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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 103 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 mai 2024

[Enregistrement électronique]

(1640)

[Traduction]

    Nous accueillons le général Eyre, le général Simoneau et le général Holman pour cette réunion sur la transparence et l'étude de la défense spatiale.
    Comme il s'agit peut-être de la dernière comparution du général Eyre devant ce comité...
    Dites-nous que ce n'est pas vrai.
    Je suis d'accord avec vous, mais c'est la réalité.
    Je vais déroger à ma rigidité habituelle pour ce qui est du temps et permettre au général Eyre de nous faire profiter de la sagesse qu'il a acquise. J'allais dire la sagesse qu'il a acquise en comparaissant devant le Comité, mais cela mis à part, il y a peut-être quelques autres choses qu'il aimerait partager avec nous. Nous avons hâte d'entendre ce qu'il a à dire.
    Je tiens à répéter que nous vous sommes reconnaissants de votre collaboration au fil des ans, général Eyre, ainsi que de celle de vos collègues, et de vos comparutions devant le Comité. La relation que nous avons établie est importante. Nous vous remercions de la contribution que vous y avez apportée.
    Nous avons hâte d'entendre vos observations. Allez‑y. Je vous en prie.
    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Comme le président l'a mentionné, je suis en compagnie du major-général Erick Simoneau, chef d'état-major, Conduite professionnelle et culture, qui a été à l'avant-plan de la modernisation de notre système de griefs, et du brigadier-général Rob Holman, notre juge-avocat général.
    Je vous remercie de m'offrir l'occasion d'aborder la modernisation de notre système de règlement des griefs, effort qui s'inscrit dans un vaste mouvement à l'échelle de l'institution visant à faire évoluer notre culture militaire.

[Français]

     Cet effort, allant d'initiatives générales des Forces armées canadiennes à des projets locaux réalisés à bord de navires, dans des bases et des escadres, voire lors de déploiements, a pour but de garantir que notre institution satisfait aux attentes des militaires actuels et futurs, ainsi que du public canadien, tout en veillant à ce qu'elle se conforme à leurs valeurs.

[Traduction]

    Nous devons œuvrer sans relâche pour faire régner un climat empreint de respect, d'inclusivité et d'intégrité dans toute l'organisation. Il en va de même pour la bonne forme physique et le centre de conditionnement physique: ce n'est pas parce qu'on se rend une fois dans un centre de conditionnement physique qu'on peut se considérer en bonne forme physique. Nous devons déployer un effort continu. Nos efforts en vue de moderniser notre institution, de modifier la façon dont nous traitons avec les gens et de poursuivre notre évolution se doivent aussi d'être continus.
    Cela est fermement ancré dans les valeurs et les principes éthiques énoncés dans « L'éthos des Forces armées canadiennes: digne de servir », document jetant les fondements de notre profession militaire, que nous avons partagé avec nombre de nos alliés, à leur grande satisfaction.
    Les Forces armées canadiennes ont entrepris des réformes générales. La modernisation de nos processus de règlement des griefs et des plaintes fait partie intégrante du présent effort. Par exemple, le système de règlement des griefs des FAC est encore modelé sur un système datant de l'ère industrielle, selon lequel les organisations privilégient la stabilité et la prévisibilité au détriment de l'adaptation et de la rapidité, bien que celles‑ci soient essentielles pour réussir dans l'ère de l'information actuelle. Notre intention, c'est de faire en sorte qu'il soit plus facile pour nos militaires de déposer un grief, de même que de veiller à ce que le système corresponde davantage à leurs inquiétudes et à leurs circonstances, et de remédier à leurs préoccupations en temps opportun. En fait, nous avons accompli d'importants progrès pour rationaliser les processus, accroître l'accessibilité et nous assurer que tous les militaires jouissent d'un processus équitable et impartial aux fins du traitement de leurs griefs.
    Par exemple, nous avons lancé il y a deux mois le formulaire numérique de présentation de griefs. Celui‑ci vise à simplifier, à normaliser et à rationaliser les processus de présentation et de résolution des griefs. Les rapports initiaux à ce sujet sont positifs. Par ailleurs, nous œuvrons à la mise sur pied d'un nouveau centre d'expertise sur les griefs à l'automne de cette année. Le centre permettra aux militaires comme aux chaînes de commandement de communiquer directement avec des spécialistes dans le domaine des griefs; ils jouiront ainsi d'un soutien direct relativement à la présentation et au règlement des griefs. Le centre nous permettra aussi de repérer les problèmes systémiques dans l'ensemble de l'institution et de justifier la raison d'être de mesures rapides.
    Cependant, nous n'attendons pas la mise en œuvre de solutions parfaites avant de nous adapter au nouvel environnement. Nous avons récemment lancé un processus pilote dans le but de résorber l'arriéré de dossiers du système de règlement des griefs. Il s'agit d'un moteur clé des efforts visant la transformation de notre système de règlement des griefs. Grâce au soutien d'une équipe multidisciplinaire diversifiée formée de dirigeants militaires et civils, ainsi que d'experts en politiques, nous avons atteint deux objectifs généraux dans le cadre du projet pilote.
    En premier lieu, nous avons réussi à réduire considérablement l'arriéré de dossiers de griefs. Le projet pilote nous a permis d'amorcer les étapes nécessaires à la mise au point définitive d'un nombre important de dossiers au fil des semaines et des mois à venir.
    En second lieu, nous tirons parti des nouveaux outils et des leçons tirées au cours du projet pilote, afin d'orienter nos efforts généraux en matière de transformation du système de règlement des griefs. Cet effort de réduction de l'arriéré de griefs a été mené par le général Simoneau, qui pourra vous en parler plus en détail. Le recours croissant au règlement à l'amiable, les communications directes avec les responsables des politiques et les commandants, et la mise en œuvre de nouveaux pouvoirs délégués s'inscrivent dans le projet pilote. Nous pouvons nous fonder sur ces éléments pour rationaliser le système de règlement des griefs des FAC et veiller à ce qu'il soit plus rapide et mieux adapté aux plaignants individuels.

[Français]

     Nous travaillons à la mise en œuvre de la recommandation 10 du rapport Arbour, une recommandation selon laquelle les griefs liés à l'inconduite sexuelle doivent être classés par ordre de priorité et traités rapidement. Nous nous attendons à ce que notre réponse à la recommandation soit entièrement mise en œuvre d'ici la fin de l'année.
(1645)

[Traduction]

