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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Comme le président l'a mentionné, je suis en compagnie du major-général Erick Simoneau, chef d'état-major, Conduite professionnelle et culture, qui a été à l'avant-plan de la modernisation de notre système de griefs, et du brigadier-général Rob Holman, notre juge-avocat général.
Je vous remercie de m'offrir l'occasion d'aborder la modernisation de notre système de règlement des griefs, effort qui s'inscrit dans un vaste mouvement à l'échelle de l'institution visant à faire évoluer notre culture militaire.
[Français]
Cet effort, allant d'initiatives générales des Forces armées canadiennes à des projets locaux réalisés à bord de navires, dans des bases et des escadres, voire lors de déploiements, a pour but de garantir que notre institution satisfait aux attentes des militaires actuels et futurs, ainsi que du public canadien, tout en veillant à ce qu'elle se conforme à leurs valeurs.
[Traduction]
Nous devons œuvrer sans relâche pour faire régner un climat empreint de respect, d'inclusivité et d'intégrité dans toute l'organisation. Il en va de même pour la bonne forme physique et le centre de conditionnement physique: ce n'est pas parce qu'on se rend une fois dans un centre de conditionnement physique qu'on peut se considérer en bonne forme physique. Nous devons déployer un effort continu. Nos efforts en vue de moderniser notre institution, de modifier la façon dont nous traitons avec les gens et de poursuivre notre évolution se doivent aussi d'être continus.
Cela est fermement ancré dans les valeurs et les principes éthiques énoncés dans « L'éthos des Forces armées canadiennes: digne de servir », document jetant les fondements de notre profession militaire, que nous avons partagé avec nombre de nos alliés, à leur grande satisfaction.
Les Forces armées canadiennes ont entrepris des réformes générales. La modernisation de nos processus de règlement des griefs et des plaintes fait partie intégrante du présent effort. Par exemple, le système de règlement des griefs des FAC est encore modelé sur un système datant de l'ère industrielle, selon lequel les organisations privilégient la stabilité et la prévisibilité au détriment de l'adaptation et de la rapidité, bien que celles‑ci soient essentielles pour réussir dans l'ère de l'information actuelle. Notre intention, c'est de faire en sorte qu'il soit plus facile pour nos militaires de déposer un grief, de même que de veiller à ce que le système corresponde davantage à leurs inquiétudes et à leurs circonstances, et de remédier à leurs préoccupations en temps opportun. En fait, nous avons accompli d'importants progrès pour rationaliser les processus, accroître l'accessibilité et nous assurer que tous les militaires jouissent d'un processus équitable et impartial aux fins du traitement de leurs griefs.
Par exemple, nous avons lancé il y a deux mois le formulaire numérique de présentation de griefs. Celui‑ci vise à simplifier, à normaliser et à rationaliser les processus de présentation et de résolution des griefs. Les rapports initiaux à ce sujet sont positifs. Par ailleurs, nous œuvrons à la mise sur pied d'un nouveau centre d'expertise sur les griefs à l'automne de cette année. Le centre permettra aux militaires comme aux chaînes de commandement de communiquer directement avec des spécialistes dans le domaine des griefs; ils jouiront ainsi d'un soutien direct relativement à la présentation et au règlement des griefs. Le centre nous permettra aussi de repérer les problèmes systémiques dans l'ensemble de l'institution et de justifier la raison d'être de mesures rapides.
Cependant, nous n'attendons pas la mise en œuvre de solutions parfaites avant de nous adapter au nouvel environnement. Nous avons récemment lancé un processus pilote dans le but de résorber l'arriéré de dossiers du système de règlement des griefs. Il s'agit d'un moteur clé des efforts visant la transformation de notre système de règlement des griefs. Grâce au soutien d'une équipe multidisciplinaire diversifiée formée de dirigeants militaires et civils, ainsi que d'experts en politiques, nous avons atteint deux objectifs généraux dans le cadre du projet pilote.
En premier lieu, nous avons réussi à réduire considérablement l'arriéré de dossiers de griefs. Le projet pilote nous a permis d'amorcer les étapes nécessaires à la mise au point définitive d'un nombre important de dossiers au fil des semaines et des mois à venir.
En second lieu, nous tirons parti des nouveaux outils et des leçons tirées au cours du projet pilote, afin d'orienter nos efforts généraux en matière de transformation du système de règlement des griefs. Cet effort de réduction de l'arriéré de griefs a été mené par le général Simoneau, qui pourra vous en parler plus en détail. Le recours croissant au règlement à l'amiable, les communications directes avec les responsables des politiques et les commandants, et la mise en œuvre de nouveaux pouvoirs délégués s'inscrivent dans le projet pilote. Nous pouvons nous fonder sur ces éléments pour rationaliser le système de règlement des griefs des FAC et veiller à ce qu'il soit plus rapide et mieux adapté aux plaignants individuels.
[Français]
Nous travaillons à la mise en œuvre de la recommandation 10 du rapport Arbour, une recommandation selon laquelle les griefs liés à l'inconduite sexuelle doivent être classés par ordre de priorité et traités rapidement. Nous nous attendons à ce que notre réponse à la recommandation soit entièrement mise en œuvre d'ici la fin de l'année.
[Traduction]
L'efficacité et l'indépendance des organes d'examen, par exemple le Comité externe d'examen des griefs militaires et le bureau de l'Ombudsman, font également partie intégrante du travail que nous menons à ces égards. Ce sont deux organes avec lesquels je discute régulièrement. Ces organes indépendants, parmi d'autres, assurent les examens nécessaires et les analyses indépendantes qui garantissent l'évolution et l'amélioration continues des Forces armées canadiennes. Nous avons pour objectif de mettre au point des solutions adaptées aux besoins de nos militaires qui correspondent aux pratiques exemplaires sur le plan du règlement des griefs et de l'excellence organisationnelle. Nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses. C'est pourquoi il est si important de communiquer avec des experts externes et d'être ouvert à ces conseils.
