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Bonjour. Je m’appelle Jenny Jeanes, et je coordonne le programme d’Action Réfugiés Montréal relativement à la détention. Merci de m’avoir invitée à venir vous parler de la détention liée à l’immigration.
Certains de mes commentaires se feront l’écho de certains témoignages entendus au cours de l’examen du projet de loi , mais ils sont également pertinents à la présente étude.
Action Réfugiés Montréal a été créé en 1994 par le Diocèse anglican de Montréal et l’Église presbytérienne du Canada par l’intermédiaire du Presbytère de Montréal. Notre mandat est notamment d’aider les demandeurs d’asile qui sont détenus au centre de prévention de l’immigration de l’ASFC à Laval, au Québec.
Depuis que je me suis jointe à Action Réfugiés Montréal en 2005, je visite chaque semaine le centre de prévention de l’immigration à Laval. J’y rencontre des détenus. Chaque semaine, nous rencontrons des demandeurs d’asile nouvellement arrivés qui sont pour la plupart détenus pour des raisons tenant à l’identification. Nous les aidons à comprendre les complexes procédures d’immigration, en particulier les démarches relatives à l’obtention du statut de réfugié. Nous les aidons à trouver un avocat, et nous fournissons des cartes d’appel à ceux qui en ont besoin pour appeler leur famille et leur demander d’envoyer des documents d’identification. Enfin, nous ciblons les détenus les plus vulnérables pour leur offrir une aide supplémentaire.
Je crois comprendre que vous avez visité trois centres de prévention. Cette expérience vous a permis d’acquérir de précieux renseignements au sujet des conditions de détention. Cependant, une seule visite ne suffit pas. J’espère arriver à vous brosser un tableau plus complet de la situation grâce à notre expérience, à savoir nos visites hebdomadaires dans le centre de prévention, notre suivi des dossiers par l’entremise des processus d’enquête, et notre présence aux contrôles des motifs justifiant le maintien en détention.
Ces renseignements sont essentiels à votre étude. Lorsque vous prenez des décisions concernant l’utilisation de la détention en vue de renforcer la sécurité, le gouvernement doit s’assurer de la présence de mesures de protection qui veilleront à ce que les gens qui fuient la persécution ne subissent pas d’autres préjudices. Il faut tenir compte des répercussions de la décision de détenir une personne.
Voici les quatre éléments dont j’aimerais vous parler aujourd’hui: la situation des enfants qui accompagnent leurs parents en détention; la considération inadéquate accordée au caractère vulnérable dans les décisions de détenir ou de maintenir en détention des gens; l’incapacité des commissaires de la Section de l’immigration de pleinement examiner la détention pour des raisons tenant à l’identification; et les répercussions de la détention sur les demandeurs d’asile. Tous les cas que je vais aborder aujourd’hui sont des demandeurs d’asile détenus pour des raisons tenant à l’identification.
Je crois que vous avez reçu des statistiques concernant le nombre d’enfants détenus au Canada chaque année. Il importe de comprendre que bon nombre des enfants qui passent du temps dans les centres de prévention ne sont pas officiellement détenus; ils accompagnent leurs parents détenus, et ces enfants ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques.
Le Conseil canadien des réfugiés a publié un rapport en 2009 mettant en lumière de tels cas. En théorie, ces enfants peuvent être laissés aux bons soins de quelqu'un d’autre; cependant, la majorité des familles...
Cependant, la majorité des familles que j’ai rencontrées en détention incluaient des enfants de zéro à cinq ans, voire des enfants encore allaités, et ce ne serait pas raisonnable ou même possible de les séparer de leurs parents. L’un des principaux problèmes avec les enfants qui accompagnent leurs parents est que la CISR ne tient pas compte de leur intérêt supérieur lorsqu’elle décide de maintenir en détention ou de libérer les parents.
J’aimerais vous faire part des histoires de quelques-unes des familles que nous avons rencontrées en détention.
Il y a le cas d’une Éthiopienne et de ses trois enfants de 4 ans, de 3 ans et de 18 mois. Lors de son contrôle des sept jours, son avocat a proposé de la placer dans un refuge connu pour les femmes et les enfants réfugiés, au lieu de la placer en détention. Il a fait savoir qu’il faudrait tenir compte de la présence de trois jeunes mineurs en détention. Cependant, il a été décidé de maintenir la détention, et la famille a passé 29 jours en détention. Au cours de cette période, les enfants ont été malades et ont dû se rendre plusieurs fois à l’hôpital.
Une Somalienne qui demandait l’asile a été détenue avec son jeune garçon qui était très malade. Après plus de 40 jours, la décision de les détenir a de nouveau été reconduite, en dépit d’affidavits de membres de sa famille qui confirmaient leur identité, en dépit de la présence d’une autre option, et en dépit de la santé de l’enfant.
Certains parents nous font part des difficultés avec lesquelles sont aux prises leurs enfants en détention, dont la peur, la difficulté à manger et à dormir, et l’inconfort physique. D’autres nous ont expliqué que même si la détention ne semblait pas perturber leurs enfants, leur propre degré de stress et d’anxiété avait des répercussions sur leurs enfants.
J’aimerais maintenant discuter de la détention de personnes vulnérables, dont les aînés, les gens qui ont des problèmes physiques ou des troubles mentaux, les femmes enceintes et les mineurs non accompagnés.
Voici notamment un problème qui survient, lorsque des demandeurs d'asile sont détenus pour des raisons tenant à l’identification. Lorsqu’il a été décidé de les arrêter et de les détenir, le caractère vulnérable des détenus n’entre plus directement en ligne de compte dans la décision de les libérer ou de maintenir leur détention. Il n’est pas clairement précisé que l’ASFC ou la CISR doit évaluer la possibilité de libérer les détenus s’ils sont vulnérables ou s’il survient des circonstances exceptionnelles.
