LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 6 avril 2022
[Enregistrement électronique]
[Français]
Bonjour à tous et à toutes. Je déclare la séance ouverte.
[Traduction]
Bienvenue à la 15e séance du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
[Français]
La réunion se déroule sous forme hybride, et les membres seront présents en personne ou au moyen de l'application Zoom.
[Traduction]
Compte tenu de la pandémie qui sévit actuellement et conformément aux recommandations des autorités sanitaires, pour rester en santé et en sécurité, tous les participants qui assistent en personne à la séance devraient suivre les directives du Bureau de régie interne.
[Français]
Je remercie à l'avance les membres du Comité de leur coopération. J
Lorsque vous parlez, veuillez parler lentement et clairement, comme je le fais.
Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuilliez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui sont sur Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français.
Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
[Traduction]
Si des problèmes techniques surviennent, veuillez m'en aviser. Sachez qu'en pareil cas, nous pourrions devoir suspendre la séance quelques instants pour assurer la participation pleine et entière de tous les membres du Comité.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)f) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité, le lundi 31 janvier 2022, le Comité reprend son étude sur l'immigration francophone au Canada et au Québec.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Je m'excuse d'avoir la voix un peu rauque, à la Gerry Boulet. J'essaierai de ne pas éternuer et de ne pas renifler près du microphone. Je tenais à présider la réunion quand même.
Au cours de la première heure, nous recevons M. Charles Castongay, professeur de mathématiques et de statistiques à la retraite.
Nous recevons également le président de la Société de l'Acadie du Nouveau‑Brunswick, M. Alexandre Cédric Doucet, et son directeur général, M. Ali Chaisson.
Mme Liane Roy, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, et M. Alain Dupuis, le directeur général, sont également présents.
Enfin, de la Société nationale de l'Acadie, nous recevons le président, M. Martin Théberge, et la directrice générale, Mme Véronique Mallet.
On accordera à chacune des organisations cinq minutes pour les présentations, après quoi, nous procéderons à une période de questions avec les différents membres du Comité permanent des langues officielles. Je vous ferai signe lorsqu'il restera environ une minute.
Cela dit, je vous donne la parole pour cinq minutes, monsieur Castonguay.
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais partager avec vous quelques réflexions sur la façon dont l'immigration pourrait contribuer le plus efficacement à stabiliser la dualité linguistique canadienne.
La sous-fécondité mine chacune des deux populations de langue officielle canadiennes. L'assimilation à l'anglais parmi les minorités de langue française et de langue non officielle compense la sous-fécondité de la majorité de langue anglaise. Par contre, l'assimilation à l'anglais affaiblit la minorité canadienne de langue française. Son incapacité à assimiler sa juste part d'immigrants de langue non officielle l'affaiblit encore davantage, y compris au Québec.
Par conséquent, le poids de la minorité de langue française ne cesse de reculer au Canada dans son ensemble, au Canada hors Québec et, depuis le début du siècle, au Québec même. Toutes ces tendances sont censées se poursuivre dans un avenir prévisible. Il est donc grand temps de changer les règles du jeu des langues au Canada.
Se servir de l'immigration pour renforcer la minorité canadienne de langue française pourrait constituer une solution partielle. La meilleure façon d'y parvenir serait, premièrement, d'accroître la proportion d'immigrants de langue maternelle française, aussi bien que la proportion d'immigrants de langue non officielle francotropes, c'est-à-dire plus susceptibles de s'assimiler au français qu'à l'anglais. Deuxièmement, il faudrait les orienter vers les régions du Canada où la minorité de langue française demeure assez forte pour les intégrer avec succès. Les régions les plus indiquées à cette fin sont, en ordre décroissant, le Québec, le Nouveau‑Brunswick, puis l'Est et le Nord de l'Ontario.
En effet, promouvoir simplement l'immigration francotrope et de langue maternelle française à l'extérieur du Québec est largement inadéquat. Selon le dernier recensement, 2,5 millions d'immigrants de langue non officielle à l'extérieur du Québec s'étaient assimilés à l'anglais. Ces 2,5 millions d'immigrants incluaient plusieurs centaines de milliers de francotropes. En revanche un minuscule nombre de 14 000 immigrants s'étaient assimilés au français. Les recensements ont même révélé qu'à l'extérieur du Québec, du Nouveau‑Brunswick et de l'Est et du Nord de l'Ontario, la majorité des immigrants de langue maternelle française s'assimilaient à l'anglais, et ce, dès la première génération.
La minorité canadienne de langue française ne représente plus, à l'heure actuelle, que 20 % de la population totale. Pour aider à stabiliser ce chiffre, au moins 20 % de l'immigration au Canada pourrait être soit francotrope, soit de langue maternelle française. En outre, puisque le Québec comprend 90 % de la population canadienne de langue française, le Canada devrait encourager 90 % de ses immigrants francotropes ou de langue maternelle française à s'établir au Québec. C'est ainsi seulement que l'immigration courrait une chance de contribuer efficacement à stabiliser la dualité linguistique canadienne.
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci, monsieur Castonguay.
Vous avez fait votre présentation en quatre minutes, mais il vous reste une minute.
Voulez-vous utiliser 30 secondes pour en dire davantage?
Non, je préfère passer le temps à discuter et à échanger avec les membres du Comité, si vous me le permettez.
D'accord. Ce sera avec plaisir.
Nous allons maintenant céder la parole au président de la Société de l'Acadie du Nouveau‑Brunswick, la SANB, M. Alexandre Cédric Doucet.
Vous disposez de cinq minutes.
Monsieur le président, chers membres du Comité permanent des langues officielles, mesdames et messieurs, bonjour.
Je m'appelle Alexandre Cédric Doucet et je suis le président de la Société de l'Acadie du Nouveau‑Brunswick, l'organisme porte-parole des Acadiennes et des Acadiens, ainsi que des francophones de la province du Nouveau‑Brunswick. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Ali Chaisson, directeur général de la SANB.
Je vous remercie sincèrement d'avoir invité la SANB à comparaître devant votre comité en lien avec son étude sur l'immigration francophone au Canada et au Québec.
L'immigration est un domaine d'intervention particulièrement important pour la nation acadienne. Au Nouveau‑Brunswick, en particulier, où le français constitue la langue maternelle d'environ le tiers de la population, les politiques et les programmes en matière d'immigration ont un rôle essentiel à jouer dans le maintien du poids démographique de la communauté francophone, une communauté protégée par l'article 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il convient de souligner, par ailleurs, que les gouvernements du Canada et du Nouveau‑Brunswick sont ainsi tenus par la Charte d'assurer que leurs programmes et leurs politiques en matière d'immigration ne désavantagent pas une communauté par rapport à une autre et, à tout le moins, qu'ils maintiennent le poids démographique de la communauté minoritaire.
Malheureusement, ce dont la nation acadienne du Nouveau‑Brunswick est témoin dans la province est une réalité plus qu'inquiétante. La communauté francophone du Nouveau‑Brunswick n'a pas autant profité de l'immigration que la communauté anglophone. Voilà un autre domaine où le gouvernement fédéral a nui à l'Acadie en la traitant de la même façon que le reste du Canada.
Il va sans dire que les politiques fédérales en matière d'immigration ne peuvent favoriser l'épanouissement des minorités francophones sans tenir compte de la composition linguistique propre à ces provinces. Le Nouveau‑Brunswick, avec une population francophone d'environ 32 %, requiert un appui de gouvernement fédéral permanent en matière d'immigration, taillé sur mesure, qui permet le maintien et le développement de cette population. Il en est ainsi, car chaque fois que le pourcentage de nouveaux arrivants francophones est moindre que le pourcentage de francophones habitant la province, l'équilibre linguistique unique au Nouveau‑Brunswick est troublé.
À titre d'exemple, la cible du gouvernement fédéral en matière d'immigration francophone hors Québec de 4,4 % ne mentionne aucunement la spécificité du Nouveau‑Brunswick. Le taux de 4,4 % d'immigration francophone, s'il est appliqué au Nouveau‑Brunswick, constitue en réalité un taux assimilateur. D'ailleurs, en 2014, dans son Plan d'action pour favoriser l'immigration francophone au Nouveau‑Brunswick, le gouvernement de la province se donnait jusqu'à 2020 pour que le nombre d'immigrants francophones s'installant dans la province respecte sa composition linguistique. Il en a découlé que, ayant raté sa cible de 2020, le gouvernement provincial l'a repoussée jusqu'à 2023.
Gardant cela en tête, nous encourageons fortement le Comité permanent des langues officielles à recommander au gouvernement du Canada de négocier avec le Nouveau‑Brunswick un accord qui respecte la spécificité linguistique et constitutionnelle de la seule province officiellement bilingue au pays. À cet égard, il doit notamment consulter le gouvernement du Nouveau‑Brunswick, ainsi que les représentants intéressés des deux communautés linguistiques officielles, et négocier avec eux l'adoption d'un accord quinquennal sur l'appui à fournir aux institutions d'enseignement et aux institutions culturelles distinctes de ces deux communautés pour assurer leur protection et leur promotion. Cet accord quinquennal devrait porter sur les domaines de l'éducation primaire et secondaire, la petite enfance, l'éducation postsecondaire, la santé et, bien sûr, l'immigration.
Au Nouveau‑Brunswick, selon les projections établies au moyen du scénario de référence, en 2036, la population francophone se rapproche davantage du quart que du tiers de la population, comme c'est actuellement le cas. Une proportion annuelle de 10 % d'immigration francophone au Canada hors Québec permettrait de ralentir ce déclin au Nouveau‑Brunswick et d'atteindre une proportion de 30 % de francophones en 2036.
Ce faisant, au cours des prochaines années, il faudrait que la province puisse profiter d'un quota fédéral d'au moins 15 % de la cible en immigrants francophones pour pouvoir maintenir une croissance de sa population acadienne et francophone, et ainsi éviter le déclin. Cette augmentation ne sera pas sans difficulté: qui dit augmentation du nombre d'immigrants francophones dit augmentation des financements en établissements et services d'intégration et renforcement du système d'accompagnement francophone. Des moyens financiers et humains plus importants devront être mis en place tout au long de la mise en œuvre de cette cible pour sensibiliser et informer la population néo-brunswickoise à la diversité, à l'inclusion et au multiculturalisme.
En somme, l'augmentation du nombre d'immigrants francophones au sein de la province viendrait maintenir ou faire croître la population francophone. Toutefois, la question de la capacité d'accueil doit être prise en compte dans cette réflexion, car cela aura un impact important sur le taux de rétention. De plus, des initiatives devront être financées afin de répondre à ces défis sociaux et promouvoir le vivre-ensemble.
J'en appelle à votre courage et à votre responsabilité en tant que femmes et hommes d'État. L'avenir du Canada et de l'Acadie, c'est maintenant qu'il se dessine. Nous sommes véritablement à la croisée des chemins. Il vous revient de décider quelle direction prendront le grand projet canadien et son incarnation distincte à l'intérieur de nos communautés linguistiques en situation minoritaire.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Doucet.
Nous allons maintenant poursuivre avec la toute nouvelle présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
Madame Roy, je pense qu'il s'agit de votre première visite au Comité.
À titre de président, je suis heureux de vous donner la parole. Vous disposez de cinq minutes.
Monsieur le président, mesdames les députées, messieurs les députés, je vous adresse la parole à partir de Moncton, au Nouveau‑Brunswick, qui fait partie des territoires traditionnels du peuple micmac. Je suis accompagnée du directeur général de la FCFA, Alain Dupuis, qui se joint à nous à partir d'Ottawa.
Je vous remercie de nous offrir l'occasion de parler de la nouvelle cible progressive en matière d'immigration francophone présentée lundi par la FCFA du Canada.
Chers membres du Comité, vous avez reçu de la part de la greffière quelques tableaux qui accompagnent mon allocution. Vous pourrez donc mieux suivre ma présentation et les données qui sont présentées à l'aide de ces tableaux.
Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a fixé pour cible, en 2003, que 4,4 % des immigrants et immigrantes admis chaque année ailleurs qu'au Québec soient d'expression française. Cette cible devait être atteinte en 2008, mais l'échéancier a été reporté à 2023.
Or, au cours des 18 dernières années, on a constaté très peu de progrès en vue de l'atteinte de cette cible. Les résultats annuels ont rarement dépassé 2 %. En 2021, ils étaient de 1,95 %. Pendant ce temps, le poids démographique des communautés francophones et acadiennes a chuté de 4,4 % en 2001 à 3,8 % en 2016. Si la tendance se maintient, il sera à 3,1 % en 2036.
