Passer au contenu

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 135 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 janvier 2019

[Enregistrement électronique]

(1300)

[Traduction]

     Je vous souhaite à tous un bon retour après la pause des Fêtes.
    Nous sommes enchantés de voir que M. Hehr agira à titre de substitut aujourd'hui.
    Comme vous avons le quorum, nous allons commencer nos travaux.
    Nous commençons aujourd'hui notre étude sur les femmes défenseures des droits de la personne. C'est avec grand plaisir que nous recevons deux personnes qui travaillent depuis très longtemps dans ce domaine.
    Je vous présente Rachel Vincent, directrice, Promotions et médias, de la Nobel Women's Initiative, un organisme créé en 2006 par six femmes récipiendaires du Prix Nobel de la paix afin d'appuyer les groupes de femmes du monde entier sur les plans de la justice, de la paix et de l'égalité.
    Nous recevons également Beth Woroniuk, conseillère principale en politiques du fonds MATCH International pour la femme, un organisme sans but lucratif qui finance des mouvements pour les droits de la femme et des organismes communautaires actifs à l'échelle internationale, particulièrement dans les régions du Sud.
    Nous sommes ravis d'accueillir ces deux témoins dans le cadre de notre première séance sur l'étude des femmes défenseures des droits de la personne que notre comité effectuera au cours des prochaines semaines.
    Nous commencerons par Mme Vincent. Si vous voulez bien commencer, vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé.
    Madame la présidente, distingués membres du Sous-comité, merci beaucoup de m'avoir invitée et de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je vous félicite tous d'avoir entrepris cette étude importante sur les femmes défenseures des droits de la personne.
    Je travaille pour la Nobel Women's Initiative depuis plus d'une décennie, et j'ai rencontré des centaines de femmes défenseures des droits de la personne avec lesquelles j'ai eu l'honneur de travailler directement, principalement dans des pays en proie à des conflits. Auprès d'elles, j'ai appris non seulement sur les risques et les menaces auxquelles elles sont confrontées, mais aussi sur le degré remarquable de courage qu'elles possèdent. Je voudrais pouvoir dire que je ferais preuve du même degré de courage en de pareilles circonstances, mais je ne suis pas certaine que ce serait le cas. Malgré le fait que leur sécurité est directement menacée, ces femmes lutteront bravement contre les injustices et défendront les droits de leurs communautés. Même si nous n'avons pas tous la force d'âme pour faire ce qu'elles font, il nous incombe de soutenir et de protéger celles qui prennent le risque d'agir.
    Il est opportun, urgent et important d'effectuer une étude sur les femmes défenseures des droits de la personne pour un certain nombre de raisons, dont vous connaissez d'ailleurs un grand nombre. Compte tenu de la résurgence des conflits et des troubles civils observée à l'échelle mondiale au cours des dernières années dans des pays aussi divers que la Syrie, le Yémen, le Burundi, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Nicaragua et le Venezuela, pour n'en nommer que quelques-uns, les femmes défenseures des droits de la personne font face à des défis sans pareils.
    Comme les recherches le montrent et comme certains d'entre vous me l'ont déjà entendu le dire, les femmes défenseures jouent un rôle primordial en favorisant l'établissement d'une paix durable, en négociant des cessez-le-feu locaux et en agissant à titre de premières intervenantes en cas de crises. Pourtant, vous n'ignorez pas qu'elles sont en grande partie exclues des processus et des politiques de paix, étant souvent traitées en criminelles pour leur travail et étant la cible de violence fondée sur le sexe.
    Nous savons en outre que la montée de l'autoritarisme, du populisme et de nombreuses formes de fondamentalisme dans un grand nombre de régions du monde menace la liberté d'expression et d'autres libertés fondamentales. L'espace dont disposent la société civile et les organisations de femmes se réduit comme une peau de chagrin. Même si, à l'échelle internationale, les droits de la femme ont considérablement progressé, un fait dont nous devons nous réjouir, la tendance inverse a aussi été observée et il faut être vigilant. Cette tendance accroît les inégalités et menace la sécurité de toutes les femmes et de nous tous, particulièrement les femmes et les mouvements de femmes qui oeuvrent en première ligne pour tenter de prévenir ce retour de balancier.
    Le troisième point, qui est peut-être le plus important, c'est que l'oppression des filles et des femmes en raison de leur sexe est encore trop répandue. Celles qui s'écartent des normes qui régissent les genres et la société et qui dénoncent l'injustice sont victimes d'un large éventail de formes de violence, comme l'intimidation, le harcèlement, le viol, la torture sexuelle et même le meurtre, bien entendu.
    Dans ce contexte mondial, nul besoin de vous dire qu'il est extrêmement important que les pays qui se soucient des droits de la personne et, évidemment, de leurs engagements et des principes qu'ils affirment défendre veillent à se doter d'une stratégie exhaustive et solide afin de protéger ceux qui défendent les droits de la personne des femmes et des membres de la communauté LGBTIQ+, et ce, tant à l'intérieur de leurs frontières qu'à l'étranger.
    Nous témoignons aujourd'hui parce que nous croyons qu'il est maintenant temps que le Canada assure le leadership à cet égard. Ce leadership sera essentiel pour permettre aux défenseurs, particulièrement aux femmes, d'accomplir leur travail légitime et important.
    En 2013, les Nations unies ont adopté une résolution sur les femmes défenseures des droits de la personne à l'occasion de son assemblée générale. Dans cette résolution, l'organisme presse les États d'adopter des lois et des politiques en matière de questions sexuelles afin de protéger les femmes défenseures et leurs familles, proposant que ces personnes participent à l'élaboration et à la mise en oeuvre des mesures.
    Le Canada a d'ailleurs réalisé des progrès à ce chapitre, notamment en rédigeant des lignes directrices sur les défenseurs des droits de la personne. La plupart d'entre vous connaissent ces lignes directrices intitulées Voix à risque, lesquelles sont actuellement examinées par Affaires mondiales Canada afin de réagir, entre autres choses, à la situation particulière des femmes. À dire vrai, si le Canada est sérieux à propos des droits de la personne et des femmes qui les défendent, il doit faire bien plus qu'adopter des lignes directrices.
    Dans quelques instants, ma collègue Beth examinera avec vous certains domaines dont, nous l'espérons, il sera question dans votre étude. Nous vous fournirons les noms de personnes et d'organisations qui, selon nous, contribueront à orienter votre réflexion et à dresser un portrait exhaustif de la situation.
