Nos témoins seront avec nous pendant la première heure.
Vous remarquerez, chers collègues, que notre véritable greffier est virtuel et que notre greffier virtuel est réel. Apparemment, les dents de notre greffier ne collaborent pas toujours comme elles le devraient. En ce moment même, il est en mode de rétablissement.
Sur ce, je vais demander à nos deux témoins, Mme Madeleine Redfern, cheffe de l'exploitation de CanArctic Inuit Networks, et Mme Jessica Shadian, présidente et cheffe de la direction d'Arctic360, de prendre la parole pendant cinq minutes chacune. Nous passerons ensuite aux questions.
Je vais peut-être demander à Madame Redfern de prendre la parole pendant les cinq premières minutes, après quoi nous passerons à Mme Shadian, si cela vous convient.
Sur ce, madame Redfern, vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
Je m'adresse à vous depuis Iqaluit, au Nunavut. Je suis désolée de ne pas avoir pu participer à cette séance en présentiel. Nous avons eu un blizzard hier.
CanArctic Inuit Networks est une entreprise détenue et dirigée par des Inuits et basée ici, à Iqaluit. Son objectif est de poser 4 500 kilomètres de câbles de fibre optique sous-marins dans l'Arctique canadien, du Labrador à Inuvik. Essentiellement, la route longe la côte du Labrador, de l'île de Baffin, en passant par l'Extrême-Arctique et par le passage du Nord-Ouest. Notre plan consiste à établir des réseaux qui relieront les communautés inuites des quatre régions de l'Inuit Nunangat ainsi que les installations industrielles et militaires.
Le câble sera doté d'une infrastructure polyvalente. Il permettra que sur les parties stratégiques de la route, on installe des câbles SMART, des câbles sous-marins de surveillance scientifique et de télécommunications fiables. À l'heure actuelle, nous manquons terriblement de données sur l'environnement marin de l'Arctique et de cartographie des fonds marins. En fait, nous n'avons que très peu ou pas d'information de référence marine sur tous les facteurs, des températures à la salinité et aux courants. Bien sûr, les changements climatiques y jouent un rôle important.
Les câbles SMART contribueront à recueillir ces données de référence et nous permettront de surveiller les changements climatiques en temps réel. Les militaires américains et canadiens ont besoin des mêmes infrastructures que les communautés du Nord pour les télécommunications, l'énergie et les transports. Il leur faut une bonne connectivité — fiable, stable, à haut débit, rapide et abordable — vers les ports et vers les pistes d'atterrissage. Nous avons besoin de solutions d'infrastructures.
Les satellites nous fournissent des données aériennes et de surface, mais leur capacité de fournir des données sur ce qui se passe dans l'environnement marin est limitée. L'agence américaine DISA, ou Defense Information Systems Agency, compte de plus en plus sur la fibre optique. Les fibres et les satellites sont des technologies intégrées, mais la fibre est nécessaire pour déplacer de grands volumes de données continues ainsi que pour recueillir des connaissances dans tous les domaines. Nous savons que nous devrons être en mesure d'analyser de grands ensembles de données, principalement au moyen de l'intelligence artificielle.
Récemment, le Canada a attribué un contrat du NORAD à Nasittuq, une entreprise majoritairement inuite, et les États-Unis et le Canada se sont engagés à moderniser le NORAD, surtout depuis que la Russie a envahi l'Ukraine. Cependant, la Chine présente un risque et une menace croissants, d'autant plus qu'elle vise l'Arctique et qu'elle a commencé à planifier sérieusement l'acquisition de navires, de sous-marins et de drones sous-marins de cote glace.
Nos alliés, soit d'autres pays de l'Arctique ainsi que l'OTAN, reconnaissent que pour défendre le continent, il nous faut une connaissance approfondie de tous les facteurs. C'est dans le milieu marin que nous avons le moins de capacités et que nous devons développer la persistance sous la glace.
Le projet SednaLink a reçu l'appui des organisations, des sociétés de développement, des chambres de commerce et des entreprises inuites et nordiques.
CanArctic peut faire économiser 209 millions de dollars au gouvernement du Nunavut en confiant au secteur privé inuit la construction, la propriété et la gestion du câble à fibre optique. Les communautés du Nunavut ont désespérément besoin de ces 209 millions de dollars pour construire d'autres infrastructures, notamment des écoles, des centres de santé, des réseaux d'aqueduc municipaux ainsi que des garages municipaux pour les camions-citernes, les camions de vidange pour les eaux usées et les chasse-neige.
Bien que le projet SednaLink réponde à tous les critères du programme de financement autochtone de la Banque de l'infrastructure du Canada et du Fonds pour la large bande universelle d'Innovation, Sciences et Développement économique, ce dernier n'appuie pas la redondance des télécommunications et ne favorise même pas le secteur privé inuit.
SednaLink peut fournir le service Internet le moins cher en l'appliquant avec une approche fondée sur l'utilité. Les tarifs clients sont calculés en fonction des coûts d'exploitation et d'entretien de base. Tout profit supplémentaire réduira le coût pour les clients. On pourra ainsi mettre de l'argent de côté pour étendre les réseaux de fibre sous-marins pendant les phases 2 à 4.
Le projet SednaLink a fait l'objet d'un examen indépendant par deux entreprises internationales spécialisées dans des projets de fibre sous-marine. Elles ont jugé que SednaLink est viable et ont recommandé aux organismes inuits et aux sociétés de développement inuites d'investir dans ce projet.
En posant le câble SMART, SednaLinka développera une véritable capacité inuite en télécommunications, accroîtra l'économie bleue et surveillera les changements climatiques. Ce projet a la capacité de le faire mieux, plus rapidement et à moindre coût que le gouvernement.
Lorsque nous disons que les habitants du Nord doivent faire partie de la solution, cela inclut les entreprises inuites.
Merci.
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Merci à tous de m'accueillir aujourd'hui.
La sécurité prend plusieurs formes. Il y a la sécurité absolue, qui est assurée par des missiles, des navires, des paroles d'agression, etc. Il y a aussi la sécurité qui est assurée par la diplomatie, la puissance discrète, le pouvoir de convaincre. La puissance discrète se transforme en puissance absolue par l'intermédiaire d'institutions multilatérales, d'accords conjoints, etc.
Je suis ici aujourd'hui pour représenter Arctic360, le groupe principal de réflexion du Canada sur l'Arctique. Bien que nous affirmions que la souveraineté et la sécurité dans l'Arctique commencent chez nous, parce que c'est le cas, elles dépendent également de la sécurité régionale dans l'Arctique ainsi que du rôle et de l'influence du Canada dans la région.
Quel est donc le rôle des groupes de réflexion dans tout cela? Selon le Centre européen des politiques, les groupes de réflexion influencent l'élaboration des politiques en organisant des événements publics, en diffusant des publications et en maintenant leur présence dans les médias. Ils utilisent aussi des leviers informels comme des groupes de travail à huis clos, des tables rondes et des rencontres de diplomatie de couloir. Ils jouent un rôle important en assurant la promotion, et même la sauvegarde, de nos valeurs et de nos intérêts sur la scène mondiale. Ils établissent des liens entre différents secteurs politiques, éliminant ainsi le cloisonnement et le mental de groupe. Les groupes de réflexion jouent donc un rôle essentiel dans le contexte de la puissance discrète.
Arctic360 est un organisme non partisan sans but lucratif dont l'équipe de direction est majoritairement dirigée par des Autochtones. Il s'est donné pour mission de rehausser la conversation nationale sur le Nord canadien et sur la région de l'Arctique et de fournir une plateforme inclusive et coordonnée pour que le Canada puisse participer aux discussions sur l'Arctique partout dans le monde.
Nos six thèmes tiennent compte du recoupement entre la sécurité dans l'Arctique au Canada, dans le Nord, et la sécurité sur la scène mondiale. Je vais présenter quelques-uns de ces thèmes.
Le premier est l'infrastructure, comme nous venons de l'entendre. Tout le monde est au courant des risques à la sécurité nationale causés par le manque d'infrastructures dans l'Arctique canadien. J'ai moi-même témoigné à maintes reprises à ce sujet. La sécurité du Canada dans l'Arctique repose sur sa capacité de tenir à distance les investissements non désirés et d'établir les mécanismes nécessaires pour attirer les investissements désirables. Nous avons appris que les investisseurs ont besoin d'une vue stratégique d'ensemble, notamment les infrastructures existantes, l'éventail des projets proposés, leurs analyses de rentabilisation, etc.
Pendant quatre ans, Madeleine Redfern, la directrice générale de notre section du Nord, nos partenaires du Wilson Center et moi-même avons essayé de convaincre le Canada d'appuyer les activités que nous organisions pour fournir les renseignements dont les investisseurs ont besoin, mais sans succès. Aujourd'hui, le Wilson Center Polar Institute fait cavalier seul. Il a dressé une liste d'investissements potentiels en infrastructures dans le Nord canadien. Les États-Unis projettent sur la scène mondiale l'état des infrastructures essentielles existantes dans le Nord canadien, celles qu'il faudrait construire et les risques pour la sécurité que posent les lacunes actuelles d'infrastructures. Le message de l'institut sur la sécurité a été entendu de l'USAID au Pentagone. Le Canada devrait mener ses propres recherches stratégiques pour bien faire connaître au reste du monde les infrastructures qu'il envisage de construire dans la région.
Un autre thème est celui de la diplomatie et de la géopolitique. En plus d'organiser des conférences partout dans le monde, nous ramenons cette discussion à l'échelle nationale dans le cadre de notre conférence annuelle pour discuter des enjeux les plus pressants de l'Arctique avec nos alliés circumpolaires. Cette conférence est une tribune inestimable pour le Canada, car elle lui permet de s'adresser au monde entier à partir de son propre territoire. Notre conférence de l'an dernier a eu lieu moins de deux semaines après l'invasion russe de l'Ukraine. La séance qui réunissait les ambassadeurs des pays arctiques au Canada avait été conçue de manière à en partager la direction avec les représentants de la Russie. Arctic360 a ainsi permis aux États de l’Arctique de débattre dans une tribune non officielle afin de poser des questions et de s’entendre sur les moyens d’établir une coopération sur la sécurité de l’Arctique, et cela 10 jours après l’invasion russe de l’Ukraine. Arctic360 est ainsi devenu une tribune importante de diplomatie officieuse et d’établissement de consensus ici, au Canada.
Je vais ensuite parler du thème des minéraux critiques. Le monde attend avec impatience la stratégie canadienne sur les minéraux critiques. Le rôle du Nord sera vital. Il ne faut surtout pas sous-estimer les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale dans l'Arctique canadien. Ne sous-estimons pas non plus les possibilités qui s'offrent dans le Nord à la diplomatie discrète du Canada.
Le thème suivant est celui des relations entre le Groenland, le Canada et l'Arctique nord-américain. Dans le cadre de nos activités, nous exhortons le Canada à renforcer sa coopération avec le Groenland et l'Arctique nord-américain. S'il ne pratique pas une diplomatie discrète, le Canada affaiblira sa position et son pouvoir dans la région ainsi que sa capacité d'agir dans son intérêt national. L'absence de diplomatie officielle affaiblit aussi la position du Canada dans cette région. C'est ce qui se passe au Groenland. Le Canada doit appuyer sa diplomatie officielle en menant une diplomatie discrète pour renforcer son leadership dans la région et pour orienter la coopération vers son propre intérêt national.
En résumé, ce n'est pas une coïncidence si, depuis la création de Wilson Center's Polar Institute il y a six ans, les États-Unis sont passés d'un État arctique désengagé à un État circumpolaire qui soutient directement ses intérêts nationaux. Le Canada est fier de son rôle actif dans la création d'institutions multilatérales et de son rôle de rassembleur. Son pouvoir de convaincre, rendu possible par les groupes de réflexion, est crucial pour développer sa diplomatie officielle et pour protéger sa sécurité nationale.
Le Canada est le seul pays de l'Arctique doté d'un groupe de réflexion sur l'Arctique auquel le gouvernement ne fournit pas de soutien pour mener des activités qui sont dans l'intérêt national du pays. La sécurité de l'Arctique canadien est facilitée par les mécanismes de diplomatie discrète des groupes de réflexion. Ces groupes éviteront au Canada de devoir utiliser des missiles et des avions de chasse pour défendre le Nord du pays.
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Il se trouve que je suis la conseillère spéciale des Laboratoires Nucléaires Canadiens et de la société Ultra Safe Nuclear Corporation, qui produit de petits réacteurs modulaires de cinq mégawatts. Je suis également membre du conseil consultatif national sur les petits réacteurs modulaires.
Il ne fait aucun doute que quelques-unes des 177 communautés autochtones qui dépendent actuellement du diésel au Canada, comme Iqaluit, devraient utiliser un petit réacteur modulaire. L'hydroélectricité, l'énergie solaire, l'énergie éolienne et la géothermie sont aussi des options, mais elles dépendent des conditions géographiques. Iqaluit étudie actuellement la possibilité de produire de l'électricité, mais nous menons également une étude de faisabilité sur les petits réacteurs modulaires pour Iqaluit et pour la région de Kivalliq. Ces réacteurs peuvent fournir toute l'énergie de base nécessaire, alors que l'énergie solaire et l'énergie éolienne ne peuvent actuellement produire que de petites quantités d'énergie.
Il est également possible d'intégrer les petits réacteurs modulaires à d'autres solutions énergétiques, comme l'hydroélectricité ou l'énergie solaire. Il est bien sûr avantageux de disposer de systèmes de rechange lorsqu'il faut interrompre le service du petit réacteur modulaire pour en effectuer l'entretien. C'est une solution que le CNRC et les Laboratoires Nucléaires Canadiens sont en train d'examiner pour le Nord, pour les Autochtones et pour les régions éloignées du Canada.
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Merci, monsieur le président.
Merci à toutes deux d'être avec nous.
Je vais d'abord m'adresser à Mme Redfern.
Pour faire suite à votre commentaire, je crois que vous avez dit que les entreprises inuites doivent faire partie de la solution, ou quelque chose de ce genre. J'ai essayé d'en prendre note. Nous avons entendu des témoins des Forces armées canadiennes et de la Défense parler des partenariats dans le Nord, qu'ils trouvent eux aussi incroyablement utiles.
Je me demande si vous pourriez nous en dire davantage sur les partenariats dirigés par des Autochtones et qui serviraient au double objectif de contribuer à la sécurité du Nord et au développement du Nord pour les gens qui y vivent. Connaissez-vous des organismes dirigés par des Autochtones auxquels nous n'avons pas encore pensé ou dont nous n'avons peut-être pas entendu parler et qui pourraient aider à combler certaines de ces lacunes?
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Vous nous avez bien comprises.
Le Fonds pour la large bande universelle d'Innovation, Sciences et Développement économique ne soutient pas la redondance des télécommunications, notamment dans les régions éloignées du Nord canadien, ce qui est extrêmement inquiétant et problématique. Lorsque Télésat tombe en panne à cause de la météo ou d'une défaillance de lignes de fibre optique dans le Nord de la Colombie-Britannique, au Yukon ou dans les Territoires du Nord-Ouest, nous perdons des services de télécommunications partout dans l'Arctique. Il arrive même que la GRC informe les membres de notre communauté que si nous avons besoin de leurs services, nous devons nous rendre physiquement à leur détachement.
Imaginez cela dans une situation de violence familiale, lorsqu'un enfant se casse le bras ou en cas d'incendie. Ces gens sont terriblement vulnérables, et des vies sont en jeu. Nous avons besoin de redondance dans la partie de la région qui est extrêmement vulnérable. Nous voulons aussi une redondance pour la Défense. Les militaires ont besoin de données en temps réel afin de maintenir leurs connaissances dans tous les domaines. En outre, si l'un des réseaux tombe en panne, il nous faut une transition harmonieuse vers un autre réseau redondant afin de ne jamais interrompre les télécommunications.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de leurs allocutions d'ouverture.
J'aimerais commencer par Mme Redfern. Je reviendrai ensuite à Mme Shadian.
Madame Redfern, ma question porte sur les capteurs qu'on trouve sur les câbles de fibre optique desquels on peut obtenir des quantités immenses de données, qui doivent être analysées par intelligence artificielle.
Est-on suffisamment prêt à traiter cette information? Qui serait responsable de la traiter?
Cela peut-il intéresser différents ministères? Les ministères sont-ils conscients de la mine d'or que cela représente?
J'aimerais que vous m'en disiez davantage à ce sujet.
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Nous avons réalisé une étude de faisabilité sur le câble SMART. Jim McFarlane, fils du célèbre James McFarlane qui a créé International Submarine Engineering Ltd., a discuté en mon nom avec des gens du secteur de la défense, avec des groupes environnementaux et avec l'industrie afin de mieux comprendre l'état du secteur maritime ainsi que la manière de gérer ces données. Nous savons qu'il y a déjà des câbles, généralement plus anciens, qui recueillent des données.
Nous savons que sur la côte Ouest, Ocean Networks Canada mène un projet à Cambridge Bay avec l'Université de Victoria. Nous savons qu'il se fait aussi du travail sur la côte Est. En fait, les Portugais travaillent à la conception d'un câble SMART qui combine le câble de télécommunications et le câble du capteur. C'est probablement le câble le plus avancé. Il y a une autre entreprise, PolArctic, qui est basée en Alaska et dirigée par une femme autochtone qui est une ancienne membre des forces aériennes.
Nous cherchons à déterminer, pour le Canada, de quelle manière nous pourrions recueillir des données pour divers utilisateurs. Nous reconnaissons bien sûr que le secteur de la défense a déjà établi des protocoles et qu’il doit recevoir les données qui serviront à protéger la sécurité du pays. En cas d’incursion étrangère dans notre région, le secteur de la défense nationale aura priorité.
Tout cela est donc relativement nouveau. Nous savons également que l'informatique quantique est absolument nécessaire pour traiter le volume considérable de données avec le programme logiciel d'intelligence artificielle moderne qui est en développement principalement dans les pays occidentaux. Ce sont les données qui nous intéressent le plus. Bien entendu, nous ne voulons pas que des entités chinoises ou étrangères développent des logiciels qui pourraient recueillir ces données et s'en servir contre nous et nos alliés.
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Oui, exactement. Je n'ai pas eu le temps de poursuivre ma discussion sur les minéraux critiques.
Il y a plusieurs enjeux. D'une part, les minéraux critiques placent vraiment le Canada en tête de file, surtout dans l'Arctique et dans l'Arctique nord-américain. Nous possédons ce que le monde désire. Nous jouissons d'un grand avantage sur les États-Unis dans ce domaine.
J'ai été un peu surprise du peu de réactions négatives venant d'un Pentagone qui désire fortement investir dans les minéraux critiques du Canada. Comme vous le dites, les chaînes d'approvisionnement n'iront pas à Pékin, mais elles se retrouveront peut-être à Detroit. Le Canada ne devrait‑il pas pouvoir décider où ses chaînes d'approvisionnement seront construites et quelle sera leur destination?
Les États-Unis sont des partenaires très solides dans ce domaine. Cependant, je pense que le Canada doit faire tout son possible pour protéger ses intérêts nationaux afin de décider lui-même de l'orientation et de l'avenir de son économie des minéraux critiques.
C'est un enjeu de sécurité nationale qui est relié aux infrastructures et à tout le reste. Il est vital que nous construisions des infrastructures pour les minéraux essentiels. Le Nord posera un risque réel pour la sécurité si nous ne faisons pas les choses correctement et si nous ne prenons pas ces risques au sérieux. D'autres viendront et combleront le vide si nous ne nous plaçons pas en tête de file dans ce domaine.
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Le Canada devrait en être fier, parce que notre première mine de minéraux critiques en exploitation se trouve sur les terres des Dénés dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle est exploitée par Det'on Cho corporation en partenariat avec Cheetah Resources.
Nous avons l'occasion de démontrer au monde entier comment procéder à la réconciliation avec les Autochtones et créer de très solides partenariats d'équité avec les communautés autochtones. Cela vaut autant pour le Nord que pour le Sud du Canada.
Dans cet état d'esprit, nous sommes sur la bonne voie. Je pense aussi que la stratégie des minéraux critiques, dans la version actuelle que j'ai vue, est une déclaration audacieuse que fait le Canada au reste du monde en démontrant ce qu'il a l'intention de faire.
Je n'ai pas eu l'occasion de vous raconter que l'an dernier, à notre conférence annuelle, nous avons organisé la première séance en son genre en réunissant au Canada les conseillers commerciaux des pays de l'Arctique pour parler de coopération régionale pour développer le commerce et des chaînes d'approvisionnement au nord du 60e parallèle et pour discuter de la façon de coopérer les uns avec les autres dans l'Arctique nordique et nord-américain.
Je pense qu'il nous manque la capacité de résister et de prendre le taureau par les cornes. Nous avons la capacité de nous placer en tête de file dans ce domaine. Il nous reste simplement à nous y maintenir et à pousser vers l'avant de façon énergique et proactive. Je pense que c'est une excellente façon d'exprimer cela.
Bien sûr, nous devons investir dans les infrastructures. Il s'agira d'un partenariat public-privé, et nous devons être en mesure d'attirer le genre d'investissement qu'il nous faudra. Nous parlons ici d'une bonne partie du travail que Mme Redfern et moi avons essayé d'accomplir.
Il a été question plus tôt de la participation des entreprises inuites à toutes ces démarches. Nous avons cherché avec persistance à réunir des intervenants de Bay Street et des sociétés de développement autochtones et nordiques. Nous voulons que les entrepreneurs du Nord décrivent les projets existants et potentiels dans le Nord et qu'ils obtiennent les renseignements qu'il leur faut pour produire des analyses de rentabilisation portant sur les enjeux qui intéressent les gens de Bay Street.
Nous cherchons à réunir ces deux parties pour que les institutions financières du Canada et des États-Unis investissent dans nos infrastructures. Nous en revenons bien sûr à la nécessité d’élaborer un plan plus vaste, une stratégie à long terme. Ce plan doit leur présenter une série de projets et des regroupements de projets. Voilà ce qu’il nous manque.
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Tout d'abord, je tiens à dire qu'une grande partie de l'infrastructure doit être intégrée. Pour construire des infrastructures de télécommunications, il faut de l'énergie. Pour avoir de l'énergie, il faut du transport. Souvent, les collectivités, les mines et le secteur de la défense veulent tous la même chose.
Pour ce qui est de votre question, les communautés autochtones veulent de plus en plus être davantage que consultées. Elles cherchent maintenant à obtenir une participation dans ces grands projets pour que nous puissions en profiter au‑delà de la formation ou des emplois. Prenons le projet de fibre optique. SednaLink appartient à des Inuits et est dirigée par des Inuits, et bénéficie de l'appui de sociétés de développement et d'organisations inuites. Aucune autre entreprise ou entité ne peut en faire autant.
Nasittuq est le véhicule de modernisation du NORAD qui peut aider à orienter ces investissements, mais il doit aller plus loin que la défense. Il faut, comme Jessica l'a dit, une stratégie d'investissement dans les infrastructures vraiment exhaustive qui mobilise le secteur privé, des mines aux investisseurs, les gouvernements du Nord et du Canada, et bien sûr, les communautés et les peuples autochtones, qui veulent en faire partie.
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Il est important de comprendre qu'à l'échelle mondiale, y compris dans le Sud du Canada, les télécommunications progressent à pas de géant, tandis que dans le Nord, nous sommes revenus au niveau de vitesse le plus élevé avant Star Link, qui commence maintenant à arriver. Par l'entremise de notre principal FSI, la vitesse est de 15 mégabits par seconde, comparativement à 5 auparavant.
Même avec l'investissement de près de 50 millions de dollars que le gouvernement du Canada a fait pour améliorer nos télécommunications, elles sont très vulnérables aux conditions météorologiques, de sorte que chaque fois qu'il y a un blizzard, de la pluie ou des nuages, le service peut littéralement disparaître. Cela nuit à notre capacité de participer à l'apprentissage en ligne pour les enfants qui essayaient de se connecter aux programmes scolaires, de la maternelle à la 12e année. Cela nuit à la capacité de nos étudiants de niveau postsecondaire de poursuivre leurs études. Cela nuit à notre capacité de faire de la santé à distance et du commerce électronique.
Si Internet tombe en panne quand vous êtes à l'épicerie ou à la station-service, vous ne pouvez pas payer votre épicerie ou votre essence. Bien sûr, vous ne pouvez pas non plus aller à la banque et au guichet automatique pour obtenir de l'argent. C'est toujours imprévisible. Nous vivons plusieurs fois par semaine des événements comme la panne du réseau de Rogers observée au Canada l'été dernier. On ne peut absolument rien faire dans de tels cas en matière de communications. Nous dépendons tellement des télécommunications pour notre gouvernance et pour fournir de l'information à nos résidents. Quand le programme d'accès communautaire est tombé en panne à la bibliothèque, les résidents qui n'ont pas d'ordinateur ou de connectivité à la maison n'ont pas pu obtenir d'information sur la pandémie.
C'est vraiment une infrastructure essentielle, et elle est maintenant reconnue par plusieurs pays du monde comme un droit de la personne.
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Récemment, nous avons commencé à entendre des ministères fédéraux reconnaître la valeur de l'infrastructure à double usage. Je pense que les militaires comprennent mieux la situation, mais je peux vous dire que des ministères comme Environnement et Changement climatique Canada, Innovation, Sciences et Développement économique, ou ISDE, et Services aux Autochtones ne semblent pas comprendre comment procéder dans la pratique.
À partir du moment où un câble sous-marin de surveillance scientifique et de télécommunications fiables, ou câble SMART, peut servir à la protection contre les changements climatiques ou à la protection de l'environnement, fournir des services de télécommunications aux communautés, aux mines et à la défense, et développer une économie bleue, c'est comme si les circuits des différents ministères fédéraux commençaient à surchauffer. Ils ne savent tout simplement pas comment prendre des bouts de mandats différents et des fonds différents et les intégrer pour soutenir un investissement intelligent qui permet de réaliser de grands progrès.
Nous devons amener les sous-ministres et les ministres à mieux comprendre qu'ils doivent travailler ensemble. C'est pourquoi il est utile d'avoir des stratégies autres que des proclamations, des énoncés visionnaires ou simplement un financement que nous sommes censés demander, mais qui ne permet peut-être pas de financer les investissements les plus intelligents ou les plus stratégiques qui aideront à réaliser un double objectif et serviront à de multiples utilisateurs.
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Merci. Vous avez répondu à certaines de mes questions complémentaires.
Je vais maintenant passer à Mme Shadian.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé un peu d'Arctic360, et il était très fascinant d'entendre parler du travail que vous faisiez pour être en mesure de créer ce canal secondaire avec les Russes, en particulier pour ce qui est des questions touchant l'Arctique.
Un certain nombre d'entre nous étions à Washington il y a quelques semaines, et nous avons rencontré des gens du Pentagone ainsi que du Wilson Center. Ils ont dit très clairement, de façon générale, qu'ils n'étaient pas du tout disposés à discuter de ces questions avec la Russie, y compris de l'Arctique, et ils parlaient manifestement du Conseil de l'Arctique, du fait que la Russie le préside actuellement, et de la façon dont ils assument cette fonction.
Pourriez-vous nous parler un peu plus de votre expérience avec Arctic360, de la façon dont cela a fonctionné et nous dire si des engagements futurs sont prévus actuellement avec la Russie?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais revenir sur les dernières questions, mais sous un angle différent.
Madame Redfern, plusieurs autres témoins ont mentionné comme vous que, lorsqu'on a recours à l'expertise d'entreprises de propriété autochtone pour l'infrastructure en Arctique, c'est plus efficace, plus rapide et moins coûteux. Toutefois, nous avons souvent entendu d'autres témoins nous dire que le gouvernement avait carrément écarté certains projets.
Y a-t-il des arguments qui sont invoqués pour le refus de ces projets ou est-ce vraiment attribuable uniquement à un manque d'organisation ou de logistique de la part du gouvernement dans l'attribution des projets?
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Je pense qu'il est important de comprendre que, dans le Nord du Canada, surtout au Nunavut, la bureaucratie est très transitoire, et c'est aussi la raison pour laquelle les organisations et les dirigeants autochtones insistent vraiment pour que les Autochtones participent davantage à ces projets et obtiennent ces contrats, parce que nous assurons un niveau de stabilité.
Il y a aussi, fait intéressant, un problème croissant de roulement élevé au sein du gouvernement fédéral. J'ai été mairesse pendant deux mandats et je suis maintenant de retour en affaires, et il est non seulement difficile, mais incroyablement frustrant de commencer enfin à sensibiliser les gens qui travaillent dans le domaine des politiques, du financement des programmes et de la haute direction — cela prend environ deux ans — pour les voir ensuite quitter leur poste. C'est un risque énorme pour le Canada en matière de développement ou lorsqu'il s'agit de déterminer qui obtiendra des investissements.
Il y a une tendance à investir dans les très grandes entreprises, surtout celles du Sud, plutôt que de travailler à développer la capacité commerciale dans le Nord et chez les Autochtones et de nous attribuer des contrats, même lorsque nous établissons des partenariats.
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L'infrastructure dont nous parlons, c'est l'infrastructure de transport. Le logement est aussi un gros problème, bien sûr.
Tous ces aspects sont interreliés. Comme Madeleine l'a dit, ils sont polyvalents et multi-utilisateurs. On ne peut pas avoir un câble SMART sans une alimentation en énergie suffisante. C'est la même chose partout. Les télécommunications dépendent de l'énergie. Il faut mettre en place l'infrastructure, des ports à tout le reste, pour pouvoir fonctionner.
Cela nous ramène au manque de stratégie globale. Nous devons déterminer comment tous ces éléments s'imbriquent les uns avec les autres. Nous ne savons même pas ce que nous avons. Nous devons déterminer ce que nous voulons et comment y arriver. Les lacunes sont innombrables. Elles touchent les routes, les aéroports, les télécommunications et l'énergie. Tous ces éléments dépendent les uns des autres pour fonctionner et exister.
C'est difficile. D'autres pays préparent des rapports annuels sur les infrastructures et fournissent de l'information aux investisseurs sur ce qui se passe. Nous avons le Wilson Center qui fait une partie de ce que nous devrions faire nous-mêmes et qui décide pour nous-mêmes ce que nous aimerions construire et ce qui va suivre.
Pour ce qui est des investissements et du secteur privé, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada investit des capitaux de risque dans Bluejay, une mine de minéraux critiques au Groenland. D'autres pays attirent de plus en plus de caisses de retraite du Canada, qui investissent dans ce genre de mines de minéraux critiques. Je ne vois pas pourquoi nous n'avons pas réussi à rallier nos caisses de retraite.
Je crois comprendre que cela nous ramène à la pensée cloisonnée en ce qui concerne ISDE, les Finances, la Défense et RNCan. Dans une stratégie relative aux minéraux critiques, il était question d'infrastructure. L'Agence canadienne de développement économique, CanNor, a parlé d'infrastructure. Ce qui arrive, c'est que l'un ne sait pas ce que l'autre fait.
On se retrouve avec de l'argent. Il y a de grosses sommes d'argent qui sont octroyées, mais tout devient sous-financé. Il n'y a pas de réflexion stratégique, comme le disait Madeleine. Nous n'avons pas de stratégie sur la façon de construire et de nous assurer que nous agissons de façon stratégique pour nous assurer que cela fonctionne à long terme.
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Absolument, il y a une occasion à saisir.
Nous avons établi les coûts de SednaLink à diverses étapes. Il pourrait aller de Happy Valley-Goose Bay à Iqaluit et remonter le long de la côte est de l'île de Baffin, en reliant les collectivités. Il pourrait relier Nanisivik et les mines. Il pourrait être relié à l'EAUFON, qui est le câble de fibre optique du Nunavik, ce qui assurerait une redondance utile. Il peut assurément passer par l'Extrême-Arctique et par le passage du Nord-Ouest jusqu'à Inuvik, ce qui assurerait également une redondance utile.