Comme je l'ai dit lorsque nous avons dévoilé notre cible de rattrapage, un virage majeur s'impose. Nous ne pouvons plus continuer sur cette voie. Cela est maintenant du domaine des torts qui demandent réparation. C'est pourquoi nous avons demandé que le gouvernement se donne les moyens d'atteindre, dès 2024, une cible de 12 % qui devra progresser pour atteindre 20 % en 2036.
Ces chiffres, nous ne les avons pas inventés. Ils proviennent d'une importante étude démographique réalisée pour le compte de la FCFA par la firme Sociopol. Cette étude, qui utilise un modèle et des données de Statistique Canada, montre ce qui est nécessaire pour rétablir à 4,4 % d'ici 2036 le poids démographique de nos communautés. Cet objectif, d'ailleurs, en est un du gouvernement lui-même, qui a été exprimé deux fois. Il l'a été dans le Plan d'action pour les langues officielles 2018-2023 et dans le document de réforme des langues officielles, publié en février 2021. Atteindre cette cible exigera que l'on s'y prenne complètement différemment pour faire de l'immigration francophone. Il faut qu'on y mette tous les moyens à notre disposition. Pendant des années, le gouvernement s'est fié aux programmes généraux d'immigration, comme Entrée express, pour tenter d'atteindre sa cible. Cela n'a pas fonctionné.
Il faut une politique en matière d'immigration francophone avec des programmes et des mesures spécifiques faits pour des réalités spécifiques. Ces mesures devront inclure un programme d'immigration économique francophone distinct, arrimé aux besoins des communautés et des employeurs de la francophonie canadienne. Elles devront inclure des volets francophones spécifiques pour la catégorie du parrainage familial, pour les réfugiés et pour les programmes des candidats des provinces. Les communautés devront enfin jouer un rôle de premier plan dans la sélection des immigrants et immigrantes francophones. Les communautés devront aussi faciliter la venue des étudiants et étudiants internationaux francophones, en levant les barrières à l'obtention de visas et de permis d'étude. Nous recommandons aussi de rendre permanente, pour les candidats et candidates francophones, la passerelle de la résidence temporaire à la résidence permanente mise en place pendant une durée limitée l'an dernier.
Surtout, il faut un appui supplémentaire aux communautés francophones et acadiennes pour qu'elles puissent s'engager pleinement à toutes les étapes en matière d'immigration, que ce soit sur le plan de la promotion à l'étranger, du renforcement des services d'accueil et d'établissement en français, de la mobilisation des employeurs pour le recrutement, de l'aménagement de communautés accueillantes et inclusives pour assurer le succès des personnes qui s'y établissent.
Voilà maintenant 20 ans que les communautés francophones et acadiennes travaillent d'arrache-pied pour relever le défi de l'immigration. Nous avons démontré que nous avons le savoir-faire et l'expertise nécessaires pour créer la francophonie de l'avenir, une francophonie diversifiée et plurielle. Or cette francophonie existera seulement si le gouvernement adopte cette cible de réparation et se donne véritablement les moyens de l'atteindre.
Je vous remercie, et je suis prête à répondre à vos questions.
Merci, madame Roy.
Nous allons terminer avec la Société nationale de l'Acadie et son président, M. Théberge.
Vous avez la parole pour cinq minutes, monsieur Théberge.
Bonjour à tous et à toutes.
La Société nationale de l'Acadie, ou SNA, que je préside, est une société à but non lucratif qui regroupe les associations francophones porte-paroles et les associations jeunesse francophones des provinces de l'Atlantique. Le Comité atlantique sur l'immigration francophone, ou CAIF, est un mécanisme de concertation régional créé par la SNA pour regrouper tous les intervenants, travailler ensemble et parler d'une même voix. C'est à ce titre que je suis devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Martin Théberge, et je suis accompagné de ma collègue Véronique Mallet, la directrice générale.
L'immigration francophone est essentielle à notre épanouissement. La baisse de la natalité, l'exode, le vieillissement de la population et surtout l'assimilation linguistique sont des facteurs contre lesquels nous ne pouvons lutter que par un accroissement de la population de langue française, nécessairement issue de l'immigration. À cet effet, la SNA appuie et félicite la Fédération des communautés francophones et acadienne, ou FCFA, pour ses récentes recommandations.
Malgré l'urgence, l'apport de l'immigration chez nous reste bien en deçà de nos besoins. Selon le rapport du Commissariat aux langues officielles de novembre 2021, les immigrants francophones représentent environ 7 % de l'ensemble des immigrants en Atlantique, 15 % au Nouveau‑Brunswick et moins de 4 % dans les provinces de l'Île‑du‑Prince‑Écouard, de la Nouvelle‑Écosse et de Terre‑Neuve-et-Labrador. Ces taux ne reflètent ni le poids démographique de la population francophone du Nouveau‑Brunswick, qui est de 32 %, ni celui des trois autres provinces de l'Atlantique, dans leur ensemble, qui est de 11,9 %.
Nos quatre gouvernements provinciaux sont conscients de l'importance de l'immigration francophone. Chacun a son plan et souhaite travailler avec nous dans le cadre de son programme des candidats des provinces. Il reste qu'à ce jour, aucune province n'a atteint ses cibles.
Comme le souligne le commissaire aux langues officielles dans son étude d'analyse statistique qu'il vous a présentée récemment:
La cible de 4,4 % d’immigration d’expression française en milieu minoritaire a été adoptée en 2003 pour freiner la baisse du poids démographique de la population d’expression française en milieu minoritaire qui était de 4,4 % au recensement de 2001.
Près de 20 ans plus tard, notre poids démographique n'a cessé de diminuer, tandis que la cible des 4,4 %, repoussée jusqu'en 2023, n'a jamais dépassé les 2 %.
En Acadie, il faut à la fois attirer et retenir les immigrants. Depuis le milieu des années 2000, plusieurs progrès sont à noter.
Pourquoi, alors, l'immigration francophone n'augmente-t-elle pas? Il existe certaines réalités administratives et gouvernementales qui jouent un rôle négatif sur les taux d'immigration francophone. J'aimerais en souligner quelques-unes.
Les étudiants internationaux représentent une catégorie immigrante qualifiée et formée au Canada. En Atlantique, nous estimons qu'ils représentent environ un tiers de l'immigration francophone. Ils pourraient être beaucoup plus nombreux, mais leurs demandes de permis d'études sont très souvent refusées. Plus tard, les chanceux qui l'auront obtenu verront souvent leur demande dee résidence permanent refusée, elle aussi.
Nous souhaitons donc que le gouvernement fédéral se penche immédiatement sur les raisons qui mènent au refus des demandes des étudiants étrangers francophones et qu'il rectifie la situation en accroissant le nombre de demandes acceptées. Presque toutes les catégories d'immigrants font face à la même expérience. Nous exhortons donc le gouvernement fédéral à rapidement trouver des manières de faciliter la résidence permanente des immigrants francophones en milieu minoritaire.
Il y a aussi le problème de la reconnaissance des titres de compétence, l'un des principaux freins à l'intégration économique. Plus du tiers des immigrants interrogés en Atlantique révélaient qu'ils ne travaillaient pas tout à fait, voire pas du tout, dans leur domaine de compétence.
Puisque la question fait partie des points examinés par ce comité, je tiens à mentionner que le CAIF travaille en ce moment même à une étude de faisabilité pour la création d'un centre de reconnaissance des titres de compétences, notamment pour les professeurs de français, domaine où le besoin est très aigu. Ainsi, nous demandons que le gouvernement fédéral agisse immédiatement en travaillant avec les associations professionnelles pour faciliter la reconnaissance des diplômes des immigrants étrangers.
Dans la région atlantique, on ne peut pas s'intégrer pleinement sans maîtriser la langue anglaise. Or, après moins de cinq ans de résidence permanente, plus du quart des immigrants francophones reçus entre 2011 et 2016 ne connaissent pas l'anglais suffisamment pour soutenir une conversation. Permettez-moi de souligner aussi que les études indiquent que le fait de devenir bilingue ne nuit pas à l'usage du français par ces immigrants.
Nous souhaitons donc qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, aide ses partenaires communautaires à faciliter les cours d'anglais pour les immigrants francophones.
Enfin, IRCC ne peut pas prendre en vase clos des mesures touchant l'immigration francophone.
En 2003, le Programme de diplomatie ouverte, qui permettait à la SNA de faire de la promotion à l'international, a été éliminé. Aucun programme comparable ne l'a remplacé depuis.
C'est par ses relations diplomatiques que l'Acadie réussit, par exemple, à maintenir un consulat général de France dans les provinces atlantiques, outil incontournable dans l'attraction des immigrants européens. D'autres mesures et promotions que mène la SNA vont aussi en ce sens.
Nous implorons donc le gouvernement fédéral de réfléchir à la question de l'immigration francophone dans une perspective plus large en matière de relations internationales et de s'engager, dès maintenant, au développement d'une stratégie en ce qui a trait à la diplomatie francophone...
Merci, monsieur Théberge.
J'ai pu étirer votre temps de parole de 20 secondes, parce que M. Castonguay n'a pas utilisé toutes les minutes dont il disposait.
Je suis sévère quant au temps de parole, comme le savent mes collègues.
Nous commençons le premier tour de questions. Les représentants de chaque formation politique disposeront respectivement de six minutes. Nous commençons par le premier vice-président du Comité permanent des langues officielles, M. Joël Godin.
Vous disposez de six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je profite de l'occasion pour vous témoigner ma déception. Présentement, à la Chambre des communes, on procède aux discours du projet de loi C‑ 13, Loi visant l'égalité réelle entre les langues officielles du Canada pendant que le Comité permanent des langues officielles siège. Je trouve cela très malhabile de la part du gouvernement, et je voulais le mentionner, ici, au Comité.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Je pense que le constat des représentants des quatre organisations est unanime: il y a un grave problème quant à l'immigration francophone.
Vous avez tous démontré qu'il serait temps d'agir.
Monsieur Castonguay, ma première question s'adressera à vous. Vous avez parlé d'augmenter les cibles. En tant que parlementaire, je trouve que c'est une solution facile. Cependant, j'ai besoin de votre savoir pour trouver comment nous allons faire pour atteindre nos cibles. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faut les augmenter, mais c'est facile d'augmenter un chiffre. Pouvez-vous nous donner des recommandations bien précises pour savoir comment nous pouvons les atteindre?
Cette question s'adressera également aux représentants des trois autres organisations. Pourriez-vous nous donner des recommandations bien précises quant à cela?
J'invite les témoins à proposer deux ou trois recommandations en rafale pour nous aider à rédiger un rapport qui sera efficace et qui donnera les outils nécessaires à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Monsieur Castonguay, vous pouvez commencer.
Je ne suis pas un expert en matière d'immigration, de sélection ou de recrutement des immigrants. Cependant, il y a manifestement un immense problème non seulement à l'extérieur du Québec, comme je l'ai mentionné lors de mon allocution, mais aussi au Québec même. Le Québec a réussi, jusqu'à récemment, à maintenir le poids des francotropes parmi ces nouveaux arrivants à...
Monsieur Castonguay, je m'excuse de vous interrompre. Je ne veux pas que nous parlions des faits du passé. Le constat de tous les gens autour de la table, aujourd'hui, et de tous les témoins est unanime: nous avons un problème.
J'aimerais que vous nous recommandiez des mesures et des solutions pour résoudre le problème.
Selon ma perception, les solutions devront s'articuler entre le gouvernement du Québec, qui a une certaine expertise en matière de recrutement et d'accueil des immigrants de langue française, et le gouvernement fédéral.
Quelque chose cloche vraiment dans la situation actuelle. C'est la confusion totale. Les immigrants qui arrivent désormais au Québec proviennent du Programme des travailleurs étrangers. Ce sont des travailleurs temporaires ou des étudiants qui ont un statut temporaire. Ils s'insèrent dans la société par leurs études et leur travail. Ensuite, ils voudront être sélectionnés comme immigrants. Ce n'est pas le Québec qui les a sélectionnés au départ. Le fédéral a plein pouvoir sur ces programmes...
Monsieur Catonguay, je m'excuse de vous interrompre.
Je vous remercie d'avoir répondu à ma question.
Maintenant, j'irai du côté de M. Théberge, de la Société nationale de l'Acadie.
Vous avez parlé du problème des provinces de l'Atlantique. Vous avez dit que les gouvernements provinciaux étaient conscients de ce problème et qu'ils étaient disposés à travailler avec le gouvernement fédéral. Je vais vous poser une question bien simple. Croyez-vous que la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles répondra vraiment aux attentes des quatre gouvernements provinciaux de l'Atlantique en matière d'immigration?