    L'efficacité et l'indépendance des organes d'examen, par exemple le Comité externe d'examen des griefs militaires et le bureau de l'Ombudsman, font également partie intégrante du travail que nous menons à ces égards. Ce sont deux organes avec lesquels je discute régulièrement. Ces organes indépendants, parmi d'autres, assurent les examens nécessaires et les analyses indépendantes qui garantissent l'évolution et l'amélioration continues des Forces armées canadiennes. Nous avons pour objectif de mettre au point des solutions adaptées aux besoins de nos militaires qui correspondent aux pratiques exemplaires sur le plan du règlement des griefs et de l'excellence organisationnelle. Nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses. C'est pourquoi il est si important de communiquer avec des experts externes et d'être ouvert à ces conseils.
    Il est primordial pour nous d'assurer le bien-être des membres de notre personnel et d'éliminer tout obstacle systémique qui entrave leur capacité de demander réparation sans crainte de représailles. Le système doit notamment offrir un accès opportun et transparent aux décisions relatives aux griefs, tout en protégeant les renseignements personnels dans la mesure du possible. Les FAC sont résolues à moderniser davantage le système de règlement des griefs et les soins fournis à notre personnel. Notre efficacité opérationnelle repose sur le travail d'équipe et la cohésion, qui à leur tour sont fondés sur la confiance — confiance en un système qui veillera sur eux. Étant donné la détérioration du contexte de sécurité à l'échelle mondiale, cette confiance est essentielle. Nous devons continuer à avancer et nous projeter dans l'ère de l'information.
    Je vais changer de sujet et parler un peu de vous. Je tiens à témoigner de ma profonde gratitude à l'égard des estimés membres du Comité permanent de la défense nationale; ces derniers font preuve d'un dévouement et d'un engagement inébranlables envers la surveillance rigoureuse des questions qui touchent le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Au moment où je m'adresse à vous aujourd'hui, je reconnais l'immense privilège de pouvoir contribuer à l'important travail réalisé par ce comité. Le professionnalisme constant dont vous faites preuve, de même que l'examen exhaustif de la législation et l'étude minutieuse des politiques et des programmes que vous avez réalisés ont sans l'ombre d'un doute renforcé les capacités de défense de notre pays.
    J'ai souvent dit que l'un des piliers du professionnalisme militaire dans une démocratie est sa soumission au pouvoir civil dûment élu. Nous devons garder cela constamment à l'esprit et adopter cette règle. Vous contribuez à maintenir cet impératif.
    Comme le président l'a dit, il s'agit tout probablement de la dernière fois que je m'adresserai au Comité. J'affirme être sincèrement reconnaissant d'avoir eu cette précieuse occasion de collaborer avec vous au service de notre pays. J'ai pleinement confiance en l'excellence continue du Comité dans ses efforts, et je crois sincèrement que quiconque sera désigné par le gouvernement pour me succéder fera montre du même engagement envers vous. Je vous souhaite tous bon succès dans vos projets.
    Au crépuscule de ma carrière, comme je l'ai mentionné ce midi à un groupe de jeunes étudiants, y compris un groupe de jeunes élèves-officiers, dans mon deuxième discours de la journée — je crois que j'en suis à mon quatrième —, je sais qu'il s'agit d'une institution en plein essor. Malgré tous les défis, les sombres nuages qui se profilent à l'horizon et la détérioration de la sécurité à laquelle nous faisons face partout dans le monde, je suis convaincu que cette institution est sur la bonne voie. Comme je l'ai dit à cette nouvelle génération de dirigeants, je les envie. Je suis jaloux des défis auxquels ils vont faire face, parce que c'est le parcours qui compte, et je referais tout cela sans hésiter.
    Je vous remercie de votre engagement indéfectible à la sûreté et à la sécurité du Canada. Je serai heureux de répondre à vos questions.
     Merci, général Eyre, et merci de vos bons mots.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Je vous remercie de l'enthousiasme que vous avez mis à comparaître devant le Comité, enthousiasme qui a cependant dû connaître des hauts et des bas, j'imagine.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Sur ce, nous allons donner la parole à M. Bezan pour les six premières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Général Eyre, je tiens à vous remercier de votre service et de votre rôle incroyables à titre de chef d'état-major de la défense, ainsi qu'à souligner l'ensemble de votre carrière militaire. Nous vous sommes tous très reconnaissants d'avoir assumé ce leadership pendant certaines périodes difficiles, qu'il s'agisse de la COVID, de la guerre en Ukraine ou du monde de plus en plus dangereux dans lequel nous semblons vivre. Nous essayons de tirer parti de la situation, malgré les budgets serrés et les compressions budgétaires, ainsi que toutes les autres choses qui se sont produites au sein des Forces armées canadiennes.
    Vous avez pris les rênes dans la tourmente qui a touché l'ensemble des FAC, par suite du passage de l'un de vos prédécesseurs. Merci d'être venu, d'avoir stabilisé ce navire et d'avoir fait avancer les troupes dans la bonne direction.
     Nous sommes ici pour parler de transparence, et vous avez abordé cela dans votre déclaration préliminaire. Le président et moi-même avons pris la parole la semaine dernière à la conférence sur le renseignement de défense, et l'une des préoccupations que j'ai soulevées... Nous voulons nous assurer que les Canadiens comprennent l'importance des Forces armées canadiennes, la situation dans laquelle nous nous trouvons et la façon dont nous pouvons changer la perception du public. Cela dépend en grande partie de la classification et de la surclassification de l'information. Pour faire comprendre aux Canadiens le contexte de la menace, nous devons être plus directs en ce qui a trait à l'information. Ce comité, n'a évidemment pas d'habilitation de sécurité, alors l'information partagée autour de cette table et l'information partagée avec le public sont limitées et seulement de source ouverte.
     Croyez-vous qu'il faut changer la façon dont les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale traitent l'information, afin que nous puissions nous assurer que le public est d'accord avec les dépenses, les investissements et les missions que nous devons faire pour assurer la sécurité des Canadiens?
(1650)
     Oui, je conviens que nous devons continuellement évaluer la façon dont nous classifions l'information. Nous devons avoir une mentalité du « besoin de partager », plutôt que du « besoin de savoir ». C'est une approche dont nous avons également discuté avec nos plus proches alliés, parce qu'il y a souvent une tendance à compartimenter l'information, alors qu'il serait plus efficace de la mettre en commun.
    Il faut établir un équilibre entre la synchronisation et la sécurité et la compréhension et la sécurité. Nous devons continuer de nous demander si nous surclassifions l'information. La position par défaut ne peut pas être de la classer comme « secrète » et « réservée aux Canadiens ».
     Pour ce qui est de la deuxième partie de votre observation, il y a trois heures à peine, je discutais avec mon homologue britannique de l'échange d'information avec les parlementaires. Je crois que ce comité devrait se voir accorder une cote de sécurité, afin que nous puissions vous communiquer, de façon plus détaillée, des activités, des renseignements et des choses du genre qui sont en cours. C'est une opinion personnelle, mais je pense que le pays s'en porterait mieux.
     C'est une opinion que je partage et que j'ai exprimée à maintes reprises au cours des années où j'ai siégé à ce comité.
     Richard Shimooka, qui a comparu devant le Comité, a dit:
La compréhension que la population a de l'armée n'a jamais été aussi mauvaise et elle contribue à son manque de soutien, ce qui est en partie attribuable au manque de renseignements accessibles et aux relations devenues confrontationnelles entre le gouvernement et les organes indépendants en matière d'accès à l'information.
    J'aimerais ajouter que nous devons nous assurer que les demandes d'accès à l'information sont traitées de façon plus efficace. Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai dû attendre plus de cinq ans pour certaines de mes demandes d'accès à l'information présentées par le passé. J'en ai présenté cinq au cours de ces cinq années, et certaines ont attendu jusqu'à sept ans. Quatre d'entre elles ont finalement obtenu réponse parce que Bill Matthews et Bill Blair se sont présentés devant le Comité et ont entendu mes plaintes. Elles ont soudainement reçu une réponse comme par magie.
     Nous avons entendu des anciens militaires et des militaires actifs nous parler de toutes les difficultés auxquelles ils ont fait face, allant des demandes d'accès à l'information au Comité externe d'examen des griefs militaires. La commissaire à l'information elle-même, qui, comme vous le savez, a traduit le ministère de la Défense nationale et le ministre devant les tribunaux à trois reprises, affirme que les problèmes sont les mêmes et que la situation n'a pas beaucoup changé. Elle a travaillé au Comité externe d'examen des griefs militaires il y a plus de 10 ans.
    Avez-vous discuté avec le ministre et le sous-ministre de la nécessité de prioriser l'information et du fait que, comme nous le savons, l'effectif de ce comité n'est pas complet à l'heure actuelle? Si nous voulons bien représenter et défendre nos troupes, il faut tout d'abord que ce comité agisse plus rapidement et, en deuxième lieu, qu'il dispose d'un effectif complet de membres.
    Il y a deux aspects à cela.
    Tout d'abord, en ce qui concerne l'AIPRP, je conviens que nous devons faire mieux. Il y a un certain nombre d'efforts que nous déployons du côté du ministère pour accélérer les choses, que ce soit du point de vue de la technologie et de la gestion de l'information, ou encore des processus et de la capacité du personnel.
    Vous vous interrogez au sujet des conversations. Demain, au Comité de gestion de la Défense, qui est coprésidé par moi et le sous-ministre, ce sera l'un des points à l'ordre du jour. Notre secrétaire générale nous expliquera comment nous allons améliorer les choses dans les nombreux secteurs d'activité.
    En ce qui concerne votre question au sujet de ce comité, oui, nous devons nous assurer qu'il a la capacité nécessaire, mais nous devons aussi veiller à lui fournir les bons griefs à examiner, afin de ne pas le submerger, et faire en sorte que sa précieuse capacité serve aux griefs comportant le plus de retombées positives.
    Je vais demander au général Simoneau de vous parler de cela plus en détail.
(1655)
    Avant de poursuivre...
     Il n'est pas question de poursuivre. Nous avons largement dépassé les six minutes.
    Madame Lapointe, je vous félicite de votre nomination permanente à ce comité. Vous avez six minutes. Je vous en prie.
    Général, la transparence ne se limite pas à la divulgation de l'information. Il faut aussi veiller à ce qu'elle soit facilement accessible et compréhensible pour le public. Comment les Forces armées canadiennes communiquent-elles l'information sur leurs activités, leurs dépenses et leurs processus décisionnels de façon claire et transparente?
     Pour ce qui est des dépenses, elles relèvent davantage du ministère, sous la gouverne du sous-ministre, et elles sont clairement détaillées dans les rapports annuels que nous publions pour le Parlement. Je ne sais pas s'il a eu l'occasion, lors de son témoignage ici, de vous en parler plus en détail, mais il est probablement la meilleure source d'information financière détaillée. Cela ne relève vraiment pas de ma responsabilité.
    Pour ce qui est de nos propres activités, dans le domaine de la protection de la force et de la sécurité opérationnelle, nous devons continuer de mettre en valeur l'excellent travail que nos gens font dans le monde et au Canada. Chaque fois que je vais rencontrer nos gens, que ce soit dans le cadre d'opérations à l'étranger ou ici au pays, je suis inspiré. En fait, ceux qui entreprennent des opérations très importantes, qu'il s'agisse de notre mission en Lettonie ou de la formation des forces armées ukrainiennes, sont nombreux à me dire que c'est la chose la plus importante qu'ils ont faite dans leur vie.
    Nous devons transmettre ce message. Nous devons continuer de communiquer ce message aux Canadiens. Je ne pense pas que les Forces armées canadiennes puissent y arriver seules. Je demanderais aux membres du Comité — en fait à tous nos parlementaires élus — de parler de la nécessité d'appuyer nos Forces armées canadiennes.
    À mesure que la situation dans le monde se complique, je crois que le gouvernement du Canada fera de plus en plus appel aux Forces armées canadiennes. Ce qu'il faut, c'est un effort de l'ensemble de la société pour s'assurer que l'institution requise est en place et que cette institution est bien comprise, en vue de relever les défis de l'avenir.
    Ce dont nous avons le plus besoin dans ce pays — et je l'ai dit à un certain nombre de groupes, notamment lorsque j'ai prononcé mon troisième discours de la journée, il y a environ une heure et demie — c'est un dialogue sur la sécurité nationale, non pas pour répandre la peur, mais pour sensibiliser les gens aux réalités de la situation en matière de sécurité. Toutes les personnes présentes dans cette salle, de même que celles qui nous écoutent, peuvent nous aider dans cette entreprise.
     Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de moderniser vos systèmes et de changer la façon dont vous traitez les gens. À titre d'exemple, vous avez mentionné une amélioration importante en ce qui a trait à l'arriéré des griefs. Pouvez-vous nous dire comment vous vous assurerez qu'il s'agit d'une amélioration durable et non ponctuelle?
     Je vais me tourner vers l'expert, le général Simoneau. Il m'a expliqué hier comment il allait s'assurer que les leçons tirées sont communiquées au centre d'expertise.
    Comme l'a mentionné le chef d'état-major de la défense, nous avons mené un projet pilote et nous avons formé un comité, afin de réunir tous les experts en la matière pour trouver des outils plus opportuns pour régler les griefs. Nous avons l'intention de créer un centre d'expertise qui reproduira ce que le comité a fait pour régler un grand nombre de griefs en trois semaines. En trois semaines, nous avons éliminé l'arriéré, comme l'a mentionné le chef d'état-major de la défense, et je pense que cette nouvelle façon de faire nous permettra d'agir beaucoup plus rapidement pour nos membres.
(1700)
    Général, pouvez-vous nous parler des défis et des obstacles auxquels vous avez fait face dans vos efforts pour améliorer la transparence au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, ainsi que de la façon dont vous vous y attaquez?
     Je pense que le problème est le même que pour bon nombre des autres défis auxquels nous sommes confrontés, à savoir une culture d'intolérance au risque. Nous devons être plus disposés à prendre des risques à court terme pour réaliser des gains à long terme. Nous l'avons vu très clairement dans les efforts que le général Simoneau a déployés pour régler ces griefs.
    Culturellement, nous avons une tendance à viser une solution à 100 % qui est complètement étanche sur le plan juridique, mais qui prendra une éternité. Ce n'est pas la bonne façon de faire. Allons‑y avec une solution à 80 ou à 90 %, puisque la rapidité est essentielle. Le même principe peut s'appliquer à un grand nombre des défis auxquels nous sommes confrontés.
    Il vous reste environ 50 secondes.
    D'accord.
    À l'avenir, quelles sont les priorités pour accroître davantage la transparence au sein du ministère?
     Pour ce qui est des priorités, il s'agit d'élaborer ou de simplifier notre processus d'AIPRP pour qu'il soit beaucoup mieux adapté. Il faut rendre notre processus de règlement des griefs beaucoup plus réceptif et transparent dans nos communications avec les plaignants, afin qu'ils comprennent où en est leur grief. Il faut également continuer à transmettre le message concernant l'excellent travail que nous faisons partout au pays.
    Merci.

[Français]

    Madame Normandin, vous avez la parole, pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je prendrai moi aussi quelques secondes pour vous remercier, général Eyre, de vos présences toujours très généreuses au Comité, ainsi que de vos réponses qui nous ont permis de formuler de bonnes recommandations. Nous sommes désolés et déçus de vous perdre, mais nous vous souhaitons du succès dans vos projets à venir. J'espère que vous reviendrez peut-être encore une fois d'ici la fin de la session parlementaire.
    Je vais poser une question, qui est tout de même assez longue. J'espère que je serai, malgré tout, relativement claire. Prenez tout le temps qu'il vous faudra pour y répondre. Cette question s'inspire de celle qu'un militaire m'a posée.
    Il m'a dit qu'il y avait eu trois examens indépendants du processus de grief, mais qu'il y avait malgré tout des délais et de l'accumulation, et que le processus était laborieux. Il m'a dit aussi qu'une vieille décision fédérale confirmait que les militaires n'étaient liés à la Couronne par aucun contrat de travail, ce qui fait que le processus de grief, peu importe comment on le changera, demeurera toujours interne aux Forces armées canadiennes. Il n'y aura jamais la possibilité d'un recours extérieur.
    N'est-on pas en train de regarder le problème de la mauvaise façon? Devrait-on aussi considérer la possibilité de revoir la façon dont les militaires sont embauchés? Devrait-on revoir le fait qu'ils ne sont pas nécessairement des fonctionnaires et qu'ils n'ont pas de contrat de travail ou de recours autre qu'à l'interne? Le fait de revoir ce processus pourrait-il aussi faire partie de la réflexion dans l'optique d'améliorer le processus de griefs?
    J'ai l'impression que nous avions déjà entamé cette discussion avec le ministre Blair. En effet, nous avions évoqué la possibilité d'une période d'essai de deux ans pour les recrues, afin de voir si elles aiment ou non le service militaire et de leur donner la possibilité de partir. Il semble déjà y avoir une mouvance dans le but de revoir la façon de faire les choses.
    Serait-ce une bonne idée de se pencher aussi sur la façon dont les militaires sont embauchés et liés à leur emploi? L'étude sur les griefs pourrait-elle explorer cette avenue?
     Monsieur le président, c'est une question intéressante.
    Je ne sais pas s'il y a un lien entre les périodes de recrutement et de formation professionnelle et notre système de griefs. Pour ma part, je vois difficilement ce lien.
    Je dois cependant ajouter que, maintenant, les membres qui ont un grief, après la fin du processus, ont toujours droit à une révision judiciaire externe aux Forces armées canadiennes.
    Je demanderais au général Simoneau d'ajouter son avis à ce sujet.
(1705)
     Merci, monsieur le président.
    J'ajouterai simplement que notre emploi est quand même codifié au sein de la Loi sur la défense nationale. Nous ne sommes donc pas comme des fonctionnaires, mais il y a quand même un bon cadre pour entourer ce que nous faisons.
    Le système de grief n'existe pas uniquement au sein des Forces armées canadiennes, comme le chef d'état-major vient de le dire. On peut quand même aller en cour fédérale par la suite. Ce qui est important pour nous, c'est de s'assurer que les membres peuvent aller en cour fédérale de façon à ce qu'ils puissent résoudre leurs problèmes. Il faut donc aller plus vite qu'avant.
    Le membre avec qui vous communiquez et qui disait qu'il y avait des délais a raison. Il y a toujours des délais, c'est tout à fait vrai. Or c'est exactement le problème que nous sommes en train de régler présentement, en numérisant le système de grief, ainsi qu'en changeant tout son fonctionnement. Nous faisons une refonte complète du système dans le but de permettre aux membres, une fois qu'ils sont passés devant l'autorité initiale et l'autorité finale, qu'ils puissent avoir recours aux cours fédérales le plus vite possible, pour qu'on puisse régler le problème et répondre à leurs besoins.
    Certains ont des griefs tout à fait recevables. Parfois, nous ne sommes simplement pas en mesure de les résoudre; il faut donc leur donner l'occasion d'utiliser ces recours.
     Monsieur le président, notre juge-avocat général a quelque chose à ajouter aussi.
    Si je comprends bien, votre question porte sur les relations entre la Couronne et les membres des Forces armées canadiennes, n'est-ce pas? Dans le cadre du droit constitutionnel, la Charte canadienne des droits et libertés permet au Parlement de revoir cette relation.
    Comme le général Simoneau l'a mentionné, c'est défini par le droit commun, mais aussi par la Loi sur la défense nationale. C'est une idée à étudier.
     C'est intéressant. On essaie de trouver toutes les pistes possibles et, dans ce contexte, j'ai une sous-question à poser.
    L'un des reproches que le militaire faisait, c'est que, ultimement, c'est le chef d'état-major qui a le dernier pouvoir de redressement. Or, quand on doit aller à la Cour fédérale, le processus est extrêmement long.
    Le pouvoir de redressement devrait-il être aussi offert à d'autres entités externes aux militaires lorsqu'un grief est accepté?
     Monsieur le président, je suis responsable de la discipline et de la bonne conduite au sein des Forces. C'est ma responsabilité à titre de chef d'état-major de la défense. À mon avis, nous devons conserver les responsabilités au sein des Forces, comme institution, pour nous assurer de continuer à diriger les Forces.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'ajouterais, mon général, que c'est simplement l'importance du comité dont nous parlions plus tôt. Cela nous donne de très bons avis; ce sont des avis impartiaux et non filtrés, et ils nous sont très utiles. Ayant souvent côtoyé le chef d'état-major à propos de griefs...

