Nous sommes le lundi 7 mai 2012, et il s'agit de la séance no 40 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. L'ordre du jour est le suivant: conformément à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012, le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois. La réunion est télédiffusée.
Le premier groupe que nous accueillons est composé de deux témoins, à savoir Catherine Dauvergne, professeure, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit des migrations, Faculté de droit, Université de la Colombie-Britannique.
Je crois comprendre que vous avez des diapositives à nous présenter.
Nous accueillons également Sharryn Aiken, professeure à la Faculté de droit de l'Université Queen's. J'ai étudié là-bas, mais ça fait si longtemps que la mosaïque arborant ma photo est au sous-sol.
Nous sommes très heureux que vous soyez parmi nous. Vous disposerez chacune de 10 minutes pour présenter des observations préliminaires, puis nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
Madame Dauvergne, à vous de commencer.
:
Bonjour, et merci de m'avoir invitée à discuter avec vous du projet de loi .
[Français]
Depuis presque 20 ans maintenant, je fais des recherches sur le droit de l'immigration, au Canada et en Australie. J'enseigne le droit des réfugiés dans ces deux pays.
Je vais parler ce matin du système de détention obligatoire qui a cours en Australie.
[Traduction]
En outre, je serai heureuse de répondre à toutes vos questions concernant le projet de loi
[Français]
Je veux vous remercier d'avoir traduit pour moi la présentation que je vais livrer ce matin. Étant donné que 10 minutes, ça passe très vite, je vais commencer par une recommandation.
[Traduction]
Je vais passer au dernier point que je veux aborder.
Depuis maintenant plus de 20 ans, l'Australie dispose d'un régime de détention obligatoire visant les personnes qui présentent une demande de protection. Presque toutes ces personnes sont détenues à un moment ou à un autre. Ce régime n'a pas permis de réaliser les objectifs que l'on s'était fixés en matière de dissuasion. Il a causé du tort à une multitude de personnes, et a coûté des milliards de dollars. Comme je le montrerai dans quelques instants, à certains égards, ce régime n'est pas aussi sévère que celui que l'on se propose d'instaurer au moyen du projet de loi . Pour cette raison, je recommande que le projet de loi C-31 soit modifié de manière à supprimer le régime de désignation des étrangers et le régime de détention obligatoire.
Comme je reconnais que les arrivées massives posent de sérieuses difficultés à tout gouvernement, j'aimerais formuler une solution de rechange aux dispositions que l'on envisage d'adopter. En cas d'arrivée massive — laquelle doit être définie comme l'arrivée d'un groupe de plus de 50 personnes —, c'est-à-dire dans un cas où la détention des personnes peut être justifiée aux termes des dispositions actuelles de la LIPR — par exemple si l'on a de la difficulté à établir l'identité des personnes —, je recommande, dans le cas où un groupe comptant plus de 50 personnes se présente, que l'on modifie le calendrier des contrôles des motifs de détention de manière à ce que l'on puisse examiner de façon adéquate et appropriée le cas de chacune de ces personnes. Sous le régime actuel, comme vous le savez, un contrôle des motifs de détention a lieu dans les 48 heures, au bout de sept jours et aux 30 jours par la suite. Dans le cas où plus de 50 personnes arrivent en même temps, il conviendrait de modifier ce calendrier de manière à ce qu'un contrôle initial ait lieu dans les 20 jours, un deuxième au bout de 25 jours et les autres — pour les personnes qui doivent demeurer en détention après 45 jours —, aux 30 jours, comme cela se passe actuellement.
D'autres témoins vous ont sûrement parlé des deux premières raisons de rejeter le régime de détention obligatoire proposé. Premièrement, il contrevient à la Charte des droits et libertés, et deuxièmement, il contrevient aux conventions internationales clés sur les droits de la personne auxquelles le Canada est partie depuis longtemps. Ce matin, je m'intéresserai plus particulièrement aux leçons tirées de l'expérience menée en Australie.
L'expérience australienne a montré que le régime de détention mis en place ne dissuade pas les personnes de présenter une demande d'asile en Australie, et que ce genre de détention cause des torts durables aux personnes qui y sont assujetties.
La détention obligatoire de toutes les personnes arrivant en Australie sans autorisation a commencé en 1989. La majeure partie des personnes qui arrivent dans ce pays sans visa sont brièvement détenues, mais la plupart se voient maintenant délivrer un visa d'attente — certaines d'entre elles l'obtiennent en quelques jours, lorsqu'elles arrivent à un aéroport. Les personnes qui arrivent par la mer doivent habituellement attendre deux ou trois mois. Ce visa d'attente sert à mettre les personnes détenues en liberté.
Depuis 2001, il y a deux processus distincts en Australie: l'un pour les arrivées par la mer, et l'autre, pour les arrivées par la terre. En janvier dernier, à savoir au milieu de l'exercice financier australien, 4 783 personnes étaient détenues — d'une façon ou d'une autre, ce qui comprend les détentions dans la collectivité, que l'on peut considérer comme une liberté sous condition — pour un motif lié à l'immigration. On estime que, au cours du présent exercice, les détentions liées à l'immigration ont coûté à l'Australie 629 millions de dollars australiens — dont la valeur est actuellement presque égale à celle du dollar canadien.
Le régime de détention australien fait l'objet d'un examen minutieux depuis 2008. Parmi les changements apportés, mentionnons le fait que la détention dans la collectivité prend progressivement la place de la détention dans les centres prévus à cette fin.
Sur le plan des politiques, mentionnons que les enfants et les familles ne sont plus envoyés dans des centres de détention — ils sont généralement détenus dans des centres spécialement prévus pour cela. Un rapport d'enquête parlementaire publié en mars dernier a révélé qu'il y avait encore quelques enfants en détention, mais cela contrevient aux politiques.
À présent, la détention des immigrants est officiellement considérée comme une mesure de dernier recours au sein du régime australien, et, dans tous les cas, la détention des immigrants doit durer le moins longtemps possible. Selon une recommandation découlant de la plus récente enquête parlementaire menée en Australie, la durée maximale de détention devrait être de trois mois.
Si l'on compare le régime australien de détention des immigrants et le régime qui découlerait de l'adoption au Canada du projet de loi , nous constatons qu'ils sont semblables, dans la mesure où il s'agit de régimes à deux volets qui punissent les arrivées irrégulières par bateau.
En Australie, la durée de la détention des immigrants est théoriquement indéfinie, mais l'on présume qu'elle devrait être inférieure à 12 mois. Dans le cadre du régime qui découlerait du projet de loi , la durée de la détention est de 12 mois, mais est théoriquement indéfinie, de sorte qu'elle serait plus longue que celle prévue par le régime australien.
En Australie, les enfants et leur famille ne doivent pas être détenus. En revanche, au Canada, les jeunes enfants ne seront pas détenus, mais pourront être séparés de leur famille.
En Australie, le traitement des demandes d'asile des personnes détenues se fait en priorité de manière à ce que ces personnes soient détenues le moins longtemps possible. Le projet de loi ne prévoit aucun traitement prioritaire de la sorte pour ce qui est des personnes détenues au Canada.
Dans le cadre du régime australien, toute personne détenue qui a présenté une demande d'asile a accès à l'aide juridique au cours de l'étape préliminaire du processus et de l'étape suivante, celle où l'on procède à l'examen du bien-fondé de la demande. Le projet de loi n'offre aucune garantie en matière d'aide juridique.
Il convient également de souligner que, au cours des 10 dernières années, l'expérience australienne a montré qu'un très grand nombre de personnes qui arrivent par bateau finissent par obtenir le statut de réfugié; d'après l'annexe du rapport parlementaire, la proportion s'élève à 90 p. 100. Si j'ai bonne mémoire, d'après des statistiques antérieures, cette proportion était plus près de 80 p. 100, mais il s'agit tout de même d'un très haut taux d'approbation, qui prouve que les gens qui entreprennent un voyage de ce genre sont des gens qui sont au comble du désespoir.
Un certain nombre d'enquêtes ont établi que le régime australien de détention obligatoire enfreint les conventions nationales et internationales sur les droits de la personne. Ce régime n'a pas freiné l'arrivée de demandeurs d'asile en Australie. Selon une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Université Monash — étude non encore publiée, mais dont j'ai entendu parler à une conférence il y a trois semaines environ —, les fluctuations au chapitre du nombre de personnes arrivant par bateau en Australie peuvent être entièrement attribuées non pas aux modifications des lois australiennes, mais aux conditions régnant dans les pays d'origine et aux conditions météorologiques.
