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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 122 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 novembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 122e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
     Avant de commencer, j'invite les gens autour de la table à examiner le petit carton qui est devant eux: ce sont des instructions qui nous permettent d'éviter les accidents auditifs chez nos interprètes et nos techniciens, car il est bien important de veiller à leur santé auditive.
    Conformément à l'alinéa 108(3)f), du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 29 avril 2024, nous allons poursuivre notre étude sur le continuum de l'éducation dans la langue de la minorité.
     J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins qui sont avec nous pour la première heure de la réunion. Ce sont des habitués: M. Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles, M. Patrick Wolfe, commissaire adjoint à la Direction générale de la conformité et de l'application de la Loi, et M. Pierre Leduc, commissaire adjoint à la Direction générale de l'orientation stratégique et des relations externes.
     Je vous souhaite à nouveau la bienvenue à ce comité, messieurs. Je vois que vous avez une équipe qui vous accompagne et je souhaite donc la bienvenue à tout le monde.
    Monsieur le commissaire, comme vous le savez, je suis sévère sur le temps, ce qui permet aux différentes formations politiques de poser beaucoup plus de questions. Vous avez donc cinq minutes fermes pour faire votre allocution d'ouverture.

[Traduction]

    Monsieur le président, honorables membres du Comité, bonjour.

[Français]

    Avant de commencer, je tiens à souligner que nous nous trouvons sur des terres qui font partie du territoire traditionnel non cédé de la nation anishinabe algonquine, un peuple autochtone de la vallée de l'Outaouais.
     Depuis mon entrée en fonction en 2018, je le dis et le répète: l'éducation constitue l'outil le plus puissant d'une communauté pour assurer l'épanouissement de sa langue et de sa culture. Un continuum solide en éducation est essentiel pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, ou CLOSM, au Canada.
     Leur vitalité dépend de la possibilité d'apprendre la langue officielle de la minorité, de la petite enfance à l'âge adulte. Les institutions d'apprentissage de la minorité créent des espaces où les locuteurs peuvent s'épanouir dans la langue minoritaire, alors que les programmes d'immersion permettent d'apprendre la langue française tout en normalisant son usage dans un endroit public, soit la salle de classe. Par ailleurs, je tiens à souligner que le 9 octobre dernier, j'ai publié un rapport intitulé « Un avenir en commun: regard sur nos communautés de langue officielle en situation minoritaire ». On y met en lumière plusieurs défis auxquels font face les CLOSM, dont celui du continuum de l'apprentissage.

[Traduction]

    À la base même du continuum se trouve la question du financement. Plusieurs secteurs en apprentissage souffrent d'un manque chronique de financement durable, surtout ceux qui offrent des services aux CLOSM. Cette situation crée des embûches au droit à l'instruction dans la langue de la minorité, qui est protégé par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. De plus, le secteur postsecondaire a besoin d'un financement stable et adéquat de la part des gouvernements pour assurer son fonctionnement efficace et la mise en place d'une infrastructure qui répond aux besoins des CLOSM.
    Le Plan d'action pour les langues officielles 2023‑2028 est un moyen important de fournir un financement de base et un financement selon les projets à ces secteurs. Il devrait normalement servir à mieux répondre aux besoins signalés par les intervenants des CLOSM. Malgré la hausse du financement prévu, je constate que certaines de mes recommandations émises à la fin de l'exercice du précédent plan d'action — de 2018 à 2023 — n'ont pas été retenues, dont celle d'assurer un déploiement rapide des initiatives dès le lancement du plan.
    En plus d'un financement stable, une plus grande collaboration fédérale‑provinciale‑territoriale constitue une piste de solution pour assurer un continuum solide. Il faut continuer d'insister sur l'importance d'inclure des clauses linguistiques dans les accords fédéraux‑provinciaux‑territoriaux, lesquelles devraient comprendre des mécanismes clairs de transparence et de reddition de comptes qui démontrent des effets tangibles, mesurables et durables. D'ailleurs, j'encourage le gouvernement fédéral à préciser comment il compte assurer son engagement, notamment dans le règlement de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, afin que les minorités francophones et anglophones puissent faire des apprentissages de qualité dans leur propre langue tout au long de leur vie.

[Français]

    Selon moi, les expériences éducatives devraient s'équivaloir partout au pays, tant du côté des écoles de la majorité linguistique que celles de la minorité linguistique. Cela inclut la reconnaissance du droit de gestion scolaire de la minorité linguistique. J'insiste pour que les gouvernements reconnaissent cette nécessité.
    Pour de multiples raisons, nous constatons que des enfants cessent d'étudier dans la langue de la minorité, et ce, à diverses étapes du continuum. Il serait important de mieux cerner les moments et les causes de ces pertes d'effectifs à l'aide de données probantes. Ces données permettraient aux gouvernements et aux parties prenantes de cibler plus efficacement leurs efforts de recrutement et de rétention.

[Traduction]

    En septembre dernier, j'ai participé à Montréal à la conférence CARE qui visait, entre autres, à renforcer les liens entre la communauté éducative de tous les niveaux et les communautés d'expression anglaise du Québec. J'ai encouragé ces dernières à poursuivre leurs efforts de dialogue avec le gouvernement provincial et à revendiquer leurs droits. Je maintiens toujours cette position. Les communautés d'expression anglaise du Québec continuent d'exprimer leur volonté de protéger et de promouvoir la langue française. D'ailleurs, les programmes publics d'immersion française qu'elles ont créés ne cessent de faire leurs preuves en contribuant à l'avancement de l'égalité des deux langues officielles. Une réalité qui se manifeste par un haut taux de bilinguisme chez les Québécois anglophones.