    Nous avons pensé qu'il conviendrait de vous expliquer d'abord ce qu'est une femme défenseure des droits de la personne et pourquoi elle a besoin d'une attention, d'un soutien et d'une protection particuliers.
(1305)
    Commençons par la définition officielle que donne le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme aux femmes défenseures des droits de l'homme: ce sont celles qui promeuvent et protègent les droits des femmes et l'égalité des sexes de même que, disons-le franchement, tout ce qui concerne les droits de la personne.
    Concrètement et humainement, après une décennie consacrée à l'étude de ces femmes, je pense qu'il est peut-être plus facile de se rappeler qu'il est vraiment difficile de les décrire et qu'elles proviennent de tous les horizons, de tous les milieux. Ce sont notamment des activistes, des journalistes, des avocates, des professionnelles de la santé, des agricultrices, des politiques et des animatrices de mouvements sociaux. Beaucoup, comme l'activiste yézidie Nadia Mourad, prix Nobel de la paix l'année dernière, sont devenues des défenseures de ces droits à cause de leur vécu et du sentiment impérieux du devoir. Elles comprennent les enjeux, elles se sentent appelées à cette tâche et elles veulent empêcher que les violations des droits de la personne fassent d'autres victimes.
    Dans cette tâche, bien sûr, elles affrontent des risques considérables. En 2017, les défenseurs de première ligne ont signalé l'assassinat de 44 de ces femmes, plus qu'au cours des deux années précédentes. Mais nous savons bien que ce n'est que la partie visible de l'iceberg et que beaucoup de violations passent inaperçues. Les attaques contre les femmes qui tiennent tête pour exiger le respect de leurs droits sont répandues et visent souvent à les remettre à leur place. Comme dans le cas de Nadia Mourad, qui a connu l'esclavage sexuel et le viol, la violence sexuelle est souvent l'arme de choix. Il ne faut pas s'en étonner. Des États y ont recours, ce qui comprend l'armée et la police, mais aussi une large gamme d'autres acteurs, notamment les milices, les paramilitaires, les narcotrafiquants et les firmes privées de sécurité au service des sociétés exploitant les ressources. Elle vise à réduire au silence les femmes défenseures des droits de la personne.
    On distingue souvent les attaques contre les femmes de celles contre les hommes, parce qu'elles sont plus personnelles. Je suis sûre que, en votre qualité d'acteurs politiques, certains d'entre vous, ici présents, peuvent le confirmer. Par exemple, les femmes reçoivent souvent des menaces de membres de leur famille et de leur communauté en plus de celles des forces de sécurité de l'État et des acteurs non étatiques. Des membres de la famille, qui désapprouvent parfois leurs prises de position et leur trahison des attentes sociales, réagissent par des menaces et même la violence. Pensez, par exemple, aux meurtres d'honneur. Des extrémistes religieux s'en prennent aussi à elles en les traitant de traînées et en les accusant de menacer les codes moraux de la société. Sujet de plus en plus préoccupant, le harcèlement numérique et en ligne est souvent différent quand il s'exerce contre les femmes défenseures, en s'en prenant beaucoup plus explicitement à leur sexualité, à leurs prétendus échecs dans leurs rôles de mères, d'épouses, de filles et à leur crédibilité et à leur légitimité. Ces femmes signalent de plus en plus souvent les campagnes hypersexualisées de salissage et de diffamation qu'on mène contre elles pour paralyser leur activisme et éroder leurs appuis.
    Qui, parmi ces femmes, est le plus à risque? La recherche révèle que ce sont les marginalisées. Voyons rapidement qui elles sont. Ce sont des défenseures notamment des droits sexuels et génésiques, de jeunes activistes, des femmes pauvres, autochtones, travaillant en milieu rural et éloigné, et moins bien réseautées auprès des mouvements de femmes. Et, bien sûr, ce sont celles qui travaillent sur des terres usurpées et dans l'exploitation des ressources, comme Global Witness en a témoigné. Les femmes défenseures déplacées, notamment celles qui aboutissent dans un pays voisin du leur, ou déplacées à l'intérieur de leur propre pays sont également exposées à un risque élevé et à la nécessité de lutter pour poursuivre leur tâche tout en continuant à répondre aux besoins les plus élémentaires de leur famille.
    Je termine en disant que, en novembre dernier, il y a à peine deux mois, j'ai passé une semaine à Istanbul, avec un groupe de femmes yéménites activistes, parmi lesquelles beaucoup de jeunes journalistes. La plupart avaient moins de 30 ans et avaient connu directement la guerre. Leurs frères ou leurs fils avaient été recrutés comme enfants soldats, principalement par les houthistes. Traumatisées, elles présentaient à un degré élevé des troubles du syndrome de stress post-traumatique. À propos, aucune n'est une activiste vénale. Pendant cette semaine, je leur ai enseigné à mieux se représenter auprès de la communauté mondiale pour attirer l'attention sur les femmes qui recherchent la paix et soutenir l'analyse et la réponse des femmes sur le terrain. Elles sont en première ligne, mais nous devons soutenir le financement et l'envoi de ressources à ces femmes pour qu'elles fassent leur devoir.
(1310)
    J'espère avoir brossé un tableau de la diversité de ces femmes et avoir montré que ces Yéménites sont représentatives de ce qu'il faut quand la guerre fait rage, mais qu'on est continuellement en manque d'appui ou d'argent.
    Merci encore d'avoir entrepris cette étude.
    Je cède la parole à ma collègue Beth.
    Merci beaucoup, madame Vincent.
    Entendons maintenant Mme Beth Woroniuk.
    Madame la présidente, chers membres du sous-comité, je vous remercie de votre invitation.
    De concert avec les autres témoins et d'autres organisations canadiennes, je vous félicite d'avoir entrepris cette étude importante. Nous espérons aussi que vous engloberez dans vos délibérations les défenseurs des droits des LGBTIQ.
    Ma collègue Rachel, de la Nobel Women's Initiative, a présenté un excellent exposé des difficultés particulières qu'affrontent les femmes défenseures des droits de la personne. Cela place l'étude dans un contexte et renforce l'importance de connaître et de comprendre les difficultés particulières qu'elles affrontent.
    Le Fonds MATCH International pour la femme collabore avec les femmes défenseures des droits de la personne et les défenseurs des LGBTIQ d'un certain nombre de pays, en fournissant un appui de base à leurs organisations et en les accompagnant dans leur travail courageux.
