:
Bien entendu. Je crois comprendre que M. Lamoureux et vous m'avez remplacé durant mon absence, et je vous en remercie.
Nous allons entreprendre nos travaux. Nous avons beaucoup de témoins à entendre.
Nous accueillons tout d'abord un représentant du ministère, à savoir M. Les Linklater, sous-ministre adjoint, Politiques stratégiques et de programmes.
Bonjour à vous, monsieur. Je crois comprendre que vous allez présenter un exposé. Vous disposez d'un maximum de cinq minutes.
Nous accueillons également Jennifer Irish, directrice, Programmes et politiques des droits d'asile.
Si je ne m'abuse, vous étiez tous deux présents à la dernière réunion, à laquelle participait le ministre.
Marie Bourry, directrice exécutive et avocate générale principale, Services juridiques, est également parmi nous.
Bonjour à vous.
Le comité entendra également M. Michael MacDonald, directeur général, Direction générale des opérations de la sécurité nationale, Sécurité publique Canada.
Je crois que vous étiez présent vous aussi jeudi dernier. Bienvenue.
M. Peter Hill, directeur général, Programmes après le passage à la frontière, Agence des services frontaliers du Canada, est également parmi nous.
Vous disposerez vous aussi d'un maximum de cinq minutes pour présenter votre exposé, monsieur.
Enfin, le comité accueille M. Joe Oliver, directeur général, Intégrité des frontières, Gendarmerie royale du Canada.
Bonjour.
Monsieur Linklater, je vous invite à ouvrir le bal. Merci.
:
Bonjour, monsieur le président, membres du comité.
Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui. Nous sommes heureux d'être ici pour vous parler de la loi visant à protéger le système d'immigration du Canada, laquelle comporte des dispositions législatives qui permettraient de renforcer et d'améliorer le système d'immigration de notre pays.
J'ai été invité pour vous parler plus particulièrement de la réforme du système d'octroi de l'asile ainsi que des mesures concernant la traite de personnes dont il est fait mention dans le projet de loi . Dans le cadre du prochain panel, mes collègues et moi répondrons aux questions que vous pourriez avoir au sujet des mesures relatives à la biométrie incluses dans le projet de loi C-31.
[Traduction]
Dans un premier temps, permettez-moi, monsieur le président, de souligner que le projet de loi se veut un complément aux réformes depuis longtemps nécessaires dans le cadre du système d'octroi de l'asile — réformes qui ont été adoptées par le Parlement en juin 2010 dans le cadre de l'adoption de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. Les nouvelles mesures proposées permettraient d'accélérer encore davantage le traitement des demandes d'asile présentées par des ressortissants de pays désignés qui ne sont habituellement pas source de réfugiés. Elles permettraient également de réduire le nombre de recours dont les demandeurs déboutés peuvent se prévaloir pour retarder leur renvoi du Canada.
Certains membres du comité pourraient être surpris d'apprendre que le Canada reçoit plus de demandeurs d'asile en provenance des pays d'Europe que de demandeurs en provenance de l'Afrique et de l'Asie. L'année dernière seulement, près du quart des demandes d'asile au Canada ont été présentées par des ressortissants de l'Union européenne.
Je pense, monsieur le président, que nous sommes tous d'accord pour dire que les pays de l'Union européenne disposent de solides systèmes démocratiques et de protection des droits de la personne, systèmes qui sont semblables aux nôtres. Quoi qu'il en soit, ces pays sont la source de presque 25 p. 100 des demandes d'asile que notre pays a reçues en 2011. Il s'agit d'une augmentation de 14 p. 100 par rapport à l'année précédente.
Au cours des dernières années, presque toutes les demandes d'asile présentées par des ressortissants de l'Union européenne ont été retirées, abandonnées ou rejetées. Les mesures de réforme du système d'octroi de l'asile contenues dans le projet de loi contribueraient à prévenir le recours abusif à notre système, et nous permettraient de simplifier le plus possible l'ensemble de nos processus d'octroi de l'asile. Nous y parviendrions en ne diminuant aucunement l'équité du système et sans compromettre le respect des obligations nationales et internationales du Canada à l'égard des réfugiés.
Monsieur le président, il est essentiel, pour préserver l'intégrité de notre système d'immigration, de sévir contre les passeurs de clandestins. C'est la raison pour laquelle le projet de loi comporte des dispositions visant à aider le gouvernement à prendre des mesures à l'encontre des lucratives, mais très dangereuses activités des passeurs de clandestins.
Le projet de loi prévoit la détention obligatoire pendant un maximum de un an des personnes qui viennent au Canada dans le cadre d'une « arrivée irrégulière », et ce, dans le but d'établir leur identité et leur admissibilité, notamment pour savoir s'ils sont impliqués dans une activité illégale.
La détention obligatoire ne viserait pas les étrangers âgés de moins de 16 ans. Par ailleurs, une personne serait remise en liberté une fois sa demande d'asile approuvée.
Le projet de loi permettrait de rendre le Canada moins attrayant pour les personnes qui souhaitent y venir en ayant recours au passage de clandestins, et ce, en limitant la capacité de ces personnes de profiter de nos généreux services sociaux et système d'immigration.
Pour terminer, monsieur le président, j'aimerais souligner que les mesures proposées dans le cadre du projet de loi visent à atteindre le juste équilibre entre la protection de la sécurité du Canada et des Canadiens et la protection des personnes qui en ont vraiment besoin.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Peter Hill, qui est directeur général à l'agence.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité de m'avoir donné la possibilité de comparaître devant lui aujourd'hui. La dernière fois que je me suis adressé au comité, j'ai parlé du mandat de l'agence en tant qu'organisme d'exécution de la loi à la frontière ainsi que de son rôle relativement à l'application des lois canadiennes en matière d'immigration. Pour faire suite à ma présentation précédente, j'aimerais aujourd'hui mettre l'accent sur l'incidence qu'aurait le projet de loi sur l'agence s'il était adopté par le Parlement.
[Traduction]
Pour commencer, j'aimerais parler des répercussions sur la réforme du système d'octroi de l'asile.
La mise en oeuvre du projet de loi ne modifierait pas les responsabilités opérationnelles de l'ASFC à l'égard du traitement des demandes d'asile présentées par des étrangers à leur arrivée à un point d'entrée. Ce qui changerait, par contre, c'est que l'ASFC serait tenue, dans la mesure du possible, de renvoyer les personnes dans un délai de un an après la date à laquelle la dernière décision négative relative à leur demande d'asile au Canada aura été rendue.
Afin de se préparer à une éventuelle augmentation du nombre de demandes de renvoi, l'ASFC a mis en place une stratégie de renvoi qui prévoit, entre autres, l'expansion du programme pilote d'aide aux retours volontaires et à la réintégration. Ce programme favorise les retours volontaires en tant que solution économique et rapide qui constitue une solution de rechange aux renvois forcés habituels en offrant aux personnes visées du soutien, de la formation et d'autres mesures les incitant à partir.