Quatre enquêtes majeures sur l'efficacité du régime australien ont été menées depuis 2001, ce qui a fait gonfler les coûts de ce régime de dizaines de millions de dollars. Voici quelques éléments probants admis à grande échelle et mentionnés dans le rapport parlementaire: les taux de suicide et d'automutilation au sein de la communauté des demandeurs d'asile détenus sont très élevés; les taux de dépression et de syndrome de stress post-traumatique sont très élevés; ces troubles de santé mentale nuisent au processus de détermination du statut de réfugié, et le rendent plus difficile à administrer; la détention prolongée aggrave les traumatismes antérieurs; enfin, le régime de détention nuit aux relations familiales, et plus particulièrement à la santé mentale des enfants, que ceux-ci soient en détention ou séparés de leur famille en raison d'une détention.
Parmi les changements en cours en Australie, mentionnons que l'on s'est engagé à recourir à la détention dans la collectivité plutôt que dans des établissements fermés, vu qu'il a été établi de façon très convaincante que cela entraînait une réduction des coûts, et que cela causait moins de tort aux personnes.
De 2001 à 2007, un régime temporaire restreignait les droits des personnes arrivant par bateau en ce qui concerne la réunification des familles. Ce régime a été aboli, de sorte que l'on a rompu avec l'orientation que le Canada a adoptée avec le projet de loi .
D'importants travaux ont été menés pour améliorer les conditions de vie dans les centres de détention. Le programme des visas d'attente a été bonifié, notamment depuis novembre dernier, de manière à ce qu'un plus grand nombre de personnes puissent être mises en liberté.
Enfin, je signale que le rapport parlementaire sur le réseau de détention des immigrants de l'Australie a été publié il y a quelques semaines, en mars dernier. Il compte 356 pages.
Cela met fin à mon exposé. Merci, monsieur le président.
Bonjour. Mes observations porteront sur les dispositions relatives à la lutte contre le passage de clandestins, de même que sur le régime de désignation des étrangers. J'entends me pencher d'une manière un peu plus particulière sur le cas des demandeurs d'asile tamouls du Sri Lanka qui sont arrivés au Canada au cours des quelques dernières années.
D'emblée, je tiens à souligner que je m'appuie sur deux mémoires déposés précédemment, à savoir celui d'Amnistie internationale — plus particulièrement la partie I, qui concerne les dispositions visant le passage de clandestins —, et celui de l'Association du Barreau canadien — plus particulièrement la partie VI, qui a trait au régime de désignation des étrangers —, et que je souscris au contenu de ces mémoires. Pour ces raisons, je ne répéterai pas ce qui est dit dans ces mémoires; je vous inviterai à les consulter.
Le projet de loi imposerait de multiples sanctions aux demandeurs d'asile et aux personnes à protéger ayant été désignées comme faisant partie d'une arrivée irrégulière. Parmi les sanctions prévues, que vous connaissez, mentionnons la détention obligatoire de 12 mois, sans possibilité d'obtenir un contrôle; l'impossibilité de se prévaloir du droit de présenter une demande de résidence permanente ou de réunification familiale jusqu'à ce que cinq années se soient écoulées depuis le jour où une décision favorable a été prise relativement à la demande d'asile; l'impossibilité de présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, de présenter une demande de permis de séjour temporaire ou d'obtenir des titres de voyage pendant une période de cinq ans ou plus; enfin, l'impossibilité d'interjeter appel d'une décision défavorable rendue par la nouvelle Section d'appel des réfugiés relativement à une demande de protection.
À mon avis, le pouvoir discrétionnaire du ministre en ce qui concerne la désignation est exagérément étendu. Il n'est pas restreint aux arrivées massives, et peut s'appliquer de façon rétroactive à la période débutant en mars 2009. Les arrivées de deux personnes ou plus pourraient être désignées comme des « arrivées irrégulières ».
Comprenons-nous bien: ces dispositions ont été élaborées en réaction à l'arrivée de deux bateaux sur les côtes de la Colombie-Britannique, à savoir l'Ocean Lady, à l'automne 2009, et le Sun Sea, presque un an plus tard. Ces dispositions visent expressément les demandeurs d'asile tamouls du Sri Lanka. S'il subsistait le moindre doute à ce sujet, le fait que l'on propose que ces dispositions puissent s'appliquer de façon rétroactive à compter de mars 2009 devrait les dissiper.
J'en dirai davantage à ce propos dans quelques minutes, mais pour l'instant, je tiens à insister sur le fait que, selon moi, ces dispositions sont inconstitutionnelles, et violent un certain nombre d'importantes dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Convention sur les réfugiés de 1951.
Ces violations sont décrites de façon très exhaustive dans les mémoires de l'ABC et d'Amnistie internationale, de même que dans celui déposé le 3 mai par l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, intitulé « Le Canada doit protéger les réfugiés et non pas les punir ».
Je tiens à vous exhorter tout simplement, et de la manière la plus énergique qui soit, à faire en sorte que ces dispositions soient supprimées de la version finale du projet de loi . Je suis d'avis qu'aucune modification ou amélioration partielle de ces dispositions n'est admissible. Je tiens à souligner que Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés offre des outils plus qu'adéquats qui nous permettent de composer avec les véritables préoccupations que soulèvent les arrivées massives.
Penchons-nous sur la manière dont le régime a réagi à l'arrivée des deux bateaux sur les côtes de la Colombie-Britannique.
Les autorités ont détenu les demandeurs d'asile jusqu'au moment où elles ont été convaincues d'avoir établi leur identité de façon sûre et d'avoir établi qu'ils ne posaient aucun risque lié à la sécurité. Les demandeurs d'asile qui soulevaient toujours des préoccupations ont été maintenus en détention jusqu'à ce que ces préoccupations soient dissipées. Il est vrai que les contrôles des motifs de détention doivent avoir lieu dans les 48 heures; il s'agit simplement d'un contrôle — cela ne veut pas dire que ceux qui le subissent sont mis en liberté après 48 heures. En fait, comme je l'ai mentionné, de nombreux demandeurs d'asile sont demeurés détenus de façon prolongée jusqu'à ce que les autorités aient dissipé les préoccupations qu'ils soulevaient et déterminé s'ils posaient un véritable risque.
Le gouvernement disposait d'un nombre amplement suffisant d'outils législatifs pour déterminer si les passagers de ces bateaux à l'égard desquels subsistaient des préoccupations liées à la sécurité posaient un risque, et pour leur interdire l'accès à la procédure de présentation d'une demande d'asile en ayant recours aux procédures relatives à l'admissibilité devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. De fait, un certain nombre de personnes, particulièrement celles qui sont arrivées ici à bord du Sun Sea, ont fait face à ces mêmes procédures.
Je tiens à insister sur le fait que les préoccupations soulevées par les arrivées irrégulières sont légitimes. Les arrivées de ce genre représentent un énorme fardeau pour un gouvernement. Il faut traiter un grand nombre de demandes — par exemple lorsqu'on a affaire à une arrivée de quelque 500 personnes —, mais nous disposons des outils pour le faire, et bien honnêtement, ces outils fonctionnent. À mes yeux, il n'y a aucune raison d'imposer ce qui constitue selon moi un ensemble de dispositions extrêmement draconiennes à des personnes, d'autant que bon nombre d'entre elles pourraient se révéler être, au bout du compte, des réfugiés authentiques. Je tiens à dire cela dès le début.
J'aimerais revenir sur la situation des Tamouls sri lankais, car il semble y avoir beaucoup d'incompréhension en ce qui concerne les facteurs qui ont amené ces personnes à s'embarquer dans un périple risqué et à affronter les dangers que pose le voyage de plusieurs mois en haute mer qu'il leur a fallu faire pour venir au Canada.
Comme vous le savez peut-être, le Sri Lanka a été le théâtre de conflits ethniques qui ont dégénéré en guerre civile, et dont on peut faire remonter l'origine à la période suivant immédiatement l'accession du pays à l'indépendance. Cette guerre civile brutale a sévi pendant 30 ans. Des atrocités ont été commises par toutes les parties, mais nous devons absolument garder présent à l'esprit que la principale cause du conflit est attribuable au fait que l'État sri lankais n'a pas reconnu les droits des minorités — il n'a pas accordé aux Tamouls — qui représentent 18 ou 20 p. 100 de la population — des droits égaux à ceux des autres citoyens.
Des cessez-le-feu étaient proclamés de façon épisodique lorsque les choses semblaient aller mieux, puis la situation s'est améliorée. Toutefois, dans l'ensemble, on a relevé des nombres considérables de disparitions, des taux extrêmement élevés de torture et de détention et une absence totale de reddition de comptes tout au long de cette guerre civile.
En mai 2009, la guerre s'est finalement terminée avec la défaite des TLET, mais selon une série de rapports publiés au cours des trois dernières années par l'International Crisis Group, y compris deux mémoires très récents publiés en mars dernier, la paix ne règne pas dans ce pays, et on ne constate même pas de modestes progrès en vue d'une véritable réconciliation nationale là-bas. En fait, on constate une militarisation accrue dans le Nord, et on signale l'instauration d'une politique de cinghalisation, politique visant expressément à accorder des privilèges au groupe ethnique majoritaire et à entretenir la discrimination systématique à l'égard des Tamouls et des musulmans, les deux groupes minoritaires au Sri Lanka.
Cela dit, d'après des articles parus récemment dans les médias, le taux d'approbation des demandes présentées par les Tamouls sri lankais ont dégringolé. Je fais allusion à un article paru récemment dans le National Post. Toutefois, en réalité, le taux d'approbation était d'environ 57 p. 100 l'an dernier; quelque 57 p. 100 des demandes présentées par des Tamouls sri lankais ont été approuvées. Cela représente un nombre important. Oui, il s'agit d'une baisse par rapport au taux d'approbation de 2009, à savoir 91 p. 100, mais il s'agit tout de même d'un taux considérable.
Lorsque j'ai pris conscience du fait que j'aurais l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui, j'ai lancé un appel aux avocats en droit des réfugiés du pays et leur ai demandé de me transmettre les décisions favorables dont ont fait l'objet les demandeurs d'asile de l'Ocean Lady ou du Sun Sea qu'ils ont représentés. J'ai eu l'occasion tout récemment d'examiner quatre décisions favorables — trois concernant des passagers du Sun Sea, et une visant un passager de l'Ocean Lady —, et je tiens à vous faire part de quelques observations formulées par les commissaires de la CISR dans le cadre de ces affaires.
L'une de ces observations est la suivante: le gouvernement du Sri Lanka continue de soumettre à un contrôle et à des vérifications les anciens membres des TLET et ceux qu'ils soupçonnent d'avoir été membres de cette organisation ou de l'avoir soutenue. Il s'agit d'une stratégie préventive visant à décourager la radicalisation des Tamouls.
Les personnes soupçonnées d'avoir été membres des TLET et les anciens membres réhabilités font régulièrement l'objet de nouvelles arrestations ou de harcèlement, ou sont contraints de devenir des informateurs pour l'armée. Bien souvent, aucune accusation officielle n'est déposée contre les nouveaux détenus. Bon nombre d'entre eux sont victimes de torture.
En vertu d'une loi relative à la prévention du terrorisme, les fonctionnaires qui commettent des actes répréhensibles, par exemple des actes de torture, jouissent de l'immunité et ne peuvent pas faire l'objet de poursuites. Les poursuites juridiques contre un fonctionnaire sont interdites si ce dernier a agi de bonne foi.
En un mot, les violations des droits de la personne se poursuivent à grande échelle au Sri Lanka.
Les Tamouls du Sri Lanka ont-ils d'autres choix que de faire ce qu'ils font? Ceux qui sont en mesure de se rendre par avion en Thaïlande, en Malaisie ou en Indonésie, ou de se rendre en Inde, sont condamnés à languir pendant des années. Je tiens à souligner que, en Thaïlande, il y a au moins 60 personnes qui sont détenues dans des conditions déplorables, et qu'elles n'ont pas accès à une hygiène ou une nutrition adéquates.
On leur dit de faire la file, mais il n'y a pas de file. Ces pays ne sont pas signataires de la Convention sur les réfugiés des Nations Unies, et dans le meilleur des cas, les personnes détenues attendent pendant plusieurs années.
Comme je l'ai mentionné à la toute fin de mon exposé, le problème tient à ce qu'il n'existe aucun processus permettant de faire cela. Ni l'Inde, ni la Thaïlande — ni la Malaisie ni l'Indonésie, d'ailleurs — n'est signataire de la Convention sur les réfugiés. Aucun de ces pays n'a mis en place des procédures de détermination du statut de réfugié.
Au mieux, dans un pays comme la Thaïlande, par exemple, les demandeurs d'asile peuvent s'inscrire auprès du HCNUR. On leur remet un formulaire censé prouver aux autorités thaïlandaises qu'ils se sont inscrits auprès du HCNUR, et que leur demande de réinstallation est en train d'être traitée. Dans l'intervalle, ces personnes risquent d'être rassemblées, arrêtées, détenues et renvoyées au Sri Lanka par les autorités thaïlandaises. Ces demandeurs d'asile se trouvent dans une situation très précaire.
Ceux qui ont la chance d'être désignés en vue d'une réinstallation devront attendre pendant des années. Vous pouvez imaginer ce que cela représente pour une famille avec de jeunes enfants. Des gens fuient leur pays d'origine — en l'occurrence, nous parlons du Sri Lanka — parce que les droits de la personne sont bafoués là-bas, arrivent en Thaïlande dans l'espoir d'une vie meilleure, et se font dire qu'ils n'ont pas le droit de rester au pays, de s'intégrer à la collectivité, de travailler et de commencer une nouvelle vie. On leur dit qu'ils peuvent joindre la file d'attente, mais leurs enfants auront probablement l'âge de fréquenter l'université au moment où ils obtiendront le droit de se réinstaller au Canada. Ce n'est pas une vie.
Il s'agit, pour l'essentiel, d'un régime de garde à vue. Au pire, les gens sont détenus; au mieux, ils mènent une existence de marginaux, et n'ont pas le droit de participer à la vie de la collectivité où ils se trouvent.
Ainsi, oui, je suis tout à fait favorable aux solutions régionales, mais cela suppose que les pays se réunissent, trouvent de véritables solutions aux problèmes mondiaux touchant les réfugiés, et ne se contentent pas de dire que ces personnes devraient rester dans leur pays d'origine alors qu'ils ne disposent d'aucune procédure pour les prendre en charge.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour. Merci de vous être jointes à nous aujourd'hui et d'avoir pris le temps de préparer les exposés que vous nous avez présentés.
J'ai beaucoup de questions, mais je n'ai malheureusement que sept minutes, alors je vais essayer d'en poser le plus possible.
En ce qui concerne les raisons pour lesquelles le projet de loi a été présenté, il est clair que le système actuel ne fonctionne pas, puisque les réfugiés doivent attendre pendant en moyenne 1 038 jours avant que le traitement de leur demande ne soit terminé. C'est énormément de temps à passer dans les limbes. À l'aide des dispositions du projet de loi, nous visons à réduire ce délai afin qu'il passe à 45 jours pour les gens qui viennent d'un pays désigné et à 216 jours pour les autres demandeurs d'asile.
Cela dit, j'ai écouté les exposés que vous avez présentés ce matin, et ceux-ci sont très similaires à beaucoup de ceux que nous avons entendus la semaine dernière, certainement à ceux des représentants du milieu universitaire, si vous voulez, et de l'aspect théorique de la question. Mais il y a la réalité et les choses concrètes avec lesquelles nous sommes aux prises lorsque les gens en question viennent ici, surtout, évidemment, lorsqu'ils le font par des moyens irréguliers.
J'ai une question concernant le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés — je vais dire le HCNUR pour aller plus vite.
Le HCNUR a reconnu comme étant une mesure valide celle consistant à accélérer le traitement des demandes d'asile présentées par des gens provenant de pays d'origine désignés. En fait, l'ancien commissaire du HCNUR, António Guterres, a dit ce qui suit:
Il y a effectivement des pays d’origine sûrs. Il y a effectivement des pays où il y a présomption que les demandes de réfugiés ne seront probablement pas aussi valables que celles provenant d’autres pays.
Le HCNUR a également indiqué qu'il est tout à fait légitime d'accélérer le traitement de ces demandes.
J'ai quelques questions sur ce sujet.
Tout d'abord, est-ce que ce que j'ai dit est exact?
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Nous avons donc entrepris une campagne de sensibilisation dont l'objectif était non pas de persuader les gens de notre position, mais simplement de les mettre au courant du contenu du projet de loi . Eh bien, il se trouve que la majorité des étudiants à qui nous nous sommes adressés étaient contre les changements proposés. En l'espace de quatre heures seulement, nous avons récolté plus de 150 signatures en vue de stopper l'adoption du projet de loi . D'ailleurs, j'aimerais demander la permission au comité de lui faire parvenir cette pétition.
Pourquoi pensez-vous, mesdames et messieurs, membres du comité, que de jeunes étudiants comme nous redoutent l'adoption de ce projet de loi? C'est parce que nous constituons un groupe démographique qui s'intéresse à l'actualité et à la politique canadienne, mais qui, en toute réalité, n'occupera pas un siège à la Chambre des communes avant 10 ans ou 15 ans.