    Dans le temps qui m'est imparti, je voudrais dégager rapidement trois domaines importants que nous espérons que vous examinerez dans votre étude: d'abord, les pratiques exemplaires à l'étranger, pour que le Canada s'en inspire et fasse encore mieux; ensuite, les pratiques exemplaires et les lacunes dans les rapports actuels du Canada avec les femmes défenseures des droits de la personne; enfin, les mesures concrètes que le Canada peut prendre pour mieux appuyer ces femmes.
    Abordons chacun d'entre eux. D'abord, nous proposons que vous examiniez les pratiques de pointe d'autres gouvernements, dont le Canada pourrait s'inspirer. Si nous devons être un chef de file du domaine, nous devons non seulement savoir ce qui s'y fait ailleurs, mais aussi faire mieux. Une pratique mérite d'être mieux comprise, l'intervention rapide pour accorder des visas d'urgence et des refuges temporaires aux défenseurs des droits de la personne. Elle est prévue dans les lignes directrices de l'Union européenne concernant les défenseurs menacés. Par exemple, le plan d'action néerlandais comprend l'engagement de faciliter leur relocalisation provisoire. De plus, le ministre néerlandais des affaires étrangères a créé un réseau de villes refuges où ils pourront séjourner trois mois.
    Ensuite, nous vous recommandons vivement d'examiner ce en quoi le Canada excelle, puis ses lacunes. Par exemple, quelles leçons tirer de l'appui donné à l'organisation canadienne Rainbow Railroad, qui a aidé des femmes et des hommes bisexuels et homosexuels à quitter la Tchétchénie au milieu de 2017? On est de plus en plus conscient des situations et des besoins particuliers des femmes défenseures des droits de la personne, mais il est évident qu'il faut faire plus pour sensibiliser nos diplomates et décideurs à la large gamme d'enjeux que Rachel a exposés. Comme elle l'a dit, Affaires mondiales Canada actualise ses lignes directrices intitulées Voix à risque, pour ces personnes. On nous dit qu'elles seront publiées au printemps. Pendant leur révision, des organisations de la société civile canadienne ont vivement recommandé que ce ministère se préoccupe davantage des femmes défenseures des droits de la personne et des défenseurs des LGBTIQ. Nous lui avons recommandé avec la même insistance de se mettre directement à l'écoute des défenseurs de première ligne.
    Après leur publication, votre sous-comité pourrait entendre des témoins sur la façon dont les lignes directrices actualisées seront présentées et appuyées par de la formation et du financement. Nous serions également désireux de demander comment les femmes défenseures des droits de la personne en seront informées pour qu'elles sachent quel appui elles peuvent demander et espérer du Canada. Nous espérons aussi que votre sous-comité entendra le témoignage d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour mieux comprendre comment délivrer des visas d'urgence à ces femmes à risque et, éventuellement, à leurs familles.
    Enfin, nous espérons que votre sous-comité examinera des recommandations concrètes pour que le Canada réponde mieux à la situation et au besoin des femmes défenseures des droits de la personne et des défenseurs des LGBTIQ. Nous pourrions proposer un certain nombre de sujets à votre étude.
    D'abord, il y a la sensibilisation aux défis particuliers qu'affrontent les femmes défenseures des droits de la personne. Nous félicitons votre comité de son intention de les écouter directement ainsi que les défenseurs des LGBTIQ, car il sera évident qu'ils affrontent des difficultés particulières qui méritent plus d'attention. Il est indispensable que les diplomates et les décideurs canadiens y soient davantage sensibilisés. Les politiques, les initiatives et les lignes directrices générales qui ne les mettent pas en relief finiront par trahir ces défenseurs. Pour que le Canada appuie ces intervenants, il faut faire comprendre et rendre visible leur travail.
(1315)
    Un deuxième ensemble de recommandations pourrait viser la démarche à suivre dans l'ensemble de l'administration fédérale. Il n'y a pas qu'Affaires mondiales Canada qui soit compétent dans les stratégies d'appui aux femmes défenseures des droits de la personne. Nous vous recommandons vivement, en particulier, d'examiner comment le Canada peut élaborer des mécanismes de relocalisation temporaire et permanente pour ces femmes à risque et pour leurs familles.
    Dans un premier temps, beaucoup de défenseurs ne songent pas à quitter foyer et pays. Mais c'est parfois trop dangereux d'y rester. Voilà en quoi le Canada pourrait jouer un rôle en instaurant un processus de sortie rapide de ces femmes de leur pays pour les conduire ici, soit pour un séjour temporaire ou une relocalisation permanente.
    Le troisième groupe de recommandations concerne le financement des organisations de défense des droits des femmes et des mouvements féministes. À maintes reprises, des défenseurs de première ligne nous ont dit que leur meilleure protection réside dans leur adossement à des mouvements forts. Un financement de base prévisible à long terme des organisations de défense des droits des femmes et des mouvements féministes est la recette. Quand elles font partie d'organisations fortes, les femmes défenseures des droits de la personne bénéficient d'un appui, elles peuvent élaborer et appliquer des stratégies pour prendre soin d'elles-mêmes, développer des dirigeantes, élaborer des stratégies efficaces et collaborer avec d'autres acteurs pour faire rendre des comptes aux gouvernements.
    Les femmes défenseures des droits de la personne de partout dans le monde ont élaboré des stratégies féministes intégrées de protection, qui soulignent l'importance de la résilience des organisations, des modèles collectifs de soin de soi et des approches intégrées de la sécurité. À la base de ce modèle résident le financement et le soutien de leurs organisations. Pourtant, les données montrent que très peu de l'aide internationale du Canada parvient aux organisations courageuses de terrain qui militent pour les droits de la personne des femmes et des filles. Les plus récentes montrent que, en 2013-2014, seulement 0,3 % de l'aide canadienne tenant compte des sexospécificités et destinée à la société civile — de ce sous-ensemble seulement et non de tout le budget de l'aide — se rend aux organisations de défense des droits des femmes. Nous savons que ce pourcentage augmentera dès que deux nouvelles initiatives de financement seront mises sur pied: Voix et leadership des femmes et Gender Equality Partnership. Cependant, on peut encore mieux financer ces organisations.
