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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 129 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 129e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
     Avant de commencer, je veux demander à tous les participants sur place de lire les directives écrites sur les affichettes mises à jour qui se trouvent sur la table. Ces mesures sont en place pour prévenir les incidents acoustiques et les retours de son et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris des interprètes.
     Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
     Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
     Je souhaite la bienvenue à notre groupe de témoins. En ligne, nous accueillons le Dr Sumantra Monty Ghosh, qui comparaît à titre personnel de la Somalie. Nous avons avec nous le Dr Rakesh Patel, professeur agrégé et directeur médical.
    Merci à tous les deux d'être avec nous. Nous avons normalement un groupe plus large de témoins, mais c'est à notre avantage et au vôtre, car nous aurons plus de temps pour discuter avec chacun d'entre vous.
     Nous allons commencer par vous, docteur Ghosh. Bienvenue au Comité. Merci d'avoir fait l'effort de vous connecter de si loin. Nous disposons de cinq minutes pour les déclarations préliminaires.
    Vous avez maintenant la parole, docteur.
    Pour commencer, je m'appelle Sumantra Monty Ghosh, mais je me fais appeler Monty. Je suis professeur adjoint à l'Université de Calgary et à l'Université d'Alberta, et je suis un médecin de première ligne qui travaille avec des personnes qui consomment des substances.
    La recherche est mon domaine de prédilection. Plus précisément, mes domaines de recherche comprennent le Service national d'intervention en cas de surdose, qui est une ligne téléphonique que les gens peuvent appeler après avoir consommé seuls des substances. Soixante-dix pour cent des personnes qui consomment des drogues et meurent d'une surdose meurent seules. Cette ligne les aide à obtenir du soutien. Ils n'ont qu'à appeler la ligne s'ils consomment de la drogue seuls, et ils sont jumelés à une personne qui a une expérience vécue et qui les surveille. En cas de surdose ou d'intoxication, les services médicaux d'urgence seront dépêchés sur place.
     Je réalise également des études sur l'analyse des eaux usées, en particulier à Calgary et dans les régions avoisinantes. En ce qui concerne les eaux usées en particulier, nous cherchons à contrôler et à quantifier les substances présentes dans les eaux usées, soit plus de 48 substances, dont le carfentanil, le fentanyl et les méthamphétamines. Nous examinons également d'un point de vue qualitatif si de nouveaux composés entrent dans l'approvisionnement en médicaments. Nous avons eu beaucoup de succès à cet égard. Grâce à ces données, nous avons mis en place un système d'alerte précoce pour avertir les autres praticiens lorsque les eaux usées soulèvent des préoccupations. Cela nous a également aidés à prévoir et à déterminer les raisons pour lesquelles des pics et des surdoses peuvent se produire. À titre d'exemple, en juillet 2023, nous avons connu un pic important de surdoses à Calgary, et nous avons remarqué en même temps un pic important de carfentanil et de xylazine dans les eaux usées elles-mêmes.
     Enfin, nous venons d'achever une vaste étude — qui n'a pas encore été publiée — sur les perceptions de la communauté à l'égard des services de consommation supervisée. Plus de 2 500 personnes vivant dans des communautés à travers le Canada, qui ne sont pas des prestataires de soins de santé ni des personnes ayant une expérience vécue, ont participé à cette étude afin de connaître leur perception des services de consommation supervisée et leurs répercussions sur leur communauté. Ces données ne sont pas encore publiées, mais nous nous apprêtons à le faire dans un délai raisonnable.
    Je me réjouis de pouvoir aborder tous ces sujets avec le Comité. Je suis heureux de parler également de la décriminalisation, qui est un autre domaine sur lequel je me concentre beaucoup. Enfin et surtout, comme je travaille au sein des systèmes de soins de rétablissement en Alberta et que j'ai beaucoup d'expérience dans ce domaine, je peux également partager certaines de ces expériences, la façon dont les choses se passent en Alberta et les succès que l'Alberta a obtenus.
     Je vais m’arrêter ici. Merci beaucoup.
    Merci, docteur Ghosh.
    Nous entendrons maintenant le Dr Patel.
     Merci d'avoir accepté de comparaître. Je crois savoir que cela s'est produit assez récemment. Nous vous sommes reconnaissants d'être ici.
     Vous avez la parole, docteur. Je vous en prie, allez‑y.
(1110)
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
     Je vais être honnête. Je ne sais pas exactement quel est mon rôle ni ce que vous attendez de moi. Les choses se sont déroulées très rapidement hier après-midi. Je m'excuse d'être en retard. Il n'y a apparemment pas de place de stationnement dans le centre-ville d'Ottawa.
     Je vais vous dire ce que je fais. Cela vous aidera peut-être à orienter vos questions.
    Je suis principalement un médecin des soins intensifs. Je travaille ici, en ville, à l'hôpital d'Ottawa. Je suis également interniste. En 2018, j'ai commencé à faire du bénévolat à ce qu'on appelle Ottawa Inner City Health, principalement parce que j'ai acquis beaucoup d'expérience dans une vie antérieure, lorsque j'étais pharmacien, avant de rejoindre le côté obscur. J'ai travaillé au centre-ville de Détroit. J'ai vu les problèmes que les différents systèmes sociaux et le manque de soins de santé peuvent causer. Le service des urgences était essentiellement le principal prestataire de soins de santé pour la population des quartiers défavorisés de Détroit.
    Lorsque j'ai rédigé mon mémoire de fin d'études de médecine, j'ai bêtement dit qu'un jour, j'ouvrirais une clinique dans le centre-ville et que je m'occuperais des personnes qui n'ont pas un accès équitable aux soins de santé. Lorsque je suis arrivé à Ottawa, l'un de mes collègues, le Dr Jeff Turnbull, avait déjà commencé à le faire. Un jour, j'ai appelé Jeff et je lui ai dit que je devais joindre le geste à la parole et cesser de vivre dans le mensonge, parce que j'avais dit que c'était ce que j'allais faire lorsque j'ai posé ma candidature à l'école de médecine. Il était temps que je me mette au travail et que je passe à l'action. C'est ainsi que j'ai rejoint Ottawa Inner City Health. J'ai succédé à Jeff en tant que directeur médical de l'Ottawa Inner City Health en 2022, alors que nous approchions de la fin de la pandémie.
    Je travaille en ville en tant que médecin de première ligne et je m'occupe des sans-abri et des personnes vulnérables logées dans la Basse-Ville et dans divers logements avec services de soutien et abris communautaires à travers la ville. Je suis responsable des programmes que nous élaborons, mettons en œuvre et contrôlons. Ces programmes sont principalement gérés par du personnel infirmier de première ligne, ce qui prouve qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un médecin en première ligne pour fournir des soins de santé. Cela peut être fait par des personnes aimables, compatissantes et intéressées par les soins qu'elles prodiguent actuellement.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci, docteur Patel.
     Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par les conservateurs.
    Madame Goodridge, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les deux témoins d'être ici aujourd'hui. C'est toujours un grand jour lorsque nous avons plus de personnes de l'Alberta autour de cette table.
    Docteur Ghosh, je vais commencer par vous poser quelques questions.
    Je trouve la conversation sur les eaux usées très intéressante. Vous avez parlé d'un pic de décès par surdose en juillet 2023 et d'un pic dans les eaux usées.
    Comment vous y prenez-vous, vous et la province de l'Alberta, pour analyser les eaux usées de façon à ce que nous puissions détecter ce problème avant qu'il entraîne des décès par surdose?
    Merci beaucoup, madame Goodridge.
    C'est l'un des nombreux exemples où nous avons pu utiliser les eaux usées au profit de la population. Bien que je communique ces renseignements au gouvernement au besoin, nous ne travaillons pas nécessairement ensemble. Il s'agit plutôt d'un projet de recherche au sein de l'Université de Calgary.
     Essentiellement, nous suivons ce qui se passe dans les eaux usées, à la fois d'un point de vue qualitatif, c'est‑à‑dire pour savoir s'il y a du nouveau, et d'un point de vue quantitatif, pour savoir s'il y a des pics. Comme nous l'avons mentionné, en 2023, nous avons observé une hausse de carfentanil et de xylazine, beaucoup plus élevée que jamais auparavant, qui a coïncidé avec cette situation.
    Nous avons alerté le gouvernement à ce sujet. Nous avons également informé nos collègues de première ligne de la situation. En fait, le chef de cabinet du premier ministre Smith nous a appelés pour nous parler de ces données. Une fois encore, l'une des choses que nous avons pu faire a été d'alerter l'ensemble de la communauté sur la situation et les personnes qui consommaient des substances.
    Il y a eu quelques autres cas où cela s'est avéré bénéfique. Nous faisions des tests sur les drogues en même temps que sur les eaux usées, et ce que nous avons remarqué, c'est que pendant un certain temps, il y avait une pénurie de fentanyl dans l'approvisionnement en drogues, ce qui est très dangereux. Le service de police de Calgary effectue ses propres tests directs et a remarqué qu'il y avait des problèmes d'approvisionnement en drogue, et qu'il manquait de fentanyl. Il m'a demandé si j'avais remarqué la même chose. Nous avons fait quelques tests et nous l'avons également remarqué. La raison pour laquelle cette situation est si préoccupante est que si, tout à coup, il manque des drogues dans l'approvisionnement, les gens perdent leur tolérance aux opioïdes et, s'ils en consomment à nouveau, ils risquent de faire une surdose.
     C'était préoccupant. Nous avons pu trianguler les données avec les services de police et d'autres services. Par exemple, dans le Canada atlantique, nous avons des collègues issus des forces de police et de la communauté des prestataires de services. Nous avons partagé cette information avec eux, et ils ont remarqué une tendance similaire. Cependant, nous n'avons pas réussi à comprendre pourquoi ces deux tendances étaient isolées au Canada atlantique et en Alberta. L'idée commune était qu'il existait peut-être un lien entre les réseaux de crime organisé liés à la drogue qui opèrent dans les deux régions.
    Je pourrais donner d'autres exemples de son utilité, mais je m'en tiendrai là.
(1115)
    C'est incroyable.
    Je sais que vous faites partie du VODP, le Virtual Opioid Dependency Program, et de certains programmes virtuels du RAAM. Je me demandais si vous pouviez nous expliquer pourquoi les programmes virtuels utilisés par l'Alberta connaissent un tel succès et comment vous pensez que nous pourrions les faire passer à une échelle plus nationale.
     Pour clarifier les choses, je ne travaille pas au VODP, bien que j'aie fait quelques travaux virtuels pendant un certain temps à Grande Prairie. Il utilise une plateforme similaire.
     Le VODP est un programme phénoménal. Il est actuellement en train de lancer le programme virtuel RAAM, pour Rapid Access Addiction Medicine. La différence entre les deux est que le VODP se concentre uniquement sur les opioïdes, alors que le programme RAAM se concentre sur tout sauf les opioïdes. Cela inclut l'alcool, les méthamphétamines, le GHB et d'autres substances.
    Ce qui est remarquable, c'est que le programme est ouvert presque en tout temps. Il est ouvert tous les jours, de 9 heures à 21 heures. Je sais qu'ils envisagent de l'étendre à 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