[Traduction]

    Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter là.
    Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes. Je vous en prie.
     Bon nombre de questions allant dans le même sens que les miennes ont déjà été posées, à savoir que, malheureusement, ces retards ont un lien avec l'autorité de dernière instance, où les dossiers stagnent pendant quatre ou cinq ans.
    En ce qui a trait à l'attente avant la résolution des griefs et du stress et des traumatismes qu'elle peut causer, leurs répercussions se font sentir pendant longtemps. C'est certainement un problème auquel nous devons nous attaquer au gouvernement.
    Pour ce qui est de s'écarter de la chaîne de commandement et de passer outre à l'autorité de dernière instance — je sais que vous en avez parlé un peu —, y a‑t‑il d'autres options? Vous avez parlé de rationalisation, mais y a‑t‑il une autre option que vous n'avez pas encore mentionnée?
     Comme je l'ai dit à la dernière séance, une fois que la décision est prise par l'autorité de dernière instance, le membre, le plaignant, a droit à un examen judiciaire, qui est externe à l'organisation. C'est une autre avenue.
     Pour ce qui est d'examiner d'autres modèles, je ne sais pas si l'équipe l'a fait ou non.
(1710)
    Nous l'avons fait. La façon dont la fonction publique fonctionne et dont elle essaie de résoudre les problèmes par le règlement informel nous inspire beaucoup. Il s'agit de réunir tous les experts en la matière. C'est ainsi que nous avons fonctionné avec le comité dans le cadre du projet pilote. Nous avons été inspirés par nos collègues de la fonction publique. Nous avons reconnu une fois pour toutes que ces délais étaient inacceptables, et nous avons tenté de régler ce problème. C'est à ce moment‑là que nous avons fait intervenir nos collègues de la fonction publique.
     Je pense que les gros arriérés que nous avons connus sont chose du passé. Je suis convaincu que nous sommes en train de faire avancer le système dans la bonne direction.
    L'une des choses que nous entendons constamment de la part de beaucoup de forces externes, les freins et contrepoids, les bureaux qui sont censés tenir le gouvernement responsable dans son ensemble, mais certainement le MDN, comme le commissaire à l'information, le commissaire à la protection de la vie privée, l'ombudsman lui-même... En 2023, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire a publié un rapport cinglant dans lequel elle affirmait qu'il y avait eu un refus de divulguer les renseignements nécessaires, et que bon nombre de ces bureaux n'avaient pas les pouvoirs nécessaires pour le faire. J'ai essayé de présenter cela dans un projet de loi pour assurer l'indépendance de l'ombudsman.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'importance de l'indépendance et des autres aspects de ces pouvoirs, pour faire en sorte d'être aussi transparents que possible. Que devons-nous faire à ce sujet?
    Je dois admettre que je n'ai pas d'opinion bien arrêtée au sujet du mécanisme de reddition de comptes pour les organisations comme l'ombudsman. Je sais et je suis fier de vous dire que nous avons une bonne et solide relation. Nous nous réunissons fréquemment et apprécions l'apport de ces divers acteurs indépendants.
    Je viens de terminer l'examen d'une ébauche de rapport que l'ombudsman va publier au sujet de ce dont nous discutons ici, et je l'appuie entièrement. Lorsque nous nous réunissons, la liste des problèmes que nous entendons de nos membres et les défis auxquels ils font face sont pratiquement les mêmes.
     Pour ce qui est de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et de son rapport annuel, il s'agit du cas de deux instances raisonnables qui sont en désaccord sur certaines choses, par exemple, ce qui constitue une plainte liée aux services de police, ou l'accès ou la divulgation de renseignements lorsqu'ils sont protégés par le secret professionnel des avocats. Ils demandent aux tribunaux de déterminer où se trouve cette limite. Il s'agit d'une façon rationnelle de relever le défi.
    Pour ce qui est du degré d'indépendance — qu'ils relèvent du ministre ou du Parlement —, je ne suis pas convaincu que cela aurait une incidence sur leurs enquêtes. Je suis satisfait de la relation que j'ai avec eux et j'apprécie leurs conseils.
     L'une des principales préoccupations de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, c'est qu'elle ne peut même pas avoir accès à l'information. Qu'en est‑il de ce problème, qui figure parmi les plus importants. Le rapport entre la divulgation et l'accès à l'information laisse à désirer, et c'est encore pire dans le reste du processus.
    Étant donné que l'affaire est devant les tribunaux, je ne peux pas vraiment me prononcer.
    Je ne sais pas si le juge-avocat général a quelque chose à ajouter.
    Je ne peux pas faire de commentaire non plus.
    Je tiens à souligner le rôle important que joue la CPPM pour s'assurer que les Canadiens et les membres des Forces armées canadiennes sont convaincus que la police militaire agit de façon professionnelle et indépendante. Il est important de régler ces problèmes. Je pense que nous devons respecter le fait qu'ils ont choisi les tribunaux pour le faire.
    Nous devons respecter cela, mais aussi essayer d'éviter de telles situations.
    Merci.
    Cela nous amène au deuxième tour de cinq minutes.
    Allez‑y, madame Gallant. Je vous en prie.
     Général Eyre, le 18 octobre 2022, je vous ai demandé quelle était l'incidence de l'obligation vaccinale sur le recrutement et le maintien en poste des militaires. Par souci de transparence, et étant donné que Santé Canada n'autorise plus les vaccins contre la COVID‑19 d'AstraZeneca, auriez-vous l'obligeance de fournir au Comité tous les avis juridiques que vous avez dit avoir reçus à la Presse canadienne, en plus de la note d'information du 27 août 2021 qui vous a été présentée par le lieutenant-général Trevor Cadieu?
(1715)
    Permettez-moi d'intervenir sur ce point. En général, les opinions juridiques sont protégées par le secret professionnel de l'avocat. J'aimerais savoir si le juge-avocat général pense qu'il s'agit d'une demande raisonnable.
     Si c'est possible, monsieur le président, ce serait vraiment utile d'avoir cela. Je veux éviter une série de nouveaux griefs en essayant d'obtenir les directives récentes et les messages généraux des Forces canadiennes, ou CANFORGENS, qui ont été envoyés et qui exigent que les nouvelles recrues aient reçu des vaccins contre la COVID avant d'être déployées dans une unité, après avoir réussi l'instruction de base.
    Réglons la question de savoir si ce qui est demandé relève du secret professionnel de l'avocat. J'aimerais résoudre ce problème. C'est une question légitime, mais le client n'est pas nécessairement en mesure de libérer l'avocat de cette obligation.
    Si vous pouviez me donner votre opinion, général Holman, je vous en serais reconnaissant.
    Je ne suis pas l'avocat du Comité, malheureusement. Cependant, il est généralement entendu que, pour les conseils juridiques donnés à la Couronne, le client concerné et la personne qui peut décider de renoncer ou non au secret professionnel de l'avocat doivent se situer au moins au niveau ministériel, et généralement au niveau du gouverneur en conseil.
    Cela ne relève pas du chef d'état-major de la défense dans les circonstances.
    Dans ce cas, la renonciation à la confidentialité relèverait du ministre. D'accord. Je comprends cela.
    Merci de votre intervention, monsieur le président. J'espère que vous m'ajouterez le temps que vous venez d'utiliser.
    J'ai arrêté votre chronomètre. Ne vous inquiétez pas.
    Merci.
    Mardi, Global News a rapporté que le Commandement des Forces d'opérations spéciales du Canada avait procédé à un changement de commandement sans faire d'annonce publique. Pourquoi les FAC ont-elles attendu que Global News rapporte que le brigadier-général Steve Hunter avait pris la relève du major-général Steve Boivin pour annoncer la nouvelle?
    Pour rétablir les faits, un communiqué de presse a été préparé. Je ne suis pas certain du moment exact. J'imagine qu'il a été publié en même temps, mais cela n'avait pas de lien avec cette annonce par un organe de presse en particulier. Il n'y avait rien à cacher.
    Nous travaillons à effectuer une transition délibérée des changements de commandement, comme c'est normal à cette période de l'année. Étant donné que certaines promotions sont toujours en attente en raison de certaines décisions du gouvernement, nous n'avons pas encore publié le tableau complet des généraux et des officiers généraux, car il n'a pas encore été finalisé. Comme une transition très délibérée est envisagée, il s'agit du premier d'un certain nombre de déplacements, comme cela se fait normalement.
    Que conseilleriez-vous à votre successeur pour veiller à ce que les FAC soient plus transparentes?
    Je pense qu'il est important de donner aux Canadiens un portrait exact de l'environnement de sécurité, des défis auxquels nous faisons face et des succès que nous remportons régulièrement. Je conseillerai à mon successeur de comparaître devant le Comité lorsqu'il sera invité à le faire, bien qu'il n'ait pas le choix de toute façon. Il s'agit d'être actif et d'encourager les autres à communiquer avec les Canadiens. Cependant, cela ne peut pas se limiter aux communications du chef d'état-major de la défense. En fait, nos porte-parole les plus crédibles sont souvent nos subalternes.
    J'ai encore quelques brèves questions.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de Petawawa. Je voulais vous dire qu'il y a une petite crise là‑bas en ce moment. Vous avez mentionné que la condition physique était importante, y compris l'activité physique au sein d'une ligue. Malgré tout intérêt des militaires pour le golf, le terrain de golf est complètement fermé. C'est sans parler de ce que cela entraîne pour les enfants du personnel déployé, qui n'ont pas de moyens de transport pour sortir de la base pour participer à des activités. Lorsque vous serez à la retraite, ou même avant cela, essayez de vous pencher sur cela. Il s'agit d'une entité autonome, et c'est très important pour cette collectivité.
    Nous avons entendu dire que certains demandeurs d'accès à l'information qui sont actuellement en service ont fait l'objet de représailles de la part de leurs supérieurs pour avoir simplement demandé des renseignements. Qu'avez-vous à dire aux militaires qui sont victimes de ce genre d'abus, ainsi qu'à leurs supérieurs qui en sont actuellement à l'origine?
(1720)
    Toute allégation à cet égard doit être signalée et faire l'objet d'une enquête. Mon seul commentaire est que cette situation est inacceptable.
    Merci.
    Le colonel Vihar Joshi a dit au Comité qu'il serait plus transparent que tous les griefs lui soient soumis « de manière discrétionnaire ou obligatoire », pour faire l'objet d'une opinion et d'un examen indépendants devant une autorité de dernière instance. Vous nous avez dit le contraire. Pouvez-vous expliquer la contradiction?
    C'est une question de capacité, de rapidité et de réactivité. Il s'agit de régler les griefs qui doivent vraiment être examinés par le comité par rapport à ceux qui peuvent être réglés de façon informelle.
    Je sais que le général Simoneau a examiné la question en détail, alors je vais lui demander d'ajouter ses commentaires.
    Très brièvement. Je vous en prie.
     Tout ce que j'ajouterais, c'est que nous accordons une grande importance aux commentaires du comité et que nous voulons que ses membres se concentrent sur les dossiers importants. Environ 40 % des dossiers leur sont confiés, et ils portent principalement sur la rémunération, les avantages sociaux, le harcèlement et les soins de santé. C'est là que nous avons le plus besoin d'eux, pour obtenir un avis non filtré et impartial.
     Merci, madame Gallant.
    Madame Lambropoulos, vous avez cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui pour répondre à nos questions.
    Général Eyre, merci beaucoup d'avoir servi notre pays. Je vous souhaite une bonne retraite.
    Les FAC ont entrepris plusieurs réformes importantes et de grande envergure sous votre direction. Je me demande si vous pouvez nous dire lesquelles parmi les dernières sont les plus importantes et lesquelles ont déjà été remarquées par les membres.
     C'est une grande question. Nous avons déployé beaucoup d'efforts de changement au cours des dernières années, qu'il s'agisse de la reconstitution de nos forces ou de l'augmentation de notre effectif. De ce point de vue, je suis très fier du fait qu'au cours du dernier exercice, nous avons augmenté nos forces régulières et nos forces de réserve après trois années de compressions. J'ai bon espoir que les changements que nous avons apportés à notre système et que nous continuons d'apporter en matière de recrutement et de maintien en poste porteront fruit.
    Pour ce qui est de continuer à faire évoluer notre culture, nous avons discuté d'un aspect — la modernisation des griefs. Il faut que cela continue. Très bientôt, une stratégie d'évolution de la culture sera publiée, ainsi qu'un plan de mise en œuvre complet pour tous les examens externes que nous avons effectués. Avec le temps, ces changements seront apportés. Un certain nombre d'entre eux ont déjà pris forme.
    Nous sommes passés de la résolution des problèmes par la réglementation à un système fondé sur les valeurs. Ce que j'entends par là est lié à la publication de « Digne de servir ». Ce sont les valeurs auxquelles nous aspirons. Nous ne serons pas en mesure de mettre des règlements en place pour tout. Plutôt que de nous en remettre aux règlements, nous aspirons aux valeurs qui sont énoncées. C'est un changement d'approche important.
    Je suis d'accord. Je pense que vous l'avez bien expliqué.
    Il y a quelque temps, le 17 avril, un témoin qui a comparu devant le Comité a parlé du fait que l'officier X, qu'il n'a pas nommé, avait 14 ans d'antécédents d'inconduite sexuelle au sein des forces et a récemment obtenu une promotion. Lorsque nous parlons de la nécessité de changer la culture, nous espérons que cela est pris en compte et que les mauvais comportements ne sont pas récompensés, mais punis.
    Comment pouvez-vous vous assurer, ou comment un futur général peut‑il s'assurer, que ces changements sont apportés et qu'ils ont une incidence sur la prévention de ce genre de situation?
    Cela me ramène à ce que j'ai dit au début, dans mon analogie avec le centre de conditionnement physique. Nous devons déployer des efforts continus pour régler les problèmes de conduite et ceux qui vont à l'encontre de nos valeurs fondamentales.
     Je suis l'autorité de dernière instance pour le cas précis que vous avez soulevé. Je n'ai pas de lien de dépendance avec ce cas, mais je suis au courant de ces allégations. Je devrai m'en occuper en temps et lieu. Je sais que le général Simoneau est plus au fait de cette affaire.
    En général, notre société continue d'évoluer rapidement. On pourrait dire qu'il y a eu plus de changements sociétaux au cours des 10 dernières années qu'au cours des 50 dernières années combinées. Ce que cela signifie pour nous, alors que nous nous efforçons de refléter les valeurs et la nature changeante de la société canadienne, c'est que nous devons continuer à changer et à évoluer. Cela n'a pas de fin. Il faut constamment changer, changer continuellement.
(1725)
     Il me reste une minute. Il n'y a pas grand-chose que je puisse vous demander et à laquelle vous pouvez répondre en une minute, mais j'insiste pour dire que c'est, à mon avis, le changement le plus important qui doit être apporté. Ce témoin n'aurait pas pu mieux dire lorsqu'il a expliqué que les gens ont plus peur de dire la vérité, d'être honnêtes et bons que d'être mauvais, parce que les mauvais ne cessent d'être récompensés.
    Je pense que c'est la chose fondamentale qui doit changer au sein des FAC. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Je constate que nos membres sont maintenant beaucoup plus disposés à se manifester que par le passé. Pour moi, c'est un signe que nous apportons des changements positifs. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais tant que nous identifions ces poches de résistance et que nous continuons d'aller de l'avant... Comme je l'ai dit, nous devons continuer à bouger, à mettre le pied sur l'accélérateur et à nous concentrer là‑dessus.
    Merci, madame Lambropoulos.
    Madame Normandin, vous avez deux minutes et demie. Je vous en prie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    On a récemment appris que l'Agence des services frontaliers du Canada avait perdu l'équivalent de 12 000 demandes d'accès à l'information lors d'une mise à jour informatique. Cela a-t-il également touché le ministère de la Défense nationale? Le ministère a-t-il étudié cette affaire, afin qu'elle ne se reproduise pas?
    J'aimerais savoir si le ministère de la Défense nationale a pris des précautions pour éviter qu'un problème similaire survienne.
    Monsieur le président, comme je ne suis pas au fait de cet incident, je ne peux pas faire de commentaire.
     Merci.
    J'aimerais revenir à la question des griefs.
    J'ai déjà entendu certaines histoires. Par exemple, des sous-officiers disaient que plusieurs griefs avaient déjà été déposés contre eux et qu'on pouvait en formuler d'autres si on n'était pas content. On entendait parfois cela, mais je comprends que beaucoup de travail a été fait à cet égard depuis.
    Même si plusieurs griefs sont formulés et traités rapidement, une réponse négative ou un redressement insuffisant n'inciteront-ils pas les gens à prendre les griefs à la légère?
    Le fait qu'un grief ne fasse pas nécessairement peur à un militaire, c'est un problème. Ce dernier va-t-il être réglé? De quelle façon le sera-t-il?
    Y a-t-il quelque chose à cet égard dans le projet de loi C‑66, que nous allons étudier prochainement?
    Monsieur le président, dans une telle situation, un dirigeant n'a pas de quoi être fier. À mon avis, c'est la communication qui permet d'éviter les griefs. Selon le comité, la plupart des griefs viennent d'un manque de communication. Je trouve donc primordial d'avoir une meilleure communication avec les pairs, les subordonnés et les supérieurs.
    Monsieur le président, j'aimerais ajouter qu'on ne dépose pas un grief contre quelqu'un; on le dépose pour soi, parce qu'on a été atteint par une situation.
    Présentement, on est en train de numériser tout le système. Quand quelqu'un entre accède au système à partir de son téléphone, cela se rend directement au commandant de l'unité et au centre d'expertise dont le chef du personnel parlait.
    Ainsi, la priorité est directement accordée au membre. On ne peut plus accepter que quelqu'un ne fasse pas grand cas d'un grief; c'est une culture très toxique. On ne peut plus accepter cela.
    Il faut aussi s'assurer que les bons niveaux de la chaîne de commandement sont...
(1730)