Il est primordial pour nous d'assurer le bien-être des membres de notre personnel et d'éliminer tout obstacle systémique qui entrave leur capacité de demander réparation sans crainte de représailles. Le système doit notamment offrir un accès opportun et transparent aux décisions relatives aux griefs, tout en protégeant les renseignements personnels dans la mesure du possible. Les FAC sont résolues à moderniser davantage le système de règlement des griefs et les soins fournis à notre personnel. Notre efficacité opérationnelle repose sur le travail d'équipe et la cohésion, qui à leur tour sont fondés sur la confiance — confiance en un système qui veillera sur eux. Étant donné la détérioration du contexte de sécurité à l'échelle mondiale, cette confiance est essentielle. Nous devons continuer à avancer et nous projeter dans l'ère de l'information.
Je vais changer de sujet et parler un peu de vous. Je tiens à témoigner de ma profonde gratitude à l'égard des estimés membres du Comité permanent de la défense nationale; ces derniers font preuve d'un dévouement et d'un engagement inébranlables envers la surveillance rigoureuse des questions qui touchent le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Au moment où je m'adresse à vous aujourd'hui, je reconnais l'immense privilège de pouvoir contribuer à l'important travail réalisé par ce comité. Le professionnalisme constant dont vous faites preuve, de même que l'examen exhaustif de la législation et l'étude minutieuse des politiques et des programmes que vous avez réalisés ont sans l'ombre d'un doute renforcé les capacités de défense de notre pays.
J'ai souvent dit que l'un des piliers du professionnalisme militaire dans une démocratie est sa soumission au pouvoir civil dûment élu. Nous devons garder cela constamment à l'esprit et adopter cette règle. Vous contribuez à maintenir cet impératif.
Comme le président l'a dit, il s'agit tout probablement de la dernière fois que je m'adresserai au Comité. J'affirme être sincèrement reconnaissant d'avoir eu cette précieuse occasion de collaborer avec vous au service de notre pays. J'ai pleinement confiance en l'excellence continue du Comité dans ses efforts, et je crois sincèrement que quiconque sera désigné par le gouvernement pour me succéder fera montre du même engagement envers vous. Je vous souhaite tous bon succès dans vos projets.
Au crépuscule de ma carrière, comme je l'ai mentionné ce midi à un groupe de jeunes étudiants, y compris un groupe de jeunes élèves-officiers, dans mon deuxième discours de la journée — je crois que j'en suis à mon quatrième —, je sais qu'il s'agit d'une institution en plein essor. Malgré tous les défis, les sombres nuages qui se profilent à l'horizon et la détérioration de la sécurité à laquelle nous faisons face partout dans le monde, je suis convaincu que cette institution est sur la bonne voie. Comme je l'ai dit à cette nouvelle génération de dirigeants, je les envie. Je suis jaloux des défis auxquels ils vont faire face, parce que c'est le parcours qui compte, et je referais tout cela sans hésiter.
Je vous remercie de votre engagement indéfectible à la sûreté et à la sécurité du Canada. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Général Eyre, je tiens à vous remercier de votre service et de votre rôle incroyables à titre de chef d'état-major de la défense, ainsi qu'à souligner l'ensemble de votre carrière militaire. Nous vous sommes tous très reconnaissants d'avoir assumé ce leadership pendant certaines périodes difficiles, qu'il s'agisse de la COVID, de la guerre en Ukraine ou du monde de plus en plus dangereux dans lequel nous semblons vivre. Nous essayons de tirer parti de la situation, malgré les budgets serrés et les compressions budgétaires, ainsi que toutes les autres choses qui se sont produites au sein des Forces armées canadiennes.
Vous avez pris les rênes dans la tourmente qui a touché l'ensemble des FAC, par suite du passage de l'un de vos prédécesseurs. Merci d'être venu, d'avoir stabilisé ce navire et d'avoir fait avancer les troupes dans la bonne direction.
Nous sommes ici pour parler de transparence, et vous avez abordé cela dans votre déclaration préliminaire. Le président et moi-même avons pris la parole la semaine dernière à la conférence sur le renseignement de défense, et l'une des préoccupations que j'ai soulevées... Nous voulons nous assurer que les Canadiens comprennent l'importance des Forces armées canadiennes, la situation dans laquelle nous nous trouvons et la façon dont nous pouvons changer la perception du public. Cela dépend en grande partie de la classification et de la surclassification de l'information. Pour faire comprendre aux Canadiens le contexte de la menace, nous devons être plus directs en ce qui a trait à l'information. Ce comité, n'a évidemment pas d'habilitation de sécurité, alors l'information partagée autour de cette table et l'information partagée avec le public sont limitées et seulement de source ouverte.
Croyez-vous qu'il faut changer la façon dont les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale traitent l'information, afin que nous puissions nous assurer que le public est d'accord avec les dépenses, les investissements et les missions que nous devons faire pour assurer la sécurité des Canadiens?
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C'est une opinion que je partage et que j'ai exprimée à maintes reprises au cours des années où j'ai siégé à ce comité.
Richard Shimooka, qui a comparu devant le Comité, a dit:
La compréhension que la population a de l'armée n'a jamais été aussi mauvaise et elle contribue à son manque de soutien, ce qui est en partie attribuable au manque de renseignements accessibles et aux relations devenues confrontationnelles entre le gouvernement et les organes indépendants en matière d'accès à l'information.
J'aimerais ajouter que nous devons nous assurer que les demandes d'accès à l'information sont traitées de façon plus efficace. Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai dû attendre plus de cinq ans pour certaines de mes demandes d'accès à l'information présentées par le passé. J'en ai présenté cinq au cours de ces cinq années, et certaines ont attendu jusqu'à sept ans. Quatre d'entre elles ont finalement obtenu réponse parce que Bill Matthews et se sont présentés devant le Comité et ont entendu mes plaintes. Elles ont soudainement reçu une réponse comme par magie.
Nous avons entendu des anciens militaires et des militaires actifs nous parler de toutes les difficultés auxquelles ils ont fait face, allant des demandes d'accès à l'information au Comité externe d'examen des griefs militaires. La commissaire à l'information elle-même, qui, comme vous le savez, a traduit le ministère de la Défense nationale et le ministre devant les tribunaux à trois reprises, affirme que les problèmes sont les mêmes et que la situation n'a pas beaucoup changé. Elle a travaillé au Comité externe d'examen des griefs militaires il y a plus de 10 ans.
Avez-vous discuté avec le et le sous-ministre de la nécessité de prioriser l'information et du fait que, comme nous le savons, l'effectif de ce comité n'est pas complet à l'heure actuelle? Si nous voulons bien représenter et défendre nos troupes, il faut tout d'abord que ce comité agisse plus rapidement et, en deuxième lieu, qu'il dispose d'un effectif complet de membres.
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Il y a deux aspects à cela.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'AIPRP, je conviens que nous devons faire mieux. Il y a un certain nombre d'efforts que nous déployons du côté du ministère pour accélérer les choses, que ce soit du point de vue de la technologie et de la gestion de l'information, ou encore des processus et de la capacité du personnel.
Vous vous interrogez au sujet des conversations. Demain, au Comité de gestion de la Défense, qui est coprésidé par moi et le sous-ministre, ce sera l'un des points à l'ordre du jour. Notre secrétaire générale nous expliquera comment nous allons améliorer les choses dans les nombreux secteurs d'activité.
En ce qui concerne votre question au sujet de ce comité, oui, nous devons nous assurer qu'il a la capacité nécessaire, mais nous devons aussi veiller à lui fournir les bons griefs à examiner, afin de ne pas le submerger, et faire en sorte que sa précieuse capacité serve aux griefs comportant le plus de retombées positives.
Je vais demander au général Simoneau de vous parler de cela plus en détail.
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Pour ce qui est des dépenses, elles relèvent davantage du ministère, sous la gouverne du sous-ministre, et elles sont clairement détaillées dans les rapports annuels que nous publions pour le Parlement. Je ne sais pas s'il a eu l'occasion, lors de son témoignage ici, de vous en parler plus en détail, mais il est probablement la meilleure source d'information financière détaillée. Cela ne relève vraiment pas de ma responsabilité.
Pour ce qui est de nos propres activités, dans le domaine de la protection de la force et de la sécurité opérationnelle, nous devons continuer de mettre en valeur l'excellent travail que nos gens font dans le monde et au Canada. Chaque fois que je vais rencontrer nos gens, que ce soit dans le cadre d'opérations à l'étranger ou ici au pays, je suis inspiré. En fait, ceux qui entreprennent des opérations très importantes, qu'il s'agisse de notre mission en Lettonie ou de la formation des forces armées ukrainiennes, sont nombreux à me dire que c'est la chose la plus importante qu'ils ont faite dans leur vie.
Nous devons transmettre ce message. Nous devons continuer de communiquer ce message aux Canadiens. Je ne pense pas que les Forces armées canadiennes puissent y arriver seules. Je demanderais aux membres du Comité — en fait à tous nos parlementaires élus — de parler de la nécessité d'appuyer nos Forces armées canadiennes.
À mesure que la situation dans le monde se complique, je crois que le gouvernement du Canada fera de plus en plus appel aux Forces armées canadiennes. Ce qu'il faut, c'est un effort de l'ensemble de la société pour s'assurer que l'institution requise est en place et que cette institution est bien comprise, en vue de relever les défis de l'avenir.
Ce dont nous avons le plus besoin dans ce pays — et je l'ai dit à un certain nombre de groupes, notamment lorsque j'ai prononcé mon troisième discours de la journée, il y a environ une heure et demie — c'est un dialogue sur la sécurité nationale, non pas pour répandre la peur, mais pour sensibiliser les gens aux réalités de la situation en matière de sécurité. Toutes les personnes présentes dans cette salle, de même que celles qui nous écoutent, peuvent nous aider dans cette entreprise.
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Merci, monsieur le président.
Je prendrai moi aussi quelques secondes pour vous remercier, général Eyre, de vos présences toujours très généreuses au Comité, ainsi que de vos réponses qui nous ont permis de formuler de bonnes recommandations. Nous sommes désolés et déçus de vous perdre, mais nous vous souhaitons du succès dans vos projets à venir. J'espère que vous reviendrez peut-être encore une fois d'ici la fin de la session parlementaire.
Je vais poser une question, qui est tout de même assez longue. J'espère que je serai, malgré tout, relativement claire. Prenez tout le temps qu'il vous faudra pour y répondre. Cette question s'inspire de celle qu'un militaire m'a posée.
Il m'a dit qu'il y avait eu trois examens indépendants du processus de grief, mais qu'il y avait malgré tout des délais et de l'accumulation, et que le processus était laborieux. Il m'a dit aussi qu'une vieille décision fédérale confirmait que les militaires n'étaient liés à la Couronne par aucun contrat de travail, ce qui fait que le processus de grief, peu importe comment on le changera, demeurera toujours interne aux Forces armées canadiennes. Il n'y aura jamais la possibilité d'un recours extérieur.
N'est-on pas en train de regarder le problème de la mauvaise façon? Devrait-on aussi considérer la possibilité de revoir la façon dont les militaires sont embauchés? Devrait-on revoir le fait qu'ils ne sont pas nécessairement des fonctionnaires et qu'ils n'ont pas de contrat de travail ou de recours autre qu'à l'interne? Le fait de revoir ce processus pourrait-il aussi faire partie de la réflexion dans l'optique d'améliorer le processus de griefs?