     L'avantage de ce programme est qu'il s'agit de ce que nous appelons une « intervention à faible seuil », ce qui signifie que toute personne ayant un problème de toxicomanie ou toute personne travaillant avec une personne ayant un problème de toxicomanie peut appeler ce numéro et demander de l'aide. Par exemple, les habitants des communautés rurales peuvent appeler le numéro du VODP et demander de l'aide immédiatement pour arrêter de consommer des substances illicites et passer à la buprénorphine ou à la méthadone. Si vous êtes sans domicile fixe et que vous n'avez pas de téléphone, vous pouvez demander à quelqu'un d'appeler le numéro pour vous, qu'il s'agisse d'un travailleur social, d'un pair ou d'un policier.
    Le VODP a imprégné de nombreux systèmes et services différents. Il s'agit notamment du secteur de l'itinérance, les refuges en particulier, et, dans une certaine mesure, de nos systèmes pénitentiaires. Cela comprend également nos services d'exécution des formalités d'arrestation dans toute la province. La raison pour laquelle les services d'exécution des formalités d'arrestation sont particulièrement importants, à mon avis, c'est que j'ai vu de mes propres yeux comment certaines personnes peuvent vivre d'épouvantables sevrages dans ces installations. D'un point de vue humain, la chose la plus appropriée à faire est de leur fournir de la buprénorphine, qui éliminera les symptômes de sevrage afin qu'elles ne souffrent pas de douleurs intenses.
    Ce sont là autant d'avantages que nous avons constatés avec le VODP.
    Le programme virtuel RAAM n'a pas encore été lancé, mais il le sera bientôt, espérons‑le. Il était censé être lancé le 1er octobre, nous verrons donc s'il est lancé aujourd'hui.
    Ce concept d'intervention à faible seuil est essentiel. Pour ce qui est de l'extension de ce système à l'ensemble du Canada, je pense qu'il y a une place pour cela dans chaque administration. Je sais que l'Ontario dispose de certains programmes. Je sais que la Colombie-Britannique envisage également d'étendre ses programmes. Ce programme a connu un énorme succès et, une fois encore, c'est parce que tout le monde peut y accéder à condition d'avoir un téléphone. S'ils n'ont pas de téléphone, ils n'ont qu'à trouver quelqu'un pour les aider et composer le numéro. Le programme a été incroyablement utile à cet égard.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci, docteur Ghosh.
    Nous passons maintenant au Dr Powlowski, qui a la parole pour six minutes.
    Docteur Patel, j'ai pensé vous poser quelques questions.
    Il semble que notre trajectoire de vie soit similaire. J'ai longtemps été urgentologue, et maintenant j'ai pris un poste qui m'oblige à avoir une vision plus globale. Il semble que lorsque vous travaillez à Ottawa Inner City Health, vous avez le même genre de perspective, c'est‑à‑dire que vous voyez beaucoup de gens qui sont sans abri, qui ont des problèmes de santé mentale et qui vivent dans la pauvreté.
    Je ne suis à Ottawa que depuis cinq ans, mais il me semble qu'au cours de ces cinq années, les choses ont empiré dans le centre-ville. Le nombre de sans-abri semble augmenter. Il y a beaucoup plus de gens qui consomment ouvertement des drogues. Des gens font des surdoses dans la rue. Il semble qu'il y ait beaucoup de personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Si nous allons centre commercial, nous avons environ 50 % de chances d'être accostés par une personne droguée ou souffrant de problèmes de santé mentale.
    Je me trompe peut-être, mais pensez-vous que la situation s'est détériorée parmi les habitants du centre-ville souffrant de toxicomanie et de problèmes de santé mentale? Est‑ce le cas? Si c'est le cas et que vous êtes d'accord, que faisons-nous de mal, ou que devons-nous faire différemment pour mieux aborder ce problème?
(1120)
    Pour répondre directement à la question, avant d'essayer de trouver des solutions, oui, la situation dans les rues s'est définitivement détériorée. Cela ne fait aucun doute. Si vous avez traversé Ottawa en voiture, que ce soit au centre-ville ou à l'extérieur du centre-ville, vous aurez remarqué qu'il y a beaucoup plus de gens qui y quêtent. Je reconnais de nombreuses de ces personnes dans les rues parce qu'elles sont mes patients. La raison en est fondamentalement les drogues non réglementées, non prescrites et disponibles dans la rue.
    Je pense qu'au moins quelques personnes dans cette salle sont assez âgées pour se souvenir du film The French Connection, avec Gene Hackman. La drogue en question était l'héroïne. C'est ainsi que tout a commencé. Le problème de l'héroïne est qu'elle ne peut être injectée que par voie intraveineuse et qu'elle est vendue en grandes quantités. À mesure que le commerce de la drogue a évolué en raison de diverses politiques, tant sociales que médicales, on constate que les gens deviennent beaucoup plus inventifs et fabriquent des produits beaucoup plus variés et puissants.
    Le fentanyl, la méthamphétamine en cristaux, la xylazine et les produits similaires dont vous avez entendu parler sont tous très puissants. Un milligramme d'héroïne équivaut à environ un microgramme de fentanyl. C'est un millième de la qualité pour vous donner la même euphorie, la même tranquillité ou la même paix que vous auriez pu ressentir avec l'héroïne.
    Telles qu'elles ont été promulguées au fil des ans, ces politiques sont essentiellement des politiques prohibitionnistes. L'idée fondamentale est que nous pouvons mettre fin au désir humain, ce qui est clairement inacceptable. Les humains ont des désirs, et nous sommes des preneurs de risques, et c'est pourquoi nous en sommes arrivés là.
    Il est impossible d'éliminer le désir humain par la voie législative ou politique. C'est pourquoi l'approche consistant à utiliser l'économie de l'offre a permis de mettre au point des médicaments beaucoup plus puissants qui peuvent être fabriqués en quantités beaucoup plus réduites. Ils sont donc beaucoup plus faciles à dissimuler et à transporter dans la rue. Cette offre est maintenant fondamentalement dans la rue.
    Le problème des drogues vendues dans la rue est leur pharmacocinétique. Il s'agit d'un terme médical sophistiqué qui signifie que si vous prenez un Tylenol pour votre mal de tête, comment votre corps s'en débarrasse‑t‑il? Pourquoi n'avez-vous pas de Tylenol dans votre sang pour le reste de vos jours? La raison en est que c'est considéré comme une substance étrangère, alors votre foie et vos reins font tout ce qu'ils peuvent pour s'en débarrasser. Le problème avec la méthamphétamine en cristaux et le fentanyl, c'est qu'ils ont une très grande rapidité d'action, même plus rapide dans certains cas que la nicotine que les fumeurs de cigarettes consomment. Le délai de déclenchement est d'environ 30 secondes à une minute. Leur effet est rapide. Il se fait ressentir rapidement, mais malheureusement, il ne dure pas très longtemps, et c'est pourquoi nous voyons maintenant dans les rues des gens qui quêtent de l'argent.
    Il y a plus de gens dans les rues et plus de gens qui consomment de la drogue dans les rues, et je vais vous dire pourquoi. Ces gens n'ont plus le temps de s'engager avec nous pour les aider à s'attaquer aux déterminants sociaux de leur santé: le manque de logement, le manque de sécurité alimentaire, la pauvreté et le manque d'aptitudes à la vie quotidienne. Ils sont tellement occupés à essayer d'obtenir leur prochaine dose qu'ils n'ont plus le temps pour quoi que ce soit d'autre.
    Je suis désolé, docteur Patel, mais puis‑je vous interrompre? Il n'y a que deux témoins, on pourrait donc penser que j'ai beaucoup de temps, mais je n'ai probablement qu'une seule chance de poser des questions.
    Vous semblez être un partisan de l'approvisionnement plus sécuritaire. Je sais que le modèle suisse d'approvisionnement plus sécuritaire est le traitement assisté à l'héroïne. Il existe de nombreuses preuves à ce sujet et des traitements directement observés, ce qui ne me pose aucun problème. Cependant, quelqu'un a décrit l'approvisionnement plus sécuritaire dans la majeure partie du Canada comme étant la version du pauvre de cette situation, soit donner aux gens un tas de pilules parce qu'il est plus facile de leur donner un tas de Dilaudid que de les regarder en train de se l'injecter.
    Le problème, c'est le détournement. Un psychiatre de Vancouver m'a dit qu'il avait beaucoup d'enfants qui prennent du Dilaudid et que beaucoup d'entre eux passent au fentanyl. Je lui ai demandé pourquoi, et il m'a répondu que lorsqu'il avait demandé aux enfants pourquoi, ils ont répondu qu'on pouvait maintenant acheter un cachet de Dilaudid dans la rue pour 1 $ dans certains endroits. Auparavant, cela coûtait 20 $, mais à cause du détournement, le prix a baissé. Un Dilaudid coûte 1 $. Un joint coûte 5 $. C'est simplement une question d'économie. Tu veux planer? Essaie...
(1125)
    Docteur Powlowski...
    Ne voyez-vous pas là un problème, le modèle d'approvisionnement plus sécuritaire en Dilaudid ou la manière de procéder du Canada?
    Docteur Powlowski, vous avez utilisé tout le temps de parole.
    Docteur Patel, donnez une réponse très brève, s'il vous plaît. Le Dr Powlowski a pris tout le temps alloué.
    Oui, je suis préoccupé par le détournement, mais la majorité des détournements ne se produisent pas de la manière que vous avez décrite. Une grande partie du détournement se fait à partir de médicaments sur ordonnance réglementés que vous trouvez dans votre armoire à pharmacie.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais continuer sur cette lancée. Les gens nous disent souvent qu'il est facile de contourner l'approvisionnement sécuritaire, entre autres dans les cours d'école. Certains nous ont dit que, dans le cas du programme d'approvisionnement sécuritaire, une personne devait se déplacer et aller voir un médecin. Au Québec, ces substances sont délivrées sur ordonnance. C'est beaucoup plus encadré que ce que prétendent parfois les personnes qui prônent l'abolition de l'approvisionnement sécuritaire.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Quelle serait la solution de rechange si on abolit l'approvisionnement sécuritaire malgré l'actuelle crise des drogues toxiques où le marché noir fabrique des quantités incroyables de produits et de substances, où l'anarchie totale règne et où l'on est aux prises avec un problème de drogues mortelles dans les rues.
    Si l'approvisionnement sécuritaire n'existe plus, à quelle solution allons-nous recourir pour atteindre nos objectifs?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question. Je vous en suis reconnaissant.
    La préoccupation fondamentale des gens concernant l'approvisionnement plus sécuritaire est ce à quoi vous avez fait allusion, à savoir le détournement, mais la réalité est que les enfants à l'école, les étudiants à l'école secondaire ou à l'université, n'achètent pas de Dilaudid auprès des personnes dont je m'occupe au centre-ville. Ces personnes sont effrayantes. Elles ont une apparence négligée. Elles ont un air menaçant. Ce ne sont pas auprès de ces gens‑là que les écoliers achètent leur Dilaudid. Leurs drogues proviennent des trafiquants de drogue qui savent comment les fabriquer à très bas prix et qui peuvent les faire parvenir à quelqu'un qui leur ressemble et qui leur servira de mandataire. C'est là que va la majeure partie des drogues qui sont soi-disant détournées de l'approvisionnement plus sécuritaire.
    Les prescriptions d'approvisionnement plus sécuritaire sont en fait bien réglementées. C'est moi qui rédige les ordonnances. Il arrive souvent que nous observions des patients prendre ces drogues parce que nous n'avons pas suffisamment confiance en eux pour les laisser partir avec. Nous faisons confiance à certaines personnes. Cela permet de préserver leur autonomie. Cela permet d'instaurer un climat de confiance et d'aborder les autres troubles physiques et mentaux dont elles souffrent.
    Le nombre de personnes qui bénéficient de l'approvisionnement plus sécuritaire à Ottawa Inner City Health est de 50. Dans un hôpital de soins de courte durée, les prescriptions de morphine et d'hydromorphone sont bien plus nombreuses chaque jour que ce que reçoivent ces 50 personnes.
    Oui, on remarque que les écoliers consomment du Dilaudid. La déduction selon laquelle ces pilules proviennent de l'approvisionnement plus sécuritaire est incorrecte. Il n'est pas possible de faire cette association facilement, ni de manière fiable ou cohérente.

[Français]

    Vous disiez, tout à l'heure, que si on n'arrive pas à être en contact avec ces gens, un certain travail communautaire doit être fait. Par exemple, les gens en première ligne qui se consacrent à la réduction des méfaits font en sorte d'avoir un contact avec les toxicomanes afin de les ramener vers les déterminants sociaux.
    Lors d'une tournée que nous avons faite, nous avons remarqué que les belles histoires, les histoires qui finissent bien, ont toujours commencé par un hébergement supervisé, entre autres choses, où la personne avait un toit, où la personne avait le droit de consommer de façon supervisée. Progressivement, cela amenait la personne à maîtriser sa consommation. Le fait d'avoir un domicile fixe lui donnait la capacité de se trouver un emploi et, progressivement, l'aidait à s'en sortir.
    Cette voie semble beaucoup plus difficile et elle peut s'échelonner sur une longue période. Selon vous, est-elle plus intéressante que la désintoxication obligatoire, par exemple?
(1130)

[Traduction]

    Oui. Le problème du traitement obligatoire... Tout d'abord, nous ne le faisons pas pour le diabète, l'hypertension, l'arthrite rhumatoïde ni la pneumonie. C'est parce que nous voulons préserver votre autonomie en matière de soins de santé. L'hypothèse sous-jacente du traitement obligatoire est qu'il s'agit d'un traitement unique. Je vous soigne, vous allez mieux et vous rentrez chez vous. Ce n'est pas le cas.
    Lorsque l'on travaille sur le terrain comme moi, on reconnaît que la toxicomanie ou les troubles liés à la consommation de substances sont un problème complexe qui concerne non seulement les soins de santé, mais aussi les déterminants sociaux de la santé. Une approche simple et unique pour tous les patients ne fonctionnera jamais. Il s'agit d'un trouble chronique, pas d'un trouble aigu.
    Ce n'est pas différent de la gestion du diabète. Nous connaissons le problème du diabète, par exemple, qui est l'insuline. Nous ne pouvons toujours pas guérir le diabète, et nous connaissons l'insuline depuis 1922. Si nous ne pouvons pas guérir le diabète, comment pouvons-nous espérer qu'un seul traitement puisse résoudre un problème aussi complexe que celui de la toxicomanie?
    Il faut bien commencer quelque part. En tant que médecin des soins intensifs, mon travail fondamental consiste à vous maintenir en vie. Il s'agit de vous faire gagner du temps et, dans l'intervalle, de comprendre ce qui se passe réellement et d'élaborer un plan global pour s'occuper de vous. Il en va de même pour Murray Street et King Edward Avenue. Lorsque quelqu'un est dépendant, mon travail consiste à le maintenir en vie en utilisant une approche de réduction des préjudices.
    Nous utilisons la réduction des préjudices dans tous les aspects de notre vie. Ce comité a utilisé une approche de réduction des préjudices lorsqu'il m'a fait passer la sécurité. Vous ne savez pas qui je suis. Vous pouvez avoir peur que je vous fasse du mal, vous avez donc un processus de réduction des préjudices qui m'empêche de le faire. La plupart d'entre vous sont probablement venus en voiture ou ont été conduits par quelqu'un. Votre voiture est équipée de dispositifs de réduction des préjudices: ceintures de sécurité, freins antiblocage et coussins gonflables. Vous mettez votre ceinture de sécurité. Pourquoi le faites-vous? Il existe des panneaux de signalisation et un code de la route que nous devons tous respecter, mais des personnes meurent encore dans des accidents de la route. Je le sais parce que je m'occupe d'eux aux soins intensifs, mais nous n'interdisons pas la conduite.
    Merci, docteur Patel.
    Le temps de M. Thériault est écoulé.
    C'est au tour de M. Johns, qui est en ligne, et qui a la parole pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    C'est un honneur de vous rejoindre sur les terres non cédées des nations Tseshaht et Hupacasath.
    Je suis désolé de ne pas pouvoir me joindre à vous en personne. J'étais chez moi pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation et je n'ai pas pu rentrer à temps à Ottawa.
    Docteur Patel, en décembre 2023, vous avez signé une lettre, avec plus de 130 experts en toxicomanie, appelant le gouvernement fédéral à continuer à soutenir et à développer des programmes d'approvisionnement plus sécuritaire. Le début de la lettre se lit comme suit:
En tant que chercheurs et cliniciens à travers le Canada, nous écrivons pour exprimer notre inquiétude face à la politisation croissante qui entoure la réponse à la crise des surdoses de toxicité des drogues qui prend la vie de 21 Canadiens chaque jour. Nous sommes particulièrement préoccupés par la diffusion d'informations erronées et le déni des données probantes sur les interventions de réduction des préjudices, telles que les programmes d'approvisionnement plus sécuritaire de médicaments prescrits.
    Pouvez-vous partager avec le Comité vos connaissances sur les résultats des programmes d'approvisionnement plus sécuritaire de médicaments prescrits?
    Vous vous adressez à moi ou au Dr Ghosh?
    À vous, docteur Patel.
    L'approvisionnement plus sécuritaire vise en fait à établir un cadre de réduction des méfaits en donnant accès aux soins de santé, ce qui comprend les soins de santé mentale et les déterminants sociaux de la santé. Il ne vise pas un résultat unique. La façon la plus utile de fournir l'approvisionnement sécuritaire dépend du résultat recherché.
    Il a été abondamment prouvé que l'approvisionnement plus sécuritaire réduit le taux de mortalité. Dans le cas de l'hébergement, est‑ce que les gens qui reçoivent un approvisionnement plus sécuritaire sont logés? Oui. Sont-ils logés aussi bien que nous le voudrions? Non. Est‑ce que les gens qui s'approvisionnent de façon plus sécuritaire cessent de consommer de la drogue? Certains le font — tout comme certaines personnes cessent de consommer de la caféine, d'autres cessent de fumer et d'autres encore abandonnent toute consommation d'alcool. La majorité des gens abandonnent-ils leur consommation néfaste? Non, parce qu'ils ne veulent pas arrêter. Pourquoi ne veulent-ils pas cesser de consommer? Leurs traumatismes et tous les autres méfaits qu'ils ont subis pendant leur vie n'ont pas été traités, alors la consommation les aide à les supporter. La tranquillité, l'euphorie et la paix qu'ils en tirent l'emportent sur tout ce qu'ils n'ont pas pour maîtriser les influences qui les incitent à continuer de consommer de la drogue.
    Je crois que vous me demandez si le programme d'approvisionnement plus sécuritaire est parfait. Ce n'est évidemment pas le cas. Est‑ce que ce programme porte fruit? Oui. Le fait‑il en tout temps pour tout le monde et en toutes circonstances? Non. Pas plus que l'insuline, mais nous ne cesserons pas de la prescrire pour autant.
(1135)
    Je vous remercie pour cette réponse, docteur Patel.
    Êtes-vous toujours préoccupé par la politisation de cette crise? Vous nous dites qu'il faut adopter une approche multifactorielle, si je vous ai bien compris. Il n'y a pas de solution universelle, mais l'approvisionnement plus sécuritaire prescrit est l'un des outils dont les médecins disposent pour aider des patients. Craignez-vous qu'il soit politisé?
    On ne voit pas de politiciens s'intéresser aux maladies cardiaques ou au diabète. Tous les partis affirment qu'il s'agit d'un problème de santé. Entendez-vous cela en écoutant les politiciens?
    Oui. C'est malheureux, parce que les troubles liés à la consommation de substances, comme vous l'avez mentionné, transcendent l'idéologie politique et la partisanerie. Les patients ne me demandent pas quelle est mon affiliation politique avant de me laisser les examiner dans la rue, et je ne leur demande pas quelle est la leur.
    Ce problème est très certainement devenu un enjeu politique. Pourquoi est‑ce que je pense que c'est devenu un enjeu politique? C'est parce qu'on voit maintenant plus de gens qui consomment de la drogue dans la rue, alors qu'auparavant, ils le faisaient en toute sécurité dans des centres de consommation supervisée. C'est parce que la façon dont les drogues sont consommées, la disponibilité des drogues et les types de drogues disponibles les empêchent désormais de s'injecter une bonne dose d'héroïne, puis de continuer leur journée, d'obtenir une carte d'assurance-maladie, de trouver une maison ou de retirer de l'argent de leur compte en banque, comme nous le faisons tous les jours. Ils doivent maintenant passer tout leur temps à s'injecter d'une heure à l'autre. Voilà pourquoi c'est devenu un problème visible.
    Voilà où réside le problème. C'est ce qui pousse les politiciens à en faire un enjeu politique. Comme vous l'avez dit très clairement, je n'ai pas encore vu un politicien venir à l'unité de soins intensifs pour me dire comment traiter un patient gravement malade. Pourtant, les politiciens de tous les partis ne se gênent pas pour me dire comment faire mon travail à l'angle de la rue Murray et de l'avenue King Edward. C'est visible. Ce problème est maintenant visible parce que les types de drogues que les gens consomment ont fondamentalement changé. Ces drogues agissent si rapidement, mais si brièvement, que les patients doivent en reprendre continuellement.
    Je vais vous expliquer en quelques mots. Les patients qui s'injectent des drogues ou qui en fument, quelle que soit la manière qu'ils ont choisie pour le faire, savent qu'ils ont acheté dans la rue une substance quelconque. Cependant, ils n'ont aucune idée de ce qu'ils viennent d'acheter. Ils ont peut-être acheté du fentanyl, ou du moins on leur a dit que la substance en contient. L'autre médecin vous a dit qu'il y avait beaucoup de contaminants. Ils savent que s'ils fument ou s'injectent cette drogue, ils risquent fort de mourir. Cependant, pour eux, le sevrage est pire que la mort. Essentiellement, ils jouent à la roulette russe. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour éviter le sevrage. Ils préfèrent mourir que de ressentir les symptômes du sevrage.
    C'est une partie du problème. Voilà à quel point les drogues vendues dans la rue sont puissantes et sinistres. Vous ne réglerez pas ce problème en y appliquant une seule approche. C'est tout à fait impossible.
     Merci, docteur Patel et monsieur Johns.
    Monsieur Ellis, vous avez cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être venu témoigner, monsieur Patel.
    Une chose à laquelle je m'oppose et que je trouve difficile... Quand un médecin traite un diabétique, il traite un patient. Cependant, nous parlons ici de la façon dont une population a réagi à certaines mesures de ce gouvernement de coalition qui a ouvert l'accès à des stupéfiants d'action brève pour un toujours plus grand nombre de gens. Vous n'aimez pas ces stupéfiants, et je suis d'accord avec vous.
    Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous pensez de cela. Nous ne cherchons pas à nous occuper d'un patient à la fois, comme vous le faites. Nous essayons d'aider tout un pays qui fait face à une crise terrible.
    Je ne suis pas d'accord avec vous: je ne m'occupe pas d'un seul patient. Il est vrai que je m'occupe d'un patient à la fois, mais à Inner City Health, je traite collectivement toute une cohorte de patients. Il ne s'agit pas d'un seul patient, et je me concentre sur le bien-être de toute la cohorte.
    L'approche thérapeutique que j'applique n'est pas vraiment différente de celle du diabète. Il y a toute une communauté de patients qui souffrent du diabète, qui reçoivent des soins à domicile et des soins aux pieds et qui se rendent périodiquement à la clinique. Notre société a collectivement mis en place toute une infrastructure pour les traiter, parce qu'elle trouve que cette maladie cause de graves problèmes.
    Je pense que nous devrions adopter la même approche à l'égard de la consommation de drogues et d'autres substances, parce que ce problème ne touche pas un patient seulement. Nous ne traitons pas qu'une seule personne. Ce n'est pas un grave problème, c'est un problème chronique.
(1140)
    Merci, docteur Patel.
    De ce côté‑ci, nous sommes tout à fait d'accord avec vous. En réalité, si nous nous contentons de fournir la substance que les gens désirent, nous dispensons tout simplement des soins palliatifs, parce que nous n'avons pas d'autre traitement pour les consommateurs de drogue.
    Nous soutenons que ces gens ont absolument besoin de soins complets — hébergement, gestion du sevrage et tout le reste. Cependant, nous devons aussi les soutenir pendant cette transition. Alors ma question est la suivante: pourquoi utiliserions-nous la méthode dite d'approvisionnement plus sécuritaire alors que nous avons d'autres solutions, comme celle du Suboxone? Comment peut‑on s'opposer à son utilisation? Je ne sais pas si vous vous y opposez, mais c'est ma question.
    Je prescris le Suboxone à certains de mes patients du centre-ville, mais tout dépend de leur autonomie. Bon nombre d'entre eux refusent de prendre du Suboxone, parce qu'ils ne veulent pas cesser de consommer de la drogue. Je ne veux pas cesser de boire un verre de whisky le samedi soir, mais je veux le consommer de façon responsable. Tant qu'ils ont la capacité de consommer responsablement, s'ils refusent le Suboxone, je ne peux pas le leur imposer.
    Je comprends la valeur du Suboxone, parce que certains patients le prennent et s'en sortent bien. Si l'objectif est de les débarrasser complètement des opioïdes, quelle que soit la substance qu'ils consomment, et que le patient a la volonté de le faire, alors oui, nous devrions envisager d'autres solutions que l'approvisionnement sécuritaire. Cependant, la seule façon de gagner la confiance des patients dans cette infrastructure de soins de première ligne est de commencer par leur donner du Dilaudid afin de les attirer dans notre programme. N'oubliez pas que pour un médecin, il est crucial de gagner la confiance de ses patients. Les consommateurs de drogues que nous traitons dans les rues ont vécu de terribles expériences pendant leur vie. Les gens auxquels ils faisaient confiance les ont laissés tomber, alors il nous faut beaucoup de temps pour regagner leur confiance.
    J'aimerais pouvoir prescrire du Suboxone à tous mes patients dès le départ et simplement observer leur évolution, mais en réalité, leurs circonstances personnelles m'empêchent de le faire.
    Nous savons tous, docteur Patel, que la crise des opioïdes a été en grande partie alimentée par l'OxyContin prescrit par les médecins. Je souligne pour le compte rendu que vous acquiescez en hochant la tête. Comment peut‑on affirmer qu'en inondant le marché d'opioïdes pour que les gens puissent les consommer à leur gré, nous réglerons le problème? À mon avis, cela va à l'encontre de notre objectif. Il est vraiment absurde de dire que nous nous sommes attaqués à ce problème — et nous sommes d'accord là‑dessus — à cause de la surabondance d'opioïdes très puissants à action courte et longue, et que nous allons maintenant nous en sortir en donnant de plus en plus d'opioïdes aux gens. Cela me semble ridicule.
    Je suis d'accord avec vous, il est important de développer de bonnes relations avec ces gens, mais le simple fait de leur permettre de consommer tout ce qu'ils veulent ne me semble pas logique.
     Je ne suis pas d'accord avec vous. Nous ne leur permettons pas de consommer tout ce qu'ils veulent. C'est une simplification exagérée, et vous le savez parfaitement.
    La raison d'être d'un approvisionnement plus sécuritaire est d'essayer de gagner la confiance des patients tout en les maintenant en vie. S'ils sont morts, qui s'en soucie? Pourquoi utiliser le Suboxone? Pourquoi s'inquiéter pour Billy? Il est mort. Le problème est réglé.
    Cependant, nous sommes humains. Nous essayons de ne pas tuer des gens si nous pouvons éviter de le faire en appliquant diverses politiques sociétales. Cette politique n'est pas différente. L'objectif d'un approvisionnement plus sécuritaire, je le répète, est de garder les gens en vie afin que nous puissions leur fournir l'aide dont ils ont réellement besoin. Il n'y a pas d'autre solution. Si nous éliminons l'approvisionnement plus sécuritaire, ces gens mourront. Vous aurez alors un problème bien plus grave sur les bras. Voilà où nous en sommes.
    Merci, docteur.
    Madame Sidhu, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, docteur Ghosh et docteur Patel, pour le travail que vous accomplissez sur le terrain.
    Ma première question s'adresse au Dr Ghosh.
    Vous avez parlé de l'analyse des eaux usées et de deux programmes qui donnent d'excellents résultats. Vous êtes coprésident du Réseau canadien pour la santé et l'hébergement des sans-abri. Pouvez-vous nous parler du lien entre l'itinérance et la consommation de drogue? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
(1145)
    Merci beaucoup, madame Sidhu. Je peux certainement parler de ce lien.
    D'abord et avant tout, la population itinérante n'est pas omniprésente et elle est très diverse. Comme le Dr Patel l'a souligné, un traitement qui donne de bons résultats dans un groupe peut s'avérer inutile dans un autre groupe.
    C'est difficile à gérer, car les patients vivent dans des circonstances diverses plus ou moins difficiles. Autrement dit, nous avons de nouveaux sans-abri qui ne sont pas encore des itinérants chroniques. Ils sont traditionnellement plus faciles à réintégrer dans le système d'hébergement que les autres. Ce sont des personnes qui fuient la violence familiale ou dont la maison a pris feu, par exemple. De leur côté, les jeunes en situation d'itinérance se trouvent dans une catégorie tout à fait différente.
    Dans la population d'itinérance chronique, nous constatons beaucoup de troubles de santé mentale et de consommation de drogue, comme l'a souligné le Dr Patel. Cependant, un grand nombre de ces sans-abri souffrent de lésions cérébrales. C'est l'un des troubles qui nous inquiètent le plus dans cette population. Nous observons cela dans les centres-villes de partout au pays.
    Je suis aussi interniste. À l'hôpital de l'Université de l'Alberta, par exemple, je m'occupe souvent de personnes qui ont subi un traumatisme crânien à la suite d'un accident de la route. J'ai parfois des patients atteints de démence frontotemporale. Leurs comportements ne sont pas différents de ceux des consommateurs de drogue dont j'ai pris soin au Calgary Drop‑In Centre ou dans le programme de dépendance aux opioïdes qui se trouve au‑dessus de notre site de consommation supervisée. Ces deux populations sont très semblables. La seule différence, c'est que dans les hôpitaux de soins actifs, les personnes atteintes de démence frontotemporale reçoivent beaucoup de soutien de leurs familles. Ils sont placés dans des établissements de soins de longue durée ou quelqu'un les héberge. Ce n'est pas le cas des sans-abri consommateurs de drogue.
    Je tiens à souligner que les résultats d'études systématiques ont démontré que près de 50 % des sans-abri souffrent de lésions cérébrales modérées à graves ou de troubles cognitifs modérés à graves. C'est énorme, mais nous ne leur offrons pas un soutien adéquat.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse au Dr Patel.
    Docteur Patel, vous dirigez un projet pilote à Ottawa Inner City Health. En pensant au rétablissement des patients dont la vie s'est transformée grâce à ce projet, quelle recommandation présenteriez-vous au Comité?
    Je vous remercie beaucoup pour cette question.
    Je prie le Comité de ne jamais oublier qu'avant toute chose, les troubles découlant de la consommation de substances sont complexes, chroniques et odieux. Pour les gérer, nous devons agir dans de nombreux domaines. Vous avez posé une question au sujet de l'itinérance, qui est d'une importance cruciale avec les autres déterminants sociaux de la santé. La santé médicale et mentale que nous offrons à Ottawa Inner City Health ne constitue qu'une partie minime de la solution. Toutes les autres mesures sont d'une importance cruciale.
    Les gens qui vivent dans une maison, ou même dans un petit appartement, sont des personnes. Cela leur donne un but, une raison d'être, et cela les encourage à changer. Je ne sais pas ce que mes patients ressentent. Je ne peux qu'imaginer ce qu'ils ressentent. Mais si je vivais dans la rue, j'aurais l'impression que l'on ne me voit pas, que personne ne se soucie de moi, sinon, pourquoi me laisserait‑on vivre dans la rue?
    Je vous dirais que pour régler ce problème, les déterminants sociaux de la santé seront beaucoup plus importants que l'approvisionnement plus sécuritaire, le Suboxone ou tout autre traitement médical que nous offrons. Ces initiatives ne régleront rien tant que nous n'améliorerons pas les déterminants sociaux de la santé.
(1150)
    Merci, docteur Patel.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Comme je n'ai que deux minutes et demie de temps de parole, je vais essayer d'être bref pour vous laisser le temps de répondre à ma question, docteur Patel.
    Vous avez parlé tout à l'heure d'une politisation liée au fait que ce problème était devenu visible. Il y a des problèmes posés par la cohabitation dans les villes. C'est une situation que vous vivez sans doute au centre-ville. J'aimerais que vous nous en parliez.
    Croyez-vous que des mesures peuvent être prises pour régler ce problème?