En 2009, j’ai rencontré dans un centre de prévention une Congolaise de 75 ans qui demandait l’asile et qui était détenue pour des raisons tenant à l’identification. Elle avait d’importants problèmes de santé, et la barrière linguistique posait un gros problème. Dès son arrivée en détention, un travailleur social qui parlait la langue a proposé de l’aider et de l’héberger. Cette option a été approuvée par son représentant désigné, un travailleur social. Cependant, la femme a été détenue 17 jours; cette période a été très difficile pour elle, parce qu’elle était souffrante et qu’elle avait de la difficulté à communiquer, même à l’aide d’un interprète.
D’après notre expérience, bon nombre de personnes vulnérables sont détenues; non seulement cela les met à rude épreuve, mais cela gruge aussi les ressources de l’ASFC, alors qu’il existe souvent d’autres options. Il semble manquer de précision concernant la façon d’aborder les personnes vulnérables.
En 2010, l’ASFC a mené son propre examen interne appelé « Étude d’évaluation des programmes de détention et de renvoi de l’ASFC ». Dans son rapport final publié en novembre 2010, l’ASFC a déterminé des éléments à améliorer dans la détention, dont une meilleure formation en santé mentale et la nécessité d’avoir des lignes directrices plus précises concernant la façon d’aborder les personnes vulnérables, étant donné que les manuels de mise en application sont déficients à cet égard. Par conséquent, l’application n’était pas constante au Canada. Par exemple, il était extrêmement rare que des mineurs ou des gens avec des troubles mentaux ou d’autres besoins spéciaux soient détenus dans les régions de l’Atlantique ou des Prairies, comparativement aux autres régions.
Il faut mentionner un élément concernant les mineurs non accompagnés. Même si la loi et les règlements sont plus précis, à savoir que la détention est en dernier recours, nous avons constaté de nombreux cas où des mineurs non accompagnés ont passé un mois ou plus en détention, alors qu’il existait d’autres options. Pour vous donner un exemple assez spectaculaire. La mineure non accompagnée avait elle-même un bébé qu’elle allaitait et elle aurait pu être hébergée par des membres de sa famille au Canada.
J’aimerais maintenant m’attarder sur l’incapacité des commissaires de la CISR d’examiner adéquatement la détention pour des raisons tenant à l’identification. Contrairement aux motifs tenant du risque de fuite ou du danger pour la sécurité publique, les commissaires de la Section de l’immigration ne peuvent pas aller à l’encontre de la décision initiale d’un agent de l’ASFC de détenir une personne pour des raisons tenant à l’identification, peu importe la montagne de preuves fournies par le détenu, ou sa pleine collaboration, ou encore moins en raison de circonstances exceptionnelles.
Il arrive que soient déposés lors des contrôles des motifs justifiant le maintien en détention des documents auxquels l’agent responsable de l’arrestation ou de l’enquête n’avait pas accès. Il peut s’agir de nouveaux documents ou de témoignages importants. L’expérience des gens de la CISR concernant le traitement de cas de détention leur permet de se familiariser avec les enjeux pertinents à l’identification, mais ils ne peuvent pas s’assurer de l’identité d’une personne, peu importe leur expérience.
Par exemple, un demandeur d’asile kurde s’est présenté à un contrôle après avoir passé 40 jours en détention pour des raisons tenant de l’identification, en partie parce qu’il subsistait des doutes concernant l’authenticité de deux documents d’identité du HRC. Lors du contrôle, les commissaires ont reçu une lettre du HCR qui venait confirmer l’authenticité des documents. Par contre, le commissaire ne pouvait pas rendre de jugement concernant l’identité; il a donc décidé de prolonger de 12 jours la détention pour donner le temps à l’ASFC de confirmer les renseignements.
Dans d’autres cas, l’authenticité des documents avec des caractéristiques de sécurité a été confirmée, et les vérifications ont été faites. Néanmoins, l’ASFC a demandé de maintenir la détention pour d’autres motifs, dont l’attente d’un passeport. Dans de tels cas, le commissaire ne peut aller à l’encontre de l’opinion de l’ASFC concernant l’identité, même si divers éléments la confirment.
Tous ces facteurs grugent les ressources de l’ASFC, alors que d’autres options sont souvent possibles, mais j’aimerais mettre l’accent sur les répercussions sur les détenus. Au cours de nos visites hebdomadaires, les demandeurs d’asile nous expliquent à quel point ils trouvent la détention difficile.
Parmi les éléments que nous entendons très souvent, il y a la honte de devoir porter des menottes. Les menottes sont, pour plusieurs, un puissant symbole de châtiment. Ils parlent également de la honte d’être sous constante surveillance, la peur d’être déportés, et l’inconfort physique chronique, comme la constipation et l’épuisement.
Nous rencontrons régulièrement des détenus qui ne parlent ni anglais, ni français.
Janet Cleveland de l’Université McGill a traité dans ses travaux de recherche de l’effet de la détention sur la santé mentale des demandeurs d’asile.
Il y a le stress supplémentaire de devoir préparer sa demande d’asile en détention et sans intimité, en plus d’avoir de la difficulté à communiquer avec sa famille ou son avocat. Les détenus nous expriment régulièrement leur détresse de devoir remplir leur formulaire de renseignements personnels dans les 28 premiers jours. Cette situation s’empirera avec la réduction des délais en vertu du projet de loi .
