CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 1er octobre 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Nous allons commencer.
Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration se réunit aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour discuter de son étude intitulée « Protéger nos foyers et nos droits: garantir la sécurité du système canadien d'immigration ».
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins, M. Mark B. Slater, professeur de l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa, et M. Peter Edelmann, avocat, qui participera par vidéoconférence. Nous avons hâte de vous entendre, messieurs. Vous disposez de 10 minutes chacun.
Mark, c'est vous qui allez commencer.
Non, pas du tout.
J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je voudrais traiter aujourd'hui d'une des questions cruciales du rapport qui nous intéresse, soit celle de la politique relative aux visas. Je m'attarderai particulièrement sur le lien entre cette politique et la sécurité.
Comme vous le savez, les visas constituent un des principaux outils du régime de gestion de l'immigration du Canada. Même si la décision finale revient au garde qui est en poste à la frontière, les visas jouent un rôle important dans la prise de décisions aux frontières.
Je considère, et je crois que nous en conviendrons tous, que le jeu à somme nulle ne sert ni la liberté ni la sécurité et que les deux sont indissociables. L'une ne va pas sans l'autre. Il n'y a pas de liberté sans sécurité, et pas de sécurité sans liberté. Nous cherchons à atteindre simultanément ces deux objectifs; quand on en vient à la politique relative aux visas, je me pose donc la question suivante: comment peut-on instaurer le régime de visas le plus sécuritaire possible tout en conservant la version de la liberté qui nous est propre?
Pour l'heure, le Canada fixe ses exigences en matière de visas pour chaque pays. Le ministère de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme prépare un rapport pour chaque pays en tenant compte d'un certain nombre de facteurs: la croissance, les chiffres relatifs à la migration, la sécurité des documents de voyage, la fraude, les taux de demandes de statut de réfugié, et ainsi de suite. Cependant, ces visas accordés selon les catégories de pays sont des instruments brutaux. Pour reprendre les mots du ministre Kenney, le visa...
... est un moyen brutal. Il nuit aux intérêts diplomatiques et commerciaux du Canada. C’est un outil à utiliser dans un programme d’immigration bien géré, mais seulement en dernier recours.
Pour illustrer clairement cet état de fait, je donnerai l'exemple de la crise des visas que doivent maintenant demander les ressortissants tchèques. En mars 2009, le Canada a imposé des restrictions aux ressortissants de la République tchèque en ce qui concerne les visas en raison de l'importante vague de demandes de statut de réfugié et d'asile, et de la hausse correspondante du nombre de demandes frauduleuses et abandonnées. Même si bien des demandes venaient de Roms affirmant être persécutés par l'État tchèque, Roms qui ont bel et bien reçu l'asile une fois leurs demandes traitées par la CISR, le Canada a fait valoir que le nombre élevé de demandes avait fait augmenter le nombre de cas de fraude et qu'il fallait par conséquent demander un visa.
Je ferais remarquer que la proportion de demandes d'asile n'a pas diminué; ce n'est que le nombre qui a augmenté.
Ce faisant, le gouvernement canadien a provoqué deux tempêtes. Il y a d'abord eu, sur le plan diplomatique, une perturbation, une conflagration, une tension — j'ignore quel est le terme diplomatique approprié — qui a suscité un différend entre le Canada et l'UE. En effet, si le Canada avait le loisir d'exiger un visa des gens de la République tchèque, cette dernière, en raison de l'Accord de Schengen, ne pouvait lui rendre la pareille à moins que tous les pays de l'UE n'exigent un visa des habitants du Canada.
La question peut sembler théorique ou abstraite — je suis enseignant, alors je suppose que tout me semble théorique —, mais le Canada doit convaincre la République tchèque et tous les pays membres de l'UE de ratifier l'accord économique et commercial global, qui revêt pour lui une importance capitale. L'UE est le plus important partenaire commercial du Canada après les États-Unis, et la question des visas fait obstacle au processus de ratification.
De plus, je considère que la question des visas met en doute l'attachement du Canada à ses obligations juridiques internationales en limitant de façon préventive la facilité de déplacement des ressortissants tchèques et, du même coup, leur capacité de demander l'asile. Je serai heureux de répondre à des questions à ce sujet plus tard.
Je le répète, je crois que les visas exigés en fonction du pays sont des instruments brutaux. Nous devons toutefois nous demander quelles sont les solutions de rechange qui s'offrent à nous. Les fonctionnaires ont laissé savoir qu'un programme de visa de prochaine génération est en élaboration afin d'affiner cet instrument et de permettre à Citoyenneté et Immigration Canada de faire fi du seuil national et de réaliser des évaluations individuelles en fonction de ce que nous appelons les données de base, comme le nom, la date de naissance et le sexe, et les renseignements biométriques, comme les photographies et les empreintes digitales.
J'aimerais d'abord savoir ce qu'on projette de faire, et j'espère que vous poserez également la question, car je ne sais pas clairement ce qu'il en est. Nous avons eu des bribes d'information à ce sujet, mais nous ignorons en quoi consiste l'initiative. Je vais donc examiner ce que font les autres pays et demanderai comment cette prochaine génération de visas pourrait fonctionner.
Le Canada recueillera des renseignements, mais à quelles données les comparera-t-il? Les États-Unis et l'Australie utilisent les renseignements de base et les données biométriques recueillis principalement à deux fins: pour les comparer à des listes de surveillance ou pour établir des profils. Or, ces deux politiques font chou blanc. Soyons clairs: elles ne réussissent à décourager ni les terroristes ni les chercheurs d'asile. Richard Reid, qui avait caché des explosifs dans ses chaussures, correspondait à tous les critères de profilage imaginables. Il portait même une barbe, détenait un tout nouveau passeport et voyageait à bord d'un vol international, sans bagage ni projet de retour. Il a été soumis à un contre-interrogatoire pendant six heures le premier jour et de sept heures le deuxième jour. Il a tout de même réussi à prendre l'avion et à mettre feu à ses souliers. Le système de profilage a ses limites. Comme il était considéré comme un citoyen britannique et qu'on a par conséquent jugé qu'il ne présentait pas un risque élevé, l'examen n'a pas été plus loin. De plus, Abdulmutallab, qui avait caché des explosifs dans ses sous-vêtements, figurait sur une liste de surveillance et n'a pourtant pas été arrêté.
J'aimerais vous raconter les déboires d'un de mes anciens étudiants de l'université américaine au Caire qui portait le même nom qu'un terroriste ayant participé aux attentats du 11 septembre. On sait que ces terroristes sont morts, mais son nom ne s'en est pas moins retrouvé sur la liste de surveillance. Mon étudiant n'a pu assister au modèle des Nations Unies parce qu'il avait le même nom d'un terroriste. Je ne prétends pas qu'une foule de gens se retrouvent dans cette situation, mais nous devons faire très attention à notre dépendance aux renseignements d'autres agences. En tant que concitoyens de Maher Arar, nous devrions être particulièrement sensibles à la question.
Nous savons que pour établir la liste de surveillance des terroristes des États-Unis, il y a des milliers de gens qui ajoutent des noms et peut-être une dizaine qui en enlèvent.
Il me semble que si le Canada veut utiliser de telles listes, il a deux choix: il adopte celles de quelqu'un d'autre, y compris les erreurs qu'elles contiennent et sans accroître la sécurité pour autant, ou il utilise une des quelques listes de surveillance privées qui s'offrent à lui. L'ennui avec ces listes, comme World-Check, c'est que les noms qui y sont inscrits n'en disparaissent jamais. Ces listes sont établies à l'intention des banques et d'autres institutions financières en fonction du risque et non de la culpabilité.
Si nous recourons au profilage, nous nous exposons à un risque, et si nous utilisons les listes de surveillances, nous avons un problème sur les bras. Je vous poserai donc trois questions, dans l'espoir que vous pourrez y répondre au cours de vos travaux.
Tout d'abord, que compte-t-on faire en ce qui concerne la prochaine génération de visa? Je me sens concerné par ce domaine de la politique publique, et pourtant, j'ignore totalement ce qu'il en est.
Ensuite, comment ce système permettra d'éviter les problèmes des faux positifs et des faux négatifs, et l'augmentation globale du coût?
Enfin, j'espère que le comité demandera quand le gouvernement du Canada investira pour accroître les recherches de renseignements et les travaux en sciences sociales afin de recueillir davantage de données sur l'efficacité de ces programmes de sécurité frontalière. Je sais que pour l'instant, aucun programme gouvernemental ne finance la recherche sur l'efficacité accrue des programmes de sécurité frontalière.
J'en arrive à trois conclusions. D'abord, si rien ne prouve que le resserrement des politiques de visa de prochaine génération peut permettre de cibler efficacement les demandeurs d'asile, les fraudeurs potentiels ou les terroristes, le Canada perdra un avantage économique et diplomatique sans pour autant améliorer la sécurité.
En outre, la prochaine génération de visa visera à arrêter les demandeurs d'asile à titre préventif sans processus d'appel ou justification.
Enfin, il n'y a au Canada aucune capacité non gouvernementale indépendante pour évaluer les stratégies visant à assurer la sécurité aux frontières. Ainsi, depuis 2002, le Canada réagit plus qu'il n'agit à cet égard. Je crois que la différence entre l'Accord sur la frontière commune et l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère le montre clairement.
J'aimerais de nouveau remercier le comité de considérer que les visas constituent un aspect sérieux de la sécurité frontalière. C'est, je crois, une question importante à laquelle on n'accorde pas assez d'attention.
Merci.
Je vous remercie, monsieur Salter, de votre exposé.
Je laisse maintenant la parole à Peter Edelmann pour 10 minutes.
Peter.
Merci beaucoup.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité.
Comme vous le savez peut-être, je suis avocat de la défense spécialisé en immigration et en droit des réfugiés de Vancouver.
[Français]
J'ai commencé ma carrière au Centre de prévention de l'immigration, dans la région de Montréal, lorsque j'étais étudiant en droit. C'est là que j'ai vraiment découvert les questions de sécurité dans le domaine de l'immigration.
Comme je parle espagnol, je me retrouve à travailler beaucoup auprès des hispanophones.
[Traduction]
Je commencerai en vous donnant l'exemple d'un de mes clients d'El Salvador. Il était agent de police dans son pays, où il a participé à une enquête qui a mené à l'incarcération de quelque 200 membres de gang. Les gangs l'ont pourchassé jusqu'à ce qu'il se résigne à fuir, parce que la police de son pays ne pouvait assurer sa protection.
Il s'est rendu aux États-Unis, où on a jugé qu'il ne pouvait être considéré comme un demandeur d'asile pour des subtilités relatives au droit américain afférent. C'est ainsi qu'il a abouti au Canada. Même s'il n'y est pas devenu une personne protégée, pour des raisons dont je vous ferai grâce, il espère y devenir un jour agent de police.
Il importe, je crois, de comprendre la situation en El Salvador. Pourquoi est-ce que je parle d'un petit pays d'Amérique centrale? L'El Salvador, outre le fait qu'il sert au passage de la drogue, ce qui a un lien direct avec nos politiques relatives à l'interdiction de la drogue au Canada, aux États-Unis et ailleurs, est également en guerre contre de très puissants gangs, dont Mara Salvatrucha et 18th Street. Le nom de ce dernier fait référence à une rue de Los Angeles, en Californie, aux États-Unis. Le gang Mara Salvatrucha tire aussi ses origines des États-Unis.
Pourquoi ces forces puissantes donnent-elles du fil à retordre aux autorités et menacent-elles la sécurité en El Salvador? C'est principalement le résultat des politiques de renvoi et d'expulsion du Canada et des États-Unis, de ces derniers surtout. Ce pays a renvoyé des membres de gang en El Salvador, au Honduras et dans d'autres pays d'Amérique centrale, comme il l'a fait pour les citoyens comme mon client, qui arrivent avec l'espoir de devenir un jour policier, par exemple, et de rester au pays.
Aucune indication ne nous permet de dire que les immigrants ou les ressortissants qui arrivent de pays étrangers sont plus susceptibles d'appartenir à des gangs, mais nous pouvons renvoyer ceux qui participent à des activités criminelles ou ont des comportements qui menacent la sécurité. Cette politique a des répercussions absolument catastrophiques dans d'autres pays. Ce que je voudrais que vous sachiez aujourd'hui, c'est qu'elle est directement liée à la sécurité du Canada. Elle découle en droite ligne d'une certaine vision de cette sécurité: veut-on que la sécurité permette de créer, si même on peut ou veut créer, une société fermée baignant dans une sécurité illusoire?
D'après moi, ce n'est pas la vision des Canadiens ou une vision à long terme. Selon moi, au bout du compte, la sécurité exigera toujours un compromis. Peu importe le degré de sécurité, il y a un compromis à faire. La sécurité absolue n'existe pas et n'existera jamais.
Le témoin précédent vous a parlé de la sécurité et de la liberté. Il y a évidemment des compromis à faire à cet égard également. Le comité a beaucoup parlé du contrôle des sorties. Qu'ils puissent ou non accroître la sécurité du régime d'immigration, les points de contrôle constituent des outils très efficaces au chapitre de la sécurité. De nombreux pays s'en servent pour assurer la sécurité non seulement aux frontières, mais sur tout leur territoire. Des points de contrôle militaires sont disséminés aux quatre coins du pays et forment un outil puissant pour assurer la sécurité.
