tiers de la Syrie. Tout ce qui se trouve au nord et à l'est de l'Euphrate est de facto sous le contrôle des SDF.
     La Turquie a déjà attaqué des bataillons des SDF depuis la prise de contrôle du HTS et depuis le déblocage de la situation militaire sur place. Je pense que cela reste à voir. Les États-Unis sont présents aux côtés des SDF, légalement, pour détruire et empêcher la réapparition de Daech. Il devra y avoir des discussions sérieuses, en coulisses, je suppose, entre les États-Unis et la Turquie sur l'avenir de l'est de la Syrie. À l'heure actuelle, personne à Damas ne contrôle cette région; elle est sous le contrôle local des SDF.
     Israël a déjà mené une incursion limitée en Syrie.
     J'étais en Israël en 2018, sur le plateau du Golan. À l'époque, un groupe d'opposition sunnite contrôlait la province de Daraa en Syrie. L'officier de l'armée israélienne qui nous accompagnait a dit qu'ils étaient plus à l'aise avec ce groupe qu'avec le régime Assad de l'autre côté de leur frontière, parce que là où le régime Assad se pointe, les Iraniens se pointent aussi. Je pense qu'Israël se réjouit probablement de la chute du régime Assad et de l'effondrement de l'influence iranienne en Syrie, mais il surveille de très près la situation de l'autre côté de la frontière.
     Je pense que je vais m'arrêter là, car je n'ai pas beaucoup d'expertise dans les deux autres domaines.
    Je pense que je vais m'en tenir à Israël.
     Israël dispose d'outils militaires considérables et, d'une certaine manière, a mis le Moyen-Orient dans une situation où il a besoin de plus d'outils politiques. En ce qui concerne la situation au Liban, par exemple, on pourrait espérer que les forces armées libanaises soient en mesure d'exercer un plus grand contrôle sur le Hezbollah et qu'un véritable processus d'édification de l'État s'y produise. Il en irait de même en Syrie.
     Cela nous amène à l'Iran. Quelle conduite tiendra l'Iran à partir de maintenant? Pour l'instant, l'Iran se fait plutôt discret. Il y a une réelle inquiétude que l'Iran puisse considérer sa faiblesse comme une nécessité de se tourner vers l'arme nucléaire ou comme une ouverture potentielle pour de nouveaux pourparlers avec l'administration Trump. Je ne sais pas si l'administration Trump en aura envie. Je pense qu'il y a probablement une ouverture étant donné que les Iraniens sont faibles et qu'ils seraient prêts à discuter.
     Nous verrons ce qu'Israël fera, parce qu'Israël aura beaucoup d'influence, je pense, sur l'orientation du Moyen-Orient et sur la politique américaine à l'égard de l'Iran et de la région.
    Je vous remercie tous les deux pour vos réponses très réfléchies. La discussion a été riche et je sais que mes collègues vous en sont reconnnaissants. Je vous remercie de vous être rendus disponibles.
     Sur ce, la séance est levée.
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