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Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité. Je vous suis reconnaissante de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'adresse à vous depuis Kiev, en Ukraine, où il y a une heure à peine, l'alarme a de nouveau retenti. Les sirènes se sont fait entendre dans de nombreuses régions du pays. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une cyberattaque contre l'un des plus grands fournisseurs de services cellulaires. À cause de cette attaque, des millions de gens en Ukraine n'ont pas de service de téléphonie cellulaire et pas de connexion à Internet. Comme je vais vous en informer aujourd'hui, la Russie ne se contente pas d'attaquer sur le champ de bataille. Elle mène une guerre hybride et une guerre de propagande. Ses cyberattaques visent également des infrastructures essentielles.
Selon l'état-major général de nos forces armées, la Fédération de Russie poursuit sa guerre offensive en dépit de pertes considérables. À ce jour, depuis le début de l'invasion à grande échelle, la Russie a déjà perdu plus de 339 000 hommes, 5 600 chars d'assaut, 10 500 véhicules blindés, 8 000 systèmes d'artillerie, 324 aéronefs, 324 hélicoptères, 6 000 véhicules aériens sans pilote et 1 500 missiles de croisière. Or, ces pertes n'empêchent pas la Russie de continuer la guerre.
Aujourd'hui, les plus violents combats ont lieu dans l'Est, près d'Avdiivka, qui se trouve à proximité de Lyman et de Kupyansk.
En dépit de lourdes pertes, notamment au sein des troupes — en novembre, plus de 800 soldats russes sont morts en une seule journée —, la Russie applique la méthode qu'elle a utilisée près de Bakhmut: elle envoie simplement les soldats au combat sans tenir compte des pertes.
Par surcroît, la Russie continue de cibler des infrastructures essentielles. Pas plus tard qu'hier, la Russie a lancé huit missiles balistiques sur la région de Kiev. Merci au Canada de nous avoir fourni des systèmes de défense aériens grâce auxquels ces huit missiles balistiques ont été interceptés.
Dans la nuit du 11 décembre, recourant à la même stratégie que l'hiver dernier, la Russie a lancé 18 drones Shahed contre des infrastructures essentielles, dans le but de priver la population d'électricité et de connexion mobile. La Russie utilise énormément de véhicules aériens sans pilote et a jusqu'ici lancé plus de 3 000 drones de type Shahed visant des infrastructures essentielles ukrainiennes, 300 missiles de croisière, 23 missiles balistiques et, uniquement pour cibler Kiev, 400 drones Shahed.
Force est de constater que les attaques de la Russie ne fléchissent pas. Selon ce que nous comprenons, nous concluons que Poutine, pour sa propagande au sein même de la Russie, cherche à montrer qu'il gagne un peu de terrain. Par conséquent, la Russie consent des efforts considérables et subit d'énormes pertes afin d'annoncer ne serait‑ce que la prise d'une petite localité ou une avancée de quelques mètres. La Russie ne tient pas compte des pertes, ni en équipement ni en combattants.
Nous tenons bon. Dans certaines régions, nous avançons. Évidemment, il faut de l'artillerie, des obus d'artillerie, des systèmes de défense aériens et des véhicules blindés. Je remercie le Canada de participer à toutes les grandes coalitions que nous avons formées avec nos alliés. Aujourd'hui, 54 pays sont membres de la plateforme de coordination de Ramstein pour la défense de l'Ukraine, notamment tous les États membres de l'OTAN ainsi que des États qui n'en sont pas membres.
Je tiens à vous remercier pour tout l'appui militaire que le Canada nous fournit, notamment pour la formation de soldats ukrainiens. Votre aide est essentielle.
Maintenant, alors que l'hiver s'amorce, l'Ukraine a cinq grandes priorités en matière de défense aérienne. La première est d'abord et avant tout la protection des biens civils et des villes.
Nous avons besoin de très grandes quantités de munitions, car nous en utilisons tous les jours. Les munitions sont l'une de nos cinq grandes priorités.
Les véhicules blindés... Nous remercions le Canada d'avoir annoncé qu'il continue de nous appuyer en fournissant encore des véhicules blindés. Nous apprécions vraiment que ces véhicules soient expédiés et livrés en Ukraine dans un avenir rapproché.
Les véhicules aériens sans pilote sont un autre élément important pour nous parce que, à l'heure actuelle sur les lignes de front, nous avons besoin d'un grand nombre de ces véhicules ainsi que d'un système de guerre électronique pour protéger nos soldats et notre armée contre les véhicules aériens sans pilote des Russes... Le nouveau système de guerre électronique constitue une priorité de premier plan.
Pour notre part, nous nous concentrons très sérieusement sur le renforcement du secteur de la défense ukrainien. Le 29 septembre, nous avons lancé à Kiev un grand forum sur les capacités de défense auquel ont participé 250 grands intervenants de divers pays du monde entier. Nous établissons actuellement des partenariats avec des entreprises ukrainiennes du secteur de la défense et d'autres pays alliés, y compris le Canada. Nous avons bon espoir que ces partenariats contribuent à renforcer les capacités de l'Ukraine en matière de défense, notamment en termes de production.
Je vous remercie de m'avoir reçue. Je suis prête à répondre à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Soyez la bienvenue à notre comité, madame l'ambassadrice. Nos pensées et nos prières sont avec vous ainsi qu'avec les membres de votre famille et toutes les personnes qui sont en danger là où vous vous trouvez ce soir.
Ma première question porte sur la Russie. Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez fait mention des efforts de propagande que déploie la Russie. Évidemment, le régime russe continue de répandre de la désinformation, pas uniquement en Russie, mais aussi dans toutes les régions de l'Ukraine. Il va sans dire que la Russie mène maintenant cette campagne de désinformation dans différentes parties du monde dans le but de nuire au soutien que l'Ukraine et son peuple reçoivent pour poursuivre l'effort de guerre.
Cette campagne réussit dans certains secteurs, pas uniquement auprès de la population en général, mais aussi auprès de gouvernements. On peut le constater à l'heure actuelle. Je suis de très près la visite de votre président aux États-Unis et ses efforts pour obtenir l'attention de certains républicains conservateurs qui semblent souscrire à cette campagne de mésinformation et de désinformation que la Russie mène dans le monde entier.
Que peuvent faire les parlementaires et le gouvernement du Canada pour soutenir vos efforts contre la campagne de désinformation orchestrée par Poutine?
La machine de guerre russe mène effectivement de nombreuses campagnes de désinformation. À titre d'exemple, je vais vous parler d'une campagne que nous avons vue récemment en Ukraine. Des messages spéciaux, notamment sur les médias sociaux, ont été adressés aux soldats ukrainiens pour qu'ils déposent leurs armes et passent du côté russe. La Russie est expressément capable de cibler des gens. Cette campagne s'est évidemment soldée par un échec, mais la désinformation russe se répand en Ukraine pour diviser les gens et répandre la lassitude et nous le voyons aussi dans de nombreux pays et chez nos partenaires.
La Russie utilise en particulier les médias sociaux. Elle utilise ce que l'on appelle des « trolls », c'est‑à‑dire des milliers de comptes qui répandent cette désinformation et diffusent ce discours russe dans le seul but de diviser les gens, de susciter la lassitude de la guerre et d'essayer de miner le soutien à l'Ukraine.
Je pense que la Russie comprend, tout d'abord, que sa soi-disant « opération spéciale » a déjà échoué. Le seul moyen pour la Russie de réussir en quelque sorte à au moins tenir le coup et à ne pas être expulsée de l'Ukraine est d'essayer de réduire le soutien à l'Ukraine. C'est pourquoi elle mène ces campagnes de désinformation dans tous les pays et chez nos partenaires.
Cependant, vous devez également comprendre que la Russie vient d'adopter un nouveau budget pour 2024 en parallèle avec ces campagnes. Les dépenses de défense y atteignent un niveau record et représentent une augmentation de 30 % par rapport à l'année précédente. Environ 39 % de toutes les dépenses budgétaires de la Russie pour l'année prochaine seront consacrées à l'armée, au secteur de la défense et aux forces de l'ordre. La Russie consacre d'énormes sommes d'argent à sa défense et au maintien de l'ordre, soit plus de 200 milliards de dollars canadiens.
Parallèlement, en réponse à la désinformation de la Russie, nous pouvons tous diffuser le message d'unité. Toutes les mesures de soutien à l'Ukraine, toutes les déclarations, sont désormais très importantes pour les Ukrainiens, car il est important pour eux de comprendre que nos partenaires appuient fermement l'Ukraine. Il s'agit également d'expliquer aux gens que l'Ukraine ne se bat pas seulement pour son territoire, mais aussi pour protéger le flanc est de l'OTAN. La sécurité du Canada et de l'ensemble de l'alliance de l'OTAN repose sur son unité et sa sécurité collective. Nous protégeons actuellement l'une des frontières de l'OTAN.
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La Russie tente d'utiliser des intermédiaires, c'est‑à‑dire des entreprises ou des pays voisins, pour contourner les sanctions. Nous en avons déjà vu plusieurs exemples et je dirais que nous en verrons plus. Aujourd'hui même, le gouvernement américain a imposé des sanctions, y compris aux entreprises qui participaient au contournement des sanctions. Ces contrôles doivent être renforcés. Je pense qu'il est dans notre intérêt à tous que les technologies de défense ne soient pas transférées à la Russie. La capacité de la Russie à produire plus d'armes doit être réduite.
Il existe toujours des lacunes. Tout d'abord, il faut mener des enquêtes appropriées sur les cas de contournement de sanctions signalés et procéder expressément à un examen des entreprises qui ont servi d'intermédiaires. En fonction du pays où se trouvent ces entreprises, c'est‑à‑dire si elles se trouvent dans des pays tiers, elles doivent également être assujetties à des sanctions pour la prise de mesures précises qui ont aidé la Russie à obtenir des technologies qui ne sont pas conformes à la législation et à la réglementation sur les sanctions.
En ce qui concerne les mesures précises, je tiens également à souligner la décision importante du gouvernement canadien d'être le premier à imposer des restrictions sur les diamants et les bijoux en provenance de la Russie. La Russie est le plus grand producteur de diamants au monde et cette partie des exportations russes a considérablement alimenté l'économie russe et sa capacité à faire la guerre.
Ensuite, si nous revenons au budget militaire de la Russie pour l'année prochaine, la Russie prévoit toujours une augmentation des revenus en 2024 et les revenus supplémentaires générés par les exportations de pétrole sont l'une des plus grandes augmentations prévues. Il existe de nombreux outils pour contrer ce point, mais je pense que des efforts conjoints doivent être déployés pour réduire la capacité de la Russie à alimenter la guerre au moyen de ses revenus pétroliers et gaziers.
Le Canada et 11 autres pays font partie de ce que nous appelons la coalition des avions de chasse, un groupe de coordination qui travaille en collaboration pour nous aider à renforcer notre capacité aérienne. Comme vous le savez, l'Ukraine n'a pas la supériorité aérienne depuis le 24 février 2022. Pour que nos forces terrestres puissent progresser plus rapidement et libérer des territoires, conformément aux tactiques militaires que de nombreux autres pays de l'OTAN appliqueraient, nous devons leur fournir du soutien aérien. Les avions de chasse F‑16 qui seront transférés à l'Ukraine seront importants pour assurer notre supériorité aérienne, ainsi que pour maintenir le contrôle des airs et fournir du soutien aérien à nos forces terrestres.
Pour ce faire, il faut bien sûr entraîner les meilleurs pilotes, ce que nous sommes en train de faire. Je ne pense pas pouvoir divulguer publiquement beaucoup de détails, mais le ministère canadien de la Défense et l'état-major général qui fait partie de cette capacité, en tant que membres de la coalition des avions de chasse, prennent part aux discussions qui ont lieu entre tous les membres de la coalition sur ce qui pourrait être appuyé — cela inclut, bien sûr, la question de l'entraînement, ainsi que bien d'autres choses, y compris l'avion de chasse lui-même. Nous savons que nos partenaires nous envoient des signaux politiques indiquant qu'ils sont prêts à fournir des avions de chasse F‑16 à l'Ukraine dès que nos pilotes et nos infrastructures seront prêts.
Nous faisons beaucoup d'efforts pour accélérer le processus.
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En effet, les dommages à l'économie sont énormes. L'an dernier, l'économie de l'Ukraine s'est contractée de 30 %. Selon la Banque mondiale, il faudra plus de 400 milliards de dollars pour financer le rétablissement du pays. Chaque jour, la Russie lance des missiles et des drones qui endommagent nos infrastructures essentielles et nos habitations. Beaucoup de gens ont quitté les régions de l'Est les plus proches de la ligne de front pour se rendre à Kiev ou dans les autres villes, mais bon nombre doivent vivre dans des abris temporaires mis sur pied à l'intention des résidants qui ont perdu leur maison.
Nous comprenons tous qu'il faudra énormément d'argent pour financer la reconstruction. Voilà pourquoi ces fonds proviendront notamment des actifs souverains russes qui sont gelés dans plusieurs démocraties occidentales.
Je tiens d'ailleurs à vous remercier d'avoir appuyé cette mesure législative, puisque le Canada a été le premier pays à présenter un projet de loi pour saisir les actifs russes. La procédure de saisie des actifs souverains russes pourrait également être accélérée de manière à ce que ces fonds puissent servir à financer la reconstruction d'après-guerre.
De plus, comme je suis ici à Kiev, où je peux m'entretenir avec de nombreuses personnes, y compris des représentants d'associations d'entreprises, je sais que bon nombre des entreprises ukrainiennes et étrangères qui n'ont jamais quitté l'Ukraine, même depuis le début de la guerre, continuent d'investir en Ukraine. Ces entreprises poursuivent leurs activités. Elles continuent de bâtir de nouvelles installations, d'agrandir celles qu'elles possèdent déjà et de déplacer celles qui se trouvent dans l'Est du pays vers des régions plus à l'ouest.
Donc, d'abord et avant tout, les entreprises ukrainiennes poursuivent leurs activités. Durant la reconstruction d'après-guerre, bien sûr, nous aurons besoin de plus de technologies, de plus d'équipement pour mener à bien cette reconstruction, et nous...
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Merci, monsieur le président.
Madame l'ambassadrice, je vous remercie de comparaître aujourd'hui. J'espère que vous demeurez en sécurité, sachant à quel point la situation peut être dangereuse, même à Kiev. M. Kelly et moi y sommes allés et nous avons entendu les sirènes et vu les dommages qui ont été causés dans la ville, sans parler de tous les dommages à l'extérieur de la ville.
Tout d'abord, au nom des conservateurs, je tiens à remercier tous ces héros ukrainiens qui sont d'abord descendus dans les rues de la place Maïdan, avant de se rendre au front dans le Donbass. Ils se battent maintenant pour l'existence même de l'Ukraine et, comme vous l'avez dit, pendant que vous affrontez l'invasion russe et protégez le flanc oriental de l'OTAN, c'est aussi pour protéger les Canadiens ici même au pays qu'ils se battent.
Les conservateurs appuient l'Ukraine. Nous appuyons l'opération Unifier, que nous avons d'ailleurs lancée. Nous appuyons la livraison d'armes et de matériel militaire. Nous avons entamé ce processus en 2015. Nous demandons au gouvernement d'envoyer des armes létales depuis 2018, mais il ne l'a fait qu'après le début de l'invasion à grande échelle de 2022. Nous savons que nous pouvons probablement en faire plus, notamment en fournissant plus de munitions et plus de fusils pour tireur d'élite, qui sont fabriqués ici même au Canada par les entreprises Colt et PGW, à Winnipeg.
Je sais que ces deux organisations ont déjà fourni des fusils pour tireur d'élite et des mitrailleuses. Je sais aussi que nous avons des surplus que nous pouvons utiliser. Je sais que l'Ukraine recevra du Canada des ambulances blindées fabriquées par GDLS, à London, mais que ces ambulances ne seront fournies qu'après celles qui doivent être livrées aux Forces armées canadiennes. Cela signifie que notre flotte actuelle d'ambulances blindées, qui sont des véhicules blindés légers toujours en état de marche, devrait être donnée à l'Ukraine.
Conviendriez-vous qu'un tel don serait utile pour soutenir les forces armées ukrainiennes?
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Madame l'ambassadrice, je suis très heureux de vous revoir. J'aurais préféré que ce soit dans de meilleures circonstances pour vous. Nous sommes tous profondément touchés par ce que vous vivez à Kiev en ce moment. C'est merveilleux de vous avoir parmi nous aujourd'hui, mais, de grâce, faites bien attention à vous.
Madame l'ambassadrice, nous savons, comme vous l'avez mentionné d'ailleurs, que la machine de guerre russe est en partie financée par la vente de pétrole. Vous et moi avons déjà parlé, à diverses occasions, notamment au Forum d'Halifax sur la sécurité internationale, de l'état de préparation du Canada à fournir et même à exporter des solutions d'énergie renouvelable en Europe pour aider le continent à s'affranchir du pétrole russe.
Je tiens à souligner que le Canada est absolument déterminé à travailler avec ses partenaires européens et avec l'Ukraine en vue d'atteindre nos objectifs communs en matière de sécurité énergétique. Jusqu'à maintenant, nous avons notamment la coalition entre le Canada, l'Union européenne et l'Allemagne pour l'hydrogène. Nous avons également le projet de loi , qui modernisera les accords atlantiques afin d'autoriser le développement extracôtier d'hydrogène vert, qui pourra être exporté vers l'Europe et l'Ukraine. Nous avons aussi conclu récemment une entente avec la Roumanie pour la construction de nouveaux réacteurs CANDU, qui contribueront à éliminer les besoins en charbon, en pétrole et en gaz provenant de Russie.
Madame l'ambassadrice, pourriez-vous nous parler des priorités communes du Canada et de l'Ukraine en ce qui concerne la sécurité énergétique à long terme de l'Europe?
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Depuis le 21 février, l'Europe a fait un pas important vers la diversification énergétique et l'élimination de sa dépendance à l'égard du pétrole et du gaz russes. Bien sûr, la diversification de l'approvisionnement en énergie est importante. L'Europe partage de plus en plus d'énergies renouvelables avec l'Ukraine. Nous constatons également qu'elle reconstruit et maintient une combinaison d'installations de production d'énergie et de développement d'énergie propre.
Je tiens également à dire que nous avons déjà établi une solide coopération avec le Canada dans le secteur de l'énergie. Cette année seulement, la société canadienne Cameco et l'exploitant ukrainien de toutes nos centrales nucléaires ont signé un contrat de 10 ans pour l'approvisionnement en uranium, et le Canada nous aide. Avant la guerre — c'est‑à‑dire avant 2014 —, l'Ukraine achetait la majeure partie de son combustible nucléaire de la Russie. Nous l'achetons maintenant de la société canadienne Westinghouse, et Cameco fournira de l'uranium pour la production de ce combustible nucléaire. Nous sommes donc très heureux de ce partenariat stratégique. Nous avons signé les contrats cette année.
Nous avons également signé un protocole d'entente avec notre exploitant d'hydroélectricité et une autre société d'infrastructure canadienne pour nous aider à construire des installations hydroélectriques en Ukraine, parce que, dans le cadre de la stratégie ukrainienne de reconstruction, l'Ukraine se voit comme une plaque tournante de la production d'énergie pour l'Europe, ayant l'une des infrastructures énergétiques les plus développées dans les secteurs de l'électricité, du pétrole et du gaz. Nous avons la plus grande capacité de stockage de gaz du continent européen, qui, même pendant la guerre, est largement utilisée par tous les négociants en gaz européens. Par conséquent, l'Ukraine déploiera, bien sûr, beaucoup d'efforts pour reconstruire son secteur de l'énergie et accroître sa capacité de production de gaz, d'énergie renouvelable et d'énergie nucléaire, qui, à ce jour, représente 50 % de sa production d'électricité. Nous voyons là de grandes possibilités de coopération avec les sociétés canadiennes.
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Merci. C'est vraiment important.
Premièrement, comme je vous l'ai dit, nous protégeons le flanc est de l'OTAN. Vous avez mentionné la présence des troupes russes près de la frontière polonaise. Il semble qu'une telle présence signifierait que tous les pays de l'OTAN, au lieu de soutenir le bien-être de leurs citoyens, devraient investir davantage dans leurs forces armées pour se défendre.
Deuxièmement, il y a la sécurité dans la région de l'Arctique. Alors que nous nous battons avec la Russie et que nous détruisons son équipement, nous réduisons sa capacité militaire dans l'Arctique. C'est très important pour de nombreux pays présents dans l'Arctique. En fait, l'Ukraine protège également l'Arctique.
Troisièmement, il y a la démocratie elle-même. Aucun des dirigeants des pays démocratiques ne pourrait faire la guerre avec des pertes aussi importantes. La Russie s'en fiche, car elle n'a aucune démocratie. Lorsque nous prenons en considération l'avenir, nous observons que de nombreux pays émergents choisissent en ce moment leur voie, qu'il s'agisse de devenir une démocratie et de bâtir des institutions solides ou de suivre l'exemple de la dictature russe. Ils suivent de près ce qui se passe en Ukraine, le soutien que reçoit l'Ukraine.
La victoire de l'Ukraine dans cette guerre établira, pendant une décennie, la tendance pour de nombreux pays en développement en ce qui a trait à la façon de se développer. Soit ils choisiront les droits de la personne, la démocratie et l'ordre international, soit ils choisiront le modèle de la Russie.
Je pense qu'il nous incombe à tous de faire le bon choix maintenant.
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Je dirais que l'opération Unifier comporte deux volets. Le premier volet portait sur la formation de 30 000 soldats ukrainiens et il a été mis en œuvre avant l'invasion à grande échelle. Dès le premier jour de la guerre, tous ces soldats étaient prêts. Ils étaient dûment formés et cela a aidé notre pays. C'était l'une des pierres angulaires de notre résistance face à la Russie durant les premiers jours de l'invasion à grande échelle.
Le deuxième volet porte sur la formation commune qui est offerte dans de nombreux pays, car l'opération Unifier fait partie d'un programme de formation plus vaste en cours. Cette formation repose principalement sur le programme Interflex dirigé par le Royaume‑Uni. Toutefois, il y a aussi beaucoup de formations spécialisées, y compris pour les ingénieurs et les sapeurs, ainsi que la formation sur l'utilisation du nouvel équipement. C'est un élément important parce que l'entraînement des soldats nouvellement conscrits repose sur une stratégie totalement différente de celle de la Russie. D'abord, nous formons les soldats; ensuite, nous leur donnons tout l'équipement dont ils ont besoin, puis ils sont déployés sur la ligne de front. La formation est importante parce qu'elle est d'une grande utilité.
Je pense qu'un autre aspect important de ce programme, c'est qu'il y a un partage des connaissances et de l'expérience. Les soldats ukrainiens partagent leur expérience réelle vécue sur le champ de bataille. Ils parlent de la stratégie militaire pratique et de ce qui se passe concrètement avec leurs collègues canadiens pendant les vrais combats.
D'après les commentaires que j'ai reçus de bon nombre de participants à l'opération Unifier, c'est que tous ces témoignages sont très importants parce qu'ils contribuent au partage de connaissances. Cela améliore l'état de préparation des commandants de notre pays et du vôtre.
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Nous reprenons nos travaux.
Nous accueillons aujourd'hui M. Howard Shatz, de la RAND Corporation, qui participe par vidéoconférence. Bienvenue, monsieur Shatz.
Nous accueillons également Ihor Michalchyshyn, directeur exécutif du Congrès des Ukrainiens Canadiens. Il n'est pas au meilleur de sa forme, alors il est à son domicile. Orest Zakydalsky, conseiller principal des politiques, est ici avec nous. Je présume qu'il fera la présentation de cinq minutes.
Il y a aussi M. Perry, qui se joint à nous à partir d'un endroit quelconque dans cet immeuble. Veuillez noter, chers collègues, que M. Perry n'avait pas été convoqué au départ. Voilà M. Perry, qui se joint à nous en portant une cravate de Noël. Il porte même des bas assortis. Nous pourrons les admirer plus tard.
Je tiens à remercier M. Perry d'avoir accepté de participer à notre séance à la dernière minute. Jusqu'à environ une demi-heure ou peut-être même 15 minutes avant la réunion, il n'était pas du tout certain que nous puissions recevoir l'ambassadrice. Heureusement, elle a pu établir la communication et nous avons pu discuter pendant une heure. Je tiens toutefois à remercier M. Perry d'avoir potentiellement sauvé notre séance.
Encore une fois, merci à vous tous.
Je vais commencer par donner la parole à M. Shatz. Monsieur, si vous pouviez lancer la discussion avec votre déclaration de cinq minutes, ce serait utile.
Merci.
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Merci. Je remercie également les membres du Comité permanent de la défense nationale de m'avoir invité à participer.
Mes commentaires prennent appui sur l'analyse que moi et mes collègues de la RAND Corporation avons récemment menée. Quand nous avons amorcé ce travail d'analyse sur la reconstruction de l'Ukraine, l'ambassadeur James Dobbins, mon distingué collègue qui a de l'expérience dans diverses situations de crise, a remarqué que deux éléments manquaient dans les autres analyses.
L'un de ces éléments, c'est que les cas comparables pertinents pour la reconstruction de l'Ukraine portent sur la reconstruction de l'Europe tout au long des XXe et XXIe siècles. Il y avait trop de différends à propos de l'Irak et de l'Afghanistan. Le deuxième élément, c'est que la question de la sécurité n'a pas été abordée, alors que l'on sait que sans sécurité, la reconstruction ne peut pas être réussie. Les deux vont de pair.