[Français]

     En terminant, j'espère que ces éléments alimenteront vos réflexions sur le continuum de l'apprentissage, lequel est crucial pour assurer le dynamisme des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions dans la langue de votre choix.
    Merci, monsieur le commissaire.
    Le premier tour de questions et réponses sera de six minutes par formation politique. Nous allons commencer par le premier président du Comité permanent des langues officielles.
    Monsieur Godin, la parole est à vous pour six minutes.
    Monsieur le président, je suis plutôt le premier vice-président du Comité, mais je vous remercie quand même; c'est peut-être prémonitoire.
    Messieurs Théberge, Wolfe et Leduc, je vous remercie de votre présence. Cela nous fait toujours plaisir de vous accueillir au Comité permanent des langues officielles.
     Monsieur le commissaire, dans votre rapport d'octobre 2024, vous affirmez que « [l]e Recensement de 2021 a d'ailleurs apporté des données probantes très attendues sur les ayants droit ». Quelques lignes plus tard, les choses s'enveniment. Vous encouragez « Statistique Canada à continuer d'approfondir ses analyses dans ce domaine […] La Loi modernisée engage le gouvernement à rétablir le poids démographique de la minorité francophone par l'immigration, mais il faut aussi s'assurer de ne pas perdre les nouvelles générations à l'assimilation par le canal des écoles de la langue de la majorité. » Vous terminez en vous réjouissant « que la modernisation de la Loi inclue l'engagement du gouvernement fédéral à estimer périodiquement le nombre d'enfants d'ayants droit ».
    Vous savez que j'ai mené un combat sur l'opposition entre « dénombrement » et « estimation ». Ma question est simple. Comment pouvons-nous nous réjouir d'une simple estimation lors du prochain recensement, au lieu d'un dénombrement?
    Si on pouvait dénombrer tous les individus, ce serait probablement l'idéal, à mon avis. Avoir une estimation nous permet quand même de mieux savoir où sont situés les ayants droit, ce qui est extrêmement important. Au cours des 20 ou 30 dernières années, il y a eu des migrations un peu partout au Canada. Il y a des endroits où il n'y avait pas de francophones il y a 20 ans, mais où on retrouve aujourd'hui des écoles francophones. Il est donc extrêmement important de donner accès aux écoles là où se trouvent les ayants droit. Le manque d'accès à ces écoles mène à l'assimilation, parce qu'il y a un bris dans le continuum. Les jeunes quittent les écoles à un certain moment de leur apprentissage.
(1110)
    Merci. Je comprends vos propos, mais vous encensez la bataille qui a été menée par le Comité relativement au dénombrement dans le Recensement de 2021, tout en vous contentant du fait que le gouvernement est sur la bonne voie. Je pense qu'on aurait pu être plus fort que ça.
    Vous avez parlé de l'accessibilité aux écoles. D'après votre expérience, si on construit une école francophone dans une communauté de langue officielle en situation minoritaire, quel est l'impact sur la communauté?
    Premièrement, l'école va se remplir.
    En êtes-vous certain?
    Oui. C'est au point où on commence presque tout de suite à construire des classes portatives, parce qu'il n'y a déjà pas suffisamment de place dans l'école. Si une communauté accueille pour la première fois une école francophone, cette dernière devient un lieu de rassemblement. On parle du côté communautaire de ces écoles. L'école devient un espace où les membres de la communauté peuvent interagir, socialiser et participer à des activités dans leur langue maternelle. Les écoles sont au cœur des communautés. Depuis plus de 50 ans, on travaille à la création de ces écoles dans les communautés. Cela devient le centre d'intérêt de la communauté.
    Encore une fois, il n'y a pas un manque de clientèle, mais un manque d'infrastructures. Il faut accélérer le processus afin de sauver le français dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire hors Québec.
    Tout à fait. Dans toutes les provinces, on constate qu'il y a un manque d'écoles, d'établissements. Si on n'a pas suffisamment d'établissements secondaires, les jeunes vont opter pour un établissement situé plus près. On n'a qu'à regarder ce qui se passe en Colombie‑Britannique, par exemple, où la Cour suprême a rendu une décision. Il y a un besoin criant de nouvelles écoles. Je dirais que c'est le cas dans presque toutes les provinces.
     Dans le même rapport, vous faites mention de votre intervention dans la cause Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest c Territoires du Nord-Ouest (Éducation, Culture et Formation). Vous dites que, dans sa décision, « la Cour suprême a annulé des décisions ministérielles refusant l'admission à l'école en français d'enfants de parents non-ayants droit dans les Territoires du Nord‑Ouest. Selon la Cour suprême, la ministre de l'Éducation, de la Culture et de la Formation aurait dû considérer la valeur de l'article 23 de la Charte dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. »
    Quelles sont les conséquences positives et négatives de cette décision?
     Les conséquences positives comprennent notamment le fait que les effectifs des écoles augmentent, ce qui permet d'offrir plus de services.
    Dans l'un des milieux où le contact entre les deux communautés est assez intense — comme Yellowknife, qui n'est pas une énorme communauté —, on constate que cela entraîne des interactions positives entre les jeunes des deux communautés, ce qui a une incidence favorable sur l'apprentissage du français. Le français est donc plus présent.
     Bien sûr, le danger est l'effet de l'anglais sur les jeunes. Dans un milieu de langue minoritaire, il est toujours important de consacrer le maximum de temps possible à la langue de la minorité en salle de classe.
     Diriez-vous que les autres paliers de gouvernement ne démontrent pas la même volonté de faire une plus grande place à la deuxième langue officielle dans les communautés de langue officielle minoritaire?
    Il est possible que ce ne soit pas une priorité pour certains gouvernements. En effet, il a très souvent fallu par le passé se présenter devant les tribunaux pour faire avancer le dossier de l'éducation, notamment pour demander la construction d'écoles, entre autres.
    Merci, monsieur le commissaire.
    Monsieur Joël Lightbound, vous avez la parole pour six minutes.
(1115)
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le commissaire, je vous remercie d'être parmi nous en compagnie de votre équipe. Je vais continuer un peu dans la même veine que mon collègue Joël Godin.
    Vous avez parlé du manque d'infrastructures physiques et humaines. On sait qu'il existe aussi une pénurie d'enseignants et d'éducateurs de la petite enfance francophones dans les endroits où le français est la langue minoritaire. Vous avez parcouru le pays et vous étudiez cette question depuis maintenant au moins sept ans, sinon plus, compte tenu de votre parcours précédent.
    Quels sont les endroits au Canada où on arrive vraiment bien à poursuivre un continuum en éducation dans la langue de la minorité? Pouvez-vous penser à un exemple de province où on est engagé localement et où les enfants commencent tôt leur éducation en français et la poursuivent dans cette langue, un exemple qui pourrait servir de modèle à reproduire ailleurs au pays?
     Je pense qu'il faut faire attention quand on parle de meilleur modèle, car nos communautés sont tellement différentes les unes des autres.
    Par exemple, au Nouveau‑Brunswick, environ le tiers de la population est francophone et acadienne. On y trouve donc une masse critique, non seulement dans les écoles primaires et secondaires, mais, bien sûr, à l'Université de Moncton. Cela permet donc de mettre en place un continuum en éducation. Cependant, on y rencontre quand même des défis du côté de la petite enfance.
    Quant à l'Ontario, elle a réussi à faire prendre de l'expansion à ses douze conseils scolaires grâce à la politique d'aménagement linguistique qu'elle a adoptée il y a plusieurs années. Il y a beaucoup de leçons à apprendre de cette province en matière d'aménagements linguistiques aux niveaux primaire et secondaire. Là où c'est souvent plus difficile, c'est au niveau postsecondaire, où il faut souvent une certaine masse critique. Si le nombre d'étudiants n'y est pas suffisant, on ne peut pas offrir assez de programmes. On entre alors dans un cercle vicieux.
    Pour ma part, je trouve important que le continuum en éducation soit adapté à la situation de chaque province. Au Manitoba, les francophones représentent 2 % de la population. On voit bien que la situation y est différente. Par contre, la Division scolaire franco-manitobaine accomplit un excellent travail dans les écoles primaires et secondaires.
    Le continuum en éducation dans la communauté anglophone du Québec semble présenter certains obstacles, mais un réseau d'écoles primaires et secondaires et, bien sûr, d'universités et de cégeps est en place. On pense notamment à l'Université Concordia, à l'Université McGill et au Collège Dawson.
    Je pense qu'il faut développer un modèle qui s'applique à chaque communauté. Au Nouveau‑Brunswick, ce n'est pas comme en Colombie‑Britannique ou en Alberta. Le modèle idéal serait celui où, dès qu'un bébé francophone du Québec sort de l'hôpital, il aurait sa place dans une garderie francophone et pourrait ensuite poursuivre toutes ses études en français dans le réseau de l'éducation. Ce serait la même chose pour un bébé anglophone du Québec. Toutefois, la réalité est autre: il y a des bris partout dans le continuum en éducation, que ce soit au niveau de la petite enfance, au niveau primaire ou au niveau du secondaire. Même là où il existe des universités, on n'offre pas toute la gamme des programmes.
    En Ontario, on parle beaucoup du fait que les universités sont surtout bilingues. On y trouve quand même l'Université de Hearst et l'Université de l'Ontario français. Cependant, l'idée du par et pour les francophones ressort souvent.
    La question du continuum d'éducation est extrêmement complexe. On pourrait mettre ça sur papier, mais je ne crois pas qu'il existe une province ou un territoire qui satisfait à tous les critères.
     Je comprends. De plus, tout est tellement lié. Vous dites qu'on n'a pas la masse critique pour le postsecondaire, mais ça part aussi de la petite enfance. Pour qu'on ait cette masse, il faut que l'accès soit disponible pour ne pas perdre ces francophones.
    Justement, nous avons reçu le professeur Pierre Foucher au Comité, qui nous a parlé de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet article est en quelque sorte ce qui nous donne une assise pour examiner le continuum en éducation, mais il ne s'applique pas à la petite enfance ni au postsecondaire. Le professeur Foucher nous disait qu'il y a eu l'élargissement fourni par la décision sur les Territoires du Nord-Ouest, dont a parlé Joël Godin, mais il voyait un possible élargissement pour que l'interprétation de cet article inclue la petite enfance et le postsecondaire.
    Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez ou que vous souhaitez? Avez-vous des commentaires?
    Je souhaiterais évidemment que l'article 23 s'applique au postsecondaire et à la petite enfance. Je pense que cette question va éventuellement se retrouver devant les tribunaux. En Alberta, présentement, dans le cas de la Faculté Saint‑Jean, la communauté s'adresse aux tribunaux, mais n'a pas cet argument que l'article 23 s'applique au postsecondaire. Je ne suis pas constitutionnaliste, donc je ne suis pas vraiment en mesure de me prononcer là-dessus, mais je sais que, pour les communautés, ce serait toute une victoire qu'une autre partie du continuum soit maintenant visée par l'article 23. Je pense qu'on s'est beaucoup concentré, historiquement, sur le primaire et le secondaire. Je suis de la même génération que M. Samson, où les…
(1120)
    Vous êtes plus jeune que M. Samson.
    Des voix: Ha, ha!
    Je ne sais pas. Disons que c'est l'époque où les écoles francophones n'existaient même pas. Donc, au début, on se concentrait sur les écoles du primaire et du secondaire. Maintenant, on constate que ce n'est pas suffisant, parce que s'il n'y a pas d'établissements disponibles à chaque étape du continuum, les jeunes décident d'aller ailleurs.
     Merci beaucoup, monsieur le commissaire.
    Merci, monsieur Lightbound.
    Je cède maintenant la parole au deuxième vice-président de ce comité, M. Beaulieu, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue aux gens du commissariat aux langues officielles.
    Monsieur le commissaire, dans votre dernier rapport, « Un avenir en commun: regard sur nos communautés de langue officielle en situation minoritaire », vous n'avez pas du tout tenu compte de l'approche asymétrique dans la nouvelle Loi sur les langues officielles, voulant que les francophones soient minoritaires dans l'ensemble du Canada et que ce soit le français qui est menacé au Québec, et non l'anglais. Par exemple, vous dites que vous appuyez la communauté anglophone à propos des nouvelles lois visant à limiter un peu le financement des établissements anglophones, pour arriver à une équité du financement entre établissements francophones et anglophones au Québec.
    En quoi tenez-vous compte de cette nouvelle approche?
    Il est clair que, lorsqu'on parle de l'asymétrie, ça s'applique en grande partie dans le cadre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, pour laquelle nous n'avons pas encore le règlement de mise en œuvre dont nous avons besoin. Je pense, par contre, que la partie VII dit aussi qu'on reconnaît qu'il existe deux communautés de langue officielle au Canada. Elle le dit clairement, et c'est clairement dit dans d'autres parties de la Loi aussi. On y reconnaît aussi cette asymétrie. Vous avez tout à fait raison.
     La partie VII énonce aussi qu'il doit y avoir des mesures pour appuyer le français au Québec.
     Oui, je suis tout à fait d'accord, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas avoir de mesures pour appuyer l'autre communauté. L'un n'empêche pas l'autre.
    Je vais juste vous donner un exemple. En ce moment, dans le financement fourni par le gouvernement du Québec aux cégeps, le pourcentage versé aux établissements anglophones est deux fois plus élevé que la proportion d'anglophones dans la population. Vous êtes tout à fait d'accord avec ça et vous vous opposez à ce que le gouvernement du Québec vienne corriger cette situation.
     Ce à quoi je m'oppose, c'est peut-être plutôt le manque de consultation qu'il y a auprès de la communauté et la façon dont ça a été imposé. Je lisais le rapport de M. Dubreuil, le commissaire à la langue française au Québec, qui parle justement d'augmenter le pourcentage de l'enseignement du français au postsecondaire. Par contre, il recommande de le faire graduellement, et en consultation et en partenariat avec les établissements postsecondaires. Je pense qu'il y aurait lieu…
     Par contre, il propose aussi de plafonner encore davantage le nombre de places dans les cégeps anglophones.
    Dans le fond, je pense que vous revenez sur des mythes qui sont propagés par certains groupes de pression anglophones. Vous dites notamment qu'un des principaux défis auxquels fait face la minorité anglophone du Québec est la perception qu'elle n'adhère pas à la valeur de la langue française en tant que langue commune. Pourtant, vous reconnaissez le Quebec Community Groups Network, ou QCGN, un peu comme étant le vaisseau amiral, le représentant de la communauté anglophone au Québec.
    Au Comité, quand il y a eu l'étude article par article de la nouvelle Loi sur les langues officielles, le QCGN s'est réjoui qu'une proposition du Bloc québécois visant à insérer la notion de français langue commune dans la nouvelle loi ait été battue. De plus, cet organisme déclare dans une de ses communications que « le QCGN n’a jamais adhéré à l’idée d’une langue commune. Nous avons plutôt été avisé et très attentifs au lien entre langue commune et nationalisme ethnolinguistique ». Puis, ça continue avec des injures. Êtes-vous d'accord avec ça?
     Je ne parle pas du QCGN. Nous avons fait une étude auprès de la population québécoise sur la perception des deux communautés, et il est évident que ce que les gens pensent n'est pas nécessairement articulé par certains porte-paroles. Il est important de rappeler que les anglophones au Québec veulent faire partie de la société québécoise et y contribuer. Notre étude a démontré très clairement qu'il y a parfois des terrains d'entente…
(1125)
     C'est facile à dire, parce que le gouvernement fédéral, en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, appuie le QCGN et le reconnaît probablement comme étant le représentant des anglophones du Québec. Toutefois, celui-ci s'oppose à la notion du français comme langue commune et a propagé beaucoup de désinformation, que vous reprenez d'ailleurs, notamment sur l'accès aux soins de santé. Or, la loi 96 ne touche pas à l'accès aux soins de santé. À Montréal, les francophones ont de la difficulté à avoir des soins de santé en français. Je trouve donc qu'il y a vraiment un parti pris.
    Vous reprenez aussi le cliché selon lequel les anglophones sont plus pauvres que les francophones, alors que c'est un amalgame. Vous avez déjà fait cette déclaration ici, et je vous avais demandé de m'envoyer les données. Celles-ci indiquaient que les revenus des deux groupes étaient à peu près égaux, mais vous vous étiez basé sur la première langue officielle parlée et la médiane. Or, lorsqu'on tient compte de la langue de travail, on constate que les gens qui travaillent en anglais au Québec gagnent à peu près 15 000 $ de plus. Les indicateurs qui circonscrivent le plus la communauté anglophone historique démontrent que celle-ci est encore très haut dans les échelons.
    En faisant cela, pourquoi pensez-vous améliorer la situation du français au Québec?
     À titre de commissaire aux langues officielles, je suis là pour défendre les deux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Évidemment, la situation des francophones hors Québec est différente de celle de la communauté anglophone au Québec. Ce sont des différences importantes. Ces communautés ne sont pas semblables. La communauté francophone est éparpillée dans les neuf provinces…
    Ne tenez-vous pas compte du fait que le français est menacé au Québec?
     Oui, absolument, nous en tenons compte, mais ce n'est pas en enlevant les droits de quelqu'un qu'on va faire avancer ceux de quelqu'un d'autre.
    Pour vous, est-ce un droit que d'angliciser les nouveaux arrivants?
    Ce n'est pas un droit…
    Merci, monsieur Beaulieu. Votre temps de parole est écoulé.
    Merci, monsieur le commissaire.

[Traduction]

    Monsieur Cannings, vous avez la parole pour six minutes.
    Aux témoins, merci d'être ici aujourd'hui.
    Nous parlons du continuum des services d'éducation en langue minoritaire. Je pense que M. Lightbound en a parlé. J'aimerais continuer d'examiner la première partie de l'éducation et des services de garde — la période préscolaire, si l'on veut.
    Je sais que ma collègue Leah Gazan, députée de Winnipeg‑Centre, a présenté un amendement au projet de loi C‑35 pour soutenir la disponibilité des services de garde en langue minoritaire au Canada. Si vous êtes une famille francophone au Manitoba ou en Colombie‑Britannique, ce serait bien d'avoir accès à un service de garde en français, par exemple.
    Je me demandais simplement si vous pouviez en parler davantage et ce que cette disposition du projet de loi C‑35 pourrait signifier dans cette situation.
    C'est très important, car plus on commence tôt à apprendre sa langue, plus il est probable qu'on poursuive ses études dans cette langue.
    Selon nous, l'enjeu de l'apprentissage préscolaire, c'est le manque de places et de personnel pour fournir les services.
    C'est essentiel. Dans bien des provinces, il y a ce qu'on appelle l'exogamie. Je ne sais pas comment on dit cela en anglais: exogamy. Il y a de nombreux couples mixtes sur le plan linguistique. Les enfants ont besoin d'accéder à ces services de soutien tôt dans leur vie.
    Je pense que les solutions proposées sont cruciales pour la vitalité linguistique de ces communautés. Nous devons trouver des façons de doter les services de garde. Nous avons besoin de plus de places. Nous n'avons simplement pas assez de places.
    En 2026, je pense que nous allons renouveler, pas le plan d'action, mais le programme. Je pense que nous devons radicalement augmenter le nombre de places disponibles. Sans cela, nous allons perdre beaucoup d'étudiants potentiels dans les écoles.
(1130)
    Comme nous le savons tous, l'éducation relève des provinces. Je ne suis pas un membre du Comité normalement, donc je ne connais peut‑être pas les détails de l'empiétement du mandat fédéral.
    Comment le gouvernement fédéral peut‑il s'assurer que nous ayons assez d'enseignants et de personnel pour occuper ces postes dans les écoles?
    En Colombie‑Britannique, mes enfants ont fait une immersion française. Toutefois, c'était tard dans leur parcours, parce qu'il n'y a pas le personnel ou les installations nécessaires pour une immersion complète si l'on n'est pas une famille francophone en Colombie‑Britannique.
    Comment pouvons‑nous garantir qu'il y a des postes pour les francophones partout au Canada, et pour les anglophones au Québec?
    Il y a un certain nombre d'initiatives qui ont été lancées pour tenter d'augmenter le nombre d'enseignants de langue française au pays. Nous avons octroyé des fonds directement aux établissements postsecondaires — aux facultés d'éducation. Il y a un programme dans lequel nous avons établi ce que nous appelons un « corridor d'immigration » pour les professionnels de l'enseignement. Nous nous assurons qu'ils possèdent certaines qualifications et peuvent rapidement s'intégrer dans le système. Cela présente des enjeux.
    Je pense aussi que nous devons être conscients que l'enseignement, comme profession, n'est plus ce qu'il était. Il n'est plus aussi valorisé qu'auparavant. On ne peut pas recruter des enseignants dans les écoles de langue majoritaire, sans parler des écoles de langue minoritaire. Il semble y avoir un problème. À titre d'ancien doyen de l'éducation, je sais que nous n'avions pas de difficulté à doter les postes pour nos classes. Il se passe quelque chose dans les écoles. Les gens disent que cela ne les intéresse plus en tant que carrière.
    Nous avons réalisé une étude en 2019, qui portait seulement sur le manque d'enseignants en français langue seconde. C'était patent. Des enseignants dans les classes n'étaient pas qualifiés. Dans bien des provinces de nos jours, dans les écoles de langue majoritaire, il y a des enseignants non qualifiés. Nous devons trouver de meilleures solutions. Dans les années 1960, il y avait un programme... Je suis allé à l'école dans ces années‑là, donc nous sommes des boomers.
    Moi aussi.
    Il fallait trouver beaucoup d'enseignants, alors on a accéléré les programmes de formation. On a fait preuve d'innovation. Je ne pense pas que nous allons répondre aux besoins des écoles avec des programmes de formation en enseignement de cinq ou six ans. Nous devons être plus novateurs et trouver d'autres façons d'y arriver. Nous devons accélérer la formation et ce genre de choses.
    C'est un enjeu très complexe, parce qu'il ne s'agit pas que des écoles. Il est aussi question de l'apprentissage préscolaire. Dans les régions rurales, c'est encore plus difficile. Le gouvernement fédéral, en matière d'éducation en langue minoritaire de façon générale, a des programmes en place pour essayer de soutenir ces efforts, mais il faut dénicher des candidats. Il faut trouver des étudiants pour suivre ces programmes.
    Merci, monsieur Cannings.
    Merci, monsieur Théberge.

[Français]

     Nous entamons un nouveau tour de questions.
    Monsieur Dalton, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Théberge, je vous remercie de votre vigilance en lien avec les langues officielles.
     Plus tôt, M. Cannings a parlé un peu de la pénurie d'enseignants. Vous avez parlé de la certification des immigrants. Il est très difficile pour les immigrants d'entrer dans des métiers dans le domaine de la santé, notamment. Vous avez dit qu'il y avait des problèmes à cet égard.
    Pouvez-vous nous parler davantage du problème lié aux qualifications pour devenir enseignant? Les critères d'admissibilité sont-ils trop exigeants ou pas assez? Qu'est-ce qui pose problème?
(1135)
     Quand j'étais au Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, on parlait beaucoup de la reconnaissance des acquis et des qualifications. On disait même qu'on allait s'assurer que toute personne qualifiée serait en mesure de se trouver dans une salle de classe. D'un côté, il y a souvent de l'opposition de la part des ordres professionnels à l'égard de qui devrait être admis dans la profession. De l'autre, il y a des gens qui arrivent de l'étranger pour enseigner.
    Or, il serait important que ces personnes reçoivent une formation sur le contexte dans lequel elles vont se trouver et travailler. Par exemple, si on arrive de la France et que l'on s'installe à Ponteix, en Saskatchewan, on ne parle pas du même milieu; le contexte est différent. Il faut aussi comprendre que les approches pédagogiques utilisées au Canada ne sont pas nécessairement les mêmes partout. Il y a une question d'adaptation. Il faut donc outiller ces gens-là pour réussir. Si on ne les outille pas convenablement, ils ne vont pas réussir en salle de classe.
    Ce n'est pas parce que l'on est enseignant dans un pays que l'on peut automatiquement transférer ses connaissances dans un autre. L'enseignant doit toujours connaître l'aspect culturel de sa salle de classe. Vous savez aussi bien que moi qu'aujourd'hui, dans une salle de classe, il y a beaucoup de besoins différents, sans oublier la neurodiversité. Il faut être conscient de tout ça, ce qui demande certaines formations. La communauté qui accueille les enseignants issus de l'immigration doit être sensibilisée à cela.
    D'ailleurs, on voit un grand changement dans la population canadienne, qui devient de plus en plus multiculturelle, ce qui est positif.
    Des millions d'immigrants arrivent au Canada, dont beaucoup parlent déjà français. Des études ont été faites sur le déclin du français au Canada. Pourriez-vous parler de l'immigration et du changement démographique qui s'opère au Canada? Certes, nous accueillons des immigrants qui viennent de pays où l'on parle le français, mais la proportion de ce type d'immigrants n'est pas ce qu'elle a déjà été. Pouvez-vous parler de la vitalité du français hors du Québec, particulièrement? Si vous voulez parler du français au Québec, vous pouvez le faire aussi.
     Je peux faire référence à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, où l'on parle de la volonté de rétablir à 6,1 % la proportion de francophones hors Québec, soit ce qu'elle était traditionnellement. Pour ce faire, l'outil préconisé est l'immigration. Cependant, de 2003‑2004 à 2022‑2023 environ, le gouvernement a atteint sa cible une seule fois, dans la dernière année du programme.
    On peut bien se fixer une cible de 7, 8, 9 ou 10 % de francophones hors Québec, voire plus, mais pour cela, il faut vraiment que tous les éléments et toutes les structures nécessaires soient en place pour appuyer ces gens.
    Quand on est immigrant, c'est très complexe. On quitte un pays, on arrive dans un autre pays, il y a une société d'accueil. Des programmes doivent être mis en place pour assurer à ces gens un emploi, un logement et l'accès à l'éducation. Il n'est pas suffisant de recruter un nombre xde personnes de langue française ou de langue anglaise. Il faut que tout le soutien nécessaire soit mis en place pour ces personnes.
    Dans les communautés francophones en milieu minoritaire, il est encore plus important d'assurer à ces gens l'employabilité, le logement, l'accès à l'éducation et autres, parce qu'autrement, ils vont partir et aller dans les plus grands centres. C'est donc extrêmement important.
     Merci, monsieur le commissaire et monsieur Dalton.
    Madame Koutrakis, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Théberge, je partagerai mon temps de parole avec mon collègue M. Darrell Samson. J'aurais donc deux minutes et demie, car le président est assez sévère sur le temps de parole.
    Le gouvernement du Canada a conclu des ententes dans le domaine de l'éducation avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Ces ententes ont un effet direct sur le fonctionnement des conseils scolaires francophones. Pensez-vous que les provinces et les territoires en font assez pour l'éducation dans la langue de la minorité? Si la réponse est non, comment pourraient-ils faire mieux?
     La réponse est qu'on peut toujours en faire plus. Cela dit, on a créé, dans les provinces et les territoires, un réflexe lorsqu'on parle de l'éducation de la minorité, soit celui de se tourner vers le fédéral pour aller chercher plus de financement. Effectivement, il ne fait aucun doute que l'éducation francophone en milieu minoritaire entraîne des coûts supplémentaires. Cependant, le rôle du fédéral est d'assumer les coûts différentiels. Il ne s'agit donc pas de payer, par exemple, pour l'embauche d'enseignants. Ce n'est pas un coût supplémentaire. Il est important que les provinces et les territoires reconnaissent leur rôle. L'éducation est leur champ de compétence, alors leur contribution doit aller au-delà du financement de base.
    Plus tôt, j'ai parlé de ce qu'on a fait en Ontario, il y a plusieurs années, relativement à la politique d'aménagement linguistique. Il y a eu des investissements importants en éducation, et je pense que tous les gouvernements devraient investir dans leurs communautés.
(1140)
     Merci.
    Monsieur Théberge et votre équipe, je vous remercie d'être ici. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors je vais vous demander de répondre à mes questions brièvement.
    Avant, cependant, je veux dire que le Conseil scolaire acadien provincial, de la Nouvelle‑Écosse, est un modèle puisqu'il a été le premier à mettre en place un programme de préparation à l'entrée à l'école pour les enfants de 4 ans.
    Cela dit, voici la question fondamentale: l'éducation en français est-elle un droit ou un privilège?
     C'est un droit.
    Peut-on brimer ou élargir un droit?
    On peut faire les deux.
    C'est exact.
    Alors, en ce qui concerne l'article 23, est-ce que le continuum vient élargir ou enlever ce droit?
     Pouvez-vous préciser votre question?
    Est-ce que le fait de mentionner le continuum en éducation, du préscolaire au postsecondaire, dans le projet de loi C‑13pourrait enrichir ou élargir l'article 23 de la Charte?
     Ça pourrait élargir l'article 23.
    D'accord.
    La reconnaissance du droit à la gestion scolaire a-t-elle donné plus de droits aux communautés francophones, ou leur a-t-elle enlevé des droits?
    Cela leur a donné plus de droits.
    D'accord.
    Maintenant, je vais poser des questions plus pointues.
    Si les francophones n'ont pas accès à une éducation en français, est-ce que leur droit est brimé?
     Oui.
    D'accord.
     S'ils n'ont pas d'infrastructures, est-ce que leur droit est brimé?
    Absolument.
    S'ils n'ont pas de financement, est-ce que leur droit est brimé?
    Absolument.
    S'il n'y a pas de clauses linguistiques dans les ententes, est-ce que les droits de la minorité francophone sont brimés?
     Absolument.
    Peut-on perdre son statut d'ayant droit? La réponse est oui, après trois générations.
    En effet.
    J'arrive à ma question principale.
    Les droits des francophones sont-ils brimés par le fait qu'il n'y a pas d'infrastructure, qu'il n'y a pas d'accès, qu'il n'y a pas suffisamment d'argent et qu'il n'y a pas d'ententes linguistiques qui doivent être respectées par les provinces? Le cas échéant, ne devrait-on pas contester cela devant les tribunaux?
    Ça a déjà été contesté devant les tribunaux à plusieurs reprises. De fait, plusieurs des progrès réalisés dans les dernières décennies ont été réalisés en raison de décisions rendues par des tribunaux qui ont fait avancer le dossier de l'éducation. Avant l'arrêt Mahé, en 1990, rien ne bougeait. Aujourd'hui, on a un système en place. Je me souviens quand il n'y avait pas d'élèves francophones dans les écoles francophones, car les écoles francophones n'existaient pas. On est rendu à 150 000 élèves dans des écoles francophones à l'extérieur du Québec. Il y a donc une croissance.
    Toutefois, on ne peut jamais être satisfait du statu quo de la situation linguistique, car le statu quo mènerait à un recul. La partie VII de la Loi sur les langues officielles parle d'épanouissement, et non d'un simple maintien. On veut que les communautés s'épanouissent, qu'elles soient plus solides, plus fortes et plus dynamiques. Cela va toujours nécessiter des investissements, parce que le contexte dans lequel on vit change continuellement.
    Je vais terminer en disant que le droit des communautés à la gestion de leurs établissements scolaires et leur droit au financement sont, selon moi, en question. Donc, nos droits sont brimés, encore aujourd'hui.
    Merci, monsieur Samson.
    Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Au Québec, le nombre de places dans les cégeps anglophones et les universités anglophones dépasse la proportion du nombre d'anglophones dans la population. On peut toujours accepter que les anglophones aient le droit d'avoir accès à des établissements anglophones. Toutefois, le fait qu'il y ait des places dans ces établissements pour des allophones et des francophones, est-ce que c'est un droit?
(1145)
    Je pense que la question de qui a accès aux cégeps au Québec dépasse mon rôle.
    Dans ce cas, vous n'auriez pas dû intervenir dans ce dossier. Je trouve qu'en faisant l'intervention que vous avez faite, vous avez fait de l'ingérence dans les compétences du Québec. Ne le pensez-vous pas?
    Non.
    Donc, selon vous, vous avez le droit de vous ingérer. Vous avez le droit de prendre position, non pour les droits des anglophones, mais pour maintenir leur capacité d'angliciser les francophones et les allophones.
    Je pense que les droits relatifs au continuum en éducation s'appliquent aux deux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Tout à fait, mais c'est déjà comblé au Québec. Le Québec est la seule province où la communauté de langue officielle minoritaire a suffisamment de places. C'est le cas dans n'importe quelle région du Québec. Toutefois, le débat porte sur la question suivante: est-ce qu'il doit y avoir tellement de places que, finalement, on anglicise les francophones et les allophones?
    Une étude de Statistique Canada dit que, plus vous allez dans un cégep ou une université dans une langue, plus vous allez travailler dans cette langue. Pensez-vous que c'est vrai? Ces résultats sont-ils valides?
    C'est certainement une possibilité.
    C'est ça.
    Or, si c'est valide, et si on continue à faire en sorte qu'il y a deux fois plus de places dans les cégeps anglophones et trois fois plus de place dans les universités anglophones, on contribue à l'anglicisation du Québec.
    On a plafonné les places.
    Oui, mais c'est ce plafond que vous avez critiqué. Vous avez dit que vous partagiez les inquiétudes de la communauté anglophone par rapport à ce plafond et à l'augmentation des frais de scolarité.
    Très souvent, on ne sait pas quelles seront les conséquences de ce genre de mesure. La communauté a le droit d'être préoccupée.
    Je pense toutefois que, en vous ingérant dans ce dossier et en disant que vous partagiez leurs inquiétudes et que vous défendiez leurs droits, vous n'avez pas contribué à dénouer le problème. Vous avez plutôt contribué, un peu, à propager le problème.
    On n'a certainement pas la même définition du mot « ingérence ».
     Effectivement.
    Par exemple…
    Merci, monsieur Beaulieu. Ça passe vite, deux minutes et demie.

[Traduction]

    Monsieur Cannings, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci.
    J'aimerais passer d'un bout du continuum à l'autre, passant des services de garde à la petite enfance aux études de troisième cycle dans les universités et les collèges. Nous avons mené une étude au comité des sciences et de la recherche sur la difficulté qu'il y a pour les chercheurs francophones de publier leurs travaux en français, à cause de choses hors du contrôle de ce gouvernement ou de tout gouvernement, et à cause que l'anglais est devenu la lingua franca dans le domaine des sciences et de la recherche dans le monde.
    Je me demandais simplement si votre commissariat travaille à cet enjeu. Comment pouvons‑nous continuer d'encourager les étudiants de troisième cycle francophones dans leurs études et leur recherche, quand tellement de travaux doivent être pratiquement publiés en anglais pour susciter l'attention? Pourriez‑vous commenter cet enjeu?
    Tout d'abord, je pense que nous devons être conscients de l'écosystème de recherche, où quelques rares maisons d'édition contrôlent le nombre de publications. Si vous voulez être professeur associé, professeur adjoint, puis professeur en bonne et due forme, il faut publier des travaux. Très souvent, ces revues sont en anglais.
    Par le passé, nous avons reçu des plaintes sur le financement des propositions de recherche, surtout en français. Auparavant, les conseils de financement avaient des programmes s'adressant aux communautés francophones. Ils n'existent plus, à ce que je sache, et Patrimoine canadien a mis sur pied un groupe d'experts pour voir comment nous pourrions favoriser la recherche et les publications en français. C'est tout un défi, compte tenu de cet écosystème où, au fond, sa langue maternelle importe peu, parce qu'on va publier dans sa langue seconde.
    Je pense bien que nous pourrions, par exemple, obliger les chercheurs financés par les organismes de financement canadiens à produire leurs textes dans les deux langues officielles. Ce serait un bon début. Je ne sais pas si c'est possible, mais...
(1150)
    Le temps vient à manquer. Je donne plus ou moins 10 secondes à tout le monde.
    Nous avons le temps de donner, disons, deux petites minutes aux conservateurs.

[Français]

    Monsieur Godin, vous avez la parole.
     Je vais partager mon temps de parole, monsieur le président.
    Monsieur le commissaire, vous avez déterminé qu'il y avait une pénurie d'enseignants francophones, ce qui est un problème. Une des clés de la solution serait-elle l'immigration d'enseignants francophones? Ainsi, on pourrait faire d'une pierre deux coups: on augmenterait l'immigration francophone et on pourrait offrir un enseignement en français.
    On a établi un couloir pour les enseignants. Cela dit, comme je l'ai dit à M. Dalton, il ne s'agit pas simplement de recruter des enseignants d'un autre pays et de leur assigner une classe ici. Il faut qu'il y ait une transition et des appuis, entre autres.
    Je pense qu'il est important de rappeler qu'il s'agit certainement d'un élément de solution. Par contre, on doit bien appuyer et encadrer ces gens, parce que…
    Si je puis vous interrompre, en tout respect, monsieur le commissaire, si c'est fait dans les règles de l'art, il s'agit peut-être d'une solution à court terme, mais ça permettrait de résoudre deux problèmes en matière de francophonie canadienne, soit la pénurie d'enseignants et l'immigration.
    On serait gagnant sur tous les plans, oui.
    D'accord. Merci, monsieur le commissaire.
    Monsieur le président, je vais laisser le reste de mon temps de parole à ma collègue Mme Gladu.
    Madame Gladu, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
     Monsieur Théberge, vous avez dit que vous aviez fait des recommandations au gouvernement, mais qu'aucune mesure n'avait été prise. Pouvez-vous transmettre à la greffière la liste des recommandations?

[Traduction]

    Nous étudions ce continuum aussi. Nous voyons dans les services de garde qu'il y a un manque en matière d'éducation francophone. De plus, à l'école primaire, nous savons que l'immersion française va plutôt bien dans les petites communautés, mais on nous a dit qu'il y a un important manque dans les grandes villes.
    Par ailleurs, dans les régions rurales, il n'y a simplement pas assez d'écoles au chapitre des droits des minorités, et je pense que vous l'avez mentionné. La situation s'aggrave à mesure qu'on passe aux études postsecondaires.
    Quelles autres lacunes constatez‑vous, et quelles solutions pourrions‑nous apporter pour corriger cet état de fait?
    Une des lacunes, c'est les programmes accessibles à divers points dans le continuum.
    Je vais vous donner l'exemple de Toronto. Après la huitième année, 25 % des jeunes vont changer de système, parce qu'ils savent bien qu'à Toronto, si l'on veut accéder aux études postsecondaires, on doit grosso modo choisir entre l'Université de Toronto et l'Université métropolitaine de Toronto, et maintenant il y a l'Université de l'Ontario français.
    Ces étudiants se demandent où ils peuvent faire leurs études postsecondaires. Il y a des failles à cet égard. Autrement dit, il n'y a pas assez de programmes postsecondaires. C'est un problème dans bien des provinces.
    Qui plus est, dans les régions rurales, le choix de programmes dans les écoles secondaires n'est pas le même que dans certains grands centres. Encore là, les gens vont quitter le système.
    Quand on examine le début du continuum et les services de garde, s'il n'y a pas assez de places pour les minorités, les enfants iront dans un service de garde en anglais, et bien souvent, ils n'iront pas par la suite à l'école française.
    Il y a des lacunes dans tout le système. Les programmes y sont pour beaucoup, parce que plus il y a de programmes, plus on a d'étudiants, mais cela devient un cercle vicieux.
     Concernant l'article 23, ce n'est pas très clair qu'il doive inclure les services de garde et les études postsecondaires. De plus, on se demande quels seraient des chiffres suffisants pour justifier cette position. Pensez‑vous qu'il serait utile de clarifier les choses, pour que les gens ne puissent pas négliger leurs responsabilités à cause du caractère vague de l'article?
(1155)
    Concernant la jurisprudence et l'article 23, je pense qu'au fond, il faut avoir une interprétation très libérale. Les gens réclament depuis assez longtemps, particulièrement en matière d'études postsecondaires, que l'article 23 s'applique. Dernièrement, nous parlons davantage de l'éducation de la petite enfance. Idéalement, cet article engloberait tous les aspects et l'ensemble du continuum.

[Français]

     Merci, madame Gladu.
    Monsieur Samson, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Monsieur Théberge, tantôt, j'ai parlé de la perte du statut d'ayant droit. Je ne souhaite pas que ce genre de perte se produise. J'ai abordé la question pour dire au ministre qu'il ne faut pas permettre ce genre de perte. Si on perd trois générations, le statut d'ayant droit est indirectement perdu. On pourrait mettre en place un règlement permettant une dérogation pour mettre fin à cela. Ce serait une réflexion à avoir, car, encore une fois, nos droits sont brimés lorsque nos élèves quittent certaines écoles en septième ou huitième année parce que l'offre de services n'est pas à la hauteur.
     J'ai une question importante à vous poser concernant votre rapport. Vous le terminez en évoquant l'enquête de Statistique Canada, qui parle du nombre d'élèves nécessaire pour justifier l'offre de services et compare le nombre réel au nombre potentiel. Pouvez-vous nous fournir plus de détails sur l'importance de ces nombres? Dans votre rapport, vous semblez très excité par l'enquête.
     Je ne sais pas si je suis excité par l'enquête de Statistique Canada, mais disons que…
    Je parlais des résultats, pas de Statistique Canada.
    Si on veut s'assurer de pouvoir mettre en place les infrastructures nécessaires pour répondre aux besoins des communautés, je pense qu'il est important de savoir où sont les ayants droit. À mon avis, on doit aussi mieux comprendre les modèles de migration des communautés, ainsi que leur évolution démographique et leur caractère ethnolinguistique. Les communautés changent rapidement. Je ne pense pas que celles que nous avons connues étant jeunes existent nécessairement aujourd'hui. Il faut connaître cette nouvelle réalité et s'y adapter.
    Très souvent, lorsque j'étais responsable de la construction d'écoles, on me demandait où étaient les ayants droit. C'était toujours la question fondamentale. Dans le cadre de cette étude postcensitaire, on a obtenu beaucoup d'informations sur les communautés, mais aussi sur les endroits où elles se trouvent, la façon dont elles se transforment et les moyens de mieux répondre à leurs besoins par la suite. C'est à cela que servent les données probantes.
     Si les ayants droit et les francophones n'ont pas accès à l'éducation en français ni aux services et qu'il n'y a pas de financement pour les offrir, n'est-on pas en train de les assimiler au Canada?
    On parle beaucoup de l'immigration lorsqu'il s'agit d'assurer la vitalité des communautés, mais on doit aussi freiner l'assimilation, ce qu'on appelle aussi les transferts linguistiques, entre autres. Or, le manque d'accès à l'éducation dans la langue de la minorité va certainement contribuer à l'assimilation.
    Concernant l'élargissement de l'article 23 de la Charte, je trouve que le jugement de la Cour suprême dans l'affaire mettant en cause les Territoires du Nord‑Ouest donne quelque chose de spécial aux avocats qui contesteront de telles décisions dans l'avenir, c'est-à-dire toute cette réflexion entourant la vitalité de la communauté. Comment voyez-vous cela?
    Cette décision démontre que la communauté se voit d'une certaine façon. Elle se voit comme étant inclusive et comme étant la mieux placée pour décider qui devrait s'inscrire dans ses écoles. Vous savez aussi bien que moi que tous les conseils scolaires ont leur propre politique d'admission dans les écoles de la minorité.
     Merci.
    Puisque vous terminez bientôt votre mandat, j'aimerais vous poser une question. Si je vous donnais une baguette magique et que vous pouviez faire une chose pour faire avancer la francophonie et l'éducation en français au Canada, qui est la clé de la société, que feriez-vous?
(1200)
    Si j'avais une baguette magique, j'élargirais la portée de l'article 23 pour qu'il s'applique à tout le continuum en éducation.
    De la naissance à la mort.
    C'est exact.
    Merci.
    Nous sommes surpris de vous voir vous arrêter 30 secondes avant la fin de votre temps de parole, monsieur Samson.
    Je n'avais pas remarqué qu'il me restait 30 secondes.
     Je profite de cette occasion pour remercier le commissaire de son travail, de son dévouement, de sa vision et de l'énergie qu'il a consacrée à l'éducation en français au Canada, non seulement dans son rôle de commissaire, mais depuis sa jeunesse. Il a fait face à des défis énormes et a su non seulement franchir ces barrières, mais aussi influencer les changements apportés à l'éducation en français au Canada.
     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Samson, de vos paroles sages.
    Monsieur le commissaire, c'est probablement votre dernière visite à notre comité. Je ne vais pas répéter ce que vient de dire M. Samson, mais je vous remercie au nom de tous les membres du Comité. Vous avez fait bonne impression toutes les fois que vous vous êtes présenté ici. Vous êtes aussi bien entouré. Vous aviez une bonne équipe, évidemment.
    Au nom de toute la francophonie canadienne et des minorités de langue officielle, merci de votre dévouement envers ces communautés.
    Monsieur Godin, vous avez la parole.
     Monsieur le commissaire, je veux me joindre à M. Samson et à M. Arseneault et vous remercier sincèrement pour ce que vous avez fait pour la francophonie et les langues officielles au Canada. Au nom du Parti conservateur, je vous dis merci.
     Monsieur Beaulieu, vous avez la parole.
    Monsieur Théberge, malgré nos désaccords, nous avons eu des échanges très intéressants. Je vous remercie aussi pour tout le travail que vous avez fait.
    Bravo à toute l'équipe du commissaire aux langues officielles.
     Comme nous allons passer à huis clos, je demande à tous ceux dont la présence n'est pas officiellement requise de sortir.
    La séance est suspendue.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
(1200)

(1210)
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