    De plus, il importe de développer des mécanismes pour appuyer les défenseurs déplacés. Beaucoup de femmes défenseures des droits de la personne ont fui leur foyer et leur pays. Il importe de trouver des façons de les appuyer, elles aussi, même si elles ne sont plus admissibles au financement par les voies traditionnelles du développement.
    Le quatrième groupe de recommandations vise la cohérence et la constance de la politique. Pour être le mieux efficaces, les mesures précises visant ces femmes devront s'inscrire dans un vaste ensemble de stratégies pour que les femmes activistes puissent s'organiser et s'exprimer en courant moins de risques.
    Il importe de s'assurer que tous les éléments de la politique canadienne et que toutes les mesures internationales créeront un espace de manoeuvre de plus en plus grand pour les activistes de la société civile. Notamment en insistant davantage sur les droits de la personne, y compris des femmes, dans nos accords commerciaux; en préconisant la création d'espaces pour la société civile; en recommandant vivement aux gouvernements la fin des restrictions du financement, le respect des droits politiques et civils et la promotion de l'égalité des sexes. Cela exige de s'assurer que les entreprises canadiennes respecteront les droits de la personne et les normes d'environnement.
    En septembre dernier, j'ai eu l'honneur de rencontrer Anielle Franco, de Rio de Janeiro. Sa soeur Marielle, qui était une défenseure déclarée des jeunes, des communautés noires pauvres et des LGBTIQ, dénonçait aussi la violence policière. Malgré son assassinat l'année dernière, Anielle continue de défendre les mêmes causes que sa soeur et d'exiger la justice. Les femmes de sa trempe m'enseignent que le Canada peut et doit faire plus.
    Nous remercions votre sous-comité d'avoir choisi ce thème et de nous avoir invitées. Un ensemble d'organisations canadiennes désire voir le Canada adopter une position plus efficace et plus déterminée pour les femmes défenseures des droits de la personne et les défenseurs des LGBTIQ. Dans un monde où l'incertitude et le danger vont croissants pour les femmes et les minorités sexuelles qui osent s'exprimer, l'action exemplaire du Canada est plus que jamais nécessaire.
    Nous répondrons volontiers à vos questions et nous restons fidèles à cette étude indispensable et aux mesures qui appuieront par tous les moyens possibles les femmes défenseures des droits de la personne.
    Merci.
(1320)
    Merci beaucoup pour vos exposés très instructifs.
    Le premier à vous questionner sera M. Anderson.
    Vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci d'être ici, chers témoins.
    Je consultais une partie de la documentation que nous avons reçue. Madame Woroniuk, j'y lis que MATCH est le seul fonds mondial du Canada pour les femmes, les filles et les transgenres.
    Quelle part de votre budget provient du gouvernement canadien?
    Actuellement, rien.
    On nous a accordé un projet à l'automne, mais nous n'avons pas encore signé d'accord. Jusqu'ici, depuis 2012, nous n'avons rien reçu du gouvernement canadien.
    Donc, ce n'est pas exact. C'est prévu, je suppose.
    Mme Beth Woroniuk: Oui.
    M. David Anderson: D'après vous deux, quelles sont les unités centrales de la stabilité sociale, d'après votre travail? À mesure que vous progressez, quel est le facteur de stabilité? Quel rôle percevez-vous pour le gouvernement, les mouvements activistes ou les familles pour atteindre les objectifs auxquels vous travaillez. Quel serait-il, d'après vous?
    Tout change, mais à quoi reliez-vous votre notion de stabilité et d'atteinte du respect des droits?
    C'est une question intéressante.
    Nous savons que la primauté du droit et l'espace accordé aux organisations de la société civile pour s'exprimer librement, sans crainte de l'intimidation, sont très importants. Nous savons que sont également importants divers mouvements sociaux pour exiger des comptes des gouvernements pour leurs politiques et leurs mesures.
    Je n'y ai jamais réfléchi de cette manière, mais peut-être avez-vous d'autres idées, Rachel?
    Je pense que ce sont d'excellents points de départ. D'après le point de vue des femmes défenseures des droits de la personne, c'est une question compliquée, mais la primauté du droit et la justice reviennent sans cesse sur le tapis. Par exemple, l'appui du Canada à la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala est perçu par beaucoup de femmes défenseures des droits de la personne et d'organisations comme une manifestation importante d'appui, par un pays donateur, aux efforts permanents pour la justice dans un État en déconfiture, qui ne parvient pas à répondre aux véritables besoins de justice des communautés locales.
    Ce n'est qu'un exemple de la stabilité à assurer aux femmes défenseures des droits de la personne, du financement de base à long terme et de la stabilité pour les mouvements de femmes, qui sont souvent la cheville ouvrière et le pilier de la réponse quand les défenseures sont à risque, individuellement. La tendance actuelle est à la formation de réseaux régionaux, qui procurent la sécurité et assurent la relocalisation des femmes à risque. Par exemple, une Nicaraguayenne pourrait être temporairement relocalisée au Mexique, pour être soustraite à un danger immédiat et recevoir de l'appui avant d'être retournée, au besoin, dans son pays.
    Pour d'autres défenseurs, par exemple dans les pays en situation de conflit — dont, vous le savez, la durée moyenne est maintenant de 7 à 15 ans — la relocalisation temporaire n'est plus une option. La relocalisation permanente est beaucoup plus nécessaire. Visiblement, les pays donateurs et des pays comme le Canada peuvent jouer un rôle utile en considérant les femmes défenseures des droits de la personne comme une catégorie de réfugiés. La question qui se pose est comment pourvoir aux besoins des défenseurs et les appuyer, quand, essentiellement, ils ont besoin d'être relocalisés de manière permanente?
(1325)
    Vous avez donc besoin de ces lieux stables où ces gens peuvent aller.
    D'accord.
    Oui, et des réseaux qui les appuient.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de l'impunité. Je sais que c'est une question vaste. Nous avons tendance à examiner des cas précis. Vous l'avez mentionné dans votre déclaration.
    Je travaille plus particulièrement sur la violence sexuelle depuis un certain nombre d'années. Le taux d'impunité est d'environ 98 % dans de nombreux pays en situation de conflit comme la RDC. Imaginez: 98 %. Pratiquement aucune cause n'est entendue. Pratiquement aucun survivant de la violence sexuelle ne comparaît devant les tribunaux. Lorsque ces victimes sont entendues par un tribunal, elles obtiennent rarement une véritable justice au terme de la procédure judiciaire.
