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Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Les Linklater, et je suis sous-ministre adjoint des Politiques stratégiques et de programmes à Citoyenneté et Immigration Canada. Je suis accompagnée de Claudette Deschênes, sous-ministre adjointe des Opérations à CIC.
Vous avez entrepris une étude à l'égard de l'arriéré des demandes et des temps d'attente auxquels les demandeurs sont confrontés. Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui pour prendre la parole à ce sujet.
[Traduction]
Comme vous le savez, le programme d'immigration du Canada est fondé sur un plan équilibré, déposé au Parlement tous les ans, à l'automne, lequel contient les nombres totaux de résidents permanents que le Canada prévoit accueillir au cours de l'année civile suivante. Le plan des niveaux d'immigration établit également les fourchettes prévues pour les admissions dans chacune des catégories liées aux résidents permanents. En d'autres termes, le plan des niveaux sert à limiter le nombre de personnes que nous accueillons chaque année.
Presque tous les ans, nous recevons beaucoup plus de demandes que nous ne sommes en mesure de traiter. Mais, je le répète, c'est le plan des niveaux d'immigration qui établit le nombre de personnes que le pays accueille, et non la capacité de traitement. Par conséquent, il en résulte l'accroissement de l'arriéré dans certaines catégories, ce qui cause de longs temps d'attente pour certains demandeurs, en particulier dans la catégorie du regroupement familial.
La catégorie du regroupement familial du Canada est fondée sur l'une des définitions de la famille les plus généreuses au monde, parmi les pays qui accueillent des immigrants. Le fait que nous permettons même à des parents et à des grands-parents d'être parrainés en est une preuve, et c'est ce qui nous distingue de presque tous les autres pays du monde. Les politiques en vigueur en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni sont plus strictes que celles du Canada pour ce qui est des parents, et les grands-parents ne sont autorisés à immigrer que dans des circonstances exceptionnelles dans ces pays.
En Australie, où aucune disposition n'existe au sujet des grands-parents, les demandeurs peuvent payer pour que leur demande soit traitée rapidement. Les personnes qui ne paient pas peuvent prévoir un temps d'attente d'environ 10 ans. Cependant, les nombres de demandes en suspens et les temps d'attente continuent de croître, même pour les personnes qui décident de verser la somme requise.
Au Royaume-Uni, seuls les parents complètement autonomes de plus de 65 ans peuvent être parrainés, et seulement environ 1 000 sont admis chaque année. La Nouvelle-Zélande permet aux grands-parents d'être parrainés, mais uniquement si les parents du répondant sont décédés. Les temps d'attente varient entre 24 et 30 mois.
Aux États-Unis, seuls des citoyens peuvent parrainer des demandeurs, mais le revenu minimum nécessaire est de 125 p. 100 du seuil de la pauvreté. Les grands-parents ne peuvent pas être parrainés.
[Français]
Le Canada, au contraire, accueille entre 15 000 et 18 000 parents et grand-parents chaque année, soit plus qu'en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni combinés.
[Traduction]
Notre système d'immigration est généreux, mais cette générosité a un coût: dans la catégorie des parents et des grands-parents, il y a actuellement environ 165 000 personnes dont la demande est en traitement. En vérité, nous avons suffisamment de demandes de parents et de grands-parents pour sept ans, et le problème ne fait que s'aggraver.
Au total, en date du 30 juin, il y avait un peu moins d'un million de personnes qui attendaient une décision dans toutes les catégories, et de plus en plus de personnes s'ajoutent chaque jour à la file d'attente. De nombreuses ressources sont nécessaires à la gestion de l'arriéré, et la mise en oeuvre de normes de service raisonnables est difficile puisque les longs temps d'attente dans beaucoup de catégories continuent de s'allonger.
Compte tenu du déséquilibre entre le nombre de demandes que nous recevons et le nombre de demandes que nous pouvons accepter, nous avons commencé, à CIC, à prendre des mesures pour limiter le nombre de demandes acceptées. Vous vous rappelez peut-être qu'avant 2008, il n'y avait aucun mécanisme en place pour la gestion des demandes reçues: toutes les personnes qui présentaient une demande s'ajoutaient à la file d'attente, et le gouvernement du Canada avait l'obligation de rendre une décision — favorable ou défavorable — pour chacune des demandes de visa de résident permanent.
Le budget 2008 a permis de modifier la situation. En effet, il prévoyait des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui est entrée en vigueur en avril 2008. Ces modifications donnaient au ministre le pouvoir de publier des instructions ministérielles, qui permettent au ministre de limiter le nombre de demandes acceptées afin de s'aligner sur la capacité de CIC de traiter les demandes dans des délais raisonnables.
[Français]
Simplement, les nouvelles demandes qui ne remplissent pas les critères énoncés dans les instructions peuvent ne pas être traitées. Par conséquent, aucune décision n'est rendue, et les frais sont remboursés aux demandeurs.
Il convient de mentionner que la loi précise que les instructions ne peuvent pas s'appliquer à la catégorie des réfugiés ou encore aux demandes présentées pour considérations d'ordre humanitaire présentées au Canada.
[Traduction]
Jusqu'à maintenant, ce pouvoir n'a été utilisé que trois fois, et uniquement dans la catégorie de l'immigration économique. Le premier ensemble d'instructions ministérielles a été publié en novembre 2008, dans le cadre du Plan d'action pour accélérer l'immigration. Il ne s'appliquait qu'aux travailleurs qualifiés du volet fédéral qui devaient avoir de l'expérience dans l'une des 38 professions en demande pour être admissibles à présenter une demande, détenir une offre d'emploi réservé ou résider légalement au Canada depuis au moins un an à titre de travailleur étranger temporaire ou d'étudiant étranger.
Le deuxième ensemble d'instructions ministérielles, publié en juin 2010, précisait la liste des professions et prévoyait une limite de 20 000 du nombre de nouvelles demandes présentées sans offre d'emploi réservé qui pouvaient être prises en considération dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) chaque année. Puis, en juin dernier, le troisième ensemble d'instructions ministérielles abaissait le plafond à 10 000, ce qui limitait également le nombre de demandes acceptées dans le Programme fédéral d'immigration des investisseurs, et instaurait un moratoire sur les demandes présentées au titre du Programme fédéral des entrepreneurs.
En somme, les mesures prévues permettaient au ministère de se concentrer sur les demandes déjà en traitement. Et nous avons en effet réalisé des progrès importants en ce qui concerne les objectifs à atteindre dans le cadre du Plan d'action pour accélérer l'immigration.
À la fin du deuxième trimestre de 2011, l'arriéré des demandeurs qui avaient présenté une demande en tant que travailleur qualifié (fédéral) avant février 2008 était légèrement inférieur à 314 000 personnes. Il s'agit d'une réduction de plus de 50 p. 100 du sommet de presque 641 000 atteint en février 2008.
Mais il est vrai qu'en raison du nombre inattendu de nouvelles demandes de travailleur qualifié (fédéral) que nous avons reçues à la suite de la publication du premier ensemble d'instructions ministérielles — avant que les limites ne soient imposées —, CIC est toujours confronté à un inventaire de demandes non traitées de quelque 140 000 personnes dans ce groupe. Combiné à l'arriéré d'avant 2008, cet inventaire prendra beaucoup de temps à éliminer, mais la bonne nouvelle, c'est que les personnes qui présentent une demande maintenant voient leur demande traitée dans un délai de six à douze mois.
[Français]
Ainsi, depuis 2008, il existe un mécanisme qui nous permet de gérer le nombre de nouvelles demandes. À mesure que ce nombre est réduit, les arriérés et les temps d'attente s'améliorent, parce que le traitement normal réduit graduellement le nombre de demandes à traiter. Ce mécanisme fonctionne, peu importe si le nombre d'admissions augmente ou reste stable. S'il augmente, le nombre de demandes à traiter diminuera plus rapidement.
Il faudra tout de même un peu de temps pour traiter les demandes qui restent. Le temps exact dépendra d'un certain nombre de facteurs, dont les suivants: le nombre de demandes retirées, le nombre de demandes traitées par les provinces et les territoires par l'entremise de renvois, et le nombre d'immigrants que nous accueillons chaque année en fonction du plan des niveaux d'immigration.
[Traduction]
Je tiens à souligner que le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec les provinces et les territoires dans le but d'établir le plan des niveaux. De nombreux facteurs sont pris en considération, notamment les répercussions sur les soins de santé et la capacité d'aider les nouveaux arrivants à s'établir et à s'intégrer dans leur communauté.
Pour ce qui est de l'avenir, monsieur le président, notre expérience nous a montré que le nombre de nouvelles demandes qui s'ajoutent au système chaque année doit être géré plus efficacement. Le seul fait d'embaucher un plus grand nombre d'agents ne suffira pas à régler le problème, parce qu'en l'absence de mesures de contrôle, les demandes s'accumulent, les temps d'attente s'allongent et les normes de service se détériorent.
La principale leçon que nous avons apprise est que la gestion efficace du nombre de nouvelles demandes que nous recevons est essentielle à la réduction des arriérés et à l'amélioration des temps d'attente.
Pour finir, monsieur le président, je tiens à dire que CIC s'efforce de traiter les demandes rapidement. Nous aimerions éliminer l'arriéré le plus vite possible, et le temps que les demandeurs passent à attendre nous préoccupe.
En dernier ressort, il est dans l'intérêt de tous de permettre aux demandeurs de cesser d'attendre afin qu'ils puissent entrer sur le marché du travail, retrouver leur famille et bénéficier des protections et des libertés que le Canada offre, et ce, le plus tôt possible.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
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Je vais commencer en vous disant que je ne connais pas le nom du système en français. Le
Global Case Management System — le
GCMS — est un système actuellement en place à l'étranger et qu'on est en train de mettre en place au Canada. Le système va nous permettre d'examiner les cas d'une façon différente. Présentement, on les examine du début à la fin en un même endroit. Par exemple, si le cas est traité dans une mission, c'est cette mission qui le traitera du début à la fin.
Ce système va donc nous permettre de décider ce qui doit être fait par la mission sur place et ce qui pourrait être fait dans un endroit centralisé. Il va aussi nous permettre d'avoir à notre disposition, dès le début, beaucoup plus de données sur le candidat. Par exemple, pour quelqu'un qui arrive comme étudiant et devient plus tard un immigrant et ensuite un citoyen, on va pouvoir raccourcir le temps de traitement et diminuer le travail qu'un agent doit faire.
Deuxièmement, on est en train de travailler sur des systèmes de demandes électroniques. En ce moment, on a des applications de codes à barres 2D, grâce auxquelles le personnel du gouvernement n'a pas à remplir tous les champs de données. C'est le candidat qui le fait et ensuite ces données sont automatiquement saisies dans notre système. On se dirige vers les e-applications et le e-storage, ce qui va nous permettre d'avoir dans notre système les données provenant des documents remis par la personne. Ensuite, on sera en mesure de bouger.
Par exemple, moi qui suis à Ottawa, je pourrais voir le dossier d'une personne aussi bien que quelqu'un d'autre à Beijing pourrait le faire. Présentement, les demandes de visiteurs de la Chine sont créées à Ottawa pour faciliter le travail. Or, ce système mondial va nous permettre sous peu de travailler presque 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour faire avancer les dossiers et donner un meilleur service aux clients. Toutefois, on n'est pas encore rendus là complètement. Il y a plusieurs choses à faire, mais on a déjà la plateforme qui va nous permettre de le faire.
Donnons un exemple très concret. Disons qu'une personne veut faire une demande de visa de visiteur. Par contre, en raison du travail qu'elle fait, elle doit se rendre dans un autre pays. Dans le premier pays, par exemple l'Iran, on peut traiter la demande et l'autoriser. Ensuite, la personne peut se présenter à notre consulat à Washington pour recevoir son visa.
La technologie va donc nous permettre de faire beaucoup plus que ce que nous pouvons faire présentement.
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Je dirais que nous avons, avec le modèle de capital humain en place depuis 2002, constaté d'importantes augmentations et améliorations côté résultats pour les travailleurs qualifiés du volet fédéral, catégorie pour laquelle les résultats avaient jusque-là été en recul.
Nous avons d'ailleurs achevé une évaluation du programme des travailleurs qualifiés du volet fédéral, et celle-ci figure sur notre site Web. Nos arriérés ont en vérité été utiles en ce qui concerne la méthodologie employée dans le cadre de l'évaluation. Nous accueillions des gens en même temps et dans les mêmes conditions sur le marché du travail, et ces gens avaient été choisis en vertu de l'ancienne grille axée sur les catégories professionnelles et en vertu du modèle de capital humain.
L'évaluation a fourni la preuve que les personnes sélectionnées en fonction de leurs niveaux d'aptitude en langue officielle et leurs niveaux d'instruction supérieure, dans le cas surtout de demandeurs auxquels un employeur s'est déjà engagé à fournir un emploi, ont tendance à se débrouiller extrêmement bien. De fait, ces personnes gagnent dans les trois ans plus que le revenu moyen de leurs homologues nés au Canada.
C'est ainsi que nous pouvons constater que les choses ont sensiblement changé. Avec le plan d'action et certains des changements instaurés récemment, telle l'évaluation linguistique obligatoire effectuée par une tierce partie, nous avons constaté des améliorations sur le plan de notre capacité de traiter les demandes de façon plus efficiente. Les demandeurs n'ont plus la possibilité de nous fournir un argument écrit, document qui n'indique pas vraiment à l'agent de visas dans quelle mesure l'intéressé comprend l'anglais ou le français ou est en mesure de s'exprimer dans l'une ou l'autre de ces deux langues. Avec l'évaluation linguistique effectuée par une tierce partie, nous obtenons maintenant des résultats correspondant aux quatre éléments que sont la lecture, l'écriture, la compréhension et l'expression.
Le processus est mené de manière sûre. Il nous permet d'avoir davantage confiance quant à l'aptitude linguistique des personnes que nous choisissons d'accueillir. Les candidats subissent l'évaluation avant de déposer leur véritable demande en tant que travailleurs qualifiés, et la demande dûment remplie nous parvient plus rapidement que ce ne fut le cas par le passé.
Ma collègue a invoqué le fait que cela a favorisé l'amélioration de l'efficience du traitement. Cela améliorera en bout de ligne davantage encore le résultat obtenu par les demandeurs agréés, du fait que nous avons une meilleure mesure de leur compétence dans les langues officielles.
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Je vais essayer d'expliquer du mieux que je peux la situation dans les pays comparables.
Aux États-Unis, la plus grande partie de l'immigration économique est alimentée principalement par des visiteurs arrivant sur visa temporaire, et qui obtiennent ensuite la résidence permanente une fois aux États-Unis. La répartition des différents types de visa est fixée par le Congrès chaque année. Donc, pour les visas H-1B, soit celui de travailleur qualifié, le chiffre est fixé par le Congrès et, relativement à la taille du marché du travail américain, est relativement faible.
En ce qui concerne le regroupement familial, il y a une stratification des priorités dans le système américain qui privilégie les conjoints et les enfants des citoyens, par rapport à leurs parents et frères et soeurs, qu'ils soient mariés ou non. Dans certains pays comme les Philippines, les délais d'attente peuvent dépasser 10 ou 12 ans dans certaines catégories.
La Nouvelle-Zélande a connu un arriéré dans le passé, qu'elle s'était efforcée d'éliminer par des mesures législatives. Je ne suis pas au courant des détails, mais en substance, l'on y a usé de pouvoir législatif pour liquider l'arriéré antérieur.
L'Australie a eu tendance à utiliser un système comparable à celui du Canada avec un plan de niveaux que le ministre de l'Immigration dépose chaque année et qui reflète les priorités du gouvernement australien d'année en année. Nous avons vu ces dernières années privilégier une augmentation assez considérable des chiffres d'immigrants qualifiés, ainsi qu'une augmentation des niveaux d'ensemble, bien qu'au cours de la récession, ces derniers aient été un peu revus à la baisse.
Le Royaume-Uni, sous le gouvernement actuel, examine des options visant à réduire l'immigration venant d'en dehors de l'UE et cherche à assurer en même temps l'intégrité du programme, particulièrement du fait que les étudiants étrangers sont nombreux à désirer rester en permanence au Royaume-Uni.
Je pense pouvoir dire que, comparé à la plupart des pays d'immigration, l'approche canadienne est relativement transparente et ouverte sur le plan des critères appliqués aux demandes des travailleurs qualifiés, de la place faite aux immigrants de la catégorie économique sélectionnés par les provinces et, comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, de par le fait que notre définition de la « famille » est beaucoup plus généreuse que celle de la plupart des autres pays, puisque nous autorisons le parrainage des parents et grands-parents.