Ce programme a donné de bons résultats dans d'autres pays. Comme il facilite la réintégration des participants, il fait en sorte que ces derniers soient moins enclins à tenter de revenir au Canada.
J'aimerais maintenant mettre l'accent sur les répercussions de ce projet de loi sur la lutte contre le passage de migrants clandestins.
Lorsque des personnes arrivent au Canada dans le cadre d'une opération de passage de migrants clandestins, il incombe à l'ASFC de déterminer si ces personnes constituent une menace pour le pays. Actuellement, les périodes de détention de 48 heures, de 7 jours et de 30 jours, prévues aux fins d'évaluation, ne conviennent pas lorsqu'un nombre élevé de personnes arrivent au pays dans le cadre d'opérations complexes de passage de migrants clandestins.
Les enquêtes visant à distinguer les vrais réfugiés de ceux qui pourraient constituer une menace à la sécurité publique sont complexes et prennent beaucoup de temps. Si les autorités canadiennes disposent de plus de temps pour mener leurs enquêtes, elles pourront mieux évaluer les personnes et prendre les décisions qui s'imposent de façon plus efficace.
Voilà pourquoi les dispositions relatives à la détention obligatoire sont nécessaires — elles permettent aux autorités canadiennes d'enquêter sur les personnes dont l'identité n'a pu être confirmée, ou qui pourraient être interdites de territoire au Canada pour des motifs liés à la criminalité ou à la sécurité. Un an après le premier jour de détention, puis de nouveau six mois plus tard, les motifs de détention des personnes n'étant pas considérées comme des réfugiés feraient l'objet d'un contrôle par la CISR. En outre, des personnes pourraient être mises en liberté après qu'elles ont présenté une demande au , si celui-ci est d'avis que des circonstances exceptionnelles justifient une mise en liberté anticipée.
En ce qui concerne la détention de mineurs, je tiens à ajouter que, dans tous les cas, il s'agirait d'une mesure de dernier recours. L'ASFC soutient qu'il est essentiel de toujours considérer l'intérêt supérieur de l'enfant visé, et continuera de le faire si le projet de loi est adopté.
[Français]
Monsieur le président, j'aimerais remercier le comité de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à lui aujourd'hui. L'agence est déterminée à faire en sorte que les lois canadiennes en matière d'immigration soient respectées et continuera de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité de la population canadienne. Je serai heureux de répondre à toute question que vous pourriez vouloir poser.
Je vous remercie.
:
Sur le plan opérationnel, lorsqu'un bâtiment arrive au pays avec plusieurs centaines de personnes à son bord, notre première préoccupation a trait à la santé et à la sécurité. Pour nous, la première étape consiste à nous assurer que les passagers ne sont atteints d'aucune forme de maladie transmissible.
La deuxième étape consiste à établir l'identité de ces personnes. Cela peut poser des difficultés. Souvent, les personnes arrivent ici sans papiers, ou ont jeté leurs papiers d'identité par-dessus bord durant le voyage. Elles ont peut-être tenté de détruire leurs documents d'identité. Ainsi, la confirmation de leur identité constitue un travail laborieux, qui exige du temps. Si les gens nous fournissent des pièces d'identité, nous devons confirmer qu'elles leur appartiennent bel et bien. Nous devons procéder à une évaluation pour déterminer s'il s'agit de faux documents, ou de documents obtenus frauduleusement.
Nous ne tentons pas de communiquer ou d'échanger des renseignements avec les autorités du pays d'origine, car nous veillons à ce que l'identité des demandeurs d'asile ne soit pas révélée, vu les préoccupations que cela peut soulever. Par conséquent, l'ASFC compte sur la coopération des pays attachés aux mêmes principes que ceux du Canada pour qu'ils lui transmettent des renseignements qui l'aideraient à établir l'identité de ces personnes.
La troisième étape consiste à déterminer, au cas par cas, si ces personnes sont interdites de territoire au pays. Une fois que nous avons établi l'identité d'une personne, nous procédons à d'autres vérifications liées à la sécurité, nous effectuons des vérifications dans des bases de données en partenariat avec des organismes canadiens et des partenaires internationaux, et nous déterminons si la personne a trempé dans le crime organisé, si elle a commis des crimes contre l'humanité ou si elle a été liée d'une quelconque façon à une organisation terroriste.
Ce processus exige du temps. En raison des préoccupations liées au passage de clandestins, il peut mettre en jeu un certain nombre de pays. De façon générale, c'est le processus qui s'applique lorsque nous avons affaire à une arrivée massive.
J'aimerais souligner que le calendrier des contrôles des motifs de détention — c'est-à-dire un premier contrôle dans les 48 heures, un deuxième dans les sept jours suivants, et les contrôles subséquents, aux 30 jours — représente un énorme fardeau pour l'ASFC. À l'heure actuelle, elle se démène pour fournir les renseignements requis à la CISR aux contrôles des motifs de détention, pour confirmer l'existence de préoccupations relatives à l'identité et à l'admissibilité des personnes et pour le maintien en détention.
Ce processus n'est pas bénéfique pour l'agence. Il n'a pas été conçu pour prendre en charge les arrivées massives. L'une des dispositions clés du projet de loi vise à régler ce problème, de manière à ce que l'ASFC et la GRC, par exemple, disposent du temps nécessaire pour procéder aux vérifications requises.
:
Lorsque le ministre s'est présenté ici jeudi, il a dit, si je ne m'abuse, que l'objectif ne consistait certainement pas à laisser planer la perspective que des personnes pourraient perdre leur statut de résident permanent si la situation qui règne dans leur pays change au fil du temps.
Le ministre a également indiqué qu'il était disposé à entendre des commentaires constructifs touchant des modifications qui pourraient être apportées afin de préciser ces dispositions, car l'objectif ne consiste assurément pas à punir des personnes pour des raisons qui sont indépendantes de leur volonté.
Le véritable objet de l'article 19 est de faire en sorte que les personnes qui, après s'être vu reconnaître la qualité de personnes à protéger ou octroyer le statut de résident permanent au Canada, décident de leur propre chef de retourner dans le pays où elles disent craindre d'être persécutées, assument elles-mêmes la responsabilité de renoncer, pour l'essentiel, à la qualité de personne à protéger que le Canada leur a octroyée.
Voilà l'objet de l'article 19. Il ne s'agit certainement pas de punir des personnes qui se trouvent au Canada depuis un certain nombre d'années au motif que la situation dans leur pays d'origine a changé à un point tel qu'elles peuvent y retourner librement à titre de résidents permanents ou de citoyens du Canada.
Sans aucun doute, nous sommes ouverts à l'idée de préciser les dispositions de cet article.
:
Merci beaucoup. Nous reprenons nos travaux. Si je ne m'abuse, la prochaine partie de la réunion portera sur la biométrie.
Monsieur Linklater, je vous souhaite de nouveau la bienvenue. Vous êtes un homme polyvalent. Vous êtes sous-ministre adjoint, Politiques stratégiques et de programmes.
Monsieur Desruisseaux, vous êtes directeur général, Direction générale de l'admissibilité.
Marie Estabrooks, vous êtes gestionnaire, Politiques en matière de biométrie, Programmes et projets, Division des nouveaux enjeux liés aux programmes frontaliers de l'Agence des services frontaliers du Canada. Bonjour.
Enfin, Chuck Walker est directeur général, Services canadiens d'identification criminelle en temps réel, Gendarmerie royale du Canada.
Merci à vous tous d'être ici.
Monsieur Linklater, vous disposez d'un maximum de 10 minutes.
Monsieur le président et membres du comité, je vous souhaite de nouveau le bonjour.
Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler des modifications proposées par le projet de loi en ce qui a trait à l'utilisation de la biométrie dans le cadre du programme d'immigration du Canada.
[Français]
Au début, je vais mettre l'accent sur les avantages du système de biométrie et, par la suite, je vais donner un aperçu relatif à notre mise en oeuvre planifiée pour la biométrie, dont le programme de résidence temporaire de CIC.
[Traduction]
La vérification de l'identité est essentielle aux décisions prises par les personnes responsables de l'administration et de l'exécution de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés — la LIPR — puisque l'établissement de l'identité exacte d'une personne est l'élément fondamental pour déterminer efficacement son admissibilité. Le défi pour les agents d'immigration et frontaliers du Canada est de repérer les milliers de demandeurs de mauvaise foi parmi les millions de demandes authentiques. En cas de doute, nous devons investir du temps et des ressources pour authentifier l'identité d'un voyageur. Si des doutes subsistent lorsque le voyageur se présente de nouveau devant les agents d'immigration et frontaliers, il pourrait être nécessaire d'investir du temps et des ressources additionnels pour authentifier son identité.
La biométrie est un outil de gestion de l'identité du XXIe siècle qui permet d'identifier les gens au moyen de caractéristiques physiologiques intrinsèques comme les empreintes digitales. Contrairement aux documents d'identité, les renseignements biométriques sont uniques pour chaque personne et ne peuvent être reproduits facilement.
La biométrie vient donc compléter les outils de vérification existants fondés sur les renseignements biographiques en réduisant considérablement les risques qu'une personne se fasse passer pour une autre ou soit confondue avec une autre. Une fois que les renseignements biométriques, par exemple les empreintes digitales, ont été enregistrés, l'identité de la personne est établie tant et aussi longtemps que les renseignements sont conservés.
[Français]
Le recours à la biométrie renforcera l'intégrité du système d'immigration du Canada, comme l'a mentionné le ministre la semaine dernière, en contribuant à empêcher Ies criminels connus, Ies demandeurs d'asile déboutés et les personnes expulsées antérieurement d'utiliser une fausse identité pour obtenir un visa canadien.
[Traduction]
La biométrie permettra également de faciliter les déplacements des voyageurs légitimes au Canada en offrant un outil rapide et fiable pour confirmer l'identité. En outre, l'utilisation de la biométrie permettra au Canada d'harmoniser ses pratiques avec celles de la plupart des autres pays occidentaux qui se servent de la biométrie, ou se préparent à le faire, à des fins d'immigration et de gestion frontalière. Ces pays comprennent le Royaume-Uni, l'Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et de nombreux pays de l'Union européenne.
[Français]
CIC travaille en partenariat avec l'agence et la GRC pour commencer à utiliser la biométrie dans le programme de résidence temporaire. À partir de 2013, les étrangers de certains pays qui veulent venir au Canada comme touristes, travailleurs temporaires ou étudiants seront tenus de fournir leurs données biométriques pour obtenir un visa.
[Traduction]
Nous prendrons les empreintes digitales et une photo de toutes les personnes originaires de certains pays visés par l'obligation de visa qui présentent une demande. Les empreintes digitales recueillies seront envoyées à la GRC aux fins de stockage et seront comparées avec les empreintes digitales de demandeurs d'asile, des personnes expulsées antérieurement, des criminels et des anciens demandeurs de visa de résident temporaire. Les résultats de ces vérifications éclaireront le processus de prise de décision en matière de visa. Au point d'entrée, l'agent des services frontaliers utilisera la photo prise à l'étranger pour vérifier que le titulaire du visa est bien la personne à laquelle le visa a été délivré. Les empreintes digitales seront vérifiées aux lignes d'inspection secondaire, à la discrétion de l'agent des services frontaliers. L'utilisation de la biométrie signifie que ces agents seront en mesure de prendre des décisions plus éclairées, en fonction de renseignements plus justes.
Monsieur le président, il convient de souligner que CIC reconnaît l'importance de se doter de mesures adéquates de protection des renseignements personnels afin de protéger les renseignements biométriques recueillis dans le cadre de cette initiative. C'est pourquoi nous continuons de consulter le Commissariat à la protection de la vie privée pour nous assurer que les mesures adéquates de protection des renseignements personnels sont en place pour tous les aspects de l'initiative.
Enfin, en ce qui a trait aux articles contenus dans le projet de loi , ils prévoient les pouvoirs nécessaires en matière de collecte et d'utilisation des renseignements personnels en permettant au gouvernement:
a) d'établir par règlement les règles concernant les étrangers qui doivent fournir des renseignements biométriques, les renseignements qu'ils doivent fournir et les procédures qu'ils doivent suivre au moment de présenter une demande de visa de résident temporaire, de permis de travail ou de permis d'études;
b) de prévoir des dispenses à ces exigences, par exemple pour les enfants, les personnes âgées ou les diplomates;
c) d'établir des dispositions réglementaires pour faciliter l'utilisation des renseignements biométriques au regard de l'application des lois canadiennes;
d) de dispenser de l'application de la Loi sur les frais d'utilisation l'imposition de frais pour l'inscription des renseignements biométriques.
En vertu du projet de loi, CIC jouira aussi d'un plus grand pouvoir pour fournir des services à l'ASFC et pour collaborer avec d'autres gouvernements en vue de fournir des services aux demandeurs.
En terminant, je souligne que la collecte et l'utilisation de renseignements biométriques, tel que le prévoit ce projet de loi, renforcera l'intégrité du programme d'immigration du Canada et facilitera les déplacements légitimes tout en protégeant les renseignements personnels des demandeurs.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir écoutés. Nous serons disponibles pour répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins qui viennent de se joindre à nous. M. Linklater s'est présenté si souvent devant le comité que l'on gravera bientôt en permanence son nom sur sa chaise.
Merci de vous être présentés ici aujourd'hui, et de nous avoir présenté un exposé sur la biométrie, sujet qui revêt une énorme importance. J'ai dû récemment passer par un processus semblable afin d'obtenir ma carte NEXUS — j'ai subi une lecture de l'iris, et on a pris mes empreintes digitales. Cela ne m'a posé aucun problème particulier, et cela facilite assurément mes déplacements, qui s'effectuent très rapidement — à mes yeux, cela est extrêmement commode.
Monsieur Linklater, durant votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné qu'une deuxième procédure s'applique aux personnes qui cherchent à immigrer ici, dans le cadre de laquelle un agent a la possibilité de vérifier les renseignements biométriques.
Est-ce que ces renseignements sont vérifiés immédiatement chaque fois, ou le sont-ils seulement à la discrétion de l'agent?
:
Je vais commencer, et peut-être M. Desruisseaux pourra-t-il compléter.
Nous collaborons très étroitement avec nos principaux alliés, les membres de ce que nous appelons la Conférence des cinq pays: les États-Unis, l'Australie, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande. Dans le cadre de ce processus, l'Australie héberge depuis quelques années un serveur vers lequel tous les pays envoient une quantité limitée d'informations biométriques aux fins de vérification et de comparaison avec les données soumises par les autres membres.
Ce que nous avons constaté, c'est qu'il y a eu un certain nombre d'exemples pour tous les pays où nous avons appris qu'une personne a essayé d'entrer dans un pays à l'aide d'identités différentes, et dans un cas précis, d'entrer dans les cinq pays en utilisant chaque fois une identité différente. Il y a un cas particulièrement alarmant où une personne a réussi à entrer en Australie sous une fausse identité, je crois, mais où, comme l'information biométrique avait été recueillie, on a été en mesure de la renvoyer au Royaume-Uni, où elle fait face à des accusations pour agressions sexuelles. Nous croyons qu'il s'agit d'un outil qui va nous permettre de protéger le Canada et les Canadiens beaucoup mieux que nous pouvons le faire en ce moment en utilisant de simples renseignements biographiques qui sont échangés pour garantir que nous savons, comme vous dites, que la personne qui se présente est bel et bien la personne qui a fait la demande.
:
Merci, monsieur le président.
Nous examinons ce qu'il y a de préoccupant dans le fait de laisser des renseignements personnels aboutir entre les mains de dirigeants de pays qui pourraient ne pas respecter les valeurs du gouvernement, et je pense que, dans ces pays, nous n'aurions pas la possibilité de poser des questions à des gens comme vous, qui occupent le même genre de postes importants, et nous vous sommes reconnaissants d'être ici ce matin. Merci.
Mon collègue, M. Opitz, a parlé des répercussions du programme NEXUS. Hier encore, j'ai été en contact avec un autre programme du genre, qui, pour vous citer, monsieur Linklater, garantit que la personne qui se présente est celle qui a fait la demande. Dans le cadre de ce programme, il faut obtenir une photo et une carte, et la carte doit être présentée au début de l'événement. L'événement en question est une partie de soccer pour les moins de 14 ans qui a lieu en Ontario, et, à un moment donné, les enfants doivent présenter leur carte.
Là où je veux en venir, c'est qu'il faut bien se rendre compte que, même si le respect de la vie privée nous préoccupe — et cela nous préoccupe tous —, les répercussions du recours à la biométrie dépassent de loin le contexte de l'immigration que nous envisageons aujourd'hui.
J'aimerais revenir sur l'idée que de l'information puisse aboutir entre les mains des dirigeants d'États souverains sur lesquels nous n'exerçons aucun pouvoir, et je me demandais si vous pouviez me donner quelques exemples de mécanismes de protection précis qui s'ajoutent à ce que vous avez déjà dit, de sorte que nous n'imaginions pas...
L'information recueillie ici, par exemple, est communiquée au gouvernement iranien. Les citoyens de la circonscription que je représente, West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, seraient très préoccupés par cela, et je suis sûr qu'il y a d'autres gens qui ont des préoccupations similaires.
:
Essentiellement, nous devons faire très attention de ne pas communiquer d'information systématique qui pourrait causer des problèmes à certaines personnes, comme dans le cas que vous avez cité.
Lorsque nous recueillerons les données biométriques, comme nous l'avons dit, nous chercherons à échanger des renseignements au sujet des antécédents criminels et en matière d'immigration au Canada, et ce, avec des partenaires de confiance.
Je pense que ce qui va être important au sujet de l'échange de renseignements avec nos partenaires, c'est de comprendre que ce ne sera pas tout un paquet d'information au dossier qui sera envoyé proactivement et systématiquement à nos partenaires, mais que nous allons envoyer des empreintes digitales, par exemple, et s'il y a une correspondance, à ce moment-là, cela va déclencher un échange au cas par cas avec le partenaire pour nous assurer que nous obtenons seulement l'information pertinente et essentielle à la prise d'une décision à l'égard de l'immigration ou de l'application de la loi. Nous ne dirions pas dès le départ — suivez-moi bien — voici les empreintes digitales de Jocelyn Bilodeau, né à telle date dans tel pays. Nous enverrions les empreintes digitales, et, s'il y avait une correspondance, nous demanderions à notre partenaire de nous communiquer l'information négative sans plus de détails.
Je m'appelle Sean Rehaag. Je suis professeur à la Osgoode Hall Law School. Je suis accompagné de Mme Audrey Macklin, professeure à la faculté de droit de l'Université de Toronto. Nous travaillons tous les deux surtout dans le domaine du droit de l'immigration et des réfugiés.
Madame Macklin et moi partageons bon nombre des préoccupations concernant le projet de loi exprimées dans les mémoires soumis par les représentants de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, de l'Association du Barreau canadien et du Conseil canadien pour les réfugiés.
Toutefois, plutôt que de tenter de résumer ces préoccupations ici, ce que nous aimerions faire, c'est de nous concentrer sur deux questions précises. Je vais parler de la Section d'appel des réfugiés, et Mme Macklin va parler des raisons pour lesquelles le projet de loi ne devrait pas conférer de nouveaux pouvoirs au ministre à l'égard du refus d'accorder la résidence permanente à des réfugiés.
Permettez-moi d'aborder dès maintenant et rapidement les trois points que j'aimerais soulever concernant la Section d'appel des réfugiés.
La première chose que je veux faire, c'est de rappeler au comité que les décisions concernant les réfugiés font partie des décisions les plus graves qui sont rendues au Canada. Si des personnes qui respectent les critères ne sont pas reconnues comme étant des réfugiés, elles peuvent être expulsées vers un pays où elles feront peut-être face à la persécution, à la torture ou même à la mort. En raison de ces enjeux de vie ou de mort, la Cour suprême a déterminé que les décisions concernant les réfugiés font intervenir des droits constitutionnels à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.
La deuxième chose que j'aimerais dire, c'est que tous les processus décisionnels d'ordre administratif peuvent contenir des erreurs et que les décisions concernant les réfugiés ne font pas exception à la règle. En fait, les décisions concernant les réfugiés sont susceptibles de contenir plus d'erreurs en raison des difficultés inhérentes à ce type de processus décisionnel. Les difficultés sont entre autres celles d'avoir à tirer des conclusions de fait au sujet de choses qui pourraient se passer dans l'avenir et dans des pays lointains et d'avoir à rendre des décisions concernant la crédibilité fondées sur le témoignage de demandeurs qui souffrent parfois de stress post-traumatique, qui ont dans certains cas un bagage culturel très différent du nôtre et dont le témoignage est habituellement soumis au filtre de l'interprétation.
En plus de ces difficultés, il y a des preuves abondantes du fait que les décisions de la CISR concernant les réfugiés sont beaucoup trop souvent arbitraires. Depuis six ans, je publie des chiffres sur le site Web du Conseil canadien pour les réfugiés à l'égard du nombre de demandes d'asile accueillies par la CISR chaque année. Tous les ans, des écarts spectaculaires ressortent clairement de ces chiffres, certains commissaires accordant le statut de réfugié dans presque tous les cas qui leur sont soumis, alors que d'autres ne l'accordent que très rarement, voire jamais.
Même lorsque des facteurs comme le pays d'origine sont pris en compte, des écarts très importants et inexpliqués continuent de ressortir à l'égard du nombre de demandes d'asile accueillies, ce qui donne à penser que l'issue dépend au moins en partie de la chance, de la personne qui examine la demande. Dans ce contexte, les erreurs touchant les décisions relatives aux réfugiés rendues par la CISR sont non seulement inévitables, mais probablement aussi chose courante.
La deuxième chose que je veux dire, c'est donc que vu la probabilité que des erreurs soient commises et les enjeux de vie et de mort qui sont présents, il est essentiel que les demandeurs d'asile aient accès à un processus d'appel pour permettre de corriger les erreurs de façon fiable.
La troisième chose que je veux dire, c'est que, mis à part les appels sur le fond à la Section d'appel des réfugiés, il n'y a pas de moyen fiable de repérer les erreurs dans les décisions concernant les réfugiés. Évidemment, il est possible de présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Toutefois, le contrôle judiciaire est un processus très strict. Les demandeurs d'asile doivent demander l'autorisation ou la permission à la Cour avant de pouvoir avoir une audience. Dans la vaste majorité des cas, c'est-à-dire environ 85 p. 100 de ceux-ci, la demande d'autorisation est rejetée. Même lorsqu'elle est accueillie et qu'une audience est tenue, il y a des contraintes concernant le processus. Ce qui est encore plus important, c'est que la Cour fédérale ne réexamine que rarement les conclusions de fait ou les décisions liées à la crédibilité de la CISR. La plupart des cas reposent en fait sur ces facteurs.
En plus de ces contraintes procédurales, il y a des preuves de ce que le processus décisionnel de la Cour fédérale dans ce domaine n'est pas uniforme. J'ai publié cette année une étude portant sur 23 000 demandes de contrôle judiciaire à l'égard de décisions concernant les réfugiés rendues entre 2005 et 2010. Au cours de cette période, certains juges de la Cour fédérale ont autorisé le contrôle dans 1 p 100 des cas, alors que d'autres l'ont accordé dans plus de 70 p. 100 des cas. C'est dont vraiment une question de chance; l'issue dépend de la personne qui examine le cas.
Ensemble, les limites procédurales du contrôle judiciaire et les preuves de manque d'uniformité dans les décisions de la Cour fédérale donnent à penser que le contrôle judiciaire ne permet pas de repérer avec fiabilité les erreurs dans les décisions de la CISR.
Ainsi, à mon sens, vu les enjeux de vie et de mort qui sont en cause, vu les erreurs inévitables et vu que le processus de contrôle judiciaire ne permet pas de déceler ces erreurs avec fiabilité, il est essentiel que tous les demandeurs d'asile aient accès à un appel sur le fond. Le projet de loi supprime les droits d'appel de certains demandeurs, et ma recommandation, c'est que ces droits d'appel soient rétablis.
:
Comme M. Rehaag, j'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui.
Je vais parler des répercussions des dispositions du projet de loi qui visent à multiplier les situations dans lesquelles le statut de résident permanent des réfugiés peut être révoqué.
J'ai formulé trois questions auxquelles je vais essayer de répondre ici. D'abord, le projet de loi confère-t-il de nouveaux pouvoirs au ministre? Oui. Ces pouvoirs supplémentaires sont-ils nécessaires pour atteindre des objectifs de politique légitimes? Non. Peut-on amender le projet de loi C-31 en fonction d'objectifs de politique légitimes? Oui.
D'abord, il est important de savoir quelle est la situation actuelle? La LIPR permet actuellement au ministre de demander ce qu'on appelle l'annulation du statut de réfugié aux termes de l'article 109. L'annulation du statut de réfugié est un processus par lequel le ministre demande la révocation du statut de réfugié d'une personne qui n'a jamais eu besoin de la protection qui est offerte aux réfugiés. Il s'agit de personnes qui ont acquis le statut de réfugié en faisant de fausses déclarations ou par la fraude.
Si le ministre réussit à obtenir l'annulation par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la personne perd son statut de réfugié ainsi que le statut de résident permanent. Il y a une certaine harmonie à cet égard, puisque, bien entendu, de fausses déclarations sont également un fondement de révocation du statut de résident permanent. La conséquence de la perte du statut de réfugié pour fausse déclaration est la perte du statut de résident permanent pour fausse déclaration.
Il y a également une autre disposition de la loi actuelle qui prévoit la perte du statut de réfugié. Le ministre peut demander que soit rejetée la demande d'asile d'une personne qui n'a plus besoin de protection, et il y a diverses preuves à partir desquelles on peut conclure que la protection n'est plus nécessaire, par exemple le fait que le réfugié s'est de nouveau réclamé de la protection du pays d'origine ou que des changements survenus dans le pays d'origine font en sorte qu'il n'y a plus lieu de craindre la persécution dans ce pays. Il y a donc annulation, lorsque le statut de réfugié n'a jamais été nécessaire, et perte, lorsque le statut de réfugié n'est plus nécessaire.
Dans le cadre de la loi actuelle, lorsque la demande d'asile est rejetée, le statut de résident permanent n'est pas toujours révoqué. Pourquoi? Parce que la personne concernée n'a pas nécessairement fait quoi que ce soit qui empêche le maintien de son statut de résident permanent. Il n'y a pas d'inconduite, dans ce cas.
Quel est l'effet du projet de loi ? Il applique la même conséquence de la perte automatique du statut de résident permanent lorsque la demande d'asile est rejetée et lorsqu'elle est annulée. Pour que vous compreniez la différence, je veux vous présenter deux situations où la personne perdrait son statut de résident permanent dans le cadre du projet de loi C-31, mais où elle ne le perdra pas dans le cadre de la LIPR actuelle.
Dans le premier exemple, une réfugiée arrive de Bosnie en 1993. Elle obtient le statut de résident permanent. En 2008, elle retourne à Sarajevo pour travailler pendant un an pour une organisation internationale. Elle vit paisiblement en Bosnie pendant un an, puis rentre au Canada. Dans le cadre du projet de loi , le ministre pourrait demander que soit rejetée sa demande d'asile, et, s'il a gain de cause, la conséquence automatique serait la perte du statut de résident permanent.
Dans l'autre exemple, un demandeur d'asile quitte le Rwanda en 1994 et obtient son statut de résident permanent au Canada. Il parraine sa femme. Ensemble, ils fondent une famille au Canada. À un moment donné, disons en 2012, le ministre décide qu'il est maintenant sûr pour les Tutsis de retourner au Rwanda, et il demande donc que soit rejetée la demande d'asile de la personne. S'il a gain de cause, en raison d'un changement de situation au Rwanda, la personne perd son statut de réfugié ainsi que son statut de résident permanent et, presque 20 ans après les faits, elle devient automatiquement susceptible d'expulsion vers le Rwanda.
La conséquence de la modification qui est apportée par le projet de loi , c'est l'expulsion de gens qui sont des résidents permanents du Canada depuis longtemps sans recours, et sans appel à la Section d'appel de l'immigration, pour des gens qui n'ont rien fait de mal, et, en fait, dans le cas d'un changement de situation dans le pays d'origine, qui n'ont rien fait du tout. Ils n'ont fait que vivre leur vie au Canada.
Il n'y a aucune limite quant à l'utilisation de ce pouvoir discrétionnaire par le ministre. Cela met à risque tous les réfugiés qui ont le statut de résident permanent. Ils ne sauront jamais si le ministre va à un moment donné demander que soit rejetée leur demande d'asile, ni pourquoi.
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Je critique le projet de loi, et je veux simplement faire deux ou trois observations préliminaires concernant ma position par rapport à celui-ci.
Premièrement, l'immigration, c'est la gestion des gens. Les règles s'appliquent à des gens, et si elles sont absolues et strictes, les gens passent par les mailles du filet, ou encore leur cas n'est pas examiné comme il devrait l'être parce qu'ils ne respectent pas les critères établis.
Deuxièmement, il y a la Charte des droits et libertés. Vous, les parlementaires, êtes responsables de vérifier que la loi est conforme aux principes de la Charte. L'une des choses qui m'ont toujours dérangée — et je pratique dans le domaine depuis 35 ans — c'est que les lois adoptées par les parlementaires sont déformées lorsqu'elles sont appliquées. Des gens que vous n'avez jamais eu l'intention d'exclure de la protection le sont parce que vous ne connaissiez pas les conséquences du projet de loi que vous adoptiez. Je ne crois pas que les gens ici présents auraient adopté certains projets de loi qui l'ont été et qui ont fait du mal à des personnes s'ils avaient su que cela allait se produire.
Troisièmement, chaque fois que vous prévoyez une interdiction absolue dans la loi, vous l'exposez à une contestation, parce que les choses absolues sont souvent contraires à la Charte. Les gens qui sont exclus du système peuvent par exemple avoir de bonnes raisons de faire examiner leur demande d'asile. Pour une personne qui a échoué à l'examen des risques avant renvoi, il y a une interdiction de présenter une nouvelle demande pendant 12 mois. Il se peut que la situation au pays ait changé avant son renvoi, mais en prévoyant une interdiction absolue pour elle de subir un deuxième ERAR même si les conditions le justifient, on la force à contester la décision devant les tribunaux en vertu de la Constitution. C'est le problème que posent les interdictions absolues.
Je sais qu'il y a une préoccupation à l'égard du fait que les avocats ont un intérêt personnel à témoigner devant vous parce qu'ils gagnent leur vie en représentant des réfugiés. Croyez-moi, nous allons gagner beaucoup plus d'argent si vous ne modifiez pas le projet de loi que nous en gagnerons si vous faites en sorte que le processus soit équitable. C'est donc une mauvaise excuse pour ne pas tenir compte du genre de choses que nous affirmons.
J'ai passé toute ma vie professionnelle à contester des lois injustes. Nous avons connu pas mal de succès, depuis l'affaire Singh en 1985 à l'affaire Charkaoui en 2007. Je peux vous dire que l'affaire Charkaoui est fondée sur la détention absolue sans examen.
Lorsque j'ai lu la première mouture du projet de loi, je n'en croyais pas mes yeux. Nous avons passé des années à contester la détention arbitraire sans examen en temps opportun de la nécessité de la détention. Nous avons finalement eu gain de cause devant la Cour suprême en 2007, et maintenant, vous vous retournez et adoptez un projet de loi qui permettra la détention arbitraire de personnes pendant un an sans examen. C'est inapproprié. La Cour suprême vient juste de dire que vous ne pouvez pas le faire, alors pourquoi est-ce que c'est en train de se faire? Je ne comprends pas. Cela revient à exposer le projet de loi à une contestation. Le gouvernement pense peut-être que la loi va demeurer en vigueur jusqu'à ce que la Cour la supprime, qui va lui permettre d'atteindre son but. Ce n'est pas de cette façon qu'on adopte des lois pour régir l'immigration au Canada.
Quatrièmement, le système actuel fonctionne. Si vous avez déjà assisté à l'examen des motifs de détention présidé par un commissaire de la Section de l'immigration, vous savez que le gouvernement a gain de cause la plupart du temps. Si le gouvernement souhaite qu'une personne soit détenue, il est probable qu'elle le soit jusqu'à ce qu'on puisse conclure une entente avec l'Agence des services frontaliers du Canada concernant sa libération. Ni la Section de l'immigration, ni la Section de la protection des réfugiés ni la Cour fédérale ne sont particulièrement sensibles à la cause des droits des non-citoyens. C'est le gouvernement qui a le plus souvent gain de cause, et pas les gens.
Le système fonctionne très bien actuellement. Vous n'avez pas besoin de détenir arbitrairement des gens, puisqu'un commissaire de la Section de l'immigration va s'en charger de toute façon. S'il faut que la personne soit libérée, le commissaire va la libérer. C'est ainsi que les choses devraient être, parce que certaines des personnes qui sont détenues ont été victimes d'événements horribles dans le passé. Je pense qu'il est mal de détenir arbitrairement pendant un an une personne qui souffre de stress post-traumatique et qui a été gravement torturée. Nous avons vu des gens dans cette situation. J'ai un client qui n'a plus de mâchoire et qui a été détenu pendant six mois. Il n'a plus de mâchoire à cause d'un bombardement survenu en temps de guerre. Cette personne ne devrait pas être en détention pendant une période prolongée, parce que la détention aggrave le problème.
La dernière idée de portée générale que je veux exprimer, c'est que, au bout du compte, nous voulons que les gens que nous admettons comme réfugiés fassent partie de la société et en deviennent des membres productifs. Ce souhait ne se réalisera pas si on commence par les punir en les détenant pendant un an, si on les empêche de faire venir leur famille. Quelle est la meilleure façon pour les gens de s'établir et de s'intégrer? C'est d'avoir les membres de leur famille avec eux. Cela n'est pas écrit dans la loi. Au lieu de cela, même si nous avons l'obligation en droit international et en vertu de notre Charte de permettre à ces gens de rester au Canada, nous les empêchons de réussir à s'établir.
J'ai des clients qui touchent des prestations d'invalidité à cause du temps qu'il a fallu pour que leur cas soit réglé. Je suis témoin de la décompensation qu'ils vivent au fil du temps. Je suis témoin de la destruction de leur vie et de leur intégrité, de l'épuisement. Ce n'est pas juste, ce n'est pas humain et cela ne correspond pas à notre tradition humanitaire à l'égard des réfugiés. S'ils doivent rester ici, il faut les traiter de façon équitable. Nous avons l'obligation de ne pas les renvoyer si ce sont des réfugiés.
Il y a deux ou trois points précis dont je sais qu'ils ne seront pas abordés par d'autres. L'un de ceux-ci, c'est la question des titres de voyage. Le projet de loi empêche les gens d'obtenir des titres de voyage avant d'avoir acquis le statut de résident permanent. Vous ne vous rendez pas compte du fait que les titres de voyage étaient une porte de sortie pour nos clients. J'ai des clients qui sont dans les limbes. Le gouvernement du Canada a décidé de ne pas les expulser, mais il ne leur accorde pas le statut de résident permanent non plus. Certains d'entre eux sont ici depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans et même plus. Pendant tout ce temps, si on leur enlève le droit d'obtenir un titre de voyage, droit qui est prévu par la Convention pour les réfugiés, pour les gens qui sont reconnus comme étant des réfugiés, ils ne peuvent même pas rendre visite à leur famille.
L'une de mes clientes a un parent qui est médecin. Elle peut obtenir des soins médicaux de sa part dans un autre pays. Elle ne peut pas les obtenir au Canada parce qu'elle n'a pas le statut de résident permanent ici. C'est une soupape importante pour les gens. Il est important pour eux de pouvoir faire les voyages nécessaires grâce aux titres de voyage, même s'ils n'ont pas le statut de résident permanent, surtout que le gouvernement actuel permet simplement que les gens vivent dans les limbes. Ce n'est pas seulement le gouvernement actuel; le gouvernement précédent aussi. Ce sont des cas qui remontent à 10 ou 20 ans. Nous n'expulsons pas les gens, alors il faut au moins les laisser voyager.
Encore une fois, je parle de différentes choses dont je sais qu'il est peu probable qu'elles soient abordées dans les mémoires qui vous ont été soumis. L'une de celles-ci, c'est l'incapacité de rouvrir un dossier en cas de déni de justice. Le projet de loi modifie l'article 171 de façon à empêcher le réexamen d'une demande d'asile si la personne a déjà perdu à la Section d'appel des réfugiés ou à la Cour fédérale.
Je ne suis pas sûre qu'on puisse faire cela. On peut assurément mettre fin au processus d'appel, mais pas pour des motifs arbitraires. Il faut que les motifs aient du sens. Les motifs de restriction de l'appel dans ce cas-ci n'ont aucun lien logique avec les préoccupations abordées dans la loi, dans certains cas. Ce qui est sûr, c'est que je ne pense pas qu'on puisse empêcher le réexamen lorsqu'il y a eu déni de justice. La Charte ne le permet pas. S'il y a déni de justice, la procédure est annulée. La décision ne peut pas être appliquée. Il y a toujours eu un droit de revenir en arrière et de dire: « Écoutez, pour une raison quelconque, vous n'avez pas tenu compte du fait que la personne a des troubles mentaux, et vous auriez dû le faire. Le dossier doit être rouvert et faire l'objet d'un nouvel examen. »
La dernière chose que je veux dire concerne les interdictions et une façon quelconque d'échapper à l'interdiction de cinq ans. Les ressortissants étrangers désignés ne peuvent obtenir le droit d'établissement avant cinq ans. S'il y a une quelconque infraction aux conditions de libération, la période est prolongée de douze mois, alors cela peut être long. Ensuite, il faut de deux à trois ans pour obtenir le droit d'établissement, ce qui veut dire que cela peut prendre dix ans à certaines personnes pour pouvoir s'établir avec leur famille au Canada. Cela ne va pas. C'est beaucoup trop long.
Il n'y a aucune façon d'y échapper. Je ne sais pas si vous vous rendez compte du fait que le projet de loi élimine les permis de résidence temporaire, ainsi que les motifs d'ordre humanitaire. L'exercice d'un pouvoir discrétionnaire pour motifs d'ordre humanitaire permettant d'exempter des personnes des restrictions prévues par la loi existe depuis que la loi a été adoptée, sans aucune restriction. La loi existe depuis 1910, et il y a toujours eu un pouvoir discrétionnaire.
Le projet de loi a commencé dans sa dernière mouture à restreindre le pouvoir discrétionnaire exercé pour des motifs d'ordre humanitaire, mais il n'y avait pas de restrictions concernant les personnes qui peuvent l'exercer. La mouture actuelle limite l'accès à certaines personnes. C'est du jamais vu dans notre histoire. Si vous supprimez ce genre de pouvoir discrétionnaire, vous nous forcez à nous adresser aux tribunaux. Il va finir par y avoir une contestation constitutionnelle, et je parie qu'au bout du compte, la Cour va dire qu'il faut laisser quelqu'un présenter une demande, qu'il faut faire examiner la chose, parce qu'il y a trop de droits de la personne qui interviennent dans le processus pour qu'on puisse simplement supprimer le pouvoir discrétionnaire. Vous ne faites donc que susciter une contestation. Pourquoi? Pourquoi ne pas faire les choses comme il faut dès le départ?
Merci.
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J'espère que vous êtes tous d'accord avec moi lorsque j'affirme que les exemples que j'ai donnés ne sont pas des situations laissant supposer que la personne a commis une inconduite qui justifie la révocation automatique du statut de résident permanent.
Le projet de loi C-31 accroît la possibilité de révocation, et cela fait qu'il a une portée trop large. Autrement dit, il inclut des personnes et en pénalise certaines qui, d'après ce que j'ai compris des commentaires du ministre, ne sont pas visées par cette disposition. Néanmoins, elle est incluse dans la loi.
Pourquoi une loi à trop large portée est-elle problématique? En fait, cela présente deux problèmes: d'une part, elle laisse dans l'insécurité et la peur toute personne qui pourrait en faire l'objet, et, d'autre part, elle donne au ministre un pouvoir discrétionnaire qui ne correspond pas du tout aux objectifs légitimes de la loi. Cela entraîne donc la possibilité d'un risque d'exercice de pouvoir arbitraire. Je crois que ces deux problèmes importants peuvent être facilement atténués si on modifie la loi de façon à ce qu'elle réponde légitimement au besoin déterminé ou qu'elle corresponde à l'objectif stratégique.
J'ai deux mesures à proposer. Je peux vous les présenter en détail, mais je sais que vous vouliez une réponse brève.
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Merci, monsieur le président.
Nous parlons des personnes qui portent leurs cicatrices. Qu'en est-il des personnes dont les cicatrices sont invisibles, présentes dans leur tête et leurs émotions, comme un enfant de cinq ans traumatisé et hanté par la guerre — mais cela est mon histoire.
En vertu du projet de loi C-31, les « étrangers désignés » auxquels on accordera le statut de réfugié seront, contrairement aux autres réfugiés, assujettis à des restrictions, comme un délai d'attente de cinq ans avant de pouvoir présenter une demande de résidence permanente. Ils ne pourront pas parrainer leur famille afin que tous les membres puissent être réunis et, évidemment, ils seront également tenus de se présenter à un agent.
Ces mesures sont-elles justifiées si l'on tient compte du mode d'arrivée des demandeurs d'asile? C'est généralement le mode d'arrivée qui entraîne la désignation. Quelles seront les conséquences sur les personnes qui s'installent au Canada, si elles ne peuvent pas présenter une demande de résidence permanente et faire venir leur famille au pays?
Vous pouvez tous répondre aux questions.
Ne vous en faites pas, madame Jackman. Je crois que vous aurez l'occasion de répondre.
Je veux seulement nous rappeler les divers types d'équité procédurale auxquels nous avons fait allusion. Il y a la Charte. Il y a la Cour fédérale. Il y a le droit d'appel. Nous avons des obligations envers d'autres pays et les Nations Unies. Il y a la volonté démocratique des Canadiens. Il y a aussi le rôle de l'opposition loyale de Sa Majesté, que nous observons ici. Tous ces éléments montrent que nous aspirons à une certaine équité.
Je veux passer rapidement en revue le but des modifications. Il en a été question plus tôt ce matin dans l'exposé de Les Linklater, SMA responsable des Politiques stratégiques et de programmes, et de Peter Hill, directeur général des Programmes après le passage à la frontière. Les objectifs mentionnés sont: la réduction du nombre de demandes d'asile provenant de pays dont les réfugiés ne sont habituellement pas authentiques; le maintien de nos obligations envers les autres pays; la lutte contre l'organisation d'entrée illégale; la détention des personnes qui entrent au pays de façon irrégulière; l'expulsion des personnes dans un délai de un an, si leur demande est rejetée; la détention obligatoire durant la vérification de l'identité et des risques pour la sécurité — je vais y revenir; et la promotion de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Pour ce qui est de la détention obligatoire, voici mon analogie: nous avons tous de la sympathie pour une personne qui fait l'objet d'une saisie parce qu'elle ne pouvait plus rembourser son hypothèque. Par contre, il ne faut pas oublier que, si les banques ne donnaient aucune occasion aux emprunteurs au départ, elles ne prêteraient de fonds à aucun emprunteur légitime, et personne n'aurait de maison pour se loger. Nous avons donc besoin de telles dispositions pour s'assurer que les personnes légitimes peuvent bénéficier du système.
Avez-vous des commentaires à formuler à cet égard?
Vous qui avez été coupée, qu'en pensez-vous, madame Jackman?
Les faux réfugiés sont nombreux à abuser du système. Vingt-cinq pour cent proviennent de l'Union européenne. Ce ne sont pas toutes les personnes qui viennent ici et réclament le statut de réfugié qui sont des victimes, très franchement. Bon nombre d'entre elles cherchent une façon de bénéficier de notre système. Certains disent même aux agents de l'ASFC qu'ils viennent ici pour l'argent, comme ça, directement.
Nous avons non seulement le droit d'assurer la sécurité du pays et de protéger la crédibilité de notre système d'immigration, mais aussi la responsabilité envers les contribuables canadiens de vérifier concrètement ce que leur coûte ce système, et, lorsqu'on traite beaucoup de demandes d'asile non fondées, les coûts sont énormes. Je crois que vous devriez le reconnaître — les chiffres sont énormes.
Il doit y avoir un équilibre en ce qui a trait aux droits des réfugiés... Je crois que nous sommes tous d'accord sur le fait que nous vivons dans un pays très généreux. Mes parents sont arrivés ici après la Deuxième Guerre mondiale. Ils ne pouvaient pas retourner dans leur pays. Si mon père l'avait fait, il aurait reçu une balle de Staline.
Je comprends cela. C'est ancré dans ma famille. Par contre, beaucoup de personnes abusent du système, et il n'y a pas que des bonnes personnes. Il y a beaucoup de passeurs, et cela débouche souvent sur le trafic humain. Le trafic touche des personnes qui ont des chaînes invisibles et qui sont prises dans un système dans lequel elles font face à des situations extrêmement dangereuses. Notre pays a aussi la responsabilité de s'assurer que cela ne se produit pas, et c'est pourquoi une modification des processus s'impose.
Quels sont vos commentaires à ce sujet? Vous trois pouvez répondre à tour de rôle: où devrait se trouver le juste l'équilibre entre l'acceptation des réfugiés et la sécurité des Canadiens, compte tenu du fait que, parmi les faux réfugiés, certains sont des criminels et peut-être même des terroristes?
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N'importe quel système générera des faux positifs et des faux négatifs. Autrement dit, aucun système ne saisira parfaitement toutes les personnes que l'on veut inclure et toutes celles qui devraient être exclues.
Jusqu'à maintenant, il a été question presque uniquement des personnes qui devraient être exclues et de la façon dont le système accueille à tort leur demande. Très peu d'attention a été prêtée à ceux dont la demande a été rejetée, mais qui devraient être inclus dans le système ainsi qu'au nombre de personnes qui seront exclues dans le cadre d'un nouveau système, mais qui devraient voir leur demande accueillie. Cela nous ramène à la question de la nécessité d'un processus d'appel adéquat et d'autres types de recours.
En ce qui concerne le concept de faux réfugié dont la portée est si large, prenons l'exemple le plus populaire de faux réfugié, le préféré du gouvernement: les Roms. Selon de nombreuses sources, les Roms sont victimes d'une incroyable discrimination. Il reste à savoir si la discrimination escalade jusqu'à la persécution dans tous les cas, dans certains cas ou dans de nombreux cas.
Imaginez comment se sent une victime de discrimination extrême qui, par exemple, présente une demande d'asile et qui se fait dire: « Vous savez, vous êtes victime de discrimination, mais votre situation n'est pas assez grave pour être considérée comme de la persécution ». Cette personne n'est peut-être pas un réfugié, mais le fait de la placer dans la même catégorie de faux réfugiés qu'une personne qui, un matin, décide tout simplement de se rendre au Canada et de présenter une demande d'asile....