    De façon générale, les taux d'impunité sont élevés pour ceux qui s'en prennent aux femmes défenseures des droits de la personne. Pour des raisons intersectionnelles, pour utiliser le jargon, bon nombre d'entre elles sont pauvres et autochtones et ont un accès limité à leur système judiciaire, si bien que les taux d'impunité pour les agressions dont elles sont victimes sont très élevés.
    Cela nous ramène à un sujet dont nous avons longuement discuté, à savoir le groupe État islamique ainsi que les collectivités chrétiennes, yézidies et de la plaine de Ninive qui ont été décimées par ce conflit.
    Comment pouvons-nous rétablir un système quelconque pour que les gens puissent obtenir justice? Pensez-vous que ces systèmes doivent ordinairement être établis à l'externe, ou peuvent-ils l'être à l'interne? Nous avons eu cette discussion à maintes reprises.
    J'aimerais connaître votre point de vue sur la façon dont nous pouvons rendre justice aux gens qui se retrouvent dans ces situations. Pouvons-nous le faire à l'interne, ou est-ce que ce doit être fait à l'externe?
    Je pense que je sais pourquoi vous posez la question, et je vous remercie d'apporter cette clarification. Beth aura certainement quelque chose à ajouter.
    Il faut instaurer la justice dans les pays, à mon avis. L'un des meilleurs moyens de mettre sur pied des systèmes robustes est d'appuyer la société civile et, au sein de cette société, les mouvements des femmes et les mouvements sociaux. Au Canada comme ailleurs, la société civile doit faire pression sur les gouvernements, entre autres choses, pour avoir des systèmes judiciaires solides et fonctionnels.
    Je pense que la communauté internationale a un rôle important à jouer, mais je pense — et là encore, c'est notre point de vue, et vous avez entendu Beth parler du financement — que les organisations de femmes et la société civile en général peuvent exercer de fortes pressions sur leurs gouvernements nationaux et défendre des causes avec la communauté internationale. Il faut trouver les solutions sur le terrain où les problèmes surviennent et où les actes de violence et les violations des droits de la personne sont perpétrés.
    Le temps est écoulé pour cette intervention.
    Nous allons maintenant entendre Mme Khalid, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci des merveilleux témoignages que vous avez faits aujourd'hui et de l'excellent travail que vous faites dans ce dossier très important.
    Nous avons eu l'occasion d'aller à New York et avons rencontré des représentants des Nations unies et des dirigeants d'organismes. Un point qui a été soulevé — concernant la formation des médiateurs dans les zones de conflit entre acteurs étatiques et non étatiques — était qu'ils offrent de la formation aux médiateurs sur comment la violence sexuelle est utilisée comme outil et sur comment inclure ce facteur dans le cadre des négociations en vue d'instaurer la paix entre les régions et à l'intérieur des régions.
    Cela m'a fait réfléchir. Lorsque nous parlons des défenseurs des droits de la personne et du traitement réservé aux femmes, et plus particulièrement dans les zones de conflit, et que nous parlons de la paix et de la sécurité, dans un cadre plus systémique et global, quels types de formations peut-on offrir aux personnes sur le terrain afin qu'elles puissent soutenir les femmes défenseures des droits de la personne et les inclure dans les négociations de paix?
(1330)
    Je pense que c'est une question extrêmement importante et que la formation est possible à un certain nombre de niveaux différents. Le premier est de sensibiliser et d'informer les gens, car même si nous avons, comme votre présidente le sait, les résolutions du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, qui auront 20 ans l'an prochain, nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour soulever les problèmes quant à la façon dont les conflits touchent différemment les femmes, les hommes, les garçons et les filles. Nous devons aussi expliquer pourquoi c'est important et éliminer les tabous dans les efforts pour contrer la violence sexuelle. Cela inclut la violence sexuelle faite aux hommes, qui est aussi un aspect généralisé du conflit, mais qui ne fait pas suffisamment l'objet de discussions. On a besoin de ressources à cet égard.
    Il y a aussi d'autres types de ressources. Comment mettez-vous en place une approche axée sur le survivant à la violence sexuelle de manière à ce que le survivant soit responsable du processus plutôt que d'être exposé à des situations et à des traumatismes à nouveau? Une formation est en train d'être élaborée pour les fournisseurs de soins de santé et le personnel de soutien judiciaire afin d'essayer d'offrir du soutien intégré à cet égard.
    Il y a également de la formation relative aux recours juridiques. Comme Rachel l'a dit, l'impunité pour la violence sexuelle est très élevée. Comment pouvons-nous améliorer les processus juridiques et judiciaires? Comment pouvons-nous contribuer à ce que différentes personnes qui travaillent dans différents secteurs d'activités soient informées des enjeux et de leurs responsabilités pour régler le problème?
    Pour ce qui est de veiller à ce que les gens comprennent le rôle que la sécurité des femmes joue pour consolider la paix, nous percevons souvent cela comme étant un élément secondaire. Or, les recherches révèlent clairement que la sécurité de l'État est associée à la sécurité des femmes. Ce n'est pas une situation où nous instaurons la paix en premier et, par la suite, nous réglons la situation de ces femmes. C'est un élément qui doit être intégré dans nos approches en matière de prévention des conflits et de reconstruction après les conflits, car, autrement, nous n'aurons pas une paix durable par après.
    Il y a beaucoup d'autres mesures qui peuvent être prises, mais ce ne sont là que quelques idées en réponse à votre question.
    J'ai deux autres questions. La première, qui est plus générale, porte sur un problème auquel nous sommes beaucoup confrontés en tant que femmes défenseures des droits de la personne dans le monde. Un certain nombre de femmes défenseures des droits de la personne de KAIROS nous ont fait part de leurs expériences. Elles font un travail phénoménal, et je pense que le gouvernement a annoncé récemment du financement pour elles. Cela dit, comment peut-on se faire des alliés masculins pour offrir ce soutien aux femmes défenseures des droits de la personne sur le terrain?
    Deuxièmement, nous avons également eu dans le passé des cas où des gardiens de la paix commettent des actes de violence sexuelle dans des zones de conflit. De plus, il y a la nouvelle initiative du Canada pour accroître le nombre de femmes gardiennes de la paix.
    Comment ces deux aspects auraient-ils une incidence sur les femmes défenseures des droits de la personne?
    En ce qui concerne les alliés masculins, je pense que la conversation que nous tenons est une partie de la solution.