J'ai l'impression que nous avions déjà entamé cette discussion avec le . En effet, nous avions évoqué la possibilité d'une période d'essai de deux ans pour les recrues, afin de voir si elles aiment ou non le service militaire et de leur donner la possibilité de partir. Il semble déjà y avoir une mouvance dans le but de revoir la façon de faire les choses.
Serait-ce une bonne idée de se pencher aussi sur la façon dont les militaires sont embauchés et liés à leur emploi? L'étude sur les griefs pourrait-elle explorer cette avenue?
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Merci, monsieur le président.
J'ajouterai simplement que notre emploi est quand même codifié au sein de la Loi sur la défense nationale. Nous ne sommes donc pas comme des fonctionnaires, mais il y a quand même un bon cadre pour entourer ce que nous faisons.
Le système de grief n'existe pas uniquement au sein des Forces armées canadiennes, comme le chef d'état-major vient de le dire. On peut quand même aller en cour fédérale par la suite. Ce qui est important pour nous, c'est de s'assurer que les membres peuvent aller en cour fédérale de façon à ce qu'ils puissent résoudre leurs problèmes. Il faut donc aller plus vite qu'avant.
Le membre avec qui vous communiquez et qui disait qu'il y avait des délais a raison. Il y a toujours des délais, c'est tout à fait vrai. Or c'est exactement le problème que nous sommes en train de régler présentement, en numérisant le système de grief, ainsi qu'en changeant tout son fonctionnement. Nous faisons une refonte complète du système dans le but de permettre aux membres, une fois qu'ils sont passés devant l'autorité initiale et l'autorité finale, qu'ils puissent avoir recours aux cours fédérales le plus vite possible, pour qu'on puisse régler le problème et répondre à leurs besoins.
Certains ont des griefs tout à fait recevables. Parfois, nous ne sommes simplement pas en mesure de les résoudre; il faut donc leur donner l'occasion d'utiliser ces recours.
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Je dois admettre que je n'ai pas d'opinion bien arrêtée au sujet du mécanisme de reddition de comptes pour les organisations comme l'ombudsman. Je sais et je suis fier de vous dire que nous avons une bonne et solide relation. Nous nous réunissons fréquemment et apprécions l'apport de ces divers acteurs indépendants.
Je viens de terminer l'examen d'une ébauche de rapport que l'ombudsman va publier au sujet de ce dont nous discutons ici, et je l'appuie entièrement. Lorsque nous nous réunissons, la liste des problèmes que nous entendons de nos membres et les défis auxquels ils font face sont pratiquement les mêmes.
Pour ce qui est de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et de son rapport annuel, il s'agit du cas de deux instances raisonnables qui sont en désaccord sur certaines choses, par exemple, ce qui constitue une plainte liée aux services de police, ou l'accès ou la divulgation de renseignements lorsqu'ils sont protégés par le secret professionnel des avocats. Ils demandent aux tribunaux de déterminer où se trouve cette limite. Il s'agit d'une façon rationnelle de relever le défi.
Pour ce qui est du degré d'indépendance — qu'ils relèvent du ministre ou du Parlement —, je ne suis pas convaincu que cela aurait une incidence sur leurs enquêtes. Je suis satisfait de la relation que j'ai avec eux et j'apprécie leurs conseils.
J'aimerais revenir à la question des griefs.
J'ai déjà entendu certaines histoires. Par exemple, des sous-officiers disaient que plusieurs griefs avaient déjà été déposés contre eux et qu'on pouvait en formuler d'autres si on n'était pas content. On entendait parfois cela, mais je comprends que beaucoup de travail a été fait à cet égard depuis.
Même si plusieurs griefs sont formulés et traités rapidement, une réponse négative ou un redressement insuffisant n'inciteront-ils pas les gens à prendre les griefs à la légère?
Le fait qu'un grief ne fasse pas nécessairement peur à un militaire, c'est un problème. Ce dernier va-t-il être réglé? De quelle façon le sera-t-il?
Y a-t-il quelque chose à cet égard dans le projet de loi , que nous allons étudier prochainement?
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Merci, monsieur le président.
Général, je vous félicite pour votre brillante carrière. J'ai l'impression que, quoi que vous fassiez après cela, vous apporterez une précieuse contribution à la société. Je vous remercie pour votre service et pour tout ce que vous avez fait pour nous.
Je vais commencer par reprendre certaines des observations que vous avez faites au début. Vous avez dit que l'organisme est en plein essor. Vous avez également parlé du rythme incroyable des changements que les Forces armées canadiennes ont apportés. Vous avez apporté en 10 ans des changements qui, normalement, se seraient étendus sur une cinquantaine d'années. Cela révèle clairement le genre de changements que vous avez effectués en très peu de temps.
Malgré cela, on se heurte toujours à l'opposition de petits groupes de personnes qui résistent au changement. C'est tout à fait humain. Il s'agit d'une immense organisation, et non d'un petit bureau où deux ou trois personnes doivent s'habituer à la modification de quelques processus. Il s'agit de milliers de personnes d'une organisation qui existe depuis très longtemps.
Quand vous vous efforcez de modifier la culture d'un organisme en très peu de temps et que vous vous heurtez à une certaine résistance, quels conseils donnez-vous à la relève? Comment les membres qui vous suivront devraient-ils traiter le petit groupe qui ne comprend pas l'orientation de l'organisme?
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Merci, monsieur Collins.
Malheureusement, je dois suspendre la séance, général Eyre. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de comparaître devant nous. Vous avez toujours été un témoin réfléchi et intelligent des forces armées, et j'apprécie particulièrement votre sens profond de la réflexion.
Vous avez parlé tout à l'heure de la relation entre la surveillance militaire et la surveillance civile. Ce comité représente une partie de la surveillance civile. Lorsqu'un pays n'effectue pas de surveillance civile au sein de ses forces armées, cette surveillance ne tarde pas à disparaître. Je vous remercie d'avoir reconnu que le Comité joue un rôle important dans cet aspect de la surveillance civile.
Je reconnais également qu'il est de notre responsabilité commune de communiquer l'importance de ce que vous et les membres de votre commandement faites quotidiennement pour notre pays. Les gens n'y pensent pas assez, et nous devrions remédier à cela. Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Bezan au sujet du niveau de secret, de confidentialité et de sécurité. Il est difficile de communiquer lorsqu'on ne perçoit qu'une facette de la situation. Il faut que nous réglions ce problème.
Général Eyre, au cours des années où vous avez comparu devant le Comité, vous avez montré que vous étiez prêt à défendre votre organisme et les valeurs fondamentales de notre pays. Je tiens à vous en remercier et, si vous me le permettez, au nom du Comité — ce comité n'a pas de budget —, je vais vous remettre ce cadeau-souvenir. C'est le whisky du Président.
Des voix: Bravo!
Le président: Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant une minute ou deux, puis entamer notre deuxième heure.
Conformément à une motion adoptée par le Comité le 2 novembre, nous reprenons notre étude sur la défense spatiale.
Pendant cette heure, nous accueillons M. Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada, que le Comité reçoit souvent, et M. Thomas Hughes, chercheur postdoctoral, Frank McKenna School, Université Mount Allison .
Je vais demander à chacun d'entre vous de faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Comme il est toujours plus difficile de comparaître par vidéoconférence que de le faire en présentiel, je vais demander à M. Thomas Hughes de commencer.
Vous avez cinq minutes, monsieur.
Bonjour à tous. C'est un privilège de présenter mes observations au Comité.
La défense d'un domaine spatial est très complexe. Il faut comprendre que, bien que nous parlions de l'espace, le domaine spatial est en soi un catalyseur. Autrement dit, les opérations menées dans le domaine spatial facilitent les opérations civiles et militaires menées dans d'autres domaines. En pensant au domaine spatial et à la défense, il faut donc tenir compte non seulement de ce qui survient dans l'espace, mais aussi des effets d'entraînement que causent les opérations menées dans le domaine spatial. De même, le domaine spatial est intrinsèquement lié à la Terre. Nous gérerons donc plus efficacement les conflits liés au domaine spatial en ciblant des éléments de l'architecture spatiale qui ne sont pas situés dans l'espace.
Le domaine spatial est particulièrement important pour le Canada à cause de l'Arctique. Les communications par satellite sont essentielles, et il est difficile de concevoir une surveillance complète du territoire arctique canadien hors du domaine spatial. Cela permet aussi au Canada d'enrichir ses connaissances de l'Arctique et de soutenir ses opérations dans l'Arctique.
Soulignons maintenant trois difficultés pratiques et conceptuelles.
Premièrement, il y a la question du double usage. Autrement dit, les satellites servent aux opérations militaires et civiles. Il est donc possible de nier l'usage malveillant de satellites destinés à cette fin en prétendant qu'ils ont une fonction civile. En voici un exemple très élémentaire: l'imagerie de la glace de l'Arctique saisie depuis l'espace peut servir à la recherche scientifique tout en contribuant à la planification militaire. Il est également utile de repérer des objets dans l'espace afin d'éviter que les orbites des satellites ne s'entrecroisent et afin de générer des coordonnées de ciblage avant de lancer un missile antisatellite.
Par contre, il est difficile de prouver qu'un satellite n'a été lancé qu'à des fins bénignes, et cela accroît la possibilité d'une recrudescence involontaire des conflits. Bien que les capacités de surveillance existantes nous permettent de savoir quand les objets sont placés dans l'espace et qui est responsable de leur lancement, la fonction prévue de ces objets et l'utilisation des données qu'ils recueillent sont plutôt difficiles à discerner. Cette incapacité de faire une distinction sans équivoque entre les infrastructures spatiales militaires et civiles ajoute un élément politique au débat actuel sur la protection de nos actifs spatiaux. Il est crucial de combler cette lacune à l'aide de moyens techniques nationaux et, éventuellement, en développant un régime international pour renforcer la confiance en précisant la fonction des objets lancés dans le domaine spatial.
Deuxièmement, l'industrie privée et l'État doivent coordonner leurs intérêts et leurs activités dans l'espace. L'industrie privée a joué un rôle crucial dans l'utilisation du domaine spatial à des fins civiles et militaires, dans le développement de l'infrastructure physique et dans la recherche. Cela présente aussi un défi politique et opérationnel. Si le Canada et ses partenaires et alliés deviennent trop dépendants de l'industrie privée dans ce domaine, il leur sera difficile de poursuivre leurs objectifs au rythme des besoins et d'assurer une fonction uniforme à des moments critiques. Les restrictions imposées sur l'utilisation de Starlink quand le Canada l'a fourni aux forces armées ukrainiennes illustrent cela très clairement. De plus, la nature délicate de l'information que les ministères de la Défense recherchent dans le domaine spatial ou au sujet de celui‑ci complique leur collaboration avec l'industrie privée, ce qui entrave la collecte et la diffusion des données.
Troisièmement, en développant notre utilisation du domaine spatial, nous devrions tenir compte de la compréhension qu'auront les autres pays de nos vulnérabilités et de nos capacités. Il est essentiel de sensibiliser le public à la façon dont les autres pays perçoivent nos actions dans le domaine spatial afin que nous puissions maintenir une attitude dissuasive efficace sans être considérés comme des agresseurs. Toutefois, il sera critique d'empêcher nos adversaires d'utiliser le domaine spatial à des fins militaires. Nous devons respecter les règlements existants et comprendre les implications éthiques de toute activité liée à la défense dans le domaine spatial. Un aspect crucial de notre capacité militaire sera de percevoir le rôle que joue le domaine spatial dans la doctrine militaire de nos adversaires. Nous devrons être en mesure de perturber leur utilisation du domaine spatial en bloquant, si possible, la communication entre leurs stations terrestres et les objets qu'ils ont lancés dans l'espace, sans toutefois frapper directement ces objets. Ces capacités seront cruciales quand les Forces armées canadiennes dirigeront leurs opérations dans tous ces domaines.