À mon avis, il y a deux éléments de réponse. D'abord, un arrimage doit avoir lieu. C'est l'élément le plus important. Comme je l'ai dit, on ne peut pas traiter l'immigration en vase clos. Il doit y avoir un lien avec la Loi sur les langues officielles.
Ensuite, il doit aussi y avoir un lien avec une stratégie diplomatique à l'international. Il faut absolument que les démarches appuient ce que la communauté fait, et il faut que le travail que fait la communauté en collaboration avec les gouvernements provinciaux puisse appuyer le gouvernement.
Merci, monsieur Théberge.
Je vais maintenant m'adresser à un autre témoin, soit M. Doucet, de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick.
Monsieur Doucet, vous dites également que le gouvernement canadien doit travailler avec le gouvernement du Nouveau‑Brunswick. Par ailleurs, vous faites le même constat que tout le monde, et vous parlez d'accord de cinq ans. Nous sommes conscients qu'il y a un retard énorme à rattraper.
Si vous aviez une baguette magique, que diriez-vous aux parlementaires pour résoudre rapidement ce problème qui traîne depuis plusieurs années?
Je vous remercie de votre question.
Je pense qu'il faut rappeler aux parlementaires que l'article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit précisément que l'immigration est un champ de compétence partagé. Le paragraphe 16.1(1) de la Charte canadienne des droits et libertés précise que les deux communautés linguistiques officielles au Nouveau‑Brunswick ont droit à des institutions distinctes. On complète donc cela avec l'immigration qui est un champ de compétence partagé. Comme le Québec, le Nouveau‑Brunswick devrait avoir beaucoup plus de compétences, beaucoup plus de fonds pour s'assurer d'avoir une immigration.
Nous voulons donc qu'il y ait une décentralisation de l'État fédéral vers l'État provincial du Nouveau-Brunswick pour que nous gérions nous-mêmes notre immigration.
J'aimerais poser la question à Mme Roy, mais il ne me reste pas beaucoup de temps.
J'aimerais tout simplement savoir à quoi vous vous attendez, dans le budget qui sera déposé demain, en ce qui a trait au financement du volet de l'immigration concernant les langues officielles.
Merci, monsieur Godin.
Si elle le désire, Mme Roy pourra vous répondre plus tard en répondant à d'autres questions.
Nous allons maintenant céder la parole à M. Drouin pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui sont devant nous cet après-midi.
Je veux également saluer les questions que mon collègue M. Godin a posées. D'ailleurs, je sais que nous nous entendons très bien tous les deux pour ce qui est la francophonie internationale. Nous pouvons avoir des différends sur la francophonie locale. Il trouve peut-être problématique que le Comité permanent des langues officielles siège pendant que le projet de loi C‑13 est débattu à la Chambre, mais, personnellement, je trouve qu'il s'agit d'une très belle occasion que les députés autres que les membres du Comité permanent des langues officielles puissent parler au nom de leurs communautés. Je pense que nous devons le souligner, puisque les langues officielles nous appartiennent à tous et non pas seulement aux membres du Comité permanent des langues officielles.
Sur cet enjeu, madame Roy, je ne sais pas si vous saviez que vous alliez comparaître devant le Comité permanent des langues officielles, cette semaine. Par contre, j'ai bel et bien entendu votre énoncé sur les objectifs à atteindre par le gouvernement fédéral. Vous savez très bien que nous n'avons pas atteint nos objectifs du 4,4 % depuis des décennies.
La FCFA tisse-t-elle des liens avec les communautés internationales, justement, pour attirer des francophones au Canada?
Je vais m'inspirer de la question de M. Godin, tout à l'heure. Dans le budget, justement, nous aimerions qu'il y ait encore plus de moyens pour faire du recrutement, comme ce que font certains de nos partenaires. La SNA fait du bon recrutement, et les gens du Nouveau‑Brunswick aussi. Il serait donc bien d'avoir des fonds pour faire du recrutement auprès des populations francophones qui pourraient venir dans nos communautés.
Nous le prévoyons assurément dans les mesures que nous suggérons au gouvernement en matière de politique d'immigration francophone qu'il pourrait y avoir.
Cette politique est un élément très important. En fait, en début de semaine, nous avons suggéré toute une série de programmes qui seraient compris dans cette politique d'immigration francophone. La possibilité de faire du recrutement est tout à fait conforme à ces mesures.
Permettez-moi d'ajouter aux propos de Mme Roy, en disant qu'il existait, dans les anciennes Feuilles de route pour les langues officielles, un fonds pour appuyer les communautés qui allaient à l'étranger, qui participaient à Destination Canada, en Europe, au Moyen‑Orient et dans différentes régions du monde, et que ces fonds ont été supprimés.
Depuis plusieurs années, les communautés ne sont plus financées par l'État fédéral pour aller faire ces activités de promotion à l'étranger.
Je sais que la Cité collégiale joue maintenant un grand rôle sur le continent africain pour faire de la formation afin de préparer les immigrants francophones qui vont venir au Canada.
Monsieur Dupuis, votre intervention est importante. Je sais que nous avons eu plusieurs rencontres au sujet de l'importance de présenter un projet de loi sur la modernisation des langues officielles, à plusieurs reprises. En fait, Mme Roy, son prédécesseur et vous-même m'avez mentionné à plusieurs reprises à quel point il était important pour vous que le projet de loi soit présenté le plus rapidement possible.
Cela dit, est-il parfait? Cela reste à voir, et je suis certain que vous aurez des amendements à proposer.
À quel point est-il important que le projet de loi soit débattu et que nous ayons l'occasion d'en discuter au Comité le plus rapidement possible, selon vous?
Pour nous, c'est très important que ce projet de loi soit adopté, parce qu'il contient de très bons éléments, nous en avons parlé. Cela dit, il y a aussi des éléments à retravailler. Nous espérons pouvoir travailler avec les différents comités pour s'assurer que nos propositions d'amendements seront prises en compte. La plupart des gens présents dans cette salle les ont d'ailleurs reçues.
Nous trouvons donc très important que cela se fasse rapidement, mais surtout que cela se fasse bien et que nous ayons l'occasion d'apporter certains amendements aux éléments à retravailler. Justement, nous proposons un amendement qui touche l'immigration francophone que nous aimerions voir dans ce projet de loi.
Merci beaucoup, madame Roy.
Monsieur le président, j'aimerais déposer ma motion, que j'ai eu l'occasion d'envoyer à tous les membres du Comité, le 1er avril. Ce n'était évidemment pas un poisson d'avril, puisque je la présente aujourd'hui.
Je ne sais pas si les membres du Comité voudraient que je la lise, mais c'est tout simplement en lien avec le projet de loi C‑13. Nous allons faire une pause parlementaire de deux semaines, et je crois important que nous ayons l'occasion de soumettre nos listes de témoins. La motion mentionne le 25 avril, mais, sachant très bien que nous allons revenir de la pause parlementaire la semaine du 25 avril, cela ne donne pas beaucoup de temps aux membres du Comité pour penser aux personnes qu'ils voudraient inviter. Dans cet esprit, monsieur le président, je pense qu'aucun intervenant présent dans la salle ne serait contre l'idée de commencer le plus rapidement possible la préétude sur le projet de loi C‑13.
Je propose d'inviter la ministre des Langues officielles, la présidente du Conseil du Trésor — je sais que nous avons entendu plusieurs questions sur le rôle du Conseil du Trésor et sur la centralisation. J'invite les membres du Comité à voter en faveur de cette motion et, pour la forme, je vais la lire pour rafraîchir la mémoire de tout le monde.
Que, conformément à l'article 108(3)f) du Règlement :
1. le Comité entreprenne une étude thématique sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles par le gouvernement, en comparant le projet de loi C‑ 13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l'usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d'autres lois, au projet de loi C‑ 32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, de la 43e législature, et Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada;
2. le Comité invite la ministre des Langues officielles et la présidente du Conseil du Trésor à discuter des changements entre le projet de loi C‑ 13 et la législation précédente et à répondre aux questions sur le projet de loi dont la Chambre est actuellement saisie;
3. les membres du Comité soumettent leurs listes de témoins priorisés pour l'étude à la greffière du Comité au plus tard à midi le vendredi 25 avril 2022 et que la liste compilée soit distribuée aux membres le jour même;
4. si le projet de loi C‑13 est renvoyé au Comité par la Chambre au cours de l'étude thématique, tous les éléments de preuve et la documentation relatifs au projet de loi C‑13 reçus par le Comité au cours de l'étude thématique soient pris en considération par le Comité au cours de son étude législative du projet de loi C‑ 13;
5. la greffière du Comité avise immédiatement chaque député qui n'est pas membre d'un caucus représenté au Comité, pour l'informer du début de l'étude thématique afin de l'inviter à commencer à travailler sur ses propositions d'amendements au projet de loi, qui serait étudié lors de l'étude article par article du projet de loi C‑ 13; et
6. le Comité commence cette étude thématique au plus tard le mercredi 4 mai 2022.
Merci, monsieur Drouin.
Comme il s'agit d'une motion dont tout le monde a reçu avis, avant d'aller plus loin, je voudrais savoir s'il y a un consentement unanime des les membres du Comité.
Je vais d'abord entendre ce que M. Beaulieu a à dire.
Vous avez la parole, monsieur Beaulieu.
Personnellement, je trouve dommage que l'on empiète sur le temps des témoins. Comme ils sont nombreux dans la première partie de la réunion, je me demande si nous ne devrions pas allonger celle-ci, parce nous allons pénaliser les témoins ainsi que les députés qui veulent poser des questions.
Moi, je ne suis pas en faveur de la motion. Toutes les études que l'on fait présentement sont tout à fait pertinentes à l'étude du projet de loi C‑ 13. Nous avions déjà parlé d'une préétude, alors je ne suis pas en faveur de la motion.
J'ai étudié ce point, monsieur Beaulieu. Ce n'est pas la même motion que la dernière, dont on ne peut pas parler, puisqu'elle était à huis clos. Ce n'est pas exactement la même et c'est pour cela que je l'ai permise. Croyez-moi, j'ai vérifié auprès de nos conseillers avant de trancher à ce sujet.
Y a-t-il d'autres interventions sur cette motion avant que nous passions à la suite?
Merci, monsieur le président.
Je rejoins un peu mon collègue du Bloc québécois. Je pense que c'est de manquer un peu de délicatesse que de faire ce genre d'intervention en plein milieu d'un groupe de témoins.
Je propose au Comité d'ajourner cette discussion sur la motion, c'est-à-dire de la reprendre à un autre moment.
Premièrement, la motion a été soumise en bonne et due forme, lundi dernier. Tout le monde en a pris connaissance. Elle est proposée par le motionnaire, donc je suis à l'écoute.
Madame la greffière, nous allons faire une courte pause parce que je veux vérifier quelque chose.
Nous revoici.
Il n'y aura pas de débat. Nous devons voter sur la motion de M. Godin, qui est d'ajourner la discussion sur la motion présentée par M. Drouin.
Madame la greffière, vous pouvez procéder au vote.
(La proposition de M. Godin est adoptée par 6 voix contre 5.)
Pourrions-nous prolonger un peu la première partie de la réunion puisque nous ne recevrons que trois témoins dans la deuxième partie?
Oui, nous allons faire exactement comme lundi passé. J'ai vérifié auprès du personnel de soutien du Comité et nous pouvons prolonger la rencontre de la même manière, avec deux tours de questions à chacune des deux heures.
C'est possible que l'on doive raccourcir la deuxième période de questions.
Nous allons procéder avec M. Beaulieu, qui dispose de six minutes pour des questions aux témoins.
Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Castonguay.
Depuis le changement au système d'immigration au Canada qui fait que les immigrants permanents sont d'abord accueillis avec un statut temporaire pour étudiants ou travailleurs, on a constaté un écrasement de la proportion de francophones ou d'allophones francotropes parmi les immigrants permanents.
Seriez-vous d'accord pour que le gouvernement canadien permette au Québec de contrôler l'entrée des immigrants avec statut temporaire?
Je pense qu'il y a une difficulté de communication, et je ne sais pas ce que c'est, qui bloque les échanges entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec. Il y a un dédoublement de responsabilité en matière d'immigration qui fait en sorte que plusieurs immigrants provenant de la France, par exemple, qui sont énormément frustrés par les délais à n'en plus finir pour régulariser leur statut et obtenir leur résidence permanente. C'est scandaleux.
Par ailleurs, les étudiants de l'Afrique francophone qui cherchent à venir étudier au Québec sont refusés à tour de bras, c'est scandaleux.