    J'ai assisté au sommet mondial des défenseurs des droits de la personne qui s'est déroulé à Paris l'automne dernier. Même dans ces tribunes, qui sont axées sur les défenseurs des droits de la personne — c'est le nom du sommet —, on doit vraiment faire de la défense des intérêts et soulever les problèmes qui touchent les femmes et les membres de la LGBTQ qui sont des défenseurs des droits de la personne.
    Heureusement, il y a un nombre croissant de recherches et une prise de conscience accrue des besoins particuliers et uniques des personnes handicapées et des femmes, notamment, qui sont des défenseures des droits de la personne. Nouer des liens avec des alliés masculins fait partie de ce processus d'éducation continu, car même s'ils sont exposés à la violence sexuelle, ils ne le sont certainement pas aux mêmes niveaux que les femmes.
    Je pense que la sensibilisation du public, l'éducation et cette étude que mènent les gouvernements pour mettre l'accent sur les femmes sont des éléments essentiels de cette sensibilisation, mais il faut faire clairement savoir aux gens que l'on reconnaît la légitimité et la crédibilité des femmes défenseures des droits et qu'il faut mettre l'accent sur elles à des fins de protection et de soutien, plus particulièrement.
(1335)
    En ce qui concerne les gardiens de la paix, oui, l'initiative de déployer un plus grand nombre de femmes est très importante. Le Canada a l'Initiative Elsie, qui cherche à offrir du soutien à d'autres pays en ce sens.
    De plus, il y a des cibles au sein du MDN pour déployer plus de femmes. Cependant, l'un des aspects importants pour réaliser cet objectif, c'est que la tâche de combattre la violence sexuelle ne devrait pas revenir aux femmes déployées, mais à tous les gardiens de la paix qui ont les compétences pour le faire.
    Nous allons maintenant entendre Mme Hardcastle, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Pour gagner du temps, je ne ferai pas de préambule éloquent. Je vais être directe, et j'espère que vous pourrez rapidement comprendre mon argument.
    Nous parlions plus tôt de promouvoir l'idée de l'égalité entre les sexes dans une société dominée par les hommes. Des hommes occupent de nombreux postes décisionnels à l'heure actuelle. Pour que des femmes occupent ces postes décisionnels, nous devons éclairer les hommes.
    Vous parliez de la formation et de son importance. Je pense notamment aux prix d'égalité entre les sexes, ou quelque chose de ce genre, que les Émirats arabes unis décernaient et qui ont tous été remis à des hommes. Certains lèvent les yeux au ciel, mais on peut voir là une situation où la société est dominée par les hommes. À quel moment allons-nous dire que c'est notre priorité de former les hommes aussi, et pas seulement les femmes?
    Oui, vous hochez la tête, alors vous comprenez ce que je dis.
    Je pense que c'est un excellent point, et merci de la question.
    Ce que nous avons appris, c'est que pour atteindre l'égalité entre les sexes, il ne faut pas seulement corriger les lacunes des femmes. Il est important que les femmes aient plus de compétences, une meilleure éducation et un meilleur accès à du crédit pour créer leurs propres entreprises, mais nous savons que nous devons examiner la relation qui existe entre les femmes et les hommes. C'est là où ces discussions sont si importantes.
    Je pense que nous avons appris que les changements surviennent au fil des générations. Certaines des discussions les plus intéressantes que j'ai eues sur les rôles entre les sexes et les inégalités étaient avec mes deux fils. Je pense que c'est le type de discussions qui ont lieu dans les familles, dans différentes organisations et dans différents organismes religieux. C'est le changement de ces normes sociales qui survient au fil du temps.
    C'est la raison pour laquelle les organisations de femmes sont souvent les acteurs clés. Elles sont les mieux placées pour connaître leur situation. Elles savent les arguments qui fonctionnent dans leurs collectivités. Elles peuvent aborder ce problème d'une façon très concrète et précise et communiquer à l'interne les stratégies qui fonctionnent. L'un des meilleurs leviers pour changer les normes et les attitudes sociales est d'offrir un soutien accru aux organisations de défense des droits des femmes qui travaillent dans les collectivités.
    J'allais seulement ajouter que l'un des défis mondiaux est le fondamentalisme, et il y a plusieurs formes de fondamentalisme.
    Lorsque je faisais des recherches pour mon livre il y a quelques années, qui renfermait et documentait des histoires de femmes défenseures des droits de la personne, l'une des histoires était celle d'une femme défenseure d'origine marocaine qui vivait en France et qui essayait de s'attaquer à un problème ou à une tendance que nous constatons dans le monde, à savoir que les jeunes hommes sont plus réactionnaires aux droits des femmes que les hommes plus âgés. Elle avait perdu un fils qui avait été recruté comme terroriste et se rendait dans des écoles en France pour parler aux jeunes de sa perte, mais aussi du rôle des jeunes hommes et de la masculinité. Elle était très forte, car elle parlait à d'autres de son expérience et de la perte de son fils. Là encore, c'est parce qu'elle comprend le contexte, la vulnérabilité et la pauvreté de ces jeunes hommes. Elle est issue d'une de ces communautés où les jeunes hommes sont ciblés pour se livrer à de telles activités.
    Là encore, je vais renforcer l'argument soulevé par Beth en donnant un exemple: aujourd'hui, j'ai lu que les deux tiers des hommes afghans s'opposent aux droits des femmes, mais si on regarde la tendance, les hommes plus âgés sont plus flexibles à cet égard et sont plus disposés à considérer les droits des femmes comme ayant de la valeur que les jeunes hommes afghans.
    Là encore, je pense que les organisations de défense des droits des femmes qui travaillent sur le terrain savent mieux que nous quels sont les points sensibles pour régler ces problèmes.
(1340)
    Il vous reste deux minutes.
    Le Canada finance quelques initiatives à l'heure actuelle et cible la formation pour les défenseurs des droits de la personne. Devrions-nous peaufiner ces formations? Devraient-elles se concentrer davantage sur les localités, ou pensez-vous que nous adoptons actuellement la bonne approche et que nous devons simplement préparer le terrain?
    Je pense que l'un des principaux éléments, c'est qu'il n'y a pas une seule bonne approche en matière de formation. Les organisations de défense des intérêts locales savent habituellement ce dont elles ont besoin, les compétences qui leur manquent et où les trouver, et elles sont souvent les mieux placées pour concevoir leur propre formation. La meilleure solution est d'offrir du soutien à ces organisations plutôt que d'élaborer un programme de formation conçu au Canada que nous croyons qu'elles doivent adopter.