À la lumière de mes commentaires, je crois que l’ASFC et la CISR devraient tenir davantage compte des autres solutions à la détention. Nous pourrions ainsi réduire non seulement les coûts humains de la détention, mais aussi les coûts financiers considérables.
J’ai récemment eu l’occasion de participer à une table ronde binationale sur les autres options à la détention. Cette table a été organisée par le HCR. De nombreuses options ont été proposées. Il était clair que les autres options peuvent être efficaces et nécessaires et que l’un des éléments clés est d’élaborer des outils pour le triage initial des personnes vulnérables.
Le HCR a publié de nouvelles lignes directrices relativement à la détention. Cette nouvelle orientation explique aux États quand la détention est raisonnable, proportionnée et nécessaire, et quand les autres options sont appropriées. Ces lignes directrices appellent à l’évaluation globale du caractère raisonnable de la détention en tenant compte de tous les éléments, y compris les considérations ou les besoins spéciaux.
Bonjour — ou plutôt bonsoir, dans mon cas —, chers membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant le comité aujourd’hui.
Au cours de ma déclaration, je mettrai l’accent sur les mesures que le Canada devrait prendre lorsque des personnes soupçonnées de crimes internationaux se trouvent sur son territoire.
Je suis conseiller juridique à REDRESS, un organisme international de défense des droits de la personne établi à Londres, qui cherche à rendre justice aux personnes qui ont survécu à la torture partout dans le monde. REDRESS a joué un rôle dans un certain nombre d’affaires jugées dans plusieurs pays du monde entier, des affaires visant à traduire en justice les auteurs de crimes internationaux, comme les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et la torture.
Les ressortissants étrangers soupçonnés de crimes internationaux peuvent être classés dans la vaste catégorie des immigrants, mais il est clair qu’ils forment un groupe particulier dont le traitement soulève des questions juridiques distinctes. Pour le moment, je vais me concentrer sur la situation qui a donné lieu à des inquiétudes par rapport aux pratiques canadiennes, c’est-à-dire que devrait ou doit faire un État lorsqu’il découvre de tels suspects sur son territoire?
Les règles du droit international sont très claires à ce sujet. La Convention contre la torture et les conventions de Genève de 1949 exigent que les États extradent les personnes soupçonnées de torture ou de crimes de guerre afin qu’elles soient traduites devant les tribunaux ou qu’ils exercent leur compétence afin de poursuivre ces suspects. En outre, on applique de plus en plus souvent ce principe aux génocides ou aux crimes contre l’humanité; en fait, ce principe est généralement reconnu et respecté dans les pratiques des États.
Plus de 125 États mettent en oeuvre des lois pertinentes à cet égard. Plus de 15 États ont intenté des poursuites en s’appuyant sur le principe de la juridiction extraterritoriale. En Europe, ces poursuites visaient des personnes ayant commis des crimes internationaux en Argentine, dans l’ancienne Yougoslavie, au Rwanda, en Afghanistan et en Irak.
Ces développements s’inscrivent dans le cadre d’un engagement que les nations ont pris de rendre justice aux victimes qui n’ont aucun autre recours et de veiller à ce que personne ne puisse infliger des souffrances intolérables à d’autres êtres humains, en toute impunité. À cet effet, le système international s’appuie sur la coopération des États et sur l’engagement qu’ils ont pris de traduire les auteurs de crimes internationaux devant les tribunaux appropriés. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel que les autorités nationales adoptent des lois qui leur permettront d’exercer leur compétence sur des crimes internationaux et que les institutions prennent des ententes visant à assurer l’efficacité des poursuites.
En effet, le Canada fait partie des pays qui ont pris l’initiative de tenir responsables les auteurs de crimes internationaux. La Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre que le gouvernement a adoptée en 2000 a été la première à intégrer dans des lois nationales le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Depuis, plusieurs États d’Europe ont suivi l’exemple du Canada. En règle générale, un État doit poursuivre un suspect repéré sur son territoire, à moins de l’extrader.
Mais plus important encore, la règle indique explicitement que l’extradition est la procédure officielle à utiliser dans les affaires criminelles. D’autres mesures, comme l’expulsion qui est employée dans le contexte de l’immigration, ne suffisent pas, à juste titre d’ailleurs, à satisfaire les obligations de l’État en vertu du droit international. Au cours des procédures d’extradition, les États collaborent activement avec d’autres États, conformément à leurs lois d’extradition, et cela signale que les États en question souhaitent que la justice pénale soit rendue. En revanche, les procédures d’expulsion visent à renvoyer une personne. L’État qui prend la mesure d’expulsion ne s’intéresse pas officiellement au sort de la personne expulsée. Celle-ci peut ou non être poursuivie pour crimes internationaux. Toutefois, l’État qui prend la mesure d’expulsion ne joue aucun rôle officiel dans ces procédures.
À ce stade, j’aimerais attirer votre attention sur les observations finales que le Comité sur la torture des Nations Unies a formulées en juin 2012 concernant le rapport de l’État partie présenté par le Canada. Dans ses observations, le comité indique qu’il craint que « la politique de l’État partie qui consiste à utiliser des procédures d’immigration pour refouler ou expulser des individus de son territoire plutôt que de le faire dans le cadre d’une procédure pénale crée un vide juridique réel ou potentiel pouvant ouvrir la voie à l’impunité. » Cela signifie que les personnes « ont été expulsées et n’ont pas été jugées dans leur pays d’origine. »
Par conséquent, le comité recommande que le Canada exerce sa compétence sur les personnes responsables de la torture, y compris les ressortissants étrangers. Il met en évidence le fait que le Canada « devrait redoubler d’efforts, notamment en débloquant davantage de ressources, afin de s’assurer que dans le cadre de sa politique consistant à refuser d’abriter des criminels de guerre, la priorité soit accordée aux procédures pénales ou d’extradition plutôt qu’à l’expulsion et au renvoi. »
Cela revêt une importance particulière, étant donné qu’il est possible que le Canada ne soit pas en mesure d’obtenir l’extradition d’un suspect, ni de le renvoyer dans le pays concerné parce qu’il risque véritablement d’être torturé, de subir de mauvais traitements ou d’être persécuté, s’il retourne là-bas. C’est dans ces cas-là qu’un État doit être prêt à intenter des poursuites. S’il néglige de le faire, il contrevient à ses obligations internationales.
Il y a aussi de bonnes raisons politiques d’adopter une politique qui vise à poursuivre les personnes soupçonnées de crimes internationaux repérées au Canada.
Premièrement, cela indique clairement aux auteurs de crimes qu’ils ne sont pas les bienvenus.
Deuxièmement, cela évite au Canada de se retrouver dans des situations où il risque d’être accusé de tolérer la présence de criminels de guerre sur son territoire ou d’avoir à prendre des mesures comme l’expulsion qui ne garantissent pas que justice sera rendue.
Troisièmement, cela souligne l’engagement du Canada à l’égard de la justice internationale. Ainsi, il est en mesure d’assumer un rôle de chef de file et de parler avec une plus grande légitimité lorsqu’il cherche à prévenir des crimes internationaux à l’échelle mondiale et d’intervenir à cet égard.
Quatrièmement, une telle politique et une telle pratique établissent un précédent et ont un effet potentiellement dissuasif, si elles sont coordonnées avec d’autres États. Ainsi, toute dépense engagée dans des poursuites contre des auteurs de crimes internationaux constitue un bon investissement dans la paix et la stabilité internationales.
Cinquièmement, pour calquer le premier point, le Canada indiquerait clairement qu’il se range du côté des victimes de crimes internationaux. Bien que l’adoption d’une telle position puisse ne présenter aucun avantage à court terme, elle poursuit sur la lancée des précédents historiques qui sont indispensables à un ordre international stable et juste et à la solidarité internationale.
Qu’est-ce que tout cela signifie en pratique? Lorsque des personnes soupçonnées de crimes internationaux se trouvent sur son territoire, le Canada devrait collaborer avec les autres États en vue de s’assurer qu’elles sont tenues responsables de leurs crimes. De même, il est important que le Canada déploie des efforts énergiques pour renforcer la capacité de ses autorités à enquêter sur les personnes soupçonnées de crimes internationaux et à les traduire en justice lorsque celles-ci ne peuvent pas être extradées pour subir leur procès.
L’expérience que l’Europe a acquise à cet égard peut être utile. Bien qu’il y ait toujours un certain nombre de problèmes à surmonter, l’Union européenne a pris des mesures pour renforcer la collaboration entre les États afin d’accroître l’efficacité des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes internationaux.
Plusieurs pays ont été inspirés par le Programme canadien sur les crimes de guerre. La Belgique, le Danemark, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et la Suisse ont constitué au sein de leurs services de police ou de leurs services des poursuites des unités spécialisées qui se consacrent aux affaires ayant trait à des crimes internationaux. Toutefois, il est crucial à l’heure actuelle — et cela s’applique également au programme canadien sur les crimes contre l’humanité et sur les crimes de guerre — que nous affections suffisamment de ressources à ces programmes pour qu’ils puissent s’acquitter efficacement de leurs tâches. En l’absence de ces efforts conjugués, nous risquons que les atrocités et les crimes internationaux ainsi que l’instabilité et les souffrances qui s’y rattachent ne prennent jamais fin.
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Merci, monsieur le président. Je suis heureuse de vous revoir. Vous nous avez assurément manqué. Je suis également heureuse de vous revoir, madame Jeanes, et j’aimerais souhaiter la bienvenue à notre invité de l’étranger.
Je vais commencer par poser des questions à M. Oette. J’espère que j’ai prononcé votre nom correctement.
Comme vous le savez, nous étudions la sécurité. Vous êtes probablement au courant qu’au Canada, le système d’octroi de l’asile nous cause des problèmes. Je vais décrire un certain cas digne de mention et, ensuite, je vous poserai quelques questions liées à celui-ci.
Le cas en question concerne un homme appelé Mahmoud Mohammad Issa Mohammad qui a commis des actes terroristes en collaboration avec le Front populaire de libération de la Palestine. En dépit du lien qu’on a établi entre lui et le terrorisme, lien qui ne peut être contesté, il a été en mesure de demeurer au Canada depuis 1987. Il y est parvenu en présentant une série d’appels judiciaires, un processus qui a coûté aux contribuables canadiens — et vous voudrez peut-être prendre ce montant en note — trois millions de dollars.
Je vous ai écouté parler de la façon dont nous devons traiter les gens qui sont déjà au Canada et que nous devons renvoyer, et un autre témoin a parlé cet après-midi des demandeurs d’asile qui sont détenus parce que l'on ignore leur identité.
La question que je souhaite vous adresser, monsieur Oette, est la suivante: comment peut-on empêcher quelqu’un, qui représente une menace pour la sécurité du Canada, de venir ici, et éviter d’accueillir quelqu’un comme M. Mahmoud Mohammad Issa Mohammad qui a coûté trois millions de dollars aux contribuables canadiens et qui habite ici depuis 1987? Quelles sont les lacunes du système de contrôle canadien qui lui ont permis d’entrer au Canada en premier lieu?
Le fait que le comité ait visité les centres de prévention au Canada a été, selon moi, une initiative très importante. Je vous en félicite. J'ose croire que mes commentaires, aujourd'hui, vont compléter cette information. En effet, en visitant le centre, on peut voir quelles sont les conditions, mais on ne peut pas vraiment se faire une idée des procédures qui entourent la détention.
Pour ce qui est des conséquences sur les réfugiés et leur intégration, il faut savoir que plusieurs des personnes dont je parle aujourd'hui ont été par la suite acceptées en tant que personnes réfugiées et ont commencé à vivre au Canada. Dans certains cas, ces personnes finissent par obtenir la citoyenneté. Les premiers jours, les premières semaines ou les premiers mois sont passés en détention. Les répercussions s'atténuent peut-être par la suite, mais à mon avis, il est important de trouver un équilibre entre les mesures de sécurité et, comme vous le dites, les questions d'ordre humanitaire.
L'objectif de notre organisme n'est pas de considérer les coûts financiers de la détention, mais c'est un élément important. Quand il y a des mineurs, des gens malades et des personnes âgées, ça demande beaucoup plus de ressources de la part de l'agence. Par exemple, le transport vers l'hôpital coûte cher. En outre, le centre a besoin de plus de gardiens de sécurité et de services d'éducation spécialisée. Ce sont des coûts énormes.
Or dans l'optique où le gouvernement voudrait vraiment considérer les questions de sécurité, il serait possible de dépenser cet argent autrement. Il faut tenir compte de la vulnérabilité des personnes durant les procédures et de tous les facteurs de la détention. Je pense que les directives du HCR sont très utiles en ce sens. En effet, il dit clairement qu'il est nécessaire de considérer tous les facteurs, que ce soit l'identité, la vulnérabilité ou toutes les autres solutions possibles. Pour promouvoir la sécurité, il faut vraiment trouver un équilibre entre les sommes dépensées en matière de détention.
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Je promets de ne pas utiliser tout le temps qui m'est alloué étant donné que j'ai parlé plus longtemps que prévu la dernière fois. Vous avez fait preuve de beaucoup de patience.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier une fois de plus de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Je suis désolée de ne pas avoir de copies de mes remarques à vous remettre. Nous avons malheureusement manqué de temps.
Nous aimerions aborder deux points dans votre domaine d'études. Je commencerai avec la question de la détention.
Le comité a déjà entendu dire que la majorité des personnes détenues pour des raisons d'immigration le sont à cause de leur identité ou parce qu'elle attendent d'être déportées et que l'on a déterminé qu'elles risquaient de s'enfuir. La majorité des personnes détenues sont dans des cellules de détention provisoire de l'immigration et les autres se trouvent dans des prisons provinciales.
Nous sommes profondément préoccupés par les deux situations, mais surtout la dernière, le fait que des personnes qui n'ont pas été accusées ou trouvées coupables d'un crime soient détenues dans les mêmes conditions que celles qui l'ont été se trouvent à être punies.
Bien que l'intérieur des centres de surveillance de l'immigration ne ressemble pas à celui des prisons provinciales, lorsqu'une personne doit sortir pour consulter un médecin par exemple, elle est souvent menottée, enchaînée et traitée comme une criminelle. Je sais que vous avez ce rapport. Il faisait partie de l'exposé que le M. Cleveland a fait devant le comité en avril concernant le projet de loi .
Nous savons que les personnes détenues dans les centres de surveillance de l'immigration renoncent souvent à consulter un médecin parce qu'elles ne veulent pas subir l'humiliation et le traumatisme d'être traitées comme des criminelles.
Les enfants qui se trouvent dans ces centres continuent de nous préoccuper. Je sais que ma collègue, Jenny Jeanes, en a aussi parlé. Nos lois en vigueur font en sorte qu'ils soient détenus avec leurs parents.
Nous avons été ravis de voir que lorsque le projet de loi est revenu, le gouvernement avait supprimé la détention automatique des enfants. Bien que ce ne soit pas inscrit dans le projet de loi en question, la triste réalité est que les jeunes enfants se retrouvent en détention avec leurs parents parce que sinon, ils seront séparés de la seule personnes — ou des seules personnes, si les deux parents sont détenus — qu'ils connaissent et en qui ils ont confiance, et seront confiés à des étrangers.
Dans une situation comme dans l'autre, les enfants et leurs parents sont sérieusement touchés. Il n'est pas surprenant que bien des parents choisissent de garder leurs enfants avec eux. Je crois qu'à mon dernier passage, j'ai parlé de cette situation en disant que cela équivalait à demander aux parents de choisir entre la peste et le choléra, c'est-à-dire entre placer leurs enfants en détention ou les remettre à la charge de l'État.
Nous nous préoccupons aussi du fait que des enfants âgés de 16 à 18 ans soient placés en détention. Des témoins du gouvernement ont dit au comité que 500 enfants étaient détenus l'an dernier et qu'il s'agissait de réfugiés. Certains de nos collègues qui se sont adressés au comité ont déjà fait remarquer que ces chiffres ne saisissent pas toute l'ampleur de la situation des enfants détenus avec leurs parents...
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Dykstra, lorsque nous avons reçu l'invitation, nous avons soigneusement examiné la portée de l'étude et nous avons veillé à ce que la détention et la déportation cadrent bien avec le sujet. Voilà pourquoi nous avons choisi d'aborder ces deux questions cet après-midi.
Pour ce qui est des enfants, bien des études ont démontré que l'incarcération, surtout celle des enfants, a un effet néfaste. Les travailleurs de première ligne dans les organismes membres de l'OCASI en parlent souvent.
Bien des personnes détenues ont quitté des situations traumatisantes et leur détention les traumatise à nouveau. Nous croyons que le traumatisme causé aux enfants est profondément troublant et qu'il aura des effets à long terme.
Si les statistiques montrent que la majorité des détenus sont libérés dans les 20 jours environ, un nombre considérable de personnes sont toutefois détenues bien plus longtemps. Plus elles passent de temps en détention, plus elles seront touchées et plus elles auront de la difficulté à s'ajuster à la vie à l'extérieur des centres de détention.
La détention est une option coûteuse pour le gouvernement s'agissant du tort qu'elle cause aux humains et des coûts sociaux et sanitaires à long terme, mais aussi au plan économique, si l'on songe par exemple aux coûts de construction et d'entretien des centres de détention à la grandeur du pays. Avec la mise en oeuvre du projet de loi , nous nous attendons à ce que ces chiffres augmentent.
Si j'ai mentionné tout cela, c'est que je veux parler de solutions de rechange.
J'ai moi aussi assisté, il y a deux ou trois semaines, à la réunion bilatérale organisée par la section canadienne et la section américaine de l'UNHCR. Des représentants de Citoyenneté et Immigration et de l'ASFC ont témoigné, ainsi que leurs collègues de l'Australie, des États-Unis et de la Suède. Ce qui a surpris les représentants du Canada, c'est que nous semblons vraiment tirer de l'arrière au chapitre des programmes officiels qui cherchent d'autres solutions que la détention.
Le témoin précédent vous a dit que l'Australie en particulier avait des programmes assortis de conditions qui traitent les questions de sécurité. Nous ne parlons pas de solutions de rechange qui permettraient, par exemple, à des criminels de guerre d'être libérés, mais qui accorderaient une attention particulière à ceux qui sont à faible risque, ceux qui sont vulnérables, comme les femmes enceintes ou les personnes devant être déportées qui sont prêtes à rentrer au bercail et qui n'ont pas besoin d'être en détention.
Ici au Canada, le seul programme que nous pouvons citer en exemple est le Programme de cautionnements à Toronto. C'est assurément une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer. L'Australie travaille en très étroite collaboration avec la Croix-Rouge, mais aussi avec d'autres organismes de la société civile et des ONG. Ils ont mis en place des programmes assez exhaustifs et efficaces dans le cadre desquels les personnes qui n'ont pas leur place dans un centre de détention et qui suivent le processus, aux fins d'identification ou de déportation, ont la possibilité de vivre dans la collectivité jusqu'à leur expulsion. Nous croyons — et elles ont témoigné à cet égard — que c'est certainement plus humain et économique. Le taux de conformité au programme est de 90 p. 100.
C'est bien entendu une option que je recommande fortement. Il est temps que le Canada envisage une autre solution officielle à l'échelle nationale que les programmes de détention. J'aimerais beaucoup en parler lorsque j'aurai terminé mon exposé.
Avant que mon temps ne soit écoulé, j'aimerais aussi parler du deuxième point, c'est-à-dire l'incidence de la . Mes préoccupations sont fondées sur deux facteurs. Premièrement...
Merci, mesdames et messieurs les députés, de l'invitation à témoigner aujourd'hui. Je suis honoré de participer à ces discussions importantes.
Concernant la sécurité du système d'immigration au Canada, je veux parler en particulier de la façon de s'occuper des menaces, notamment en vertu de l'article 34 de la LIPR.
Comme le président l'a indiqué, je suis avocat. Même si je pratique toujours un peu, je me consacre surtout aux études doctorales sur l'application des dispositions de sécurité au Canada et dans d'autres régions. J'ai publié dernièrement un article sur la question dans la revue de Georgetown sur le droit de l'immigration.
Je vais d'abord raconter l'histoire de Habtom Kibraeb, que vous connaissez peut-être. Cet homme d'Halifax a pris la route avant de se suicider en février 2010. C'est un événement tragique qui a attristé bien des gens là-bas.
Avant d'arriver au Canada, M. Kibraeb faisait partie du mouvement des Érythréens qui visaient à créer un nouveau pays et à se séparer du régime très oppressif d'Éthiopie.
Il a été reconnu universellement que le mouvement voulait faire respecter les droits de la personne et que son objectif était démocratique. Le Canada a été un des premiers pays à reconnaître la légitimité du mouvement de libération des Érythréens et il a ouvert une ambassade dans le nouvel État d'Érythrée très peu de temps après sa création.
À l'époque, on ne se demandait pas si le mouvement d'indépendance violait les droits de la personne. En fait, c'était le contraire. La lutte visait à améliorer le respect des droits de la personne pour les Érythréens.
Étant donné que, 20 ans plus tard, M. Kibraeb était en grave danger dans son pays, il est venu au Canada. Mais les autorités d'immigration ont déclaré qu'il constituait une menace terroriste et qu'il était interdit de territoire aux termes de l'article 34.
La sécurité du Canada et des frontières n'était pas menacée, et il ne faut pas présenter ce cas de la sorte. Toutefois, M. Kibraeb a été détenu en vertu de l'article 34, qui porte sur la sécurité. Personne n'a jamais allégué que M. Kibraeb menaçait le Canada. Le problème, ce sont les activités auxquelles il avait participé et le mouvement qu'il avait soutenu une vingtaine d'années plus tôt.
Je ne dis pas que les autorités ou les agents d'immigration du Canada ont causé la mort tragique de M. Kibraeb. Ce dont je veux parler aujourd'hui et ce que cette histoire montre, c'est que les mauvaises décisions en matière de sécurité et d'immigration ruinent des vies. C'est arrivé à M. Kibraeb, mais je l'ai constaté moi-même dans bien des cas. Voilà ce dont je veux parler aujourd'hui.
Le processus empêche les gens qui ne peuvent pas retourner dans leurs pays, parce qu'ils sont menacés comme tout le monde le reconnaît, de travailler au Canada. Il les force à demander de l'aide sociale et annule les prestations de soins de santé qu'ils recevaient. Surtout, le processus les contraint à vivre dans la peur constante de retourner dans leurs pays, où ils seront tués. Les gens doivent envisager d'être séparés de leurs familles, dont bien des membres vivent ici avec eux et ne sont pas menacés d'interdiction de territoire. C'est évidemment déchirant pour toute la famille.
C'est tout simplement indéniable que les dispositions sur l'interdiction de territoire de l'article 34 concernent beaucoup plus de gens que ceux qui représentent une menace pour la sécurité au Canada. Les dispositions de l'article 34 sont claires et elles incluent tous les membres du Congrès national africain. Nous l'avons constaté, et nous nous efforçons d'obtenir une exemption pour eux. Les militaires des forces armées des États-Unis sont aussi visés de façon catégorique.
Vous connaissez sans doute l'article 34. J'indique quand même que tous ceux qui se livrent à la subversion contre les gouvernements ou qui ont commis des actes visant à renverser un gouvernement par la force sont visés de façon catégorique et sont interdits de territoire.
Qu'est-ce qui se produit alors? Le pouvoir discrétionnaire est exercé pour accepter certaines personnes et en refuser d'autres et pour renvoyer des gens et permettre à d'autres de rester ici.
La façon dont le processus s'applique très souvent est fascinante et troublante.
En effet, le temps n'est pas pris en compte dans l'interprétation des dispositions de l'article 34. Ce dernier porte sur tous les membres d'une organisation qui cherchait à renverser un gouvernement répressif ou démocratique. Par exemple, la personne qui se joint aujourd'hui à un parti ou à une organisation qui tentait de renverser un gouvernement il y a 100 ans est tout de même interdite de territoire, selon la loi.
Le problème, c'est que le pouvoir discrétionnaire sert à prendre des décisions fondamentales sur la sécurité nationale et sur les gens dont la vie pourrait être menacée dans leurs pays.
À mon avis, le comité doit tenir compte de trois aspects concernant les facteurs et les décisions prises en vertu du pouvoir discrétionnaire.
Tout d'abord, il est essentiel que le comité suggère au Parlement d'appliquer des exemptions plus larges pour certaines personnes. Par exemple, nous savons que les membres du Congrès national africain ne représentent pas une menace pour le Canada, même s'ils ont participé à des activités visées par l'article 34.
Les États-Unis ont pris ce genre de mesures. Ils exemptent les gens qui font partie d'organisations non terroristes et qui ne constituent pas une menace pour le pays, mais qui sont visés par les lois sur le terrorisme et l'immigration.
En août, la secrétaire Napolitano a mis en oeuvre une large exemption pour que les membres d'organisations non préoccupantes ne risquent pas d'être renvoyés et de subir la persécution et la torture en raison de leur affiliation.
De plus, nous devons mieux former ceux qui exercent un pouvoir discrétionnaire et qui prennent les décisions relatives aux gens qui présentent ou non une menace pour la sécurité nationale. C'est nécessaire, car les gens de partout dans le monde qui immigrent au Canada en raison de conflits sont placés dans des situations complexes.
C'est très facile d'englober beaucoup de personnes, mais c'est bien plus difficile et bien plus important de ne pas ratisser trop large pour éviter d'inclure ceux qui ne constituent pas, de l'avis de tous, une menace pour le Canada. Nous pourrions entre autres adopter une exemption plus vaste et renforcer la formation sur les décisions à prendre et sur les gens qui présentent ou non une menace. Je pourrai en parler plus en détail.
Enfin, le projet de loi modifie le paragraphe 34(2) sur l'exemption. Je ne veux pas parler de ce projet de loi, mais la disposition en fait partie, même si elle est modifiée.
Je suis convaincu que la décision ne doit pas être prise par le ministre. La décision lui est toujours revenue, mais je vous invite à examiner la possibilité de modifier le processus. Je dirais que les ministres conservateurs ou libéraux n'ont peut-être jamais fait un bon travail dans la prise de décisions sur les exemptions. Les politiciens ont du mal à prendre de telles décisions, qui sont difficiles par nature. Ils hésitent à exempter des gens visés par les mesures législatives contre le terrorisme.
L'arriéré des décisions liées au paragraphe 34(2) est tout simplement abominable. Les délais s'élèvent à 10 ans pour ceux dont la vie est en suspens. Bien des études donnent à penser que les délais liés aux décisions d'immigration peuvent représenter une torture supérieure à celle que les gens ont subie dans leurs pays. Pour être tout à fait honnête, je trouve horrible de devoir attendre 10 ans pour obtenir une décision.
Je vais en rester là. Je suis impatient de discuter davantage de ces questions.
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Bien sûr. Merci beaucoup.
En fait, cette question s'inscrit dans la même veine que celles que M. Opitz a posées et auxquelles je n'ai pas pu terminer de répondre. Comme vous l'avez dit, monsieur Chisholm, il est possible d'identifier les gens qui suscitent des inquiétudes et ceux qui n’en suscitent pas. C'est précisément ce que le département de la Sécurité intérieure a fait aux États-Unis.
Aux États-Unis, les organisations sont classées en catégories: il y a les organisations de la première catégorie, celles de la deuxième catégorie et celles de la troisième catégorie. En règle générale, ces catégories correspondent au degré de menace possible. Ainsi, une organisation comme Al-Qaïda ferait partie de la première catégorie. Les organisations de la troisième catégorie seraient tout à fait différentes.
L'exonération prévue s’applique à toutes les organisations de la troisième catégorie, mais il y a quelques exceptions. C’est le cas, par exemple, lorsque des preuves indiquent qu'une personne a eu recours à la violence pour faire avancer sa cause ou qu'un membre d’une organisation de la troisième catégorie est susceptible d’avoir ciblé, dans le cadre d’une autre fonction, un intérêt américain ou un citoyen américain.
Il y a donc des exceptions, mais de façon générale, cette disposition vise les gens qui appartiennent à ces organisations. Le département de la Sécurité intérieure a fait ses devoirs et a créé, en collaboration avec divers intervenants, une liste d'organisations qui se rapportent généralement à l'exemple que j'ai donné. On parle ici de gens qui ont déjà fait partie d’organisations qui appuyaient des conflits isolés, régionaux, nationaux ou intérieurs n’ayant rien à voir avec la sécurité des États-Unis.
À la rigueur, c'est ce que je propose au comité d'examiner sérieusement parce que, pour vous dire franchement, c'est une perte de ressources que de s'occuper de ces cas. Une exemption générale des personnes qui ne présentent pas de risque est un premier pas dans la bonne direction pour nous placer sur le même pied que les États-Unis, qui ne sont généralement pas connus comme étant moins vigilants que le Canada en matière de sécurité.
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Nos alliés dans le monde qui utilisent d'autres méthodes que les programmes de détention déterminent la vulnérabilité et, par conséquent, le risque.
Souvent, par exemple, les femmes qui voyagent avec leurs enfants ne sont pas gardées en détention lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'elles ne représentent pas une menace. Elles sont souvent hébergées ailleurs pendant qu'on examine leurs documents d'identité.
Il est parfois impossible de déterminer l'identité de gens provenant de certains pays, d'États défaillants, qui arrivent dans notre pays. La question est alors de savoir si nous devons détenir ces gens indéfiniment ou prendre un risque raisonnable, supposer qu'ils ne constituent pas une menace pour nous et leur fournir des conditions d'hébergement plus appropriées. Nous pourrions certainement nous pencher sur cette question.
Chose intéressante, quand nous avons discuté avec nos homologues américains, à Buffalo, ils nous ont dit qu'au cours des quatre dernières années, les gens du Département de la sécurité intérieure ont pris la décision de concentrer davantage leurs efforts et leurs ressources sur les problèmes de criminalité. Au lieu de chercher à attraper les gens ayant des problèmes d'immigration et d'identité et de les détenir, ils ont consacré tous leurs efforts à cibler ceux qui ont commis des crimes, qui ont été expulsés, mais qui sont revenus au pays et qui ont poursuivi leurs activités criminelles. Ils ont ensuite collaboré avec des organismes, qui malheureusement, aux États-Unis, sont à but lucratif, afin de trouver une solution de rechange pour les autres personnes aux prises avec des problèmes d'immigration et d'identité seulement.
Je pense qu'une discussion s'impose au Canada au sujet de ce que nous devrions faire au lieu de détenir toutes les personnes jusqu'à ce que nous ayons déterminé leur identité, ou parce que ce sont des cas d'arrivées dites irrégulières ou quoi que ce soit d'autre qui sera prévu dans le projet de loi .
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J'ai été très heureux d'entendre ce que vous aviez à dire, madame Douglas. Comme vous, je me préoccupe beaucoup des droits de la personne. Nous avons probablement beaucoup de choses en commun. Je suis le fondateur de la
Canadian Constitution Foundation, dont l'objectif est de défendre les Canadiens lorsque les gouvernements les bousculent.
Je crois que si nous ne posons pas la bonne question, nous n'obtiendrons pas la bonne réponse. Si nous demandons si nous nous inquiétons au sujet des gens qui sont détenus à tort, je répondrais que oui, je trouve regrettable que des gens soient détenus alors qu'ils ne devraient pas l'être. Mais si nous nous demandons plutôt si nous devons mettre fin au système de protection des réfugiés parce que nous ne pouvons pas identifier les gens, ou parce que nous n'avons pas les mesures de sécurité nécessaires, alors de toute évidence, nous refuserons la demande de toutes les personnes qui sont réellement persécutées dans leur pays. Tout le monde ici conviendrait qu'il s'agit d'une mauvaise décision.
Le parallèle que nous pourrions faire, et je demanderai à M. Grant de nous dire ce qu'il en pense dans un instant, c'est de nous demander si nous devrions abandonner notre système de justice pénale par crainte d'une condamnation injustifiée. Nous sommes humains, et nos institutions sont imparfaites; des erreurs se produiront, quoi que nous fassions. Mais la plupart des gens diraient qu'il nous faut tout de même un système de justice pénale et que nous pouvons améliorer progressivement son efficacité.
Selon moi, en nous servant de la biométrie, par exemple, nous améliorons l'exactitude de nos décisions afin d'en arriver à placer les bonnes personnes en détention. Nous détiendrons tout de même des personnes qui, en fin de compte, n'auraient pas dû être détenues, mais c'est le prix à payer pour le système de protection des réfugiés, n'est-ce pas?
J'ai relu les remarques que vous avez faites en avril, à propos du projet de loi . Vous avez dit vous inquiéter au sujet de la caractérisation des réfugiés et craindre que les Canadiens se forgent une opinion de plus en plus négative des réfugiés. N'est-il pas vrai que leur opinion serait encore plus négative si nous n'avions pas mis en place des dispositions en matière de sécurité pour les rassurer quant au maintien de notre programme pour les réfugiés?
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?