Cet outil a bien évidemment un prix, qu'il s'agisse de coûts économiques, de temps, d'inconvénients ou de perte d'intimité et de liberté qu'il faut accepter en contrepartie.
Il ne faut toutefois pas s'illusionner. Il y a toujours un compromis à faire quand il est question de sécurité. Ainsi, si on envisage d'imposer des contrôles de sorties ou de renvoyer ceux qui constituent une menace pour le Canada, il faut comprendre qu'il y a des compromis à faire.
J'espère qu'en examinant les intérêts à court terme du Canada au chapitre de la sécurité aujourd'hui, vous songerez également à notre vision à long terme de la sécurité du pays. C'est ce que je vous encourage à faire. Quel monde, quel Canada voulons-nous léguer à nos petits-enfants? Voulons-nous vivre dans une société fermée où nous nous terrons derrière des murs en craignant ce qui se trouve de l'autre côté, en hésitant à laisser entrer les gens, ou en espérant que dans un monde chimérique, nous réussirons à écarter tous les mécréants?
Je considère que c'est une vision irréaliste et qu'un grand nombre des questions de sécurité ou des problèmes que notre société éprouve sont à l'intérieur même des murs et que ceux que nous réussissons à expulser ne disparaîtront pas pour autant. Ils continuent de toucher directement les Canadiens, car nos amis et nos proches habitent dans ces pays. Les amis et les parents de nos voisins habitent dans ces pays, tout comme ceux de vos électeurs. Vous auriez de la difficulté, même si vous êtes peu nombreux, à trouver un seul pays où on pourrait renvoyer un individu dangereux sans que cela ait la moindre incidence sur les amis, les familles et la sécurité des habitants de vos circonscriptions.
Toutes complexes que soient ces questions, j'espère qu'en examinant la sécurité du Canada, nous arriverons à avoir une vue d'ensemble qui tiendrait compte des répercussions et d'une vision à long terme de la sécurité au Canada.
Voilà ce qu'il en est de mon exposé. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Merci d'avoir pris le temps de m'écouter.
Merci, Peter. Vous nous avez permis d'économiser près de trois minutes. Nous aurons donc plus de temps pour poser des questions.
Je laisse à mon collègue John Weston le soin de poser les premières questions.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je remercie aussi mon collègue de la Colombie-Britannique. Je suis moi-même de Vancouver et je représente le comté de West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country.
Merci à vous deux d'être avec nous aujourd'hui.
[Traduction]
Vous avez tous deux abordé des thèmes qui nous tiennent à coeur et qui nous intéressent passionnément: la vision à long terme, dont Peter a parlé, et la conciliation entre la sécurité et la liberté. Tout le monde conviendra, je crois, que certaines personnes ne sont pas les bienvenues au pays.
Sachez, Peter, que le concept de société fermée échappe certainement à l'imagination du gouvernement conservateur, puisqu'il a délivré plus de 500 000 visas cette année et 920 000 en 2010. C'est bien plus que le nombre de visas émis par l'administration libérale précédente.
Notre pays accueille les visiteurs et les touristes à bras ouverts. Nous encourageons assurément l'investissement étranger. La revue Forbes considère que le Canada est le meilleur pays où investir. Pour ce qui est de l'immigration, nous avons accueilli 250 000 ressortissants de toutes les régions du monde. Nous ouvrons donc les bras au reste du monde, et le monde vient à nous.
[Français]
Ma première question s'adresse à M. Salter.
Vous avez demandé si nous avions un projet pour la sécurité et pour l'immigration. Il y a la biométrie, par exemple. Nous avons aussi centralisé le processus d'obtention des renseignements dans tous nos bureaux de l'extérieur. Il est maintenant possible de traiter les demandes à n'importe quel endroit où elles sont déposées. Encouragez-vous ces mesures? Croyez-vous qu'elles vont renforcer la sécurité canadienne? Avez-vous d'autres idées afin de mieux nous protéger?
Merci.
Je vais répondre en anglais, de façon à être plus précis.
[Traduction]
Je crois que mon collègue, Benjamin Muller, témoignera mercredi. Il est beaucoup plus compétent pour traiter de la biométrie; je lui laisse donc le soin de répondre à cette question.
Pour ce qui est de la centralisation des renseignements, la situation est actuellement difficile. En effet, un grand nombre de pays qui fournissent les documents d'appui sur lesquels se fondent nos analyses ne disposent pas d'une bonne infrastructure documentaire. Par exemple, aux États-Unis seulement, on compte plus de 300 types de documents d'identité. Ce n'est que pour les États-Unis, un pays au gouvernement solide. Quand il s'agit de pays comme l'Inde, l'Indonésie ou la Malaisie, la validité des documents d'appui peut se révéler très incertaine.
Ce qui m'inquiète, c'est que l'on confonde l'interaction personnelle avec une évaluation automatique du risque, si je puis dire. Il me semble que si nous recourons à des listes de contrôle ou au profilage pour cibler certains noms ou certains comportements, nous pourrions avoir l'impression d'accroître la sécurité parce qu'on a effectué une vérification, alors qu'en fait, la sécurité ne se trouve en rien améliorée.
Me suivez-vous?
Eh bien, permettez-moi de vous interrompre, Mark. Je ne sais pas si vous avez des enfants, mais d'une façon ou d'une autre, il y a des enfants dans votre vie. On veut les protéger des mauvaises personnes. S'il y avait la possibilité que des terroristes entrent au pays, vous défendriez, j'en suis sûr, des moyens pour refouler les terroristes de nos côtes.
En tant que professeur de politique publique, vous devez admettre que nos politiques ne sont pas toutes acceptables aux yeux de tout le monde en tout temps, et vous serez sûrement en mesure de citer des cas où elles font défaut — comme vous l'avez fait. N'empêche qu'on a besoin de politiques. On a quand même besoin de solutions concrètes et pratiques.
M. Mark Salter: Oh oui.
M. John Weston: Notre gouvernement cherche constamment à trouver des moyens. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles vous êtes ici aujourd'hui: pour que nous puissions entendre ce que vous avez à offrir.
Nous avons proposé le recours aux données biométriques. Cette mesure législative, qui entrera en vigueur bientôt, a été saluée par les gens, par les responsables de l'application de la loi et par d'autres intervenants.
La centralisation des données est un autre grand pas en avant qui permet à notre personnel de l'immigration partout au monde, dont le professionnalisme ne se dément pas, de partager de l'information. Nous collaborons le mieux possible avec les États-Unis et d'autres alliés pour ce qui est des services de renseignement afin d'empêcher l'entrée des terroristes.
Que feriez-vous pour protéger vos enfants ou les enfants de vos amis contre des gens malveillants qui cherchent à nuire à la future génération dont vous avez parlé?
Je suis désolé. Je n'ai pas été clair. Je ne suis pas en train de sous-estimer cet effort.
Je dis précisément que j'ai l'impression que l'examen du dossier par un agent est une meilleure solution que des programmes d'évaluation de risques automatisée. Il est préférable de demander à une personne de poser un jugement que d'appliquer un algorithme.
C'est ce qui me semble être le cas, si on examine la recherche sur les autres formes de profilage. Les gardes-frontières se rassemblent dans une salle comme celle-ci, et les programmeurs leur demandent: « Qu'est-ce qui est considéré comme risqué? » Ils répondent: « Oh, les avocats en provenance du Nigeria — ils présentent un risque. » On leur demande alors: « Vraiment? Pourquoi? » Eh bien, disent-ils, il y a eu plusieurs... alors, d'accord, on inscrit « les avocats du Nigeria » dans le profil de risques. Puis, l'ordinateur donne l'alerte: « Cette personne est dangereuse. » Pourquoi? Parce qu'elle correspond au profil.
Pour ma part, je dis qu'il est préférable d'accroître les ressources sur le terrain que d'instaurer une évaluation de risques automatisée.
D'accord.
Une personne armée est généralement considérée plus dangereuse qu'une personne qui ne l'est pas, mais ce ne sont pas toutes les personnes armées qui sont dangereuses. Nous attribuons habituellement à la personne armée le profil de quelqu'un qui ne devrait pas à monter à bord d'un avion...
M. John Weston: Merci.
La vice-présidente (Mme Jinny Jogindera Sims): Une réponse très brève, s'il vous plaît.
Le profilage n'a pas fonctionné dans les cas de terrorisme jusqu'à présent, et je crois... Je suis curieux. Reproduire un programme d'évaluation de risques automatisée qui donne l'illusion de sécurité sans que ce soit réellement le cas... Je pense que je souscris à votre argument en faveur d'une sécurité accrue; j'estime tout simplement que les gens prennent de meilleures décisions que les ordinateurs.
Merci.
Merci beaucoup.
Pour que tout le monde comprenne bien, c'est moi qui vais poser la prochaine série de questions.
Ma première question s'adresse à vous, Peter.
Parlons d'abord du vaste sujet que constituent l'immigration et la sécurité. Vous savez peut-être que nous examinons actuellement le projet de loi C-43 à la Chambre. Le gouvernement soutient que cette mesure législative permettra une expulsion plus rapide des non-citoyens qui commettent des crimes graves.
De ce côté-ci de la Chambre, nous reconnaissons qu'il faut que le processus judiciaire soit efficace et souple en ce qui concerne le renvoi de criminels dangereux qui n'ont pas la citoyenneté canadienne. Nous avons clairement indiqué être prêts à collaborer avec le gouvernement afin que nos collectivités soient des endroits sûrs et qu'aucun criminel ne puisse tirer avantage de nos processus d'appel.
Cela étant dit, nous avons de grandes réserves en ce qui concerne le projet de loi dont la Chambre est saisie. Nous craignons qu'il n'atteigne pas le juste équilibre entre les droits et la sécurité. Nous sommes également très inquiets de voir qu'il concentre encore plus de pouvoirs arbitraires entre les mains du ministre.
À titre de spécialiste en droit de l'immigration, pourriez-vous nous faire part de votre impression générale du projet de loi C-43?
J'invoque le Règlement.
La vice-présidente (Mme Jinny Jogindera Sims): Oui?
M. Rick Dykstra: Je sais que c'est un peu étrange comme situation parce que vous agissez à titre de présidente et d'intervenante, mais j'espère que vous tenterez d'être aussi objective que possible.
Comme tous les membres du comité le savent, nous étudierons le projet de loi C-43 probablement dès la semaine prochaine, si tout va bien. Non, pardon — on s'en occupera dès notre retour du congé de l'Action de grâces.
Je me demande donc pourquoi vous voudriez utiliser la séance d'aujourd'hui, qui porte sur la sécurité, pour poser des questions sur un projet de loi qui, comme vous le savez, sera renvoyé au comité. En fait, vous pourrez inviter de nouveau M. Salter ou M. Edelmann afin de leur poser ces questions.
Si je me fie aux questions que j'ai devant moi, elles concernent la sécurité frontalière. C'est ce que nous examinons, et il est difficile de dissocier l'expulsion — un des objets du projet de loi — de ce que nous étudions aujourd'hui. Voilà pourquoi l'idée n'est pas de poser des questions très précises sur chacun des articles. Il s'agit de questions générales.
Eh bien, c'est vous qui occupez le fauteuil, alors je m'en remets à vous. Sachez toutefois que j'y reviendrai... si vous posez des questions très précises, comme vous l'avez dit, de type: « Que pensez-vous du projet de loi C-43? » Alors, pas besoin de réinviter ces deux messieurs pour parler du projet de loi C-43, si vous allez leur poser des questions à ce sujet.
Je vais passer à autre chose.
M. Rick Dykstra: D'accord.
La vice-présidente (Mme Jinny Jogindera Sims): Depuis 2002...
Madame James?
Je suis désolée. Vous ai-je bien entendu dire que vous allez laisser de côté cette question particulière puisque nous allons l'étudier dans les prochaines semaines?
Je n'étais pas nécessairement d'accord, mais comme j'occupe le fauteuil, c'est tout de même malcommode d'être d'accord ou en désaccord avec moi-même, alors...
Oui?
Il serait peut-être avisé, madame la présidente, de quitter le fauteuil pour laisser l'autre vice-président y prendre place, le temps que vous posiez vos questions. On éviterait ainsi le rapport ambigu qui se crée lorsque vous posez des questions.
J'ai déjà vérifié ce point auprès du secrétaire parlementaire. Je vais donc poursuivre.
Depuis l'an 2000, un certain nombre de vérificateurs généraux ont affirmé qu'au moment de déterminer qui peut entrer au pays et qui doit en être expulsé, le problème ne réside pas tant dans la loi, mais dans l'administration de la loi. Pouvez-vous parler des problèmes de coordination entre le service d'immigration et l'Agence des services frontaliers du Canada?
En ce qui concerne les problèmes de coordination entre les deux organismes sur le plan de l'application de la loi, je suppose que je ne suis pas nécessairement le mieux placé...