Ce n'est pas surprenant que, selon les nouvelles données sur l'immigration, le Québec ne reçoive pas 80 ou 90 % de francophones et de francotropes parmi ses immigrants. Or c'est ce qui serait normal. Je le répète, ce n'est pas uniquement un problème qui touche les minorités francophones à l'extérieur du Québec. La majorité elle-même est aux abois, au Québec. D'après le dernier recensement au Québec, seulement 78 % des Québécois ont le français comme langue maternelle. C'est du jamais vu dans l'histoire des recensements canadiens depuis 1871.
L'un des grands problèmes, c'est l'immigration, c'est-à-dire le recrutement et la sélection d'un nombre approprié d'immigrants pour maintenir une majorité francophone de 80 % au Québec. Le pourcentage diminue à chaque recensement. On le verra dans les nouvelles données au mois d'août, alors que le pourcentage sera au-dessous du 78 %. C'est fatal. C'est mathématique, si vous excusez le mot.
Je vous donne un exemple. Des étudiants qui font une demande de permis d'études temporaires sont d'abord acceptés par un cégep ou une université francophone. Que ce soit au Québec ou à l'extérieur du Québec, les données sont à peu près les mêmes. Au Québec, les étudiants reçoivent un certificat d'acceptation du gouvernement du Québec, et, dans certains cas, 80 % sont refusés par le gouvernement canadien.
C'est la raison pour laquelle je pense que le gouvernement du Québec devrait avoir le dernier mot à cet égard, et, à la limite, il faudrait trouver un mécanisme pour les étudiants hors Québec.
Un recteur d'université francophone hors Québec disait qu'il se rendait à l'étranger pour recruter des immigrants francophones, mais que la grande majorité des étudiants temporaires recrutés étaient refusés par le gouvernement canadien. C'est incompréhensible. C'est essentiellement les bassins d'immigration francophone qui ont les plus hauts taux de refus.
Je ne sais pas si vous ou les autres intervenants avez des suggestions à nous faire.
Quand il y a un taux de refus de 80 ou 90 % dans les pays francophones d'Afrique, tels que l'Algérie, par exemple, il me semble qu'il devrait y avoir moyen que le ministère de l'Immigration donne une consigne selon laquelle il ne peut pas y avoir un taux de refus de plus 50 %, quelque chose comme cela.
Dans mon intervention liminaire, j'ai parlé de l'adoption d'une perspective canadienne sur le sujet. Le problème est partagé entre le Québec et les communautés francophones à l'extérieur du Québec. Il faut avoir une vue d'ensemble, une vue globale, parce que le poids des francophones n'est pas juste en train de baisser au Nouveau‑Brunswick ou au Québec; il est surtout en train de baisser dans l'ensemble du Canada. C'est en chute libre. Nous sommes passés de 29 %, au recensement de 1951, à 21 %, au recensement de 2016. Cela va passer sous les 20 % si l'on continue.
Je vous fais part de ma réflexion. La FCFA demande que nous augmentions le taux d'immigration hors Québec à 12 %, alors que, depuis 2008, l'objectif de 4,4 % n'a jamais été atteint.
Je ne conteste pas votre demande, mais, ne risque-t-on pas, finalement, de déshabiller Paul pour habiller Pierre? Il faut un coup de barre pour permettre d'augmenter l'immigration hors Québec et au Québec. Je ne vois pas comment nous allons y arriver s'il n'y a pas une vraie volonté politique de le faire.
Je pense que le gouvernement canadien devrait se dessiller les yeux et voir le problème de la façon dont vous l'avez présentée.
Toutes les provinces ont besoin d'un surcroît, d'une augmentation du poids des francophones, langue maternelle, et des francotropes, des allophones disposés plutôt à se franciser. Nous en avons tous besoin, toutes les provinces.
Comment faire, de sorte que le Québec ne nuise pas au Nouveau‑Brunswick et ne nuise pas au Québec, et ne nuise pas à l'Ontario, et ainsi de suite, quelle est la.. .
Merci, monsieur Castonguay et monsieur Beaulieu.
Nous pourrons y revenir.
La prochaine ronde de questions nous viendra de M. Boulerice.
Monsieur Boulerice, vous disposez de six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui pour cette question si importante.
Ma première question va porter sur le volet international et s'adresse à M. Théberge ou Mme Mallet ou à tous les deux.
Évidemment, l'immigration est un phénomène international et il faut faire la promotion de chez nous, de notre francophonie avec nos outils diplomatiques. Il faut des bureaux de visa, qui manquent vraiment au réseau de services consulaires du gouvernement actuel, mais il faut également des liens culturels, économiques et diplomatiques.
Comment la politique d'immigration francophone doit-elle se coordonner avec d'autres ministères, comme Affaires mondiales Canada, par exemple, pour nous assurer que cette politique s'articule avec l'Acadie et non pas sur une tour d'ivoire avec IRCC?
Je vous remercie de votre question.
Nous y avons fait allusion tout à l'heure. Nous disons que, l'élément central, c'est que nous ne pouvons pas traiter l'immigration comme un élément simple. Nous ne pouvons pas traiter l'immigration en vase clos.
Mes collègues de la FCFA ont fait allusion tout à l'heure au programme qui existait. Un programme de diplomatie a des répercussions sur l'immigration, mais sur bien d'autres secteurs de la société aussi. Il permet à un peuple, comme le peuple acadien, d'aller faire du démarchage à l'international, de créer des collaborations, de promouvoir ses artistes, de promouvoir l'Acadie et le Canada comme des lieux où il fait bon vivre. Il a des répercussions sur l'immigration, mais sur d'autres secteurs aussi.
Un tel programme qui serait arrimé à l'immigration autant qu'Affaires mondiales Canada, par exemple, permettrait de reconnaître la capacité à mener des initiatives à l'international comme sources de développement et d'épanouissement d'un peuple. De plus, cela permettrait de donner le pouvoir au peuple acadien d'attirer et d'intégrer un plus grand nombre d'immigrants en son sein. On ne peut pas parler d'immigration en parlant d'immigration simple.
Merci, monsieur Théberge.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Roy ou à M. Dupuis.
Tout le monde s'entend sur le fait qu'un bassin d'immigration francophone potentiel se trouve largement en Afrique. Il y a une croissance démographique importante au Maghreb ou en Afrique subsaharienne. On a évoqué le fait qu'il y avait des obstacles systémiques ou des biais dans les programmes où on refuse dans des proportions très élevées des étudiants provenant d'Afrique.
Avez-vous un commentaire à faire là-dessus? Cela m'inquiète beaucoup pour l'avenir.
Madame Roy, vous avez parlé de nouvelles cibles, soit de 12 % en 2024 et de 20 % en 2036. Sur quoi vous basez-vous pour arriver aux chiffres de 12 % en 2024 et de 20 % en 2036?
Évidemment, je comprends que les 4,4 % sont complètement ridicules. Cela a échoué lamentablement depuis 20 ans. Pourquoi ces chiffres précis? Je suis curieux.
Je vais commencer par répondre, et M. Dupuis pourra certainement compléter ma réponse. Il suit ce dossier depuis fort longtemps.
En ce qui a trait aux étudiants internationaux et des étudiantes internationales, il est très important d'éliminer les barrières. Entre autres, une question pose toujours problème, et c'est celle où les étudiants doivent montrer qu'ils vont retourner dans leur pays après leurs études. On trouve que cela présente une dichotomie, car on a une pénurie de main-d'œuvre partout au pays. Ces étudiants et ces étudiantes qui sont formés au Canada, quand ils peuvent obtenir leur permis d'étude, pourraient aider à pallier cette pénurie. Un des grands obstacles à l'obtention du permis d'étude, c'est qu'on doit démontrer qu'on va retourner dans son pays. C'est souvent là que cela bloque. Je n'en parler pas davantage, parce que je veux en arriver à la deuxième question que vous avez posée.
On a fait faire une étude démographique sur l'immigration francophone et son poids démographique dans nos communautés francophones et acadiennes. On a rendu cette étude publique lundi, en même temps que les cibles qu'on a proposées au gouvernement fédéral. On n'a pas tiré ces cibles d'un chapeau; elles viennent de cette étude très sérieuse. C'est la première fois qu'on a une étude avec autant de données probantes pour nous permettre d'atteindre ces cibles. On voulait une cible qui avait pour objectifs la réparation, la croissance et le développement de nos communautés pour en assurer le renforcement. Il fallait se pencher sur tous ces chiffres.
Je vais m'arrêter ici, et je vais laisser la parole à M. Dupuis pour qu'il précise certaines choses que j'ai dites.
L'étude démographique démontre que, pour atteindre la cible de 4,4 %, il nous faudrait atteindre 16 % annuellement. C'est ce qu'il faudrait pour rattraper d'ici 2036 le poids démographique des communautés francophones. C'est clair qu'il faut une politique beaucoup plus ambitieuse avec de nouveaux moyens.
On ne peut plus espérer que les programmes généraux d'immigration d'IRCC répondront aux besoins spécifiques des communautés. Il faut tailler des mesures propres à la francophonie canadienne, par exemple un programme d'immigration économique francophone distinct avec des objectifs par année et des partenariats pour les employeurs et les communautés basés sur les besoins de la main-d'œuvre des communautés. Ce n'est qu'une seule mesure, mais il faut tailler sur mesure une politique ambitieuse pour atteindre ces cibles.
Merci, monsieur Boulerice. Merci, monsieur Dupuis.
On entame le deuxième tour de questions, qui débute par les questions de M. Bernard Généreux.
Monsieur Généreux, vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins.
Je pourrais prendre une photo aujourd'hui de l'ensemble des gens. Évidemment, ce n'est pas toutes les mêmes personnes, les témoins comme les membres du Comité. J'étais ici en 2009, donc il y a presque 12 ans, et on se posait exactement les mêmes questions.
Après les milliards de dollars qui ont été investis par le gouvernement fédéral au cours des sept dernières années — on a attendu sept ans avant de proposer une réforme à la loi —, on se retrouve aujourd'hui avec une immigration francophone particulièrement décroissante dans les milieux minoritaires, mais au Québec aussi, comme M. Dupuis l'a bien dit.
Madame Roy, vous vous êtes fiée à l'étude que vous avez fait faire pour établir que la nouvelle cible devrait passer de 4,4 à 12 %, puis à 20 % éventuellement. Personnellement, je suis en accord sur cette idée. Le problème, c'est que le gouvernement en place actuellement, malgré les grandes sommes d'argent qu'il distribue à tout le vent et dans tous les domaines d'activité qui existent au Canada, n'a pas la volonté de le faire.
Croyez-vous sincèrement qu'il a la volonté d'aller chercher cette immigration francophone?
À la suite des discussions que nous avons eues avec le bureau du ministre Fraser et avec la secrétaire parlementaire, ainsi que celles que M. Dupuis et son équipe ont eues avec les différents fonctionnaires, je pense qu'il y a une volonté d'écouter, de dialoguer et de collaborer avec nous pour ce qui est de ces cibles et de la politique.
Nous savons que nous n'atteindrons jamais ces cibles, et nous savons qu'il s'agit d'un projet ambitieux, mais il faut faire les choses autrement, comme je le disais dans mon allocution. Il faut traiter l'immigration francophone autrement. On ne traite pas de l'immigration en milieu minoritaire de la même manière qu'en milieu majoritaire.
Il serait donc important que la politique en immigration francophone soit développée par et pour les francophones. Nous devons avoir un mot à dire dans cette politique. Lundi dernier, lorsque nous avons fait la conférence de presse, nous avons présenté toute une série de mesures et de programmes qui devraient être compris dans cette politique d'immigration francophone. Nous y avons fait allusion tout à l'heure, et nous touchons les questions des étudiants internationaux, du parrainage familial et de la réinstallation des personnes réfugiées.
Nous aimerions donc avoir des programmes conçus sous une lentille francophone pour s'assurer que nous pourrons atteindre ces cibles. C'est ce qu'il faudra pour rétablir le poids démographique.
Madame Roy, on parle de cela depuis de nombreuses années, « pour et par » les francophones.
Dans une certaine mesure, je vois une certaine forme d'hypocrisie. Comme MM. Beaulieu et Boulerice en ont parlé tantôt, en ce qui a trait aux immigrants francophones qui viennent des pays d'Afrique ou du Maghreb, il y a une certaine forme de discrimination, actuellement, et on met la faute sur les algorithmes d'un logiciel, qui feraient en sorte que certains ne sont pas acceptés parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent ou je ne sais quelle autre raison.
Il faut une volonté politique que nous ne voyons pas, actuellement. Vous parlez des politiques que vous aimeriez voir mises en place avec l'aide du gouvernement, comme le « par et pour » les francophones. Le gouvernement va vous écouter, et il va vous donner de l'argent en espérant que vous allez vous taire pendant encore quelques années.