    Je vois un thème qui se dégage, à savoir que nous pensons vraiment que les organisations locales de femmes défenseures sont les mieux placées pour offrir les formations et connaissent les solutions, mais elles n'ont souvent pas les ressources voulues pour mettre en oeuvre leurs plans.
    Je pourrais peut-être vous donner un autre exemple. À la fin de mon exposé, j'essayais de vous parler de ces femmes yéménites. On m'a demandé de leur offrir une formation sur les médias parce qu'évidemment, elles voulaient avoir accès à plus de médias occidentaux pour expliquer comment mettre fin à la guerre au Yémen.
    Ce qu'elles m'ont demandé à titre de suivi — ce qui veut dire que je vais probablement les revoir —, c'est une formation sur la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies à titre de cadre, parce qu'elles tentent de... Pour revenir à votre point au sujet des médiateurs, cela les intéresse. En effet, ce qu'on entend à répétition aux Nations unies, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de femmes qualifiées pour prendre part aux tables de négociations de paix. Eh bien oui, il y en a, et ces femmes sont très au fait de cette critique au sujet du manque de femmes; elles se forment pour devenir des médiatrices, pour connaître le cadre de la résolution 1325 et pour participer aux négociations de paix. C'est le type de formation qu'elles nous demandent. Je le répète: la demande vient d'elles; nous ne leur imposons pas.
    Merci.
    Je demanderais aux membres du Comité de s'en tenir à quatre minutes pour éviter que nous manquions de temps.
    Nous allons commencer avec M. Fragiskatos.
    Nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui. J'ai eu le plaisir de vous entendre témoigner devant d'autres comités.
    Au sujet de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, je crois qu'il est tout à fait à propos d'en parler ici aujourd'hui. Il semble bon sur le plan moral que des femmes se portent à la défense des droits de la personne et défendent leurs intérêts, mais au-delà de cela, nous savons aussi une chose au sujet de la promotion de la paix dans nos politiques étrangères et nos politiques sur le développement international: les données empiriques démontrent que lorsque les femmes participent aux négociations de paix après un conflit, les sociétés demeurent plus stables par la suite. La participation des femmes défenseures des droits de la personne au processus de paix représente le meilleur choix parce qu'elles ont une grande expérience et comprennent bien les politiques et la situation sociale de leur société. Elles savent ce qui est nécessaire en vue de rétablir la société, son système juridique, son système politique et sa situation socioéconomique.
    Êtes-vous d'accord?
(1345)
    Je vous remercie de votre observation. Vous avez tout à fait raison.
    L'un des éléments de la recherche qui est parfois oublié, c'est qu'il n'est pas seulement question d'intégrer les femmes, quelles qu'elles soient, aux processus de paix. Il faut que les femmes soient soutenues par des réseaux de la société civile, qu'elles occupent une place importante dans les négociations de paix. C'est exactement le rôle que peuvent jouer les femmes défenseures des droits de la personne, parce qu'elles ont ces réseaux et cette expérience. Elles ont souvent des connaissances particulières sur des questions d'ordre juridique, sur la façon dont les choses fonctionnent dans un contexte géographique en particulier; elles entretiennent peut-être aussi de solides relations avec les leaders communautaires et religieux, ce qui permet d'unir les membres de la communauté et d'instaurer la paix.
    Je crois que c'est très important. Comme vous le dites, il n'est pas seulement question d'ajouter des femmes au processus de paix pour augmenter les chances de restaurer la paix. Il faut reconnaître l'expérience de ces femmes défenseures des droits de la personne, parce qu'elle est unique. Donc, lorsque le Canada et les autres démocraties veulent défendre la paix, ils doivent mettre la cause des défendeures des droits de la personne à l'avant-plan pour trouver des solutions durables et régler les divers conflits.
    Je vous appuie dans tout ce que vous faites, mais je m'inquiète parfois de voir les politiciens des pays occidentaux dire qu'ils se rallient derrière la cause X, Y ou Z d'un pays en particulier, parce que les opposants de ces pays cibles peuvent avoir l'impression que les femmes défenseures des droits de la personne, par exemple, sont encouragées par les Canadiens, les Américains et les Européens, et qu'elles défendent des intérêts étrangers. Cela peut aggraver la situation sur le terrain parce qu'on dit qu'elles ne font pas partie de la société, si vous voyez où je veux en venir.
    Je crois qu'il y a d'autres façons de faire. Que conseilleriez-vous en pareille situation?
    Nous n'avons malheureusement pas le temps d'entendre la réponse, mais vous pourrez peut-être y revenir dans une réponse à une autre question.
    La parole est maintenant à M. Sweet. Vous disposez de quatre minutes.
    Je tiens à vous remercier du fond du coeur pour votre excellent travail, votre courage et votre disponibilité pour ces femmes qui sont dans des situations désespérées, comme les femmes du Yémen ou les femmes yézidies dont on a parlé. Je veux vous remercier pour votre bon travail.
    Vous avez dit — et je suis tout à fait d'accord avec vous — que l'une des choses les plus importantes à faire était d'appuyer et de financer les organisations locales pour les femmes, pour veiller à ce qu'elles aient suffisamment d'effectifs pour opérer des changements.
    Vous savez, le Web est un excellent outil pour faire le bien comme pour faire le mal, et on y trouve toutes sortes de matériel dégradant. Je n'ai pas besoin d'en dresser une liste, mais je constate d'après certaines discussions troublantes que j'ai eues avec des jeunes hommes qu'ils se fondent sur ce qu'ils voient sur le Web pour se faire une idée de la façon dont les femmes doivent être traitées.
    Est-ce que votre groupe ou d'autres ont en place une stratégie pour aborder cette question? Bien sûr, sur le plan criminel, il faut sensibiliser les responsables de l'application de la loi, mais avez-vous en place une stratégie pour surveiller, nommer et dénoncer, ou encore rééduquer ces gens, de sorte que ce qu'ils voient sur le Web n'ait pas une telle influence sur eux?
(1350)
    Je crois qu'il y a de nombreuses stratégies et organisations qui travaillent à cette question. Les femmes défenseures des droits de la personne nous disent que la sécurité numérique est d'une importance capitale.
    Comme l'a dit Rachel, de nombreuses jeunes femmes sont ciblées. On en sait beaucoup au sujet des trolls, mais il est difficile de les arrêter. Certains groupes offrent une formation sur la sécurité, même sur la façon de sécuriser son téléphone. On aborde la sécurité numérique dans d'autres domaines également, en ce qui a trait au contenu du téléphone des activistes, par exemple.
    Je crois qu'il est difficile d'aborder cette question, mais si cela vous intéresse, nous vous recommanderions volontiers des groupes qui travaillent dans ce domaine et qui pourraient venir témoigner devant vous pour approfondir la question.
    Une jeune femme que nous avons accueillie au Canada pendant six semaines il y a quelques années est une experte en matière de sécurité numérique. Elle travaille avec les organisations communautaires du Guatemala pour offrir une formation sur la sécurité numérique. C'est une jeune activiste autochtone; elle est extraordinaire. Il serait bon d'entendre les gens qui sont sur le terrain parler de la façon dont ils vivent la situation.
    Les organisations de femmes usent d'une grande créativité pour lutter contre les menaces numériques, en Iran, au Guatemala et partout ailleurs. Ce que j'ai compris, c'est qu'elles avaient beaucoup à nous apprendre.
    Il y a deux volets. Je comprends le besoin de sécurité numérique individuelle, mais il y a aussi cette fausse éducation qui tend à discréditer les femmes pour encourager leur mauvais traitement.
    C'est un problème à l'échelle mondiale.
    Oui, tout à fait.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais que nous ayons plus de temps, parce qu'il y a beaucoup d'information.
    Nous allons passer à M. Hehr. Vous disposez de quatre minutes.
    Je vous remercie pour vos témoignages très enrichissants. Vous avez dit plus tôt que ce qui vous préoccupait le plus pour les femmes défenseures des droits de la personne et les défenseurs des droits de la personne en général, c'était le passage sécuritaire vers d'autres administrations en situation de conflit, avec les changements climatiques.
    Selon vous, est-ce qu'on doit prendre part au Pacte mondial pour les migrations et à d'autres initiatives importantes pour le gouvernement? Est-ce que, par l'entremise des Nations unies, ces institutions aident les femmes défenseures des droits de la personne?
    Je peux parler en mon nom. Je ne suis pas une experte du domaine de la migration et je crois qu'il s'agit d'un élément important à aborder dans le cadre de votre étude. C'est pourquoi l'une de nos recommandations se centre sur la nécessité de réinstaller les femmes défenseures des droits de la personne et de parler aux responsables d'IRCC, aux défenseurs des droits de la personne et à d'autres personnes sur la liste que nous avons présentée.
    La migration à l'échelle mondiale a atteint un sommet historique et les défenseurs des droits de la personne font partie des gens qui doivent être relocalisés; c'est donc une réalité de plus en plus présente. Le Canada a accueilli des Syriens, par exemple, et est un pays où les défenseurs des droits de la personne veulent s'installer. Je crois qu'il faut prendre en compte ce rôle et le prendre au sérieux. C'est pourquoi nous espérons que vous aborderez cette question dans le cadre de votre étude.
    Bien sûr, comme le Canada fait partie des systèmes des Nations unies, nous misons grandement sur leurs institutions. IRCC se fie beaucoup au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés pour la désignation des femmes à risque et d'autres réfugiés. Cela fait partie du système mondial auquel nous prenons part et d'un système multilatéral fort qui peut servir au Canada également.
    Je crois que ce sera la dernière question.
    Pouvez-vous nous parler d'une pratique exemplaire que nous devrions examiner? Y a-t-il des pratiques exemplaires dans le domaine que nous n'avons pas encore prises en compte?
(1355)
    J'en ai mentionné quelques-unes, par exemple la façon dont les divers pays européens offrent du soutien et des visas rapides aux défenseurs des droits de la personne afin de les sortir des situations d'urgence. Le Canada pourrait examiner cette pratique; ce serait intéressant. Le gouvernement de la Suède a mis à l'essai un programme de bracelet d'urgence, le projet Natalia, qui permet aux défenseurs des droits de la personne d'activer un bracelet s'ils sont arrêtés par les autorités. Nous pourrions peut-être y songer. Il serait aussi très important d'examiner la façon dont les divers gouvernements financent les organisations par l'entremise de programmes d'aide et d'autres qui soutiennent les défenseurs des droits de la personne. Étant donné l'importance de ces réseaux de femmes défenseures des droits de la personne et des LGBTIQ, il est très important de trouver la meilleure façon de les appuyer.
    J'aimerais répondre à votre dernière question. Très rapidement, je crois que les pays comme le Canada ont un grand rôle à jouer dans le système des Nations unies pour promouvoir l'inclusion des femmes dans les processus de paix. Les Nations unies peuvent être un environnement hostile pour les femmes défenseures des droits de la personne et le Canada a joué un bon rôle en coulisses par le passé. C'est une courte réponse.
    Merci beaucoup.
    Nous allons entendre la dernière question.
    Madame Hardcastle, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, madame Vincent, pour votre dernier commentaire. Je crois qu'il est important que le Canada comprenne son rôle et sa raison d'être au-delà des Nations unies également.
    Nous avons parlé plus tôt de l'investissement du Canada dans la formation. Devrait-on miser sur certaines synergies, non pas seulement pour les défenseurs des droits de la personne, mais aussi pour les membres de la communauté LGBTQ2, comme vous l'avez dit, et peut-être même les hommes qui font partie de populations vulnérables? Quelles sont les synergies en matière de formation ou les solutions à portée de main?
    Je peux répondre à la question. Notre politique d'aide internationale vise à injecter des fonds pour appuyer les organisations de défense des droits des femmes et les agents de changement, non seulement en ce qui a trait à la formation, mais aussi au soutien général. Nous croyons que c'est un objectif positif et admirable. Certains obstacles bureaucratiques nous empêchent d'offrir du financement pour le développement de ces organisations, et c'est un des défis auxquels nous devons faire face. Il serait important d'étudier la question. Comment pouvons-nous veiller à ce que les groupes sur le terrain obtiennent le soutien dont ils ont besoin? C'est un élément essentiel: il faut veiller à ce que nos pratiques correspondent à nos politiques et à notre rhétorique sur ces questions.
    C'est bien.
    Dans ce cas, je tiens à remercier les témoins pour cette excellente première réunion sur le sujet. Je remercie aussi les membres du Comité.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU