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J'ouvre maintenant la séance.
Bienvenue à la 86e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(3) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 20 septembre 2023, le Comité se réunit afin de reprendre son étude sur le développement économique des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Je vais abréger toutes les instructions et directives destinées à ceux qui se joignent à nous de façon virtuelle. Ça fait maintenant trois ans que nous utilisons l'application Zoom, alors nous y sommes habitués. Je souhaite quand même informer le Comité que, conformément à notre motion de régie interne relative aux tests sonores, tous les témoins ont effectué les tests requis avant le début de la réunion. Tout est conforme, alors les interprètes devraient être en mesure de bien entendre toutes les interventions et nous pourrons fonctionner de façon fluide dans les deux langues officielles.
Aujourd'hui, nous avons de la grande visite durant la première heure de la réunion. Nous recevons M. Gilles Grenier, qui est professeur émérite à l'Université d'Ottawa et qui comparaît à titre personnel. Nous recevons également Mme Karen Greve Young, qui est cheffe de la direction de Futurpreneur Canada et qui se joint à nous par vidéoconférence.
Avant de commencer, je vous prie d'excuser le Comité d'avoir commencé la réunion en retard. Ce sont les aléas de la vie parlementaire. Deux votes se sont tenus à la Chambre avant le début de la réunion, ce qui nous a retardés d'une quinzaine de minutes.
Par conséquent, je serai très sévère pour le temps de parole. Chers invités, je vous donne cinq minutes chacun pour nous dire un peu...
Souhaitez-vous dire quelque chose, monsieur Godin?
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Bonjour, tout le monde. Merci de cette invitation.
Je suis professeur émérite au Département de science économique de l'Université d'Ottawa.
Je vais vous présenter les résultats de quelques-unes de mes recherches passées qui sont pertinentes en réponse aux préoccupations de votre comité. Ces recherches portent sur l'économie du marché du travail et se sont intéressées entre autres aux liens entre les attributs linguistiques et l'immigration, d'une part, et les salaires et les attributs économiques, d'autre part. Ces recherches ont porté sur le Canada dans son ensemble, sur le Québec et aussi un peu sur d'autres provinces, dont l'Ontario et le Nouveau‑Brunswick. Les données provenaient de différents recensements canadiens. J'ai utilisé des méthodes économétriques que les économistes utilisent pour analyser les effets de différentes variables sur d'autres variables.
Voici brièvement quelques résultats que j'ai obtenus de ces recherches.
Au Québec, il y a eu une amélioration des revenus relatifs et du statut économique des francophones par rapport aux anglophones depuis les années 1970.
J'ai aussi fait des recherches pour l'Ontario et j'ai alors fait des constatations intéressantes. Les francophones de l'Ontario ont de très bons revenus par rapport aux anglophones. Là n'est pas le problème. Le problème en Ontario, c'est la diminution du poids des francophones en raison de l'assimilation et de l'immigration, qui est très importante. Sur le plan de la langue parlée à la maison, les francophones ne constituent que 2 % de la population de l'Ontario.
Au Nouveau‑Brunswick, la situation est intéressante aussi. Par le passé, les revenus des francophones étaient plus bas que ceux des anglophones, mais un bon rattrapage a été fait au cours des récentes décennies. La proportion de francophones au Nouveau‑Brunswick a baissé un peu, mais elle se maintient. Dans l'ensemble, la francophonie au Nouveau‑Brunswick se maintient assez fortement.
En Ontario, il y a un problème au point de vue du nombre, mais, au point de vue du dynamisme du statut économique, la situation est quand même assez bonne.
J'ai aussi fait quelques études sur l'immigration et ses répercussions sur les langues officielles. Ma recherche récente s'est intéressée surtout au Québec, et principalement à Montréal, dans le but de savoir dans quelle proportion les immigrants s'intègrent à la communauté francophone ou anglophone, pour ce qui est de la langue utilisée à la maison et de la langue de travail.
En général, les résultats des recherches ont montré que les immigrants utilisaient plus l'anglais et moins le français à la maison et au travail, comparativement aux non-immigrants. L'immigration contribue donc à augmenter le poids de l'anglais et à diminuer celui du français. C'est le cas non seulement au Québec, mais aussi dans les autres provinces.
Cependant, jusqu'à environ 2016, au Québec, les nouvelles cohortes d'immigrants avaient tendance à utiliser de plus en plus le français, de telle sorte que l'effet sur la diminution du poids du français était minimal. Malheureusement pour le français, dans le Recensement de 2021, on a observé une inversion de la tendance: les immigrants récents utilisaient beaucoup plus l'anglais que le français, ce qui contribuait au déclin du français.
Les recherches ont montré que le pays d'origine des immigrants est déterminant dans le choix de la langue dans laquelle ils s'intègrent. En raison de l'importance de l'anglais mondialement, les immigrants sont portés à choisir cette langue s'ils n'ont pas déjà de liens avec le français. Donc, le pays d'origine des immigrants détermine en très grande partie la langue dans laquelle ils vont s'intégrer.
D'autres recherches ont aussi étudié l'effet de la langue de travail sur les revenus, à la fois pour les francophones et les anglophones au Québec et pour les immigrants. Les résultats sont un peu décevants pour le français, en ce sens que les recherches ont montré qu'il était payant pour un francophone de travailler en anglais, alors qu'un anglophone, même s'il était bilingue, ne faisait pas de gain salarial à travailler en français. La combinaison la plus intéressante, c'est que ceux qui travaillaient à peu près à 75 % du temps en anglais et à 25 % du temps en français gagnaient plus que ceux qui travaillaient seulement en anglais ou seulement en français. Donc, l'anglais est une nécessité et le français est seulement un atout. On peut le voir comme ça.
J'ai aussi fait des recherches en ce qui concerne les immigrants au Québec, et les résultats étaient les mêmes: les immigrants avaient intérêt à travailler en anglais, parce que c'était plus payant.
En conclusion, dans le contexte où l'anglais est la principale langue internationale et que l'immigration est la principale source de croissance de la population, il devient de plus en plus difficile de maintenir l'équilibre linguistique au Canada.
Je vous remercie.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Karen Greve Young. Je suis cheffe de la direction de Futurpreneur Canada. Nous sommes un organisme national sans but lucratif qui aide des aspirants entrepreneurs à démarrer des entreprises prospères partout au pays.
Nous avons un partenariat de longue date avec le gouvernement du Canada, avec lequel nous sommes en constante collaboration depuis 2001. En fait, depuis la création de Futurpreneur il y a 27 ans, nous avons aidé plus de 17 700 entrepreneurs âgés de 18 à 39 ans à démarrer plus de 14 000 entreprises dans l'ensemble des provinces et des territoires. Le Québec est la province où nous avons aidé le plus d'entrepreneurs jusqu'à maintenant.
Notre modèle de soutien unique combine jusqu'à 60 000 $ de financement par prêt sans garantie et un mentorat individuel. Nous avons en outre établi un partenariat unique avec la Banque de développement du Canada dans le cadre duquel nous prêtons conjointement nos ressources.
Nous comblons une lacune importante en aidant de jeunes entrepreneurs issus de la diversité qui, autrement, auraient de la difficulté à accéder au financement et au mentorat dont ils ont besoin pour lancer une entreprise prospère.
Nous offrons tous nos services dans les deux langues officielles, en français et en anglais, à tous nos clients partout au pays, peu importe où ils se trouvent. En tant qu'organisme national canadien, nous nous assurons toujours de servir les entrepreneurs dans la langue officielle de leur choix. En fait, je travaille chez Futurpreneur depuis cinq ans, et depuis mon arrivée, nous avons augmenté notre capacité bilingue de 82 % afin d'assurer un soutien ininterrompu à la clientèle dans les deux langues officielles.
Aujourd'hui, les 120 employés de Futurpreneur parlent couramment l'anglais, et près de 50 % de nos employés parlent couramment le français, qu'ils soient francophones ou complètement bilingues. Nous pouvons communiquer avec tous les clients et les membres du public et les servir dans l'une ou l'autre des langues officielles en tout temps, dans n'importe quelle région du pays. Notre personnel basé au Québec est entièrement bilingue et peut servir tant les clients anglophones que les clients francophones.
Nous investissons délibérément dans les talents, les compétences et l'expérience des francophones à l'extérieur du Québec afin de mieux servir et représenter les divers besoins et expériences des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Plus de la moitié de notre personnel francophone se trouve à l'extérieur du Québec, et chaque équipe de Futurpreneur compte au moins un membre complètement bilingue.
[Français]
Nous avons également plus d'une douzaine de membres de l'équipe qui, comme moi-même, sont capables de mener des affaires en français, bien qu'ils ne le maîtrisent pas complètement et qu'ils ne soient pas comptés parmi les 50 % de notre équipe qui sont parfaitement bilingues.
[Traduction]
Futurpreneur s'engage à avoir une incidence économique inclusive et y parvient en aidant de jeunes entrepreneurs issus de la diversité à démarrer et à réussir. Reconnaître et accroître la diversité des entrepreneurs des communautés de langue officielle en situation minoritaire, y compris les nouveaux arrivants, les entrepreneurs noirs, autochtones et de couleur, les entrepreneurs 2ELGBTQI+ et les personnes handicapées, signifie adopter une approche intersectionnelle et comprendre que les obstacles linguistiques peuvent faire partie d'un ensemble plus vaste d'obstacles systémiques.
Comme nous nous réunissons en ce Mois de l'histoire des Noirs, je tiens à souligner l'importance de soutenir les entrepreneurs noirs partout au Canada, dont beaucoup sont des francophones vivant à l'extérieur du Québec. Ingrid Brousillon, une nouvelle arrivante francophone qui s'est établie à Vancouver, fait partie des entrepreneurs qui ont reçu un prêt et du mentorat dans le cadre du Programme de démarrage pour les entrepreneurs noirs de Futurpreneur. Ingrid est la fondatrice de Griottes Polyglottes, une entreprise axée sur le renforcement de l'esprit d'équipe et le développement personnel par l'entremise d'ateliers de théâtre.
Récemment, dans le cadre de notre campagne de récits du Mois de l'histoire des Noirs, nous avons présenté Ingrid dans une entrevue que vous pouvez trouver sur nos réseaux sociaux et dans laquelle on alterne harmonieusement le français et l'anglais. L'histoire d'Ingrid met en lumière l'importance de s'assurer que l'écosystème entrepreneurial peut soutenir les entrepreneurs des communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada. En fait, l'équipe du Programme de démarrage pour entrepreneurs noirs de Futurpreneur, qui sont tous membres de la communauté noire, est bilingue et en mesure d'offrir des services en français ou en anglais.
Notre programme de démarrage pour les entrepreneurs autochtones, dont le personnel est entièrement composé de membres des communautés autochtones, compte également des membres qui peuvent fournir des services en anglais et en français.
Je tiens à souligner l'importance des partenariats avec les organisations, les associations et les réseaux locaux, régionaux et nationaux qui soutiennent les entrepreneurs des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Futurpreneur travaille avec divers partenaires et organismes axés sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire pour aiguiller ou recruter des entrepreneurs, échanger des renseignements et des pratiques exemplaires et travailler à des initiatives de collaboration.
Ce modèle connaît beaucoup de succès, et nous travaillons constamment avec l'écosystème partout au Canada afin de nous assurer que les programmes servent adéquatement les jeunes entrepreneurs issus de la diversité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, contribuant ainsi au développement socioéconomique inclusif du Canada.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Young et monsieur Grenier.
Par l'étude que nous faisons présentement, nous voulons connaître les pratiques exemplaires en ce qui concerne les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Monsieur Grenier, vous avez dit qu'au Québec, les personnes qui étaient bilingues avaient de meilleurs revenus. Avez-vous des données indiquant si les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l'extérieur du Québec connaissent une progression ou une régression sur le plan économique? Nous parlerons de démographie par après.
Comme je l'ai dit, pour ce qui est de l'Ontario, tous les résultats économiques montrent que les Franco‑Ontariens se portent bien sur le plan économique. La communauté franco-ontarienne est très dynamique et compte beaucoup d'entrepreneurs. Selon les données sur le revenu et sur le marché du travail, la situation est très bonne.
Je n'ai pas vérifié pour toutes les provinces, mais je pense que c'est le cas ailleurs aussi, en général. Comme je l'ai dit, il y a eu une amélioration au Nouveau‑Brunswick, par exemple. Les Acadiens du Nouveau‑Brunswick se portent relativement bien économiquement.
Donc, du point de vue de la valeur de leur contribution, les communautés francophones, du moins en Ontario et au Nouveau‑Brunswick, sont dynamiques. Elles contribuent à la société et elles ont de bonnes conditions économiques.
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Je vous remercie de la question.
Je vais l'aborder du point de vue des employés, ainsi que du point de vue des services.
Comme je l'ai mentionné, près de la moitié de nos employés bilingues vivent à l'extérieur du Québec. En fait, nous payons une prime aux employés qui maîtrisent l'anglais et le français, parce que nous valorisons la maîtrise de la langue française pour servir les Canadiens francophones, peu importe où ils vivent.
Pour ce qui est de nos services, encore une fois, nous avons des francophones ou des...
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C'est intéressant. Je suis désolée. Je n'avais pas bien compris votre question.
À l'heure actuelle, nous servons déjà les Canadiens francophones, peu importe où ils se trouvent. Les membres de notre équipe francophone sont répartis dans tout le pays. Les partenariats avec des organisations qui se trouvent dans des collectivités rurales où il y a un certain nombre de Canadiens francophones constituent un autre outil que nous utilisons, mais que nous pourrions utiliser davantage. Nous avons actuellement 21 partenariats. Nous pourrions en avoir plus de manière à nous assurer d'avoir des gens sur le terrain, en plus de notre personnel.
Il est également très utile d'avoir des outils en ligne, de sorte qu'un anglophone du Québec ou un francophone, peu importe où il se trouve au pays, ait accès à tous nos webinaires, qui sont toujours...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur Grenier, votre domaine de spécialisation en économie touche manifestement au bilinguisme, à la langue de travail, aux langues minoritaires et aux immigrants. Le travail de ce comité est de réfléchir sur des questions qui touchent directement les communautés de langue officielle en situation minoritaire, notamment celles de langue française hors Québec.
La majorité des articles que vous avez écrits concernent la situation à Montréal ou, de façon plus générale, au Québec. Avez-vous des connaissances sur la situation économique des communautés de langue française hors Québec?
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Merci, monsieur Grenier.
Monsieur le président, pourrait-on demander au témoin de nous transmettre ces nouvelles données dès que leur mise à jour sera terminée? Je vous remercie.
J'ai une autre question pour vous, monsieur Grenier.
En novembre dernier, le gouvernement du Canada a annoncé de nouvelles cibles d'immigration. D'ici 2026, le gouvernement souhaite accueillir 6 %, 7 %, puis 8 % d'immigrants francophones.
Que pensez-vous de ces nouvelles cibles?
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Ce n'est pas facile, car le bassin d'immigrants qui vont s'intégrer à l'anglais est beaucoup plus grand que celui d'immigrants qui vont s'intégrer au français. À l'échelle mondiale, la langue dominante est l'anglais. Actuellement, les immigrants au Canada proviennent en grande partie de la Chine, de l'Inde, des Philippines et d'autres pays d'Asie. Bien que ces pays ne soient pas à prédominance anglophone, l'anglais y est la langue seconde dominante. Les immigrants en provenance de ces pays ont donc tendance à s'intégrer à l'anglais. Même s'ils vont au Québec, c'est très difficile de les intégrer à la langue française.
Le bassin francophone est toujours plus petit. Néanmoins, le français n'est pas une langue morte dans le monde. Il demeure une langue internationale qui a son importance. Les pays de l'Afrique du Nord, comme l'Algérie et le Maroc, sont importants pour l'immigration francophone. En outre, les pays de l'Afrique subsaharienne, en particulier de l'Afrique de l'Ouest, comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Congo, envoient de plus en plus d'immigrants au Québec, mais ils pourraient aussi en envoyer dans les autres provinces canadiennes.
Il existe quand même un bon bassin d'immigration francophone au Québec et à l'extérieur du Québec.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Monsieur Grenier, vous avez publié en 2019 un article intitulé « Quebec's language policy and economic globalization ». Selon le résumé de l'article, les francophones du Québec ont vu leur pouvoir d'achat s'améliorer et ont maintenant un meilleur contrôle de l'économie. Cependant, sur le marché du travail, travailler en anglais rapporte plus que de travailler en français, notamment pour les immigrants.
Ici, au Comité, nous avons vu des études qui tendaient à dire le contraire, c'est-à-dire que les anglophones seraient plus pauvres et vivraient plus de chômage, par exemple. Cependant, ces études se basaient sur la première langue officielle parlée et sur la médiane.
Pour votre part, vous avez étudié davantage l'aspect de la langue de travail. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
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Plusieurs méthodologies peuvent être utilisées pour comparer les salaires et les revenus. Selon le cas, on peut arriver à des résultats qui varient.
Quant à la méthode utilisée dans mon cas, je ne veux pas nécessairement entrer dans les détails techniques. Les économistes qui comparent les salaires utilisent habituellement des microdonnées. C'est ce qu'on appelle en anglais la human capital earnings function, soit la fonction de gains en capital humain. Au moyen de cet outil, on fait une analyse régressive des salaires en utilisant des variables comme l'éducation, l'expérience, l'emploi et d'autres caractéristiques. Pour notre part, nous avions ajouté la langue de travail parmi les variables explicatives. Nous avions des mesures de contrôle en ce qui concerne les différences acceptables et raisonnables de salaires et nous essayions de voir quelles étaient les répercussions de la langue de travail sur les salaires.
Effectivement, pour les immigrants à Montréal, nous obtenions le résultat un peu décevant selon lequel il était plus payant de travailler en anglais qu'en français. Il faut comprendre que la difficulté est plus grande pour les immigrants à Montréal. On veut qu'ils apprennent le français, alors on leur offre des cours de francisation. Cependant, quand ils arrivent sur le marché du travail, souvent le français ne suffit pas et ils doivent aussi apprendre l'anglais pour pouvoir fonctionner convenablement.
Le Québec est donc dans une situation un peu particulière par rapport au reste du Canada. À Toronto, il y a juste une langue: tout le monde doit apprendre l'anglais. Au Québec, en revanche, le gouvernement veut que les immigrants apprennent le français, et ce n'est pas toujours facile. En plus, ils sont obligés d'apprendre l'anglais. Souvent, les immigrants en provenance de pays francophones ne connaissent pas bien l'anglais, à leur arrivée. La difficulté est donc plus grande pour le Québec que pour le reste du Canada.
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Oui, jusqu'à un certain point. Le bilinguisme a augmenté chez les francophones au cours des 20 ou 30 dernières années.
Dans le monde d'aujourd'hui, l'anglais est une langue internationale, une lingua franca. Si vous allez en Europe, vous verrez que les gens se plaignent de la valeur accordée à l'anglais et des dangers qu'il pose. Nous ne sommes donc pas les seuls dans cette situation, au Québec, mais nous pouvons y faire face. C'est correct d'utiliser l'anglais, jusqu'à un certain point, pour communiquer avec des gens à l'étranger, mais il y a encore de la place pour le français. Cela demeure une langue importante sur le plan international. Elle est parlée en Afrique, en Asie et en Amérique.
En tant qu'économiste, je pense que le français doit pouvoir faire concurrence à l'anglais. On sait que l'anglais est tellement dominant mondialement que le français ne pourra jamais le remplacer, mais il faut que d'autres langues, dont le français, puissent faire concurrence à l'anglais et que certaines activités, qu'il s'agisse de recherche scientifique ou de commerce, se fassent en français.
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Devrait-on encourager le bilinguisme dans le secteur privé ou dans d'autres domaines de la même façon qu'on essaie de le faire dans la fonction publique fédérale? Sûrement.
Je pense qu'il devrait y avoir plus de gens bilingues au Canada, plus de gens qui parlent le français. Il y a quand même beaucoup d'anglophones qui apprennent le français au moyen de cours d'immersion française. Malheureusement, ils ont rarement l'occasion de le pratiquer parce qu'ils travaillent surtout en anglais. Je pense qu'on devrait faire des efforts pour que les milieux de travail au Canada soient beaucoup plus bilingues, un peu comme c'est le cas au Québec.
Au Québec, c'est tout à fait normal de travailler dans les deux langues. Par exemple, dans les restaurants de Montréal, on demande au client s'il veut être servi en français ou en anglais. J'aimerais bien qu'on le fasse aussi à Ottawa, et que les serveurs et les serveuses nous permettent de commander dans la langue de notre choix. Par contre, souvent, on ne le fait pas parce qu'on craint que la personne ne nous comprenne pas.
Selon moi, on devrait encourager de plus en plus de personnes à travailler dans les deux langues officielles canadiennes. Ce serait notre distinction en tant que Canadiens. Cela nous rendrait différents des Américains. Au Canada, on parle deux langues, et aux États‑Unis, on en parle seulement une.
Cela répond-il à votre question?
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Oui. C'est une bonne suggestion.
Au Comité, on a beaucoup parlé du lien entre l'éducation et le développement économique. Comme on le sait, il y a une grande pénurie de personnel enseignant francophone, et ce, partout au Canada. Nos écoles et nos garderies ont besoin d'enseignants et d'éducateurs.
Selon vous, serait-il important que le gouvernement fédéral s'engage à trouver des solutions en partenariat avec les provinces et les organisations qui s'occupent de l'éducation, afin de répondre à cette pénurie de main-d'œuvre? S'agirait-il aussi de trouver des solutions en matière de développement économique?
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Merci, madame Ashton et monsieur Grenier.
C'est tout le temps que nous avions pour la première partie de la réunion. En effet, nous devons suspendre la séance temporairement, à 16 h 45, afin de faire les tests de son pour les prochains témoins.
Je vous remercie, chers témoins, de votre présence et de nous avoir fait part de vos connaissances. Si vous croyez que de l'information supplémentaire devrait nous être envoyée, n'hésitez pas à la transmettre à notre greffière. Cette dernière transmettra toute cette information écrite aux membres du Comité. Je précise que ces renseignements écrits ont le même poids que les témoignages.
Je vais suspendre la séance quelques instants.
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Nous reprenons la séance.
Je souhaite la bienvenue aux témoins de la deuxième heure de notre réunion, qui participent par vidéoconférence.
Pour commencer, nous accueillons M. Pierre‑Marcel Desjardins, professeur de l'Université de Moncton. La dernière fois que je l'ai vu, je dirais que sa chevelure et sa barbe étaient un peu moins blanches.
Nous recevons également M. Kenneth Deveau, du Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse,
M. Desjardins est du Sud-Est de la province du Nouveau‑Brunswick, en Acadie; et M. Deveau est de la Baie Sainte‑Marie, en Nouvelle‑Écosse.
Soyez les bienvenus, chers amis.
Vous disposez chacun d'environ cinq minutes pour nous présenter ce dont vous voulez nous entretenir. Je suis ferme pour ce qui est du respect des cinq minutes de temps de parole, parce que cela donne plus de temps aux membres du Comité de poser des questions. Par la suite, il y aura la période de questions et réponses interactives avec les différents représentants de nos formations politiques, qui sont bien sages par les temps qui courent.
Cela étant dit, nous commençons par M. Desjardins, qui dispose de cinq minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Pierre‑Marcel Desjardins. Je suis professeur d'économie à l'Université de Moncton. J'ai porté d'autres chapeaux, incluant celui de la présidence du conseil d'administration de RDEE Canada, pendant deux ans.
J'aimerais vous présenter quatre points.
Premièrement, il arrive souvent, en économie, qu'on n'accorde pas suffisamment d'importance à ce qu'on peut appeler les coûts de transaction. La langue en est un élément. Il y a la proximité géographique, la proximité historique, mais également la proximité culturelle, incluant la langue. Selon les prévisions sur la progression de la population francophone mondiale, la part de la population mondiale qui parlera le français, principalement en raison de ce qui se passe en Afrique, devient de plus en plus importante.
Deuxièmement, quand on a besoin d'avoir accès à une main-d'œuvre, parfois la statistique à laquelle on fait référence est la langue maternelle — c'est souvent un aspect important pour les entreprises. L'Alberta, par exemple, compte 79 000 francophones de langue maternelle, mais 260 000 personnes peuvent parler le français. En matière de développement économique, il est souvent tout aussi important de regarder la capacité de converser en français quand on fait notre analyse.
Troisièmement, lorsqu'on parle de bilinguisme ou du fait français — je fais beaucoup référence au contexte néo‑brunswickois —, on a souvent l'impression que ce sont les personnes bilingues, principalement les francophones qui en profitent. Je ferai donc référence à ce qu'on appelle communément les « centres d'appels » ou les « centres de contact à la clientèle ». En général, au Nouveau‑Brunswick, le pourcentage de la population du marché du travail qui est unilingue anglophone, c'est-à-dire qui ne parle que l'anglais, est de 56 %. Cependant, dans les centres de contact à la clientèle, ce pourcentage est de 66 %.
Rappelez-vous que lorsque vous appelez un numéro sans frais, on vous dit d'appuyer sur le 1 si vous voulez parler en français et sur le 2 si vous voulez parler en anglais. La technologie dirige les appels au bon endroit. Les anglophones unilingues bénéficient de la présence de la communauté francophone et du bilinguisme.
Enfin, quatrièmement, selon mes études, en particulier au Canada atlantique et plus spécifiquement au Nouveau-Brunswick, lorsqu'on regarde les moyennes, il peut sembler que la communauté francophone est peut-être moins performante sur le plan économique. Cependant, lorsqu'on regarde la situation dans chacun des comtés, on constate que les francophones réussissent généralement mieux que leurs compatriotes anglophones du même comté. En fait, les francophones sont surtout concentrés dans les régions rurales, alors que les anglophones sont surtout concentrés dans les milieux urbains.
J'ai entendu le témoignage des deux personnes qui ont comparu avant moi. Quand on parle de politiques publiques, il est extrêmement important d'avoir des politiques qui encouragent le développement rural, parce que c'est là que sont concentrés les francophones. Souvent, quand on déménage dans des milieux plus urbains, principalement pour des raisons économiques et financières, le taux d'assimilation s'accroît.
Parmi les programmes ciblés, on peut penser à la petite enfance, dont les services devraient être offerts en français. Ils ne devraient même pas être bilingues, mais bien en français. Il faudrait des écoles, des services gouvernementaux, des services en art et en culture en français. Tous les services en français que nous sommes capables d'amener en milieu rural contribuent à l'essor des communautés francophones en situation minoritaire qui sont souvent, pour certaines d'entre elles, concentrées dans les milieux plus ruraux.
Je vous remercie.
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Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion. J'espère être aussi efficace que M. Desjardins.
Je m'appelle Kenneth Deveau et je suis le directeur général du Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse. J'ai un doctorat en éducation de l'Université de Moncton. J'ai été vice-recteur de l'Université Sainte‑Anne, ainsi que directeur et fondateur d'Invest Nova Scotia, dont j'ai également occupé la vice-présidence et la présidence. Récemment, j'ai complété le MIT Regional Entrepreneurship Acceleration Program. Je suis donc passé de l'éducation, au début de ma carrière, au développement économique. Aujourd'hui, je vais essayer de faire le lien entre ces deux domaines, de vous faire part de mes réflexions et, peut-être, de vous suggérer certaines pistes.
Fondamentalement, on parle de la vitalité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire, ou CLOSM. La vitalité d'une communauté se définit par sa capacité à se maintenir comme une entité distincte et à s'épanouir dans ce contexte, et elle peut se résumer en trois facteurs: le statut du groupe, de sa langue et de sa culture; sa complétude institutionnelle; et, bien entendu, les facteurs démographiques. Ces derniers retiennent beaucoup notre attention, mais ils sont souvent la conséquence des deux autres facteurs.
Parlons d'abord du statut. En économie, la langue des affaires est l'anglais, que ce soit dans nos communautés, à l'échelle nationale ou à l'échelle internationale. J'ai écouté les témoignages précédents. Il y a quand même des territoires où le français a un statut particulier, et on devrait miser davantage sur ces territoires lorsqu'il est question d'échanges commerciaux pour nos communautés. Je pense notamment au Québec. Pourrait-on promouvoir davantage d'échanges commerciaux entre la baie Sainte‑Marie et le Québec, par exemple? Y a-t-il des domaines particuliers sur lesquels on pourrait miser davantage? On aurait intérêt à travailler à des domaines qui sont déjà établis, plutôt que d'essayer d'en créer d'autres. Je pense notamment à la culture et à l'éducation. Vous avez déjà parlé des institutions et exploré la question de l'éducation. L'éducation, de la prématernelle au postsecondaire, est un facteur important qui contribue au développement économique et à la vitalité de nos communautés. Cela a beaucoup été étudié.
Sur le plan économique, je vais me concentrer sur l'éducation postsecondaire, pour rester bref. En Nouvelle‑Écosse, après les produits de la mer, comme le poisson et le homard, surtout, le produit d'exportation qui apporte le plus de revenus est l'éducation postsecondaire. L'Université Sainte‑Anne y joue un grand rôle. En Nouvelle‑Écosse, les étudiants étrangers sont très importants pour l'économie francophone, il ne faut pas l'oublier. Ils représentent plus que des frais de scolarité. C'est aussi une main-d'œuvre qualifiée pour nos entrepreneurs et des clients pour nos commerces. De plus, c'est une porte vers les marchés internationaux, que ce soit l'Europe, le Maghreb ou l'Afrique subsaharienne. Cela n'est pas assez exploité, et je suis convaincu qu'il y a là un rôle à jouer pour le Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse. Il y a des possibilités sous-exploitées qu'on doit explorer davantage.
Finalement, j'aborderai la question démographique, qui est très importante. La mobilité fait que nous perdons nos jeunes, et c'est une perte double. Ils quittent nos régions, comme le Madawaska — vous le savez, monsieur Arseneault —, pour faire des études postsecondaires. Nous perdons non seulement nos jeunes, mais aussi les futurs chefs de file de nos communautés. Ce sont les plus forts qui nous quittent et qui, souvent, ne reviennent pas. Comment peut-on les rapatrier? Avant, on cherchait à développer des commerces. Maintenant, compte tenu des modes de travail flexibles, il y a peut-être des possibilités à exploiter davantage.
On a aussi parlé de l'immigration, ici, à ce comité. L'immigration francophone fait partie des priorités de la francophone canadienne, du gouvernement du Canada et du gouvernement de certaines provinces. Plus tard, j'aimerais vous parler d'un projet du Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse, concernant la baie Sainte‑Marie. Je me servirai de ce projet pour me permettre de vous faire quelques recommandations lorsque vous me poserez des questions.
Je vous remercie du temps que vous m'accordez. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Les données que nous utilisons sont souvent celles du recensement. On ne nous offre pas nécessairement les données nous permettant d'analyser la structure d'une entreprise. On nous donne plutôt accès aux données liées aux lieux de résidence et aux ménages. Les données sont donc plutôt liées aux employés, et non au milieu d'affaires.
Nous avons des statistiques sur la langue de travail, mais celles-ci ne nous permettent pas de faire le lien avec les types d'entreprises et de marchés. Par exemple, on ne sait pas si ces entreprises exportent sur les marchés francophones. Il faut faire tous ces liens pour avoir un portrait complet de la situation. Souvent, nous devons faire des sondages et interviewer les gens d'une entreprise pour dresser le profil sociodémographique d'une région. Par exemple, j'ai fait des études dans lesquelles on comparait la Gaspésie au Nord du Nouveau‑Brunswick. On peut le faire. Cependant, c'est beaucoup plus complexe de comparer des entreprises de la Gaspésie à des entreprises du Nouveau‑Brunswick.
Selon le Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse, les étudiants étrangers forment une clientèle, mais ils sont aussi une ressource. En effet, les étudiants étrangers qui s'établissent dans nos régions, même pendant une courte période, fréquentent les commerces locaux. Il s'agit donc d'une clientèle importante pour une région rurale comme celle de la baie Sainte‑Marie. Pour nos entreprises et nos employeurs, il s'agit aussi d'une main-d'œuvre hautement qualifiée.
Personnellement, je pense qu'il y a là une occasion de commerce international sous-exploitée, compte tenu des liens qu'on pourrait avoir avec l'étranger.
J'aimerais revenir à votre question qui portait sur la recherche.
En plus des données de Statistique Canada, on a besoin d'outiller les organismes, comme le Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse, afin qu'ils puissent établir des partenariats avec des chercheurs, comme M. Desjardins, et pour étudier l'économie de nos régions. Ainsi, nous aurions moins de problèmes lorsque nous mettons en place des projets, en pensant que c'est une bonne idée, sans avoir les données probantes qui nous permettraient de prendre les bonnes décisions aux bons moments.
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Merci, monsieur Deveau.
Mes prochaines questions s'adresseront à vous deux, messieurs Desjardins et Deveau.
Serait-il possible de faire parvenir au Comité les bonnes pratiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire? Cela pourrait nous inspirer pour ce qui est de l'ensemble des communautés du Canada.
Par ailleurs, serait-il possible de nous fournir les outils supplémentaires qui seraient nécessaires?
On a parlé des données statistiques. Je pense que c'est un élément très important, mais il y a sûrement d'autres données. Notre temps de parole est restreint, mais je profite de l'occasion pour vous demander de nous transmettre ces réponses par écrit. Cela nous permettrait de rédiger un meilleur rapport et d'inviter le gouvernement à être plus proactif et à poser de bons gestes relativement à l'attractivité de ces communautés. Il faut aussi que cette attractivité demeure. Il faut aussi garder notre savoir et nos jeunes. Enfin, il faut que les travailleurs et les étudiants étrangers restent chez nous. Il faut que nos communautés soient encore plus performantes et attrayantes, en plus d'inciter les gens à utiliser le français.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie également, messieurs Desjardins et Deveau.
Monsieur Deveau, c'est toujours un plaisir de vous revoir en grande forme. Je sais que vous adorez les questions de recherche; vous avez donc sauté sur l'occasion de venir nous voir. C'est ce dont je me suis aperçu avec mon collègue M. Godin, et je trouve cela essentiel.
Deux questions me tiennent à cœur. La première porte sur le RDEE, soit le Réseau de développement économique et d'employabilité, que vous connaissez très bien. Lors du Sommet national sur la francophonie économique en situation minoritaire, qui s'est tenu en 2022, le RDEE a expliqué qu'il était primordial que le gouvernement crée un plan dédié aux communautés francophones, soit un plan économique ou une stratégie, pour atteindre son objectif.
Avez-vous des commentaires à faire à cet égard? À quoi cela pourrait-il ressembler, selon vous?
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D'accord. Je vous remercie de votre question, à laquelle je suis heureux de répondre.
D'abord, certains jeunes originaires de nos régions sont extrêmement qualifiés et vivent dans les grandes métropoles canadiennes où il y a des graves problèmes de logement. Dans nos régions, nous avons des problèmes de connectivité. La résolution de ces problèmes et l'élaboration de stratégies qui appuieraient justement les personnes travaillant à distance permettraient de rapatrier des jeunes qui ont du potentiel et qui sont capables d'exercer un leadership dans nos régions, à partir de nos régions. Des organismes comme le Conseil de développement économique pourraient créer ces stratégies.
En fait, les statistiques démontrent que la majorité des entrepreneurs lancent leur entreprise après l'âge de 40 ans. Si nous pouvons rapatrier des jeunes de cet âge, nous aurons des entrepreneurs en herbe pour faire prospérer nos régions. Cela amènerait du capital dans nos régions, ce qui est vraiment le nerf de la guerre.
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L'immigration est un phénomène urbain, non seulement au Canada, mais partout.
Si on veut que l'immigration serve la francophonie canadienne, il faut élaborer des mesures pour favoriser l'immigration rurale. À cet égard, l'initiative des communautés francophones accueillantes est un outil intéressant. Au Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse, nous misons sur la communauté francophone accueillante de Clare. Nous allons mettre sur pied une cohorte.
J'insiste sur l'importance d'une action réfléchie. Nous visons vraiment à mettre sur pied un projet pilote pour établir des pratiques exemplaires et les étendre au reste de la Nouvelle‑Écosse et, grâce à nos partenaires au Réseau de développement économique et d’employabilité, à tout le pays.
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Vous avez répondu à la question en la posant. C'est exactement cela.
Les communautés de souche dans tout le pays sont dans des régions rurales en perte de vitesse, généralement au profit des grands centres urbains.
Par exemple, en Nouvelle‑Écosse, le plus grand bassin de francophones est maintenant à Halifax. Les francophones d'Halifax y ont emménagé à partir d'autres provinces, en grande partie du Québec, mais ils viennent aussi d'autres pays.
Halifax profite de façon démesurée de l'immigration francophone par rapport à Clare, à Inverness ou à Chéticamp. Nous cherchons donc à élaborer des solutions avec la province pour mieux répartir l'immigration francophone dans la province en encourageant l'immigration dans les communautés de souche, où la langue française a de meilleures chances de se maintenir.
D'ailleurs, ils vont mieux s'intégrer. Cela dit, pour cela, il faut une masse critique. On ne peut pas le faire un immigrant à la fois. C'est pourquoi l'idée de la cohorte est vraiment importante. Les gens s'intègrent mieux en groupe que de façon individuelle.
Si on peut aider ces immigrants à s'établir dans des régions comme celle de la baie Sainte‑Marie, où la vie se passe encore en français, on donnerait une meilleure chance à cette communauté de se maintenir, mais on donnerait aussi à ces personnes une meilleure chance de s'intégrer en faisant partie de la grande famille qu'est la francophone canadienne, bien sûr.
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Dans certaines institutions, en particulier dans les établissements d'éducation, oui.
Je suis désolé, mais les clients des grands exportateurs de fruits de mer de la Nouvelle‑Écosse sont partout sur la planète Terre. Les échanges commerciaux avec ces clients se font en anglais. Bien sûr, en coulisse, on se parle en français, mais le travail se fait en anglais. Je crois que cela va continuer ainsi.
Au moins, si ces investissements se font dans des communautés comme celle de la baie Sainte‑Marie ou dans la péninsule acadienne, au Nouveau‑Brunswick, c'est-à-dire des communautés qui ont de réelles chances de survivre, on en sortira gagnant.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins. Ce qu'ils nous ont dit aujourd'hui correspond mot pour mot aux préoccupations que nous entendons ici, chez nous, dans les communautés francophones du Manitoba. Ça reflète certainement ce que nous entendons de la part de la communauté urbaine de Saint‑Boniface, mais ça reflète particulièrement les préoccupations des communautés rurales d'un bout à l'autre de notre province ainsi que dans les Prairies.
Je vous remercie de nous avoir fourni des recommandations aussi claires. Comme mes collègues le savent, ça fait presque trois ans que, à ce comité, je parle du besoin d'investir dans les services à la petite enfance et dans l'éducation. Personnellement, j'ai vécu mes propres difficultés à cet égard. Notre communauté compte une garderie francophone, mais, en raison de la pénurie de main-d'œuvre, je n'ai jamais réussi à y envoyer mes enfants. Lorsque le temps passe et que les parents n'ont pas d'autres options, ils finissent par envoyer leurs enfants dans le système anglophone et on les perd parfois pour toujours.
Je voudrais vous questionner tous les deux, en commençant par M. Desjardins.
Quelle est l'importance d'investir dans les services à la petite enfance? On sait qu'on a besoin d'infrastructures, c'est-à-dire de garderies, mais aussi de personnel pour prendre soin des enfants. À quel point est-il important que le gouvernement fédéral fasse des investissements stables à cet égard? À quel point ces investissements sont-ils essentiels à la rétention des jeunes familles dans nos communautés?
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C'est fondamental à plusieurs égards.
Tout d'abord, on parle beaucoup de pénurie de main-d'œuvre. Cela dit, on doit aider les parents qui le veulent à accéder au marché du travail. À mon avis, les services à la petite enfance sont essentiels pour favoriser l'intégration et la rétention de ces personnes sur le marché du travail.
Deuxièmement, il y a souvent un défi sur le plan linguistique. La situation au Manitoba ressemble un peu à ce que nous vivons chez nous. Nous avons des options bilingues, mais ça veut souvent dire que l'anglais devient dominant. Voilà qui confirme l'importance d'avoir des services à la petite enfance en français. On dit qu'on va attraper l'anglais dans la rue et qu'on n'a pas besoin d'aller à la garderie ou à l'école pour l'apprendre. C'est fondamental.
Troisièmement, il y a la question de l'abordabilité des services de garde. Ce ne sont pas tous les parents qui peuvent se permettre de payer des frais extrêmement élevés pour envoyer leurs enfants à la garderie. Certains doivent, à regret, faire le choix de rester à la maison, que ce soit l'un des deux parents ou les deux. Parfois, ce sont des familles monoparentales. Ces parents ne le font pas par choix, mais tout simplement parce que les frais sont très élevés, en réalité.
Dans ce contexte, j'ajouterais un dernier élément: il faut que les gouvernements provinciaux soient à la table comme partenaires, parce que ce sont eux qui gèrent les fonds sur le terrain. Si, malgré les orientations données par le fédéral, les fonds ne sont pas gérés sur le terrain de manière à rendre véritablement accessibles les garderies francophones, on manque le coche.
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Merci beaucoup, monsieur Desjardins.
Je vais profiter du temps de parole qu'il me reste pour m'adresser à M. Deveau en abordant le sujet sous un autre angle.
Vous avez parlé du rôle essentiel des étudiants internationaux. On sait que le a annoncé, il y a quelques semaines, que le Canada allait réduire le nombre d'étudiants internationaux qu'il reçoit. Malheureusement, nous n'avons pas entendu de promesse disant qu'on accorderait une exemption aux établissements francophones. Les représentants de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne nous ont dit être très préoccupés par cette situation. Nos établissements et nos communautés dépendent des étudiants internationaux. Ce qui est très préoccupant, c'est que la communauté internationale a déjà entendu cette annonce et que des gens pensent déjà aller étudier ailleurs au lieu de venir au Canada.
