Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je tiens à remercier les membres du Comité de la grande souplesse dont ils ont fait preuve en nous permettant de faire intervenir le témoin d'aujourd'hui malgré un très court préavis. Comme elle est seulement de passage au Canada, aujourd'hui est le seul moment où elle peut venir ici livrer son témoignage.
[Français]
Je vous remercie beaucoup d'être ici, madame Barankitse, d'autant plus que le préavis était de moins de 24 heures.
Aujourd'hui, nous allons faire une mise à jour sur la situation des droits de la personne au Burundi et au Rwanda.
Nous recevons Mme Marguerite Barankitse, présidente et fondatrice de la Maison Shalom, qui nous parlera de la Maison Shalom Rwanda.
[Traduction]
Merci beaucoup de votre présence ici. Veuillez commencer par votre déclaration liminaire, puis nous passerons aux questions.
Je voudrais d'abord vous remercier, mesdames et messieurs les députés, de me faire l'honneur de m'accueillir ici. J'allais rencontrer le général Dallaire, mais quand j'ai entendu que vous m'appeliez, je me suis dit que je voulais venir ici.
Je viens ici en tant que maman. Je viens ici parce que j'avais décidé, il y a 25 ans, de créer la Maison Shalom pour une nouvelle génération qui allait briser le cycle de la violence. Malheureusement, je suis aujourd'hui une réfugiée, et ce, depuis 2015. Je me trouve dans un camp de réfugiés au Rwanda parce qu'on a attenté à ma vie.
Je viens ici pour vous faire entendre le cri d'une maman. Je m'adresse aux parents, aux mamans que vous êtes. Les gens ne savent peut-être pas qu'au Burundi, on a continué à tuer. J'en suis témoin, parce que j'ai décidé de vivre au milieu de ces mamans. Ma première révolte, les larmes que je verse, c'est quand je vois les mamans perdre leurs enfants. Le Burundi est devenu une prison à ciel ouvert. Le silence de la mort plane au Burundi. Beaucoup de mamans ne peuvent plus enterrer leurs enfants. Beaucoup de mamans sont violées, et je dois les accueillir chaque jour.
J'ai créé un centre communautaire, que j'ai appelé Oasis of Peace, pour pouvoir les consoler. Or elles sont inconsolables, parce que tout le monde a démissionné. Les personnes qui devaient les protéger sont celles-là mêmes qui les tuent. Il y a des disparitions forcées. Il y a des enfants qui ne savent plus où se trouvent leurs parents, et je ne sais pas quoi leur dire. Il n'y a plus de presse. Tout a été fermé, même la Voix de l'Amérique et la Deutsche Welle.
Des tortures et des traitements cruels sont imposés aux mamans. Je vous donne l'exemple de cette fillette de 12 ans qui ne parle plus, parce qu'elle a dû assister au viol de sa grand-mère et de sa maman devant son papa. J'accueille ces trois générations. Elles sont chez moi.
Je viens ici parce que je sais que nous sommes une seule et même famille humaine. Je sais que vous pouvez nous consoler. Vous pouvez exiger le désarmement de la milice des Imbonerakure. Les jeunes qui forment cette milice, ce sont nos enfants. Les mamans m'appellent pour me demander s'il y a moyen de désarmer nos enfants, qui tuent des gens dans toutes les collines.
Nous ne pouvons plus accueillir nos voisins et nos amis, parce qu'on nous oblige même, au Burundi, à écrire les noms de nos visiteurs.
Il y a aussi le harcèlement des réfugiés qui sont en Tanzanie. Ils se voient forcés de rentrer, puisqu'on les tue. On les tue même à l'intérieur du camp, parce que la milice des Imbonerakure les y retrouve.
Je suis là comme la voix de ces mamans qui sont dans le camp et qui ne peuvent ni envoyer leurs enfants à l'école ni les nourrir. Comme vous le savez très bien, nous sommes plus de 460 000 Burundais à être réfugiés au Congo, en Tanzanie, en Ouganda et même au Rwanda. Voir la situation de ces réfugiés fait mal au coeur de la maman que je suis. Je pense à ces mamans qui sont violées, puis brûlées avec du plastique fondu ou une bougie, et qui doivent traîner leurs blessures et marcher jusqu'à l'exil.
(1310)
Je suis ici parce que je sais que vous pouvez, si vous le voulez, vous exprimer à l'ONU, à l'Union africaine, à l'Organisation internationale de la Francophonie, à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, pour exiger le rapatriement de ces militaires, de ces policiers burundais, de tous ceux qui participent aux missions de maintien de la paix. C'est la force du gouvernement: plus ces gens tuent, plus on les récompense. L'argent qu'on donne à ces soldats dont le rôle est de maintenir la paix permet indirectement à la milice de continuer à tuer nos enfants. C'est le cri d'une maman qui pleure que vous entendez. Si vous le voulez, vous pouvez exiger des sanctions. Vous pouvez aussi exiger qu'on ne donne pas de visas à ces dignitaires qui envoient leurs enfants et leur femme ici, au Canada. Ils volent des deux côtés. Ils torturent des gens au Burundi, mais leurs enfants sont à l'abri.
Mes chers frères et soeurs, je suis convaincue que nous sommes une seule et même famille humaine. Si vous brisez le silence de l'indifférence, les mamans pourront de nouveau bercer leurs enfants et leur chanter des berceuses.
Je vous remercie de m'avoir accordé ces sept minutes et d'avoir entendu mon cri du coeur.
On peut dire qu'il s'agit d'un témoignage très convaincant. Nous procéderons à une seule série de questions et le temps octroyé sera donc de sept minutes par intervenant. Nous commençons par M. Anderson.
Merci, madame la présidente, et merci d'être avec nous ce matin. Nous avions déjà tenu des audiences au sujet du Burundi, et force est de constater que la situation dans ce pays ne s'est pas améliorée.
J'aimerais aborder deux aspects du problème. D'abord, diriez-vous que la communauté burundaise du Canada est unie? Vous avez parlé des personnes qui envoient leurs enfants ici et qui sont protégées ici, mais je me demande si vous êtes porteur d’un seul message de la part de la communauté qui vit au Canada, ou si celle-ci est divisée?
Je vous remercie de votre question. Je vis au Canada depuis les 27 dernières années, et je peux vous dire que le fonctionnement du Burundi et les événements qui s'y produisent ont parfois des répercussions ici aussi. Bien que la communauté soit divisée…
On m'a demandé si la communauté burundaise est unie; elle ne l'est pas. Elle est divisée, car le gouvernement du Burundi envoie ses représentants ici, et ce sont donc les représentants du parti au pouvoir. Il existe ainsi deux groupes de Burundiens, qui disposent chacun d'organismes représentant leur pays. Par conséquent, ce qui se passe au Burundi se reflétera également ici au Canada.
Je vous remercie. La situation que vous avez décrite s'applique aussi à d'autres groupes. Je viens ainsi de recevoir la lettre d'une personne habitant dans un autre pays qui tente de justifier le comportement répréhensible de son gouvernement.
Pouvez-vous nous présenter brièvement votre organisme? Vous aviez évoqué la mise en place de foyers et de centres. Où sont situés ces centres? Les personnes — notamment les femmes et les enfants logés dans vos centres — sont-elles en lieu sûr, ou sont-elles constamment exposées au danger? J'aimerais en entendre davantage au sujet de la Maison Shalom.
Je voudrais vous dire que c'est quand même une grande honte pour le gouvernement du Burundi. J'avais protégé 30 000 enfants. J'avais pu les réinsérer, ouvrir des infrastructures au Burundi, un grand hôpital qui était soutenu par la communauté internationale. Par exemple, le CHU Sainte-Justine, au Canada, nous avait donné des couveuses pour la néonatalogie.
Pourtant, on a harcelé ces enfants et tué certains d'entre eux. C'étaient des orphelins; le gouvernement devait les protéger. On a tué un aveugle qui était musicien, alors que le gouvernement aurait dû le protéger. On a fermé l'hôpital et on a laissé mourir les bébés qui étaient dans les couveuses. On a gelé tous les avoirs de notre organisation au Burundi. On nous a tous obligés à nous exiler, mais les enfants de moins de 18 ans ne pouvaient pas me suivre. On ne leur a même pas permis de rester dans ma maison. On a même empêché ceux qui étaient autistes de récolter dans les champs qui nous appartenaient. Ces enfants orphelins que j'avais protégés sont en train d'errer.
Au Rwanda, j'ai ouvert deux grands centres. J'ai ouvert un grand centre dans le camp de réfugiés pour aider ces jeunes gens. Si nous ne les aidons pas...
Comment un gouvernement peut-il commettre de telles atrocités? Alors que des gens sont prêts à consacrer toutes leurs énergies — voire leur vie — à défendre des enfants orphelins, que peut-il se passer dans la tête d'un dirigeant pour qu'il en vienne à s'attaquer à des enfants et à votre hôpital? On pourrait comprendre s'il était question d'activités militaires ou d'un soulèvement populaire, mais pourquoi cela se produit-il?
Le 26 avril 2015, on a tué un enfant de 15 ans. J'ai pris des bougies et je suis allée manifester pour dire qu'il ne fallait plus attenter à la vie des enfants. On a alors cherché à m'assassiner, et j'ai dû me cacher dans une ambassade pendant un mois. On a fermé l'hôpital parce que j'avais donné son ambulance pour évacuer et transférer tous les enfants qui étaient blessés dans les hôpitaux au Rwanda. C'est l'unique « crime » que j'ai commis. Vous avez vu qu'on m'a mise sur la liste des criminels parce que j'ai protesté en voulant protéger les droits des enfants. On a mis fin à toutes les activités et tout fermé, même les écoles, et ce, uniquement parce que je me suis levée pour protéger les droits des enfants.
Au Rwanda, j'ai ouvert deux centres. Le camp abrite 64 000 personnes, dont 60 % sont des jeunes âgés de 0 à 30 ans. Si nous n'aidons pas les 18-30 ans à retourner sur les bancs d'école et à obtenir une éducation, ils vont prendre les armes, parce qu'ils n'auront pas d'autre choix. C'est pour cela que j'ai décidé d'aller habiter avec eux et de les pousser à retourner à l'université et dans les écoles de métiers. C'est cela qui m'a amenée ici, au Canada, pour demander de l'aide à cette fin. Il faut casser ce cycle, parce que si ces jeunes prennent les armes, je sais que la communauté internationale va vouloir désarmer ces enfants soldats et que cela va coûter cher. J'ai pleinement confiance: il y a moyen de casser ce cycle.
Merci, madame la présidente. Merci également à vous, madame Barankitse, pour votre témoignage très convaincant et pour votre excellent travail et les efforts que vous déployez pour défendre tous ces enfants.
Vous nous avez parlé du recours au viol comme arme de guerre. Nous croyons savoir que le Burundi est en proie à la violence depuis très longtemps, et que ses dirigeants ne sont pas disposés à assurer l'intégration et le soutien de ses propres citoyens.
Pouvez-vous nous dire si des instances régionales, telles que l'Union africaine, ont offert leur soutien à des organismes comme le vôtre ou sont intervenues directement auprès des populations malmenées?
Le délai a été très court. Il faut dire que toutes les activités des ONG internationales ont été suspendues il y a une semaine. Vous comprenez donc que, si nous ne dénonçons pas, il y a moyen qu'un génocide survienne au Burundi. On essaie d'éloigner tous les témoins gênants et de les chasser du pays.
Quand l'Union africaine a décidé d'envoyer des militaires pour nous protéger, vous savez que le gouvernement burundais a protesté. L'Union africaine a alors cessé de protéger la population.
Même la Tanzanie, qui fait partie de la Communauté est-africaine avec le Kenya et l'Ouganda, soutient le gouvernement du Burundi. La Tanzanie, qui abrite le plus grand nombre de réfugiés burundais, soit plus de 200 000, est en train de les forcer à retourner au Burundi. Dernièrement, la police a même brûlé les kiosques qui leur permettaient de faire un peu de commerce dans les camps de réfugiés.
Il est là, le drame, au Burundi: nous avons l'impression d'avoir été abandonnés par ceux qui devaient nous protéger.
Merci pour cette réponse. Pouvez-vous décrire votre organisme? Qui le finance? Comment votre organisme parvient-il à financer ses activités sur le terrain?
Quand on a décidé, au mois d'octobre 2015, de suspendre toutes nos activités puis d'y mettre fin, de geler tous les avoirs de la Maison Shalom et de commencer à harceler nos employés, nous avons fui au Rwanda, avec la moitié du personnel de la Maison Shalom.
Nous étions soutenus par trois organisations privées du Luxembourg, qui ont décidé de nous suivre au Rwanda afin de nous aider à enseigner des métiers aux jeunes. Nous nous sommes organisés. J'ai créé un centre communautaire pour accueillir aussi les femmes violées et toutes ces petites filles qui ont besoin d'aide parce qu'elles sont traumatisées. J'ai demandé de l'aide à la diaspora burundaise au Canada, par l'entremise de l'ABC Montréal, alliance que représente aujourd'hui M. Emery-Patrick Ndabwunze. Nous recevons de l'aide. Il y a des médecins, des bénévoles et aussi des enseignants qui viennent.
Nous essayons de donner des cours aux plus vulnérables, que ce soit des cours d'anglais pour pouvoir trouver du travail au Rwanda ou encore des cours de cuisine. Cependant, cela ne représente que 1 % de ceux qui ont besoin de retourner à l'école. Je suis en train de solliciter la Fondation Paul Gérin-Lajoie pour qu'elle nous aide à former ces jeunes et ainsi mettre fin au cycle de la violence. Ces jeunes sont dans des camps depuis trois ans. S'ils ne sont pas formés, ils deviendront désespérés et voudront retourner chez eux. Pourtant, chez eux, on va vouloir les tuer, alors ils vont prendre les armes et devenir des enfants soldats. C'est ce que nous essayons d'éviter.
Quant aux mamans qui ont été violées, nous travaillons en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR. Ce dernier a demandé de l'argent, mais n'a obtenu que 12 % du budget global qu'il souhaitait. Je profite de l'occasion pour faire appel à vous, les députés, pour que le Canada augmente les fonds qu'il verse au HCR, afin de venir en aide à tous nos jeunes. Nous pourrons ainsi éviter que demain il ne soit trop tard, comme cela a été le cas au Rwanda où votre compatriote, le général Dallaire, avait tenté d'attirer l'attention alors qu'on disait de lui qu'il exagérait.
Si vous regardez les stades d'un génocide, vous constaterez que nous en sommes au huitième. On commence à dire à toutes les ONG d'exercer une discrimination en fonction de la langue ou de l'ethnie. Nous commençons donc à devoir indiquer notre appartenance ethnique. C'est très dangereux pour la région des Grands Lacs africains. Le problème du Burundi est géopolitique, parce que cela touche tous les pays voisins.
Je vous remercie sincèrement pour votre témoignage d'aujourd'hui, Marguerite.
Pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi vous qualifiez cette situation de génocide, et quels sont les éléments de preuves que vous êtes parvenue à recueillir? Par ailleurs, quels moyens le Canada pourrait-il prendre afin de rassembler des preuves à présenter devant la Cour pénale internationale?
C'est tout que je tenais à dire pour le moment. Je vous accorde, ainsi qu'à vos invités, le reste de mon temps pour exprimer vos idées à propos des éléments que j'ai amenés.
Je m'appelle Emery-Patrick Ndabwunze. Je suis de l'ABC Montréal.
Nous avons établi un partenariat avec le Musée de l'Holocauste Montréal, lequel a mené une étude sur la situation au Burundi en fonction de l'échelle qui représente les 10 étapes menant à un génocide. D'après son étude, nous en sommes au huitième stade. Il observe les signes indiquant qu'un génocide se prépare au Burundi, par exemple le fait qu'aujourd'hui, au Burundi, on appelle tous les opposants des « chiens errants » et on essaie de les déshumaniser.
Comme Mme Barankitse l'a mentionné plus tôt, au Burundi à l'heure actuelle, tout est quadrillé. On ne peut pas aller d'un quartier à un autre sans que le gouvernement le sache. Dans chaque ménage, les gens doivent écrire le nom des visiteurs qu'ils reçoivent, et la police peut venir à n'importe quel moment consulter ce « cahier de ménage » et vérifier qui est chez eux, qui est passé chez eux ou qui a couché chez eux.
Au Burundi, on a brûlé la presse indépendante. Il n'y a de place que pour la propagande du gouvernement. Tous les discours prononcés par le président ou par les gens du parti au pouvoir contiennent de l'incitation à la haine. Le rapport rendu public le 17 septembre par la Commission d'enquête sur le Burundi mentionne que, pour la première fois, le président du Burundi fait partie des gens qui prononcent des discours incitant à la haine et à la violence.
De nos jours, dans chaque colline du Burundi, dans chaque commune, il y a au moins 10 membres des Imbonerakure, une milice du parti au pouvoir. Tout le pays est quadrillé. Il ne manque plus qu'un prétexte pour que les tueries commencent.
Comme Mme Barankitse le disait plus tôt, on vient de suspendre pendant trois mois toutes les activités des organisations non gouvernementales qui oeuvraient au Burundi, sous prétexte qu'elles ne respectaient pas la loi. Le gouvernement a imposé des exigences à ces ONG avant qu'elles puissent reprendre leurs activités. Il agit ainsi parce qu'il ne souhaite avoir aucun témoin qui puisse observer ce qu'il est en train de faire.
Avant, on tuait les gens et on mettait les cadavres dans les rues, pour faire peur à la population. De nos jours, grâce à la technologie, n'importe qui peut prendre des photos ou filmer des vidéos et les diffuser, pour que la communauté internationale soit au courant. Par conséquent, on utilise maintenant une autre méthode: on tue les gens, on les met dans des sacs avec des pierres et on les jette dans les rivières.
Le Parlement burundais, qui est une caisse de résonance du parti qui forme le gouvernement, a adopté une loi qui permet à la police de venir chez les gens à l'improviste, sans mandat, pour perquisitionner et arrêter qui bon lui semble. Les policiers vont donc chez ceux qu'ils appellent les opposants — réels ou présumés —, les arrêtent, les torturent ou les tuent, après quoi ils cachent les cadavres. Les disparitions forcées se multiplient. Malheureusement, les organisations de défense des droits de la personne ne peuvent pas avancer de chiffres exacts si elles n'ont pas la certitude que toutes ces personnes disparues ont été tuées. Comme on fait disparaître les cadavres, il devient difficile de publier des rapports officiels sur le nombre de morts.
Nous sommes dans les camps de réfugiés et nous voyons très bien comment ces gens ont instauré la haine. Les Imbonerakure, cette milice du parti au pouvoir, sont armés. Même certains chants incitent à la haine par leurs paroles, par exemple: « Nous allons violer toutes les femmes tutsies. » C'est un signe. Ils ont essayé de nous diviser, mais cela n'a pas fonctionné. Ils vont maintenant invoquer la question ethnique et prétendre que tous ceux qui ont quitté le pays sont d'une seule et même ethnie. Or ce n'est pas vrai: dans le camp de réfugiés où nous sommes, il y a des Hutus et des Tutsis. Ils vont exiger que tous soient d'accord avec eux et ils vont assassiner ceux qui ne le sont pas, même ceux de leur ethnie, de l'ethnie des Hutus, comme cela a été le cas au Rwanda.
C'est un cri que nous vous lançons: vous devez prendre cela au sérieux. Cela se produit tous les jours.
Moi-même, je suis étonnée. Je n'ai pas de réponse. J'ai l'impression qu'ils veulent montrer qu'ils n'ont peur de rien. C'est pour semer la terreur.
Comme je vous le disais, personne n'ose parler, au Burundi. Même ici, quand je viens, il y a des personnes qui refusent de se faire prendre en photo avec moi, de peur que ces photos soient publiées et que le régime s'en prenne alors à leur vieille maman de 90 ans.
Ils font cela pour semer la terreur et prouver qu'ils peuvent nous exterminer. C'est très grave.
Je voudrais ajouter une chose. Selon moi, ils s'attaquent aux enfants pour casser l'esprit de résistance. En effet, s'il y a quelque chose qui est cher à un parent, ce sont ses enfants. Si quelqu'un voit l'enfant de son voisin se faire tuer, il n'osera pas protester ou dire quoi que ce soit. C'est une façon de terroriser toute la population.
Je vous remercie de votre courage et de votre témoignage aujourd'hui.
[Traduction]
Nous allons poursuivre la séance à huis clos pendant une minute seulement. Je demanderais à toute personne qui n'est pas un membre du Comité et qui ne fait pas partie du personnel de bien vouloir quitter les lieux.