En tout cas, je peux faire des commentaires sur des cas particuliers et parler de mon expérience pour expliquer les priorités qui sont accordées à certains types ou catégories de personnes et la façon dont on procède aux expulsions. En gros, la loi prévoit des outils pour nous permettre d’expulser des gens qui présentent un danger pour le Canada.
Quant à savoir comment la loi est appliquée, le défi que nous devons relever tient en partie au fait que la loi comporte des dispositions très générales qui peuvent être appliquées de différentes façons. Prenons l'article 34, par exemple. Il s'agit d'une disposition très large qui porte sur la sécurité du Canada. Après tout, même Nelson Mandela serait jugé interdit de territoire aux termes de l'article 34 s'il n'était pas un citoyen honoraire. Chaque agent doit donc faire preuve de jugement au moment de déterminer quand invoquer l'article 34.
Selon mon expérience, ces choix ne sont pas particulièrement bien coordonnés. En effet, il se peut que certains groupes soient visés pour diverses raisons, sans que cela soit une norme dans l'ensemble du pays. Ainsi, certains groupes sont visés dans certaines régions du pays, mais pas dans d'autres. Parfois, la façon dont ces décisions sont prises n'est pas tout à fait claire, même pour ceux d'entre nous qui travaillent dans le domaine.
J’ignore si cela répond à votre question, mais en ce qui concerne la coordination entre... en fait, je ne sais pas si c'est entre CIC et l'ASFC; je sais qu'il y a certains problèmes de coordination entre ces deux organisations aussi.
Je ne sais pas si c'est ce que vous cherchiez à savoir.
Merci. Les vérificateurs n'ont pas manqué de souligner ces difficultés; ils ont bien précisé que les problèmes semblent être davantage liés à l'administration plutôt qu'au manque de lois ou de systèmes.
On a souvent entendu le ministre parler de cinq cas sensationnalistes pour illustrer la nécessité d'adopter des règles plus sévères en matière d'expulsion. Vous êtes un expert qui travaille au sein du système. Jusqu'à quel point de tels cas sont-ils répandus, et trouvez-vous qu'il est logique d'élaborer des politiques basées uniquement sur des cas exceptionnels?
De façon générale, je dirais que dans ces types de cas, le problème tient en partie au fait que nous n'avons pas toujours un bilan complet des cas en question — par exemple, les raisons qui expliquent les différents retards ou ce qui s’est produit — ni une image globale de la situation des gens.
À titre d’exemple, certains de mes clients sont ici depuis l'âge de trois mois. Ils sont nés et ont grandi au Canada. Ils ont vécu au Canada toute leur vie. Ils auraient pu être des citoyens canadiens, si ce n’était pour une décision prise par un parent ou quelqu'un d’autre à divers stades de leur vie.
En ce qui concerne leur retrait du pays, sachez que ces gens ont souvent des enfants, des familles; ils sont très bien établis ici. Dans une certaine mesure, leurs démêlées avec la justice pénale sont le produit de la société canadienne puisque non seulement ces gens sont nés ici, mais ils ont essentiellement grandi dans la société canadienne. Leur situation n'est pas trop différente de celle de toute autre personne ayant des démêlées avec la justice pénale.
Alors, quand on dit qu'on va faire sortir ces gens de notre pays en guise de solution, on finit par refiler ce problème à une autre collectivité. Pour ce qui est de savoir s’il s’agit de la bonne ou de la mauvaise décision dans les circonstances, la loi comporte des mécanismes qui nous permettent de le déterminer: il faut examiner tous les facteurs, notamment les facteurs humanitaires, qui entourent un cas particulier.
Y a-t-il des cas extrêmes où cela n'a peut-être pas fonctionné, où il y a eu des problèmes? Sûrement. Mais la question que je poserais concernant les exemples du ministre est ceci: quelles auraient pu être les solutions si ces cas avaient été examinés dans le cadre du régime actuel? À mon avis, la loi en vigueur prévoit une foule de mécanismes pour traiter des questions que posent ces cas.
D'accord, merci beaucoup.
Nous passons maintenant à mon collègue, Costas Menegakis.
Oh, désolée. Comment ai-je pu oublier mon estimé collègue, M. Lamoureux? Vous avez cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Monsieur Salter, j'aimerais revenir à la question du visa de la prochaine génération dont vous avez parlé.
Dans votre exposé, vous avez fait allusion à d'autres pays. Il semble bien que les listes de surveillance aient leur part de validité. Quant à savoir en quoi consiste vraiment cette validité, nous n'en sommes pas trop sûrs. À vous écouter, j'ai l'impression que nous devons absolument concentrer notre attention sur les agents afin de déterminer, par exemple, le nombre d'agents de contrôle frontalier ou d'agents d'immigration dont nous disposons pour nous occuper des gens qui entrent au pays. Nous devons examiner la possibilité d'accroître ces ressources ou d'insister davantage sur cette question afin de permettre aux Canadiens de se sentir plus en sécurité, tout en respectant, espérons-le, l'importance de la liberté.
Je me demande si vous pourriez dire quelques mots à ce sujet et expliquer en quoi cela pourrait être une solution qui nous permettrait d'aller de l'avant. Est-ce vraiment là-dessus que nous devrions mettre l'accent, c'est-à-dire augmenter les ressources humaines à nos frontières?
Les progrès réalisés sur le plan des algorithmes américains pour la création de listes de surveillance et de profilage exigent de plus en plus de données; on empiète de plus en plus sur la vie privée des Américains et, en fait, de tous les voyageurs en Amérique.
Je suis une personne pragmatique. J'aimerais donc savoir quelle sécurité, quelle valeur ajoutée j'obtiendrai pour compenser cette atteinte à la vie privée. Ce n'est pas clair pour moi. Je n'ai lu aucune étude démontrant que les listes de surveillance sont efficaces pour prévenir les demandes d'asile frauduleuses, les fraudeurs ou les attaques terroristes. J'ignore quels avantages je retire sur le plan de la sécurité pour compenser cette atteinte à la vie privée. Je crois que lorsque des personnes prennent des décisions sur le terrain, elles ont non seulement un devoir de diligence, mais aussi un engagement personnel supérieur à un calcul du risque.
Pour faire un parallèle clair, les algorithmes de risque disent: nous en savons peu à votre sujet, et cela pose problème; nous ne savons rien à votre sujet, et cela pose problème; ou bien nous savons de bonnes choses à votre sujet.
Le Canada et d'autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et Israël, mettent à l'essai des programmes pour voyageurs fiables. Ils disent: puisque nous en savons beaucoup à votre sujet, vous pouvez passer.
Cela semble bien, mais il se trouve que Mohammed Atta serait admissible à ce genre de programme. Il voyageait constamment. Il avait des documents valides. Il était un habitué du transport aérien. J'ignore ce que j'obtiens de plus sur le plan de la sécurité pour compenser cette ingérence dans la vie privée.
Puisque notre temps est limité, ce sera probablement ma dernière question; elle porte, elle aussi, sur la liste de surveillance.
En tant qu'universitaire, trouvez-vous qu'il y a suffisamment de discussions sur toute la question et le concept de listes de surveillance? A-t-on effectué suffisamment d'études sur la question? Accordons-nous trop d'importance aux listes de surveillance?
Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires et nous dire si vous estimez qu'il y a eu suffisamment de discussions sur la valeur réelle des listes de surveillance?
Je vous remercie beaucoup de cette question.
À mon avis, on n'a pas suffisamment tenu compte du public et du domaine des politiques dans l'élaboration du Programme de protection des passagers et la possibilité de modifier les listes de surveillance américaine et canadienne. Sans vouloir parler uniquement des exemples d'exception, l'incapacité de Maher Arar de faire rayer son nom de la liste des personnes interdites de vol aux États-Unis donne une idée des problèmes qui se posent ou de la dynamique qui entre en jeu lorsque le Canada utilise la liste de surveillance d'un autre pays.
Je pense que c'est une question très importante. Merci.
Il vous reste 35 secondes.
M. Kevin Lamoureux: Ça va.
La vice-présidente (Mme Jinny Jogindera Sims): Merci beaucoup.
C'est maintenant au tour de Costas Menegakis.
Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier nos témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
Comme vous le savez, nous nous penchons actuellement sur la sécurité. C'est une question manifestement très préoccupante pour notre gouvernement, comme pour tous les Canadiens.
Nous voulons nous assurer de savoir que les gens qui déambulent dans les rues de nos collectivités, qui font leurs achats là où nous faisons les nôtres, qui sont autour de nous, de nos familles, de nos enfants et de nos aînés sont des gens qui ne constituent pas une menace pour la société. Il y a quelques mesures qui seront utiles, nous l'espérons, si elles sont mises en place. J'aimerais que vous me donniez votre opinion sur quelques-unes d'entre elles.
Connaissez-vous l'autorisation de voyage électronique, ou l'AVE, et les dispositions relatives aux entrées et aux sorties figurant dans l'entente sur un périmètre de sécurité que nous avons signée afin d'empêcher les criminels étrangers de profiter de notre généreux système d'immigration? J'aimerais savoir si, selon vous, l'AVE est un outil utile.
Commençons par vous, monsieur Edelmann.
Je pense qu'en fin de compte, les outils... En ce qui concerne la mise en place des outils, il y en a beaucoup qui peuvent être très utiles pour mettre en oeuvre des initiatives liées à la sécurité à la frontière à différents points.
Je suggère pour commencer, et j'insiste sur ce point, que... Je suggère au comité et au gouvernement d'adopter une vision à long terme de la sécurité. Quand nous disons vouloir empêcher les méchants et permettre aux bons d'entrer, nous parlons en fait de créer une collectivité sûre, ou une collectivité protégée, qui nous sépare du reste du monde, que le Canada en quelque sorte...
Ce n'était pas l'objet de ma question, monsieur Edelmann. Je voulais simplement savoir si vous aviez un commentaire au sujet de l'AVE, l'autorisation de voyage électronique.
Je vais passer à la prochaine question, si vous le permettez.
Oui.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Salter. Comme vous le savez sans doute, grâce à l'autorisation de voyage électronique, le gouvernement pourra savoir toutes les fois où une personne franchit la frontière entre le Canada et les États-Unis, à l'entrée comme à la sortie, même aux postes frontaliers terrestres. À votre avis, cela permettra-t-il au gouvernement de lutter contre la fraude en matière de résidence et les gens qui veulent obtenir la citoyenneté canadienne sans vivre au pays ou contribuer au système?
Merci.
Je pense que si le système de contrôle des entrées et des sorties fonctionne, ce sera utile pour lutter contre la fraude en matière de résidence.
Mais pour répondre à la question précédente à savoir si l'AVE est fonctionnelle, si c'est une bonne idée, je dirais que cela dépend à quoi on compare cette information. C'est ce qui me préoccupe: les deux choses auxquelles on peut comparer cette information sont soit des profils de risque abstraits, soit des listes de surveillance précises, et les deux comportent des lacunes.
Ce qui m'inquiète, ce n'est pas seulement la production de données, mais aussi à quoi elles vont servir. Puisque j'ai étudié le cas de Maher Arar, je serai également préoccupé de savoir où iront ces renseignements.
Vous avez dit tout à l'heure que vous préféreriez le système « d'examen du dossier par un agent » plutôt que l'utilisation des renseignements électroniques. Je l'ai noté.
Vous avez également souligné que votre collègue, qui viendra témoigner devant nous plus tard cette semaine, serait plus à même de nous parler en détail de la biométrie; mais permettez-moi de vous poser une question d'ordre général à ce sujet. Des représentants de la GRC, de l'ASFC et du SCRS sont venus témoigner et nous ont dit considérer qu'il s'agit d'un outil d'identification du XXIe siècle.
Selon vous, la biométrie serait-elle un outil efficace pour prévenir la fraude et les menaces à la sécurité au pays, un outil servant à l'examen du dossier par un agent, en plus de ce qui se fait lorsqu'on évalue si une personne devrait ou non entrer au pays?
Encore une fois, je suis heureux que mon collègue M. Muller vienne vous parler ce mercredi. Personnellement, je dirais également que la biométrie ne fait qu'établir l'identité dans le dossier. Elle ne dit rien au sujet du caractère ni des antécédents de la personne.
On ne fait que confirmer, à un moment donné, que la photo ou les empreintes digitales sont associées à ce dossier. Si cette information est inexacte, si elle n'est pas vérifiée par une personne ou si elle n'a pas de caractère inhérent au pays d'origine, alors elle est non pertinente. Si j'obtiens un faux permis de conduire au nom du Père Noël — en pensant à mon enfant de sept ans — et que ce document a l'air authentique, la biométrie ne fera que confirmer que je suis le Père Noël, ce qui est faux, je tiens à le souligner.
Eh bien, je suis certain que le Père Noël ne tentera pas d'entrer illégalement au pays.
Des voix: Oh, oh!
Permettez-moi, monsieur Edelmann, de vous poser à peu près la même question au sujet de la biométrie.
Certaines personnes se sont vu refuser l'entrée au pays pour différentes raisons. Il se trouve qu'elles ont six ou sept noms. Elles reviennent tenter leur chance jusqu'à cinq, six ou sept fois, sous différents noms. La biométrie permettrait de déterminer très précisément qu'il s'agit de la même personne qui tente de passer sous une identité différente.