En réalité, il faut que les politiques changent de l'intérieur même de l'appareil fédéral. M. Castonguay en a parlé tantôt: ce que nous vivons actuellement par rapport à ce que nous aimerions avoir est une aberration absolue. Ce sont deux mondes totalement différents.
Monsieur Dupuis, je ne sais pas si vous êtes capable de répondre à ce que je viens de dire, mais c'est comme si on avait tous la tête dans le sable. On pédale en arrière et on n'est pas capable de réaliser que le problème se trouve dans l'environnement politique, qui empêche qu'il y ait des mesures concrètes, qui vont donner des résultats.
Selon nous, il est clair qu'il faudra qu'il y ait vraiment toute une nouvelle stratégie. Nous ne pouvons plus aspirer à avoir de l'immigration francophone en essayant de changer quelques critères de certains programmes. Il nous faut des programmes taillés sur mesure pour nos communautés.
Je sens qu'en ce moment, chez tous les partis, il y a une volonté politique d'agir à cet égard. C'est la troisième fois que nous nous présentons devant ce comité, pour sonner l'alarme. Combien de fois encore devrons-nous venir témoigner pour dire qu'il y a une crise majeure et qu'il faut une nouvelle politique? Nous avons des solutions...
Merci, monsieur Dupuis.
Vous pourrez poursuivre un peu plus tard.
Nous allons maintenant céder la parole à M. Iacono pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
D'abord, j'aimerais faire une remarque. C'est très facile de critiquer ce que le gouvernement du jour fait ou a fait au cours des six dernières années. Qu'est-ce que le gouvernement précédent avait fait pendant 10 ans? Non seulement vous n'avez rien fait, mais vous avez bloqué de l'argent. Alors, au lieu de critiquer, je pense que nous devrions mettre notre énergie à trouver des solutions, tout spécialement quand nous avons des témoins. Il ne s'agit pas seulement de critiquer le gouvernement du jour, mais de se regarder dans le miroir avant de parler des autres.
Ma question va s'adresser à M. Chaisson ou à M. Doucet. Afin d'attirer plus de francophones, le Programme des résidents permanents et Entrée express, par exemple, leur donnent plus de points.
Selon vous, quelles autres initiatives IRCC doit-il créer pour permettre un accroissement de l'immigration francophone au Canada?
Quel serait son succès à long terme?
Merci de votre question, monsieur Iacono.
Mon collègue, M. Chaisson, pourra complémenter ma réponse. Sans me répéter en ce qui concerne les champs de compétence et la décentralisation de l'immigration dans la province du Nouveau‑Brunswick, je pense qu'il faut regarder aussi les idées hors du cadre. À la SANB, nous essayons de nous fier le moins possible aux cibles d'IRCC. Nous essayons de parler d'autres concepts qui pourraient être avancés, dont les concepts constitutionnels. Si ma lecture de la Constitution est bonne, les langues officielles ne sont pas un champ de compétence. Habituellement, lorsqu'un sujet n'est pas nommé dans les champs de compétence, il revient au fédéral. Si vous me le permettez, je vais me référer à l'ancien sénateur Jean‑Maurice Simard. Selon lui, puisque les langues officielles ne sont pas un champ de compétence comme tel, il revient au fédéral de s'en occuper. Celui-ci pourrait donc signer des ententes directement avec les établissements.
Quelles meilleures institutions pourraient recruter et retenir mieux que les établissements postsecondaires qui font déjà ce travail au quotidien, mais qui manquent de ressources financières de la part de l'État fédéral? Je pense que des idées concrètes pourraient facilement être mises en œuvre, mais je pense que c'est un manque de créativité de l'État fédéral en ce moment.
Je cède la parole à M. Chaisson, s'il a quelque chose à rajouter.
Je dirai tout simplement que le problème, c'est le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Je ne suis pas d'accord pour dire que c'est la faute du Parlement canadien ou des gouvernements, peu importe leur couleur. C'est un problème du ministère. Il fixe des objectifs qui sont drôlement conçus.
Malheureusement, sauf le respect que je dois au Comité permanent des langues officielles, je dois dire que nous avons rarement été convoqués par le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. C'est pourtant lui qui est responsable de critiquer et d'étudier le comportement d'IRCC. Le Comité permanent des langues officielles ne devrait pas être un fourre-tout. Dès qu'il y a problème, cela ne devrait pas toujours tomber sur les épaules du Comité permanent des langues officielles. À un moment donné, il vous faudra partager un peu le fardeau.
Sur cette question spécifiquement, à un moment donné, il faut quand même arriver à une certaine conclusion, à savoir qu'IRCC a mis tous ses œufs dans le même panier, c'est-à-dire les régions de Toronto, de Montréal et de Vancouver, et au diable le reste! Le financement d'IRCC, au niveau régional, est directement déterminé par le nombre d'immigrants qu'une province va recevoir. Si une province est nettement perdante au départ, elle sera probablement nettement perdante à la fin. À un moment donné, comme le disait le président Doucet, on peut se permettre de faire autre chose. On peut se permettre d'être un peu plus créatif.
En matière d'immigration francophone, quand le Québec a signé une entente avec le fédéral, les fonctionnaires d'IRCC se sont dit que, finalement, ils n'auraient plus besoin de s'occuper du français.
Or, quelques années après, les francophones sont revenus et ils se sont dit qu'ils étaient encore pris avec le problème du français. Ils ne se sont pas encore ajustés, au ministère, au fait qu'ils doivent servir la francophonie hors Québec.
C'est cela, le problème, messieurs les députés.
Merci, monsieur Chaisson.
Merci, monsieur Iacono.
Le prochain intervenant est M. Beaulieu.
Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Malgré tout respect que j'ai pour M. Chaisson, je ne suis pas d'accord du tout.
Je pense que c'est beau de blâmer les fonctionnaires et IRCC, mais il est censé y avoir des gens, en haut, qui donnent des consignes. C'est comme si nous disions que les gouvernements, peu importe les ailes, font toutes les mêmes choses et n'ont pas de pouvoir sur leur ministère. Dire qu'un gouvernement ou l'autre, c'est la même chose, ce n'est pas tellement constructif non plus.
Je suis très sceptique, et je pense qu'il va vraiment falloir une mobilisation majeure pour obtenir des résultats. On nous dit qu'on est certain que cela va bien aller parce qu'on a parlé avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Or, ce que nous demande le projet de loi C‑13, c'est un chèque en blanc. Il ne contient aucun moyen concret, et que de belles intentions.
Je pense qu'un moyen très simple peut être utilisé. Il faut réduire le taux de refus, qui est de 80 %, et augmenter le taux d'acceptation à 50 %. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Il me semble qu'il y a moyen d'agir.
Qu'est-ce que vous en pensez, monsieur Théberge?
Comme je le disais, nous ne pouvons pas nous concentrer sur une chose seulement; nous ne devons pas voir l'immigration en vase clos.
Dans notre mémoire qui a été déposé, et dans mon allocution, j'ai mentionné plusieurs éléments, plusieurs avenues sur lesquelles nous devons nous concentrer.
Je vais me permettre aussi de réagir à ce qui a été dit tout à l'heure. Pour ce qui est de l'immigration en français, nous ne pouvons pas nous concentrer seulement sur des régions comme celle de Toronto ou sur l'Est ontarien, le Québec et le Nouveau‑Brunswick. Nous devons aussi nous concentrer sur des endroits comme Chéticamp et Caraquet.
Je suis tout à fait d'accord, mais je vais ajouter un bémol.
À Montréal, les services d'IRCC sont affreux. Ils fonctionnent majoritairement en anglais. Les taux de refus sont tout aussi élevés au Québec que partout ailleurs.
Je pense que nous sommes tous dans le même bateau et que nous devons nous mobiliser ensemble pour faire changer les choses.
Rappelons-nous aussi que la communauté s'est mobilisée énormément et que plusieurs choses ont été faites. Nous avons mis en place des services, nous avons accru les activités de promotion, et ainsi de suite, mais, encore aujourd'hui, les organismes d'immigration de la communauté francophone n'ont pas tous les pouvoirs ou tous les droits de servir, par exemple, les réfugiés, de servir certaines communautés.
Nous voulons bien collaborer avec les gouvernements et travailler très fort, mais il faut, comme la FCFA le disait, que ce soit fait « par, pour et avec » les francophones.
Merci, monsieur Théberge.
Ce sera maintenant la dernière question de ce tour, car nous devrons suspendre la séance momentanément.
Monsieur Boulerice, en remplacement de Mme Ashton, vous disposez de deux minutes et demie.
Merci, monsieur le président.
Nous avons un président de comité qui est très courageux aujourd'hui, qui travaille malgré la COVID‑19.
Monsieur Doucet, j'ai beaucoup aimé votre intervention sur les politiques fédérales uniques, où on essaie d'appliquer la même chose du Nouveau‑Brunswick jusqu'à Terre‑Neuve-et-Labrador, en passant par la Nouvelle‑Écosse.
Ce n'est pas adapté au Nouveau‑Brunswick. Quand on a une spécificité des 30 % de francophones, cela n'a aucun sens d'appliquer une cible de 4,4 %.
Je voulais vous donner l'occasion de revenir sur l'accord spécifique fédéral-provincial dont vous parliez. Vous avez une longue liste d'enjeux, comme l'éducation et la santé, où cela pourrait changer les choses que d'avoir une approche différente pour les francophones du Nouveau‑Brunswick.
Je vais vous laisser l'occasion de nous en parler.
Je vous remercie beaucoup de votre question.
Je pense que s'il y a une chose que nous avons revendiquée depuis quelques années, c'est un alignement de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi sur les langues officielles du fédéral. Nous aimerions donc que la spécificité linguistique du Nouveau‑Brunswick se retrouve dans la Loi.
Heureusement, avec le travail accompli par la Société de l'Acadie du Nouveau‑Brunswick et plusieurs autres organismes au Nouveau‑Brunswick, nous avons réussi à avoir cela dans le projet de loi C‑13, déposé le 1er mars dernier. Plus spécifiquement, il y a le nouvel article 45.1, qui parle d'une reconnaissance par le fédéral de la spécificité linguistique du Nouveau‑Brunswick dans l'égalité du statut des deux langues et des deux communautés linguistiques officielles.
En l'incluant dans la Loi sur les langues officielles, cela ajoute un caractère réparateur. Ainsi, quand on ajoute à cela l'immigration, et même avec l'accord quinquennal et les divers domaines, quand je vois le caractère réparateur, je vois un signe de dollar.
Quand je vois cela dans les négociations fédérales-provinciales, en l'occurrence avec le Nouveau‑Brunswick, je pense que cela donne de beaux outils à la province du Nouveau‑Brunswick et au fédéral pour négocier quelque chose ensemble. De plus, le fardeau n'incombe pas seulement au Nouveau‑Brunswick, mais aussi à l'État fédéral.
C'est ce que nous aimerions voir dans le plan des langues officielles qui risque de découler du projet de loi C‑13, déposé le 1er mars.
Merci beaucoup, monsieur Doucet et monsieur Boulerice.
Chers intervenants, nous avons eu un bon débat et de bonnes réponses. Nous sommes honorés de votre présence aujourd'hui.
Si vous croyez que d'autres informations qui pourraient nous être utiles dans le cadre de la présente étude, sachez que vous pouvez toujours les envoyer par écrit à notre greffière, qui les distribuera à chacun des membres du Comité.
Cela dit, nous allons suspendre la séance un moment, pour laisser nos invités partir et pour accueillir le prochain groupe de témoins.
La séance est suspendue.
Nous recevons maintenant des témoins que nous n'avons jamais vus à notre comité depuis six ans.
Nous recevons, M. Mohamadou Sarr, adjoint au vice-doyen à la recherche et aux études supérieures. Nous recevons également M. Cyriaque Kiti, de ma région, président-directeur général de l'Afremac Consulting inc., et M. Laberge, directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine.
Nous vous donnons à chacun cinq minutes pour nous présenter ce dont vous voulez nous entretenir aujourd'hui. Lorsqu'il restera environ une minute, et par la suite, 15 secondes, je vous l'indiquerai avec un papier.
Sur ce, pour gagner du temps, je vous laisse aller en premier, monsieur Sarr.
Monsieur Sarr, à vous la parole, pour cinq minutes.
Bonjour, monsieur le président et chers membres du Comité.
Je vous remercie de m'avoir invité pour parler un peu de mon expérience en tant qu'immigrant d'abord et en tant que personne qui travaille beaucoup avec les immigrants.