[Traduction]

    Je ne comprends pas bien votre question sur la cohabitation. Faites-vous référence à...

[Français]

    Il y a, d'une part, les gens qui vivent dans le centre-ville et s'y promènent et, d'autre part, les toxicomanes qui vivent dans la rue. Vous avez dit tout à l'heure que ce problème était devenu visible et que, pour cette raison, on en faisait grand cas. C'est de la diversion, au fond.
     Comment règle-t-on le problème fondamental? Depuis tantôt, vous essayez de nous le dire. S'il n'y avait pas eu cette diversion, nous ne serions peut-être pas en train de tenir cette discussion. Pourtant, il faut agir. C'est pourquoi j'aimerais que vous nous disiez ce qu'il faudrait faire de plus, à votre avis, et ce que vous pensez des personnes qui se plaignent des problèmes que pose la cohabitation, qui sont bien réels.

[Traduction]

    Je vais commencer par répondre à la deuxième partie de votre question, qui porte sur la visibilité. Elle cause un problème aux personnes qui vivent dans le quartier.
    Au marché By, ici à Ottawa, par exemple, on construit beaucoup de condos. C'est un gros problème pour les gens qui s'y installent. Ces gens ne sont pas inhumains, mais ils craignent pour leur sécurité physique. Voilà à quoi cela se résume en réalité.
     Une façon de régler ce problème de visibilité serait de ne pas fermer les centres de consommation supervisée. Il faudrait soutenir les centres d'injection supervisée, qui permettent aux consommateurs de drogue de se réchauffer et de consommer en toute sécurité. Dans ces centres, nous pouvons aussi leur donner de la nourriture, des vêtements et de l'eau. Cela nous aide à gagner leur confiance, et ils reviendront au centre pour consommer leurs drogues au lieu de le faire dans un coin de rue. Nous savons tous que ces coins de rue sont très dangereux non seulement pour les consommateurs de drogue, mais aussi pour les habitants des immeubles du quartier.
    Il y a de nombreux projets en cours. Par exemple, ici à Ottawa, il y a le programme Bloc Leaders. Ce sont des consommateurs de drogues qui transmettent leur expérience aux nouveaux consommateurs pour les aider à faire face aux problèmes. Ils essaient de leur montrer les ficelles, comme nous le ferions dans toute autre profession, pour qu'ils consomment en toute sécurité.
     Autrement dit, en supprimant ces centres, comme les centres de consommation supervisée et les cliniques du centre-ville, on ne réglera rien, parce qu'on va repousser les consommateurs dans les rues. L'approvisionnement en drogue n'est plus le même. Ce n'est plus de l'héroïne. Comme les doses agissent vite et très brièvement, les consommateurs passent tout leur temps à s'injecter. Ils n'ont même pas le temps de se rendre au centre d'injection supervisée. Ils doivent le consommer dans la rue pour éviter les symptômes du sevrage. Autrement dit, ils ne veulent pas cesser de se droguer, parce que pour eux, comme je l'ai dit, le sevrage est pire que la mort.
    Si nous fermons les endroits où ils peuvent consommer, où iront-ils? Ils seront obligés de consommer dans la rue. Les trafiquants ne disparaîtront pas. Ils font de l'argent. Ils seront toujours là. Si vous envisagez d'éliminer toute l'infrastructure que nous avons maintenant — parce que vous ne la comprenez pas ou parce que vous vous y opposez sur le plan idéologique —, je vous demanderais simplement de prendre un peu de recul et de penser aux conséquences que vous causerez.
    Merci, docteur Patel.
    La parole est maintenant à M. Johns, pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie tous les deux pour ces observations extraordinaires.
     Docteur Ghosh, j'ai quelques questions à vous poser. Croyez-vous qu'il est urgent d'établir des normes nationales sur les programmes de traitement de la toxicomanie? Pourriez-vous aussi nous faire part de vos réflexions ou de vos préoccupations sur le rôle des établissements de traitement à but lucratif dans la réponse à la crise des drogues toxiques? Par exemple, suivent-ils des normes de soins similaires?
     Merci, monsieur Johns.
    Ce qui me préoccupe, c'est qu'il n'y a pas de normalisation des programmes de traitement dans l'ensemble du pays, et encore moins dans notre province ou dans nos propres secteurs de compétence. Certains d'entre eux bénéficient d'un soutien médical, comme les sites qui fournissent de la buprénorphine et de la méthadone, car ce sont des médicaments fondés sur des données probantes. D'autres n'en ont pas et ils forcent parfois leurs clients à se désintoxiquer, notamment ceux qui ont un trouble de consommation d'opioïdes, sans leur fournir un traitement par agonistes opioïdes. Ces clients risquent de subir une perte de tolérance et de rechuter quand ils sont libérés de l'établissement.
    À mon avis, il faut établir des normes pour tout le pays. Elles doivent être fondées sur des données probantes. Il faut une combinaison de traitements fournis avec assistance médicale, notamment l'administration de médicaments comme la buprénorphine et la méthadone. Pour l'alcool, on administre de la naltrexone, par exemple, ou de l'acamprosate.
    Il faut aussi un système fondé sur des données probantes pour le soutien en santé mentale ainsi que de la thérapie cognitivo-comportementale, par exemple. Ce sont d'autres méthodes dont nous disposons.
    La solution ne s'arrête pas là. Nous devons également tenir compte des déterminants sociaux de la santé, comme l'a souligné le Dr Patel.
    Je le répète, il n'existe pas de normes pour tout cela. Certains établissements manquent de compétences. Ils sont tous très différents. Certains sont excellents et d'autres moins. Il y a des établissements privés à but lucratif et d'autres qui sont publics. J'ai vu d'excellents établissements privés à but lucratif et d'autres qui sont médiocres, et il en est de même dans le système public.
(1155)
    Nous entendons parler d'établissements de santé mentale à but lucratif aux États‑Unis et du fait qu'ils se multiplient démesurément.
    Pouvez-vous nous parler des dangers que présentent ces établissements de soins à but lucratif?
    Mon opinion est quelque peu ambivalente à cet égard. Si les soins à but lucratif liés à la consommation de substances sont fondés et axés sur des données probantes, les consommateurs de drogue peuvent y accéder facilement, à condition bien sûr qu'ils en aient les moyens. Je ne pense pas que ce soit nécessairement une mauvaise chose, mais cela n'assure pas l'équité dans l'ensemble de la population.
    Si vous me permettez de le mentionner, la province de l'Alberta a accru sa capacité de traitement. Elle s'oriente vers la normalisation. Je n'en ai pas encore vu les résultats, mais un bon nombre d'établissements offrent des traitements avec assistance médicale.
    Enfin, et surtout, le choix des programmes est un peu plus rigoureux. La province s'oriente dans cette direction, mais on ne le constate pas dans tous les établissements. À mon avis, il faudra mandater et normaliser tout cela.
    Merci, docteur Ghosh.
    Nous allons passer à M. Doherty pour cinq minutes, je vous prie.
    Docteur Patel, avez-vous des preuves que les trafiquants ne s'emparent pas de l'approvisionnement sécuritaire pour le détourner vers les cours d'école?
    Je ne sais pas comment on pourrait enquêter sur cela, parce que les médicaments d'approvisionnement sécuritaire ne sont pas étiquetés. Il n'y a aucun moyen de savoir d'où vient le cachet de Dilaudid qu'achète un élève...
    Seriez-vous d'accord qu'on applique des mesures de traçabilité à ce qu'on appelle l'approvisionnement sécuritaire?
    Non.
    Pourquoi?
    Parce que c'est sinistre. Ce serait une façon de régenter l'autonomie des gens. Nous ne le faisons pas pour d'autres programmes, alors pourquoi le ferions-nous pour celui‑ci?
    Docteur Patel, votre programme a‑t‑il reçu un financement annuel fédéral par l'entremise du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances?
     Je crois que ce programme se renouvelle tous les trois ans maintenant.
     Je n'aime pas du tout ce que vous a dit M. Johns au sujet de la politisation de l'approvisionnement sécuritaire et de la crise des opioïdes.
    Je suis d'accord avec vous, cette crise est toujours plus visible, plus évidente, elle se déroule au vu et au su de tout le monde. Nos collectivités ressemblent à des zones de guerre. Je vous remercie d'avoir décrit au Comité l'euphorie que ressentent les consommateurs de ces drogues et de nous avoir dit qu'ils la recherchent continuellement. On comprend donc pourquoi les premiers intervenants disent que s'ils administrent de la naloxone ou autre à un consommateur en surdose, celui‑ci est très en colère quand il reprend connaissance. Souvent, ces individus se relèvent en donnant des coups de poing.
    Je vais vous dire une chose: la raison pour laquelle les politiciens... pour laquelle ce problème fait continuellement les manchettes, c'est que depuis 2016, plus de 47 000 Canadiens sont morts d'une surdose. Nous engloutissons continuellement de l'argent dans des programmes, mais nous n'apportons pas de solutions aux Canadiens. Voilà pourquoi cela fait les manchettes.
    Nous sommes d'accord avec vous, il nous faudrait plus de services. De notre côté, nous soulignons que nous devrions faire tout en notre pouvoir pour que les gens obtiennent l'aide dont ils ont besoin. Je crois que vous avez dit cela tout à l'heure en témoignant.
     Docteur Patel, que signifie primum non nocere dans le serment d'Hippocrate?
(1200)
     Avant tout, ne pas nuire.
    Avant tout, ne pas nuire — c'est bien ça?
    Tout à fait.
    Comme le médecin que vous êtes, en quoi respectez-vous ce principe quand vous ravitaillez les consommateurs de drogues au lieu de chercher à les aider?
    Si je ne leur donne pas un approvisionnement sécuritaire, ils meurent, et la partie est perdue, irrémédiablement.
    Avez-vous déjà demandé à un sans-abri ce qu'il pensait de vivre dans la rue? Vous avez dit tantôt que vous ne l'aviez pas fait.
    J'ai demandé. Personne n'aspire à vivre dans la rue. Personne n'aspire à consommer de la drogue. C'est une stratégie pour pouvoir tenir le coup.
    Une stratégie pour tenir le coup contre quoi?
    Tous les traumatismes qu'ils ont vécus dans leur vie.
    Certaines personnes ont perdu leur maison à cause des taux d'intérêt et de l'inflation. D'autres ont perdu leur emploi et se retrouvent dans la rue, parce qu'elles n'ont nulle part d'autre où aller.
    Il y en a qui sont en état de stress post-traumatique ou qui souffrent d'une blessure morale. Le Dr Monty a également mentionné les lésions cérébrales et beaucoup de gens qui en pâtissent se retrouvent dans la rue.
    Dans ma province, les surdoses sont la principale cause de décès chez les enfants de 10 à 18 ans. Le saviez-vous?
    Non, mais je suis sûr que les statistiques disent vrai.
    Une des familles avait une fille qui a récemment perdu la vie. Elle n'avait que 13 ans et elle vivait dans un camp de sans-abri. Vous avez parlé de l'autonomie du patient. Cette famille a essayé à maintes reprises de faire soigner sa fille, qui était aux prises avec une dépendance et qui était suicidaire. La famille s'est fait dire par l'autorité sanitaire, et par ceux qui étaient présents, que si la fille voulait se suicider, c'était son choix. Elle venait à peine d'avoir 13 ans.
    Qu'en pensez-vous?
    Je pense que l'expérience que sa famille et elle ont vécue a été absolument atroce et indigne d'un système de soins de santé qui se veut tel.
    Merci, docteur Patel, et merci, monsieur Doherty.
    C'est maintenant au tour de M. Hanley, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, et merci à tous deux de vos témoignages incroyables.
    Docteur Patel, j'aimerais revenir sur certains des thèmes abordés par mon collègue. Pensez-vous qu'il y aurait lieu d'inculquer le principe Primum non nocere, c'est‑à‑dire « avant tout, ne pas nuire », aux politiciens également?
    Oui, il y aurait lieu.
    Merci.
    Tout d'abord, j'ai deux questions complémentaires à vous poser, mais...
    Monsieur Hanley, je suis désolé de vous interrompre.
    Je vois que le Dr Ghosh montre son casque d'écoute. Je crois que ça veut dire qu'il a un problème technique et que nous venons de le perdre. Il a effectivement un problème technique.
    Dois‑je poursuivre, monsieur le président?
    Attendez une seconde, et nous verrons. S'il n'est pas de retour dans une minute, nous devrons l'appeler, alors veuillez patienter un instant, s'il vous plaît.
    Docteur Ghosh, nous entendez-vous?
    Tout à fait. Je m'en excuse. J'ai dû fermer et rouvrir ma session.
    Monsieur Hanley, veuillez poursuivre.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Patel, j'ai deux questions, qui seront brèves, je l'espère, parce que j'en ai d'autres à poser au Dr Ghosh ensuite.
    Vous avez dit que le problème de la consommation supervisée c'est qu'elle est en fait conçue pour les drogues à action prolongée, principalement l'héroïne. Vous avez mentionné que, souvent, les gens n'ont même pas le temps d'entrer dans l'établissement, à cause de la consommation de drogues à action rapide.
    Pouvez-vous nous parler un peu de ce décalage et de ce que nous devons faire? Devrions-nous consacrer plus de ressources à la consommation sécuritaire pour la rendre beaucoup plus accessible, ou y a‑t‑il un certain décalage entre les drogues à action limitée et les centres de consommation supervisée?
(1205)
     C'est une excellente question, étant donné que les drogues qui se retrouvent dans la rue ne sont plus l'héroïne classique de « French Connection ».
    Tout d'abord, je dirais qu'il nous faut soit des heures prolongées pour les centres de consommation supervisée, soit plus de centres, afin que nous puissions amener les gens de la rue là où ils peuvent consommer la drogue en toute sécurité et où nous pouvons les observer afin de nous occuper de tous les autres problèmes de santé qu'ils pourraient avoir...
    Il s'agit aussi de la façon dont les gens consomment de la drogue dans la rue. À mesure que le consommateur vieillit, il a de moins en moins de veines assez résistantes pour s'injecter, alors il s'y prend autrement avec la drogue dont il dispose, l'absorbant par voie orale, ce qui lui fait en prendre davantage parce que ça ne lui fait pas le même effet, ou encore en la fumant ou inhalant, ce qui a des effets extrêmement rapides. Cela lui évite de se rendre dans un centre de consommation supervisée pour trouver une veine à injecter.
    À mesure que les gens vieillissent et consomment de la drogue à cause de toutes les autres choses qui leur arrivent, ils perdent des veines, alors ils changent la façon dont ils consomment la drogue. C'est problématique parce qu'ils fument leur fentanyl, leur méthamphétamine et leur crack dans la rue. Je ne peux pas les amener dans un centre de consommation supervisée à cause de la loi qui interdit de fumer, surtout à l'intérieur. C'est comme les fumeurs dans un bar. On ne peut pas fumer dans le bar d'un restaurant, alors on va dehors. Eh bien, c'est exactement ce qui se passe.
    La fermeture des centres de consommation supervisée va‑t‑elle en fait accroître la visibilité de la consommation de drogues et multiplier les rencontres dans la rue?
    Ma réponse toute simple est oui en raison des types de drogues et de la façon dont les gens les consomment à présent.
    Docteur Ghosh, je vais m'adresser à vous.
    Ce qui me semble curieux à la fois qu'encourageant c'est qu'un médecin de l'Alberta, comme vous, ait mentionné la décriminalisation. Je me demande si vous pensez que nous pourrions peut-être poursuivre cette conversation, compte tenu de la politisation de ce discours en ce moment. Quelle est selon vous la prochaine étape à suivre à l'endroit de la décriminalisation? Qu'en pensez-vous?
    Merci beaucoup de m'avoir invité, monsieur Hanley.
    Je nous vois nous diriger vers le modèle de décriminalisation du Portugal, qui repose sur la responsabilisation. Il a été créé par un gouvernement conservateur au Portugal en 2006. Malgré l'absence de publications, il y a énormément de données sur les résultats obtenus dans le cadre de ce programme au fil des années.
    Essentiellement, ce qui se passe, c'est que si quelqu'un est pris avec moins de deux semaines de substance sur lui, on lui donne une citation à comparaître qui est ensuite transmise à une commission chargée de le dissuader qui...
    Docteur Ghosh, je vais vous interrompre parce que je pense que le Comité connaît bien le modèle portugais. Je suis heureux de voir que vous appuyez ce modèle, mais pouvez-vous nous dire brièvement comment il peut s'appliquer alors que les analogues du fentanyl sont les principales drogues en usage?
    Je pense qu'il donne aux gens la possibilité d'accéder à des soins, ce qui fait que l'on songe moins à la criminalisation, qui est une chose inédite pour tout autre diagnostic au moment d'aiguiller le patient. Ce que je veux dire par là, c'est que nous ne criminalisons pas le diabète ou l'hypertension. Nous ne mettons pas en prison les gens qui font fi de leur taux de glycémie en se payant un petit dessert glacé.
    Le modèle du Portugal, je pense, nous avantage du moment qu'il oriente vraiment la personne qui consomme la substance vers les soins de santé plutôt que vers le régime correctionnel et la justice...
(1210)
    Merci, docteur Ghosh.
    Nous allons passer à...
    Monsieur le président, a‑t‑on escompté le moment où j'ai été interrompu?
    En effet, oui.
    Merci.
    Madame Goodridge, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Patel, vous n'avez pas d'études qui prouvent qu'il n'y a pas de détournement, mais vous dites que le détournement n'est pas un problème. Comment les deux énoncés peuvent-ils être vrais en même temps?
    Fondamentalement, cela revient à la raison pour laquelle les gens détournent leur drogue. Ils le font surtout parce qu'ils n'ont pas d'endroit où rester. Ils n'ont pas de nourriture, ils n'ont pas d'abri, ils n'ont pas d'hygiène — ce sont là des raisons fondamentales de détournement. Les gens dont je m'occupe ne vont pas dans des écoles secondaires comme Lisgar et Rideau pour vendre de la drogue aux élèves. Cela ne leur rapporte rien.
     Ce n'est pas le seul détournement. C'est l'un des principaux éléments dont nous avons entendu parler. Il y a d'innombrables articles qui ont été écrits sur Ottawa et sur la santé dans les quartiers centraux entourant les soi-disant programmes d'approvisionnement sécuritaire, où vont les trafiquants de drogue. Ils échangent du fentanyl contre ces drogues. Ces trafiquants les emmènent ensuite dans les écoles secondaires, inondant les rues de comprimés d'hydromorphone. Le fait de permettre aux gens de les rapporter à la maison crée du chaos.
    La Côte‑de‑Sable n'est pas un endroit pour se promener en sécurité. Je suis très curieuse de savoir comment vous pouvez dire que votre clinique et le détournement de la drogue n'ont rien à voir avec le manque de sécurité dans ce quartier.
    Je ne suis pas du tout d'accord avec vous pour dire que l'approvisionnement sécuritaire est le principal moteur du « chaos », comme vous l'appelez, dans la rue. Les facteurs fondamentaux du chaos sont les types de drogues disponibles dans la rue. Traiter un problème de fentanyl et de méthamphétamine en cristaux avec du Dilaudid, c'est comme soigner mon bras perdu dans un accident de voiture avec du Tylenol pédiatrique. Il n'y a fondamentalement aucun rapport.
    Si nous voulons améliorer ce que nous faisons, il y a diverses façons de nous y prendre. Fournir du fentanyl au genre de personnes que je vois serait une solution de rechange parmi d'autres.
    Par conséquent, vous...
    Si vous le faites, vous verrez un peu ce qu'on entend par « chaos ».
    Docteur Patel, êtes-vous partisan de la disponibilité de fentanyl dans le cadre d'un soi-disant programme d'approvisionnement sécuritaire?
    J'y suis favorable, car cela sauvera des vies.
    Ma prochaine question est la suivante: j'ai vu hier que vous avez obtenu une prolongation de trois ans pour votre clinique, selon Santé Canada.
    Quelles consultations et communications avez-vous eues avec les gens du quartier au sujet du fonctionnement de la clinique?
    Je ne saisis pas la question. Pardonnez-moi.
    Quand on exploite un établissement, on a tendance à communiquer avec ses voisins. Il y a des tonnes de signalements indiquant que la criminalité a augmenté.
    Avez-vous eu des conversations? Santé Canada a‑t‑il exigé que la collectivité soit consultée pour garantir la sécurité publique?
    Santé Canada ne nous l'exige pas, mais comme nous sommes une infrastructure opérationnelle, nous consultons tous nos partenaires communautaires de la Basse‑Ville et des divers refuges que nous avons ailleurs en ville.
     D'accord. Santé Canada n'exige pas que vous consultiez la collectivité ou que vous teniez compte des risques accrus pour la sécurité publique lorsque vous exercez vos activités.
     Il ne l'exige pas, non. Officiellement, mon PDG et moi ne sommes pas tenus de faire rapport à Santé Canada.
     Il est extrêmement troublant — puisque nous voyons tellement de crimes se produire dans les quelques coins de rue autour de votre clinique — de savoir que Santé Canada vous a automatiquement autorisés à continuer à fonctionner pendant encore trois ans, sans mettre en place de mesures supplémentaires pour éviter tout détournement et veiller à ce que la sécurité publique prime sur tout le reste afin que les enfants ne soient pas en danger. Je ne comprends vraiment pas comment Santé Canada s'acquitte de ses fonctions sans faire ce genre de choses.
     Ma dernière question s'adresse au Dr Ghosh.
    Connaissez-vous des solutions de logement conçues pour le rétablissement dans le genre Oxford House?
     Oui.
    Croyez-vous que des solutions axées sur le rétablissement, comme Oxford House, sont de bons modèles pour loger les gens et briser le cycle de la toxicomanie?
(1215)
     Oui.
     Oxford House est essentiellement un logement supervisé de haut niveau, un établissement avec services de soutien financé par des capitaux propres, ce qui signifie qu'il est public et payé par le gouvernement de l'Alberta. Un aspect que je voulais soulever plus tôt, c'est que le gouvernement de l'Alberta a donné accès à ces services gratuitement.
    La clé, c'est qu'Oxford House aide à bâtir une communauté. Ce sont des centres de soins de longue durée, car les gens peuvent y passer pas mal de temps, au‑delà de trois ou six semaines. Nous savons que plus ils passent de temps dans ces établissements, plus les résultats sont bons une fois qu'on leur donne congé.
    L'autre avantage d'Oxford House, c'est qu'elle offre également des services de transition pour réintégrer la collectivité, ce qui, comme vous le savez, est une autre idée clé fondée sur des données probantes. La maison offre un soutien accru aux clients et affiche de meilleurs résultats sur le plan du rétablissement, de l'abandon de la toxicomanie et de la diminution des rechutes.
    Oxford House est une...
    Merci, docteur Ghosh.
    Nous passons maintenant à Mme Brière, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les deux témoins de leurs témoignages, qui sont très utiles et très intéressants.
    Docteur Patel, je trouve les questions de nos collègues de l'autre côté très révélatrices de leur position. J'aimerais donc avoir de nouveau vos observations sur l'importance d'avoir une approche qui tient compte des quatre volets reconnus sur le plan international, à savoir la prévention, l'application de la loi, la réduction des risques et le traitement.
    De plus, docteur Ghosh, cette question a un lien avec celle qui vient de vous être posée. J'aimerais donc que vous y répondiez après l'intervention du Dr Patel. Certes, le fait d'avoir des services pour héberger les gens fait partie de l'offre de services qu'on doit avoir, mais ce n'est pas la seule option non plus.

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    J'espère l'avoir bien compris et je vais essayer d'y répondre.
    Je pense que l'approche à l'égard des déterminants sociaux, comme vous y faites allusion, sera la façon la plus importante de sortir de cette crise. J'hésite à croire qu'il n'y aura plus jamais de crise des opioïdes. La raison en est, comme je l'ai dit, qu'au départ, les êtres humains ont des désirs, et nous sommes des preneurs de risques, alors une approche axée sur l'offre ne fonctionnera jamais. Nous l'avons démontré au cours des 60 dernières années. À moins de nous délester de nos préjugés fondamentaux, nous ne pourrons pas surmonter la situation.
    La raison pour laquelle le logement est vraiment important, comme je l'ai mentionné, c'est qu'il donne un statut personnel sans lequel le client n'a aucune motivation pour vouloir changer. Je ne peux pas changer quelqu'un. Je peux seulement l'aider à essayer de changer, mais s'il ne veut pas ou ne peut pas trouver en son for intérieur le désir de changer avec tout ce qui l'entoure, je n'y peux rien pour changer les choses moi non plus. C'est une vérité fondamentale que je dois accepter. Comme médecin, je ne peux pas tout régler. Je peux faire de mon mieux, mais je ne peux pas tout régler.
    Merci.
    Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
    Docteur Ghosh, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Merci beaucoup.
    Je suis d'accord avec le Dr Patel pour dire que le logement est probablement l'un des principaux moyens de sortir de cette crise, surtout en ce qui concerne la consommation publique de substances, mais il faut que ce soit en conjonction avec d'autres services également.
    Oui, pour moi, le logement est crucial. Je pense que c'est l'élément clé que nous n'avons pas assez dans le système, et il faut nous concentrer là‑dessus. Mais il n'y a pas que le logement. Il doit être accompagné de services de soutien à un degré d'intensité qui correspond aux préoccupations de la personne. Certains de ces clients ont de graves problèmes de santé mentale. Certains souffrent de traumatismes cérébraux graves, de lésions cérébrales ou de troubles cognitifs. Nous avons besoin d'un soutien adéquat qui soit à la mesure de leurs besoins. Cela comprend également le soutien aux consommateurs de drogues.

[Français]

    Merci, docteur Ghosh.
    Docteur Patel, vous avez également travaillé comme pharmacien.
    N'est-ce pas?

[Traduction]

    Je l'ai fait, au centre-ville de Détroit, au service d'urgence et à l'unité de soins intensifs là‑bas. Oui.

[Français]

    J'aimerais donc vous poser une question par rapport à la traçabilité.
    Que l'on soit pour ou contre le principe, comment cela pourrait-il être possible en pratique? Ne faudrait-il pas deux chaînes de production et deux chaînes de distribution?
    De plus, le crime organisé ne serait-il pas capable de copier le produit très rapidement?
(1220)

[Traduction]

    La question porte essentiellement sur la traçabilité, et vous avez raison. Du point de vue de la formulation, je ne vois pas comment un fabricant accepterait cela.
     Les médicaments que nous obtenons dans le cadre d'un programme d'approvisionnement sécuritaire proviennent des fabricants. Ils ne sont pas formulés par nous ni par un centre de santé communautaire. Ils viennent directement du fabricant et si on veut les retracer plus outre, il faudra une deuxième étape. Il faudrait que ce soit facile à détecter de façon constante pour démontrer que le médicament soupçonné d'avoir été détourné provient de tel ou tel lot de tel ou tel fabricant .
    N'importe quel membre du crime organisé qui gagne des sommes mirobolantes pourrait facilement copier cela, parce qu'ils sont beaucoup plus inventifs que les fabricants traditionnels. S'Ils sont plus inventifs, ce n'est pas parce qu'ils sont plus intelligents, mais parce qu'ils ne respectent pas les règles. Il n'y a pas de règles. Ils peuvent faire ce que bon leur semble. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est d'obtenir un traceur analogique de fentanyl, de Dilaudid ou de méthamphétamine en cristaux, de trouver le traceur et d'utiliser exactement le même. Et voilà que le tour est joué et ils n'y sont pour rien.
    Il n'y a pas de fardeau réglementaire pour le vendeur de drogue moyen, alors que ce fardeau est énorme pour le fabricant de produits pharmaceutiques, qui doit lui aussi chercher à ne pas nuire.
     Merci, docteur Patel.

[Français]

     Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Patel, le ministre de la Santé de l'Alberta a dit au Comité qu'il y avait deux voies en matière de dépendance, soit celle de la souffrance, de la misère et de la mort ou celle du traitement. Présentement, l'Alberta investit massivement afin de pouvoir offrir plus de lits et plus de traitements. Or, l'approvisionnement sécuritaire n'y est pas possible. De plus, je n'ai pas l'impression que la réduction des méfaits fait partie de leur conception de la situation. La Colombie‑Britannique a aussi fait volte-face en misant sur le traitement obligatoire.
    Que pensez-vous de ces deux modèles? Bien sûr, il faut offrir plus de lits et de traitements. Or, ne croyez-vous pas que sans approvisionnement sécuritaire, alors que la rechute fait partie du traitement, cela signifie peut-être condamner les gens, en quelque sorte?

[Traduction]

    La voie fondamentale, comme vous l'avez dit en Alberta, c'est la souffrance et la mort, ce qui ne coûte pas cher. Tout le monde, dans chaque ministère de la Santé de chaque province, y souscrirait de bon gré parce que ça ne lui coûte rien.
    Le plan de traitement comporte une lacune fondamentale, à savoir qu'il n'y a qu'un seul traitement et qu'il fonctionne pour tout le monde, et qu'il n'y a pas de récidive, ce qui signifie que lorsqu'on a un trouble lié à la consommation de substances, on reçoit des soins et on retourne chez soi. Ça finit là. On fait dès lors partie de la société et on contribue comme tout le monde. Rien de plus faux. Il n'en est rien.
    Combien de gens connaissez-vous qui peuvent cesser de consommer de la caféine, des cigarettes ou de l'alcool dès le premier essai et ne jamais y retourner? Bien sûr, il y en a qui y arrivent, mais la grande majorité d'entre eux font une rechute et recommencent le traitement. Si c'est votre approche, vous êtes en train de jeter des bases qui sont fondamentalement imparfaites.
    Le deuxième problème que pose cette approche, c'est que nous avons actuellement de la difficulté à doter les hôpitaux de soins actifs d'un nombre suffisant de travailleurs de la santé. Où allez-vous donc trouver des gens pour doter ces centres de toxicomanie? Y a‑t‑il à mon insu une machine distributrice magique qui produit les médecins, infirmières, travailleurs sociaux et pharmaciens qui vont suivre les patients qui font une rechute? Il n'y en a pas à ce que je puisse voir.
     Si c'est votre approche fondamentale, vous êtes voués à l'échec et vous échouerez lamentablement.
    Merci, docteur Patel.
    Notre dernier intervenant sera M. Johns, pour deux minutes et demie.
(1225)
     Je vais poursuivre dans la même veine.
    Docteur Ghosh, vous avez participé aux discussions sur le traitement involontaire. Vous étiez à l'émission Cross Country Checkup hier. Pensez-vous qu'il est prématuré d'avoir cette conversation alors que tant de gens n'ont même pas accès à un traitement volontaire sur demande, comme vient de le dire le Dr Patel?
     Comme je n'ai que deux minutes et demie, je vais poser ces questions rapidement.
    Nous avons entendu le Dr Goulão, du Portugal, dire qu'il n'appuie pas le traitement obligatoire. Ils disent que cela ne fonctionne pas.
     Vous avez également parlé d'incitatifs et de payer les gens pour qu'ils se fassent soigner.
     Enfin, vous êtes membre de la coalition appelée Doctors for Decriminalization. Continuez-vous de croire que la criminalisation des personnes qui consomment des drogues cause plus de tort et crée plus d'obstacles au rétablissement?
    Il vous reste une minute et demie de mon temps, alors je vais vous laisser en parler.
    Pour ce qui est de Doctors for Decriminalization, tout d'abord, oui, je crois que la décriminalisation est la voie à suivre. Les modèles que nous avons vus varient. Il s'agit simplement de trouver le bon modèle qui fonctionne, alors nous ne devrions pas jeter l'éponge de sitôt. Et de un.
    Deuxièmement, en ce qui concerne le traitement involontaire, je suis un ardent partisan du traitement incitatif, car nous avons des preuves médicales confirmant que cela fonctionne. Nous savons que des idées comme la gestion d'urgence ont très bien fonctionné pour la consommation de méthamphétamine. Il y a une tonne de preuves à ce sujet. Nous savons qu'en ce qui concerne les vaccins, les mesures incitatives ont également fonctionné pour amener les gens à se faire vacciner. Je pense que nous pouvons créer un système qui permet aux gens de suivre un traitement, pourvu qu'il y ait des incitatifs. C'est ce que nous ont dit les gens qui consomment des substances.
    Tout le volet du traitement obligatoire est très compliqué, mais nous avons encore besoin de plus d'espace pour les gens qui veulent suivre un traitement volontaire, et nous devons bâtir un système pour cela d'abord et avant tout. C'est crucial, et je ne pense pas que nous en soyons encore là. Nous devons également uniformiser les services de traitement.
    Il y avait une dernière partie à votre question, et je l'ai oubliée. Je suis désolé.
     C'est pour dire que le traitement involontaire est prématuré, étant donné que les gens n'ont pas accès à un traitement volontaire sur demande.
    Oui, c'est l'élément clé.
    La dernière chose que je veux dire, c'est que, mis à part le manque d'accès, je pense qu'une partie de la population n'en profitera pas. Il s'agit de personnes qui ont subi des lésions cérébrales ou des troubles cognitifs modérés ou graves. Cela ne fonctionnera tout simplement pas pour ce groupe de la population. Je pense que c'est ce que nous étudions lorsque nous examinons des gens qui ont des problèmes de toxicomanie dans la rue et qui parlent tout seuls et agissent de façon incohérente. Cela tient en partie à la substance, mais aussi aux préoccupations liées à leur degré de cognition.
    Je ne crois pas que le traitement obligatoire fonctionnerait pour ce groupe de la population. Il nous faut des solutions de rechange, comme le logement pour ce groupe de la population.
    Merci, monsieur Johns.
    Merci, docteur Ghosh.
    Cela met fin aux séries de questions pour ce groupe. Je tiens à vous remercier sincèrement tous les deux d'être venus. Cela a été extrêmement intéressant et nous sera certainement très utile dans le cadre de notre étude. Je vous remercie d'être parmi nous et de nous faire part de votre expertise. Vous pouvez rester, mais vous êtes libre de partir.
    Chers collègues, veuillez ne pas vous enfuir. J'ai une mise à jour à vous faire concernant le calendrier à venir.
    M. Johns, je crois, va demander de reprendre une motion qui avait été ajournée.
    Pour ce qui est des mises à jour, nous commencerons jeudi l'étude du projet de loi C‑277. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire d'Alistair MacGregor. Nous aurons un groupe de témoins dont la présence est confirmée pour jeudi. Le parrain du projet de loi comparaîtra le 10 octobre. À moins que l'orientation du Comité ait changé, nous proposerions de procéder à l'étude article par article lors d'une réunion ultérieure, probablement le 24 octobre.
    Quant à l'étude sur les opioïdes, nous la reprendrons mardi prochain. Nous avons adopté le plan de travail et invité le troisième groupe de témoins. Voilà pour la mise à jour.
     Je donne maintenant la parole à M. Johns, puis à M. Doherty.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à la motion que nous avons déposée.
    Dois‑je relire la motion, monsieur le président?
    Non. Vous devez proposer la reprise du débat sur la motion.
    Je propose que nous reprenions le débat sur la motion dont nous sommes saisis.
    D'accord. Cette motion ne peut faire l'objet d'un débat.
    Plaît‑il au Comité de reprendre le débat sur la motion et l'amendement qui ont été ajournés lors d'une réunion précédente?
    Un député: Non.
(1230)
    Avons-nous besoin d'un vote par appel nominal? Pourrions-nous avoir un vote à main levée?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Le débat reprend.
    La motion a été distribuée au Comité. Lorsque le débat sur la motion a été ajourné, M. Hanley avait proposé un amendement. Le débat portait sur l'amendement.
    Pour vous rafraîchir la mémoire, voici la question dont le Comité est saisi. La motion originale de M. Johns était la suivante:
Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, compte tenu de la prévalence croissante des soins de santé privatisés dans tout le pays et de la difficulté qu'ont les Canadiens à obtenir les soins de santé dont ils ont besoin, le Comité entreprenne une étude d'au moins quatre réunions sur la protection du système des soins de santé public du Canada contre les sociétés à but lucratif, et que le Comité invite les présidents-directeurs généraux des fournisseurs de soins de santé à but lucratif, tels que les Compagnies Loblaw Limitée à témoigner.
    L'amendement dont le Comité est maintenant saisi consiste à ajouter, après les mots « au moins quatre réunions sur », ce qui suit: « le rôle du secteur privé dans le système public de soins de santé du Canada, y compris ». Le débat porte sur l'amendement.
    M. Doherty a la parole. Ce sera ensuite au tour du Dr Ellis.
     Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais céder mon temps de parole à M. Ellis. J'aurai peut-être quelque chose à dire ensuite.
    Je vais vous remettre sur la liste des intervenants.
    Monsieur Ellis, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Cela fait neuf ans que nous sommes dirigés par un gouvernement de coalition qui n'a rien fait d'autre que de permettre la détérioration de ce système de soins de santé public qui nous est si cher, et dans lequel j'ai travaillé pendant de nombreuses années.
    Nous le savons parce qu'à ce comité, nous avons souvent parlé de données. La question qui se pose est donc la suivante: quelles preuves avons-nous que le système de soins de santé public est en train de se dégrader aux mains de la coalition néo-démocrate-libérale? Mais la vraie question entre toutes, monsieur le président, est probablement de savoir par où commencer.
    Le plus gros problème pour les Canadiens est la difficulté d'accéder au système. À l'analyse, il ressort clairement pour les personnes assises à cette table que la difficulté concerne surtout l'accès aux soins primaires. Les acteurs des soins primaires, qu'il s'agisse des infirmières praticiennes ou des médecins de famille, peuvent requérir des analyses sanguines, des radiographies ou des orientations vers des spécialistes.
    Nous voulons, certes, revenir sur cette motion hautement politicienne dont le dépôt a interrompu les importants témoignages que nous entendions dans le dossier des opioïdes, mais une chose est certaine: quand les Canadiens n'ont pas accès au système par le truchement d'un fournisseur de soins primaires, il importe peu que notre système de santé soit le meilleur de la galaxie. Je ne cherche pas à forcer mon propos ni à jouer les plaisantins, mais je veux souligner qu'il importe peu qu'un système soit de qualité si l'on ne peut y accéder. Un tel système est inexistant pour les 6,5 millions de Canadiens qui n'ont pas accès au système de soins de santé qui est si cher au cœur des Canadiens depuis si longtemps.
    Et puis, monsieur le président, ce n'est certainement pas là le premier indicateur auquel il convient de s'intéresser. Nous savons que la situation s'est détériorée au fil du temps. Il y a 20 ou 25 ans, il était possible de choisir son médecin de famille. Les médecins de famille faisaient encore des visites à domicile. Sous la coalition néo-démocrate-libérale, nous avons assisté à une incroyable dégradation de l'accès aux services. Comme je l'ai dit, peu importe le système en place si vous ne pouvez pas y accéder.
    Et puis, il convient de parler de certains cas, comme l'histoire horrible d'un Québécois paralysé de longue date. Le plus triste, c'est qu'il a attendu si longtemps dans une salle d'urgence pour recevoir des soins qu'il a développé d'horribles escarres. Rares sont les personnes dans cette salle à savoir qu'il est extrêmement difficile de traiter ce genre de blessures qui se présentent souvent sous la forme de plaies ouvertes persistantes pouvant nécessiter des soins infirmiers très lourds et un sérieux débridage des régions affectées pour favoriser la guérison, ce qui est très difficile chez les patients alités.
    En fait, cet homme a développé ces escarres parce qu'il a dû passer des jours sur une civière dans une salle d'urgence, dans un endroit inapproprié pour quelqu'un qui avait besoin de soins. Je reviendrai sur ce cas dans un instant.
    J'aimerais pouvoir dire que c'est le seul cas dont nous avons entendu parler au sujet de la défaillance du système dans les urgences.
(1235)
     Comme beaucoup de mes collègues, je rentre dans ma circonscription tous les week-ends, et je mets quiconque autour de cette table au défi de me dire qu'il n'a jamais entendu d'électeur se plaindre des délais d'attente dans les urgences. Malheureusement, c'est presque avec fierté que les gens déclarent avoir attendu 16 heures dans une urgence. Nous entendons ce genre de récits. En tant qu'ancien médecin ayant dispensé des soins, je trouve cela inacceptable.
    À l'époque où je pratiquais à l'urgence, il n'y a pas si longtemps, il m'arrivait souvent de travailler les vendredis soir jusqu'à 23 heures, minuit ou une heure du matin, avant d'être relevé par un collègue. Je me disais alors que je devais vider la salle d'attente avant l'arrivée du médecin de nuit qui avait ainsi la possibilité de s'occuper des patients les plus gravement malades du service et qui attendaient peut-être des soins intensifs ou les résultats de tests et qui avaient subi un trauma ou un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque. J'ai toujours eu pour objectif de vider la salle d'attente pour que le médecin de nuit puisse prendre un tout nouveau départ.
    Comme je le disais, nous retournons tous dans nos circonscriptions le week-end. Eh bien, je vous invite toutes et tous à nous dire combien d'électeurs vous ont dit avoir dû passer des heures et des heures dans une salle d'attente. J'aimerais bien qu'on fasse un tour de table à ce sujet, mais je sais que ce n'est peut-être pas une question dont les députés souhaitent parler. Nous savons que ce phénomène existe à Terre-Neuve, qu'il existe au Québec et qu'il existe en Ontario, tant dans les campagnes que dans les villes. Nous savons que cela touche l'Île-du-Prince-Édouard. Moi je le sais, monsieur le président, parce que des résidants de l'Île-du-Prince-Édouard, quand je suis allé là‑bas, m'ont dit que ce phénomène les touche aussi. Je sais que cela touche la Colombie-Britannique et l'Alberta, et même la Saskatchewan.
    Tandis que nous constatons toute la complexité de la situation, nous découvrons ce qu'a donné cette coalition. Nous n'en sommes même plus à la traditionnelle 23e heure d'un gouvernement en difficulté. Nous en sommes à la 23e heure d'un gouvernement en difficulté qui veut maintenant faire adopter des motions pour que les Canadiens leur confient la tâche de réparer les soins de santé. Mais c'est une plaisanterie! De quelle crédibilité la coalition libérale-néo-démocrate dispose‑t‑elle pour prétendre qu'elle peut régler le problème des soins de santé, tandis que la situation n'a fait que s'aggraver au cours des neuf dernières années? Elle n'en a aucune.
    Et cela, c'est sans parler de ce que quelqu'un m'a confié sous le sceau de l'anonymat. J'ai eu la chance d'être chez moi ce week-end lors du premier rodéo annuel de la Nouvelle-Écosse. À l'occasion, nous avons participé à une partie de hockey de bienfaisance, et l'un des joueurs, qui était remarquable — et je ne le nommerai pas, parce que je n'ai pas demandé sa permission, même s'il a raconté une histoire mémorable —, a dû aller à l'urgence avec un de ses enfants. Il a précisé que celui‑ci n'allait pas forcément très mal, mais il a vu un autre enfant avec un bras cassé, ce qu'il avait conclu de visu même s'il n'est pas médecin. Et cet enfant a dû attendre 14 heures dans une salle d'attente avec un bras cassé.
    Il existe bien sûr un système de triage et tout le monde savait sûrement que l'enfant avait un bras cassé, mais n'y a‑t‑il pas là de quoi mettre les Canadiens en colère? De toute évidence le bras de cet enfant était déformé et ce petit patient a dû attendre 14 heures pour recevoir le service dont il avait besoin.
(1240)
     J'aimerais bien que ce genre d'événement n'arrive pratiquement jamais, mais ce n'est pas le cas. Je connais des patients qui ont attendu si longtemps pour voir un médecin traitant, que leur lacération s'est naturellement refermée et qu'il n'était plus nécessaire de faire des points de suture. Leur blessure s'était refermée d'elle-même. Je ne parle pas d'une guérison miraculeuse, mais d'une plaie ouverte qui s'est refermée par simple pression et qui, après une attente éternelle, n'a plus eu à être suturée, ce qui semble extraordinaire, j'en suis bien conscient. Il demeure que tout le monde autour de cette table a entendu de tels récits.
    Permettez-moi de revenir sur ce que je disais au sujet des indicateurs concernant ce paralytique qui avait développé de graves escarres après une longue période d'alitement dans la salle d'urgence — une période se calculant en journées et pas en heures — sur une simple civière inadaptée, et qui en est venu... Je peux à peine le dire à haute voix, mais encore une fois, cette affaire a fait l'objet d'articles de presse. Je n'invente rien, mais ce sont des mots difficiles à prononcer. Le monsieur en question en est venu à réclamer l'aide médicale à mourir en raison des escarres qu'il avait développées tandis qu'il était aux soins du système de santé du meilleur pays au monde. Encore une fois, cela s'est produit sous la houlette de la coalition néo-démocrate-libérale. Voilà ce qui est arrivé.
    Nous savons aussi que la situation s'est aggravée avec le temps. Le système éprouve peut-être ces difficultés depuis longtemps, mais nous savons que, de nos jours, les délais d'attente pour obtenir un traitement, entre la consultation d'un médecin de famille et la consultation d'un spécialiste, n'ont jamais été aussi élevés en 30 ans. Je dis bien 30 ans. L'attente moyenne au Canada, après avoir consulté un médecin de famille — parce que, bien sûr, comme nous le savons tous, il faut passer par un médecin de famille pour accéder à un spécialiste —, est passée à 27 semaines, soit plus de six mois.
    Je sais que nous avons des collègues médecins parmi nous et je l'apprécie. Je dirais que, dans la plupart des cas, quand un médecin de famille est arrivé au bout de son savoir, de sa formation et de son expérience, quand il a commandé les tests voulus et qu'il a assimilé l'information, il se dit — et je sais ce dont je parle en tant qu'ancien médecin de famille — qu'il a fait ce qu'il fallait. Cela étant, il faut, à partir de là, attendre six mois de plus pour obtenir l'avis d'un spécialiste dont la formation et l'expérience supplémentaires sont nécessaires pour poser un diagnostic ou pour confirmer un traitement. Ce délai est désormais de plus de six mois. C'est inacceptable, tout à fait inacceptable. Ce n'est pas ce à quoi s'attendent les Canadiens, et ce n'est certainement pas ce à quoi s'attendent les médecins de famille qui servent les patients dans le système.
    Nous savons que, dans de nombreuses collectivités, le délai d'attente pour obtenir un rendez-vous au titre d'un bilan sanguin est de plus d'un mois. Tandis que nous commençons à examiner les indicateurs dont je parlais... Je pense que c'est sur cela que nous devons nous concentrer, alors qu'il est question d'autoriser la présentation d'une motion visant à confier une autre étude au même groupe de personnes — la coalition néo-démocrate-libérale — qui a permis l'effondrement du système. Cela me semble plutôt hypocrite et frivole.
(1245)
     Quels autres indicateurs nous montrent que la coalition néo-démocrate-libérale a échoué dans le domaine des soins de santé au Canada?
    Si quelqu'un veut... Contrairement à certains de mes collègues libéraux, je ne fais pas affaire avec cette compagnie. Je n'ai pas d'intérêt financier dans cette entreprise. Ce n'est pas ainsi que je fonctionne. Cela dit, il y a un excellent site Web qui s'appelle SecondStreet.org. Quand on y regarde de plus près, on constate qu'une partie du travail part du nombre de personnes qui, au Canada, sont décédées tandis qu'elles étaient sur une liste d'attente, ce qui est tout à fait choquant. Autrement dit, il s'agit de personnes en attente d'une tomographie, d'une IRM ou d'une consultation par un spécialiste, et cela depuis six mois comme je l'ai dit. Il peut aussi s'agir d'interventions plus invasives, comme une greffe de moelle osseuse.
    Ces chiffres sont absolument renversants. On estime qu'entre 17 000 et 30 000 Canadiens meurent chaque année sur une liste d'attente. Je répète: 17 000 à 30 000 Canadiens meurent chaque année tandis qu'ils sont sur une liste d'attente.
    Tandis que vous absorbez cette donnée, n'oubliez pas qu'il s'agit de Canadiens. Ce ne sont pas des anonymes que vous ne connaissez pas. Ce sont vos mères, vos sœurs, vos tantes, vos oncles, vos pères, vos frères... Des personnes qui risquent de mourir sur une liste d'attente.
    Hier, je me suis entretenu avec quelqu'un qui m'a raconté une autre histoire inimaginable. On lui a détecté un cancer des amygdales et il est parfaitement au courant de son état, le diagnostic ayant été établi après une biopsie. Il a la possibilité de subir une chirurgie robotisée pour retirer ce cancer. Imaginez qu'on va vous opérer de votre cancer des amygdales, et vous espérez que cette intervention sera couronnée de succès. Elle vous épargnera sans doute les affres des radiations, la sécheresse buccale et même la défiguration. Or, son chirurgien n'a accès à l'assistance chirurgicale robotisée qu'un jeudi toutes les deux semaines.
    Tandis que nous commençons à examiner le système défaillant de la coalition néo-démocrate-libérale, comme je l'ai dit, je trouve un peu gros d'entamer ce débat, car, après tout, qu'ont fait les néo-démocrates et les libéraux ces neuf dernières années au sujet des soins de santé, à part les détruire? Rien.
    Nous avons aussi entendu le premier ministre déclarer à la Chambre des communes — je m'en souviens: c'était il y a un peu plus de trois ans, quand je suis arrivé ici — qu'il fallait 7 500 médecins, infirmières et infirmiers praticiens de plus pour améliorer le système. À l'analyse des indicateurs, on voit que le système s'est détérioré et que le nombre de médecins ne cesse de diminuer.
    Bien sûr, celles et ceux qui nous regardent pourront se demander ce qu'un gouvernement conservateur ferait à ce sujet. Nous avons déjà annoncé un programme concernant les diplômés internationaux en médecine. Nous savons qu'au moins 20 000 médecins formés et ayant pratiqué la médecine à l'étranger sont revenus au Canada, où ils ne sont pas en mesure d'exercer leur profession. Voilà le sort incroyablement triste jeté au système par la coalition néo-démocrate-libérale qui nous dirige. C'est une horrible blague. Je vais commencer par cela.
(1250)
     Savez-vous? Tout le monde a entendu dire qu'il ne faut pas appeler une ambulance à Toronto, mais un taxi, parce que vous aurez pour chauffeur un médecin formé à l'étranger. C'est une horrible blague. Malheureusement, comme je le disais, 20 000 médecins formés et ayant acquis leur expérience à l'étranger vivent ici, mais ne peuvent exercer dans le système. Quand je sillonne le pays et que je parle aux Canadiens, je dis que les conservateurs ont un plan. Les Canadiens vous diront que c'est une idée très sensée. Pourquoi ne pas exploiter ce bassin de gens ayant été formés et ayant pratiqué ailleurs? Tout le monde me dit que le corps humain est le même, ailleurs comme au Canada. Moi, je suis sûr que c'est exactement la même chose. Je suis sûr que l'organisme fonctionne partout de la même façon. Je suis sûr que le foie est toujours du côté droit. Et il l'est. On a affaire à des fractures, à des blessures par lacération et à des cas d'hypertension dans toutes les parties du monde. Nous savons que le diabète est présent à l'échelle mondiale.
     Tout le monde estime que si les professionnels ayant reçu leur formation et acquis leur expérience hors Canada avaient la possibilité de prouver leurs capacités sur le plan pratique, ils devraient évidemment avoir un permis d'exercice au Canada et aider à traiter les Canadiens. Ce serait parfait pour les 6,5 millions de Canadiens qui ont besoin de soins primaires et ce le serait également pour les médecins qui doivent occuper d'autres emplois au Canada faute de pouvoir pratiquer la médecine ici.
    J'ai rencontré un groupe de médecins formés à l'étranger et l'un de mes interlocuteurs m'a raconté une histoire terrible. Il était contraint de travailler comme gardien de sécurité parce qu'il ne pouvait pas exercer la médecine. Encore une fois, ce sont des histoires déchirantes. Un jour, son fils lui a dit: « Papa, si tu es médecin, pourquoi vas‑tu travailler tous les jours comme gardien de sécurité? » Comment expliquer cela à son enfant? En lui disant: « Eh bien, je suis venu dans ce pays pour trouver un débouché, mais à cause de toute une série d'obstacles, je ne suis pas en mesure de travailler comme médecin. »
    Songez à la façon dont notre pays s'est bâti. Beaucoup de travailleurs sont arrivés ici après avoir acquis leur formation ailleurs: en médecine humaine, en soins infirmiers, en pharmacie, en dentisterie, en médecine vétérinaire, en briquetage, en plomberie et autres. Ils étaient professionnels, électriciens ou charpentiers. Comment notre pays a‑t‑il accueilli ces gens tandis qu'il était en phase d'expansion? Nous les avons accueillis en leur disant: « Voyons ce que vous pouvez faire. Montrez-nous ce dont vous êtes capable. » La réponse a été: « Eh bien, regardez-moi construire cela. Regardez-moi faire ceci ou cela. Regardez-moi exercer mon métier. » Tout le monde est alors tombé d'accord: « C'est parfait, tu connais ton métier. » Faut‑il s'étonner que l'organisme n'est pas différent dans tel ou tel pays par rapport au Canada?
    Voilà un exemple de solution pratique que les Canadiens peuvent attendre d'un gouvernement conservateur plein de bon sens, d'un gouvernement disant: « Quand vous pourrez prouver vos compétences, nous vous demanderons de travailler chez nous et de fournir des services au nom des Canadiens. »
    Monsieur le président, l'autre indicateur dont nous devons tenir compte concerne le système de soins de santé défaillant, qui a été créé par la coalition néo-démocrate-libérale, surtout dans le cas des services offerts aux anciens combattants. De ce côté‑ci de la Chambre, nous savons que la santé mentale est affaire de santé globale. Mon grand ami Todd Doherty, le champion de la ligne téléphonique 988 pour la prévention du suicide, a insisté pour que cela se produise, ce qui n'aurait pas été le cas sans lui.
(1255)
     Quand on a compris cela et qu'on a compris que les vétérans se tournent vers Anciens Combattants Canada pour obtenir de l'aide... Ils disent qu'il leur faut avoir accès à des services de soutien en santé mentale. Ils se sont battus, ils ont servi leur pays et ils ont assumé leur part du contrat. La réponse, bien sûr, dans ces terribles... J'aimerais que quelqu'un m'accuse d'exagérer en racontant ces histoires, mais tout le monde sait qu'elles sont vraies.
    Nul n'ignore que des anciens combattants au pays ayant réclamé une aide en santé mentale se sont vu proposer l'aide médicale à mourir. C'est la réponse qu'on leur a donnée. Je ne sais pas ce qu'on leur a dit — qu'ils ne peuvent pas y avoir accès, que les délais d'accès sont trop longs, que leur dossier est trop complexe ou que sais‑je encore, et on leur a demandé s'ils avaient envisagé l'aide médicale à mourir.
    Il s'agit non seulement d'un triste témoignage au sujet du système de soins de santé défaillant de la coalition néo-démocrate-libérale, mais aussi de la façon dont nous traitons nos vétérans. Moi, je suis un fier vétéran.
    Merci d'avoir servi le pays.
    De rien, monsieur Doherty.
    Je suis reconnaissant d'avoir eu l'occasion de servir. J'ai appris beaucoup de choses.
    Nous n'offrons pas d'aide aux vétérans. Nous ne disons pas: « Voici une main tendue, saisissez‑la. Je ne veux pas que vous mouriez. » Non, ne le faisons pas.
    Le gouvernement de coalition néo-démocrate-libéral propose l'aide médicale à mourir aux anciens combattants qui ont besoin d'un très important soutien en santé mentale en raison de ce que notre pays leur a demandé de faire. Nous leur avons demandé de signer un contrat, de servir le pays, d'être prêt au sacrifice ultime au nom de ce que nous croyons être juste en tant que pays. Les vétérans ont répondu à l'appel. Ils ont dit oui. Et puis, le gouvernement de coalition néo-démocrate-libéral les a laissés tomber.
    Monsieur le président, s'il n'y avait qu'un seul vétéran en pareille situation, nous pourrions peut-être parler d'une erreur, mais on ne parle pas d'un seul individu. On en compte un grand nombre. C'est un comportement qui, à mon avis, ne peut venir que de la coalition néo-démocrate-libérale, et cela vient directement du Cabinet du premier ministre. C'est là, semble‑t‑il, que sont prises toutes les décisions. C'est triste.
    Nous avons discuté de la question de la thérapie aux opioïdes. J'ai trouvé fort de café que neuf ans se soient écoulés et que le seul argument de la coalition néo-démocrate-libérale soit celui de l'approvisionnement sécuritaire. Donnons des médicaments gratuits. Je trouve tout à fait fascinant que, soudainement, des collègues d'en face disent que nous avons besoin d'un traitement complet.
    Depuis des années, depuis que je suis arrivé à la Chambre il y a trois ans, les conservateurs parlent d'une solution sensée de traitement complet. Ce sont des choses que nous avons soutenues de ce côté‑ci de la Chambre. Nous ne croyons pas que le fait d'assurer un approvisionnement illimité d'opioïdes puissants permettra de mettre fin à cette crise.
    Nous croyons qu'il y a des possibilités de réadaptation et de traitement pour chaque personne touchée par la crise des opioïdes. Nous croyons qu'il ne suffit pas de leur donner des opioïdes, c'est‑à‑dire des soins palliatifs. Cette façon de procéder revient à leur dire: « Vous savez, vous n'irez jamais mieux, alors prenez simplement ces médicaments. » Je crois que la coalition, qui nous coûte cher, veut qu'ils prennent des médicaments et qu'ils se taisent, parce que, dès lors, ils ne posent plus de problème. Le raisonnement est bien sûr absurde.
    Tandis que nous commençons à comprendre ce que la coalition néo-démocrate-libérale a fait pour détruire les soins de santé au Canada, c'est quand même fort de café — et peut-être même antiparlementaire à mon avis — et ridicule que la coalition affirme vouloir parler du système de soins de santé qui est soudainement devenu un enjeu électoral. Nous commençons à voir ce qui compte pour les Canadiens.
    Tout d'abord, les gens que je visite en faisant du porte‑à‑porte me parlent du coût de la vie. C'est ce qui importe à leurs yeux. Ils disent: « Je ne peux pas mettre d'essence dans ma voiture. Je ne peux pas mettre de nourriture sur la table. Je ne peux pas me mettre un toit au‑dessus de la tête. » C'est ce que nous entendons tous les jours. Si vous ne l'entendez pas tous autour de cette table, je vous suggère de faire vérifier votre ouïe.
    Tout à coup, les soins de santé sont devenus un enjeu électoral. Nous devrions nous occuper des soins de santé.
    Pourquoi ne pas éliminer la taxe sur le carbone et tenir compte du coût de la vie? Nous savons qu'un des déterminants de la santé est la capacité d'avancer et d'avoir une bonne alimentation pour avoir une vie saine. Ce sont des choses extrêmement importantes. Des changements s'imposent: le programme Sceau bleu, l'élimination de la taxe sur le carbone, le redressement budgétaire, la construction immobilière et la lutte contre la criminalité. Ce sont des choses dont les députés de ce côté‑ci de la Chambre sont pleinement conscients.
(1300)
     Nous, nous n'avons pas attendu un soudain rappel aux réalités pour décider de traiter adéquatement les personnes qui ont une dépendance aux opioïdes. Après neuf années d'inaction, le gouvernement actuel nous dit qu'il va soudainement réparer le système de soins de santé public le plus respecté. De ce côté‑ci de la Chambre, nous n'avons pas attendu ce réveil brutal.
    Monsieur le président, comme vous le savez, je pourrais parler de bien d'autres choses, mais comme il est 13 h 5, je propose que nous levions la séance maintenant et que nous reprenions plus tard.
    Je propose de lever la séance.
    (La motion est rejetée.)
     La séance n'est pas levée.
    M. Powlowski est le suivant sur la liste.
    Permettez-moi de vous demander d'abord quels sont ceux qui prendront la parole après moi.
    J'ai M. Doherty, puis M. Thériault.
(1305)
    De toute évidence, les conservateurs font de l'obstruction. Ils ne veulent pas que cette motion soit mise aux voix. Ils ne veulent pas étudier le problème de la privatisation croissante des soins de santé. Pourquoi?
    Ils savent très bien que la population canadienne n'est pas d'accord avec cette formule. Sondage après sondage, les gens ont été invités à dire ce qu'est être Canadien. Quelle est la chose la plus importante qui nous distingue en tant que Canadiens? Cela se résume invariablement à deux choses: le hockey et notre système de soins de santé public.
     Je pense que la grande majorité des gens ne croient pas à la privatisation des soins de santé. Je pense que l'obstruction systématique des conservateurs indique clairement qu'ils ne veulent pas en parler, parce qu'ils ne veulent pas manifester publiquement leur appui à la privatisation des soins, puisqu'ils savent que ce n'est pas une question gagnante pour la population canadienne. C'est pourquoi ils font de l'obstruction.
    Cela dit, je vois que tout un groupe de conservateurs veut encore prendre la parole.
    Je propose de lever la séance.
    (La motion est adoptée.)
    La séance est levée.
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