Selon vous, est-ce un outil efficace pour prévenir la fraude et les menaces à la sécurité dans notre pays?
La biométrie est un outil que nous utilisons depuis longtemps. Une photo de passeport est un outil biométrique. Oui, nous utilisons la biométrie; les empreintes digitales sont couramment utilisées dans le système d'immigration à l'heure actuelle.
Je pense que ce que vous voulez savoir, c'est si la collecte obligatoire de données biométriques pour chaque personne qui entre au Canada ou qui en sort est un compromis valable sur le plan de la sécurité. C'est la question beaucoup plus fondamentale que doit poser le comité. Il y a un coût énorme, non seulement d'un point de vue économique, mais aussi pour ce qui est du compromis qui se rattache à l'imposition de ces exigences.
Est-ce un outil pouvant être utilisé pour régler les problèmes que vous décrivez? Sans aucun doute. En vaut-il la peine? Je pense que c'est une autre question.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Merci à nos deux témoins de bien vouloir répondre à nos questions. Ils ont tous les deux parlé d'équilibre, et en matière de sécurité, cette notion est essentielle.
Ma question s'adresse en premier lieu à vous, monsieur Edelmann. Je souhaiterais avoir votre avis quant à la façon de procéder pour que soit maintenu cet équilibre entre la protection de la sécurité des Canadiennes et des Canadiens et la protection des droits individuels, si on avance dans ce dossier de sécurité. Quel est votre avis à ce sujet? De quelle manière devrions-nous procéder?
C'est une bonne question qui est assez complexe et à laquelle il est très difficile de répondre. Cela soulève beaucoup de questions. Différentes personnes seront touchées de différentes façons. Le comité doit déterminer quelles sont les personnes touchées qu'on prendra en compte, quelles sont les parties prenantes, dans le sens dont on parle.
Je parlais des communautés dans d'autres pays. Prenons l'exemple d'une personne qui a été accusée de voies de fait comme une agression sexuelle, qui n'a pas été traitée de façon adéquate et qu'on renvoie dans un pays comme la Somalie. Est-ce qu'on prend en compte la communauté? Qu'est-ce que cela veut dire pour les victimes potentielles dans ce pays? Est-ce une question qui importe au gouvernement du Canada? Fondamentalement, c'est une question philosophique.
Il est certain que c'est important pour la famille, pour les amis et pour les liens personnels que les Canadiens entretiennent avec la communauté en Somalie. Pour ces personnes, la sécurité est une question beaucoup plus large. Il ne suffit pas de dire qu'on va renvoyer cette personne ou qu'on va résoudre ce problème. Il importe aussi de savoir comment on définit le problème. Dans le fond, c'est la même question pour ce qui est de la détention, de la biométrie et des autres outils qu'on peut utiliser.
Je vous encourage à examiner la question fondamentale: il s'agit de déterminer quelles sont les répercussions et qui elles touchent. Si les Canadiens qui sont ici maintenant sont la seule chose qui nous importe et que la situation dans le reste du monde n'importe pas, ou si la facilité des Canadiens à voyager et à traverser les frontières n'importe pas, les réponses à ces questions seront très différentes.
C'est toute une question. Il faut comprendre que plus on met l'accent sur la sécurité, plus on perd quelque part d'autre. Je ne vais pas essayer de répondre à cette question en trois minutes. Je ne veux pas vous insulter en vous disant que j'ai une réponse facile à cette question alors que je n'en ai pas.
Vos prémisses sont tout de même intéressantes, dans tous les cas. Je perçois, dans ce que vous nous dites, l'importance de voir cette question de la sécurité de façon beaucoup plus large et holistique. Cette vision tient compte de la question de la sécurité de notre pays, mais également de toutes les répercussions qu'elle pourrait avoir au-delà de nos frontières.
Je vais maintenant aborder une autre question.
À votre avis, la disposition actuelle sur l'inadmissibilité de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permet-elle de filtrer les personnes impliquées dans des crimes de guerre? S'il y a lieu, comment devrait-elle être modifiée?
Je crois que la formulation actuelle de la loi est très large. Je n'ai pas vu de cas où on ne pouvait pas renvoyer quelqu'un qui était reconnu coupable de crime de guerre. La question est de savoir si la loi est trop large. Il s'agit ici de l'application de la loi. On parle de décisions qui sont prises par des agents ou par d'autres fonctionnaires, et dans chaque cas, la question est de savoir à quel point on veut que ce soit large et qui on veut inclure.
Cela étant dit, je n'ai jamais vu de situation où une personne reconnue coupable de crime de guerre ne pouvait être incluse dans les dispositions qui existent actuellement. Or, le contraire ne serait pas vrai.
[Traduction]
Merci.
Je tiens à remercier nos deux témoins de leur présence aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Edelmann.
Vous avez fait quelques commentaires qui me préoccupent beaucoup. En entendant quelques-uns des termes que vous avez employés en réponse à une question sur des règles plus strictes en matière d'expulsion... Vous avez parlé du fait de refiler le problème à d'autres collectivités et dit que certaines de nos familles venaient peut-être de ces pays.
Je ne sais trop si vous pensez que l'expulsion est nécessaire ou que nous devrions garder au pays les ressortissants étrangers qui sont des criminels reconnus. Je voudrais vous poser directement la question. Je ne comprends pas tout à fait où vous voulez en venir.
Je travaille au sein du système de justice pénale et du système d'immigration. Dans le système de justice pénale, par exemple, il y a eu des tentatives — et je crois que le maire de Toronto a récemment fait des commentaires quant à savoir...
Excusez-moi, mais je dois vous interrompre; j'ai vraiment besoin de savoir si vous croyez ou non que l'expulsion est un outil nécessaire, un outil que le Canada doit utiliser. Je vous demande simplement de répondre par oui ou par non, car j'ai beaucoup d'autres questions à vous poser. Merci.
En fait, j'avais pensé que vous diriez cela, car vous avez parlé d'empêcher les méchants et de permettre aux bons d'entrer au Canada — et je pense que la majorité des Canadiens dans notre grand pays seraient d'avis que c'est la chose à faire —, mais vous semblez le faire d'une façon péjorative en disant que nous allons devenir une collectivité sûre ou une collectivité protégée, séparée du reste du monde.
Je dois vous dire qu'à titre de députée élue pour représenter ma belle circonscription de Scarborough-Centre, ma plus grande priorité, c'est d'assurer la sécurité de mes électeurs. Si vous laissez entendre qu'une collectivité protégée permet d'empêcher les criminels d'entrer au pays, je ne comprends pas pourquoi vous pensez que c'est une mauvaise chose.
Je vais adresser ma prochaine question...
Me. Peter Edelmann: Je suis...
Mme Roxanne James: ... à M. Salter, si vous le permettez.
J'invoque le Règlement, madame la présidente...
Me. Peter Edelmann: Excusez-moi, puis-je faire un commentaire?
Mme Mylène Freeman: ... Je ne crois pas que Mme James ait permis au témoin de répondre à une seule de ses questions et, bien franchement, je pense que c'est le but de poser des questions à un témoin.
S'il pouvait seulement répondre à ce qu'elle a dit, à votre discrétion, madame la présidente...
Madame la présidente, il n'y avait pas de question dans la deuxième partie de mon intervention. C'était une observation. J'aimerais poser une question très importante à M. Salter.
Je tiens à rappeler à tous les membres du comité que nous avons des témoins ici et qu'il est toujours bon, durant notre temps de parole, de leur poser une question, même si c'est une question brève.
Merci, madame la présidente. En fait, j'ai posé une brève question, mais il n'a pu me répondre par oui ou par non quant à savoir s'il croit que l'expulsion est nécessaire. Je vais donc m'adresser au deuxième témoin, si vous le permettez.
La vice-présidente (Mme Jinny Jogindera Sims): Très bien.
Mme Roxanne James: Monsieur Salter — j'espère avoir bien prononcé votre nom —, j'ai une question bien précise. Je sais que vous avez indiqué ne pas approuver seulement les listes de surveillance et le profilage, et je sais que vous ne voulez pas vraiment parler de la biométrie. Mais vous avez parlé d'un individu en particulier, M. Richard Reid, le tristement célèbre passager à la chaussure piégée.
Étant donné que cet individu a été reconnu coupable d'un crime, la biométrie permettrait d'empêcher pour toujours quelqu'un comme lui, l'homme à la chaussure piégée, d'entrer au Canada dans l'avenir. Êtes-vous d'accord sur ce point?
Seulement si les données biométriques du passeport sont liées à d'autres bases de données criminelles — donc, cela veut-il dire que le Canada va demander l'intégration aux systèmes de justice pénale des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France?
C’est une bonne question. L’un des aspects intéressants des données biométriques est de pouvoir faire des recherches dans les autres bases de données dans le monde, parce que nous n’avons pas toutes les empreintes digitales au Canada. Je vous remercie de votre question qui m’a permis de clarifier ce point.
Je constate également que vous ne semblez pas entièrement convaincu que l’imposition d’un visa à certains pays est la meilleure approche.
Vous parliez de la République tchèque. J’ai justement des statistiques à ce sujet. En 2010, le Canada a seulement reçu 30 demandes en provenance de la République tchèque, alors qu’en 2009 nous en avions reçu 2 085. C’est en fait l’imposition d’un visa à ce pays qui explique cette différence.
J’aimerais également soulever un point concernant 2009. Nous avons reçu 2 085 demandes, dont 99 p. 100 provenaient de gens qui revendiquaient le statut de réfugié, mais seulement 10 p. 100 des demandeurs ont en fait été reconnus comme des réfugiés légitimes.
Je comprends que l’imposition d’un visa n’est peut-être pas le seul moyen, mais vous devez tout de même avouer que dans ce cas précis cette approche a fonctionné et a résolu le problème avec lequel le Canada était aux prises. À mon avis, lorsqu’environ 2 100 personnes revendiquent le statut de réfugié aux frais des contribuables canadiens, vous devez avouer que l’imposition d’un visa à ce pays à ce moment précis a bien fonctionné.
Selon ce que je comprends de la manière dont CIC a examiné les demandes, un peu moins de la moitié des 196 demandeurs dont le dossier a été analysé en 2008 ont obtenu le statut. Cela signifie que le taux de refus n’était pas de 91 p. 100, mais plutôt...
[Note de la rédaction: inaudible]... désolée. Je parlais de 2009, et ce sont 2 085 demandes. Il y a eu un écart considérable entre les deux années.
Nous devrions peut-être laisser le professeur Salter compléter sa réponse, s’il vous plaît.
Mme Roxanne James: Merci.
Je m’excuse. Selon ce que je comprenais des données de CIC, la proportion des demandeurs retenus qui ont obtenu le statut de réfugié légitime par l’entremise de la CISR était demeurée stable entre 2008 et 2009; il s’agissait simplement d’une hausse des nombres bruts.
Merci, madame la présidente.
J’aimerais poursuivre sur le même sujet que Mme James, soit la République tchèque.
Vous parlez des résultats de l’examen de seulement 186 demandes, mais il n’en demeure pas moins que ce sont 2 085 Tchèques qui ont revendiqué le statut de réfugié au Canada. Ils l’ont fait ici. Cela signifie qu’ils ont suivi tout le processus, puis ont décidé au dernier moment de retirer leur dossier ou leur demande, en grande partie parce qu’ils n’étaient pas de véritables réfugiés et qu’ils savaient que leur tentative échouerait et qu’ils devraient retourner en République tchèque.
Je crois que c’est important de le noter, parce que seulement 30 personnes ont revendiqué le statut de réfugié, comme Mme James l’a dit, lorsqu’un visa a été imposé en 2010. En me fondant sur vos précédents commentaires — à savoir que le profilage n’est pas une bonne idée, que nous devons adopter un processus au cours duquel chaque demandeur est rencontré, peu importe s’il est question d’un visa ou d’autre chose, parce que si vous pensez que les demandeurs de visa devraient être rencontrés, je crois que tous les autres devraient également l’être, selon le type de statut revendiqué au Canada —, j’ai de la difficulté à comprendre comment...
J’ai peut-être besoin de comprendre votre définition de « profilage », parce qu’il faut faire un certain profilage. Dire que ces visas étaient... La seule façon dont ils étaient axés sur la confrontation, ou que certains ne les ont pas aimés... Le gouvernement de la République tchèque ne les a pas aimés, mais personne au Canada ne s’est plaint que moins de non-réfugiés revendiquent à l’avenir le statut de réfugié au Canada.
Je crois qu’il faut combiner... ou penser un peu à ce que vous nous proposez, soit de ne pas faire de profilage, parce qu’il faut qu’il y ait une certaine collecte de données, une certaine gestion et certains processus en place qui prouvent que si une personne respecte certains critères...
... oui, certainement..., comme dans le projet de loi C-31, qu’il y aurait des pays d’origine sûrs. Par conséquent, on ne pourrait pas faire de demandes, ou du moins en appeler.
Il s’agit de questions longues et complexes.
Selon moi, il est impossible de déterminer pourquoi ces gens ont retiré leur demande, parce que les demandes n’ont pas été examinées. Nous pouvons émettre des hypothèses sur les raisons qui les ont poussés à les retirer, mais nous ne pouvons pas en être certains. Je crois que c’est incorrect de dire que ces 2 000 demandes étaient frauduleuses, parce qu’elles ont été retirées.
Je m’excuse.
Je crois comprendre que CIC ne parle plus de pays d’origine sûrs, mais plutôt de pays désignés, dans la manière dont le tout a été décidé.
Il me semble qu’il faut trouver l’équilibre entre le profilage et la primauté du droit. Selon ce que je comprends des obligations juridiques internationales du Canada, chacun a le droit de quitter son pays, et chacun a le droit de demander l’asile. Si le Canada applique sa politique en matière d’asile de sorte que les gens peuvent faire une demande d’asile seulement lorsqu’ils arrivent en sol canadien, et que le Canada empêche ces gens d’entrer sur son territoire, je crois que nous ne remplissons pas de notre mieux nos obligations juridiques internationales.
Merci beaucoup.
Nous suspendrons nos travaux pendant trois minutes, mais avant je tiens à remercier Peter Edelmann et le professeur Salter de leur présence devant le comité et de leurs réponses.
Nous reprenons. Je rappelle à tous que la séance est télévisée, au cas où vous ne le saviez pas.
Notre prochain témoin s’appelle Salim Mansur. Il est professeur en science politique à l’Université Western Ontario.
Salim vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, le comité vous posera des questions. Merci.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie grandement de m’avoir invité à venir vous faire part de mes opinions.
Je me présente devant vous en tant que simple citoyen très inquiet et très préoccupé de la dérive d’un pays qui change en raison du taux d’immigration, qui est sans précédent parmi les démocraties libérales avancées du monde occidental. Mon expertise, dans la mesure où elle est reconnue par le comité devant lequel j’ai été invité à témoigner, est celle d’un universitaire, d’un chercheur, d’un écrivain, d’un auteur et d’un intellectuel qui jouit d’un certain renom dans notre merveilleux pays. C’est avec un mélange de fierté et d’humilité que je me présente devant vous en tant que véritable Canadien.
Avant de vous faire part de mon point de vue sur l’immigration, j’aimerais d’entrée de jeu dire que je suis pour toutes les mesures à l’étude en ce qui a trait à l’utilisation de la technologie moderne pour protéger nos frontières, surveiller ceux qui cherchent à entrer au Canada, ceux qui arrivent sans document officiel et qui revendiquent le statut de réfugié, ainsi que les légions de gens qui veulent immigrer au Canada. Je crois que ça tombe sous le sens de nous assurer d’avoir un pays plus sécuritaire et de mettre en place des cartes à puce, des systèmes biométriques et d’autres outils qui sont actuellement disponibles ou qui le seront dans l’avenir.
Je suis persuadé que si nos pères fondateurs et nos remarquables leaders qui leur ont succédé, comme Laurier et King, Pearson et Trudeau, Knowles et Douglas, pouvaient nous parler, ils nous rappelleraient qu’une constitution acceptée par un peuple libre dans le but d’offrir, dans les mots de John A. Macdonald, « paix, ordre et bon gouvernement » ne se veut pas un pacte de suicide.
Dans le peu de temps que j’ai, j’aimerais mettre l’accent sur le premier principe qui a guidé la politique en matière d’immigration au fil de son évolution depuis l’année du centenaire de notre pays jusqu’à sa forme actuelle.
Il n’est pas nécessaire de mentionner que le Canada est un pays d’immigrants. Notre histoire nous rappelle ce que nous devrions savoir, soit que ce sont les immigrants européens des derniers siècles qui ont construit le pays. En général, ils l’ont bien construit. Ils l’ont en fait si bien construit que le Canada est devenu un pays fort prisé par les gens de partout, dont moi-même. Voici mon argument. À un moment donné au cours de l’histoire du Canada depuis au moins 1867, ceux qui ont construit le Canada au début de son histoire auraient pu s’entendre pour empêcher l’immigration, mais ils ne l’ont pas fait. Ils croyaient que la force de leur pays serait maintenue grâce à une politique judicieuse qui visait à accepter de nouveaux immigrants européens. Voici l’élément sur lequel je veux mettre l’accent. J’ai énormément écrit à ce sujet dans les médias. Selon moi, nos ancêtres croyaient qu’une gestion judicieuse et prudente de l'immigration — et je mets l’accent sur la « gestion » — en tenant compte du nombre et des pays d’origine des immigrants ne minerait pas la nature du Canada en tant que démocratie libérale.
Ce sont le nombre et la nature du nombre qui importent et déterminent, en fonction de la nature des choses, comment les présentes ententes sont protégées ou minées. Depuis l’adoption de la politique de la porte ouverte en matière d’immigration autour de l’année du centenaire du Canada, la nature de l’immigration au Canada a commencé à changer comparativement à ce que nous avions depuis 1867 jusqu’à environ 1960. Au cours des 50 dernières années, l’immigration en provenance de l’extérieur de l’Europe, des régions qui sont généralement appelées le tiers monde, a rapidement progressé par rapport à l’immigration en provenance de l’Europe.
De plus, étant donné la révolution des transports et l’arrivée de gros porteurs transcontinentaux qui ont rendu les déplacements de masse économiques et faciles, la distinction entre les immigrants et les travailleurs migrants a été éliminée. Ce n’est pas simplement en ce qui concerne les ethnies, mais cela signifie que le Canada change rapidement sur le plan culturel, ce dont l’élite des milieux politique, médiatique et universitaire ne veut pas discuter. Ce n’est pas, parce qu’on n’en parle pas ou que c’est balayé sous le tapis, que le public n’a pas pleinement conscience de l’ampleur du changement qui s’est opéré au pays en l’espace d’une période relativement courte. Si cette tendance se poursuit pendant encore quelques décennies, il se peut que le Canada change de manière permanente, et ce ne sera pas nécessairement pour le mieux en ce qui a trait à ses traditions politiques en tant que démocratie libérale.
En ce qui concerne le premier principe, il faut que les institutions gouvernementales et ceux que les Canadiens ont choisis pour les représenter réexaminent la présente politique en matière d’immigration et la repensent en fonction de ce qu’elle représente et de la manière dont elle influera sur le bien-être du Canada dans les années à venir. Je ne crois pas avoir besoin de vous rappeler que chaque politique, même si son élaboration est pavée de bonnes intentions, a des conséquences imprévues. L’histoire est un paradoxe. Ce qui est prévu n’est pas ce qui arrivera à long terme ou même à court terme. Prenez n’importe quel exemple, et pensez-y bien. Vous constaterez la nature paradoxale de l’histoire et la manière dont elle nous surprend en déjouant nos attentes.
J'ai en main une publication récente de Statistique Canada intitulée Projections de la diversité de la population, 2006 à 2031. Cette projection aura une incidence sur moi pour le restant de mes jours, mais surtout, elle touchera mes enfants, mes étudiants, mes amis et mes voisins.
En votre qualité de représentants des citoyens, votre opinion est déterminante et aura des répercussions sur nous tous. Si vous prenez le rôle que vous occupez en cet auguste lieu avec tout le sérieux requis, vos décisions marqueront notre histoire et vous serez responsables des points positifs et négatifs qui s'y rattachent.
Si le temps le permet, j'aimerais rapidement vous faire part de quelques faits tirés de la publication de Statistique Canada.
Premièrement, étant donné la nature de notre politique d'immigration en place depuis 1960, les résidents du Canada qui sont nés à l'étranger augmentent environ quatre fois plus rapidement que le reste de la population. Par conséquent, en 2031, la population née à l'étranger atteindra entre 9,8 et 12,5 millions de personnes, comparativement à 6,5 millions en 2006 et à 3,8 millions de personnes en 1981.
Deuxièmement, d'après les projections de Statistique Canada, on évalue à environ 45 millions le nombre d'habitants au pays en 2031, dont 32 p. 100, soit environ 14,5 millions d'entre eux, seront des personnes nées à l'étranger.
Troisièmement, les données relatives à la composition culturelle et religieuse du Canada en 2031 sont également intéressantes et importantes. Selon le rapport, le groupe religieux qui connaît la plus forte croissance est « la population de confession musulmane [...], les effectifs triplant au cours de cette période. Cette hausse est surtout due à deux éléments, d'une part la composition de l'immigration [...] ainsi qu'une fécondité plus forte que celle des autres groupes ». En 2006, la population musulmane s'élevait à environ 900 000 personnes, ce qui représente 2,7 p. 100 de la population. Elle augmentera en 2031 à environ 3,3 millions, soit 7,3 p. 100 de la population.
Si l'on maintient le niveau d'immigration actuel au Canada sous prétexte qu'il faut régler les problèmes auxquels la société canadienne est confrontée, notamment le vieillissement de la population, les taux de fertilité chez les femmes canadiennes, les besoins en matière de main-d'oeuvre et le maintien d'un niveau de croissance démographique proportionnel à la croissance économique, alors cette politique doit être réévaluée. Nous ne pouvons pas résoudre les problèmes sociaux de la société canadienne en instaurant une politique d'immigration ouverte qui fait augmenter l'immigration si rapidement que nous devons tenir compte des répercussions sur notre situation politique en tant que démocratie libérale et remettre en question la capacité d'accueil du pays, pas seulement sur le plan économique, mais peut-être plus important encore, sur les plans culturel et social.
L'arrivée au Canada d'immigrants venant de partout dans le monde, et plus particulièrement de pays musulmans, signifie qu'on accueille dans notre société libérale un flot de personnes issues de cultures qui sont, dans le meilleur des cas, non libérales. Grâce à nos études et à nos observations, nous savons que le mélange de cultures non libérales pose l'un des plus grands dilemmes et un défi sans précédent pour les sociétés libérales comme la nôtre, c'est-à-dire lorsqu'on ne demande plus aux immigrants d'adopter les valeurs libérales fondamentales du pays où ils se sont établis. Une politique en matière de multiculturalisme malavisée et tout à fait insensée encourage plutôt le contraire.
Il n'est pas étonnant que la chancelière allemande, Angela Merkel, le premier ministre britannique, David Cameron, d'autres dirigeants européens et un nombre croissant d'intellectuels, se sont prononcés récemment contre le multiculturalisme et sur la nécessité d'abandonner la politique, voire de l'abroger.
J'ai écrit un livre sur la politique malavisée en matière de multiculturalisme, qui a été publié récemment et qui a pour titre Delectable Lie: a liberal repudiation of multiculturalism.
Faute de temps, je ne peux pas discuter longuement de ce sujet, mais j'aimerais vous faire part du paradoxe suivant.
Il serait peut-être bon de maintenir à peu près le même niveau d'immigration annuel au Canada que celui que nous avons à l'heure actuelle. Nous ne pouvons toutefois pas continuer d'accueillir autant d'immigrants conformément à la politique officielle en matière de multiculturalisme, qui part du principe que toutes les cultures sont égales, ce qui est faux. Cette politique met à rude épreuve une démocratie libérale comme la nôtre et pourrait même mener à sa perte.
Cela signifie que nous ne pouvons pas maintenir le niveau d'immigration actuel et la politique officielle en matière de multiculturalisme. Nous devons choisir l'un ou l'autre pour préserver nos traditions démocratiques libérales.
Si nous persistons, nous minerons sérieusement notre démocratie libérale, ou ce qu'il en reste, compromettrons les bases de la liberté individuelle pour reconnaître les droits collectifs et léguerons à nos enfants et aux générations futures une situation politique où les risques de violence ethnique sont élevés, un peu comme ce qui s'est passé en Europe dans les émeutes des banlieues de Paris et d'autres centres métropolitains.
Pour conclure, je tiens à souligner que nous devons envisager de réduire le nombre d'immigrants qui entrent au pays jusqu'à ce que nous ayons eu un débat sérieux avec les Canadiens sur la question.
Nous ne devrions pas laisser l'inertie bureaucratique non seulement déterminer la politique, mais aussi le nombre d'immigrants que le Canada accueille chaque année et leur pays d'origine. Il existe un précédent. Nous avons fermé la porte de façon sélective à l'immigration des habitants des pays du bloc soviétique pendant la guerre froide. Nous devons envisager de faire de même pendant un certain temps avec les ressortissants de pays musulmans en raison de leurs valeurs non libérales et de leur bagage culturel très perturbateurs.
Autrement dit, nous alimentons l'agitation dans notre pays, comme nous l'avons constaté tard en Europe.
Si jamais un député veut me signaler que mes opinions sont politiquement incorrectes, ou pire, sachez que je suis un musulman pratiquant qui sait d'expérience, car je l'ai vécu tout au long de ma vie, à quel point la culture de l'Islam est instable, perturbatrice, violente et misogyne à l'heure actuelle et à quel point elle menace notre démocratie libérale que je chéris, étant donné que je sais quelle est son antithèse.
Merci.
Oui, madame la présidente. Merci.
Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue, Rick Dykstra. Je vais laisser Rick poser la première question.
C'est bien ce que j'avais entendu alors.
Nous allons commencer avec M. Dykstra, puis nous écouterons M. Leung.
Monsieur Mansur, nous avons eu un léger problème à la dernière réunion du comité. Nous discutions des opinions d'une personne sur ceux qui devraient ou non être admis au pays. Dans votre déclaration, vous avez dit trois fois que nous ne devrions pas permettre à d'autres musulmans de venir au Canada, d'une part, et vous avez indiqué que nous devrions réduire le nombre de personnes que nous accueillons au pays, d'autre part.
J'imagine que vous pensez que si l'on veut restreindre le nombre de personnes qui viennent au Canada à cause de leurs croyances, de leur éducation, de leur culture ou de leur mode de vie, on pourra le faire en réduisant le nombre d'immigrants.
Eh bien, je crois que le nombre que nous avons... En raison des contraintes de temps, je ne me suis pas lancé dans les chiffres, mais je crois savoir que c'est aux alentours de 300 000 personnes, si l'on tient compte de ceux qui arrivent au pays en tant qu'immigrants légitimes, qui ont franchi les étapes du processus, dont les demandeurs d'asile, ce qui comprend le nombre de...
D'accord. Ce n'est pas un nombre sans précédent. Cela soulève tout le problème de la capacité d'accueil, qui est non seulement lié à la situation économique, plus particulièrement compte tenu de la période que nous connaissons depuis 2008, mais aussi à ce que cela représente pour un pays de demeurer une démocratie libérale.
Je me suis penché sur la question et je crois que c'est un problème auquel nous devons nous attaquer, comme le font actuellement les Européens. Dans quelques années à peine, nous serons aux prises avec la même situation que vivent les Européens à l'heure actuelle. C'est la préoccupation dont je vous fais part, monsieur.
Je ne suis pas certain que six premiers ministres libéraux ont partagé votre perception de la « démocratie libérale ». Je suppose que vous ne parliez pas du « libéralisme » dans ce sens-là, mais plutôt dans le sens de nos droits, responsabilités et obligations en tant que Canadiens.
M. Salim Mansur: C'est exact.
M. Rick Dykstra: Je n'ai qu'une dernière question à vous poser alors. Vous qui êtes de confession musulmane, j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous croyez que les musulmans nuiront à notre démocratie canadienne libérale, ou du moins à la structure de ce que vous jugez être le « libéralisme ».
Eh bien, c'est ainsi que je vois les choses en tant que musulman pratiquant issu d'une société islamique.
Ce n'est pas parce que vous êtes musulman pratiquant que vous pouvez nécessairement dire qui peut ou non venir au Canada.
Ce n'est pas ce que j'ai dit ni ce que vous m'avez demandé. Vous vouliez connaître mon raisonnement, et c'est ce que je m'apprêtais à vous expliquer. C'est ce que vous m'avez demandé.
M. Rick Dykstra: D'accord.
M. Salim Mansur: Le contexte culturel de la population est à bien des égards contraire aux valeurs que représente une démocratie libérale comme la nôtre ou celle des pays d'Europe de l'Ouest. L'enjeu fondamental ici, c'est que ces chiffres remettent en cause notre système, notre culture.
La démocratie libérale est une culture. Je ne pense pas que nous soyons nombreux à parler de ce sujet. Je suis ici pour en discuter en ma qualité de philosophe politique et de professeur, monsieur. Je vous fais part de ma préoccupation.
Nous sommes une culture, une démocratie libérale, et cette culture est fondée sur certains principes fondamentaux, qui sont uniques dans l'histoire. Le principe fondamental concerne la liberté individuelle.
Il existe des cultures, en fait la plupart des cultures dans le monde, qui ne sont pas démocratiques libérales.
Je suis d'accord, mais dans votre argumentation philosophique, vous laissez entendre, du moins c'est ce que j'ai compris, que notre démocratie libérale, ce que signifie d'être Canadien, ne peut résister aux croyances de la communauté musulmane du monde entier.
Je dois dire que la raison pour laquelle nous sommes un si bon pays et que sur sept milliards, un milliard de personnes veulent immigrer ici, c'est que — c'est sur ce point que vous et moi divergeons complètement d'opinion — nous avons une conviction et une compréhension de ce que signifie être Canadien. Un milliard de personnes dans le monde souhaitent adopter le même style de vie, de croyance, de démocratie, de charte des droits et libertés dont nous profitons ici.
Vous avez devant vous l'une de ces personnes, monsieur. Je ne sais pas si vous savez ce que c'est d'être un demandeur qui vit dans l'un de ces pays, mais je l'ai vécu. C'est pourquoi j'ai dit dans ma conclusion que je sais quelle est l'antithèse de la démocratie et pourquoi le Canada me tient tant à coeur. J'attache beaucoup d'importance à la démocratie libérale fondée...
C'est ce que je trouve paradoxal parce que vous dites que d'autres ne peuvent pas devenir Canadiens, mais que vous, vous le pouvez.
Non, c'est à cause de la tangente que nous avons prise au cours des 40 dernières années. En 2011, nous avons célébré le 40e anniversaire de la politique officielle en matière de multiculturalisme. J'ai écrit un livre sur le sujet. Je vous encourage à le lire, monsieur.
Je partage quelques-unes de vos opinions sur le multiculturalisme, mais nous ne sommes tout simplement pas du même avis concernant...
Vous devez m'encourager à partager cet avis. Vous n'avez pas à imposer une valeur et je n'ai pas non plus à le faire. Il faut en débattre.
Ce que vous craignez cependant, c'est que la communauté musulmane impose une structure et un système de valeurs qui prendront le dessus et l'emporteront sur les nôtres.
Je crois qu'on fait l'autruche si on ne se rend pas compte de ce qui se passe dans le monde. On se cache la tête dans le sable si l'on ne sait pas que la communauté musulmane organisée demande que ses valeurs soient acceptées dans une démocratie libérale étant donné qu'elles sont totalement incompatibles avec une démocratie libérale.
Je parle des demandes pour que l'on mette en oeuvre la charia. Nous avons failli l'appliquer en Ontario. C'est ce qui arrive en Europe. Ce n'est pas un incident isolé. Comme je vous l'ai dit, monsieur, nous sommes peut-être en désaccord sur la question, mais c'est un phénomène mondial. Nous en discutons à l'échelle internationale, et pas seulement au Canada. Nous ne pouvons pas dire que le Canada est une île qui n'est pas touchée par ce phénomène mondial.
Merci, Salim.
Il reste moins d'une minute et demie et je sais que mon collègue est impatient de poser une question.
Salim, je veux parler plus particulièrement de la sécurité du système d'immigration du Canada. Je sais que si l'on pense à la prochaine génération, le multiculturalisme dépendra de la façon dont nous structurerons notre société sur le plan social. Nous l'avons fait dans le passé. Depuis 1971, avec le multiculturalisme, nous avons structuré l'avenir du Canada sur le plan social.
Je veux me concentrer sur les particularités culturelles que cette étude...
Je regrette de devoir vous interrompre, monsieur Leung, mais il est 19 h 8. Je vous demanderais donc d'être bref.
Ma question est courte. Mon nom de famille peut être prononcé et traduit de huit façons différentes. Les noms de famille musulmans peuvent être Mohammed, Mohammad, Muhamed ou Muhamad. Comment faire pour assurer la sécurité de notre système et savoir que l'on pourra identifier un terroriste ou un auteur de crimes de guerre qui veut entrer au pays?
Je serai très bref, monsieur. La démocratie libérale respecte les droits individuels. Pour ce qui est de la prononciation des noms, il faudra simplement en informer les gens.
La valeur fondamentale de la démocratie libérale est la défense et le respect des droits individuels. La reconnaissance et les droits collectifs sont contraires à la démocratie libérale. C'est la différence fondamentale, monsieur.
Merci, madame la présidente.
Monsieur Mansur, je ne comprends pas trop comment vous associez une politique de multiculturalisme, l'ouverture et l'inclusion aux menaces à la sécurité. Pourriez-vous m'expliquer ce lien de causalité? Je considère que le multiculturalisme et l'inclusion font partie des valeurs démocratiques libérales et de ce que représente le Canada, et non le contraire. À mon avis, les politiques d'exclusion peuvent favoriser l'intolérance. Pourriez-vous m'expliquer comment vous faites ce lien, s'il vous plaît?
Avec tout le respect que je vous dois, je dirais que c'est un vieux problème: voilà 40 ans que nous contournons les règles de la démocratie libérale qui est très respectueuse des droits individuels et qui nous amène à ne rien dire des valeurs et des droits culturels collectifs des autres. Si vous suivez l'actualité, vous savez ce qui est arrivé au Québec avec le projet de loi portant sur le hidjab et le niqab. Cette question a posé un immense problème en Europe.
S'agit-il d'une simple question de valeur culturelle ou bien y a-t-il des conséquences sur la sécurité? Nous avons déjà eu ce débat. Devant votre comité, j'ai déjà parlé de la question de découvrir le visage pour les photographies de passeport et l'identification, etc. C'est un élément de l'enjeu de sécurité dont nous parlons.
Nos forces policières et de sécurité ont ce problème tous les jours. J'ai parlé à de nombreux agents de police, dont certains sont des amis, et ils me disent qu'ils font quotidiennement face au problème.
Il y a certes des sensibilités culturelles qui sont protégées par les valeurs multiculturelles. C'est là qu'il y a un risque de dérive. C'est là que le bât blesse.
Lors d'une interview que vous avez accordée à Phyllis Chesler, celle-ci vous a demandé ce que vous pensiez de la politique d'immigration du Canada et vous lui avez répondu que c'est un sujet complexe et je vous cite : « Personnellement, je pense qu'il devrait y avoir un moratoire sur l'immigration en provenance du monde musulman, étant donné la nature des politiques et des cultures qui sont exportées vers l'Ouest ». Vous voulez parler de principes qui ne sont pas compatibles avec une démocratie libérale, et non pas en réalité de la culture musulmane, puisque vous êtes vous-même musulman. Vous semblez dire que les valeurs véhiculées par tous les musulmans ne sont pas compatibles avec celles d'une démocratie libérale.
J'aimerais que vous précisiez votre pensée, car je ne vois malheureusement pas comment cela peut être le cas.
Madame, j'aimerais, si j'ai le temps, vous l'expliquer par une analogie.
Ceux qui ont compris le problème du communisme venaient eux-mêmes du sérail communiste. Je pense à des gens comme Natan Charansky, Alexandre Soljenitsyne, Václav Havel et d'autres. Il s'agissait d'une lutte globale, en quelque sorte une question de vie ou de mort. Il y avait des gens au sein de l'Union soviétique — comme il y a aujourd'hui en Chine des Liu Xiaobo et autres — qui comprenaient quels étaient les enjeux.
Je ne veux pas dire par là que l'ensemble du monde musulman se retrouve dans la clandestinité. Au moment où je vous parle, il y a une lutte féroce qui se déroule. Le problème vient du fait que l'Islam dominant et organisé est incompatible avec la démocratie libérale et que nous avons décidé, en tant que société, de ne pas remettre cela en question.
Dans cette même interview, vous mentionnez par exemple que, dans l'affaire Shafia, les filles n'avaient pas accès à des ressources. Le problème ne vient-il pas du fait que ces filles n'avaient pas accès à des ressources, que nous ne leur avons pas offert, comme à n'importe quelle autre jeune fille canadienne, des lieux sûrs et culturellement adaptés, par exemple des centres pour femmes musulmanes, où elles auraient pu se sentir à l'aise? C'est justement ce que nous faisons pour les femmes autochtones, et il faut que cela soit fait. Des filles comme moi-même, qui sont au Canada depuis des générations… J'ai encore des amies qui, comme moi, sont encore maltraitées parce qu'elles sont femmes.
Le problème vient davantage des ressources que des musulmans. Pourriez-vous nous parler des ressources dont nous aurions besoin pour traiter ce genre de problèmes?
En tant que père d'une magnifique jeune fille, j'espère qu'elle deviendra une femme très forte comme vous l'êtes, madame, et qu'elle aura un rôle à jouer au Canada. Voilà ce que je veux pour elle. Je veux qu'elle soit libre et courageuse. Mais je ne voudrais pas qu'il lui arrive ce qui est arrivé à une femme qui voulait être courageuse et ressembler à toutes les autres Canadiennes, je veux parler d'Aqsa Parvez, qui voulait tout simplement être Canadienne et qui a été étranglée.
Rien de ce qui fait le Canada n'a été respecté dans le cas d'Aqsa Parvez, ni dans celui des filles de la famille Shafia d'ailleurs, et les exemples de ce genre sont innombrables. Voilà la contradiction fondamentale que nous nous sommes créée. Nous avons déformé notre société. Désormais, les Européens doivent faire face au problème et certains d'entre nous devront aussi y faire face. Peut-être que vous, en tant que députés, répugnez à y faire face pour toutes sortes de considérations politiques.
Certains d'entre nous doivent parler. Ironiquement, en tant que musulman, je prends aujourd'hui la parole devant vous pour vous rappeler qu'une lutte féroce se déroule en ce moment. Voilà 1 400 ans qu'elle dure. Quand vous me dites qu'il ne s'agit pas de l'islam, ou des musulmans… que c'est une simple question de ressources, eh bien, c'est une réponse confuse. Oui, il y a des symptômes; c'est comme une maladie. Il faut la traiter par de l'aspirine ou un autre médicament. Certes, les centres de ressources manquent, mais cela ne répond pas au problème fondamental que nous importons dans notre pays.
Je ne fais que soulever la question de l'islam, mais il y en a bien d'autres.
Parfait.
Je suis contente que vous ayez mentionné le rapport Bouchard-Taylor Il y a quelques minutes. Vous connaissez la distinction que Charles Taylor fait entre une société séculaire et la laïcité. Pouvez-vous l'expliquer brièvement au comité?
Je ne sais pas combien de temps il me reste.
Je dirais donc, essentiellement, que ce que vous défendez ressemble beaucoup pour moi à la laïcité. C'est la position que les pays d'Europe ont prise et qui les a amenés au point où ils ne sont plus capables d'accepter d'autres collectivités. Par contraste, le Canada lutte évidemment — mais avec un certain succès, je crois — pour créer une société séculaire dans laquelle tous se sentent inclus. Cela implique que nous devons faire sortir les tensions et nous assurer à terme… Je suis d'accord, la démocratie libérale doit être préservée, les droits des femmes doivent être préservés, par exemple, mais cela ne doit pas nécessairement se faire en rejetant d'autres collectivités, en les obligeant à se replier sur elles-mêmes, mais plutôt par l'ouverture.
Merci, madame la présidente.
Merci, madame la présidente.
Je comprends vos commentaires, monsieur Mansur; je ne suis pas nécessairement d'accord avec, mais je vous comprends. J'aimerais donc vous interroger sur d'autres points.
Vous vous souciez beaucoup, évidemment, de la politique multiculturelle. Outre de s'occuper d'immigration, le gouvernement offre des allocations d'établissement. Il n'a peut-être pas entièrement atteint ses objectifs, mais si l'on songe aux dépenses que nous faisons dans ce domaine, pensez-vous qu'elles pourraient servir à régler certains des problèmes que vous avez soulignés? Peut-être pourrions-nous envisager la valeur d'enseigner la tolérance dans la société et nous assurer que des chances égales sont offertes à tous.
Pensez-vous qu'il y aurait lieu d'améliorer les programmes d'établissement pour rendre nos collectivités plus sécuritaires?
Quelles que soient les circonstances, nous pouvons toujours faire mieux, monsieur, là n'est pas la question.
Jusqu'à ce que la politique de multiculturalisme soit adoptée, nous étions une démocratie libérale. Nous essayons toujours de l'être. Nous avons créé une situation… Et je le redis, les Européens n'y font pas face, mais nous avons créé une certaine situation. La prémisse implicite du multiculturalisme est l'enjeu philosophique fondamental auquel nous avons ici affaire. La prémisse fondamentale du multiculturalisme est l'identité collective. Selon cette prémisse, toutes les cultures sont égales, ce qui est carrément faux. Toutes les cultures ne sont pas égales. Il n'y a rien qui ressemble à une démocratie libérale.
À propos, la démocratie libérale ne relève pas d'une question de couleur. C'est là-dessus que l'on se méprend. La démocratie libérale est un enjeu fondamental fondé sur les droits individuels. Historiquement, c'est en offrant une bonne société que le système de démocratie libérale a pu surmonter les vagues contradictions qui étaient les siennes.
Nous pouvons régler tous les problèmes qui surviennent en éliminant l'argument que nous avons intégré à notre propre tissu social et selon lequel toutes les cultures sont égales. Cette position aboutit à toutes sortes de conséquences.
Voilà pourquoi je dis que l'histoire est un paradoxe. Nous pouvons envisager toutes sortes de situations, mais elles ont toutes des conséquences inattendues. Puis-je vous rappeler — et j'ai beaucoup écrit à ce sujet — les regrets qu'a exprimés notre ancien premier ministre Pierre Trudeau, le père du multiculturalisme officiel, lors de sa dernière visite dans cette vénérable enceinte, lorsqu'on lui a demandé ce qu'il pensait du multiculturalisme.
Voilà des pensées à méditer.
Cette politique a eu pour résultat paradoxal de nous débarrasser des droits fondamentaux qui existent dans une démocratie libérale. Il n'y a pas de droit plus fondamental que celui de la liberté d'expression. Nous avons déformé la réalité et créé toutes sortes de problèmes. Et nous allons avoir encore plus de problèmes au fur et à mesure que le nombre d'immigrants augmente, car notre institution politique essaie de s'adapter à ces nombres. Nous essayons de nous en accommoder et nous en devenons prisonniers. C'est la nature de la politique. Nous n'inventons rien de nouveau, surtout dans le domaine de la politique démocratique.
Ce n'est qu'une question de nombres, nombres qui vont nous amener à évoluer d'une certaine façon. Nous voyons déjà les signes de cette évolution.
Le problème du monde islamique est le défi mondial qui a été lancé au début du XXIe siècle à partir du 11 septembre. Et il ne disparaîtra pas rapidement. C'est un défi historique tout comme celui du communisme que nous avons connu tout au long du XXe siècle.
Lorsque l'on parle de dépenses, d'entretien, de soins de santé, etc., nous aurons besoin des ressources correspondantes pour les assumer. Nous aurons besoin de cet argent. Nous aurons besoin de maintenir notre économie sur la bonne voie.
J'en reviens à la nature fondamentale de notre société. Il y a en effet un lien paradoxal entre le point où nous en sommes comme société multiculturelle et un pays libre et ouvert, avec ses niveaux d'immigration, ces chiffres de l'immigration. Dans une génération ou deux, nous serons dans la situation que je vous invite à envisager, puisque vous êtes là pour nous représenter, pour examiner les situations. Il ne s'agit pas d'une question hypothétique. Il s'agit de pouvoir prévoir clairement la direction que nous prenons. Nous nous dirigeons vers des problèmes dangereux. L'Europe nous montre déjà dans quelle direction nous nous orientons.
Merci, madame la présidente.
Au sujet du multiculturalisme, monsieur, j'aimerais aussi faire remarquer que le sénateur Paul Yuzyk et le premier ministre Diefenbaker s'en sont beaucoup mêlé à l'époque. Voilà un beau discours, mais je crois que nous devons revenir au réel débat que nous avons ici aujourd'hui, à savoir la sécurité dans notre système d'immigration.
Nous avons parlé de certains incidents: des gens qui arrivent dans notre pays à plusieurs reprises, qui sont déportés à plusieurs reprises, reviennent, commettent des actes criminels, etc. Il est clair qu'il y a une lacune dans notre sécurité. Certaines des données biométriques que nous souhaiterions mettre en place, et notamment le partage d'informations avec nos alliés, nous permettront d'identifier les indésirables ou même ceux qui arrivent par des moyens frauduleux pour faire du mal à notre pays.
Nous disposons aujourd'hui de la biométrie. Voilà ma carte Nexus. Je l'adore parce qu'elle me permet d'entrer dans l'aéroport et d'en sortir très rapidement. On m'identifie grâce au balayage de la rétine et des empreintes digitales, à ma photo, qui n'est pas vraiment très flatteuse; mais tout cela est très utile.
J'aimerais avoir votre opinion sur les dispositifs de sécurité, les mesures que nous devons mettre en place — auxquelles M. Menegakis faisait allusion — dans le cadre d'une stratégie des entrées et des sorties, pour savoir qui entre au Canada et qui en sort. Avez-vous des commentaires à ce sujet, monsieur?
Pour être bref, nous avons besoin de tous les apports technologiques dont nous pouvons disposer, et nous devons les mettre en place. Mais comme les précédents témoins l'ont signalé, nous avons un dilemme au plan juridique: d'un côté, notre obligation constitutionnelle envers les particuliers et de l'autre, comme vous l'avez exactement mentionné, le souci de notre sécurité et des gens qui nous veulent du mal, souci qui ne fait pas l'ombre d'un doute. Que doit-on faire? Comment équilibrer ces deux éléments? Je pencherais en faveur de la sécurité, étant donné la nature du monde dans lequel nous vivons et la nature des menaces actuelles.
Je suis d'accord et je crois que nous devons pouvoir identifier les gens de façon catégorique, grâce à des photos et à des données de base. Cela est très utile.
En ce qui concerne le partage de l'information, que pensez-vous des bases de données partagées? Sont-elles la solution parfaite? Je ne pense pas qu'il n'y en ait qu'une seule. Je veux dire que l'exactitude des données dépend des saisies que l'on fait et qui sont sujettes à correction, quelle que soit leur provenance.
Que pensez-vous, monsieur, du partage de données entre alliés?
Cela dépend à qui on communique ces données. Je pense que nous devons les communiquer à d'autres démocraties, en sachant et en exigeant qu'elles préservent leur sécurité. Mais si on les communique à des pays non démocratiques, l'essentiel de la menace dont nous parlons et qui est souterraine — nous ne voulons pas la définir — provient de régions où vivent des sociétés non démocratiques. Le problème demeure. Comment partager ces données avec des sociétés non démocratiques, en sachant pertinemment qu'elles ne respectent pas leurs propres populations? Nous en voyons tous les jours des exemples.
Voilà ce qui inquiète. En tant que démocratie, nous prenons au sérieux nos responsabilités. C'est tout ce que nous pouvons faire de notre côté; à part cela, il faut faire preuve de prudence et de pragmatisme.
La technologie biométrique est-elle aujourd'hui suffisante, ou y a-t-il d'autres moyens? Je pense à l'exemple d'Israël, qui utilise des méthodes de préfiltrage pour obtenir l'identité de tous ceux qui montent dans un avion ou entrent en Israël par une compagnie aérienne israélienne.
Y a-t-il quelque chose à faire? Devrions nous mettre en oeuvre ce genre de procédures?
La réponse courte à cette question est que c'est cela le paradoxe. Nous mettons en place un outil de pointe et nous présumons qu'il réglera notre problème. Ce qu'il y a de mieux, c'est le renseignement humain.
Alors pour ce qui est de la question israélienne, ils disposent de la technologie la plus moderne, dans la mesure où j'ai voyagé en Israël, mais le renseignement humain est aussi très très bon. Au bout du compte, c'est le côté renseignement humain qui prime d'une certaine façon.
Eh bien, les gens avec qui l'on fait affaire pour les questions de sécurité, les personnes qui peuvent venir vous parler. Me voici, je vous donne des renseignements, les renseignements que nous pouvons fournir. Notre État et ses citoyens peuvent intervenir et faire le suivi des renseignements qu'ils reçoivent. Je crois que c'est... et l'assurance que les gens ont de partager ces renseignements.
Je n'ai pas à vous dire, monsieur, comment l'affaire des 18 de Toronto a été élucidée et comment tant d'autres que nous ne connaissons pas l'ont aussi été parce que, encore une fois, personne n'a parlé. Et si personne n'a parlé, c'est que le renseignement humain a empêché quiconque de le faire.
Oui.
En fait, c'est une observation intéressante. Nos deux témoins précédents.... en fait, un en particulier, qui se trouvait à votre place, a fait valoir que, en conservant tous les dossiers que nous conservons, nous ne pouvons pas vraiment prouver que nous avons réellement interdit l'entrée à une mauvaise personne. Je pense que vous présentez l'autre côté de cet argument selon lequel, comme vous le savez, il est très difficile de déterminer à qui nous avons peut-être interdit l'entrée, parce que la dernière chose que le SCRS ou, en fait, dans le cadre d'un accord nord-américain avec les États-Unis... Les cas reconnus publiquement de personnes à qui nous avons interdit l'entrée ne sont pas nécessairement ceux que nous devrions rendre publics.
M. Salim Mansur: D'accord.
M. Rick Dykstra: Je crois que vous dites de façon assez convaincante que, au plan de la sécurité, nous avons besoin d'un semblant d'ordre et de points précis s'agissant de la question de la collecte de renseignements. Je crois que je vous donne simplement l'occasion d'en parler un peu plus longuement, peut-être, de reconnaître que nous avons besoin d'un système doté de mécanismes régulateurs pour assurer la sécurité de notre pays.
Eh bien, je suis d'accord. Je veux dire que nous avons besoin de mécanismes régulateurs, le renseignement humain est extrêmement important, et nous savons tous que la demande dépasse de beaucoup les ressources disponibles. Alors comment utiliser les ressources pour répondre à la demande?
[Français]
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Monsieur Mansur, merci d'être venu aujourd'hui.
Je suis de ceux qui croient que le multiculturalisme canadien fait la fierté du Canada et de ses citoyens. Je représente l'une des circonscriptions les plus diversifiées au pays. C'est une chose que mes électeurs m'ont répétée encore et encore: à quel point ils apprécient notre patrimoine multiculturel. Plus de 90 p. 100 de mes électeurs sont en fait considérés comme des nouveaux immigrants ou des immigrants. Le multiculturalisme canadien favorise la fierté, le respect et le contact avec la culture et le patrimoine de chacun, ce qui, bien entendu, accroît la fierté des nouveaux immigrants à l'égard de leur pays d'adoption, le Canada.