Nous savons parfaitement où se trouvent tous les emplacements stratégiques potentiels. Il y a redondance avec Thule. Ce système pourrait aller jusqu'à Alert. Ce n'est pas une question technique, mais une question de volonté politique et d'investissements financiers.
La question est de savoir si nous voulons que cette infrastructure essentielle appartienne au Canada et soit dirigée par le Canada, ou si nous voulons qu'une entreprise internationale la construise — une façon de faire qui a donné de très mauvais résultats en matière de communication et de consultation dans le Nord canadien, sans parler des Inuits. C'est pourquoi les organisations inuites veulent être propriétaires de cette infrastructure.
Madame Shadian, vous avez parlé de la nécessité d'une stratégie pour l'Arctique. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il y a de graves lacunes. Il est surprenant que nous n'en ayons pas, en tant que nation arctique. Tous nos alliés en ont une. Nous parlons, du point de vue de la défense, — c'est le Comité de la défense — de la modernisation du NORAD et de la protection de notre souveraineté dans l'Arctique.
Lorsqu'on commence à examiner les besoins en infrastructure, sachant ce que la Défense nationale investira du point de vue des actifs de la Marine, des satellites radar, de la constellation LEO, de la mise à niveau de la constellation RADARSAT et des pistes pour les emplacements d'opérations avancés de notre force aérienne, quelle serait votre liste de priorités? Pourriez-vous prioriser ces actifs à partir d'une base d'infrastructure, où nous pourrions offrir ce soutien combiné aux communautés, à l'industrie et aux forces armées?
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Oui. Pour ce qui est de l'infrastructure, il faut mettre l'accent sur les télécommunications. Il faut de l'énergie. Il faut aussi mettre l'accent sur les ports. Il faut des pistes. Nous avons de moins en moins besoin de routes de nos jours. Les communautés sont accessibles par avion.
Encore une fois, je pense que cela nous ramène à la difficulté d'imbriquer l'une sur l'autre. On ne peut pas exploiter la 5G avec des éoliennes. Nous avons vraiment besoin d'une énergie constante et abordable. Nous avons également besoin de télécommunications cohérentes, mais à la fine pointe de la technologie. Nous avons également besoin de cette infrastructure matérielle. Nous ne pouvons pas défendre notre Nord sans ports, ou avec seulement un ou deux ports. Notre littoral est très grand.
Quant à savoir sur quoi il faut mettre l'accent, il faut y réfléchir de façon stratégique. Cela doit se faire avec un objectif en tête. Disons que nous visons 2050. Où voulons-nous être rendus en 2050? Ensuite, nous déterminons comment y parvenir.
Une grande partie de l'énergie que nous voulons consacrer à cette question consiste à travailler avec les responsables des villes intelligentes. Ce sont eux qui parlent de l'infrastructure de demain pour la deuxième moitié du XXIe siècle. Nous ne voulons pas construire un port en ciment des années 1950 si ce n'est pas ce que l'avenir nous réserve.
Nous devons aussi comprendre où nous allons. Nous pourrons ensuite comprendre comment relier ces différents éléments d'infrastructure. Au bout du compte, il s'agit d'un système à usages et à utilisateurs multiples, et il sert à défendre...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins d'être ici aujourd'hui. Je vais poser une pléthore de questions. Vous aurez peut-être l'impression de vouloir ajouter quelque chose au compte rendu aujourd'hui, mais il y a peut-être des questions auxquelles vous ne voulez pas répondre. Ce sont des questions que j'ai déjà posées à d'autres témoins.
L'une des répercussions futures des changements climatiques est l'augmentation de la navigation dans l'Arctique, ce qui est préoccupant. De plus, je sais que c'est un problème mineur en ce moment, mais en ce qui concerne l'augmentation de l'activité des navires de croisière dans l'Arctique, quels sont les inconvénients? Quels sont les avantages? J'ai entendu d'autres témoins dire qu'il y a un niveau de risque accru, mais je pense que beaucoup de Canadiens pensent que tout va être plus facile maintenant lorsque le passage sera ouvert.
Au sujet des possibilités extraordinaires de la modernisation du NORAD pour les gens du Nord, présente-t-elle des problèmes de main-d'œuvre, de ressources humaines et de compétences? Comment pouvons-nous nous assurer que les Canadiens du Nord profitent de ces possibilités incroyables, de cet investissement canadien? Nous avons beaucoup parlé d'infrastructure, mais nous avons seulement discuté d'une lacune dans l'infrastructure fédérale. Chaque fois que nous parlons des provinces et des municipalités, nous ne semblons pas autant faire le lien avec l'Arctique. Puisque nous avons ici une ex‑mairesse comme témoin aujourd'hui, j'ai pensé que nous pourrions peut-être voir si l'infrastructure municipale et provinciale est plus que suffisante ou s'il y a une lacune aussi du côté de ces deux ordres de gouvernement.
C'est à peu près tout ce que j'ai comme question. Je vais vous laisser répondre.
Merci.
En tant qu'ex‑mairesse et ex‑présidente de l'Association des municipalités du Nunavut, je peux dire que l'infrastructure énergétique est en fait une société d'État territoriale. Les télécommunications peuvent et devraient appartenir aux Inuits du Nunavut. À l'heure actuelle, elles sont gérées principalement par des entreprises du Yukon ou du Sud. Nous avons besoin de télécommunications, surtout pour la recherche et le sauvetage, car de plus en plus de navires entrent dans l'Arctique.
Lorsque l'avion s'est écrasé à Resolute, l'une des premières choses dont les militaires et les premiers intervenants avaient besoin, c'était d'avoir accès à de bonnes télécommunications. Ils ont dû avertir la population dans l'ensemble de notre territoire de cesser d'utiliser Internet et les téléphones pour que les premiers intervenants puissent communiquer entre eux. C'est donc un dossier extrêmement prioritaire.
De plus, nous avons essentiellement besoin que ces navires aient un bon accès aux télécommunications pour que nous sachions où ils se trouvent. Lorsqu'un navire est échoué, que ce soit un navire de croisière ou des idiots sur leurs motomarines qui traversent le passage du Nord-Ouest, nous devons savoir exactement où nous devons intervenir pour sauver des vies.
Enfin, une partie de cette stratégie pour l'Arctique doit consister à renforcer la capacité humaine dans nos régions afin que nos gens puissent enfin profiter de la construction de cette infrastructure — en la possédant, en la gérant et en l'entretenant.
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En ce qui concerne les changements climatiques, tout ce que je peux dire, c'est que nous devons peut-être nous joindre au mouvement.
Si nous regardons autour de l'Arctique, nous voyons que beaucoup de nos voisins de l'Arctique utilisent le froid, le fait que la région soit éloignée, les changements climatiques, et la fonte du pergélisol, à leur avantage pour trouver de nouvelles innovations, trouver des moyens de construire de meilleures infrastructures pour résister aux changements climatiques en général, surtout en ce qui concerne la fonte du pergélisol. Le Svalbard est très actif dans ce domaine, parce qu'on y trouve une grande réserve de semences. On examine la façon dont l'acier interagit avec le pergélisol.
Nous ne devrions pas considérer cela seulement comme un défi, comme une impossibilité, comme un obstacle, mais plutôt comme une véritable occasion pour le Canada d'être plus innovateur. C'est là où ISDE a un rôle à jouer.
En ce qui concerne les navires de croisière, le fait est qu'ils ont besoin d'infrastructures. Sans infrastructure, c'est un risque. Je pense que toutes les compagnies de navires de croisière préconiseraient la même chose. Elles aimeraient faire ce qu'elles veulent, et elles aimeraient en faire plus, mais elles ne peuvent pas le faire. Même si elles 'aimeraient respecter les collectivités et travailler avec elles, s'il n'y a pas d'infrastructure, des ports aux hôtels...
Pour ce qui est de l'aide que le NORAD apporte aux habitants du Nord, je ne crois pas aux retombées de l'infrastructure. Le NORAD ne peut pas se contenter de dire « qu'une infrastructure sera construite, tout à coup, pour la défense, et que bien sûr, cela va aider. Il y aura peut-être des entreprises de télécommunications, peut-être pas. Nous allons construire des infrastructures ici et là. »
Je pense que cela nous ramène à la nécessité d'avoir une infrastructure polyvalente, à usages multiples et stratégiquement réfléchie, parce que nous n'avons aucune garantie ni même une idée si cela va automatiquement aider les collectivités du Nord.
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Merci, monsieur Fisher.
Cela met fin à notre première heure.
Je tiens à remercier les deux témoins, Mme Shadian et Mme Redfern, de nous avoir fait part de leurs connaissances. J'aurais aimé que ce soit dans un cadre plus détendu, sans l'exigence du chronomètre, mais c'est comme ça, et nous devons nous y faire.
Sur ce, chers collègues, je vais suspendre la séance pendant une minute ou deux, le temps d'accueillir le groupe pour la deuxième heure.
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J'aimerais commencer par souligner que je me joins à vous depuis le territoire ancestral et non cédé du peuple mi'kmaq.
Je suis honoré d'être ici. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer.
J'ai passé les trois dernières semaines au Nunavut à travailler avec le groupe de gestion des urgences du Nunavut et plusieurs autres chercheurs, dont M. Pedersen, pour animer trois tables rondes régionales sur la recherche et le sauvetage afin d'établir des relations entre la collectivité, les intervenants territoriaux et fédéraux et pour discuter de l'état du système de recherche et de sauvetage dans l'Arctique. Étant donné la fréquence à laquelle la question de la recherche et du sauvetage a été soulevée au cours de ces audiences, j'ai pensé que le Comité serait intéressé à connaître les résultats des tables rondes.
Tout d'abord, on a souligné la nécessité pour les gouvernements de comprendre que la recherche et le sauvetage, ou SAR, représentent un élément fondamental de la sécurité des collectivités. Le filet de sécurité fourni par le système de SAR permet aux Inuits et aux autres résidents de l'Arctique de vivre, de voyager, de récolter et de travailler sur la terre, aide les collectivités à faire face aux changements climatiques et contribue à la santé et au bien-être individuels et communautaires. Le financement devrait refléter le rôle central que joue le système de SAR dans la vie dans l'Arctique.
Deuxièmement, les participants à la table ronde ont mis l'accent sur la vaste gamme de défis que doivent relever les intervenants communautaires dans la prestation de services de recherche et de sauvetage sur la glace, l'eau et le sol du Nunavut, y compris l'épuisement des bénévoles, les problèmes de formation et d'équipement, le manque de financement, le soutien limité en santé mentale et physique, les délais d'intervention lents des principales ressources aériennes SAR basées dans le Sud et la confusion et les obstacles causés par la division rigide des compétences entre la recherche et le sauvetage aériens, maritimes et humanitaires. Tout cela est aggravé par une lourde charge de travail. Il y a plus de 200 recherches publiques par année sur le territoire, et beaucoup d'autres ne sont jamais déclarées par les voies officielles.
Pour les coordonnateurs et les intervenants fédéraux et territoriaux, les défis des opérations dans l'Arctique ne sont pas moins grands. Il s'agit d'une infrastructure de soutien limitée, de difficultés de communication, d'un moins grand nombre de navires ayant la possibilité de participer aux opérations de recherche et de sauvetage en mer, de l'environnement austère et des grandes distances à parcourir. Le déplacement d'un hélicoptère Cormorant de Greenwood, en Nouvelle-Écosse, vers l'Extrême-Arctique, avec de multiples escales de ravitaillement et des changements d'équipage, est un véritable exploit logistique. Étant donné que l'activité extérieure est imprévisible et en expansion — des navires de croisière et des avions de passagers aux bateaux de pêche ou aux vraquiers — ce qui accroît le risque de catastrophes majeures en matière de transport et la nécessité de se préparer aux opérations de sauvetage de masse, ces défis s'intensifieront.
Enfin, les intervenants à tous les niveaux ont souligné la nécessité d'une meilleure communication et d'une meilleure coopération, qui devraient être fondamentales, entre tous les partenaires du système de SAR.
Bien qu'il y ait de nombreux défis à relever, je tiens également à souligner à l'intention du Comité les politiques et les programmes novateurs en matière de recherche et de sauvetage qui ont vraiment retenu l'attention lors des tables rondes.
Le groupe de gestion des urgences du Nunavut travaille à devenir un chef de file national des opérations de recherche et de sauvetage au sol au moyen de son approche communautaire. L'utilisation de la technologie d'intervention et du travail de prévention devrait servir de modèle à d'autres administrations du Nord. L'expansion des unités auxiliaires bénévoles de la Garde côtière, alimentée par le Programme de bénévolat des bateaux communautaires autochtones et plus de formation et de mobilisation, l'embauche d'agents et de formateurs inuits en recherche et sauvetage, sa collaboration et ses exercices avec les partenaires de l'industrie pour atténuer les risques, et l'établissement de la station de sauvetage maritime de Rankin Inlet, ont permis d'améliorer la recherche et le sauvetage maritimes dans l'Arctique.
Grâce au programme national de systèmes d'aéronefs télépilotés de l'Association civile de recherche et de sauvetage aériens, l'ACRSA, on espère mettre des drones entre les mains de bénévoles du système de SAR dans le Nord. L'initiative d'amélioration de la connaissance de la situation maritime du Plan de protection des océans et l'établissement de nouvelles tours VHF, de tours dotées de systèmes d'identification automatique, ou SIA et de tours téléphonie cellulaire par diverses organisations municipales, territoriales et inuites devraient permettre d'éliminer le volet recherche du système de SAR.
Ma première recommandation au Comité serait de soutenir ces efforts et, dans la mesure du possible, de les élargir. Ils habilitent les intervenants locaux, améliorent les capacités communautaires et permettent d'économiser de l'argent en réduisant la nécessité de déployer un aéronef Hercules ou Cormorant en provenance du Sud, ce qui coûte généralement des centaines de milliers de dollars pour chaque vol.
Ma deuxième recommandation viserait le rétablissement immédiat d'une table ronde permanente sur la recherche et le sauvetage dans l'Arctique ou dans le Nord par le Secrétariat national de recherche et de sauvetage. À l'heure actuelle, les organismes et les ministères font de l'excellent travail dans la région, mais ils n'ont pas d'orientation stratégique. Une table ronde réunissant des premiers intervenants comme M. Pedersen et des décideurs du Nord et du Sud faciliterait, moyennant un coût relativement modeste, l'établissement de relations, l'amélioration de la communication, le partage des pratiques exemplaires et des leçons apprises en matière de prévention et d'intervention en matière de SAR, la synchronisation des efforts, la planification des opérations de sauvetage de masse et les discussions entourant le parcours de base, le positionnement préalable et/ou la passation de marchés avec les principales unités de SAR dans l'Arctique.
De cette façon, les priorités des détenteurs de droits autochtones du Nord et les réalités des opérations dans l'Arctique seraient prises en compte dans la prise de décisions sur le programme de recherche et de sauvetage du Canada dans son ensemble, y compris les investissements majeurs dans le matériel et l'infrastructure, ce qui n'a pas toujours été le cas par le passé.
Enfin, les tables rondes pourraient faciliter l'élaboration conjointe d'une stratégie globale de recherche et sauvetage dans l'Arctique consistant à s'attaquer adéquatement aux défis uniques auxquels sont confrontées les équipes SAR dans la région, ce qui avait été promis pour la première fois en 2006.
J'ai hâte de discuter de ces questions, de ces idées et des autres solutions dont il a été question lors des tables rondes pendant la période des questions.
Merci beaucoup de votre temps.
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Merci, monsieur le président.
Je suis très honorée de cette nouvelle invitation à témoigner. J'espère que les éléments que je pourrai vous apporter aujourd'hui concernant les patrouilles des Rangers canadiens vous seront utiles.
Aujourd'hui, nous discuterons plus particulièrement du rôle que ces patrouilles jouent en matière de sécurité dans l'Arctique canadien, en précisant de quelle sécurité on parle: la sécurité pour qui, pourquoi et comment?
Lorsque j'ai découvert ces patrouilles, il y a maintenant presque 10 ans, soit en 2013, lors de la rédaction d'un mémoire de maîtrise, j'avais pour projet de les analyser sous l'angle de la sécurité traditionnelle en travaillant sur les relations entre les civils et les militaires ainsi que sur les relations entre les Autochtones et les Forces armées canadiennes.
Or, au fil de ces années de recherche, des entretiens et des enquêtes de terrain que j'ai pu conduire, force a été de constater que cet angle n'était pas suffisant et qu'il laisserait de côté ce que ces patrouilles apportent et révèlent de ces communautés autochtones arctiques: une entraide communautaire forte, une volonté tout aussi forte de préserver leur culture et leur langue, l'absolue nécessité de prendre soin les uns des autres ou encore un lien indéfectible avec leur territoire.
Les patrouilles des Rangers juniors canadiens font également tout un travail de renforcement des liens intergénérationnels brisés par les gouvernements fédéral et provinciaux lors de la période des pensionnats, de même que tout un travail de lutte contre le suicide chez les jeunes en tentant de leur donner une petite étincelle, comme cela m'a souvent été mentionné par des membres du 2e Groupe de patrouilles des Rangers canadiens, au Québec. En fait, il y a toute une volonté de tendre vers un mieux-être global et holistique de ces communautés.
Afin de couvrir au mieux tous les aspects de cette approche holistique, j'ai rajusté mon angle d'analyse et appliqué à l'étude de ces patrouilles le prisme de la sécurité humaine, prise en son sens large, avec ses sept dimensions. C'est, je crois, un exercice indispensable et incontournable à entreprendre lorsqu'on parle des patrouilles des Rangers canadiens.
Je n'aurais pas l'audace de présenter ici les détails de ce concept cher au Canada. Je ne vais pas non plus me lancer dans un cours de science politique sur la sécurité humaine. J'aimerais néanmoins souligner en quoi mon approche et celle d'autres universitaires qui travaillent sur les régions arctiques diffèrent des postures courantes.
En effet, dans mes recherches, je fais le choix d'appliquer la sécurité humaine, prise dans son sens large, non pas aux opérations extérieures, aux affaires étrangères ou aux opérations de maintien de la paix, mais plutôt à un niveau intra-étatique, soit dans les relations entre un État et ses propres populations, entre un État et ses populations les moins aisées.
Cela étant posé, j'ai repéré certains points qu'il me semble intéressant d'évoquer auprès du Comité aujourd'hui.
Tout d'abord, si cela vous intéresse, on pourra expliquer rapidement en quoi les patrouilles des Rangers canadiens et leur pendant, les juniors, renforcent la plupart des dimensions de sécurité humaine. Les patrouilles des Rangers et des Rangers juniors canadiens sont un exemple d'opérationnalisation du concept de sécurité humaine. C'est un exemple à étudier, à comprendre et, qui sait, peut-être à exporter.
On pourra aussi évoquer en quoi les patrouilles des Rangers sont un exemple d'interculturalité, tant leur diversité culturelle est importante et représente la richesse culturelle du Canada.
On pourra également se concentrer plus précisément sur les tâches principales des Rangers canadiens et détailler des exemples pour chacune d'entre elles, à commencer par le rôle des Rangers dans les opérations de protection du territoire, qui peut notamment s'illustrer en lien avec les changements climatiques.
Ensuite, dans les opérations nationales des Forces armées canadiennes, comme l'opération Laser, mais aussi les opérations de recherche et de sauvetage, bien que les Rangers ne soient pas les premiers répondants, ils offrent un soutien et une expertise incontournables, comme l'a mentionné mon collègue.
Pour finir, la présence de réservistes des Forces armées canadiennes dans les collectivités locales permet le renforcement de ces communautés, notamment grâce aux patrouilles des Rangers juniors.
Bien entendu, je reste ouverte à tout autre sujet qui vous intéresserait aujourd'hui. Je tâcherai de répondre à vos questions, si tant est que mes connaissances le permettent.
Je vous remercie.
Nous avons déjà trop peu de temps, alors je vais devoir réduire le premier tour à quatre minutes.
Je vois que M. Pedersen a maintenant un casque d'écoute.
Si vous mettez votre casque, pourrons-nous vous entendre, monsieur Pedersen? Votre casque d'écoute est‑il branché et êtes-vous prêt à faire votre exposé? Vous n'êtes pas connecté? D'accord.
Pouvons-nous établir une connexion?
L'idée était bonne pourtant. Nous allons maintenant passer au tour de quatre minutes.
Madame Gallant, vous avez quatre minutes.
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Pour répondre à cette question, je peux me fonder en partie sur le texte de Calvin Pedersen.
Sa réponse est qu'il est un Ranger. Il l'est depuis près de 25 ans. C'est un Ranger canadien de quatrième génération, et il est très fier du service qu'il rend.
Les Rangers font beaucoup de choses très importantes. Pas plus tard que cet été, M. Pedersen participait à l'Opération Nanook/Nunakput lors duquel sa patrouille et lui surveillaient le trafic maritime dans le passage du Nord-Ouest. C'est important du point de vue de la sécurité du Canada en général, mais aussi pour la sûreté et la sécurité de sa propre communauté. Je pense donc qu'il y a un réel désir d'avoir plus d'expériences opérationnelles de ce genre.
Beaucoup de Rangers ne cherchent pas à avoir toujours plus de Rangers. M. Pedersen, dans sa déclaration, dit qu'il faut leur donner plus d'expérience opérationnelle, leur donner plus de formation et les utiliser davantage, parce qu'ils sont les yeux et les oreilles. Plus ils seront mis à contribution, mieux ce sera pour les préoccupations plus générales du Canada en matière de sûreté et de sécurité. À cette fin, le 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens a besoin du personnel de soutien et du personnel du quartier général nécessaires pour rendre possible ce genre d'expansion opérationnelle.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Pedersen sur ce point. On pourrait peut-être avoir recours aux Rangers pour plus d'activités opérationnelles sur le terrain, notamment pour surveiller le passage du Nord-Ouest et ce genre de choses. Cependant, pour soutenir ce rythme opérationnel, il est important de s'assurer que le quartier général du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens dispose du soutien dont il a besoin.
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Je répondrai d'abord à votre question sur l'équipement des Rangers.
Ce que j'entends le plus souvent de gens comme M. Pedersen, en sa qualité de Ranger, et d'autres Rangers, c'est qu'ils n'ont aucun problème à utiliser leur équipement. Ils le connaissent. Ils utilisent leurs motoneiges. Ils utilisent leurs bateaux pendant qu'ils patrouillent. Ils n'ont aucun problème de ce côté.
À l'heure actuelle, ils obtiennent un taux d'utilisation de l'équipement de recherche et sauvetage par lequel les militaires les indemnisent pour l'utilisation de cet équipement. Cela pourrait être augmenté. C'est ce que j'entends souvent de la part des Rangers, et je pense que M. Pedersen serait d'accord pour dire que le taux d'utilisation pourrait être augmenté. Cependant, cette idée de fournir aux Rangers des embarcations permanentes et des motoneiges permanentes qui doivent rester à l'eau pendant la moitié de l'année et qui ne peuvent être utilisées que pour les activités des Rangers... Je ne pense pas que ce soit une idée populaire chez bon nombre des Rangers à qui j'ai parlé, et je pense que M. Pedersen serait d'accord avec moi.
Augmentez le taux d'utilisation de l'équipement qui permet aux Rangers d'utiliser leur propre équipement et d'investir dans leurs propres outils.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui pour répondre à certaines de nos questions.
Monsieur Kikkert, je vais vous poser la question, et si vous pouvez communiquer avec M. Pedersen, je vous la poserai à tous les deux. Je trouve également très malheureux qu'il ne puisse pas nous parler à cause d'un problème technique.
Selon vous, quels sont les principaux défis que les Rangers et les communautés du Nord ont relevés dans le cadre des opérations de recherche et sauvetage? Est‑ce que le réchauffement de la planète rend les choses de plus en plus difficiles? Au cours des années d'expérience de M. Pedersen, a‑t‑il remarqué une augmentation des défis, disons, à cause de cela?
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Oui et non. À vrai dire, les Rangers font partie des communautés. Dans le Nord, par exemple, les Rangers sont des Inuits qui habitent dans les communautés inuites. Ce sont des leaders qui font partie de ces communautés. Ces ressources sont donc déjà très bien utilisées.
Permettez-moi de vous expliquer un peu plus la situation. On parlait du recrutement des Rangers, mais, comme l'a dit M. Kikkert, le but n'est pas d'en recruter plus, mais de mieux les former.
En revanche, à moyen et à long terme, l'absolue nécessité sera vraiment de soutenir le Programme des Rangers juniors canadiens. Sans juniors, il n'y aura plus de Rangers dans quelques années, puisqu'il n'y aura pas assez de personnes issues des communautés qui connaissent bien leur environnement et qui savent survivre dans leur environnement. Il y a donc vraiment un besoin de soutenir ce programme destiné aux jeunes.
Ce programme est très prisé. Au Québec, par exemple, il y a plus de patrouilles de juniors que de patrouilles de Rangers. Il y a donc tout un vivier de jeunes qui seront potentiellement recrutés dans des patrouilles de Rangers par la suite.
Il faut s'appuyer sur cette jeune génération, qui a envie de participer à la communauté, qui a envie de jouer un rôle et qui, en plus, regarde les Rangers comme des leaders, des modèles et des exemples à suivre pour plus tard.
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Oui. En fait, c'est un projet sur lequel j'ai travaillé avec M. Pedersen. Nous en avons écrit davantage sur ce sujet depuis. Je serais heureux de vous faire parvenir le travail que nous avons réalisé.
Je dirais qu'il ressort de notre travail sur les opérations de recherche et de sauvetage que certaines communautés effectuent 30 à 35 recherches par an, ce qui représente énormément de travail pour les coordonnateurs qui sont des bénévoles. Et il ne s'agit pas seulement des opérations de recherche et de sauvetage, car il y a aussi l'organisation, la gestion du carburant et de la nourriture et toute la paperasse. C'est un véritable boulet.
L'une des propositions était la suivante: pourquoi ne pas rémunérer des coordonnateurs des opérations de recherche et de sauvetage à l'échelon communautaire? Certaines communautés ne procèdent qu'à une ou deux opérations par an. Est‑ce vraiment raisonnable pour l'Inuit Nunangat? La proposition à laquelle notre travail a abouti était la suivante: pourquoi ne pas créer un poste d'agent de sécurité publique communautaire qui serait chargé de la coordination des opérations de recherche et de sauvetage, de la préparation aux situations d'urgence et de la sécurité maritime, qui donnerait des formations dans les écoles pour faire de la prévention en matière de SAR et qui accomplirait toutes sortes de tâches liées à la sécurité, à la gestion des urgences et à la résilience des communautés? Il s'agirait, bien sûr, d'une personne de la région, ayant déjà des liens forts, qui pourrait se fondre sans trop de difficulté dans l'ensemble de la communauté.
C'est l'idée qui est au cœur du programme d'agent public communautaire. Nous avons voulu faire le lien entre les opérations de recherche et sauvetage et toute une série d'autres exigences et de besoins des communautés du Nord. La personne agissant au niveau local ferait le pont entre les différentes agences fédérales et territoriales qui composent le tableau...
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C’est une excellente question. Il faut d'abord comprendre la complexité de cet environnement. Beaucoup d'activités à l'heure actuelle contribuent à accroître notre connaissance du domaine, au sol comme en mer.
Des observateurs maritimes inuits participent au programme de la Nunavut Tunngavik Incorporated pour surveiller le trafic maritime. Le voilier néo-zélandais qui se déplaçait dans le passage du Nord-Ouest a été repéré pour la première fois par M. Bobby Klengenberg, un observateur maritime inuit de Cambridge Bay. Il l’a vu de sa cabine. C'est un ami de M. Pedersen.
Deuxièmement, il y a la Garde côtière auxiliaire qui met les bateaux à l’eau pour les opérations de recherche et sauvetage, mais qui peuvent aussi garder un œil sur le trafic maritime, sur les points chauds potentiels, etc.
Bien sûr, les Rangers canadiens le font aussi. Quand ils sont sur le terrain, en tant que civils ou dans le cadre d'exercices et d'opérations réels, ils rapportent ce qu'ils voient au quartier général des Rangers.
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C'est une des pièces du puzzle. Tous les composants, des satellites aux avions en passant par les navires, doivent faire partie de la solution. Chacun contribue à sa manière. Les organisations de terrain font partie de ce tableau plus large.
Si vous me permettez, j'aimerais lire une recommandation de M. Pedersen. Il s'agit d’une de ses conclusions: « Je ne suis pas trop préoccupé par la possibilité d'une invasion terrestre russe. Cela entraînerait probablement la plus grande opération de recherche et de sauvetage que le Nord ait jamais vue. Néanmoins, les Forces armées canadiennes doivent être en mesure d'opérer efficacement dans le Nord et disposer des capacités de surveillance nécessaires pour être à l'affût de ce qui se passe dans mon pays. Pour soutenir ces efforts, nous avons besoin d'infrastructures appropriées. Il nous faut des pistes d'atterrissage pour les aéronefs militaires, des ports en eaux profondes pour les navires. »
Les organismes communautaires dont nous avons parlé, la surveillance maritime inuite, la Garde côtière auxiliaire, les Rangers et les garde-côtes inuits, tous ces acteurs jouent un rôle très important, mais, oui, nous avons également besoin de la contribution des autres paliers.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Kikkert, j'aimerais vous ramener à une déclaration que vous avez faite dans le cadre de notre étude antérieure sur le recours aux forces armées dans des situations comme celles causées par les changements climatiques. Vous avez mentionné que, plus on recourt aux forces armées pour des exercices intérieurs, moins elles sont formées au combat, ce qui peut être un problème.
Est-ce que votre commentaire tient aussi pour ce qui est des opérations dans le Nord, où le milieu est beaucoup plus hostile?
Cela pourrait aussi faire partie de la formation de nos militaires: nous pourrions les envoyer faire des exercices dans le même style que l'opération Lentus, mais dans le Nord.
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Revenons au modèle canadien.
Ce qui revient le plus souvent au sujet de la position canadienne dans les régions arctiques, c'est l'appui des gouvernements fédéral et provinciaux aux communautés autochtones. Ce qui fait vraiment la force du Canada dans la géopolitique arctique, ce sont d'abord les Autochtones.
Il reste du travail à faire, mais, dans le discours politique et dans les faits, le Canada est l'État qui en fait le plus pour ses populations autochtones. Il faut continuer d'appuyer cela, sur le plan de la diplomatie, en mettant également en avant les Rangers canadiens, qui peuvent servir de modèle, par exemple.
Du côté du Groenland, il y a la patrouille Sirius. Elle est composée quasi exclusivement de Danois qui patrouillent au Groenland. Cela pourrait être très utile d'exporter le modèle des Rangers canadiens au Groenland, entre autres, pour montrer à ces gens les pratiques exemplaires que nous avons en ce qui concerne les Autochtones et les allochtones.
Merci, monsieur May.
C'est maintenant la fin de notre deuxième heure.
Au nom du Comité, je tiens à remercier M. Kikkert et Mme Vullierme.
Monsieur Pedersen, vous vous exprimez de façon fort éloquente, sans prononcer un seul mot. Notre greffier vous enverra, bientôt je l'espère, une invitation pour voir si nous pouvons ajuster votre appareil. J'ai hâte que vous puissiez vous adresser au Comité et que vous nous fassiez part de votre expérience. Notre comité a manifestement grand besoin de vos connaissances et des expériences que vous avez vécues.
Je remercie M. Kikkert d’avoir fait de son mieux pour remplacer au pied levé.
Chers collègues, avant de lever la séance, nous entendrons Mme la juge Arbour jeudi. J’ai l’intention de passer au moins une heure avec elle. J’aimerais également réserver une partie de ces deux heures pour les travaux du Comité. Nous avons dû jongler avec les horaires, et il a été très difficile de réunir un groupe de personnes. De plus, la vérificatrice générale doit comparaître le 8, en compagnie de Mme Jody Thomas, conseillère à la sécurité nationale. Nous devons simplement travailler ensemble pour le dernier droit.
Je vois que M. Bezan lève la main.