Merci.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre invitation.
Je vais intervenir en anglais, mais je pourrai répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
Imaginez le scénario suivant. La Chine lance un avertissement cinglant, mais au lieu de cibler des infrastructures américaines, ce qui susciterait une réaction violente, elle cible un satellite canadien. La Chine dispose de plusieurs capacités pour le faire, y compris des missiles antisatellites et un bras robotisé. Elle a d'ailleurs démontré en 2022 que ce bras est capable de déplacer un satellite hors de son orbite géosynchrone. Est‑ce que cela constituerait une attaque contre le continent, contre le Canada ou contre l'OTAN? Le domaine spatial ne fait pas partie du théâtre transatlantique.
Le Canada a besoin de réponses claires et définitives à ces questions afin de dissuader les acteurs malveillants qui ont les capacités, l'intention et la volonté de cibler les ressources canadiennes et alliées dans l'espace. La dissuasion dépend également d'une surenchère qualitative des capacités antagonistes, et l'espace dépend de la capacité qu'aura le Canada de mener des guerres dans plusieurs domaines.
Tout cela représente un défi de taille pour la disponibilité opérationnelle et pour les capacités de nos forces armées.
À l'heure actuelle, les Forces armées canadiennes disposent de presque autant de fonds qu'à la fin de la guerre froide. Leur contingent d'état-major est environ un tiers plus petit qu'il ne l'était, alors que leurs tâches ont beaucoup augmenté, en partie parce qu'elles doivent maintenant défendre deux domaines supplémentaires. En plus de la terre, de la mer et de l'air, elles ont la cybernétique et l'espace. Face à des menaces intégrées à l'échelle mondiale, le cyberespace et l'espace sont des domaines très dynamiques qui font partie intégrante des quatre fonctions fondamentales du ministère de la Défense, soit de rassurer les alliés et les citoyens du pays, de prévenir les conflits, de combattre et de protéger les Canadiens.
Les communications civiles et militaires canadiennes, la sécurité nationale et un large éventail de fonctions et d'opérations civiles et militaires dépendent de l'espace. Cela se manifeste particulièrement dans le Nord et dans l'Arctique, qui dépendent de façon disproportionnée de nos capacités spatiales.
La Chine a déployé des systèmes d'interdiction d'accès et de zone le long de son archipel. Le Canada doit faire de même dans l'Arctique. L'Arctique est extrêmement vulnérable, car A2/AD, le déni d'accès et l'interdiction de zone, dépendent fortement des ressources spatiales. Autrement dit, la défense spatiale est la défense de l'Arctique, la défense de l'Arctique est la défense du continent, et la défense du continent est la défense des alliés, parce qu'elle assure une dissuasion étendue, notamment une dissuasion nucléaire étendue.
Le Canada est un partenaire régional pour l'Arctique, et sa capacité de défendre le flanc Nord de l'OTAN dépend en définitive de l'espace. Ses adversaires le comprennent, et c'est précisément pour cela que les acteurs malveillants s'attaquent à notre capacité de dominer et de contrôler notre domaine spatial. Autrement dit, la rivalité stratégique est pleinement visible dans l'espace, et quiconque contrôlera l'espace dominera notre monde au XXIe siècle.
Voici quatre points importants à retenir.
Premièrement, si le gouvernement mène sérieusement sa politique étrangère fondée sur des valeurs, alors il devrait se joindre aux efforts continus des États-Unis pour renforcer le Traité sur l'espace extra-atmosphérique dont la Russie et la Chine sont signataires. La détérioration ou l'abrogation de ce régime fonctionnel établi irait fondamentalement à l'encontre des valeurs et des intérêts du Canada.
Le Canada doit adopter des approches qui réglementent non seulement les capacités spatiales, mais aussi la façon dont ces capacités sont utilisées. Il doit faire de la diplomatie spatiale multilatérale une priorité absolue. Dans les années à venir, l'ONU créera deux nouveaux groupes de travail ouverts, un pour chacune de ces approches.
Deuxièmement, le Canada doit adopter une approche pangouvernementale de l'espace pour élaborer une stratégie nationale cohérente. Comme ses ressources sont limitées, il devra redoubler d'efforts de collaboration avec ses alliés et avec le secteur privé pour exécuter une stratégie de défense spatiale. Le document intitulé Vision 2031 des opérations spatiales interalliées, rédigé par le Groupe des cinq avec la France et l'Allemagne — qui a d'ailleurs été présenté au Comité —, démontre que notre cadre de politique spatiale remonte à 2014.
Troisièmement, l'espace est un excellent exemple de la raison pour laquelle les Forces armées canadiennes doivent accélérer leur changement de culture. Quand les États-Unis ont mis sur pied le Space Command, il était tout à fait différent des autres commandements: sa culture institutionnelle est très horizontale — et non hiérarchique —, il a recruté les meilleurs talents d'autres services, et ses membres sont principalement civils, car la plupart des compétences requises ne se trouvent pas facilement dans l'armée.
Quatrièmement, les forces armées modernes ne peuvent pas fonctionner sans les technologies, les capacités et les données spatiales. En cas de conflit, les capacités canadiennes de défense spatiale offrent aux alliés une profondeur stratégique et auront un effet multiplicateur clé pour eux. Les renseignements géostratégiques que le Canada a fournis comme soutien à l'Ukraine l'illustrent bien.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins de nous avoir consacré de leur temps et de nous avoir fait profiter de leur expertise aujourd’hui.
Dans le cadre de l’étude à laquelle vous êtes en train de contribuer, le Comité a admis qu'il ignorait certaines choses. J’aimerais utiliser les cinq ou six prochaines minutes — enfin, selon le temps que nous accorde le président — pour vous demander à tous deux de sensibiliser le Comité à l’importance de la défense de l’Arctique dans le contexte de l'espace.
Dans vos réponses, je vous invite à nous parler du rôle de l’industrie dans ce contexte. Pourriez-vous, à la faveur de vos réponses, nous donner une idée des recommandations que le Comité pourrait inclure dans son rapport?
Nous pourrions peut-être suivre l’ordre des intervenants et commencer par le M. Hughes. Je vais essayer de diviser le temps en deux, avec trois minutes chacun.
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Ce sont de grandes questions, mais pour être bref au sujet de l’importance de la défense de l’Arctique dans le contexte de l’espace, je suis tout à fait d’accord avec la conceptualisation de M. Leuprecht. La défense de l’Arctique est l’une des niches que le Canada peut combler. Je pense qu’il est utile pour le Canada, compte tenu du contexte de sécurité actuel, de se concentrer sur certaines des capacités de niche qu’il possède. L’Arctique offre donc au Canada l’occasion de participer à ce processus.
Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, il est absolument essentiel que le Canada assure une défense complète de son territoire arctique en misant sur le domaine spatial. Cela signifie qu’il faut commencer par les communications et enchaîner par la surveillance, qu’il s’agisse du nouveau drone SkyGuardian — devant entrer en service en 2028 et dont le fonctionnement nécessitera une communication par satellite — ou d’imagerie satellite. Nous ne pouvons pas surveiller l’Arctique et savoir ce qui se passe sur ce territoire si nous n'avons pas la capacité d’opérer dans l’espace.
À mon avis, il faudra que le Canada collabore avec des partenaires internationaux, en particulier la Suède. Je pense que c’est un partenaire intéressant dont on n'a pas encore parlé jusqu'ici. Je sais que cette relation est déjà établie et qu’elle est déjà solide, et je pense qu’il faudrait probablement en tirer davantage parti.
Quant à l’industrie privée, elle est tout simplement essentielle. L’industrie privée a l’expertise et la capacité de produire ce dont les Forces armées canadiennes ont besoin. Le défi, comme toujours, est de veiller à ce que l’industrie privée, qui fonctionne nécessairement selon un cadre différent du gouvernement, soit sur la même longueur d’onde que les acteurs étatiques pour favoriser un travail en parallèle. Nous pouvons y parvenir, mais pas par un simple claquement de doigts.
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J'ai effectivement dit que défendre l’espace, c'est défendre l’Arctique, et que défendre l’Arctique c'est en fin de compte défendre le continent qui revient à défendre le flanc nord de l’OTAN. Le centre de gravité de l’OTAN, avec l’ajout de la Suède et de la Finlande, s’est déplacé vers le nord. Le flanc nord a gagné en importance.
Il ne faut surtout pas perdre de vue le fait que les investissements dans la sécurité de l’Arctique sont des investissements dans l'OTAN et dans la défense collective de l’Alliance, et je pense que le Canada a toujours fait un très mauvais travail à cet égard. La défense collective dépend de la dissuasion générale et de la dissuasion nucléaire étendue des États-Unis. Si le continent n’est pas en sécurité, cela revient à dire que la capacité des États-Unis de dissuader ses adversaires n’est pas garantie. Je crois cependant que, pour une raison ou une autre, les gouvernements successifs des deux côtés du spectre politique n’ont pas présenté efficacement cette thèse à la population canadienne et surtout pas à nos alliés et partenaires. Nous continuons d'en parler comme étant deux choses différentes et l'on voit bien que la mise à jour de la politique de défense met l’accent sur l’Arctique.
Je répéterai trois choses qui vont au‑delà de la question de l’affectation des ressources. Il y a d'abord celle de l’allocation peu coûteuse, mais notre manque de ressources en diplomatie multilatérale me préoccupe. Comme vous le savez, c’est le gouvernement en place qui décide, et le gouvernement a décidé de limiter encore plus les ressources des ministères. En termes de multilatéralité, il a décidé de porter ses efforts sur un processus de traité distinct. C’est un gouvernement démocratique qui peut mettre ses décisions en exécution. Cependant, je pense que tout le monde doit mettre la main à la pâte en ce qui a trait aux questions de diplomatie spatiale multilatérale qui sont essentielles en matière de défense canadienne et de défense alliée et continentale pour les raisons que je viens d’expliquer.
S'agissant de l’approche pangouvernementale, le cadre de la politique de défense remonte à 2014. Bien des choses ont changé dans l’espace depuis 2014. Comme les ressources sont très limitées, tant au sein du gouvernement que de l’industrie, nous allons devoir toutes les mobiliser pour maximiser l’efficacité et les résultats. Or, tant que le cadre n'est pas à jour, nous ne pourrons pas mobiliser les ressources dont nous disposons.
Pour ce qui est de la capacité de défense, prise sous l'angle des ressources humaines, c’est un exemple classique où les Forces armées canadiennes ont besoin de différentes compétences de très haut niveau et de grande qualité. Le bassin de recrues a clairement changé au cours des 30 dernières années. Ce n’est pas qu’il manque de candidats, car suffisamment de gens se présentent à la porte. La question est plutôt celle de la qualité du personnel dont les Forces armées canadiennes ont besoin. Les ressources qu'il faut ne sont pas en mesure de franchir la porte des centres de recrutement, surtout pas en fonction des profils recherchés.
Il faut, sur ce plan, donner la possibilité au secteur privé civil et à d’autres ministères de contribuer. Il m’a simplement fallu deux ans pour faire venir quelqu’un d’une formation différente pour travailler dans notre organisation. C’est au sein des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale. Nous ne sommes pas agiles en matière de dotation en personnel.
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Je vous remercie de vos questions.
[Traduction]
Il est très difficile d’établir un chiffre absolu, le principal problème étant que, comme je l’ai dit, une grande partie de l’infrastructure spatiale et des satellites peut servir tout autant à des fins civiles que militaires. Un objet ou un satellite donné peut jouer un rôle entièrement civil pendant une période ou une saison donnée. Si le gouvernement auquel appartient ce satellite décide d'en changer la vocation ou, plus précisément, d’utiliser les données que le satellite recueille à des fins militaires, rien ne peut l’en empêcher. Je suis donc quelque peu réticent à comparer les militaires aux civils. Je pense que cela fait partie du défi que représentent l’exploitation et la compréhension du domaine spatial et de l’environnement de menace qui le caractérise.
Pour pousser un peu plus loin la réponse à cette question sur les rapports entre le secteur privé et le gouvernement, je pense qu’il convient de considérer la ventilation par pays, parce que le gouvernement chinois entretient avec son industrie privée une relation qui est différente de celle que les États-Unis ont avec l’industrie privée américaine. Encore une fois, cela soulève le problème du double usage et de l’interface entre le public et le privé. Je dirais qu’aux États-Unis en particulier, l’industrie privée domine dans ce qu'elle fait — nous l’avons vu avec SpaceX et Boeing ces dernières années —, mais une part importante du besoin est également attribuable aux forces armées. Encore une fois, j’hésite à vous donner un chiffre, mais il serait peut-être plus utile de réfléchir de façon générale aux capacités dont les États-Unis et le Canada ont besoin dans l’espace et de voir si ces capacités sont respectées.
Pour ce qui est de la réglementation, les entités commerciales ont évidemment tout intérêt à faire en sorte que l’espace demeure un domaine pacifique. Si la réglementation était assouplie au point de faciliter la militarisation radicale du domaine spatial, ce serait tout à fait contraire à ce que la plupart des entreprises chercheraient à réaliser .
Je dirais qu’au bout du compte, la réglementation viendra des États. Pour qu’elle soit efficace, comme l’a mentionné M. Leuprecht, elle devra passer par un cadre étatique. La commercialisation de l’espace relèvera de la compétence des États. Si un gouvernement d’un État constate qu’il est menacé par un satellite commercial, cela ne l’empêchera pas de perturber le satellite et les opérations spatiales en cause.
Même s'il est souhaitable que l’industrie privée participe activement à ce qui se passe dans le domaine spatial et s’il est important de travailler en partenariat avec des organisations commerciales pour comprendre ce qui se passe dans ce domaine, en fin de compte, la réglementation devra être établie par chaque État.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais aller un peu plus loin sur le sujet soulevé par Mme Mathyssen, si vous me le permettez.
M. Hughes nous a parlé de ce que nous appelons les ambiguïtés du cadre juridique régissant la sécurité spatiale et, très probablement, l'élaboration de normes de comportement communes, ce qui vient d'être soulevé dans la dernière question.
Monsieur Leuprecht, vous avez dit que le Canada doit participer aux efforts continus visant à renforcer le traité spatial américain et que la diplomatie multilatérale doit être une priorité. Par le passé, des traités spatiaux ont été négociés entre États-nations, mais comme nous l'avons entendu ce soir, le secteur privé joue un rôle de plus en plus actif dans l'espace. Il me semble que nous devons nous tourner vers les entités privées et le secteur industriel qui participent à ces traités. Y a‑t‑il un précédent? Existe‑t‑il des outils susceptibles d'aider le secteur privé à participer aux traités, comme celui que vous avez mentionné?
Nous pourrions commencer par M. Leuprecht, puis passer à M. Hughes, s'il reste du temps.
Monsieur Leuprecht, vous avez souligné, dans vos notes, l'importance de réglementer non seulement les capacités spatiales, mais également leur utilisation. On a vu qu'avec le double usage, c'est extrêmement difficile. En effet, l'imagerie satellite du territoire peut être utilisée à des fins militaires.
Par conséquent, j'aimerais que vous nous parliez de la réelle possibilité de réglementer son utilisation, d'autant plus que certains vont vouloir en faire une utilisation maligne. On peut penser par exemple à la Chine, qui le fait déjà dans l'Arctique avec le brise-glace Xue Long. Ainsi, l'imagerie satellite est utilisée à des fins scientifiques pour cacher des fins militaires. C'est difficile de savoir ce qui se fait exactement.
Est-ce réaliste de vouloir se doter d'une réglementation sur l'utilisation qu'on fait du domaine spatial?
C'est une question fascinante, et pour y répondre brièvement, je dirais que nous ne pouvons pas présumer que les règles seront respectées simplement parce qu'elles existent. Il convient de souligner que la Russie et la Chine ont toutes deux proposé certaines formes de règles dans l'espace. Il convient également de noter que la Russie a rejeté l'approche des normes relatives aux activités spatiales et a laissé entendre qu'un régime entièrement légal serait plus approprié. J'ai tendance à croire que la Russie, en particulier, respectera les règles dans la mesure où elles sont à l'avantage de la Russie. Si nous voulons élaborer un cadre fondé sur des règles, ce qui, à mon avis, serait utile, nous devons garder à l'esprit que la Russie doit considérer que c'est au moins un avantage parallèle pour elle quant à ce qu'elle considère comme ses pairs.
À mon avis, l'élément clé qui doit ressortir de toute cette discussion sur l'activité militaire dans l'espace est celui de la vérification. Si nous parvenions à créer un cadre réglementaire facilitant une certaine forme de vérification — lequel, nous en sommes convaincus, fournirait suffisamment d'informations sur les capacités que la Russie et la Chine déploient ou tentent de déployer —, nous pourrions mieux comprendre les intentions de ces pays dans le domaine spatial. Un tel cadre réglementaire serait utile en soi, même s'il était nécessaire de le renforcer par le biais de la dissuasion que M. Leuprecht a mentionnée dans sa réponse.