Entretemps, nous suivons avec appréhension l'adoption de nouvelles lois comme celle-ci, qui propose de mettre en détention pour un an des groupes entiers de nouveaux arrivants, y compris des mineurs. Nous sommes choqués par le fait que des familles seront séparées pendant au moins cinq ans et que des pays entiers pourraient être considérés comme étant sûrs alors que pour obtenir le statut de réfugié, une personne doit prouver qu'elle est persécutée dans son pays, en tant qu'individu.
Nous trouvons antidémocratique le fait que la responsabilité d'établir cette liste de pays sûrs ne reviendra qu'à une seule personne, en l'occurrence le ministre. Nous nous demandons pourquoi le gouvernement accorde tant d'importance à la distinction entre les vrais et les faux réfugiés et pénalise ces derniers. En effet, même s'ils ne répondent pas à tous les critères de la définition officielle du réfugié de la Convention de Genève, la grande majorité de ces demandeurs du statut de réfugié ont besoin d'aide.
Enfin, nous déplorons le fait que le ministre nie que les changements proposés puniront effectivement ces soi-disant faux réfugiés.
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Notre génération ne veut pas avoir à corriger les erreurs du passé lorsqu'elle occupera les postes de pouvoir que vous occupez en ce moment. Notre participation à la démocratie canadienne est souhaitée, et notre témoignage à la présente audience en est la preuve, mais c'est vous qui êtes les gardiens de cette démocratie. Nous vous demandons d'envisager les conséquences à long terme du projet de loi ainsi que la façon dont il va façonner le pays dont nous allons hériter.
Parce qu'il ne respecte pas les obligations internationales du Canada, le projet de loi C-31menace l'intégrité morale du Canada sur la scène internationale et le pouvoir de convaincre que peut exercer un État humanitaire.
Lorsque l'Australie a mis en œuvre une loi similaire, son image et sa réputation d'État humanitaire ont été remises en question. Nous ne voulons pas voir la même chose arriver à notre pays.
En outre, le non-respect des droits et de la dignité des demandeurs d'asile — lesquels sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés — met les droits de tous à risque. Lorsqu'une personne perd ses droits et sa dignité en sol canadien, les droits et la dignité de tous sont à risque.
Par ailleurs, nos pairs sont tous d'accord avec nous pour dire que le projet de loi C-31 constitue une mauvaise utilisation des ressources financières. Comme le mentionne le rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale, il coûte 70 000 $ par année en moyenne pour détenir un demandeur d'asile. Si le projet de loi C-31 avait déjà été adopté lorsque le Sun Sea est arrivé en Colombie-Britannique, les contribuables canadiens auraient dû débourser 34 440 000 $ pour détenir des gens qui n'avaient fait rien d'autre que d'exercer des droits garantis par le droit international et les lois canadiennes.
Comme la LIPR contient déjà des dispositions permettant la détention de personnes considérées comme étant une menace pour le Canada ou ne pouvant être identifiées, la détention généralisée est superflue et coûteuse. Nous croyons qu'il serait plus responsable et plus productif d'utiliser l'argent des contribuables afin d'embaucher davantage de travailleurs et d'avocats dans le domaine de l'aide juridique pouvant aider les demandeurs d'asile à démêler le processus de détermination du statut de réfugié, ou encore de créer davantage de postes à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui permettrait non seulement de garantir aux demandeurs d'asile l'accès à une audience équitable, mais aussi d'accélérer le processus.
Le projet de loi C-31 est un legs politique et financier que nous ne voulons pas recevoir. Plutôt que de nous laisser corriger cette erreur dans 10 ans, nous vous demandons à vous, les députés, d'éviter de la commettre dès le départ.
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Bonjour à tous et à toutes. Je remercie le comité de donner à Amnistie internationale l'occasion de présenter son point de vue sur le projet de loi .
Amnistie internationale a analysé ce projet de loi en se fondant sur les trois points suivants. Il y a d'abord notre expertise quant au respect ou au non-respect du droit international en matière de droits de la personne et de l'engagement du Canada à cet égard. Il y a aussi notre expérience. En effet, on nous demande souvent de protéger les droits de demandeurs d'asile au Canada et nous intervenons quand nous le jugeons nécessaire. Enfin, il y a notre engagement, à l'échelle mondiale, à protéger les droits des personnes qui immigrent et qui cherchent à fuir la terreur et la misère, comme le dit la Déclaration universelle des droits de l'homme, quel qu'en soit le coût pour leur famille.
Tout d'abord, nous reconnaissons que le processus d'accueil des demandeurs d'asile est difficile, complexe, et qu'il comportera certainement toujours des imperfections ainsi que des incohérences. Il nécessite d'une manière continue des changements et des réformes. Amnistie internationale admet que les gouvernements ont pour responsabilité de veiller à l'intégrité de tout système de détermination du statut de réfugié. Il faut que ces changements et ces réformes, qui visent certainement une plus grande efficacité et se préoccupent des abus, soient néanmoins toujours fondés sur le respect des droits des demandeurs d'asile.
Amnistie internationale s'inquiète. Le projet de loi , qui est à l'étude aujourd'hui, contrevient aux obligations du Canada prévues par le droit international et viole la Charte canadienne des droits et libertés. Nous commencerons par nommer l'enjeu de la discrimination qui, nous le déplorons, se retrouve dans plusieurs dispositions du projet de loi. Or tous les demandeurs d'asile devraient être traités équitablement. La discrimination est basée non seulement sur la manière d'arriver au Canada, mais aussi sur le pays d'origine.
Mon collègue Alex reviendra sur trois dispositions générales du projet de loi qui, si elles étaient mises en oeuvre, généreraient de sérieuses violations des lois internationales en matière de protection des demandeurs d'asile, des droits de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés.
Pour ce qui est de la première disposition, on parle de rendre obligatoire l'emprisonnement d'étrangers désignés sans que les motifs de leur détention puissent faire l'objet d'une révision. Le ministre peut décider qu'une personne est un étranger désigné s'il croit qu'elle a fait appel à des passeurs de clandestins pour entrer au Canada. Quant à la deuxième disposition, il s'agit de rendre impossible le droit de faire appel dans le cas des étrangers désignés, une décision défavorable relativement à leur statut de réfugié. En ce qui a trait à la troisième disposition, on parle de définir des pays d'origine comme étant sécuritaires uniquement en vertu d'une décision du .
Les points suivants nous semblent aussi préoccupants: le fait que l'accès au statut de résidence permanente soit interdit pendant cinq ans, ce qui empêche la réunification des familles; les délais, qui sont beaucoup trop serrés et injustes; des iniquités et des choix impossibles entre le processus de demande d'asile et le processus pour des motifs humanitaires.
Amnistie internationale présente neuf recommandations pour que ce projet de loi, au minimum, soit conforme aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. On parle ici d'obligations que le Canada a lui-même contribué à établir et à développer.
Je vais laisser Alex développer les trois points suivants.
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Merci, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
Le droit à la liberté est un droit fondamental qui est fondé sur le désir inné de liberté de l'être humain. Les normes en matière de droits de la personne précisent donc clairement et universellement que le pouvoir de l'État de priver une personne de sa liberté en l'arrêtant et en l'incarcérant doit être contenu et restreint. Pour garantir la protection du droit à la liberté, les traités relatifs aux droits de la personne précisent clairement que quiconque est privé de sa liberté doit d'abord être informé des motifs de son emprisonnement et ensuite avoir rapidement une occasion réelle de contester son emprisonnement devant un juge ou une autre personne autorisée à l'entendre par la loi.
Les recherches menées par Amnistie internationale ont montré que les demandeurs d'asile et les autres migrants de partout dans le monde sont particulièrement vulnérables au non-respect du droit à la liberté. Surtout, il est ressorti clairement que bon nombre de gouvernements ont eu recours à l'emprisonnement des réfugiés et des migrants comme moyen de dissuader d'autres réfugiés et migrants de venir dans leur pays. Il n'y a rien en droit international qui reconnaisse cela comme étant une raison valable de priver quelqu'un de sa liberté.
Le droit international reconnaît bel et bien aux États le droit de contrôler leurs frontières. Il y a aussi, évidemment, une obligation de s'assurer que les gens ne sont pas renvoyés dans un pays où ils pourraient être persécutés. Le droit international est donc très prudent lorsqu'il s'agit des frontières. Il reconnaît qu'un État peut, seulement pour le temps qui est strictement nécessaire, détenir des demandeurs d'asile à juste titre s'il s'agit de vérifier leur identité, de s'assurer qu'une personne qui risque de prendre la fuite va comparaître dans le cadre de certaines instances ou parce qu'il a été prouvé qu'une personne pose une menace à la sécurité. Toutefois, la personne concernée doit pouvoir contester les motifs de son emprisonnement en temps opportun.
Selon les normes internationales, le droit à la liberté de certains groupes de migrants, comme les demandeurs d'asile et les mineurs, doit être protégé encore plus soigneusement. La convention pour les réfugiés, par exemple, précise que le simple fait qu'un demandeur d'asile soit entré dans un pays par des moyens illégitimes ne justifie pas qu'il soit puni. Les lignes directrices sur la détention du HCNUR signalent que les demandeurs d'asile ont souvent vécu des traumatismes et des difficultés considérables dont il faut tenir compte au moment de rendre une décision concernant leur détention. Il est également très clair, en droit international, et plus précisément en ce qui concerne la protection des réfugiés et des droits des enfants, que les mineurs ne doivent être emprisonnés que comme mesure de dernier ressort absolu.
Le projet de loi C-31 contrevient à ces normes établies et universelles qui protègent le droit fondamental à la liberté. Les gens ne sont pas détenus pour l'un ou l'autre des motifs reconnus de détention des migrants, par exemple la vérification de l'identité ou les risques de fuite ou menaces à la sécurité, lesquels sont tous déjà très bien établis dans les lois canadiennes. La raison pour laquelle ils perdent leur liberté est plutôt le simple fait qu'ils sont entrés au Canada comme membres d'un groupe de personnes désignées par le ministre comme étant arrivées de façon irrégulière. Cela n'a rien à voir avec la situation personnelle des gens. Peu importe s'ils ont une pléthore de pièces d'identité valides ou un paquet de faux documents, s'il est garanti qu'ils se présenteront lorsqu'ils devront le faire dans l'avenir ou s'il est presque certain qu'ils disparaîtront, ou encore s'ils posent de toute évidence une menace grave à la sécurité nationale ou sont un parangon de vertu. Leur arrestation et leur emprisonnement sont automatiques et fondés sur le seul motif de la façon dont ils sont arrivés ici. Il n'y a pas d'exception concernant les personnes qui présentent une demande d'asile ni concernant les personnes qui ont vécu la torture, subi un viol ou vu d'autres de leurs droits bafoués. Il n'y a pas d'exception concernant les mineurs de plus de 16 ans.
Ce ne sont pas seulement les motifs d'arrestation et d'emprisonnement qui posent problème dans le cadre du nouveau régime de détention. Il y a aussi l'exigence fondamentale, en droit international, que les gens emprisonnés aient régulièrement accès à un juge ou à une autre personne autorisée pour pouvoir réellement contester les motifs de leur arrestation et demander leur mise en liberté. Ce n'est pas le cas dans le cadre du projet de loi C-31. La Section de l'immigration est chargée d'effectuer le contrôle des motifs de leur détention continue après 12 mois, et elle « ne peut le faire avant l'expiration de ce délai ».
La détention arbitraire et obligatoire sans contrôle des motifs de détention en temps opportun constitue un manquement aux obligations internationales du Canada. Les organismes de défense des droits de la personne de l'ONU l'ont dit clairement. Le Comité des Nations Unies contre la torture a demandé que les dispositions similaires à celles relatives à la détention obligatoire adoptées en Australie soient abolies. Il est à noter que ce même comité va examiner le dossier du Canada en matière de droits de la personne ce mois-ci, et que la question lui est soumise.
Le mois dernier, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale a demandé au Canada de ne pas aller de l'avant avec les dispositions sur la détention obligatoire. Ces dispositions devraient être retirées. Le Canada désapprouve à juste titre la détention arbitraire pratiquée dans d'autres pays. Nous ne pourrons plus le faire avec autant de crédibilité si nous adoptons des mesures législatives semblables.
Amnistie internationale est également préoccupée par l'idée de désigner des pays d'origine sûrs. Nous croyons que cette solution n'est pas réalisable et ne peut être appliquée dans le respect de certains principes fondamentaux. Nous le savons. Depuis plus d'un demi-siècle, nous effectuons des recherches et nous publions des rapports sur la question des droits de la personne. Nous nous penchons constamment sur cette question.
On demande continuellement à Amnistie internationale de faire très précisément ce genre de travail: de classer, de comparer et d'évaluer les pays d'une année à l'autre. On nous demande d'établir une mesure statistique qui fait état du bilan d'un pays au chapitre du respect des droits de la personne, et nous refusons pour plusieurs raisons, mais, de façon très pragmatique, nous refusons parce qu'il n'existe aucun moyen de le faire de manière objective et précise. Il est impossible de tracer une ligne entre les pays qui sont sûrs et ceux qui ne le sont pas en ce qui a trait aux droits de la personne.
Comment peut-on comparer un pays qui pratique la torture de façon généralisée, mais qui donne largement accès à l'éducation et un pays qui ne tolère pas la torture, mais qui applique des lois draconiennes limitant l'accès à l'éducation des femmes et des minorités? Dans quelle mesure un pays doit-il pratiquer la torture et restreindre l'accès à l'éducation, dans quelle mesure certaines caractéristiques devraient-elles s'appliquer pour qu'un pays passe de la catégorie des pays sûrs à celle des pays non sûrs et vice versa? Il est impossible de le faire sans tracer une ligne subjective et arbitraire, et, lorsqu'il est question de la vie, des droits et de la liberté des gens, la subjectivité et l'arbitraire sont inadmissibles. Il y aurait ainsi trop de risque que des pays soient considérés comme sûrs pour des considérations inappropriées liées à la politique commerciale et étrangère d'un pays, et, à cet égard, nous sommes inquiets de voir que la proposition relative à la création d'un comité consultatif d'experts en la matière n'est plus prise en compte.
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Merci, monsieur le président.
D'entrée de jeu, permettez-moi juste de vous dire à quel point je suis fier d'être Canadien aujourd'hui. Votre témoignage me rappelle le temps où j'étais étudiant en relations internationales — il n'y a pas si longtemps, il me semble —, et, soit dit en passant, dans moins de 10 ans, vous serez député. Vous n'avez pas à attendre aussi longtemps. Je vous remercie d'être ici.
J'appuie personnellement Amnistie internationale. Ma famille également, peut-être à cause de Charlie Pley, mon camarade de classe à la faculté de droit, qui était un membre très actif d'Amnistie en Ontario. Encore une fois, je suis fier que vous soyez ici aujourd'hui.
Toutefois, je tiens à préciser que, bien que nous en arrivions aux mêmes conclusions, à savoir que les Canadiens veulent faire preuve de compassion à l'égard des personnes qui vivent dans des conditions inacceptables, mon interprétation du projet de loi diffère de la vôtre à certains égards. En effet, je crois entre autres que faire attendre des gens pendant plus de 1 000 jours, en moyenne, comme nous le faisons actuellement, avant de traiter leur demande, constitue aussi une violation des droits de la personne, et j'estime que nous devons accélérer le processus. Les décideurs au gouvernement sont dans une position difficile: ils doivent prendre des décisions, mais il est inévitable que certaines personnes soient désavantagées par ces décisions et que des problèmes en découlent.
Laissez-moi d'abord vous poser une question. Si vous saviez qu'un pourcentage important de demandes venant de certains pays — et je parle ici des pays de l'UE — étaient abandonnées ou retirées, si vous saviez que des personnes qui viennent de ces pays accaparaient une part considérable de nos ressources financières — et Kelsey a fait mention de l'aspect financier — et que vous saviez qu'elles monopolisaient une grande partie du processus de traitement, ce qui, en conséquence, prolonge les délais imposés aux personnes qui, au bout du compte, sont des réfugiés authentiques, ne serait-ce pas un problème auquel nous devrions nous attaquer? Le pourcentage est très élevé. Nous avons découvert qu'environ 90 p. 100 des demandes venant de la Hongrie n'étaient pas retirées, alors c'est pour cette raison que le projet de loi prévoit la désignation de pays considérés comme sûrs.
Laissez-moi juste ajouter quelque chose. Ne croyez pas un instant que le ministre peut, à son entière discrétion et de façon totalement arbitraire et selon ses caprices, décider quels sont les pays sûrs, car la Cour fédérale l'obligera à tenir compte de certains critères. Ces critères, en passant, sont énoncés dans le projet de loi, par exemple les critères qui s'appliquent aux pays où un grand nombre de demandes sont retirées ou abandonnées. Il devra donc s'appuyer sur des critères semblables et ne pourra pas, selon son bon plaisir, choisir des pays qu'il juge sûrs.
J'aimerais entendre la réponse d'Amnistie.
[Français]
J'aimerais que Mmes Angeley et Fortier répondent aussi.
Il y a de nombreuses dispositions juridiques internationales qui entrent en jeu lorsque nous examinons le régime de détention prévu dans le projet de loi. Il y a d'abord la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui protège les gens contre l'arrestation et la détention arbitraire et qui reconnaît la nécessité d'un accès normal et rapide à un processus de contestation des motifs de détention.
Ces dispositions sont reprises dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Canada a ratifié en 1976.
Dans la Convention relative aux droits de l'enfant, il y a des dispositions qui se rapportent à la liberté des enfants et à l'importance de faire en sorte qu'ils ne fassent pas l'objet d'une arrestation arbitraire. De fait, leur détention n'est qu'une solution de dernier recours.
Par ailleurs, le droit des réfugiés prévoit aussi de nombreuses dispositions. Par exemple, les règles impératives énoncées dans la Convention relative au statut des réfugiés indiquent clairement que le fait qu'un demandeur d'asile arrive dans un pays par des voies illégales — ce qui représente une étape très normale et très nécessaire pour nombre de réfugiés — ne constitue pas en soi des motifs suffisants pour le punir. À l'évidence, une détention équivaut à une forme de punition.
De plus, le HCNUR a aussi publié des lignes directrices et d'autres documents qui précisent très clairement que la détention de demandeurs d'asile ne devrait pas tenir lieu de procédures habituelles et qu'il faut traiter avec le plus grand soin tous les réfugiés, surtout ceux qui sont vulnérables: les enfants et les victimes d'agressions sexuelles, de violence sexuelle et de torture. Le projet de loi n'est assorti d'aucune disposition en ce sens.
D'abord, je veux vous remercier tous d'être venus et d'avoir présenté des exposés.
Cela me fait toujours chaud au coeur d'entendre des exposés de jeunes canadiens et d'étudiants du niveau universitaire. Ils sont toujours grandement épris de justice sociale et tournés vers l'avenir, vers ce que nous voulons faire du Canada, vers la compassion que nous associons tous avec le Canada.
Je m'adresse à Karine ou à Kelsey. Dans le projet de loi C-31, on introduit le concept de résidence permanente conditionnelle, essentiellement. Cela signifie que vous pouvez obtenir le droit d'asile et votre carte de résident permanent, mais 6, 10 ou 13 ans plus tard, on vous dit: « Eh bien, la situation est maintenant meilleure dans votre pays d'origine. » Il y aurait donc, pour ainsi dire, une nouvelle décision de prise.
Il s'agit là d'un seul exemple des pouvoirs toujours plus grands qui seront accordés au ministre — et cela n'a rien à voir avec un ministre en particulier; ce sont des pouvoirs qui seront toujours attribués au ministre, quel que soit le gouvernement au pouvoir.
Que pensez-vous de la portée des pouvoirs confiés au ministre en vertu de ce projet de loi et du fait que nous pourrons rendre une nouvelle décision et renvoyer les gens dans leur pays d'origine?
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Merci, monsieur le président.
C'est devenu un thème récurrent. J'avais cru, quand on a entrepris le processus et qu'on a présenté les témoins — et je ne tiens aucun d'entre vous responsable de la situation —, que nous entendrions parler d'autres thèmes qui font que l'on peut appuyer ou non le projet de loi. J'ai l'impression de fréquemment me répéter.
Je comprends votre point de vue, puisque vous vous opposez au projet de loi, mais c'est un point de vue que nous avons déjà entendu un certain nombre de fois. D'ailleurs, j'aimerais préciser certaines choses.
D'abord, l'ancien Haut-Commissaire des Nations Unies, Abraham Abraham, a déclaré que le HCNUR ne s'oppose pas à la création d'une liste de pays d'origine sûrs ou désignés, tant que cette liste reste un outil procédural permettant de classer les demandes par ordre de priorité et d'en accélérer le traitement dans certaines situations bien précises, et qu'on ne s'en sert pas comme critère d'élimination absolu. De nombreux pays, dont le Royaume-Uni, l'Irlande, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse et la Finlande, ont créé une liste de pays sûrs désignés et s'en servent.
En ce qui concerne les critères pour les demandeurs provenant des pays — par exemple, il y a deux seuils quantitatifs appliqués aux pays dont de nombreux ressortissants demandent l'asile à titre de réfugié au Canada. Ils doivent respecter deux seuils quantitatifs, ou réserves, énoncés dans le projet de loi. Les critères qui déterminent si un contrôle sera effectué sont fondés sur les taux de rejet, les taux de retrait et d'abandon. Un taux de rejet, qui inclut les abandons et les retraits, de 75 p. 100 ou plus entraîne un contrôle. De même, un taux d'abandon et de retrait de 60 p. 100 ou plus entraîne aussi un contrôle — et j'insiste, « un contrôle ». Cela ne signifie pas automatiquement qu'il y aura désignation. À la suite d'un contrôle à l'interne, dirigé par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en partenariat avec un certain nombre d'autres ministères, on formulera une recommandation ou on déterminera, selon les résultats du contrôle, que les critères d'un point de vue quantitatif s'appliquent au pays en question, ou encore que celui-ci doit faire l'objet d'un contrôle compte tenu du nombre de retraits et d'abandons qui ont eu lieu. Il y a donc des critères bien précis qui s'appliqueront.
J'ai fait partie des gens qui se sont occupés du projet de loi . J'ai assisté à chaque minute des audiences et des négociations concernant son amélioration, et une proportion de 80 à 85 p. 100 du projet de loi est reprise dans le projet de loi à l'étude. Simplement, des aspects supplémentaires ont été ajoutés.
Le projet de loi , qui posait problème en ce qui concerne les pays désignés, ne contenait aucun critère transparent. Les critères auraient été déterminés par le groupe en tant que tel. Nous avions deux préoccupations; d'abord, quels seraient ces critères et, ensuite, on ne savait pas avec certitude combien de temps serait consacré au processus de décision. Dans le cas présent, au moins, 1) nous avons un ensemble de critères transparents et, 2) nous connaissons le délai que prendra le traitement de ce type de demande de désignation d'un pays.
Dans le cas des demandeurs qui viennent de pays dont les ressortissants ne sont pas aussi nombreux à présenter des demandes, nous allons, de fait, utiliser une liste de vérification qualitative, et qui sera enchâssée directement dans la loi. La liste qualitative inclura donc les critères suivants: (1) l'existence d'institutions judiciaires indépendantes dans le pays; (2) la reconnaissance des droits et libertés démocratiques fondamentaux, y compris l'existence de mécanismes de recours en cas de violation, et (3) l'existence d'organisations de la société civile.
Je respecte le fait que vous soyez en désaccord avec le processus par lequel nous en arrivons à une conclusion, mais il est injuste et faux d'affirmer que la loi et le mécanisme qui mèneront au contrôle ne prévoient aucun critère qualitatif ni quantitatif. Il est très important de souligner ce point. Je pense que, si les gens viennent ici et manifestent de l'incertitude et de la méfiance en ce qui concerne la désignation de pays sûrs, c'est entre autres parce que ce n'est pas une information que l'on trouve facilement. Je comprends que ce soit une préoccupation, mais je comprends aussi que, à mesure que nous allons de l'avant en ce qui concerne le projet de loi ... et l'une des raisons pour lesquelles nous tenons ces audiences, c'est pour nous permettre à tous de comprendre le projet de loi, qui est de plus en plus solide.
Kelsey, je voulais vous poser une question concernant l'une de mes préoccupations. Je comprends qu'il existe un droit démocratique de s'opposer à un projet de loi en particulier, mais le soutenir est aussi un droit, et ce qu'une majorité de Canadiens de partout au pays nous ont dit, c'est que, de fait, le projet de loi ne va pas assez loin et devrait être encore plus ferme. Je ne dis pas que nous sommes d'accord. Nous voulons un projet de loi pertinent sur les deux plans: il doit convenir et répondre aux attentes de la plupart des Canadiens et, évidemment, respecter la primauté du droit dans la plus grande mesure du possible.
Vous avez abordé à un certain nombre d'occasions la question des droits et de l'équité. Au cours des 10 dernières années, il y a eu de 100 000 à 120 000 réfugiés qui ont vu leur demande d'asile au pays être acceptée, et seulement 600 d'entre eux, au cours des 10 dernières années... Deux navires sont arrivés ici avec environ 600 personnes à leur bord, et vous avez consacré beaucoup de temps à la question des droits de ces 600 personnes, sans reconnaître, ni applaudir le fait que de 100 000 à 120 000 demandeurs d'asile ont vu leurs droits respectés, de la façon que vous avez décrite.
Ce qui nous préoccupe donc, dans le cas présent, ce sont les arrivées irrégulières, qui ne forment qu'une petite partie du projet de loi. Je pense qu'il est important de souligner que nous parlons de... moins de la moitié de un pour cent de l'incidence de notre système, en vertu de ce projet de loi, porte sur les personnes qui arrivent par d'autres voies — qui n'arrivent pas par voie terrestre ou qui présentent une demande à l'étranger.
J'aborde cette question parce qu'il y a, à l'heure actuelle, plus de 40 000 personnes qui ont présenté une demande d'asile au Canada et qu'on n'arrive pas à trouver. On ne sait pas où elles sont. Il y a plus de 2 000 personnes qui ont vu leur demande d'asile de résidence permanente approuvée parce qu'elles avaient, essentiellement, trompé le système et qu'elles n'avaient pas été franches au sujet de leurs possibilités, ou, à tout le moins, de leur demande.
Quand vous dites que nous devons protéger les droits des personnes, je me dis que nous devons aussi protéger les droits des Canadiens, et je crains que nous ne puissions pas... Je sais qu'il faut traiter tout le monde de la façon la plus égale possible, mais l'équilibre est rompu s'il y a plus de 40 000 personnes qui sont introuvables — et c'est pourquoi je pense que le système ne fonctionne pas. Nous ne savons pas où elles sont. Nous ne savons pas si elles présentent un risque pour la société; nous ne le saurons pas tant qu'il ne sera rien arrivé. Et c'est à ce moment, je crois, que les droits des Canadiens à titre personnel entrent en ligne de compte et que nous devons collectivement nous protéger. Le gouvernement a aussi la responsabilité de protéger ces droits.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés et toutes les personnes présentes. Bonjour. Je suis très heureux d'être ici. J'aimerais vous remercier de nous avoir invités à cette audience importante.
Ce projet de loi intéresse l'Union européenne pour deux raisons, essentiellement. D'abord, j'aimerais dire que nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions concernant notre façon de régler ces enjeux en Europe, mais nous ne sommes pas ici pour commenter votre processus législatif. Ce n'est pas à nous de commenter vos projets de loi. Nous serons plus qu'heureux de répondre à vos questions concernant nos propres politiques.
Pourquoi ce projet de loi nous intéresse-t-il particulièrement? Pour deux raisons. Il y a, d'abord, la politique d'immigration. Pour nous, le Canada est un modèle pour ce qui est de sa politique d'immigration et de la société multiculturelle pluraliste qui en découle. Vous savez probablement que nous avons quelques difficultés, en Europe, avec ces questions et avec l'intégration. Certains ont affirmé, entre autres, qu'il s'agissait de la fin du multiculturalisme. C'est pourquoi nous observons ce qui se passe ici avec un grand intérêt, et nous en faisons état aux responsables européens.
Évidemment, la situation européenne n'est pas la même. L'Europe est composée d'États-nations ayant des populations très homogènes, ce qui fait que les immigrants se remarquent, tandis que, au Canada, comme vous le savez, à peu près tout le monde est un immigrant ou le descendant d'un immigrant. De plus, l'immigration européenne n'est pas, en général, de la même qualité que l'immigration canadienne. Au Canada, vous choisissez la plupart de vos immigrants. Vous voulez des gens qualifiés, tandis que, en Europe, la plupart des immigrants arrivent du Sud et sont, en majorité, analphabètes, entre autres. Ce n'est donc pas la même situation.
Le second élément qui nous intéresse, c'est la question des visas, Les citoyens de trois de nos États membres — la Roumanie, la Bulgarie et la République tchèque — ont encore besoin d'un visa pour aller au Canada, tandis que les citoyens canadiens peuvent circuler partout en Union européenne sans visa. Pour les pays en question, mais aussi pour l'Union européenne en général, il s'agit d'un enjeu important. C'est une question de principe. Notre politique des visas est fondée sur le principe de la réciprocité. Si vous accordez l'accès à un pays sans visa, ce pays doit aussi accorder à vos citoyens l'accès à son territoire sans exiger de visa. C'est aussi une question de solidarité entre les États membres. Il s'agit là d'un problème, surtout en ce qui concerne la question de recommencer à exiger un visa pour les ressortissants de la République tchèque. Nous prenons des mesures dans le but de régler ce problème le plus rapidement possible.
Il y a, je dirais, un lien entre tout cela et la politique d'asile. C'est pourquoi j'aimerais vous expliquer brièvement la politique d'immigration et d'asile de l'Union européenne, dans ses grandes lignes, et je laisserai les spécialistes entrer dans les détails.
La question de l'immigration et de l'asile relève habituellement des États membres et est un pouvoir de compétence nationale. Les États s'occupent de cette question en tenant compte des instruments internationaux applicables, comme la Convention de Genève, et de leurs lois nationales. Cependant, depuis 1999, nous avons tenté d'adopter une politique d'asile commune à toute l'Europe. Comme bien des choses en Union européenne, il s'agit d'un processus en cours — d'un processus inachevé — et nous tentons toujours de l'améliorer. Pour ce faire, nous utilisons des mesures législatives à l'échelle européenne, essentiellement des directives, qui doivent ensuite être mises en oeuvre par les États membres dans le cadre d'une coopération pratique, et grâce à l'harmonisation des pratiques nationales.
Nous appliquons le principe des normes minimales. Cela signifie que chaque État membre peut, pour sa part, aller plus loin dans la protection des réfugiés et accorder plus de droits ou un traitement privilégié. Il y a toutefois des normes minimales de protection qui s'appliquent en ce qui concerne les conditions matérielles, comme le logement et la nourriture, par exemple, l'accès au marché du travail, qui est accordé après 12 mois au sein du territoire, et l'aide aux demandeurs vulnérables, comme les mineurs non accompagnés, les femmes enceintes et les victimes de torture et de violence, par exemple.
Au plus tard six mois après la présentation d'une demande d'asile, la procédure de première instance doit avoir lieu.
Vous savez peut-être que nous appliquons, en Union européenne, la libre circulation des personnes. Mais nous avons aussi l'espace Schengen, ce qui signifie qu'il y a eu abolition des contrôles à la frontière des 23 États membres. Partout à l'intérieur de l'espace Schengen, vous pouvez passer d'un État membre à un autre sans même ralentir. C'est un peu comme circuler de l'Ontario vers le Québec. Il n'y a aucun contrôle frontalier, ce qui signifie donc une totale liberté de circulation, y compris, évidemment, pour les demandeurs d'asile. Cela a entraîné un certain magasinage d'asile. Des personnes font une demande d'asile dans un pays membre et, si leur demande est refusée, ils se rendent jusqu'à un autre pays et présentent de nouveau une demande.
Pour régler ce problème, il y a le Règlement Dublin II, qui permet de déterminer quel État membre est responsable de l'examen d'une demande d'asile. Cela dépend de certains critères, comme le premier pays d'entrée, notamment.
On a aussi commencé à prendre les empreintes digitales des demandeurs d'asile. Leurs empreintes sont stockées dans la base de données Eurodac. Quand une personne demande l'asile, on peut vérifier ses empreintes digitales pour savoir si une demande de cette personne a déjà été présentée et traitée ailleurs en Union européenne. Et si c'est le cas, la demande d'asile n'est pas admissible.
Je dois préciser que cette règle s'applique seulement aux ressortissants d'un pays tiers — aux gens qui viennent de l'extérieur de l'Union européenne et qui présentent une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne. Les États membres n'acceptent pas les demandeurs d'asile provenant d'un autre État membre. Le traité lui-même prévoit que, comme nos gouvernements sont des démocraties fondées sur la primauté du droit et que le respect de la primauté du droit et des principes d'asile, entre autres, est garanti par la Commission européenne et la Cour européenne de justice, un demandeur d'asile d'un État membre ne peut pas être admis à ce titre dans un autre État membre.
Enfin, j'aimerais faire un commentaire au sujet des chiffres. Il y a, en Union européenne, environ 250 000 demandeurs d'asile en moyenne. Ce nombre a connu une augmentation l'an dernier à la suite du Printemps arabe, comme vous le savez.
Il y a de grands écarts d'un pays à un autre. Certains des États membres du Sud, qui reçoivent des bateaux entiers de demandeurs d'asile par la mer Méditerranée, ont fait face à des arrivées massives. Mais, pour vous donner une idée...
Nous avons déjà entendu bien des choses au sujet du système d'asile et d'immigration européen, donc je serai très bref.
La loi allemande est influencée par la loi européenne — elle n'a pas d'autre choix que d'être beaucoup influencée par elle —, et c'est pourquoi je ne veux pas répéter de nouveau toutes ces choses qui ont déjà été dites.
Je vais commencer par quelques chiffres. En 2011, l'Allemagne a traité 45 000 demandes d'asile. Il s'agissait d'une augmentation de 10 p. 100 par rapport à l'année précédente.
En ce qui concerne la loi nationale, je pourrais peut-être vous donner une idée très générale de la structure de notre législation pour vous aider à formuler vos questions sur notre structure juridique.
Nous faisons systématiquement une distinction entre l'immigration habituelle, légale et illégale, d'une part, et, d'autre part, la réglementation concernant les demandeurs d'asile. Cela signifie que des règles spéciales s'appliquent uniquement aux demandes d'asile et ne s'appliquent pas dans le contexte habituel de l'immigration.
Si une personne demande l'asile, l'examen de sa demande se fera selon des procédures particulières. Si la décision administrative concernant la demande d'asile est portée en appel, ce sont des procédures spéciales modifiées qui s'appliquent. Les appels interjetés concernant des décisions relatives à des demandes d'asile suivent les règles habituelles des tribunaux administratifs en Allemagne.
Si une décision positive est rendue relativement à une demande d'asile, la personne intègre le système d'immigration habituel et se voit accorder certains avantages qui pourront lui permettre d'obtenir un permis de résidence permanente tant que son statut de demandeur d'asile ne lui est pas retiré.
Si la décision rendue est négative, les dispositions sur l'expulsion du système habituel d'immigration s'appliquent, ce qui signifie qu'il n'y a pas de règles particulières pour les demandeurs d'asile. Les règles qui s'appliquent à eux sont les mêmes que celles qui s'appliquent à toute autre personne qui ne peut rester légalement au pays. Une personne qui a présenté une demande d'asile peut aussi se voir refuser un permis de résidence dans d'autres situations, par exemple quand il est question de réunification familiale, ou s'il s'agit d'un étudiant au pays. Ce sont là certaines répercussions négatives pour une personne dont la demande d'asile a été refusée.
Cela vous donne une idée très générale du système allemand. Nous serons heureux de répondre plus en détail à vos questions.
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Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être de retour.
Excellence, mesdames et messieurs les témoins, merci d'être ici aujourd'hui.
Je vais poursuivre sur le même thème que Mme James, parce que je ne suis pas sûr qu'on vous ait dressé un portrait complet de la situation.
Selon le projet de loi présentement à l'étude devant le Parlement, le ministre de l'Immigration aurait lui-même le pouvoir de désigner certains pays à titre de pays sûrs. Le ou la ministre, selon le cas, de l'Immigration pourrait également désigner l'arrivée de personnes au Canada par un moyen autre que le processus prévu par le HCNUR comme une arrivée irrégulière. Cette mesure s'appliquerait aux groupes de deux personnes ou plus, même si cela n'a pas été défini dans le projet de loi. Si l'arrivée de personnes est désignée, par le ministre, comme une arrivée irrégulière, ces personnes ne pourront pas, en vertu de la loi, présenter une demande de résidence permanente au Canada pendant cinq ans, ni parrainer des membres de la famille pendant la même période. Si elles viennent d'un pays présumément sûr, elles n'auraient pas, contrairement aux autres demandeurs d'asile, accès à la Section d'appel des réfugiés, qui est une section d'appel prévue par le projet de loi, et elles pourraient faire l'objet d'une détention obligatoire sans contrôle pour une période pouvant aller jusqu'à un an.
Si j'apporte toutes ces précisions, c'est parce qu'il s'agit des raisons pour lesquelles, selon bien des gens, le projet de loi contreviendrait à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. De fait, ces dispositions prévoient l'application de sanctions pénales aux réfugiés qui arrivent au Canada par des moyens irréguliers, ce qui va à l'encontre de l'article 31 de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, selon lequel aucun État signataire ne peut appliquer de sanctions pénales à un demandeur d'asile en raison de son mode d'arrivée.
Maintenant, compte tenu de ce contexte, je vous pose la question à tous: savez-vous si l'un ou l'autre des États européens prévoit des dispositions particulières applicables aux réfugiés qui font en sorte que certains réfugiés ont moins de droits que d'autres en raison de leur mode d'arrivée au pays?
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Je m'appelle Angela Martini. Je m'occupe de la gestion des frontières, mais je me suis occupée pendant des années des demandes d'asile.
Je veux simplement souligner un élément, dont vous êtes au courant, monsieur Davies. En Europe, la grande majorité des demandeurs d'asile arrivent par des moyens irréguliers, contrairement à ce qui se produit au Canada. La grande majorité des demandeurs d'asile qui arrivent en Europe ne possèdent pas de visas ni de titres de voyage. Ils sont très peu nombreux à arriver par les circuits normaux. Vous savez sûrement que la réinstallation n'est pas très courante en Union européenne. Des 250 000 immigrants qui sont arrivés l'an dernier, une grande part était des immigrants illégaux.
Comme l'a dit Ioana, ils ne font pas l'objet de sanctions pénales. S'ils arrivent d'un pays désigné comme pays d'origine sûr par l'État où ils souhaitent immigrer, la procédure est plus rapide. Ils ne font l'objet d'aucune sanction. On présume que leur demande est infondée, mais ils conservent leur accès aux recours.
Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose concernant la première question au sujet de la durée d'une procédure. On ne peut pas dire qu'il y a une durée idéale, ni qu'elle est trop courte ou trop longue. On pourrait dire qu'elle est trop longue si, par exemple, une personne est forcée d'attendre une décision pendant un an. Le plus important, c'est de pouvoir garantir le respect des droits du demandeur d'asile, de s'assurer qu'il a accès, par exemple, à un avocat et à un interprète, qu'il a suffisamment de temps pendant l'entrevue pour présenter les éléments de sa demande, et qu'il a eu accès à un contrôle judiciaire. Quand vient le temps d'évaluer la situation, il faut s'appuyer sur les mérites de l'examen de la personne plutôt que de se demander si un délai de 14 jours est trop court. Ce peut-être un délai tout à fait adéquat si les étapes de la procédure sont respectées.
J'aimerais remercier Son Excellence et tous les autres témoins présents. Je crois que vous êtes tous très courageux de prendre tant de temps pour comparaître devant un comité outre-mer.
Je veux simplement préciser pour le compte rendu, que le Canada reconnaît les membres de la communauté des Roms comme des réfugiés au sens de la Convention. Dans un rapport sur la situation dans le pays 2011 que nous avons reçu récemment, il est indiqué que la CISR a accepté 165 demandeurs de la Hongrie, comparativement à 117 de la Corée du Nord. En fait, le nombre de retraits ou d'abandons en 2011 est passé de 95 p. 100 à 55 p. 100. Je tiens à le mentionner parce que, en tant que Canadiens, nous avons reconnu que ces personnes méritaient le statut de réfugié.
Nous avons aussi obtenu des renseignements concernant les Roms et les pays de l'UE. Son Excellence a dit clairement qu'il n'y a pas de demandeurs d'asile des États membres au sein de l'Union européenne.
Nous avons aussi beaucoup parlé de la liberté de mouvement au sein de l'UE. Pourquoi doivent-ils voyager à bord de bateaux dangereux ou par avion pour venir au Canada? Pourquoi ne vont-ils pas dans un pays voisin? Le droit d'établissement au sein de l'UE est très limité. Par exemple, on peut déménager où on veut, mais, après trois mois, il faut avoir un emploi. C'est ce que vous avez dit.
Nous avons aussi eu vent de rapports selon lesquels il y a beaucoup de préjugés contre les Roms au sein des pays de l'UE et qu'ils ont de la difficulté à trouver des emplois. En plus, la situation économique n'aide pas. L'expulsion massive des Roms de la France en 2010 est une autre indication du type de persécution dont ils font l'objet.
Pourquoi est-ce que les pays de l'UE refusent d'accepter que certains Roms qui fuient la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie sont des réfugiés, alors que d'autres pays comme le Canada ont déterminé officiellement que de nombreux Roms étaient de véritables réfugiés au sens de la Convention?
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Merci, monsieur le président.
Merci à toutes les personnes présentes aujourd'hui. L'amitié entre nos nations ne date pas d'hier, comme l'illustre de façon éloquente la décision d'Anja et de Roland de placer nos deux drapeaux devant vous, alors danke schön pour cela.
Ma collègue, madame Sims, a parlé des négociations commerciales en cours. Bien sûr, nous aimerions renforcer les liens déjà étroits qui unissent nos deux pays.
Votre Excellence, vous avez parlé de la question des visas en République tchèque. Une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui est, bien sûr, la quantité de demandes d'asile non étayées de gens de la République tchèque. C'est ce qui a poussé le Canada, en juillet 2009, à exiger des visas. Bien sûr, nous voulons régler ce problème des réfugiés, et c'est pourquoi nous nous parlons aujourd'hui.
Ma première question est pour vous, Anja, et peut-être aussi pour Son Excellence. Ai-je bien compris qu'il n'est pas complètement interdit aux Roms de présenter une demande d'asile dans un pays européen voisin, et que c'est seulement les restrictions ou les règles qui sont différentes si vous venez d'un pays voisin de l'Union européenne?