[Traduction]

     Malheureusement, je dois vous arrêter ici, madame Normandin.
    Vous avez deux minutes et demie, madame Mathyssen. Je vous en prie.
    Pour faire suite à la dernière série de questions, je vais reprendre ce point, car vous ne comparaîtrez peut-être plus devant nous. Je vous remercie de tout cœur pour votre service. Je vous en suis très reconnaissante.
    Je voudrais que nous parlions de la nouvelle mesure législative qui découle du rapport Arbour, le projet de loi C‑66. L'un des plus grands changements qui, je l'espère, s'avérera efficace, n'est pas la création d'un nouveau poste, mais la modification du poste de grand prévôt, qui devrait éventuellement être retiré de la chaîne de commandement. Malheureusement, comme nous en avons discuté aujourd'hui, la chaîne de commandement est imprégnée d'une forte tendance à dissimuler, à punir et à éviter de régler ces situations.
    Pouvez-vous nous dire comment, à votre avis, ce changement proposé dans le projet de loi C‑66 améliorera la situation? Voudriez-vous aussi nous dire en quoi cela vous préoccuperait? Nous pourrons ajouter cela à une autre étude plus tard.
    À mon avis, il s'agit plus d'un sentiment d'indépendance que de l'indépendance en soi. Ce processus sera le même que celui du JAG, qui est nommé par le gouverneur en conseil.
    Brigadier-général Holman, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Le chef a raison. La modification qu'apporterait le projet de loi C‑66 au poste du grand prévôt général ne produirait qu'une perception. Même dans le régime actuel, une fois que le grand prévôt est nommé par le chef d'état-major de la défense, il ne peut être démis de ses fonctions que sur recommandation d'un comité d'enquête indépendant à la suite d'une enquête publique. Le projet de loi C‑66 ne modifiera pas les éléments de base de ce processus, mais il y ajoutera cette perception en chargeant le gouverneur en conseil, et non plus le chef d'état-major de la défense, de nommer le grand prévôt. Cela supprimerait complètement la fonction de commandement que détient actuellement le grand prévôt.
    Il vous reste 20 secondes.
     Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Kelly, vous avez cinq minutes.
     Je vous remercie de servir le Canada et les Canadiens. J'ai beaucoup aimé les témoignages que vous avez présentés au Comité.
    J'en reviens à ce que Mme Lambropoulos a relevé d'un témoignage devant le Comité, à savoir que beaucoup de membres pensent qu'ils courent plus de risques professionnels en faisant ce qu'ils devraient faire au lieu de supprimer de l'information. Dans son témoignage, M. Patrick White a dit ceci:
J'ai eu de la difficulté à trouver le nom d'un seul haut gradé des forces armées qui a été tenu responsable de quoi que ce soit d'autre que de sa propre conduite. Autrement dit: est‑ce que quelqu'un a été relevé de ses fonctions de commandement pour les 2 000 agressions sexuelles qui ont eu lieu au cours de la dernière année ou de l'année précédente? Nous sommes toujours aux prises avec ces problèmes huit ans après l'opération Honour.
    Qui dirige tout cela? Qui est responsable de l'omniprésence de l'inconduite sexuelle?
     J'ai vu des commandants de niveau intermédiaire et de niveau supérieur subir des mesures correctives et administratives pour avoir mal géré des cas et pour ne pas avoir pris les mesures qui convenaient. Même si elle est très répandue, cette perception disparaît lorsqu'on prend les mesures concrètes qui conviennent.
    Vous avez dit, en réponse à une question précédente, qu'il est inacceptable que des gens qui déposent des griefs subissent des représailles. Pourtant, d'autres témoins nous ont dit que les représailles sont subtiles et difficiles à documenter ou à suivre. Par exemple, la promotion due à un membre est accordée à un autre membre. Les membres se demandent ce qui motive un certain nombre de micro... La promotion est un événement important, mais il y a toute une série de décisions minimes qui, en s'accumulant, ressemblent à des représailles.
    Comment allez-vous aborder ce problème? Oui, c'est tout à fait inacceptable. Comment recommanderiez-vous à votre successeur de veiller à ce qu'il n'y ait pas de représailles?
(1735)
     Les membres des Forces armées canadiennes sont humains. Le député parle de comportements humains, qu'il s'agisse de représailles, de conflits de personnalités ou autres. Ce problème a bien plus d'ampleur que cela. Il ne s'agit pas seulement de représailles. Ce problème provient de la façon dont nous nous traitons les uns les autres et de la façon dont les chefs dirigent.
     Vous avez parlé de promotions. Nous composons les conseils de promotion en y plaçant des représentants très divers pour éviter que la voix d'une seule personne ne détermine la décision finale. En modifiant la formation des chefs, nous y ajoutons une approche axée sur l'intelligence émotionnelle, sur des modes de commandement moins uniformes ainsi que sur la compréhension de la dynamique du pouvoir. Tout cela est maintenant intégré à notre formation des chefs. Nous abordons une myriade de comportements humains afin d'améliorer notre organisme.
     Il n'y a pas de solution miracle; il n'y a pas de solution unique. Nous devons continuer à avancer sur plusieurs fronts.
     Le Comité a également entendu dire que le fait de porter plainte auprès du commissaire à l'information et du commissaire à la protection de la vie privée ne constitue pas un accès exceptionnel aux renseignements que l'on demande; cela fait partie du processus. On n'obtient des renseignements qu'en déposant une plainte. Autrement dit, l'information n'est pas communiquée de façon proactive, et ce délai donne le temps de la supprimer.
     Ces témoignages indiquent-ils que le système d'accès à l'information fonctionne bien? Qu'a‑t‑on fait pour régler ce problème?
     Ce problème a plusieurs facettes, et j'ai été surpris de le découvrir dans notre propre système. Par exemple, dans le cas de la retraite — non, je n'envisage pas de prendre ma retraite pour le moment —, il fut un temps où, pour obtenir un dossier médical, il fallait présenter une demande d'accès à l'information. En 2018, cela a changé.
    Cela fait partie du besoin ou du désir de détenir nos dossiers personnels. Nous sommes en train de changer ce processus aussi. Nous en discuterons...
    Il ne nous reste qu'un instant.
    Le changement a été effectué en 2018, mais le problème est‑il réglé? Les gens obtiennent-ils leurs renseignements personnels?
    Dans le cas des dossiers médicaux, oui, le processus a changé.
    Quant aux dossiers du personnel — certains d'entre eux sont assez volumineux —, on est en train de modifier le processus. En fait, j'ai mentionné la séance d'information que le sous-ministre et moi-même allons tenir demain, et c'est l'un des aspects dont nous allons discuter.
    Ce sont des changements proactifs absolument nécessaires.
    Merci, monsieur Kelly.
    M. Collins va poser les dernières questions.
     Merci, monsieur le président.
    Général, je vous félicite pour votre brillante carrière. J'ai l'impression que, quoi que vous fassiez après cela, vous apporterez une précieuse contribution à la société. Je vous remercie pour votre service et pour tout ce que vous avez fait pour nous.
    Je vais commencer par reprendre certaines des observations que vous avez faites au début. Vous avez dit que l'organisme est en plein essor. Vous avez également parlé du rythme incroyable des changements que les Forces armées canadiennes ont apportés. Vous avez apporté en 10 ans des changements qui, normalement, se seraient étendus sur une cinquantaine d'années. Cela révèle clairement le genre de changements que vous avez effectués en très peu de temps.
    Malgré cela, on se heurte toujours à l'opposition de petits groupes de personnes qui résistent au changement. C'est tout à fait humain. Il s'agit d'une immense organisation, et non d'un petit bureau où deux ou trois personnes doivent s'habituer à la modification de quelques processus. Il s'agit de milliers de personnes d'une organisation qui existe depuis très longtemps.
    Quand vous vous efforcez de modifier la culture d'un organisme en très peu de temps et que vous vous heurtez à une certaine résistance, quels conseils donnez-vous à la relève? Comment les membres qui vous suivront devraient-ils traiter le petit groupe qui ne comprend pas l'orientation de l'organisme?
     Je me suis posé cette question pendant mon mandat en faisant face aux petits groupes de résistants dont vous parlez. Si l'on ne peut pas les faire changer d'avis, si l'on ne peut pas les éduquer — c'est souvent dû à un manque d'éducation —, et si ces personnes refusent de s'adapter aux changements pour améliorer l'organisme, il faut qu'elles s'en aillent. Cela s'est produit dans bien des cas. C'est une question de responsabilisation. Bien des chefs ont été destitués à cause de cela, à cause de leur attitude qui ne correspondait pas aux valeurs que nous voulions établir.
    C'est aussi une question de culture. Nous devons agir prudemment, parce que nous n'apportons pas un changement total. Il y a certains aspects de notre culture que nous devons absolument conserver — accepter de nous placer en danger pour protéger autrui, accepter de quitter nos familles et de nous envoler à l'autre bout du monde pour le bien de notre pays, suivre les ordres et faire ce qu'on nous demande. Ces attitudes fondamentales doivent absolument s'intégrer à notre personnalité et à l'efficacité opérationnelle afin de répondre aux besoins du Canada. Il y a cependant d'autres aspects néfastes. Nous devons continuellement les détecter et nous y attaquer.
(1740)
     Vous avez également parlé du processus de grief, et vous avez dit qu'il doit être opportun et adapté. Je connais très bien le fonctionnement des syndicats, comme d'autres personnes autour de cette table, je pense. Il arrive bien souvent que l'augmentation du nombre de griefs qui s'étendent tout au long du processus — quel que soit leur processus — ait une incidence sur le moral des gens. Des témoins nous ont dit que les gens se plaignent de la longueur de ces processus de grief.
     Comment peut‑on améliorer le moral des troupes alors que l'on ne respecte pas les normes et les délais fixés pour ces situations?
     Les efforts déployés dans le cadre du projet pilote que le général Simoneau a dirigé ces derniers mois ont permis de jeter un peu de lumière sur certaines possibilités de changement. L'installation du centre d'expertise et la numérisation du processus jetteront de la lumière sur les domaines préoccupants dans les politiques et dans les unités. Comme le général Simoneau me l'a dit hier, certaines organisations affichent une proportion plus élevée de griefs, alors nous allons devoir intervenir.
    Ces files d'attente peuvent être considérées, si vous voulez, comme des sources d'information sur les aspects à changer. Elles nous aideront à repérer les groupes de résistance dont nous parlions tout à l'heure. Nous ne repérerons pas seulement des personnes, mais des politiques qui ne cadreront plus avec la nouvelle culture. Malheureusement, certaines politiques nous empêchent d'agir. Par exemple, je suis très frustré quand une personne lésée dépose un grief, mais que je ne peux rien y faire parce que la politique relève du Conseil du Trésor. En fait, le futur rapport de l'ombudsman traitera justement de cette question. C'est pourquoi j'ai tellement hâte de le voir.
    Ce genre d'analyse détaillée sera très utile pour notre organisme.
    Merci, monsieur Collins.
    Malheureusement, je dois suspendre la séance, général Eyre. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de comparaître devant nous. Vous avez toujours été un témoin réfléchi et intelligent des forces armées, et j'apprécie particulièrement votre sens profond de la réflexion.
     Vous avez parlé tout à l'heure de la relation entre la surveillance militaire et la surveillance civile. Ce comité représente une partie de la surveillance civile. Lorsqu'un pays n'effectue pas de surveillance civile au sein de ses forces armées, cette surveillance ne tarde pas à disparaître. Je vous remercie d'avoir reconnu que le Comité joue un rôle important dans cet aspect de la surveillance civile.
    Je reconnais également qu'il est de notre responsabilité commune de communiquer l'importance de ce que vous et les membres de votre commandement faites quotidiennement pour notre pays. Les gens n'y pensent pas assez, et nous devrions remédier à cela. Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Bezan au sujet du niveau de secret, de confidentialité et de sécurité. Il est difficile de communiquer lorsqu'on ne perçoit qu'une facette de la situation. Il faut que nous réglions ce problème.
    Général Eyre, au cours des années où vous avez comparu devant le Comité, vous avez montré que vous étiez prêt à défendre votre organisme et les valeurs fondamentales de notre pays. Je tiens à vous en remercier et, si vous me le permettez, au nom du Comité — ce comité n'a pas de budget —, je vais vous remettre ce cadeau-souvenir. C'est le whisky du Président.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant une minute ou deux, puis entamer notre deuxième heure.
(1745)

(1745)
    La séance reprend.
    Conformément à une motion adoptée par le Comité le 2 novembre, nous reprenons notre étude sur la défense spatiale.
    Pendant cette heure, nous accueillons M. Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada, que le Comité reçoit souvent, et M. Thomas Hughes, chercheur postdoctoral, Frank McKenna School, Université Mount Allison .
     Je vais demander à chacun d'entre vous de faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Comme il est toujours plus difficile de comparaître par vidéoconférence que de le faire en présentiel, je vais demander à M. Thomas Hughes de commencer.
    Vous avez cinq minutes, monsieur.
(1750)
    Bonjour à tous. C'est un privilège de présenter mes observations au Comité.
    La défense d'un domaine spatial est très complexe. Il faut comprendre que, bien que nous parlions de l'espace, le domaine spatial est en soi un catalyseur. Autrement dit, les opérations menées dans le domaine spatial facilitent les opérations civiles et militaires menées dans d'autres domaines. En pensant au domaine spatial et à la défense, il faut donc tenir compte non seulement de ce qui survient dans l'espace, mais aussi des effets d'entraînement que causent les opérations menées dans le domaine spatial. De même, le domaine spatial est intrinsèquement lié à la Terre. Nous gérerons donc plus efficacement les conflits liés au domaine spatial en ciblant des éléments de l'architecture spatiale qui ne sont pas situés dans l'espace.
    Le domaine spatial est particulièrement important pour le Canada à cause de l'Arctique. Les communications par satellite sont essentielles, et il est difficile de concevoir une surveillance complète du territoire arctique canadien hors du domaine spatial. Cela permet aussi au Canada d'enrichir ses connaissances de l'Arctique et de soutenir ses opérations dans l'Arctique.
    Soulignons maintenant trois difficultés pratiques et conceptuelles.
    Premièrement, il y a la question du double usage. Autrement dit, les satellites servent aux opérations militaires et civiles. Il est donc possible de nier l'usage malveillant de satellites destinés à cette fin en prétendant qu'ils ont une fonction civile. En voici un exemple très élémentaire: l'imagerie de la glace de l'Arctique saisie depuis l'espace peut servir à la recherche scientifique tout en contribuant à la planification militaire. Il est également utile de repérer des objets dans l'espace afin d'éviter que les orbites des satellites ne s'entrecroisent et afin de générer des coordonnées de ciblage avant de lancer un missile antisatellite.
     Par contre, il est difficile de prouver qu'un satellite n'a été lancé qu'à des fins bénignes, et cela accroît la possibilité d'une recrudescence involontaire des conflits. Bien que les capacités de surveillance existantes nous permettent de savoir quand les objets sont placés dans l'espace et qui est responsable de leur lancement, la fonction prévue de ces objets et l'utilisation des données qu'ils recueillent sont plutôt difficiles à discerner. Cette incapacité de faire une distinction sans équivoque entre les infrastructures spatiales militaires et civiles ajoute un élément politique au débat actuel sur la protection de nos actifs spatiaux. Il est crucial de combler cette lacune à l'aide de moyens techniques nationaux et, éventuellement, en développant un régime international pour renforcer la confiance en précisant la fonction des objets lancés dans le domaine spatial.
    Deuxièmement, l'industrie privée et l'État doivent coordonner leurs intérêts et leurs activités dans l'espace. L'industrie privée a joué un rôle crucial dans l'utilisation du domaine spatial à des fins civiles et militaires, dans le développement de l'infrastructure physique et dans la recherche. Cela présente aussi un défi politique et opérationnel. Si le Canada et ses partenaires et alliés deviennent trop dépendants de l'industrie privée dans ce domaine, il leur sera difficile de poursuivre leurs objectifs au rythme des besoins et d'assurer une fonction uniforme à des moments critiques. Les restrictions imposées sur l'utilisation de Starlink quand le Canada l'a fourni aux forces armées ukrainiennes illustrent cela très clairement. De plus, la nature délicate de l'information que les ministères de la Défense recherchent dans le domaine spatial ou au sujet de celui‑ci complique leur collaboration avec l'industrie privée, ce qui entrave la collecte et la diffusion des données.
    Troisièmement, en développant notre utilisation du domaine spatial, nous devrions tenir compte de la compréhension qu'auront les autres pays de nos vulnérabilités et de nos capacités. Il est essentiel de sensibiliser le public à la façon dont les autres pays perçoivent nos actions dans le domaine spatial afin que nous puissions maintenir une attitude dissuasive efficace sans être considérés comme des agresseurs. Toutefois, il sera critique d'empêcher nos adversaires d'utiliser le domaine spatial à des fins militaires. Nous devons respecter les règlements existants et comprendre les implications éthiques de toute activité liée à la défense dans le domaine spatial. Un aspect crucial de notre capacité militaire sera de percevoir le rôle que joue le domaine spatial dans la doctrine militaire de nos adversaires. Nous devrons être en mesure de perturber leur utilisation du domaine spatial en bloquant, si possible, la communication entre leurs stations terrestres et les objets qu'ils ont lancés dans l'espace, sans toutefois frapper directement ces objets. Ces capacités seront cruciales quand les Forces armées canadiennes dirigeront leurs opérations dans tous ces domaines.
    Merci.
(1755)
    Merci.
    Monsieur Leuprecht, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre invitation.
    Je vais intervenir en anglais, mais je pourrai répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

[Traduction]

    Imaginez le scénario suivant. La Chine lance un avertissement cinglant, mais au lieu de cibler des infrastructures américaines, ce qui susciterait une réaction violente, elle cible un satellite canadien. La Chine dispose de plusieurs capacités pour le faire, y compris des missiles antisatellites et un bras robotisé. Elle a d'ailleurs démontré en 2022 que ce bras est capable de déplacer un satellite hors de son orbite géosynchrone. Est‑ce que cela constituerait une attaque contre le continent, contre le Canada ou contre l'OTAN? Le domaine spatial ne fait pas partie du théâtre transatlantique.
    Le Canada a besoin de réponses claires et définitives à ces questions afin de dissuader les acteurs malveillants qui ont les capacités, l'intention et la volonté de cibler les ressources canadiennes et alliées dans l'espace. La dissuasion dépend également d'une surenchère qualitative des capacités antagonistes, et l'espace dépend de la capacité qu'aura le Canada de mener des guerres dans plusieurs domaines.
    Tout cela représente un défi de taille pour la disponibilité opérationnelle et pour les capacités de nos forces armées.
     À l'heure actuelle, les Forces armées canadiennes disposent de presque autant de fonds qu'à la fin de la guerre froide. Leur contingent d'état-major est environ un tiers plus petit qu'il ne l'était, alors que leurs tâches ont beaucoup augmenté, en partie parce qu'elles doivent maintenant défendre deux domaines supplémentaires. En plus de la terre, de la mer et de l'air, elles ont la cybernétique et l'espace. Face à des menaces intégrées à l'échelle mondiale, le cyberespace et l'espace sont des domaines très dynamiques qui font partie intégrante des quatre fonctions fondamentales du ministère de la Défense, soit de rassurer les alliés et les citoyens du pays, de prévenir les conflits, de combattre et de protéger les Canadiens.
     Les communications civiles et militaires canadiennes, la sécurité nationale et un large éventail de fonctions et d'opérations civiles et militaires dépendent de l'espace. Cela se manifeste particulièrement dans le Nord et dans l'Arctique, qui dépendent de façon disproportionnée de nos capacités spatiales.
    La Chine a déployé des systèmes d'interdiction d'accès et de zone le long de son archipel. Le Canada doit faire de même dans l'Arctique. L'Arctique est extrêmement vulnérable, car A2/AD, le déni d'accès et l'interdiction de zone, dépendent fortement des ressources spatiales. Autrement dit, la défense spatiale est la défense de l'Arctique, la défense de l'Arctique est la défense du continent, et la défense du continent est la défense des alliés, parce qu'elle assure une dissuasion étendue, notamment une dissuasion nucléaire étendue.
    Le Canada est un partenaire régional pour l'Arctique, et sa capacité de défendre le flanc Nord de l'OTAN dépend en définitive de l'espace. Ses adversaires le comprennent, et c'est précisément pour cela que les acteurs malveillants s'attaquent à notre capacité de dominer et de contrôler notre domaine spatial. Autrement dit, la rivalité stratégique est pleinement visible dans l'espace, et quiconque contrôlera l'espace dominera notre monde au XXIe siècle.
(1800)
    Voici quatre points importants à retenir.
    Premièrement, si le gouvernement mène sérieusement sa politique étrangère fondée sur des valeurs, alors il devrait se joindre aux efforts continus des États-Unis pour renforcer le Traité sur l'espace extra-atmosphérique dont la Russie et la Chine sont signataires. La détérioration ou l'abrogation de ce régime fonctionnel établi irait fondamentalement à l'encontre des valeurs et des intérêts du Canada.
     Le Canada doit adopter des approches qui réglementent non seulement les capacités spatiales, mais aussi la façon dont ces capacités sont utilisées. Il doit faire de la diplomatie spatiale multilatérale une priorité absolue. Dans les années à venir, l'ONU créera deux nouveaux groupes de travail ouverts, un pour chacune de ces approches.
    Deuxièmement, le Canada doit adopter une approche pangouvernementale de l'espace pour élaborer une stratégie nationale cohérente. Comme ses ressources sont limitées, il devra redoubler d'efforts de collaboration avec ses alliés et avec le secteur privé pour exécuter une stratégie de défense spatiale. Le document intitulé Vision 2031 des opérations spatiales interalliées, rédigé par le Groupe des cinq avec la France et l'Allemagne — qui a d'ailleurs été présenté au Comité —, démontre que notre cadre de politique spatiale remonte à 2014.
    Troisièmement, l'espace est un excellent exemple de la raison pour laquelle les Forces armées canadiennes doivent accélérer leur changement de culture. Quand les États-Unis ont mis sur pied le Space Command, il était tout à fait différent des autres commandements: sa culture institutionnelle est très horizontale — et non hiérarchique —, il a recruté les meilleurs talents d'autres services, et ses membres sont principalement civils, car la plupart des compétences requises ne se trouvent pas facilement dans l'armée.
    Quatrièmement, les forces armées modernes ne peuvent pas fonctionner sans les technologies, les capacités et les données spatiales. En cas de conflit, les capacités canadiennes de défense spatiale offrent aux alliés une profondeur stratégique et auront un effet multiplicateur clé pour eux. Les renseignements géostratégiques que le Canada a fournis comme soutien à l'Ukraine l'illustrent bien.
    Merci.
    Monsieur Allison, vous avez la parole pour six minutes ou moins.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Leuprecht, je vais d'abord m'adresser à vous. Ce que vous nous dites semble logique. Il semble évident que nous devions consacrer du temps et de l'argent à l'espace, car il semble presque impossible de surveiller ou de gérer l'Arctique avec de l'équipement physique.
    Quel financement faudrait‑il pour cela? Vous parlez de budgets fixes, vous dites que vous disposez du même budget que celui que nous avions après la guerre froide et vous dites que l'on a réduit nos forces armées. Alors comment pouvez-vous même établir des priorités? Nous savons tous que l'Arctique est important. Nous savons tous que ce que vous avez dit est tout à fait logique. Par où allons-nous commencer?
    Je vais vous donner une réponse brève pour que vous puissiez me poser des questions de suivi.
    Il faut tenir compte des difficultés auxquelles les forces armées font face et aussi du fait que nous avons une politique de défense relativement bonne et à jour. Je crois que nous devrions nous concentrer de façon disproportionnée sur nos capacités asymétriques, la cybersécurité et l'espace. Nous apporterons alors à nos alliés la profondeur stratégique et l'effet multiplicateur des forces, dont j'ai parlé, pour le flanc Nord de l'OTAN et, ultimement, pour l'Arctique continental et pour la souveraineté canadienne.
    Je trouve que nous menons trop de débats sur les domaines conventionnels, parce que nous les pouvons les voir. Bien des parlementaires aiment débattre de ces domaines, parce que ces discussions génèrent de l'argent et des ressources dans leurs circonscriptions. Nous n'avons pas suffisamment discuté de la cybersécurité, de l'espace et de la répartition disproportionnée des ressources dans cet environnement fortement limité. Cela aura également un effet multiplicateur sur la prospérité et sur l'innovation canadiennes ainsi que sur l'accélérateur DIANA que le Canada accueille au nom de l'OTAN. En nous concentrant beaucoup trop sur cette conversation, nous causons beaucoup de répercussions secondaires.
     Vous dites que nous devrions collaborer avec les États-Unis sur des traités ainsi qu'avec le Groupe des cinq et avec le secteur privé. Vous avez soulevé des préoccupations à ce sujet, mais comment devrions-nous injecter les fonds? Devrions-nous le faire directement par l'entremise de la Défense, ou en collaboration avec d'autres partenaires?
     L'initiative germano-française du Groupe des cinq que j'ai mentionnée au Comité et qui présente une vision claire pour 2031, voilà où nous devons investir nos ressources. Je trouve que ce document présente la meilleure formulation abrégée sur les difficultés et sur la façon de collaborer pour tracer des lignes rouges évidentes, pour dissuader nos adversaires et pour utiliser les capacités nécessaires pour tout, de la lutte contre les incendies de forêt à la continuité des communications, dans les actifs civils et autres.
    Notre objectif est tout à fait évident. Comme le Canada a adopté ce document, nous devons maintenant traduire ses recommandations en résultats efficaces. Vous le savez vous-mêmes, le Canada fait souvent des annonces pour la forme au sujet de la défense, mais il a de la difficulté à les concrétiser. Nous avons ici un engagement que nous pourrons respecter si nous répartissons efficacement nos ressources et nos capacités. Il produira des résultats extraordinaires et haussera beaucoup notre réputation auprès de nos principaux alliés du Groupe des cinq et auprès de la France et de l'Allemagne. Ce sera plus facile du point de vue multilatéral, parce que nous collaborerons avec sept pays et non avec l'ensemble de l'OTAN, par exemple.
(1805)
    Entre la Chine et la Russie, lequel de ces pays vous préoccupe le plus dans cette course à l'espace? La Chine a pris de la vigueur. Qu'est‑ce qui vous empêche de dormir la nuit en pensant à ces pays, et pourquoi?
     C'est une excellente question. J'ai rédigé un beau petit sommaire à ce sujet, si je pouvais le trouver...
    Essentiellement, nous nous préoccupons beaucoup des prétentions de la Russie, qui se vante de pouvoir déployer des armes nucléaires dans l'espace. Oui, nous devrions nous en préoccuper, mais les armes nucléaires sont une technologie vieille de 70 ans. Les Chinois ont des technologies très perturbatrices qu'ils ont démontrées et qu'ils savent utiliser et déployer. Ce bras robotisé a laissé les États-Unis et la communauté de la défense alliée pantois. La capacité de déplacer un satellite hors de son orbite est très avancée. Elle créera des perturbations bien plus graves que les gros boums que la Russie menace de faire éclater.
    La Chine possède le plus grand nombre de satellites après les États-Unis. Elle a aussi clairement démontré qu'elle les rivalise en investissements et en capacités. Nous jouissons cependant d'un pouvoir disproportionné — et les États-Unis le comprennent — en collaborant avec des pays qui sont nos bons alliés depuis longtemps et qui ont développé d'excellentes capacités spatiales. Nous pouvons investir stratégiquement dans leurs capacités. Bien sûr, l'innovation viendra des investissements du secteur privé, et nous devrons ensuite les traduire en applications militaires et à double usage. Malheureusement, nos processus sont très lents. Les États-Unis ont modifié leurs mécanismes d'approvisionnement en matière de défense, précisément pour les accélérer de façon exponentielle. C'est une raison de plus de réexaminer notre système d'approvisionnement. C'est d'ailleurs l'une des priorités du ministère.
    Je suppose que, si nous voulons respecter notre engagement envers l’OTAN, nous devrions investir dans des entreprises canadiennes. Si nous devons consacrer des fonds à la défense et atteindre le niveau visé, nous devrions investir dans des entreprises canadiennes.
    Parlons aussi de la mise à jour de la politique de défense. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement, s'il est sérieux dans son intention d'atteindre ou de dépasser 2 % d'investissement dans la défense, n'a pas profité de la mise à jour de la politique de défense pour l'annoncer. Je ne sais pas trop pourquoi nous sous-estimons la mise à jour de la politique de défense, qui est assez bonne,
     Merci, monsieur Allison.
    Monsieur Fillmore, c'est à vous pour six minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup aux témoins de nous avoir consacré de leur temps et de nous avoir fait profiter de leur expertise aujourd’hui.
    Dans le cadre de l’étude à laquelle vous êtes en train de contribuer, le Comité a admis qu'il ignorait certaines choses. J’aimerais utiliser les cinq ou six prochaines minutes — enfin, selon le temps que nous accorde le président — pour vous demander à tous deux de sensibiliser le Comité à l’importance de la défense de l’Arctique dans le contexte de l'espace.
    Dans vos réponses, je vous invite à nous parler du rôle de l’industrie dans ce contexte. Pourriez-vous, à la faveur de vos réponses, nous donner une idée des recommandations que le Comité pourrait inclure dans son rapport?
    Nous pourrions peut-être suivre l’ordre des intervenants et commencer par le M. Hughes. Je vais essayer de diviser le temps en deux, avec trois minutes chacun.
    Ce sont de grandes questions, mais pour être bref au sujet de l’importance de la défense de l’Arctique dans le contexte de l’espace, je suis tout à fait d’accord avec la conceptualisation de M. Leuprecht. La défense de l’Arctique est l’une des niches que le Canada peut combler. Je pense qu’il est utile pour le Canada, compte tenu du contexte de sécurité actuel, de se concentrer sur certaines des capacités de niche qu’il possède. L’Arctique offre donc au Canada l’occasion de participer à ce processus.
    Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, il est absolument essentiel que le Canada assure une défense complète de son territoire arctique en misant sur le domaine spatial. Cela signifie qu’il faut commencer par les communications et enchaîner par la surveillance, qu’il s’agisse du nouveau drone SkyGuardian — devant entrer en service en 2028 et dont le fonctionnement nécessitera une communication par satellite — ou d’imagerie satellite. Nous ne pouvons pas surveiller l’Arctique et savoir ce qui se passe sur ce territoire si nous n'avons pas la capacité d’opérer dans l’espace.
     À mon avis, il faudra que le Canada collabore avec des partenaires internationaux, en particulier la Suède. Je pense que c’est un partenaire intéressant dont on n'a pas encore parlé jusqu'ici. Je sais que cette relation est déjà établie et qu’elle est déjà solide, et je pense qu’il faudrait probablement en tirer davantage parti.
    Quant à l’industrie privée, elle est tout simplement essentielle. L’industrie privée a l’expertise et la capacité de produire ce dont les Forces armées canadiennes ont besoin. Le défi, comme toujours, est de veiller à ce que l’industrie privée, qui fonctionne nécessairement selon un cadre différent du gouvernement, soit sur la même longueur d’onde que les acteurs étatiques pour favoriser un travail en parallèle. Nous pouvons y parvenir, mais pas par un simple claquement de doigts.
(1810)
     Merci.
    Monsieur Leuprecht, je me tourne vers vous. Je me souviens de vous avoir entendu dire, dans votre exposé, que défendre l’espace, c'est défendre l’Arctique. Comme vous êtes allé plus loin dans cette longue phrase, cela devrait vous aider à formuler votre réponse.
    J'ai effectivement dit que défendre l’espace, c'est défendre l’Arctique, et que défendre l’Arctique c'est en fin de compte défendre le continent qui revient à défendre le flanc nord de l’OTAN. Le centre de gravité de l’OTAN, avec l’ajout de la Suède et de la Finlande, s’est déplacé vers le nord. Le flanc nord a gagné en importance.
    Il ne faut surtout pas perdre de vue le fait que les investissements dans la sécurité de l’Arctique sont des investissements dans l'OTAN et dans la défense collective de l’Alliance, et je pense que le Canada a toujours fait un très mauvais travail à cet égard. La défense collective dépend de la dissuasion générale et de la dissuasion nucléaire étendue des États-Unis. Si le continent n’est pas en sécurité, cela revient à dire que la capacité des États-Unis de dissuader ses adversaires n’est pas garantie. Je crois cependant que, pour une raison ou une autre, les gouvernements successifs des deux côtés du spectre politique n’ont pas présenté efficacement cette thèse à la population canadienne et surtout pas à nos alliés et partenaires. Nous continuons d'en parler comme étant deux choses différentes et l'on voit bien que la mise à jour de la politique de défense met l’accent sur l’Arctique.
    Je répéterai trois choses qui vont au‑delà de la question de l’affectation des ressources. Il y a d'abord celle de l’allocation peu coûteuse, mais notre manque de ressources en diplomatie multilatérale me préoccupe. Comme vous le savez, c’est le gouvernement en place qui décide, et le gouvernement a décidé de limiter encore plus les ressources des ministères. En termes de multilatéralité, il a décidé de porter ses efforts sur un processus de traité distinct. C’est un gouvernement démocratique qui peut mettre ses décisions en exécution. Cependant, je pense que tout le monde doit mettre la main à la pâte en ce qui a trait aux questions de diplomatie spatiale multilatérale qui sont essentielles en matière de défense canadienne et de défense alliée et continentale pour les raisons que je viens d’expliquer.
    S'agissant de l’approche pangouvernementale, le cadre de la politique de défense remonte à 2014. Bien des choses ont changé dans l’espace depuis 2014. Comme les ressources sont très limitées, tant au sein du gouvernement que de l’industrie, nous allons devoir toutes les mobiliser pour maximiser l’efficacité et les résultats. Or, tant que le cadre n'est pas à jour, nous ne pourrons pas mobiliser les ressources dont nous disposons.
    Pour ce qui est de la capacité de défense, prise sous l'angle des ressources humaines, c’est un exemple classique où les Forces armées canadiennes ont besoin de différentes compétences de très haut niveau et de grande qualité. Le bassin de recrues a clairement changé au cours des 30 dernières années. Ce n’est pas qu’il manque de candidats, car suffisamment de gens se présentent à la porte. La question est plutôt celle de la qualité du personnel dont les Forces armées canadiennes ont besoin. Les ressources qu'il faut ne sont pas en mesure de franchir la porte des centres de recrutement, surtout pas en fonction des profils recherchés.
    Il faut, sur ce plan, donner la possibilité au secteur privé civil et à d’autres ministères de contribuer. Il m’a simplement fallu deux ans pour faire venir quelqu’un d’une formation différente pour travailler dans notre organisation. C’est au sein des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale. Nous ne sommes pas agiles en matière de dotation en personnel.
    Merci, monsieur Fillmore.
    Madame Normandin, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Hughes.
    Vous avez parlé de la difficulté à établir ce qui relève du privé et ce qui relève du militaire pour ce qui est de l'utilisation de l'espace. A-t-on quand même une idée de la proportion qui relève du secteur public et de celle qui relève du secteur privé? Y a-t-il une tendance? Par exemple, le secteur privé est-il en train de gagner la guerre de l'espace ou est-ce le domaine militaire ou le secteur public qui est en train de la gagner? J'aimerais avoir un ordre de grandeur.
    Je vous remercie de vos questions.

[Traduction]

    Il est très difficile d’établir un chiffre absolu, le principal problème étant que, comme je l’ai dit, une grande partie de l’infrastructure spatiale et des satellites peut servir tout autant à des fins civiles que militaires. Un objet ou un satellite donné peut jouer un rôle entièrement civil pendant une période ou une saison donnée. Si le gouvernement auquel appartient ce satellite décide d'en changer la vocation ou, plus précisément, d’utiliser les données que le satellite recueille à des fins militaires, rien ne peut l’en empêcher. Je suis donc quelque peu réticent à comparer les militaires aux civils. Je pense que cela fait partie du défi que représentent l’exploitation et la compréhension du domaine spatial et de l’environnement de menace qui le caractérise.
    Pour pousser un peu plus loin la réponse à cette question sur les rapports entre le secteur privé et le gouvernement, je pense qu’il convient de considérer la ventilation par pays, parce que le gouvernement chinois entretient avec son industrie privée une relation qui est différente de celle que les États-Unis ont avec l’industrie privée américaine. Encore une fois, cela soulève le problème du double usage et de l’interface entre le public et le privé. Je dirais qu’aux États-Unis en particulier, l’industrie privée domine dans ce qu'elle fait — nous l’avons vu avec SpaceX et Boeing ces dernières années —, mais une part importante du besoin est également attribuable aux forces armées. Encore une fois, j’hésite à vous donner un chiffre, mais il serait peut-être plus utile de réfléchir de façon générale aux capacités dont les États-Unis et le Canada ont besoin dans l’espace et de voir si ces capacités sont respectées.
(1815)

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Hughes.
    Mon autre question s'adresse à M. Leuprecht.
    Vous avez déjà un peu parlé du risque pour le Canada par rapport à ses alliés de continuer de sous-financer le domaine spatial. J'aimerais que vous alliez peut-être un peu plus en profondeur à ce sujet. Vous avez déjà touché à la question de l'Arctique et de la dissuasion à laquelle nous devons participer avec les États‑Unis. On sait que nous sommes assez tributaires de ce que les États‑Unis veulent nous fournir en matière de renseignements.
    Cependant, quels sont les autres risques d'atteinte à la réputation du Canada, par exemple, par rapport à ses alliés, si nous continuons de sous-financer le domaine spatial?
    Je vous remercie de cette question, madame Normandin.
    Je vais vous donner un exemple très concret.
    Actuellement, dans les pays baltes, des avions, des vols civils doivent être détournés et faire demi-tour à cause du brouillage des signaux GPS émanant de la Russie dans l'aviation civile. Dans plusieurs aéroports des pays baltes, les avions peuvent seulement atterrir à l'aide de satellites.
    Nous avons le même problème dans le Grand Nord canadien. Dans beaucoup d'aéroports, les avions peuvent seulement atterrir à l'aide de satellites. La Russie est suffisamment proche pour faire la même chose dans le Grand Nord canadien. Si les Russes le veulent, ils peuvent actuellement exploiter des vulnérabilités importantes dans le Grand Nord, compte tenu de leur capacité de brouiller les signaux dans les systèmes GPS pour l'aviation civile et militaire. Je crois qu'il s'agit d'une vulnérabilité importante à laquelle nous devrions remédier en y accordant une priorité.
     Merci beaucoup.
    Mon autre question s'adresse aussi à vous.
    Vous avez touché à la question de l'application de l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord dans l'espace, le problème étant qu'il est difficile de relier nécessairement des satellites à des continents. Toutefois, j'aimerais savoir si nous avons aussi le même problème en matière de cybersécurité, à savoir que l'enjeu est d'associer une activité à un auteur.
    Avons-nous la même difficulté dans l'espace? Est-il difficile de savoir qui, par exemple, pourrait avoir détruit ou piraté un satellite?
    Je dirais que la difficulté de l'attribution n'est pas si importante que cela. Le problème, c'est que nous n'avons pas la capacité d'attribution à laquelle nous sommes habitués d'un point de vue juridique, donc hors de tout doute raisonnable.
Généralement, grâce à nos capacités en matière de renseignements, nous savons à qui attribuer ces activités, en particulier en ce qui concerne les interventions russes. Les Russes, en général, ne cachent pas leurs activités. Bien au contraire, ils veulent que nous sachions que ce sont bel et bien leurs interférences qui ont causé le grand chaos, parce que, en fin de compte, la stratégie russe est de voir le monde s'embraser.
(1820)

[Traduction]

    Merci, madame Normandin.
     Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    C’était toute une fin.
    Pour ce qui est de la commercialisation de l’espace, monsieur Hughes, je suis certainement préoccupée par le fait que l’on s’éloigne de l’exploration spatiale financée par le gouvernement, comme la Station spatiale internationale, et des accords conclus pour embrasser la commercialisation de l’espace.
    Lors de la dernière réunion que nous avons eue à ce sujet, nous avons cru que les intérêts commerciaux pouvaient contribuer à l’édification de la paix et de la diplomatie aussi, sinon plus facilement que les gouvernements précédents. Du point de vue commercial, par le biais de la réglementation, le gouvernement aurait toujours son mot à dire sur la façon d’aller de l’avant. Puis‑je savoir ce que vous en pensez?
     Certainement.
    Pour ce qui est de la réglementation, les entités commerciales ont évidemment tout intérêt à faire en sorte que l’espace demeure un domaine pacifique. Si la réglementation était assouplie au point de faciliter la militarisation radicale du domaine spatial, ce serait tout à fait contraire à ce que la plupart des entreprises chercheraient à réaliser .
    Je dirais qu’au bout du compte, la réglementation viendra des États. Pour qu’elle soit efficace, comme l’a mentionné M. Leuprecht, elle devra passer par un cadre étatique. La commercialisation de l’espace relèvera de la compétence des États. Si un gouvernement d’un État constate qu’il est menacé par un satellite commercial, cela ne l’empêchera pas de perturber le satellite et les opérations spatiales en cause.
    Même s'il est souhaitable que l’industrie privée participe activement à ce qui se passe dans le domaine spatial et s’il est important de travailler en partenariat avec des organisations commerciales pour comprendre ce qui se passe dans ce domaine, en fin de compte, la réglementation devra être établie par chaque État.
     Cela n'a rien de nouveau, et les gouvernements n’ont pas encore fait de suivi de la dynamique de pouvoir et de la situation de monopole, comme nous le voyons avec SpaceX. Je me trompe? Le gouvernement américain travaille maintenant exclusivement à la construction de centaines de satellites d’espionnage en partenariat avec SpaceX, et nous avons vu ce qui s’est passé en Ukraine.
    Faut‑il se préoccuper du fait que notre gouvernement ne soit pas allé dans cette direction? Pouvons-nous craindre que d'autres gouvernements le fassent? Que constate-t‑on sur ce plan?
     Je partage votre préoccupation. Encore une fois, les cadres qui régissent le fonctionnement des organisations commerciales sont différents de ceux des États. Les États, en particulier le Canada et ses partenaires et alliés, devront conclure des ententes très solides avec les entités commerciales. Je ne suis pas fondamentalement convaincu que ce sera un jour tout à fait suffisant. En fin de compte, l’État devra se fier à une entité qui pourrait avoir des intérêts différents des siens, à moins qu'ils ne finissent par ne plus travailler qu'avec des entreprises d'État, et je ne pense pas que cela serait particulièrement utile.
    Cet aspect de la commercialisation me préoccupe. Fondamentalement, le Canada, ses alliés et ses partenaires doivent articuler leurs besoins dans le domaine spatial afin de comprendre quelles sont les capacités requises et de déterminer qui est le mieux placé pour les fournir. Une partie de la conversation sur la désignation de l'entité la mieux placée pour répondre à ces besoins consiste à comprendre les intérêts de l’entité privée.
    Je partage votre préoccupation. Je pense que les problèmes liés à Starlink en Ukraine devraient, pourrait‑on dire, servir de signal d’alarme face à ce défi potentiel.
    Il vous reste une vingtaine de secondes.
     Cette question s’adresse à vous deux en tant qu’universitaires. En quoi cela influe‑t‑il sur la capacité des universités d'accéder à des recherches entièrement commercialisées ou dominées par une seule entreprise?
(1825)
    Merci, madame Mathyssen.
    Il nous reste 20 minutes, ce qui fait quatre minutes chacun. Nous en sommes à un tour de quatre minutes.
    Allez‑y, madame Gallant.
     Mes questions s’adressent au professeur Leuprecht.
    Si un adversaire détournait le système américain de satellites GPS que nous utilisons, quel impact cela aurait‑il sur nos armes et nos systèmes de navigation.
    Excellente question! Je n’ai pas besoin de vous décrire ces impacts. Il suffit de considérer le conflit entre Israël et le Hamas. On voit bien ce qui se passe quand, à grande échelle, des entités finissent par bloquer des systèmes de positionnement mondial et qu'on songe à la perturbation que cela cause à la vie civile. Vous avez un laboratoire réel. De plus, il ne s’agit pas seulement de la capacité de perturber les systèmes. Bien sûr, la Chine, avec sa constellation BeiDou, possède sa propre capacité GPS, de sorte qu’elle ne dépend pas du système nord-américain.
     Qu’en est‑il de nos systèmes d’armes?
    La redondance est essentielle, et je vais vous en donner une analogie dans un domaine où nous avons apporté des ajustements. Comme vous le savez probablement, depuis plus d’une décennie, la Russie brouille activement les navires de l’OTAN. C’est la raison pour laquelle, la marine américaine s'est entièrement fiée aux systèmes GPS jusqu’en 2015 environ, mais qu'elle est revenue à la navigation astronomique qui permet de se passer du GPS.
    L’un des risques actuels réside dans la défaillance possible d'un seul élément, dans la situation où nous ne faisons que nous fier au GPS américain. C’est pourquoi la redondance et les capacités multidomaines sont importantes. Comme dans tout autre domaine de la guerre, nous ne sommes pas censés compter sur un seul système. Je m’inquiète de la dépendance excessive du Canada à l’égard d’éventuels points de défaillance uniques dans l’espace.
     N’avons-nous pas un système de secours comme celui de la marine américaine?
     Je ferais mieux de laisser les Forces armées canadiennes parler de nos capacités de redondance.
     Le Canada ou tout autre allié des Américains aurait‑il le droit de neutraliser un satellite armé, comme un satellite porteur de têtes nucléaires multiples, placé en orbite par la Russie, si celui‑ci faisait peser une menace imminente pour nos satellites?
     Je crains de ne pas avoir de réponse à vous donner. Vous devriez poser des questions au Juge-avocat général au sujet des contraintes du droit international et de nos propres contraintes juridiques.
    Comme je l’ai souligné dans mes propos liminaires, je crains que le Canada n’ait pas suffisamment cherché à répondre à certaines questions, comme le genre de coopération que nous devrions avoir tant avec les États-Unis qu’avec d’autres partenaires alliés, en particulier avec des partenaires puissants. Si les États-Unis sont occupés dans d’autres conflits, nous devrons pouvoir intervenir avec d’autres partenaires.
     Si un adversaire étranger piratait un satellite ou un réseau satellitaire pour le paralyser ou le détourner, cela constituerait‑il un acte de guerre? Quel type de réaction serait alors justifiée de la part du Canada ou de tout autre pays signataire du traité sur l’espace extra-atmosphérique?
    À ma connaissance, le problème tient à ce que les réponses à ces questions sont actuellement ambiguës. Par exemple, l'article 5 du traité de l'OTAN n'indique pas clairement dans quelles circonstances ni pour quels aspects, autres que les cinq traités spatiaux dont le Canada est signataire, il s'appliquerait. C'est précisément la raison pour laquelle l'ONU a proposé de constituer un groupe de travail ouvert sur la question des capacités et un autre sur celle des comportements. On ne parvient encore pas à s'entendre sur les paramètres de ces groupes de travail, mais je suis convaincu qu'ils vont démarrer très bientôt. Le Canada, bien sûr, doit être prêt à jouer un rôle très actif, aussi difficile sera‑t‑il d'obtenir un consensus international.
    Merci, madame Gallant.
    Madame Lalonde, je crois comprendre que vous cédez votre temps à M. Fillmore.
    Monsieur Fillmore, vous avez quatre minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
     J'aimerais aller un peu plus loin sur le sujet soulevé par Mme Mathyssen, si vous me le permettez.
    M. Hughes nous a parlé de ce que nous appelons les ambiguïtés du cadre juridique régissant la sécurité spatiale et, très probablement, l'élaboration de normes de comportement communes, ce qui vient d'être soulevé dans la dernière question.
     Monsieur Leuprecht, vous avez dit que le Canada doit participer aux efforts continus visant à renforcer le traité spatial américain et que la diplomatie multilatérale doit être une priorité. Par le passé, des traités spatiaux ont été négociés entre États-nations, mais comme nous l'avons entendu ce soir, le secteur privé joue un rôle de plus en plus actif dans l'espace. Il me semble que nous devons nous tourner vers les entités privées et le secteur industriel qui participent à ces traités. Y a‑t‑il un précédent? Existe‑t‑il des outils susceptibles d'aider le secteur privé à participer aux traités, comme celui que vous avez mentionné?
     Nous pourrions commencer par M. Leuprecht, puis passer à M. Hughes, s'il reste du temps.
(1830)
    Ma réponse sera courte. C'est en fait l'une des forces du Canada. Comme nous sommes plus petits, il est beaucoup plus facile pour les ministères et les organismes gouvernementaux de se coordonner leurs actions et, pour nous, de parler à la fois aux organismes non gouvernementaux et au secteur privé afin de trouver, en commun, une façon de tirer parti de cela. Nous avons un avantage comparatif par rapport aux États-Unis qui a une énorme administration qui est difficile à orienter et qui a du mal à regrouper tout le monde.
    Dans le travail que vous nous recommandez d'entreprendre avec les États-Unis pour mettre à jour le traité sur l'espace, le secteur privé a‑t‑il un rôle à jouer?
    Ma question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous.
     Je m'abstiendrai de répondre à cette question en ce sens que je ne connais pas suffisamment les détails techniques de la façon dont les traités spatiaux sont négociés.
    Monsieur Hughes, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
     Pour ajouter à ce que M. Leuprecht vient de dire, je pense que le secteur privé n'a probablement pas sa place à la table des discussions internationales. Cependant, il est vrai que le secteur privé devrait participer activement une fois les positions de négociation établies par les États, parce que, comme nous l'avons entendu dans cette conversation, l'industrie privée a tellement participé au développement de la technologie spatiale et des capacités spatiales que sa participation à cette discussion sera, dans une certaine mesure, essentielle.
    En outre, pour en revenir aux recommandations que vous sollicitez, je dirais que nous devons d'abord établir une définition claire de nos besoins en matière de défense spatiale. Il s'agit d'un vaste sujet constitué de tellement de facettes de la vie canadienne que les choses ne sont actuellement pas coordonnées. Nous comprenons bien les conséquences de toute action dans le domaine spatial, et il serait très utile de regrouper tous ces savoirs dans un ensemble cohérent.
    Merci beaucoup à vous deux. Je pense que mon temps est écoulé.
    C'est maintenant le cas.
    Il vous reste une minute et demie, madame Normandin.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Leuprecht, vous avez souligné, dans vos notes, l'importance de réglementer non seulement les capacités spatiales, mais également leur utilisation. On a vu qu'avec le double usage, c'est extrêmement difficile. En effet, l'imagerie satellite du territoire peut être utilisée à des fins militaires.
     Par conséquent, j'aimerais que vous nous parliez de la réelle possibilité de réglementer son utilisation, d'autant plus que certains vont vouloir en faire une utilisation maligne. On peut penser par exemple à la Chine, qui le fait déjà dans l'Arctique avec le brise-glace Xue Long. Ainsi, l'imagerie satellite est utilisée à des fins scientifiques pour cacher des fins militaires. C'est difficile de savoir ce qui se fait exactement.
    Est-ce réaliste de vouloir se doter d'une réglementation sur l'utilisation qu'on fait du domaine spatial?
    Oui, madame.
    Je crois qu'un élément nous incite fortement à le faire, et c'est l'économie de l'espace, c'est-à-dire les ressources qui se trouvent dans l'espace. L'économie de l'espace vaut actuellement 600 milliards de dollars par année. On estime que, d'ici 2035, l'économie de l'espace vaudra 1,8 billion de dollars, particulièrement en raison de l'exploitation des ressources.
    Je crois donc que, avant de déployer les ressources technologiques nécessaires pour profiter de l'économie de l'espace, il faut se doter d'une réglementation et de normes internationales visant l'emploi des capacités et du double usage de ces ressources technologiques.
(1835)

[Traduction]

     Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez une minute et demie.
     Monsieur Leuprecht, vous nous avez fait parvenir un document intitulé « Vision 2031 des opérations spatiales interalliées » dans lequel vous expliquez que certains pays se sont dotés de moyens visant à nier, à dégrader ou à perturber l'accès aux capacités spatiales et à l'emploi de ces capacités. Vous poursuivez en parlant de la collaboration à instaurer avec les entreprises spatiales à propos de tout un éventail de mesures, comme l'élaboration d'exigences pour les systèmes actuels et futurs afin de contrer les activités spatiales hostiles et de nier ou de renverser les attaques ou les actes d'interférence.
    L'histoire nous enseigne que l'existence de ces horribles missiles balistiques et armes nucléaires découle d'un cycle qui est propre aux systèmes de défense antimissile. Ce phénomène a stimulé l'innovation qui a donné lieu à une course aux armements axée sur la mise au point d'armes de plus en plus puissantes. Pour intellectualiser ce constat, on pourrait parler de frontière ultime. Comment ne pas reproduire dans l'espace les erreurs que nous avons commises sur terre? Comment miser sur la dissuasion? Comment activer la diplomatie dans le monde actuel?
    La Chine est un concurrent stratégique commun aux pays pairs, car elle est en mesure de soutenir la concurrence à grande échelle dans l'espace face aux États-Unis et à l'alliance occidentale. La Chine cherche bien sûr à perturber le statu quo d'un ordre fondé sur des règles, non seulement sur terre, mais aussi dans le cyberespace et dans l'espace. Bien entendu, le Canada, en tant que puissance moyenne, a tout intérêt à préserver le statu quo, et c'est pourquoi notre pays tient à établir des normes de comportement claires. Je pense que le moteur est l'exploitation de l'espace parce que c'est précisément là que les possibilités sont les mêmes pour la Chine que pour tous les autres pays. Je dirais que le Canada pourrait notamment se prévaloir du même accès à l'espace que les autres pays. Comment amener ces autres pays à adhérer à notre approche de l'espace? Eh bien, instaurons un régime d'accès égal et éthique à l'espace.
     Nous allons devoir nous arrêter là. Merci.
    Monsieur Bezan, vous avez quatre minutes.
     Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins.
    Vous parlez d'accroître la diplomatie spatiale avec nos adversaires, et je suis sûr que vous voulez parler de la Russie et de la République populaire de Chine. J'ai examiné le traité sur l'espace extra-atmosphérique, qui a été signé en 1967 avec l'URSS. Techniquement, il ne s'agit pas de la Russie, mais on peut espérer que la Russie continue de le respecter. Bien sûr, la Russie parle d'utiliser des armes nucléaires dans l'espace.
    Faisons-nous confiance à la Fédération de Russie ou à Vladimir Poutine et à la République populaire de Chine pour honorer les traités que ces pays ont ratifié?
     Je dirais qu'il faut déployer un effort à deux niveaux. Il y a l'effort dont nous venons de parler pour établir des normes internationales, ce que le Canada a toujours bien fait, mais qui, dans le domaine cybernétique, par exemple, ne mène plus à rien depuis 25 ans. En l'absence de normes internationales, nous devons travailler sur la dissuasion et sur les capacités de certains éléments de punition, qu'il s'agisse de sanctions cinétiques ou non, pour les pays qui franchissent certaines lignes rouges. Nous devons aussi le faire en dehors du leadership américain.
     Pensez-vous que la Fédération de Russie ou la République populaire de Chine va la signer? Je suis sûr que vous connaissez la note de service de Budapest que la Russie n'a sûrement pas respectée quand elle a envahi l'Ukraine. Je suis sûr que vous connaissez les traités Minsk I et Minsk II. La Fédération de Russie ne les a jamais honorés. Ils étaient censés faire partie du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et devaient réduire l'arsenal nucléaire dont ils disposaient, mais ils ont plutôt augmenté la production d'armes nucléaires. Ensuite, Beijing a signé avec le Royaume-Uni la Déclaration conjointe sino-britannique, qui était censée être bonne jusqu'en 2047, et ils l'ont abandonnée en 2014.
    Pourquoi ferions-nous confiance à la Chine et à la Russie pour signer un tel accord tandis que ces deux pays sont très intéressés à avoir un avantage stratégique dans l'espace?
     C'est pourquoi nous comparaissons devant le comité de la défense nationale et non devant celui des affaires étrangères: c'est pour parler des capacités de dissuasion nécessaires. Si nous ne parvenons pas à nous entendre sur des normes existantes, nous pourrions en créer. C'est une façon de faire savoir à nos adversaires qu'il existe des conséquences très réelles et que nous sommes prêts à les imposer s'ils franchissent certaines lignes rouges.
    M. Hughes aura peut-être quelque chose à dire à ce sujet également.
(1840)
    Merci.
    C'est une question fascinante, et pour y répondre brièvement, je dirais que nous ne pouvons pas présumer que les règles seront respectées simplement parce qu'elles existent. Il convient de souligner que la Russie et la Chine ont toutes deux proposé certaines formes de règles dans l'espace. Il convient également de noter que la Russie a rejeté l'approche des normes relatives aux activités spatiales et a laissé entendre qu'un régime entièrement légal serait plus approprié. J'ai tendance à croire que la Russie, en particulier, respectera les règles dans la mesure où elles sont à l'avantage de la Russie. Si nous voulons élaborer un cadre fondé sur des règles, ce qui, à mon avis, serait utile, nous devons garder à l'esprit que la Russie doit considérer que c'est au moins un avantage parallèle pour elle quant à ce qu'elle considère comme ses pairs.
    À mon avis, l'élément clé qui doit ressortir de toute cette discussion sur l'activité militaire dans l'espace est celui de la vérification. Si nous parvenions à créer un cadre réglementaire facilitant une certaine forme de vérification — lequel, nous en sommes convaincus, fournirait suffisamment d'informations sur les capacités que la Russie et la Chine déploient ou tentent de déployer —, nous pourrions mieux comprendre les intentions de ces pays dans le domaine spatial. Un tel cadre réglementaire serait utile en soi, même s'il était nécessaire de le renforcer par le biais de la dissuasion que M. Leuprecht a mentionnée dans sa réponse.
    Malheureusement, nous allons devoir en rester là. Merci.
     Madame Lalonde, c'est à vous pour quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins de leur présence. Je me suis réjouie que nous entreprenions cette étude sur la défense spatiale. Je pense que vous validez l'importance de ce sujet, particulièrement pour ce comité.
     Nous avons dit que la défense spatiale est un domaine émergent. Il est certain que les choses évoluent de plus en plus rapidement. Nous parlons de coûts ainsi que de la réalité que cela recouvre.
     J'aimerais que vous me disiez tous les deux s'il existe des obstacles à la recherche sur la défense spatiale en tant que domaine émergent et si nous manquons d'information sur les données de recherche existantes ou les sources sur lesquelles on peut compter.
    Il y a deux choses à dire à ce sujet.
    L'Australie a le Centre for Space Governance. Comme nous n'avons rien de comparable au Canada, nous devons nous doter des capacités nécessaires pour voir quels sont nos intérêts et comment nous les affirmons dans un cadre de gouvernance multilatérale. C'est quelque chose que nous n'avons pas encore tout à fait compris et qui exige du gouvernement qu'il fasse preuve de leadership.
     Mon autre préoccupation concerne la sécurité de la recherche. Mme Mathyssen, Mme Normandin et d'autres ont parlé des investissements et des capacités en recherche. Le gouvernement a finalement présenté un cadre sur la sécurité de la recherche qui n'inclut bien sûr aucun intervenant du secteur privé en Chine. Il ne comprend que les institutions de recherche et de renseignement militaires du secteur public. Il faut comprendre que si nous voulons investir dans la recherche spatiale au Canada, nous devons assurer une sécurité adéquate dans ce domaine. Qui dit sécurité adéquate en matière de recherche, dit impossibilité de collaborer ou de permettre à d'autres de collaborer avec des entités chinoises qui vont tirer parti des capacités à double usage pour lesquelles les contribuables canadiens paient afin de faire progresser les capacités de la Chine dans l'espace.
    Merci.
     Allez‑y, monsieur Hughes.
    J'ajouterai brièvement qu'il va absolument falloir offrir des incitatifs financiers. Si nous voulons parvenir à mener des recherches sérieuses, surtout dans le domaine de la défense spatiale dans le secteur universitaire, et en fonction des lois régissant la dimension militaire de l'espace, il faudra prévoir du financement. Comment bâtir un tel incitatif? Il faut aussi financer les chercheurs pour qu'ils puissent participer à ce processus de recherche.
    Merci beaucoup.
    Je vous laisse tous les deux très rapidement faire part d'une recommandation clé que nous pourrions présenter dans le cadre de notre étude sur la défense spatiale.
(1845)
     Je recommande une plus grande tolérance au risque lié aux investissements gouvernementaux dans la capacité de recherche, soit l'acceptation de l'échec rapide et la nécessité de subventionner le secteur privé. Cela existe en partie pour la défense, mais nous avons beaucoup hésité à consacrer un tel investissement aux capacités spatiales.
     Allez‑y, monsieur Hughes.
    Je réitère ce que j'ai dit au sujet de la compréhension et de l'articulation fondamentales des besoins en matière d'espace. Je recommanderais en deuxième lieu de bien cerner la capacité du Canada ainsi que la possibilité d'occuper certaines niches du cadre multilatéral de défense.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Lalonde.
    Malheureusement, je dois clore la séance. Vous avez soulevé des points très intéressants et j'espère que le Comité aura l'occasion de les examiner.
    Avant de lever la séance, je signale que nous allons rencontrer M. Pistorius, ministre de la Défense de l'Allemagne, le vendredi à 12 h 15, dans la salle 125‑B de l'édifice de l'Ouest. J'aimerais lui remettre un cadeau et j'apprécierais que quelqu'un propose une motion en ce sens.
     Allez‑y, madame Lalonde.
     Monsieur le président, je me ferai un plaisir de vous aider.
    Selon le bon vouloir du Comité, je propose:
Que, relativement à la rencontre informelle du Comité avec le ministre allemand de la Défense, le Comité assume le coût du cadeau qui lui sera remis.
    (La motion est adoptée.)
     Merci.
    Chers collègues, la prochaine réunion aura lieu le mercredi 22 mai. Nous allons traiter du rapport sur l'approvisionnement que vous aurez donc amplement le temps de lire. Le 27 mai, nous avons le ministre Blair sur le budget principal des dépenses. Le 29 mai, nous passerons à l'examen des acquisitions, mais nous aurons aussi un déjeuner avec une délégation lettone.
     Allez‑y, monsieur Bezan.
    Il avait été initialement prévu que le ministre Blair serait ici le 22 mai. Nous avons repoussé cette date de cinq jours. Cela aura‑t‑il une incidence sur notre capacité à faire rapport?
    Un député: Non.
    M. James Bezan: Ce serait quelle date pour...
    Le 31.
    D'accord.
     Sur ce, la séance est levée.
     Encore une fois, merci à vous deux de votre participation.
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