Je voulais surtout, dans le cadre de mes propos, dire que je préfère mettre l'accent sur les étudiants parce que c'est une clientèle assez intéressante pour le Canada, une clientèle qui est convoitée partout. Selon un article paru dans le magazine Les Affaires, on voit que les droits de scolarité se chiffrent entre 20 000 $ et 70 000 $ par année, voire plus.
Dans son rapport budgétaire de 2018‑2019, l'Université de Toronto souligne d'ailleurs que les droits de scolarité des étudiants étrangers représentaient 30 % de ses revenus, soit plus que les subventions provinciales estimées à 25 %. Un net recul du nombre d'étudiants étrangers mettrait en péril certaines universités, comme vous l'avez vu récemment à l'Université Laurentienne. Les universités canadiennes adoptent une panoplie de stratégies pour attirer les étudiants internationaux, particulièrement au niveau des cycles supérieurs.
Il faut mentionner qu'en 2017, le Québec a accueilli 12 % des étudiants internationaux en sol canadien, comparativement à 48 % en Ontario et 24 % en Colombie-Britannique. Il faut remarquer qu'il y a un écart à combler pour les francophones. Nous savons aussi qu'il faut une certaine stratégie plus globale et ne pas regarder les choses sous un simple angle.
La raison pour laquelle je parle des étudiants internationaux, c'est parce qu'en général, un étudiant international a fait son école primaire dans son pays. Il y a également fait son école secondaire, et même une partie de son université. Souvent, ils viennent au moment d'être productifs pour la société. Souvent, lorsqu'il s'agit d'études supérieures, il y a une certaine création de richesse. Il faut donc une stratégie globale, et j'insiste là-dessus.
Les statistiques montrent que plus des deux tiers des étudiants restent après leurs études. Ainsi, on sait que lorsqu'une personne a des diplômes, souvent c'est beaucoup plus facile pour l'emploi, l'insertion et l'adaptation. Il y a donc moins d'investissement à faire en ce sens.
Je propose donc d'essayer d'attirer le maximum possible d'étudiants francophones. Maintenant, on se rappelle, il y a quelques années, lors de la campagne électorale, qu'un gouvernement promettait d'exempter les étudiants internationaux francophones. Par exemple, si le Québec signe un accord avec la France, on attire les Français et c'est beaucoup plus facile. Cependant, là où se trouvent les francophones, c'est vraiment en Afrique.
Parce que la France est un pays développé, c'est beaucoup plus difficile d'attirer ici des experts.
Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas? On a le sentiment qu'il y a peut-être un quota. Peut-être qu'on ne veut pas beaucoup d'Africains. C'est quelque chose que l'on ressent. Cependant, il y a vraiment la possibilité d'aller chercher des personnes très qualifiées, qui vont participer à la création de la richesse, et qui seront des ambassadeurs. L'Afrique a beaucoup changé. Je parle de l'Afrique et du Maghreb. Je pourrais en parler davantage au cours de la période des questions, histoire de ne pas dépasser le temps qui m'est alloué.
Globalement, c'est beaucoup plus facile d'attirer des étudiants, surtout pour les établissements qui sont dans les autres provinces, comme en Acadie, entre autres.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Sarr.
Nous allons maintenant céder la parole à notre Acadien d'adoption, M. Cyriaque Kiti pour cinq minutes.
Bonjour, mesdames et messieurs les députés.
Je me sens très honoré de me retrouver devant vous aujourd'hui.
Comme M. Arseneault l'a dit, je suis le président-directeur général d'une entreprise spécialisée en développement d'affaires et en ressources humaines. Je profite de l'occasion pour vous dire également que je suis aussi ici en tant que consul honoraire du Bénin, au Nouveau‑Brunswick. Le Bénin a décidé d'accélérer ses relations économiques avec la province du Nouveau‑Brunswick. Il a donc mis sur pied le Consulat honoraire il y a deux ans. Cela me donne vraiment la possibilité de travailler avec vous.
En ce qui concerne l'immigration, je citerai ce qu'a dit Albert Camus: « Oui, j'ai une patrie : la langue française ». Le français est une langue qui fonde et qui soude. Le Canada est un pays fort, brillant et respecté dans le monde pour son bilinguisme. Son attrait est la qualité de vie qu'on y retrouve. On le reconnait par la force de son économie, sa stabilité politique, ainsi que sa diversité culturelle et linguistique. La plupart des Canadiens parlent deux langues, sinon plus. Il est donc important de préserver cette richesse, qui est la langue, mais il est encore mieux de la renforcer en permettant à chaque citoyen canadien une accessibilité et une proximité de sa seconde langue.
Je ferai une parenthèse, ici. Quand j'entends mes enfants s'exprimer, « switcher » comme on le dit, en anglais et en français, je suis impressionné.
De ce fait, les autorités canadiennes, notamment celles qui s'occupent de l'immigration et des langues officielles doivent continuer à œuvrer pour permettre la cohabitation entre les anglophones et les francophones. Les francophones doivent aussi reconnaitre que la langue de Molière regorge de règles et de complexités. Ils joueront donc un rôle d'indulgence pour soutenir et encourager les efforts déployés par les politiques. Il est plaisant de voir un anglophone, qui ne comprend pas le français, faire l'effort de dire quelques mots en français. Nous, les francophones, nous essayons toujours de nous exprimer en anglais. Enfin, vivre ensemble s'apprend et peut changer tout un pays.
Par conséquent, je suis très honoré de vous dire que la cible de 4,4 % de francophones issus de l'immigration, qui, à entendre tous ceux et celles qui m'ont précédé, est difficile à tteindre, mais il y a un paradoxe. Autrement dit, je ne comprends pas pourquoi on n'est pas capable d'atteindre cette cible, qui est quand même très raisonnable à mon point de vue. Pour y arriver, je propose quelques pistes de solutions, dont nous allons débattre.
Premièrement, il serait très important de mieux informer et de mieux éduquer les communautés accueillantes. Cela veut dire que les gens qui ont la responsabilité de mettre en place les processus d'immigration doivent être mieux informés de ce qu'est l'immigration et de ce qu'elle apporte au Canada. Comme vous le savez, certains perçoivent l'immigration comme une menace, tandis que les gens du milieu des affaires la perçoivent comme une occasion.
Deuxièmement, il faudra des efforts combinés de la part des gouvernements fédéral et provinciaux, des organismes du monde des affaires, plus précisément les chambres de commerce et les établissements d'enseignement. Il faudra aussi l'implication directe des nouvelles communautés elles-mêmes et des nouveaux immigrants.
Troisièmement, il faut identifier les pays francophones-niche, qui regorgent de jeunes dynamiques et aptes à s'intégrer facilement et rapidement.
Quatrièmement, il faut identifier des organismes canadiens qui pourraient jouer un rôle important dans l'allégement de la charge des procédures de recrutement des entreprises.
Enfin, je dirai qu'il sera très important aussi que les gouvernements investissent dans la préparation de nouveaux arrivants.
Merci, monsieur Kiti.
Vous pourrez en dire davantage en répondant aux questions qui vont suivre.
Nous allons maintenant céder la parole à M. Laberge pour cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à vous tous, chers membres du Comité permanent des langues officielles.
Permettez-moi de reconnaître que je me trouve présentement à Lorette, un petit village du Sud‑Est du Manitoba visé par le traité no 1, territoire traditionnel des peuples anishinabes, cris, oji-cris, dakotas et dénés et surtout de la terre ancestrale de la nation métisse.
J'aimerais vous remercier de me permettre de témoigner au nom de la Division scolaire franco-manitobaine. Je vais vous faire un petit topo: la division scolaire provinciale, la seule division scolaire pour l'ensemble du Manitoba, compte , du côté francophone, bien entendu, 24 écoles et près de 6 000 élèves qui partagent une langue commune, le français, mais surtout qui présentent un visage culturel et social de la beauté de notre francophonie en milieu minoritaire.
Vous aurez sûrement compris que mon intervention, aujourd'hui, serait directement liée à l'éducation. Je sais que ce n'est pas de compétence fédérale, mais bien de compétence provinciale. Cependant, comme certains de mes prédécesseurs qui ont parlé plus tôt l'ont mentionné, l'immigration ne peut pas être considérée de façon isolée.
Je ne peux pas parler de l'importance de l'immigration francophone en milieu minoritaire sans parler de l'importance de l'inclusion, contrairement à l'intégration. Je ne vais pas entrer dans les détails sémantiques de ces deux mots qu'on utilise parfois de façon différente, mais qu'on ne comprend pas toujours. Cela dit, il est crucial de comprendre que, malgré toutes les cibles que nous voulons atteindre, l'importance de la réussite de l'immigration doit passer par une société inclusive et accueillante. Sans une inclusion sociale où les élèves et les parents sont parties prenantes et contribuent à la communauté, l'immigration demeurera une tentative d'intégration de nouveaux arrivants qui doivent s'adapter et qui créent des ghettos. C'est la pire chose qui puisse arriver dans nos communautés francophones.
Dans le document d'analyse statistique de la cible de 4,4 %, Raymond Théberge disait que, en 2003, le premier objectif du Cadre stratégique présentait un intérêt particulier pour l'étude du 4,4 %. On voulait accroître le nombre d'immigrants d'expression française de manière à accroître le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire.
Au dernier recensement, les chiffres de 2019 démontraient que le Canada avait accueilli 340 000 nouveaux résidents. De ce nombre, le Manitoba en a accueillis à peu près 19 000, dont seulement 300 parlaient français, pour un pourcentage de 1,5 %. Nous pourrions additionner et colliger ceux qui parlent les deux langues, mais honnêtement, dans le milieu de l'éducation francophone, les familles qui s'identifient comme parlant deux langues vont rarement fréquenter les écoles francophones, souvent par méconnaissance — je vais en parler un peu plus loin — ou simplement par désillusion du fait que nous avons une province ou un pays qui se dit bilingue, mais qui, dans les faits, ne l'est pas.
Donc, ces 4,4 % étaient la cible à atteindre. À mon avis, cela devrait plutôt être un début à atteindre et non pas une fin en soi. Depuis 2003, on ne l'a pas atteint et, chaque année, il y a un retard important, un gouffre qui se creuse et ce retard fait en sorte que nos communautés diminuent. C'est une roue qui tourne mal.
Sans des individus francophones, vous pouvez difficilement créer une communauté scolaire ou une école communautaire, un terme que nous empruntons au Nouveau‑Brunswick, qui nous est très cher aussi. C'est aussi la santé, l'économie, les arts, la culture, les sports, etc.
Contrairement aux écoles de la majorité, les écoles en milieu minoritaire ne sont pas tenues, simplement, d'avoir de l'éducation et de la programmation qu'on appelle « éducative ». Il y a tout un volet de valeurs, de culture, d'héritage et d'identité d'un peuple, qui est très important et que nous n'aurions pas dans une école de première langue.
Il est important de souligner la Charte canadienne des droits qui nous donne maintenant le droit d'avoir des ayants droit dans nos écoles et des parents qui se sont mobilisés, il y a déjà 25 ans, devant la division scolaire, pour faire en sorte que nous ayons le « par et pour ».
Alors, même si cela relève du domaine provincial, pourquoi l'éducation et l'immigration devraient-elles aller de pair? L'immigration joue un rôle clé dans l'agrandissement du réseau scolaire en milieu minoritaire. La plupart du temps, c'est le lieu de rassemblement de la communauté francophone, le point central. L'école est le lieu qui permet à une future génération de s'épanouir dans un esprit d'équité et de justice sociale.
Je terminerai sur une petite anecdote. Je rencontre plusieurs parents qui viennent dans nos écoles. La première chose qu'ils nous demandent est pourquoi ne peuvent-ils pas travailler en français au Manitoba? Pourquoi ne peuvent-ils pas avoir une clinique en français, au Manitoba? Pourquoi ne peuvent-ils se faire servir en français? Il y a une désillusion qui fait en sorte que ces gens retirent leur enfant des écoles francophones pour les inscrire aux écoles anglophones, parce qu'ils veulent leur assurer un avenir dans lequel ils pourront trouver un travail.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Laberge.
Nous allons commencer le premier tour de questions. Les questions viendront de chacune des formations politiques, une à la fois pour six minutes. On commence par vous, monsieur Godin, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de leur participation à cette rencontre du Comité.
Ma première question s'adresse à M. Mohamadou Sarr.
Vous avez mentionné que les deux tiers des étudiants restent au pays après les études. Je pense que cela devient un outil de développement. Je n'utilise pas cette expression au sens péjoratif, bien au contraire. La capacité d'attirer des étudiants vient fortifier l'immigration, car il s'agit de personnes qui vont rester après leurs études. Si l'on cible un groupe en particulier, on est mieux d'investir dans des gens qui vont rester avec nous.
Comment peut-on attirer plus d'étudiants? Pouvez-vous nous donner quelques solutions? On fait tous le même constat. Je le disais au premier groupe de témoins, nous sommes tous conscients que l'immigration francophone est un problème majeur depuis plusieurs années. Présentement, on veut trouver des solutions et produire un rapport.
Pouvez-vous nous donner, monsieur Sarr, une ou deux recommandations pour être plus efficaces et pour attirer davantage les étudiants?
Merci beaucoup, monsieur.
Vous avez parfaitement raison. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il y a plusieurs problèmes surtout liés à la paperasse. Il y a beaucoup de demandes et beaucoup d'établissements qui admettent des étudiants étrangers, mais, en matière de paperasse, plusieurs permis sont refusés faute de preuve que l'étudiant quittera après les études.
La solution concrète que je peux vous offrir existe déjà au Québec. Il s'agit de faire comme on le fait dans les cas de la France et de la Belgique, et donner des exemptions pour les montants forfaitaires, autrement dit, les droits de scolarité, surtout dans les coins où il y a un écart énorme à rattraper. Je parle du Québec, mais il y a également l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, et des établissements postsecondaires au Nouveau-Brunswick qui ont des difficultés. On peut faciliter la venue de ces étudiants, d'autant plus que, comme je l'ai dit tout à l'heure, le Canada n'a pas investi dans leurs études aux niveaux primaires et secondaires. L'arrivée de ces étudiants étrangers serait bénéfique.
Je suis sensible à votre recommandation, mais, depuis qu'on étudie l'immigration francophone, on constate que le problème n'est pas le nombre d'étudiants qui veulent venir, mais plutôt la résistance relative au processus, à la paperasserie et aux contrôles dans certaines régions de la planète, comme la région africaine, qui semble être mal évaluée. Est-ce à cause d'un système ou des critères utilisés, nous ne le savons pas vraiment.
Au-delà de l'aide financière, comment peut-on dénouer tout cela?
C'est exactement ce qu'on ne sait pas, ce qui est dans la boîte noire. Autrement dit, est-ce qu'on veut réellement accueillir des francophones, mais aussi garder un certain équilibre, ne pas avoir trop de Noirs d'un seul coup ou trop de personnes voilées. C'est certainement plus difficile d'attirer un Français ou un Belge, entre autres.
Je reçois tous les jours des appels de personnes qui viennent de ces coins du monde, qui veulent venir au Canada et qui font des demandes. Nous les aidons.
Monsieur Sarr, je m'excuse de vous interrompre.
Ce que je comprends de votre recommandation, c'est qu'il faut donner de l'aide financière à certains étudiants pour alléger les droits de scolarité.
Je vais m'adresser à vous, monsieur Kiti. Vous êtes originaire du Bénin, vous habitez, je pense, au Nouveau‑Brunswick. Est-ce exact?
Vous êtes probablement en contact avec des jeunes du Bénin. Je voudrais savoir comment cela se passe là-bas. Il semble y avoir un problème d'accès et d'accompagnement pour faciliter les demandes, pour bien remplir les formulaires et pour respecter les échéanciers.
Pouvez-vous nous raconter le parcours d'un jeune qui voudrait venir étudier au Canada?
Oui, très bien.
Actuellement, ce qui se passe au Bénin, sinon en général en Afrique, c'est que les gens sont mal informés quant aux exigences du Canada. En effet, déjà entre nous-mêmes, traduire de l'anglais au français ou du français à l'anglais, des fois, cela nous pose des problèmes. Après un quart de siècle de vie au Canada, je veux parfois remplir en ligne des documents que je ne comprends pas, parce qu'il y a plusieurs questions qui se ressemblent ou qui sont très similaires. Les gens ont donc besoin d'être mieux informés à propos des procédures du Canada.
La deuxième chose qui se passe en Afrique, notamment au Bénin, c'est qu'il y a beaucoup de demandes qui arrivent à Accra, au Ghana, où on traite généralement les dossiers du Bénin. Or plusieurs sont refusées. Elles sont refusées pour des petites raisons, par exemple les exigences financières. Nous connaissons des parents qui sont très riches et qui ont les moyens de payer les études de leurs enfants. Or les visas sont refusés tout simplement parce que les parents ne veulent pas dévoiler toute leur fortune. N'y aurait-il pas moyen d'arranger cela?
Merci, monsieur Kity.
Vous pourrez préciser votre réponse lors d'une autre question.
Les prochaines questions nous viendront de Mme Patricia Lattanzio.
Madame Lattanzio, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Avant tout, j'aimerais remercier les trois témoins de nous avoir consacré leur temps cet après-midi.
Je tiens à m'entretenir avec M. Kity.
Je partage votre opinion, monsieur Kity, quand vous dites qu'être bilingue, cela ne peut qu'apporter une richesse à notre pays et aux Canadiens et que vous aimez bien cette façon de vivre ensemble dans la diversité. J'en conviens avec vous.
Pour revenir à la question, vous avez apporté les pistes de solution. Je voulais entendre vos commentaires sur votre quatrième piste, c'est-à-dire l'investissement dans la préparation des nouveaux arrivants.
Pourriez-vous nous en parler davantage?
En ce qui concerne la préparation de nouveaux arrivants, il faudrait mettre à contribution les communautés accueillantes. Naturellement, ici, dans la plupart des provinces, nous avons des communautés qui doivent être en contact avec des agents locaux, des personnes de communautés vivant au Canada qui puissent apporter les informations dans les différents pays.
Je crois que, moi, je peux informer beaucoup de gens. M. Sarr peut informer beaucoup de gens dans son pays. Il faudrait que nous ayons un rôle et que les communautés aient un rôle important pour préparer toutes les personnes qui veulent immigrer.
Très rapidement, prenons l'exemple d'un Acadien qui veut préparer des Africains à venir vivre au Canada. Déjà, il y a un problème. Ce n'est pas à l'Acadien de préparer les Africains, parce qu'il y a des contextes socioculturels dans la communauté africaine que l'Acadien ne comprend pas. Il faudrait donc que nous ayons un rôle plus important en ce qui concerne le choix de la préparation, avant que d'autres Africains viennent vivre ici.
Il ne s'agit pas forcément de créer de nouveaux centres. Les centres qui existent déjà peuvent se référer aux communautés et à des gens comme moi ou d'autres personnes. Si on va chercher des travailleurs au Bénin, au Togo ou en Côte d'Ivoire, nous connaissons les informations dont ces gens ont besoin pour venir vivre. Parfois, aussi, ces gens ont des rêves qu'ils ne trouvent pas ici. Parfois, les gens pensent qu'en arrivant au Canada, tout est facile, alors qu'on travaille plus dur au Canada que dans la plupart des autres pays.
Comment est-ce que cela se passe, au Bénin, pour une personne qui voudrait venir ici? Prenons, par exemple, un étudiant international au niveau universitaire qui postule.
Quels sont les obstacles auxquels ils font face pour venir ici au Canada?
Le plus grand obstacle se trouve vraiment du côté des coûts. Il faut une preuve financière pour venir étudier au Canada ainsi que la preuve — j'entendais Mme Roy le dire — qu'à la fin de ses études, on doit retourner dans son pays.
Vous connaissez bien la réponse générique qui dit qu'on n'a pas été convaincu. C'est vague et cela ne veut rien dire, mais des milliers de visas sont refusés pour des raisons que tout le monde ignore et que M. Sarr vient d'appeler la boîte noire. Il y a des dossiers pour lesquels nous ne comprenons pas pourquoi le visa est refusé, alors que le candidat a répondu à tous les critères sans exception. Je vous interpelle, messieurs les députés, et je profite de cette occasion pour vous demander ceci.
Pouvons-nous saisir cette occasion pour demander aux députés qu'ils travaillent afin que, derrière chaque visa refusé, la réponse soit claire? Cela permettra qu'un visa refusé constitue de l'information pour les prochains demandeurs.
En résumé, vous dites que le refus à lui seul ne vous aide en rien et vous voulez qu'il soit justifié. Est-ce exact?
Oui. Il faudrait que chaque refus soit justifié. Ainsi, cela permettrait aux prochains demandeurs de visa de mieux se préparer.
D'accord.
Merci, monsieur Kiti.
Ma prochaine question s'adressera à vous, monsieur Laberge. Vous avez dit qu'il y a 6 000 élèves francophones, au Manitoba, et que, depuis quelques années, la croissance est un peu à la hausse, mais qu'elle ne l'est pas assez.
Pourriez-vous nous donner votre opinion quant à cette croissance minime?
Nous travaillons de près avec les organismes comme l'Accueil francophone et les Réseaux en immigration francophone, ou RIF. Nous voyons que plusieurs gens qui arrivent ici ne sont pas dirigés vers les bons endroits. Comme mes deux collègues l'ont mentionné, plusieurs gens sont refusés en raison de simples points de détail, ce qui fait que nous n'avons pas l'essentiel des gens que nous devrions avoir dans nos écoles et dans nos systèmes.
C'est la même chose pour nos employés. Des gens de l'Afrique, du Maghreb, de la France et de la Belgique sont déjà certifiés et on leur refuse d'enseigner au Canada, parce que la province ne reconnaît ni leurs certificats ni leurs diplômes. Ces gens traversent un océan, arrivent dans un pays et sont sans travail, parce qu'on ne reconnaît pas leurs compétences.
Je suis d'accord sur le fait qu'on doit les aider. Je pense que le problème majeur est le suivant. On fait venir certains d'entre eux ici et on les laisse tomber après 12 ou 15 mois. On arrête de les accompagner. Or cet accompagnement est très important.
Merci, monsieur Laberge et madame Lattanzio.
Le prochain intervenant est M. Beaulieu.
Vous avez également la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Bonjour.
D'une part, j'ai bien aimé la suggestion d'exempter les étudiants des frais de scolarité ou d'une partie de ces frais. Je pense qu'au Québec il y a un programme qui permet aux étudiants francophones de payer les mêmes frais de scolarité que les étudiants québécois. Ainsi, le frais sont donc moins élevés.
D'autre part, nous avons un gros problème quant au taux de refus. Par exemple, en Algérie, seulement 15 % des demandeurs sont acceptés. Au Bénin, en 2020, je crois qu'il s'agissait de 17 %. C'est la même situation dans la plupart des pays de l'Afrique francophone, notamment en Algérie, et c'est aussi le cas en Haïti. Toutefois, dans le cas de l'Inde et de certains pays, le taux d'acceptation est de 50 % et plus. Ces taux d'acceptation sont beaucoup plus élevés. C'est un peu incompréhensible. Dans ma circonscription, il y a beaucoup de demandeurs de permis temporaires qui attendent et qui ne reçoivent pas de réponse. On leur dit qu'ils n'ont pas convaincu les gens qu'ils ne s'installeraient pas au Québec ni au Canada. Cependant, en même temps, on dit qu'on veut favoriser le fait que les étudiants étrangers s'installent ici de façon permanente.
Parmi tous les gens que vous connaissez, vous devez sûrement connaître des étudiants africains qui ont fait des demandes de permis d'études. Quelles raisons sont invoquées pour justifier ces refus? Selon vous, qu'est-ce qui explique ces taux élevés de refus?
Ces gens sont acceptés dans un établissement d'enseignement universitaire au Québec, mais ils sont refusés par le gouvernement fédéral. Selon votre expérience, pourriez-vous nous dire pourquoi?
En général, c'est en raison de la preuve financière qu'ils doivent fournir. Normalement, en ce qui concerne la première demande de permis d'études, souvent, c'est le consulat qui fait les grandes vérifications. Souvent, le Québec accepte la demande, mais elle se retrouve dans la boîte noire. Si, au moins, on disait qu'il s'agit d'un problème de finances, on pourrait savoir que les preuves financières ne sont pas suffisantes.
Tout récemment, il y a quelques semaines, j'ai vu un étudiant avec le programme Volet direct pour les études, qui a payé son année, qui a déposé en fiducie, à la caisse populaire Desjardins, le montant qu'on lui a demandé pour que la demande soit traitée dans un délai d’un mois, et on lui a donné la même réponse, alors que les fonds étaient déjà ici. C'est ce genre d'absurdités que nous voyons.
Toutefois, nous pouvons acquérir plus de stagiaires, ne serait-ce que pour diminuer les risques. Il y a quand même une mesure assez intéressante qui a été mise en place il y a quelque temps. Elle permet aux universités d'avoir des stagiaires pour une durée de moins de 120 jours. Ainsi, on n'a pas besoin d'avoir un permis de travail. C'est une bonne mesure qui permet aux universités et aux entreprises de tester la personne pour voir si elle est intéressante, à savoir si elle peut l'embaucher ou faire un projet avec elle.
En gros, le problème, c'est toujours cette boîte noire. Nous pensons que c'est à cause de l'argent. Cependant, dans le cas de la dernière personne qui a tout envoyé nous avons vu qu'elle a eu la même réponse: rien ne nous prouve que vous allez repartir après vos études.
Je veux juste préciser qu'au Québec, la France et la Belgique bénéficient d'une exemption du montant forfaitaire. Au premier cycle, ils paient leurs frais de scolarité comme les Canadiens. Ils paient donc à peu près 4 000 $ par session. Il y avait un projet similaire pour les autres pays francophones, mais cela n'a pas été réalisé. Cependant, pour les autres, il y a un accord entre le Québec et certains pays francophones. Il y en a même avec la Chine, maintenant. Cela dit, il s'agit de quotas. Par exemple, les Algériens vont avoir 80 bourses, mais, 80 bourses pour 4 000 étudiants, ce n'est pas beaucoup.
Pour les Français et les Belges, c'est bon, mais c'est toujours très difficile d'attirer cette clientèle, parce qu'elle a un bon climat et le même niveau de vie qu'ici, au Canada.
Je pense que M. Kiti disait plus tôt qu'il y avait une difficulté de passer du français à l'anglais, quand on remplit les formulaires. Est-ce que vous avez trouvé que c'était difficile de parler à des agents de l'immigration qui parlent français?
Absolument, oui.
La plupart des documents sont disponibles en français, mais, obtenir des services en français de la part des agents, c'est parfois un peu difficile.
Je profite de l'occasion pour dire que, présentement, nous parlons beaucoup des étudiants, mais qu'il y a un très grand potentiel du côté des travailleurs. Je profite des 10 secondes qu'il me reste pour remercier le président, qui, tout récemment, en plein cœur de la pandémie, m'a aidé à accueillir 13 familles, donc 43 personnes, au Nouveau-Brunswick, qui sont des francophones du Togo. Je pense qu'il ne faut pas négliger le potentiel des travailleurs. À ce titre, il faut travailler avec les conseils économiques, les centres d'affaires, c'est très important.
Merci, monsieur Kiti.
Je pourrais vous laisser encore longtemps m'envoyer des fleurs, mais je dois céder la parole à l'intervenant néo-démocrate.
Monsieur Boulerice, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins.
Ma première question s'adresse à M. Laberge.
Je remplace ma collègue, qui ne pouvait pas être avec nous, aujourd'hui, et que vous connaissez, Mme Ashton. Elle devait être à la Chambre pour présenter son projet de loi. Vous comprendrez que c'était très important pour elle.
Elle pose une question — c'est vraiment tiré de sa propre expérience — sur les difficultés qu'elle a eues quand elle a voulu inscrire ses jumeaux à des services de garde en français. Comme dans plusieurs garderies francophones, il y a une pénurie d'éducatrices à Thompson, une pénurie qui a été accentuée par la pandémie. Les tentatives de recrutement d'éducatrices à l'extérieur du Canada ont été très difficiles.
Monsieur Laberge, croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait avoir une politique d'immigration francophone qui pourrait inclure le recrutement d'éducatrices à la petite enfance, une politique qui aiderait les communautés francophones et les francophiles à s'instruire en français et dès le plus jeune âge inscrire leurs enfants à des services en français?
Effectivement, il s'agit d'un vrai défi, et encore plus en région.
À Thompson, nous avons ouvert une école francophone il y a trois ans et il y a un service de garde, mais, durant près de 14 mois, il a été impossible de pourvoir à des postes. Des parents sont en attente pour y inscrire leurs enfants. On sait que lorsqu'un enfant arrive dans une école francophone, en milieu minoritaire, il va y rester. Cependant, s'il n'y a pas de place en garderie francophone, il va aller dans une garderie anglophone. Je sais qu'il y a une pénurie là aussi, mais je pense que la situation est encore plus criante et plus difficile pour nous.
Alors, en réponse à votre question à savoir si nous devrions avoir une politique, je ne suis pas un politicien de nature, mais un administrateur. Alors, en tant qu'administrateur, lorsque nos garderies sont pleines, nos écoles sont pleines, nos enfants parlent français et on crée une communauté d'éducation qui est beaucoup plus large que l'école, bien entendu.
On sait que le domaine de l'éducation relève du provincial.
J'ai déjà entendu des gens des provinces maritimes qui disaient qu'au primaire, la situation n'était pas si mauvaise, mais qu'ensuite, au secondaire, quand il manque d'infrastructures sportives, culturelles, il y a un attrait vers les établissements anglais. Celles-ci ont de meilleures ressources à cause de leur taille, et elles offrent des programmes plus attrayants pour les adolescents.
Constatez-vous la même chose chez vous?
C'est tout à fait cela.
On le voit peut-être un peu moins à Winnipeg parce que nous y avons une concentration francophone un peu plus élevée, ce qui nous permet d'avoir des secondaires un peu plus importants et d'avoir des équipes sportives, mais, si vous êtes un élève au secondaire rural qui, de la 9e à la 12e année, comprend 50 élèves, vous n'aurez évidemment pas une équipe de hockey ou une équipe de football. Ce sera impossible.
Ce que cela fait, c'est qu'il y a des élèves qui aimeraient demeurer dans une école française, mais nos écoles ne sont pas toujours attrayantes. Dans plusieurs provinces, les écoles qui ont été données aux divisions scolaires francophones étaient les reliques dont les anglophones ne voulaient plus. C'est sans être méchant que je dis cela. Alors, imaginez une école neuve avec un gymnase qui est à côté d'une école francophone qui date de 60 ans et qui n'a pas de gymnase. C'est le cas dans deux de nos régions. En tant que parent, vous aurez beau être francophone pur et dur et vous aurez beau aimer la langue française, vous allez opter pour l'école anglaise.
Oui, malheureusement. Cela dit, je pense qu'il pourrait y avoir des investissements dans ces cas-là qui seraient appréciés.
Messieurs Sarr et Kiti, vous avez parlé tantôt de recrutement d'étudiants. Bien sûr, il y a question de la discrimination; on en a parlé aussi. Je voulais savoir un peu plus précisément comment vous évaluez la qualité du travail de nos services consulaires canadiens à l'étranger pour les étudiants et les travailleurs.
Monsieur Kiti, vous avez parlé tantôt de mieux préparer les nouveaux arrivants. Est-ce qu'il y a, selon vous, des améliorations à apporter à la qualité de nos services consulaires?
Je vous disais tantôt que j'ai déjà vécu un quart de siècle, cette année justement, au Canada. À l'époque, c'était encore plus difficile de venir au Canada. Aujourd'hui, c'est déjà un peu mieux, mais il y a encore du travail à faire. La question que je me pose, avec vous, les députés, porte sur le travail que vous pourriez faire avec nous. Il s'agit de voir s'il y a une préférence relative aux pays.
On a remarqué qu'il y a des visas qui sont donnés plus facilement à certains pays. On pourrait dire que cela frôle pratiquement la discrimination. Si c'est le cas, cela veut dire qu'il y a une amélioration à faire.
On travaillera ensemble la préparation des dossiers, autant au provincial qu'au fédéral, autant que nous, les communautés accueillantes, pour mieux présenter les dossiers.
Ce qu'il dit est vrai. Surtout, il y a énormément d'agences qui pullulent partout et qui abusent. Je pense qu'en travaillant ensemble, il faut surtout regarder l'information et s'assurer qu'elle n'est pas mêlante.
Des fois, on entre sur le site, mais on est perdu, et on est obligé de faire appel à quelqu'un. Il faut payer, et il y a même parfois de la fraude.
On peut aussi profiter des représentations diplomatiques consulaires qui peuvent être d'une très grande aide.
Merci, monsieur Boulerice.
On avait convenu de façon informelle qu'on allait prolonger la séance qui devait se terminer il y a déjà 10 minutes. Je vais continuer, parce qu'on s'était entendu, mais pendant deux minutes et demie seulement.
M. Lehoux d'abord, et ensuite nous irons à Mme Kayabaga.
Monsieur Lehoux, vous disposez de deux minutes et demie seulement.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être présents avec nous.
Monsieur Kiti, vous êtes consultant. On a beaucoup parlé d'étudiants, mais vous avez soulevé la question des travailleurs qui pourraient être très intéressés à venir aussi. Je viens d'entendre M. Sarr mentionner qu'il y avait certains problèmes de fraude, parce qu'il y a beaucoup trop de consultants.
Quel genre de contrôle pourrait-on mettre en place?
Il faut travailler ensemble. On peut comprendre que des abus se font, et cela n'apporte rien à l'amélioration du système.
Auriez-vous quelque chose à nous proposer en ce sens?
Ce que je vous proposerais, c'est vraiment de se rapprocher des représentations diplomatiques en ce qui concerne, par exemple, la validation des compétences et des diplômes.
Je sais que le gouvernement du Canada a des médecins accrédités pour vérifier la santé et la sécurité des gens. Moi, je pense qu'il faut mettre en place un système pour permettre au Canada de vérifier plus facilement les dossiers des gens. Vous le savez, les représentations diplomatiques sont accréditées pour une certaine rigueur dans le travail. Ils peuvent apporter un soutien. S'il faut, par exemple, créer des bureaux d'avocats qui peuvent faire la vérification des documents, cela faciliterait énormément les choses, justement pour éviter la fraude.
Comme M. Sarr le disait tantôt, il y a un travail à faire à ce niveau.
Oui. Il a parlé de réduire les délais, et c'est là qu'on devrait travailler tous ensemble, surtout au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial. Parfois, on donne un papier et cela prend des mois, pour ne pas dire des années.
Bon, c'est sûr qu'avec la COVID‑19 c'était plus particulier, mais je pense que c'est surtout cela qui décourage les gens et qui provoque tous ces abus.
D'accord, je vous remercie tous les deux.
Monsieur Laberge, j'ai une question rapide. Si vous n'avez pas le temps de me répondre, une réponse écrite serait la bienvenue.
Vous avez beaucoup insisté sur la mobilisation des parents. Avez-vous quelque chose à nous recommander dans l'optique de l'inclusion?
Merci, monsieur Lehoux, mais je dois respecter les temps de parole.
Les deux prochaines minutes et demie sont à Mme Kayabaga.
Vous avez la parole, madame Kayabaga.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Comme je ne dispose que de deux minutes, je vais aller directement vers monsieur Sarr, puis vers monsieur Kiti.
Vous avez parlé de façons de changer ou d'amplifier les services d'immigration pour les étudiants internationaux qui viennent des pays africains francophones. On a vu que les taux de refus, là-bas, sont très élevés.
Pensez-vous que cela a un lien avec le manque de ressources pour les francophones? Que pensez-vous de cela?
C'est sûr que nous avons parfois l'impression qu'il y a un taux de roulement. J'ai vu des cas vraiment extrêmes, cette année. Des étudiants sont venus, et, à l'aéroport, on les a retournés. Ils ont dû payer un autre billet, ce qui coute parfois plus de 2 000 $.
C'est arrivé parce qu'ils venaient en milieu de session, par exemple. Cette année, il y a eu vraiment beaucoup de problèmes. Je pense que, ces ressources, on le voit et on le constate...
Pensez-vous qu'on devrait augmenter le nombre de bureaux des visas qui se trouvent sur le continent africain?
Déjà, le Sénégal sert environ 26 pays. Pensez-vous que cela pourrait fournir de l'aide?
Je vais poser ma dernière question puisqu'il ne reste qu'une minute. Pensez-vous qu'on devrait avoir une unité à l'immigration qui est francophone pour traiter seulement et spécifiquement l'immigration francophone?
Cela pourrait être utile, effectivement. C'est un problème que l'on retrouve partout au monde. Souvent, il y a de nos étudiants qui vont dans d'autres pays. Ils voyagent pour avoir un visa. Cela pourrait aider, surtout de travailler ensemble entre le provincial et le fédéral.
Merci beaucoup, c'est tout le temps que nous avions.
Chers témoins, monsieur Kiti, monsieur Sarr et monsieur Laberge, sachez que vous pouvez nous faire parvenir par écrit, par l'entremise de notre greffière, toute information supplémentaire que vous auriez aimé nous transmettre. Elle distribuera cette information à tous les membres du Comité, qui vont en prendre connaissance. Toute information supplémentaire qui pourrait ajouter à nos connaissances et nous aider à pondre notre rapport sera la bienvenue.
Je veux vous remercier au nom du Comité et de tous ses membres. Vraiment, c'était une séance très intéressante. Merci beaucoup.
Cela étant dit, j'ajourne la séance. Bonne journée à tous et à toutes.
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