Pouvez-vous nous faire part de votre point de vue et de vos recommandations? Selon vous, serait-il important d'avoir une exemption pour les étudiants qui poursuivront des études uniquement en français?
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Nous parlions tantôt d'entrepreneurs francophones. Est-ce que c'est le gestionnaire ou est-ce que c'est le propriétaire? C'est l'élément à définir. Ça fait partie des défis.
Dans les communautés francophones en situation minoritaire, peu importe que le président, le propriétaire ou le gestionnaire d'une entreprise soit anglophone, si les employés peuvent fonctionner et travailler en français, il s'agit à mon avis d'une entreprise francophone, d'une certaine manière, puisque les francophones dans ces communautés peuvent y travailler.
J'ai souvent tendance à avoir une définition un peu plus large de ce qui constitue une entreprise francophone. Prenons l'exemple d'une entreprise multinationale qui va s'installer dans une communauté, mais qui va employer des personnes francophones de cette communauté. Même si elle vient d'Allemagne, elle permet aux gens de vivre et de travailler dans leur communauté en français. C'est dans ce contexte que, à mon avis, il faut avoir une définition assez générale.
Autrefois, pour avoir un emploi, les gens étaient souvent obligés de s'exiler. Maintenant, quand une région connaît une activité économique, ils ont au moins le choix. Je ne condamnerai jamais quelqu'un qui veut aller ailleurs pour faire sa vie. Cependant, ce qui pose un sérieux problème, selon moi, c'est lorsque des gens veulent demeurer dans leur communauté — il s'agit souvent de communautés rurales francophones —, mais que le manque de possibilités ou de choix les oblige à aller ailleurs.
La présence d'une activité économique est bénéfique, qu'il s'agisse d'entrepreneurs locaux ou d'entreprises de l'extérieur qui viennent s'installer dans la communauté. Si on est capable de générer de l'activité économique qui crée des emplois de qualité, si je peux m'exprimer ainsi, donc des emplois permettant à des personnes de faire une belle vie, ça doit être applaudi.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins, soit M. Deveau, de la Nouvelle‑Écosse, et M. Desjardins, du Nouveau‑Brunswick. Personnellement, je suis un fier Franco‑Ontarien du Nord de l'Ontario. Vos commentaires me font sentir comme à la maison. D'ailleurs, je suis certain que nous avons des cousins et des cousines en commun. J'aime beaucoup les informations que vous avez données.
Mon temps de parole est court, mais j'aimerais poser une question en lien avec le rôle des provinces et des municipalités. Lorsqu'on parle de pénurie de main-d'œuvre, ça signifie aussi un manque de services en français, surtout dans les domaines de la santé et de l'éducation, qui sont de compétence provinciale. Il y a également des problèmes en ce qui concerne les services offerts en français dans le système juridique.
Avez-vous des recommandations précises à faire au Comité quant aux façons de travailler de plus près avec les provinces?
Plusieurs organisations nationales nous disent que, en situation minoritaire, c'est le fédéral qui doit intervenir. Nous sommes quand même des citoyens des provinces, et celles-ci ont un rôle à jouer.
Pensez-vous que les provinces devraient jouer un meilleur rôle pour soutenir la francophonie dans ces domaines?
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Je vais essayer de répondre à la question.
En matière d'immigration, la situation en Nouvelle‑Écosse est assez intéressante. D'un gouvernement à l'autre, il y a eu des engagements à cet égard, et même des partenariats entre le Conseil de développement économique de la Nouvelle‑Écosse, le ministère provincial responsable de l'immigration ainsi que d'autres acteurs du domaine de l'immigration afin de cibler des stratégies de développement de l'immigration francophone qui résolvent des problèmes plutôt que d'en créer. C'est un bel exemple à voir.
Le gouvernement fédéral a quand même un rôle important à jouer dans certains domaines, et nous le voyons en matière d'immigration. Or, du côté de la petite enfance, la Nouvelle‑Écosse a rencontré des défis sur lesquels j'aimerais attirer votre attention. Les transferts de fonds visant la petite enfance n'ont pas nécessairement résolu les problèmes des francophones en Nouvelle‑Écosse; dans certains cas, c'est peut-être même le contraire.
Je vous invite à nous appuyer et à appuyer notre province en matière de services à la petite enfance. On s'assure ainsi de protéger les services d'éducation à la petite enfance offerts en français en Nouvelle‑Écosse.
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Je vais essayer de poser ma question rapidement pour laisser le temps à nos invités d'y répondre.
On parle de l'importance d'avoir des services en français et des milieux de travail qui fonctionnent en français. Le projet de loi , outre les dispositions qui s'appliquent à l'extérieur du Québec, a également édicté une loi qui est censée garantir ou, du moins, appuyer l'offre de services en français dans les entreprises de compétence fédérale au Québec.
Ne pensez-vous pas que le français devrait être la langue prédominante, sinon la langue commune, également au sein des institutions fédérales situées dans des territoires à plus forte concentration de francophones?
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Merci à Mme Ashton et aux témoins.
Je suis désolé, mais j'ai la malheureuse tâche de devoir couper court aux discussions, parce que nous devons absolument lever la séance à 17 h 30. Des votes à la Chambre nous ont occasionné un peu de retard. C'est quelque chose qui arrive couramment au Parlement. Nous avons dû écourter de 15 minutes chacune des deux heures prévues pour la réunion.
Chers témoins, je vous remercie de vos témoignages. N'hésitez pas à nous communiquer par écrit des informations que vous voudriez ajouter. Elles auront autant de poids que votre témoignage verbal. Vous pouvez les faire parvenir à notre greffière, qui les fera parvenir aux membres du Comité.
Avant de terminer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à une nouvelle membre permanente du Comité, soit Mme Annie Koutrakis, du Parti libéral.
Je vous remercie d'avoir accepté ce mandat de façon permanente.