Je consacrerai ma présentation de cinq minutes sur la reconstruction. C'est avec plaisir que j'aborderai les enjeux de sécurité, y compris la coopération en matière de sécurité, à la période des questions et réponses.
Nous avons examiné un vaste ensemble d'événements ayant un lien avec la reconstruction, y compris les catastrophes naturelles et la situation du Japon après la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, nous avons concentré notre analyse sur l'Europe de l'Ouest après la Seconde Guerre mondiale, l'Europe de l'Est et centrale après la guerre froide ainsi que les six pays des Balkans occidentaux après l'éclatement violent de la Yougoslavie. De tous les cas analysés, nous avons tiré un certain nombre de leçons utiles pour l'Ukraine.
Nous avons constaté que, dans tous les cas de reconstruction réussie, des efforts avaient été déployés pour tisser des liens solides avec l'économie internationale, au moyen des échanges commerciaux et des investissements étrangers. La réussite de la reconstruction dépend aussi d'une réforme de l'environnement commercial à l'échelle nationale afin d'attirer les investissements.
Cet aspect est lié au financement. L'aide internationale joue un rôle important, car elle attire d'autres sources de financement et elle permet souvent de couvrir les aspects les plus risqués de la reconstruction. Les subventions et les apports de capitaux propres sont de loin préférables aux prêts. Historiquement, l'aide internationale n'a fourni qu'une petite partie du financement total. Les investissements privés que l'Ukraine sollicite auprès des investisseurs étrangers, nouveaux et existants, des résidents et même — ou surtout — de la diaspora ukrainienne seront essentiels à la réussite de la reconstruction.
Par ailleurs, les actifs russes, qu'il s'agisse de réserves internationales ou des actifs privés gelés dans les pays occidentaux, pourraient constituer une importante source de financement. Cette question fait l'objet d'un débat animé dans de nombreux pays. Cependant, les pouvoirs juridiques qui encadrent l'utilisation de ces actifs ne sont pas encore bien établis, et cela pourrait entraîner des conséquences dans le système financier international. Cela ne veut pas dire que ces avoirs gelés ne devraient pas être utilisés, mais qu'il faudra faire preuve de prudence dans la manière de les saisir et de les réaffecter.
Le montant d'aide internationale fournie n'est qu'un aspect de la question. Coordonner tous les donateurs sera un défi, car cela pourrait créer une lourdeur administrative pour l'Ukraine et ralentir sa reconstruction. Les donateurs devraient adopter une structure, en s'inspirant de la plateforme de coordination entre les multiples donateurs qui encadre l'indépendance des donateurs. Compte tenu de l'ampleur colossale de la tâche, chaque grand donateur devrait pouvoir compter sur un coordonnateur principal à temps plein et pourvu des pouvoirs pertinents ainsi que sur un représentant principal sur le terrain pour assurer une liaison quotidienne avec le gouvernement ukrainien. Il ne sera pas suffisant de miser sur des conférences périodiques auprès des donateurs.
Enfin, dans le domaine de la reconstruction, la tâche de l'Ukraine consistera autant à réformer qu'à reconstruire. L'Ukraine devra saisir l'occasion pour corriger le tir de 30 années de développement insatisfaisant sur les plans économique et politique.
Pour certains autres cas analysés, nous avons constaté que les réformes étaient en partie motivées par des conditions imposées par les donateurs. Tout porte à croire que c'est ce qui se produira en Ukraine. Les conditions possibles pourraient prendre la forme de punitions et de récompenses. L'établissement de conditions essentielles devrait être principalement motivé par l'attrait de l'adhésion à l'Union européenne, mais ce ne sera pas le seul moteur.
Le processus de reconstruction sera échelonné sur de nombreuses années, voire des décennies. Tout incident de gaspillage et d'exploitation des fonds ainsi que de fraude et de corruption pourrait éroder le soutien des pays occidentaux. Il sera important que l'Ukraine nomme un inspecteur général rigoureux et que les pays donateurs insistent sur ce point. L'Ukraine devra aussi mettre en place des mesures de suivi et d'évaluation efficaces, y compris un volet sur le partage des données avec les donateurs.
L'Ukraine est très avancée sur le plan technologique et, dans la mesure du possible, elle devra mettre à profit sa capacité d'adopter un suivi du début à la fin et en temps réel des flux d'aide, ce à quoi s'attendront le Canada, les États‑Unis et les autres pays donateurs. L'inspecteur général devra fournir une analyse après coup. Le contrôle en temps réel est possible et cela permet de mieux garantir l'utilisation appropriée des fonds.
La seule chose que je tiens à dire sur la sécurité à ce moment‑ci, c'est que des accords de sécurité durables, soutenus par l'Occident, pourraient aider l'Ukraine à prévenir les futures attaques russes et à se défendre contre elles. Toutefois, les accords de sécurité font bien plus que cela. Historiquement, nous avons constaté que de tels accords consolident la confiance des investisseurs, qui sont ainsi plus enclins à prendre des risques et à accepter des engagements à long terme.
Si vous me le permettez, j'aimerais parler de recommandations à l'égard des politiques.
Tout d'abord, l'Ukraine peut compter à l'heure actuelle sur des défenseurs dirigés par les États‑Unis. Ces défenseurs devront établir des accords pour assurer la sécurité de l'Ukraine et instaurer un système de dissuasion efficace. Les alliés des États‑Unis et du Canada ont la capacité de jouer un rôle à cet égard et ils devraient être invités à le faire.
Les besoins spécifiques en matière de reconstruction n'ont pas encore été déterminés, mais des pays peuvent organiser la reconstruction, par exemple en adoptant une loi habilitante ou en nommant un coordinateur principal. Les efforts pour expliquer et renforcer les appuis envers une politique à long terme doivent être menés conjointement par toute la sphère politique. Lorsqu'on examine les scénarios de reconstruction précédents, on se concentre souvent sur le plan Marshall. Il n'y avait aucune garantie que le plan Marshall soit adopté par le Congrès. Il a été adopté grâce à une initiative bilatérale très ambitieuse aux États‑Unis. De tels efforts sont maintenant nécessaires.
Il faut des mesures pour maintenir l'économie ukrainienne et préparer le terrain pour une reprise à très long terme. La toute première de ces mesures consiste à maintenir les voies d'exportation ouvertes. Les partenariats avec l'industrie de la défense ukrainienne pourraient s'avérer utiles pour l'OTAN et l'économie ukrainienne. Il faut encore régler d'importantes questions de gouvernance des sociétés.
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J'ai encore un peu de voix.
Je vous remercie de m'avoir invité. Je m'excuse de ne pas être là en personne aujourd'hui.
La dernière fois que M. Zakydalsky et moi étions devant le Comité, c'était en avril, il y a environ huit mois. À ce moment‑là, nous venions de marquer le premier anniversaire de la guerre génocidaire totale menée par la Russie contre l'Ukraine. Aujourd'hui, nous comparaissons alors qu'une deuxième année de guerre tire à sa fin. Nous entamerons bientôt la troisième.
À l'approche de l'hiver, les villes et les villages de l'Ukraine sont une fois de plus confrontés à des attaques soutenues de roquettes, de missiles et à des frappes aériennes russes. Comme nous l'a dit l'ambassadrice, l'objectif est de mettre hors service les infrastructures civiles ukrainiennes, les centrales électriques et le réseau électrique, afin de faire geler et d'affamer la population ukrainienne. Incapable de conquérir l'Ukraine, la Russie va continuer de vouloir rendre l'Ukraine invivable.
Alors que l'hiver s'annonce encore difficile pour le peuple ukrainien, il est alarmant de constater la diminution de l'aide à l'Ukraine. Par exemple, la semaine dernière, le Kiel Institute for the World Economy a rapporté que la dynamique mondiale du soutien à l'Ukraine avait ralentie. Entre août et octobre 2023, l'aide nouvellement engagée est descendue à un nouveau creux. Il s'agit du niveau d'aide le plus bas depuis janvier 2022, avant que la Russie ne commence l'invasion à grande échelle.
Évidemment, je suis certain que nous suivons tous les développements dramatiques qui ont lieu aujourd'hui à Washington, au sud de la frontière, tandis que le président Zelensky rend visite au président Biden et au Congrès à un moment de volatilité accrue et de grandes questions sur l'avenir de la mobilisation américaine envers l'aide à la défense de l'Ukraine. Comme l'a déclaré il y a quelques jours la première dame de l'Ukraine, Olena Zelenska, « nous avons vraiment besoin d'aide… nous ne pouvons pas nous lasser de cette situation, car si nous le faisons, nous mourrons ».
Voici ce que nous voulons dire au Comité et à tous les Canadiens. Ne vous lassez pas. Nous devons tous prendre garde à la normalisation de la guerre russe et à la normalisation des horreurs et des atrocités que la Russie inflige quotidiennement à l'Ukraine et à son peuple.
Vos collègues du comité des affaires étrangères ont récemment entendu les témoignages d'enfants retenus captifs par la Russie et libérés par des organisations non gouvernementales ukrainiennes. Ces témoignages sont atroces et ce qu'ils ont vécu est éprouvant, mais ce que les enfants ukrainiens vivent nous montre qu'il faut faire davantage pour bonifier l'aide à l'Ukraine. Nous n'y arriverons pas en négociant ou en obtenant la paix. Cela donnerait lieu aux meurtres d'autres Ukrainiens et à une plus grande destruction de l'Ukraine.
Je laisse la parole à mon collègue pour conclure nos observations.
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Bien que le soutien à l'Ukraine et à la défense de l'Ukraine demeure vigoureux au sein de la population canadienne, certains signes indiquent qu'une minorité, petite, mais bruyante, souhaite la victoire de la Russie. C'est regrettable, mais c'est la réalité. Pour lutter contre cela, nous devons tous faire valoir encore davantage que le moyen le moins coûteux de défendre notre propre pays, c'est de fournir à l'Ukraine les armes et l'aide financière dont elle a besoin pour gagner.
En avril, lors de notre dernière visite, nous avons comparu aux côtés de l'ambassadeur Kerry Buck, qui avait alors déclaré que « nous ne respectons pas notre engagement envers l'OTAN en matière de dépenses de défense… nous devons en faire davantage. » Cela est encore vrai aujourd'hui.
La chaîne d'approvisionnement mondiale en armement accessible aux nations démocratiques est terriblement faible. Nous devons produire davantage au Canada et prendre des engagements à long terme auprès des fabricants pour leur permettre d'y arriver. Nous devons nous rappeler que l'Ukraine devra se défendre même après avoir remporté la guerre. Nous devons également inviter nos alliés de l'OTAN à faire la même chose. Nous devons aider les Ukrainiens, par le biais de partenariats et d'entreprises communes, à produire leurs propres armes. Nous devons faire davantage pour fournir l'équipement dont les Ukrainiens ont désespérément besoin et nous devons le faire plus rapidement.
Nous reprenons les propos tenus hier par le président Zelensky: « L'Ukraine se battra et l'Ukraine résistera. Lorsque la liberté est mise à l'épreuve, j'ai la conviction qu'elle l'emportera toujours ».
En avril, nous avons fait trois grandes recommandations stratégiques que nous avons demandé à ce comité de soutenir. Il s'agissait, premièrement, d'accroître substantiellement la livraison d'armes lourdes à l'Ukraine. Deuxièmement, de collaborer avec les alliés afin d’accroître la fourniture d’avions de chasse à l’Ukraine. Troisièmement, de conclure des contrats avec l’industrie de la défense afin d'accroître substantiellement la production et l’acquisition d’armement et de matériel.
Ces recommandations demeurent nos principales demandes au Comité aujourd'hui.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président, ainsi que les membres du Comité, de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
Je vais m'appuyer sur certains des commentaires que mon collègue vient de faire et me concentrer sur les capacités respectives des deux camps de cette guerre à obtenir l'équipement dont ils ont besoin pour poursuivre le conflit.
Comme nous l'avons vu et comme le Comité l'a entendu, les Russes ont subi des pertes très importantes, tant pour ce qui est du personnel que de l'équipement. Malheureusement, il devient de plus en plus évident qu'ils ont été, pour différentes raisons, en mesure de compenser ces pertes de manière très efficace.
À mon avis, nous avons considérablement sous-estimé la capacité des Russes à dégager des quantités importantes de matériel de leur arsenal. Si ce type de conflit risque de se produire à l'avenir, c'est une chose à laquelle nous devrions éventuellement réfléchir. La façon dont nous avons abordé l'arsenal et le fait d'avoir des réserves très faibles doit changer.
De façon plus générale, malgré le vaste ensemble de sanctions exhaustives que l'on a imposé aux Russes, ils ont été en mesure d'acquérir du matériel de deux façons: par l'entremise des dons de pays amis — où, là encore je pense que nous avons sous-estimé leurs capacités d'absorption et à recevoir du matériel — et leur aptitude à augmenter leurs capacités de production, en dépit d'un régime de sanctions exhaustif. Cela a mené à une situation où, pour quelques équipements essentiels, à l'heure actuelle, la capacité des Russes surpasse peut-être ce que l'Occident est en mesure de fournir à l'Ukraine. Cela concernerait certains types de munitions, y compris des munitions d'artillerie, certains types de drones et des systèmes de guerre électronique.
Tout cela mettrait l'accent sur la capacité collective de l'Occident de continuer à approvisionner l'Ukraine et sur la responsabilité du Canada d'accroître son propre arsenal dans toute la mesure du possible, compte tenu de certaines difficultés éprouvées par d'autres membres occidentaux de la coalition.
J'ai été ravi de lire certaines des récentes observations adressées au Comité, selon lesquelles il y aurait eu des progrès à cet égard au Canada, bien que les détails demeurent un peu flous, du moins à mes yeux, en ce qui concerne le soutien additionnel aux programmes de dons de véhicules blindés et de munitions.
Étant donné que cette question demeure opaque et qu'il s'agira probablement d'un enjeu important qui continuera d'évoluer, ce qui améliorera la capacité de contribution du Canada, j'encourage le Comité à poursuivre son enquête sur cette question et à envisager d'examiner trois voies différentes, en particulier en ce qui concerne la capacité du Canada à maintenir ses contributions matérielles à l'Ukraine.
Premièrement, je ne parviens pas à déterminer quels équipements de la réserve canadienne ont été remplacés après qu'on les ait donnés ou si le moindre équipement a été remplacé. Je pense que cela vaudrait la peine d'être vérifié, ne serait‑ce que parce que je suis convaincu qu'à ce stade‑ci, cela commence à entraver certaines considérations dont l'armée canadienne serait prête à tenir compte lorsqu'il s'agit de faire davantage de dons à partir de son propre arsenal, celui‑ci n'ayant pas encore été renfloués après que les dons aient été effectués.
Deuxièmement, en septembre, le gouvernement a annoncé qu'il s'engageait à verser un financement pluriannuel pour l'assistance matérielle à l'Ukraine, ce qui est un pas dans la bonne direction. Toutefois, il n'y a pas encore de plan à court ou moyen terme pour exécuter cela de manière à aligner les capacités de l'industrie sur les intentions du gouvernement.
Troisièmement, et relativement au deuxième point, je pense qu'il serait utile de mieux comprendre pourquoi, environ 22 mois après le début de cette guerre, nous en sommes à peine au point où nous donnons davantage d'équipement et où nous augmentons certaines de nos capacités de production pour du matériel comme les munitions, alors qu'il est évident depuis un certain temps que l'Ukraine en a besoin, depuis environ février 2022.
Sur ce, je vous remercie. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Il me semble qu'il y a eu peu d'empressement et de concentration relativement à cette question. En dépit de l'expertise technique requise, dans l'ordre des choses, les obus d'artillerie ne sont pas compliqués comparativement aux systèmes de défense aérienne et à de nombreuses autres pièces d'équipement dont l'Ukraine a besoin. Ils existent depuis un certain temps, donc si nous avons des difficultés et n'arrivons pas à augmenter la production d'obus d'artillerie, j'ai de sérieuses inquiétudes quant à notre capacité à augmenter la production de tout ce qui est plus compliqué, c'est‑à‑dire pratiquement tous les autres matériels de guerre.
En outre, une offre à commandes et un accord d'approvisionnement de longue date sont établis avec des entreprises canadiennes qui produisent ce matériel. Non seulement c'est relativement simple, mais il existe aussi des relations commerciales de longue date, que nous devrions être en mesure d'activer assez rapidement, mais on a eu du mal à le faire jusqu'à la semaine dernière, je suppose, étant donné ce que vous avez entendu en comité.
La troisième chose à laquelle nous devrions faire attention à l'avenir... Je ne pense pas qu'il y ait la moindre probabilité que la demande en Ukraine, en particulier, diminue pour ce matériel. Je pense que le conflit nous a montré très clairement que le Canada doit disposer d'un stock beaucoup plus important, ainsi que d'une capacité nettement améliorée à augmenter la production si ce type de conflit est susceptible de se reproduire à l'avenir.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence. Monsieur Perry, merci d'avoir accepté de participer à la séance à la dernière minute. Vous témoignez souvent devant notre comité. C'est toujours un plaisir de vous voir ici, avec votre combinaison cravate et chaussettes assorties. Je vous souhaite un joyeux Noël à l'avance.
Monsieur Michalchyshyn, c'est un plaisir de vous voir. Je vais vous poser ma première question, puis je demanderai aux autres témoins s'ils souhaitent faire des commentaires. Jusqu'à présent, le Canada a fourni plus de 2,4 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine depuis le début de la guerre en février 2022. Bien sûr, il y a beaucoup de financement pour l'opération Unifier, pour les munitions, pour les chars, pour certains équipements dont nous parlons tout le temps au sein du Comité, et pour les choses dont les responsables de l'armée ukrainienne nous ont dit très clairement qu'ils ont besoin de toute urgence.
Je suis sûr que tous les participants sont au courant de la séance de vote de 30 heures que nous avons eue la semaine dernière, au cours de laquelle nous avons eu le bonheur de voter en faveur d'une aide de 500 millions de dollars à l'Ukraine. Cette somme comprend des fonds pour l'opération Unifier, pour former les soldats ukrainiens et fournir à l'armée les outils et l'équipement dont elle a besoin pour gagner la guerre. Ils doivent gagner cette guerre.
Au cours de la dernière heure, l'ambassadrice nous a clairement dit que l'appui à la formation et à l'opération Unifier est très important.
J'aimerais entendre vos observations — monsieur Michalchyshyn, si vous voulez commencer — sur l'importance de ce financement et de la nécessité de continuer à appuyer l'Ukraine à ce tournant crucial.
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Alors que nous entamons le deuxième hiver d'une guerre de tranchées, les hommes et les femmes courageux des forces armées ukrainiennes gèlent littéralement dans les tranchées de ce qui est l'un des pays les plus lourdement minés du monde — parmi les cinq pays les plus minés à l'heure actuelle.
Tout cela fait partie de ce dont l'Ukraine a besoin pour gagner, à savoir une combinaison de soutien financier et militaire, d'équipement et de formation. Ce que nous voyons et entendons de la part des Ukrainiens, franchement, c'est qu'ils ne reçoivent pas les choses des alliés aussi rapidement qu'ils en ont besoin. Même si une annonce est faite, il faut des mois pour la mettre en œuvre. Nous avons entendu dire qu'ils doivent traduire les manuels, apprendre à réparer les choses, s'entraîner à les utiliser. En particulier, une grande coalition de chars Leopard prend des mois et des mois à mettre en œuvre, et c'est la même chose avec les avions de chasse.
La combinaison de toute l'aide que le Canada peut mobiliser avec ses alliés est essentielle, car je pense que...
Je n'aime pas dire la phrase « l'Ukraine ne peut pas perdre », mais si l'Ukraine perd cette guerre, c'est un scénario presque inimaginable pour la sécurité mondiale et pour nous. En tant que Canadiens. Je pense que c'est une raison impérieuse de continuer à soutenir l'Ukraine.
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Je pense que l'Ukraine a fait un travail remarquable.
Au cours des six derniers mois, nous avons constaté une certaine discordance. Il y a un désir de voir certains concepts occidentaux et certaines manières assez complexes d'employer des équipements militaires à armes combinées sur une sorte de moule occidental qui, à mon avis, n'est pas vraiment adapté à la composition des forces armées ukrainiennes, qui forment actuellement une armée de mobilisation. Alors qu'à l'Ouest, dans la plupart des cas, nous avons construit notre concept d'emploi de la force militaire sur des forces armées entièrement professionnelles. Malgré les aptitudes et les compétences des soldats ukrainiens, je pense qu'il y a un décalage dans les délais de formation, ce qui a été problématique.
J'espère qu'à l'avenir, collectivement, l'Occident fera preuve de plus de nuance pour répondre aux besoins des forces ukrainiennes là où elles se trouvent, en ce qui concerne ce qui peut être concrètement mis en œuvre à court terme, et pour les types d'équipements qu'elles demandent et qui correspondent à leur façon de mener les opérations.
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Voilà une excellente question.
C'est n'est pas facile. Il est très possible et très probable que, sans coordination véritable, les donateurs auront toutes sortes d'exigences dictées par leurs parlements et leurs organismes d'aide.
Il est question du plan Marshall. Dans le plan Marshall, l'aide était fournie par un pays à plusieurs autres. Dans le cas qui nous occupe, l'aide est fournie par plusieurs pays à un seul. L'Ukraine ne pourra pas répondre à toutes les exigences des 30 membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE. C'est pourquoi nous affirmons qu'ultimement, les priorités doivent être fixées par l'Ukraine.
Cela dit, il devrait certainement y avoir traçabilité. Les pays ne donneront pas carte blanche à l'Ukraine pour utiliser l'aide comme elle le souhaite. Nous le reconnaissons, et l'Ukraine devrait le reconnaître. C'est là qu'intervient l'inspecteur général. C'est là qu'interviennent les réunions des donateurs entre coordinateurs principaux. Des compromis pourraient être faits dans une salle avec des fonctionnaires ukrainiens. C'est également là que la traçabilité des fonds entre en jeu.
Il s'agit d'une situation sans précédent et nous allons devoir trouver des solutions au fur et à mesure qu'elle évolue, quitte à trébucher en cours de route. En fin de compte, nous devrions faire preuve d'une grande déférence à l'égard des priorités de l'Ukraine, surtout si elles s'appuient sur les progrès réalisés au cours des 10 dernières années en matière de décentralisation, ainsi qu'aux priorités des localités dans les différentes régions de l'Ukraine, en ce qui concerne ce dont elles ont besoin pour se redévelopper et se reconstruire.
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Il y a deux choses que je voudrais dire.
Je pense que nous voyons maintenant l'importance d'un financement et d'engagements sur plusieurs années, ainsi que d'un soutien durable et prévisible.
Je pense que nous voyons aussi les conséquences des investissements qui n'ont pas été faits dans le passé pour les Forces armées canadiennes pendant de nombreuses années, des décennies même, par les gouvernements successifs, ce qui a eu un impact direct sur les dons que les forces ont pueffectuer. Nous voyons les conséquences d'une structure qui, à mon avis, est beaucoup trop légère et qui n'a qu'une capacité limitée en ce qui concerne les dons.
Je m'inquiète également des compressions supplémentaires prévues dans l'énoncé économique de l'automne. Nous ne savons pas encore quel sera l'impact pour le ministère de la Défense nationale, mais il n'est pas inconcevable de croire qu'il y ait des impacts sur certains programmes, comme le Programme d'approvisionnement en munitions, ou sur l'entretien de l'équipement militaire que nous possédons. Au bout du compte, il pourrait y avoir un impact sur la capacité du Canada à faire des dons à l'Ukraine.
D'abord, je veux souligner que le financement du gouvernement du Canada pour l'opération Unifier et pour l'aide militaire à l'Ukraine sous diverses formes continue d'augmenter. Je voulais que ce soit inscrit au compte rendu.
J'avais une autre question. Si j'ai bien compris, M. Zakydalsky a dit au début que des gens au Canada ne soutiennent pas l'Ukraine et ne veulent pas qu'elle gagne. Nous avons vu la Russie s'employer à mener des campagnes de mésinformation au cours des dernières années afin d'influencer les gens partout dans le monde. Elle l'a fait aux États‑Unis; elle l'a fait au Canada, je crois.
Je me demande si le représentant de la RAND Corporation pourrait donner son avis sur ce qui se passe dans certains cercles restreints, mais très actifs, qui cherchent à amenuiser le soutien à l'Ukraine.
S'agit‑il d'une conséquence de ces campagnes de mésinformation menées par la Russie?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je sais que je n'ai droit qu'à quelques minutes, alors j'espère que vous serez indulgents.
La semaine dernière, le a fait une petite crise qui nous a obligés à voter pendant 30 heures à la Chambre et j'étais bien contente d'être présente à la Chambre des communes.
La plupart des Canadiens, en règle générale, ne savent pas ce qui est important et ce qui ne l'est pas lorsque nous votons au sujet du budget supplémentaire des dépenses.
Il y a un élément sur lequel nous avons voté pendant le marathon de votes au sujet duquel j'aimerais avoir votre opinion. Je voudrais que vous nous disiez si ce que le gouvernement propose est important pour l'Ukraine.
Dans le budget supplémentaire des dépenses, 500 millions de dollars étaient prévus pour l'aide militaire à l'Ukraine. Diriez-vous qu'il est important et pertinent pour le gouvernement du Canada de continuer à soutenir l'Ukraine, oui ou non?