Je suis moi-même canadienne de descendance tamoule. Comme vous l'avez dit vous-même, je ne suis pas une Canadienne à rallonge; je suis canadienne. Mais j'accorde aussi de l'importance à mon patrimoine et j'estime qu'il m'apporte beaucoup, qu'il enrichit mon identité et celle que je laisserai en héritage à mes enfants, mes petits-enfants et ma communauté. Je sais que j'ai été en mesure de faire une petite contribution et je vais m'efforcer d'en faire une plus grande, car c'est un patrimoine que je comprends, que je connais et dont je suis fière.
Le multiculturalisme permet à une personne d'agir selon ses croyances ou pratiques culturelles, mais dans les limites définies par la loi, bien entendu. Nous savons — comme dans certains des exemples que mes collègues ont donnés plus tôt — que l'oppression existe dans l'ensemble des cultures et des pays. Le racisme, le sexisme... voilà pourquoi nous avons des lois pour protéger les citoyens de notre pays.
Avec des antécédents de politiques discriminatoires comme les pensionnats, bien sûr, ou la taxe imposée aux immigrants chinois — des politiques d'exclusion —, je ne crois pas que c'est quelque chose que nous devrions faire. Ce n'est probablement pas la voie que nous voulons suivre avec nos politiques futures en matière d'immigration: d'autres politiques d'exclusion ou de discrimination comme la taxe imposée aux immigrants chinois.
La question que j'aimerais vous poser se rapporte à ce que bien des vérificateurs généraux ont mentionné. L'un après l'autre, ils ont déclaré qu'il y avait de graves lacunes dans la façon dont nos lois actuelles sur l'immigration sont administrées. Les agents n'ont pas la moindre idée des personnes qui devraient venir au Canada puisqu'ils n'ont pas de renseignements précis ou suffisants pour évaluer l'admissibilité des demandeurs. De plus, on ne fait pas suffisamment d'évaluations de rendement, et on n'offre pas assez d'orientation et de formation aux agents qui prennent ces décisions.
Avez-vous des commentaires à formuler au sujet des recommandations du vérificateur général?
Non, je n'ai pas de commentaires.
Pour ce qui est de vos remarques liminaires, je suis d'accord avec vous, mais ma conclusion n'est pas la même. Vous êtes du Sri Lanka. Je suis né en Inde. S'il y a un pays multiculturel, c'est bien l'Inde, avec son milliard d'habitants et la diversité dont nous parlons...
Mme Rathika Sitsabaiesan: Bien sûre, mais ma question...
M. Salim Mansur: J'ai dit vos « remarques liminaires ».
Dans la partie secondaire, c'est un problème qui persiste. C'est un problème qui persiste au plan de notre bureaucratie, de nos institutions. Parce que nous sommes une société multiculturelle, les gens qui géreront ces systèmes seront constamment confrontés au dilemme de laisser entrer des personnes, d'une part, et d'assurer la sécurité du pays, de l'autre.
Désolée, mais je vais vous interrompre, si je puis...
M. Salim Mansur: Désolé. Allez-y.
Mme Rathika Sitsabaiesan: ... c'est juste qu'il ne me reste qu'une minute et demie.
Si je vous posais une question concernant les recommandations du vérificateur général, c'est qu'il s'agit d'une étude sur la sécurité et la politique en matière d'immigration. Vous n'avez rien à ajouter à ce sujet, alors je vais passer à la prochaine question si vous me le permettez.
J'ai une seconde question. Des gens du monde entier se sont établis ici au Canada — comme vous et moi. Selon moi, les nouveaux Canadiens font partie intégrante de la prospérité de notre pays et de nos collectivités. Leurs contributions à la réussite de collectivités comme Scarborough, où je vis et que je représente, sont vastes et influentes.
J'estime que l'immigration fait partie intégrante de notre économie, tant locale que nationale, et du développement de nos collectivités. Êtes-vous du même avis?
Eh bien, encore une fois, la question est de savoir comment définir nos intérêts nationaux. Si vous en parlez comme d'une question économique — si vous dites que l'immigration est nécessaire à la croissance économique —, alors qu'arrive-t-il en période de ralentissement économique, lorsque nous avons de graves problèmes économiques?
Mme Rathika Sitsabaiesan: Mais vous...
M. Salim Mansur: Êtes-vous, en tant que députée et Parlement, aussi disposés à réduire les nombres?
Si je puis... Désolée, mais je sais que j'ai 20 secondes.
Statistique Canada dit en fait que, au cours des cinq prochaines années ou quelque chose du genre, le Canada dépendra — pour les pénuries de main-d'oeuvre — presque entièrement des nouveaux immigrants pour répondre à ses besoins en matière de main-d'oeuvre. Êtes-vous en train de dire que nous devrions empêcher les immigrants de venir au Canada? Si nous le faisons, nous ne serons plus en mesure de répondre à nos besoins en matière de main-d'oeuvre.
Vous me donnez une réponse de 30 secondes à votre question.
Ces études sont pleines de falsifications. Elles peuvent toutes être contredites par d'autres études, alors vous vous montrez sélective avec une étude en particulier.
La vice-présidente (Mme Jinny Jogindera Sims): Merci beaucoup, madame Sitsabaiesan.
M. Salim Mansur: Je pourrais vous citer une étude de Grubel et de Grady...
Merci. Il nous reste encore un certain nombre de témoins.
La parole est à la députée James — je pratique mon français aujourd'hui.
Merci, madame la présidente.
Merci aussi à vous, Salim Mansur.
Je vais essayer de nous ramener à l'ordre... nous nous sommes un peu éparpillés pendant la séance, et je veux parler précisément de ce que le Canada fait et de ce que nous pouvons faire pour mieux contrôler les personnes qui arrivent au Canada.
Je vais simplement vous donner un exemple d'un cas particulier dans lequel j'estime que le système d'asile actuel a nui aux Canadiens. Lorsque j'ai pris connaissance de ce cas en particulier, j'étais outrée. Je vais vous le lire. C'est le cas d'un homme du nom de Mahmoud Mohammad Issa Mohammad, qui a commis des attentats terroristes pour le compte du Front populaire de libération de la Palestine. Malgré son lien avec le terrorisme, il a été en mesure de rester au Canada depuis 1987.
À cause de notre système actuel qui lui permet d'interjeter appel de décisions visant son expulsion et autres, il a en réalité coûté 3 millions de dollars aux contribuables canadiens. Maintenant, lorsque je pense à cette affaire, je ne peux trouver de meilleur exemple de la façon dont notre gouvernement et notre société ont manqué à leur engagement à l'égard de la population canadienne — des contribuables canadiens — et ont vraiment mis en péril la sûreté et la sécurité de notre nation.
Nous nous sommes égarés un peu, mais je me demande ce que vous pouvez nous recommander — au gouvernement — pour combler les lacunes de notre système actuel de contrôle et pour prévenir ce type d'incident. Comment est-il possible qu'une personne soit ici depuis 1987 et qu'elle lutte toujours contre l'expulsion?
En tant que Canadien, je suis insulté que des personnes qui ont violé toutes sortes de lois vivent toujours aux crochets des contribuables. Je suis un contribuable, tout comme je suis canadien, alors cela m'insulte. Je crois qu'il en va de même pour une majorité de Canadiennes et de Canadiens. Je serai bref: une fois ses recours juridiques épuisés, il aurait dû être expulsé.
Merci.
Lorsqu'il est question de contrôle, je sais que vous avez probablement entendu dire que nous appliquons les données biométriques et autres. Êtes-vous d'accord pour dire que ce type de données nous aideraient certainement dans un cas comme celui-là si l'on avait un dossier sur cet homme? Assurément, avec les données biométriques, une fois qu'il quittera le Canada, il n'aura plus la possibilité d'y revenir.
Je l'espère, mais dans le pays d'origine de cet homme, ils ne disposeraient pas de la technologie pour insérer les données biométriques. Je crois que c'est précisément le problème avec lequel nous composons: les nombres, le pays d'origine. Cela a changé par rapport à l'immigration qui venait jadis d'Europe. Maintenant, les immigrants viennent surtout des pays du Tiers Monde.
Merci.
Il y a différentes catégories d'immigration pour les personnes qui arrivent au Canada. Pensez-vous qu'une catégorie représente une plus grande menace pour la sécurité qu'une autre? Selon vous, y a-t-il une catégorie d'immigrants plutôt qu'une autre qui est susceptible de poser problème au plan de la sécurité nationale?
Je ne comprends pas tout à fait ce que vous voulez dire par « catégorie », mais le bon sens nous dicte tout simplement qu'il y a des régions dans le monde, des pays d'origine, qui sont grandement problématiques et qui nous préoccupent en raison de la menace qu'ils représentent pour le Canada.
En ce qui touche les catégories d'immigrants, je parle de quelqu'un qui vient ici comme demandeur d'asile, qui cherche à obtenir le statut de réfugié, par opposition à quelqu'un qui vient au Canada, obtient la résidence permanente et demande ensuite la citoyenneté.
D'accord.
J'ai été élue le 2 mai de l'année dernière. J'ai appris beaucoup de choses que je ne savais pas concernant notre système d'immigration. J'ai été un peu décontenancée par moments.
L'un des points se rapporte à l'entrée et à la sortie des personnes qui viennent au Canada et notre capacité d'en faire le suivi — et encore, de faire le suivi des personnes qui entrent par la porte de côté ou de derrière alors qu'elles devraient entrer par la porte d'en avant.
Je me demande simplement ce que vous recommanderiez pour améliorer notre capacité nationale, en tant que gouvernement qui se préoccupe de la sécurité, de mieux faire le suivi des personnes qui entrent au Canada ou qui en sortent.
Ce qui me stupéfie, c'est que n'importe quelle banque ordinaire pourrait me retrouver, dans n'importe quelle partie du monde, si j'avais arrêté de faire mes versements, alors que notre pays est incapable de retrouver et de surveiller les personnes qui sont prêtes à exploiter notre système.
Je serai très brève.
Vous avez beaucoup parlé de la population musulmane et tout, mais estimez-vous que cela a un lien avec la capacité de facilement s'intégrer à la société canadienne? Croyez-vous que cela puisse causer des problèmes?
Je ne vise aucun groupe en particulier. Je me demande seulement si c'est vraiment ce qu'il faut pour qu'une personne s'intègre bien au Canada, fasse une contribution valable, décroche un emploi et tire aussi le meilleur parti possible de sa citoyenneté canadienne. Croyez-vous que la facilité d'intégration soit l'élément clé?
Pouvez-vous attendre un instant, s'il vous plaît?
Malheureusement, votre temps est bien écoulé. Nous sommes à cinq minutes et 15 secondes.
M. Menegakis — désolée, le député Menegakis — est le prochain sur la liste. Alors si vous pouvez lui laisser le temps de répondre, ce serait génial.
Merci.
Je crois que nous attendions simplement que vous nous disiez si vous pensez que pour une meilleure intégration ou une intégration plus facile ou plus rapide dans la société canadienne, le fait de posséder les compétences linguistiques, etc. est la clé du succès.
Pour répondre rapidement je devrais généraliser, mais si je généralise, oui, les immigrants qui viennent de pays musulmans ont d'énormes problèmes à s'adapter à une société comme la nôtre en raison des différences historiques et culturelles.
Merci.
Merci, monsieur, et merci d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui.
Je crois que vous avez répondu aux deux ou trois premières questions que j'avais. Est-il juste de dire que vous êtes en faveur de l'AVE, l'autorisation de voyage électronique, et des données biométriques? Je crois vous avoir entendu dire que vous pensiez que ces outils technologiques, si vous voulez, peuvent nous aider à identifier les personnes avant qu'elles arrivent au Canada. Est-ce exact?
Merci.
Le Canada accueille un nombre record d'immigrants chaque année. L'an dernier, je crois que nous en avons accueilli environ 265 000. Si je ne m'abuse, au cours des cinq dernières années, nous avons eu en moyenne 253 000 immigrants par année.
Un témoin précédent a fait remarquer au comité que ces niveaux élevés font en sorte qu'il nous est plus difficile d'atteindre nos cibles. En conséquence, peu d'immigrants passent une entrevue avant d'obtenir un visa pour le Canada. Des témoins nous ont déjà dit que le problème n'était pas le manque de personnel et que la solution n'était pas d'accroître le nombre d'employés.
Que recommandez-vous au gouvernement de faire pour régler cette question? Le Canada devrait-il mener plus d'entrevues pour contrôler les demandeurs de visas?
Nous avons besoin de mener plus d'entrevues, et je crois comprendre que nous réduisons le nombre d'employés qui assurent la sécurité aux frontières. Notre problème est de trouver un équilibre entre nos ressources économiques et nos besoins. C'est une question d'économie élémentaire. Nos besoins dépassent nos ressources.
Étant donné que notre temps est presque écoulé, laissez-moi vous dire que lorsque des représentants de la GRC, de l'ASFC et du SCRS sont venus témoigner devant notre comité, ils étaient très favorables à ces outils électroniques, en particulier les données biométriques, qui, selon eux, sont un outil du XXIe siècle.
Selon moi, ces outils, en plus des entrevues, nous donnent ce dont nous avons besoin pour déterminer qui marchera à nos côtés dans la rue.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication