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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 15 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Il s’agit de la 53e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration. Selon l’ordre du jour, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude « Protéger nos foyers et nos droits: garantir la sécurité du système canadien d’immigration ».
    Au cours de la première heure, nous aurons deux témoins. La première est partie de Montréal pour venir témoigner devant notre comité. Je vous présente Jenny Jeanes d’Action Réfugiés Montréal. Vous avez déjà témoigné devant notre comité concernant le projet de loi C-31. Vous êtes coordonnatrice des programmes. Merci de venir témoigner encore une fois.
    Par vidéoconférence, nous avons Lutz Oette qui se trouve à Londres, en Angleterre. Il est avocat pour le compte du groupe REDRESS. Monsieur, m’entendez-vous?
    Oui. C’est bien.
    Merci, monsieur, de prendre le temps de venir nous parler.
    Vous aurez chacun 10 minutes, puis nous vous poserons des questions.
    Madame Jeanes, allez-y en premier.
    Bonjour. Je m’appelle Jenny Jeanes, et je coordonne le programme d’Action Réfugiés Montréal relativement à la détention. Merci de m’avoir invitée à venir vous parler de la détention liée à l’immigration.
    Certains de mes commentaires se feront l’écho de certains témoignages entendus au cours de l’examen du projet de loi C-31, mais ils sont également pertinents à la présente étude.
    Action Réfugiés Montréal a été créé en 1994 par le Diocèse anglican de Montréal et l’Église presbytérienne du Canada par l’intermédiaire du Presbytère de Montréal. Notre mandat est notamment d’aider les demandeurs d’asile qui sont détenus au centre de prévention de l’immigration de l’ASFC à Laval, au Québec.
    Depuis que je me suis jointe à Action Réfugiés Montréal en 2005, je visite chaque semaine le centre de prévention de l’immigration à Laval. J’y rencontre des détenus. Chaque semaine, nous rencontrons des demandeurs d’asile nouvellement arrivés qui sont pour la plupart détenus pour des raisons tenant à l’identification. Nous les aidons à comprendre les complexes procédures d’immigration, en particulier les démarches relatives à l’obtention du statut de réfugié. Nous les aidons à trouver un avocat, et nous fournissons des cartes d’appel à ceux qui en ont besoin pour appeler leur famille et leur demander d’envoyer des documents d’identification. Enfin, nous ciblons les détenus les plus vulnérables pour leur offrir une aide supplémentaire.
    Je crois comprendre que vous avez visité trois centres de prévention. Cette expérience vous a permis d’acquérir de précieux renseignements au sujet des conditions de détention. Cependant, une seule visite ne suffit pas. J’espère arriver à vous brosser un tableau plus complet de la situation grâce à notre expérience, à savoir nos visites hebdomadaires dans le centre de prévention, notre suivi des dossiers par l’entremise des processus d’enquête, et notre présence aux contrôles des motifs justifiant le maintien en détention.
    Ces renseignements sont essentiels à votre étude. Lorsque vous prenez des décisions concernant l’utilisation de la détention en vue de renforcer la sécurité, le gouvernement doit s’assurer de la présence de mesures de protection qui veilleront à ce que les gens qui fuient la persécution ne subissent pas d’autres préjudices. Il faut tenir compte des répercussions de la décision de détenir une personne.
    Voici les quatre éléments dont j’aimerais vous parler aujourd’hui: la situation des enfants qui accompagnent leurs parents en détention; la considération inadéquate accordée au caractère vulnérable dans les décisions de détenir ou de maintenir en détention des gens; l’incapacité des commissaires de la Section de l’immigration de pleinement examiner la détention pour des raisons tenant à l’identification; et les répercussions de la détention sur les demandeurs d’asile. Tous les cas que je vais aborder aujourd’hui sont des demandeurs d’asile détenus pour des raisons tenant à l’identification.
    Je crois que vous avez reçu des statistiques concernant le nombre d’enfants détenus au Canada chaque année. Il importe de comprendre que bon nombre des enfants qui passent du temps dans les centres de prévention ne sont pas officiellement détenus; ils accompagnent leurs parents détenus, et ces enfants ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques.
    Le Conseil canadien des réfugiés a publié un rapport en 2009 mettant en lumière de tels cas. En théorie, ces enfants peuvent être laissés aux bons soins de quelqu'un d’autre; cependant, la majorité des familles...
    Désolé. Je m’excuse de vous interrompre, mais votre exposé est interprété en simultanée, et il faudrait que vous ralentissiez un brin votre débit.
    Merci.
(1535)
    D’accord.
    Cependant, la majorité des familles que j’ai rencontrées en détention incluaient des enfants de zéro à cinq ans, voire des enfants encore allaités, et ce ne serait pas raisonnable ou même possible de les séparer de leurs parents. L’un des principaux problèmes avec les enfants qui accompagnent leurs parents est que la CISR ne tient pas compte de leur intérêt supérieur lorsqu’elle décide de maintenir en détention ou de libérer les parents.
    J’aimerais vous faire part des histoires de quelques-unes des familles que nous avons rencontrées en détention.
    Il y a le cas d’une Éthiopienne et de ses trois enfants de 4 ans, de 3 ans et de 18 mois. Lors de son contrôle des sept jours, son avocat a proposé de la placer dans un refuge connu pour les femmes et les enfants réfugiés, au lieu de la placer en détention. Il a fait savoir qu’il faudrait tenir compte de la présence de trois jeunes mineurs en détention. Cependant, il a été décidé de maintenir la détention, et la famille a passé 29 jours en détention. Au cours de cette période, les enfants ont été malades et ont dû se rendre plusieurs fois à l’hôpital.
    Une Somalienne qui demandait l’asile a été détenue avec son jeune garçon qui était très malade. Après plus de 40 jours, la décision de les détenir a de nouveau été reconduite, en dépit d’affidavits de membres de sa famille qui confirmaient leur identité, en dépit de la présence d’une autre option, et en dépit de la santé de l’enfant.
    Certains parents nous font part des difficultés avec lesquelles sont aux prises leurs enfants en détention, dont la peur, la difficulté à manger et à dormir, et l’inconfort physique. D’autres nous ont expliqué que même si la détention ne semblait pas perturber leurs enfants, leur propre degré de stress et d’anxiété avait des répercussions sur leurs enfants.
    J’aimerais maintenant discuter de la détention de personnes vulnérables, dont les aînés, les gens qui ont des problèmes physiques ou des troubles mentaux, les femmes enceintes et les mineurs non accompagnés.
    Voici notamment un problème qui survient, lorsque des demandeurs d'asile sont détenus pour des raisons tenant à l’identification. Lorsqu’il a été décidé de les arrêter et de les détenir, le caractère vulnérable des détenus n’entre plus directement en ligne de compte dans la décision de les libérer ou de maintenir leur détention. Il n’est pas clairement précisé que l’ASFC ou la CISR doit évaluer la possibilité de libérer les détenus s’ils sont vulnérables ou s’il survient des circonstances exceptionnelles.
    En 2009, j’ai rencontré dans un centre de prévention une Congolaise de 75 ans qui demandait l’asile et qui était détenue pour des raisons tenant à l’identification. Elle avait d’importants problèmes de santé, et la barrière linguistique posait un gros problème. Dès son arrivée en détention, un travailleur social qui parlait la langue a proposé de l’aider et de l’héberger. Cette option a été approuvée par son représentant désigné, un travailleur social. Cependant, la femme a été détenue 17 jours; cette période a été très difficile pour elle, parce qu’elle était souffrante et qu’elle avait de la difficulté à communiquer, même à l’aide d’un interprète.
    D’après notre expérience, bon nombre de personnes vulnérables sont détenues; non seulement cela les met à rude épreuve, mais cela gruge aussi les ressources de l’ASFC, alors qu’il existe souvent d’autres options. Il semble manquer de précision concernant la façon d’aborder les personnes vulnérables.
    En 2010, l’ASFC a mené son propre examen interne appelé « Étude d’évaluation des programmes de détention et de renvoi de l’ASFC ». Dans son rapport final publié en novembre 2010, l’ASFC a déterminé des éléments à améliorer dans la détention, dont une meilleure formation en santé mentale et la nécessité d’avoir des lignes directrices plus précises concernant la façon d’aborder les personnes vulnérables, étant donné que les manuels de mise en application sont déficients à cet égard. Par conséquent, l’application n’était pas constante au Canada. Par exemple, il était extrêmement rare que des mineurs ou des gens avec des troubles mentaux ou d’autres besoins spéciaux soient détenus dans les régions de l’Atlantique ou des Prairies, comparativement aux autres régions.
    Il faut mentionner un élément concernant les mineurs non accompagnés. Même si la loi et les règlements sont plus précis, à savoir que la détention est en dernier recours, nous avons constaté de nombreux cas où des mineurs non accompagnés ont passé un mois ou plus en détention, alors qu’il existait d’autres options. Pour vous donner un exemple assez spectaculaire. La mineure non accompagnée avait elle-même un bébé qu’elle allaitait et elle aurait pu être hébergée par des membres de sa famille au Canada.
    J’aimerais maintenant m’attarder sur l’incapacité des commissaires de la CISR d’examiner adéquatement la détention pour des raisons tenant à l’identification. Contrairement aux motifs tenant du risque de fuite ou du danger pour la sécurité publique, les commissaires de la Section de l’immigration ne peuvent pas aller à l’encontre de la décision initiale d’un agent de l’ASFC de détenir une personne pour des raisons tenant à l’identification, peu importe la montagne de preuves fournies par le détenu, ou sa pleine collaboration, ou encore moins en raison de circonstances exceptionnelles.
    Il arrive que soient déposés lors des contrôles des motifs justifiant le maintien en détention des documents auxquels l’agent responsable de l’arrestation ou de l’enquête n’avait pas accès. Il peut s’agir de nouveaux documents ou de témoignages importants. L’expérience des gens de la CISR concernant le traitement de cas de détention leur permet de se familiariser avec les enjeux pertinents à l’identification, mais ils ne peuvent pas s’assurer de l’identité d’une personne, peu importe leur expérience.
(1540)
    Par exemple, un demandeur d’asile kurde s’est présenté à un contrôle après avoir passé 40 jours en détention pour des raisons tenant de l’identification, en partie parce qu’il subsistait des doutes concernant l’authenticité de deux documents d’identité du HRC. Lors du contrôle, les commissaires ont reçu une lettre du HCR qui venait confirmer l’authenticité des documents. Par contre, le commissaire ne pouvait pas rendre de jugement concernant l’identité; il a donc décidé de prolonger de 12 jours la détention pour donner le temps à l’ASFC de confirmer les renseignements.
    Dans d’autres cas, l’authenticité des documents avec des caractéristiques de sécurité a été confirmée, et les vérifications ont été faites. Néanmoins, l’ASFC a demandé de maintenir la détention pour d’autres motifs, dont l’attente d’un passeport. Dans de tels cas, le commissaire ne peut aller à l’encontre de l’opinion de l’ASFC concernant l’identité, même si divers éléments la confirment.
    Tous ces facteurs grugent les ressources de l’ASFC, alors que d’autres options sont souvent possibles, mais j’aimerais mettre l’accent sur les répercussions sur les détenus. Au cours de nos visites hebdomadaires, les demandeurs d’asile nous expliquent à quel point ils trouvent la détention difficile.
    Parmi les éléments que nous entendons très souvent, il y a la honte de devoir porter des menottes. Les menottes sont, pour plusieurs, un puissant symbole de châtiment. Ils parlent également de la honte d’être sous constante surveillance, la peur d’être déportés, et l’inconfort physique chronique, comme la constipation et l’épuisement.
    Nous rencontrons régulièrement des détenus qui ne parlent ni anglais, ni français.
    Janet Cleveland de l’Université McGill a traité dans ses travaux de recherche de l’effet de la détention sur la santé mentale des demandeurs d’asile.
    Il y a le stress supplémentaire de devoir préparer sa demande d’asile en détention et sans intimité, en plus d’avoir de la difficulté à communiquer avec sa famille ou son avocat. Les détenus nous expriment régulièrement leur détresse de devoir remplir leur formulaire de renseignements personnels dans les 28 premiers jours. Cette situation s’empirera avec la réduction des délais en vertu du projet de loi C-31.
    À la lumière de mes commentaires, je crois que l’ASFC et la CISR devraient tenir davantage compte des autres solutions à la détention. Nous pourrions ainsi réduire non seulement les coûts humains de la détention, mais aussi les coûts financiers considérables.
    J’ai récemment eu l’occasion de participer à une table ronde binationale sur les autres options à la détention. Cette table a été organisée par le HCR. De nombreuses options ont été proposées. Il était clair que les autres options peuvent être efficaces et nécessaires et que l’un des éléments clés est d’élaborer des outils pour le triage initial des personnes vulnérables.
    Le HCR a publié de nouvelles lignes directrices relativement à la détention. Cette nouvelle orientation explique aux États quand la détention est raisonnable, proportionnée et nécessaire, et quand les autres options sont appropriées. Ces lignes directrices appellent à l’évaluation globale du caractère raisonnable de la détention en tenant compte de tous les éléments, y compris les considérations ou les besoins spéciaux.
    Madame Jeanes, avez-vous bientôt terminé?
    Oui.
    J’espère que mes commentaires vous seront utiles à cet égard.
    Merci.
    Je m’excuse de vous avoir interrompue.
    Mme Jenny Jeanes: Aucun problème.
    Monsieur Oette, c’est votre tour. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Encore une fois, merci d’avoir pris le temps de nous parler.
    Merci beaucoup.
    Bonjour — ou plutôt bonsoir, dans mon cas —, chers membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant le comité aujourd’hui.
    Au cours de ma déclaration, je mettrai l’accent sur les mesures que le Canada devrait prendre lorsque des personnes soupçonnées de crimes internationaux se trouvent sur son territoire.
    Je suis conseiller juridique à REDRESS, un organisme international de défense des droits de la personne établi à Londres, qui cherche à rendre justice aux personnes qui ont survécu à la torture partout dans le monde. REDRESS a joué un rôle dans un certain nombre d’affaires jugées dans plusieurs pays du monde entier, des affaires visant à traduire en justice les auteurs de crimes internationaux, comme les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et la torture.
    Les ressortissants étrangers soupçonnés de crimes internationaux peuvent être classés dans la vaste catégorie des immigrants, mais il est clair qu’ils forment un groupe particulier dont le traitement soulève des questions juridiques distinctes. Pour le moment, je vais me concentrer sur la situation qui a donné lieu à des inquiétudes par rapport aux pratiques canadiennes, c’est-à-dire que devrait ou doit faire un État lorsqu’il découvre de tels suspects sur son territoire?
    Les règles du droit international sont très claires à ce sujet. La Convention contre la torture et les conventions de Genève de 1949 exigent que les États extradent les personnes soupçonnées de torture ou de crimes de guerre afin qu’elles soient traduites devant les tribunaux ou qu’ils exercent leur compétence afin de poursuivre ces suspects. En outre, on applique de plus en plus souvent ce principe aux génocides ou aux crimes contre l’humanité; en fait, ce principe est généralement reconnu et respecté dans les pratiques des États.
    Plus de 125 États mettent en oeuvre des lois pertinentes à cet égard. Plus de 15 États ont intenté des poursuites en s’appuyant sur le principe de la juridiction extraterritoriale. En Europe, ces poursuites visaient des personnes ayant commis des crimes internationaux en Argentine, dans l’ancienne Yougoslavie, au Rwanda, en Afghanistan et en Irak.
    Ces développements s’inscrivent dans le cadre d’un engagement que les nations ont pris de rendre justice aux victimes qui n’ont aucun autre recours et de veiller à ce que personne ne puisse infliger des souffrances intolérables à d’autres êtres humains, en toute impunité. À cet effet, le système international s’appuie sur la coopération des États et sur l’engagement qu’ils ont pris de traduire les auteurs de crimes internationaux devant les tribunaux appropriés. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel que les autorités nationales adoptent des lois qui leur permettront d’exercer leur compétence sur des crimes internationaux et que les institutions prennent des ententes visant à assurer l’efficacité des poursuites.
    En effet, le Canada fait partie des pays qui ont pris l’initiative de tenir responsables les auteurs de crimes internationaux. La Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre que le gouvernement a adoptée en 2000 a été la première à intégrer dans des lois nationales le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Depuis, plusieurs États d’Europe ont suivi l’exemple du Canada. En règle générale, un État doit poursuivre un suspect repéré sur son territoire, à moins de l’extrader.
    Mais plus important encore, la règle indique explicitement que l’extradition est la procédure officielle à utiliser dans les affaires criminelles. D’autres mesures, comme l’expulsion qui est employée dans le contexte de l’immigration, ne suffisent pas, à juste titre d’ailleurs, à satisfaire les obligations de l’État en vertu du droit international. Au cours des procédures d’extradition, les États collaborent activement avec d’autres États, conformément à leurs lois d’extradition, et cela signale que les États en question souhaitent que la justice pénale soit rendue. En revanche, les procédures d’expulsion visent à renvoyer une personne. L’État qui prend la mesure d’expulsion ne s’intéresse pas officiellement au sort de la personne expulsée. Celle-ci peut ou non être poursuivie pour crimes internationaux. Toutefois, l’État qui prend la mesure d’expulsion ne joue aucun rôle officiel dans ces procédures.
    À ce stade, j’aimerais attirer votre attention sur les observations finales que le Comité sur la torture des Nations Unies a formulées en juin 2012 concernant le rapport de l’État partie présenté par le Canada. Dans ses observations, le comité indique qu’il craint que « la politique de l’État partie qui consiste à utiliser des procédures d’immigration pour refouler ou expulser des individus de son territoire plutôt que de le faire dans le cadre d’une procédure pénale crée un vide juridique réel ou potentiel pouvant ouvrir la voie à l’impunité. » Cela signifie que les personnes « ont été expulsées et n’ont pas été jugées dans leur pays d’origine. »
(1545)
    Par conséquent, le comité recommande que le Canada exerce sa compétence sur les personnes responsables de la torture, y compris les ressortissants étrangers. Il met en évidence le fait que le Canada « devrait redoubler d’efforts, notamment en débloquant davantage de ressources, afin de s’assurer que dans le cadre de sa politique consistant à refuser d’abriter des criminels de guerre, la priorité soit accordée aux procédures pénales ou d’extradition plutôt qu’à l’expulsion et au renvoi. »
    Cela revêt une importance particulière, étant donné qu’il est possible que le Canada ne soit pas en mesure d’obtenir l’extradition d’un suspect, ni de le renvoyer dans le pays concerné parce qu’il risque véritablement d’être torturé, de subir de mauvais traitements ou d’être persécuté, s’il retourne là-bas. C’est dans ces cas-là qu’un État doit être prêt à intenter des poursuites. S’il néglige de le faire, il contrevient à ses obligations internationales.
    Il y a aussi de bonnes raisons politiques d’adopter une politique qui vise à poursuivre les personnes soupçonnées de crimes internationaux repérées au Canada.
    Premièrement, cela indique clairement aux auteurs de crimes qu’ils ne sont pas les bienvenus.
    Deuxièmement, cela évite au Canada de se retrouver dans des situations où il risque d’être accusé de tolérer la présence de criminels de guerre sur son territoire ou d’avoir à prendre des mesures comme l’expulsion qui ne garantissent pas que justice sera rendue.
    Troisièmement, cela souligne l’engagement du Canada à l’égard de la justice internationale. Ainsi, il est en mesure d’assumer un rôle de chef de file et de parler avec une plus grande légitimité lorsqu’il cherche à prévenir des crimes internationaux à l’échelle mondiale et d’intervenir à cet égard.
    Quatrièmement, une telle politique et une telle pratique établissent un précédent et ont un effet potentiellement dissuasif, si elles sont coordonnées avec d’autres États. Ainsi, toute dépense engagée dans des poursuites contre des auteurs de crimes internationaux constitue un bon investissement dans la paix et la stabilité internationales.
    Cinquièmement, pour calquer le premier point, le Canada indiquerait clairement qu’il se range du côté des victimes de crimes internationaux. Bien que l’adoption d’une telle position puisse ne présenter aucun avantage à court terme, elle poursuit sur la lancée des précédents historiques qui sont indispensables à un ordre international stable et juste et à la solidarité internationale.
    Qu’est-ce que tout cela signifie en pratique? Lorsque des personnes soupçonnées de crimes internationaux se trouvent sur son territoire, le Canada devrait collaborer avec les autres États en vue de s’assurer qu’elles sont tenues responsables de leurs crimes. De même, il est important que le Canada déploie des efforts énergiques pour renforcer la capacité de ses autorités à enquêter sur les personnes soupçonnées de crimes internationaux et à les traduire en justice lorsque celles-ci ne peuvent pas être extradées pour subir leur procès.
    L’expérience que l’Europe a acquise à cet égard peut être utile. Bien qu’il y ait toujours un certain nombre de problèmes à surmonter, l’Union européenne a pris des mesures pour renforcer la collaboration entre les États afin d’accroître l’efficacité des enquêtes et des poursuites relatives aux crimes internationaux.
    Plusieurs pays ont été inspirés par le Programme canadien sur les crimes de guerre. La Belgique, le Danemark, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et la Suisse ont constitué au sein de leurs services de police ou de leurs services des poursuites des unités spécialisées qui se consacrent aux affaires ayant trait à des crimes internationaux. Toutefois, il est crucial à l’heure actuelle — et cela s’applique également au programme canadien sur les crimes contre l’humanité et sur les crimes de guerre — que nous affections suffisamment de ressources à ces programmes pour qu’ils puissent s’acquitter efficacement de leurs tâches. En l’absence de ces efforts conjugués, nous risquons que les atrocités et les crimes internationaux ainsi que l’instabilité et les souffrances qui s’y rattachent ne prennent jamais fin.
(1550)
    Merci, monsieur Oette.
    Je vous remercie tous deux de vos exposés. Les membres du comité ont maintenant des questions à vous poser à tous les deux.
    Le comité compte plusieurs nouveaux membres. Au cours de la première série de questions, les intervenants disposeront de sept minutes chacun. Malheureusement, monsieur Andrews, vous aurez seulement cinq minutes, mais je suis certain que vous poserez d’excellentes questions.
    Madame James, vous êtes la première à prendre la parole.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureuse de vous revoir. Vous nous avez assurément manqué. Je suis également heureuse de vous revoir, madame Jeanes, et j’aimerais souhaiter la bienvenue à notre invité de l’étranger.
    Je vais commencer par poser des questions à M. Oette. J’espère que j’ai prononcé votre nom correctement.
    Comme vous le savez, nous étudions la sécurité. Vous êtes probablement au courant qu’au Canada, le système d’octroi de l’asile nous cause des problèmes. Je vais décrire un certain cas digne de mention et, ensuite, je vous poserai quelques questions liées à celui-ci.
    Le cas en question concerne un homme appelé Mahmoud Mohammad Issa Mohammad qui a commis des actes terroristes en collaboration avec le Front populaire de libération de la Palestine. En dépit du lien qu’on a établi entre lui et le terrorisme, lien qui ne peut être contesté, il a été en mesure de demeurer au Canada depuis 1987. Il y est parvenu en présentant une série d’appels judiciaires, un processus qui a coûté aux contribuables canadiens — et vous voudrez peut-être prendre ce montant en note — trois millions de dollars.
    Je vous ai écouté parler de la façon dont nous devons traiter les gens qui sont déjà au Canada et que nous devons renvoyer, et un autre témoin a parlé cet après-midi des demandeurs d’asile qui sont détenus parce que l'on ignore leur identité.
    La question que je souhaite vous adresser, monsieur Oette, est la suivante: comment peut-on empêcher quelqu’un, qui représente une menace pour la sécurité du Canada, de venir ici, et éviter d’accueillir quelqu’un comme M. Mahmoud Mohammad Issa Mohammad qui a coûté trois millions de dollars aux contribuables canadiens et qui habite ici depuis 1987? Quelles sont les lacunes du système de contrôle canadien qui lui ont permis d’entrer au Canada en premier lieu?
    Je me concentrais surtout sur la situation que le Canada, ou tout autre pays en fait, doit affronter lorsqu’une personne réside déjà au Canada. Bien entendu, en vertu du paragraphe 1(F) de la Convention relative au statut des réfugiés, un pays a également le droit d’interdire son territoire à toute personne soupçonnée d’avoir commis des crimes internationaux ou d’avoir participé à des actes de terrorisme.
    L’argument que je…
    Merci.
    Je crois comprendre que, dans les mois à venir, nous étudierons un autre projet de loi qui permettra de renvoyer rapidement des ressortissants étrangers liés au terrorisme ou à la criminalité, etc.
    Avez-vous des recommandations à présenter au comité concernant la façon dont le Canada pourrait mieux contrôler les gens qui arrivent au Canada?
    Manifestement, cet homme est passé entre les mailles du système. Il est venu au Canada. Je ne sais pas si vous avez une idée du nombre d’années qu’un Canadien ordinaire devra travailler pour toucher trois millions de dollars mais, selon moi, cela ne se produira jamais.
    Je me demande si vous pourriez faire des recommandations concrètes au comité concernant les mesures que le Canada devrait prendre pour mieux contrôler les gens comme cet homme afin qu’ils ne franchissent pas nos frontières et ne se retrouvent pas sur notre territoire.
    Avez-vous des recommandations à formuler?
(1555)
    Voulez-vous dire lorsque le contrôle est effectué à l’extérieur du Canada?
    Si vous voulez vous engager dans cette direction, je n’y vois pas d’inconvénient. Le comité cherche à obtenir vos recommandations.
    Eh bien, je n’ai pas de recommandations précises à vous faire, mais je vous signale qu’en Europe, nous disposons maintenant d’un certain nombre d’unités spécialisées, d’unités axées sur les crimes de guerre, et l’une de leurs principales tâches consiste à procéder au contrôle de ces personnes.
    Évidemment, ces mesures sont prises surtout à l’intérieur des pays, mais ces procédures de contrôle ne sont pas ma spécialité.
    Connaissez-vous la biométrie?
    J’ai bien peur que non.
    Vous ne connaissez pas du tout la biométrie. Cela m’étonne. Elle consiste essentiellement à utiliser…
    Eh bien, je connais la biométrie en général, mais je…
    … la reconnaissance faciale et les empreintes digitales.
    Oui, mais cela nous amène à aborder un sujet assez différent de celui dont je suis venu parler.
    C’est dommage. J’espérais obtenir quelques réponses à ce sujet.
    Permettez-moi de vous poser une question différente, à laquelle vous serez peut-être en mesure de répondre.
    Dans quelle mesure le Canada réussit-il à empêcher des criminels, comme les membres du Front populaire de libération de la Palestine, d’entrer sur son territoire? Dans quelle mesure le Canada a-t-il réussi jusqu’à maintenant à empêcher des personnes de leur genre de franchir ses frontières?
    Eh bien, je ne connais pas les tenants et les aboutissants du système canadien. Vous disposez des chiffres qui figurent dans les rapports annuels du Programme canadien sur les crimes de guerre, et c’est une question dont vous devez vous préoccuper.
    Selon moi, ce qui importe c’est que vous élaboriez une politique cohérente qui tient compte des deux éléments, c’est-à-dire du contrôle et des poursuites quand quelqu’un qui ne peut pas être extradé est repéré au Canada.
    D’accord, merci.
    Je vois que vous n’avez pas de recommandations précises à nous faire; vous préconisez seulement un meilleur contrôle. Manifestement, c’est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous voulons nous assurer que nous sommes en mesure de mieux contrôler les gens afin que ces situations ne surviennent pas.
    Je vais maintenant me référer aux observations que vous avez adressées au comité. Vous mentionniez que, dans certaines situations ou peut-être dans toutes les situations, le Canada devrait juger ici même les criminels de guerre ou les personnes liées au terrorisme. Je tiens à soulever le cas particulier de Mahmoud Mohammad Issa Mohammad qui a coûté trois millions de dollars aux contribuables. Estimez-vous que nous devrions aller plus loin et juger quelqu’un comme lui, si des accusations peuvent être portées? Croyez-vous qu’il incombe au Canada d’assumer la facture?
    Je pense que c’est une responsabilité que les nations partagent. Plus vous investirez dans des unités spécialisées capables d’enquêter et de poursuivre des criminels internationaux, plus le système international sera efficace. Comme je l’ai déjà mentionné, avec un peu de chance, ces mesures auront également un effet dissuasif à long terme. Toutefois, il faut qu’une politique cohérente soit adoptée et que le fardeau soit partagé.
    En ce qui concerne les différents volets d’immigration, considérez-vous que l’un d’entre eux est plus susceptible que les autres de causer la majorité des menaces non seulement pour la sécurité de votre pays, mais aussi pour celle du Canada? Estimez-vous qu’il y a un volet d’immigration qui fait peser la plus grande menace qui soit?
    Qu’entendez-vous par là?
    Je pense que vous allez être sauvé par la cloche. Madame James, nous allons essayer de vous accommoder, mais votre temps de parole est écoulé.
    Parmi les différents volets d’immigration, on retrouve, par exemple, la réunification des familles, les demandeurs d’asile qui arrivent au Canada sans pièce d’identité, les travailleurs étrangers, etc. Considérez-vous que l’un de ces volets d’immigration est plus susceptible que les autres de représenter une grande menace pour la sécurité du Canada?
    J’ai peur de ne pas être en mesure de formuler des observations à cet égard.
    D’accord.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins de nous avoir présenté leur exposé.
    Ma première question s'adresse à M. Oette.
     Vous avez une longue expérience en matière de défense des droits de la personne. Vous avez travaillé de concert avec plusieurs institutions de recherche et organisations de défense des droits de la personne, aussi bien en Allemagne qu'en Grande-Bretagne. Vous venez de publier dans The International Journal of Human Rights une étude sur les difficultés que rencontrent les États quant à la mise en oeuvre de la règle interdisant la torture.
    D'après vous, que doivent faire les États lorsque le renvoi d'un criminel étranger impliqué dans des actes criminels est susceptible d'exposer ce dernier à la torture? Je voudrais que vous me donniez un avis précis à ce sujet, s'il vous plaît.
(1600)

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr d’avoir compris la question correctement. Qu’est-ce que je pense des étrangers qui…

[Français]

    Lorsqu'un criminel étranger impliqué dans des actes criminels est ici, au Canada, comment devons-nous, en tant qu'État, réagir à sa déportation ou à son extradition afin de lui éviter la torture dans un autre État? Quelles recommandations pourriez-vous nous faire à ce sujet?

[Traduction]

    Bien entendu, cela dépend de l’affaire en question.
    Une fois que vous avez confirmé ce que vous soupçonniez initialement, à savoir que la personne pourrait avoir participé à des crimes internationaux, il reste à déterminer si un traité d’extradition existe. Si vous ne pouvez pas extrader la personne, vous devez respecter le principe de non-refoulement et lui permettre de demeurer au Canada. Selon moi, c’est là le coeur du problème parce que, dans cette situation, le Canada doit être en mesure d’intenter des poursuites, et cela est manifestement problématique.

[Français]

    D'accord, c'est très bien.
    Vous avez abordé la question de l'engagement international des États en matière de droit international. Vous avez laissé entendre également que la déportation n'était pas le meilleur instrument à utiliser dans un contexte de criminalité.
     Pourriez-vous développer davantage votre pensée à ce sujet et nous donner des indications plus précises qui pourraient faire office de recommandations?

[Traduction]

    J'ai explicitement parlé de l'obligation du Canada en vertu du droit international. Il est très clairement établi qu'en ce qui a trait aux crimes internationaux, les États ont l'obligation d'extrader ou de poursuivre. On ne peut pas simplement expulser vers un autre pays quelqu'un que l'on suspecte d'avoir commis ces crimes. Le principe prédominant, c'est que ces gens devraient être traduits en justice, que ce soit dans le pays où ils sont renvoyés ou au Canada.
    C'est aussi ce que le comité contre la torture a indiqué.

[Français]

    Vous mettez en opposition la question de l'extradition et celle de la déportation. Est-ce que, pour vous, ça signifie qu'en matière de criminalité, il est davantage nécessaire et envisageable pour un État d'opter pour l'extradition plutôt que pour la déportation? Je voudrais que vous clarifiiez bien cette question.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.
    Arrêtez le chronomètre, s'il vous plaît. Vous avez la parole pour votre rappel au Règlement, monsieur Dykstra.
    Je sais que le projet de loi C-43 nous sera bientôt renvoyé, mais je veux m'assurer que cette réunion porte sur l'étude sur la sécurité du pays.

[Français]

    Je ne fais que revenir sur le sujet abordé par notre témoin et je voudrais obtenir des clarifications sur des thèmes précis dont il a fait part au comité. En ce qui me concerne, je fais véritablement abstraction du projet de loi C-43.

[Traduction]

    D'accord.
    Nous parlons de sécurité, et je pense que ses questions sont près de la limite, mais qu'elles sont pertinentes.
    Allez-y. Nous redémarrons le chronomètre.

[Français]

    Pourriez-vous répondre, s'il vous plaît, monsieur Oette?

[Traduction]

    Oui; je pense qu'à elle seule, une politique en matière de déportation serait insuffisante dans ces circonstances, lorsqu'il est question de personnes que l'on soupçonne d'avoir commis des crimes internationaux.

[Français]

    Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

    Il vous reste trois minutes.

[Français]

    Par ailleurs, on a parlé de la possibilité de mettre en application des mesures en amont en vue d'éviter que les criminels n'arrivent au pays et qu'on ne doive alors les renvoyer.
    Ces mesures prises en amont nécessiteraient-elles un travail sur un plan beaucoup plus international que ce qui est prévu actuellement, et, le cas échéant, de quelle façon pourrions-nous procéder?
(1605)

[Traduction]

    Encore une fois, je pense que cela fait partie d'une politique internationale plus large qui vise à s'assurer que l'on fait porter la responsabilité pour les crimes internationaux. Si vous examinez la question du point de vue de l'immigration, un État a évidemment intérêt à s'assurer qu'aucune personne soupçonnée de tels crimes n'entre sur son territoire.
    De notre point de vue, je pense que cela devrait être encore plus étendu. Si vous avez une politique d'exclusion des criminels de guerre, elle devrait s'appliquer à tous ceux qui veulent venir au Canada et que l'on soupçonne d'avoir participé à de telles activités, même aux ressortissants des pays amis.

[Français]

    En juillet 2011, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a publié une liste de personnes accusées ou complices de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
     Que pensez-vous de cette démarche particulière?

[Traduction]

    D'après ce que j'ai entendu dire, et je parle en tant qu'observateur extérieur, cela a été très controversé. Encore une fois, je ne peux que répéter que le principe de base, c'est que si ces suspects — et je crois comprendre que ce sont des suspects — ne peuvent être extradés, ils devraient alors être poursuivis au Canada.
    Encore une fois, je crois comprendre que nous parlons de mesures d'expulsion; donc, cela me pose problème.

[Français]

    À votre avis, la disposition actuelle sur l'inadmissibilité de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permet-elle de filtrer efficacement les personnes impliquées dans des crimes de guerre? Comment, s'il y a lieu, devrait-elle être modifiée?

[Traduction]

    Je pense que l'article 1F de la convention sur les réfugiés indique de façon très claire les mesures à prendre. Je pense que c'est bien établi en droit international, mais que cela devrait faire partie d'une politique cohérente.
    Je crois comprendre que l'on souhaite se concentrer sur la prévention dans le contexte de l'immigration, mais cela devrait être intégré à une politique plus large et plus cohérente. Je pense que tous les éléments doivent être examinés en profondeur.
    Merci.
    Monsieur Andrews, bienvenue au comité. Vous disposez de cinq minutes, tout au plus.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remplace notre représentant aujourd'hui et, contrairement à lui, je ne vais pas utiliser tout le temps qui m'est alloué. Il pourrait sans doute parler pendant cinq ou sept bonnes minutes.
    Monsieur Andrews, je vous ai vu à l'oeuvre, et vous vous tirez très bien d'affaire.
    Merci beaucoup aux témoins d'être ici aujourd'hui. Je n'ai qu'une question.
    Vous pourriez parler un peu plus des enfants qui passent par ce processus.
    On m'a parlé de certains cas où des enfants qui sont nés ici ou qui sont arrivés au pays lorsqu'ils étaient très jeunes. Toutefois, lorsqu'ils passent par le processus d'immigration et qu'ils sont expulsés, il est possible qu'ils aient été ici pendant une longue période et que la seule chose qu'ils aient connue soit le Canada. Je me demande quelles en sont les répercussions sur les enfants. Y a-t-il des études ou des statistiques à ce sujet? Pourriez-vous nous donner des précisions sur vos commentaires relatifs aux répercussions sur les enfants?
    Nous avons un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, je sais que M. Andrews remplace son collègue, M. Lamoureux, mais je veux simplement m'assurer que nous comprenons tous que nous sommes ici pour étudier la sécurité.
    Il a posé une question et je tiens à m'assurer que le comité est conscient que peu importe la réponse, elle ne figurera pas dans l'étude. Je pense qu'il serait préférable qu'il utilise son temps de parole pour poser une question qui pourrait avoir un véritable rapport avec l'étude.
    Ce n'était qu'une parenthèse.
    Le chronomètre a été arrêté.
    Je crois savoir que Mme Jeanes a parlé de la détention des enfants. Je pense que c'est une question pertinente. Pour que ce soit clair, dans son exposé, Mme Jeanes a fait un commentaire sur les enfants en détention. La détention est liée à la sécurité. Donc, je pense que M. Andrews respecte entièrement les règles.
    Allez-y.
    C'est un peu complexe, parce que mon exposé était davantage centré sur les demandeurs d'asile: les enfants qui sont eux-mêmes des demandeurs ou les enfants de demandeurs adultes qui sont en détention au Canada. La question sur les renvois est un concept quelque peu différent.
    Ce qui est très important, c'est d'étudier les répercussions de la détention sur les enfants pendant qu'ils sont ici, les solutions de rechange et le lien à établir avec l'application équitable et régulière de la loi. Le fait d'être en détention peut empêcher les familles d'avoir accès à l'application régulière de la loi pendant leur séjour au Canada.
    Je ne peux parler des répercussions que peut avoir un renvoi sur eux ni de ce qui se produit lorsqu'ils retournent dans leur pays d'origine, mais je pense qu'il y a beaucoup de renseignements sur les conséquences de la détention sur les parents et les enfants. J'aimerais souligner que des solutions de rechange semblent être de mise lorsque des enfants sont en détention.
(1610)
    Quelles solutions de rechange avez-vous en tête?
    Beaucoup de recherches peuvent être consultées. Comme je l'ai indiqué, j'ai récemment assisté à une conférence au cours de laquelle l’International Detention Coalition et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont présenté une étude internationale qui citait des exemples du Canada, des États-Unis et de l'Australie.
    Souvent, elles comportent des lignes directrices pour le dépistage précoce des vulnérabilités, soit au moment de l'arrestation, soit le plus tôt possible pendant le processus de détention, afin de déterminer à quel moment des solutions de rechange sont appropriées. Le choix des solutions de rechange appropriées peut se faire en déterminant à quelle étape du processus en sont les gens, ce qui a une incidence sur la probabilité qu'ils respectent les procédures, et en examinant les ressources offertes. Par exemple, il existe des refuges et, à Montréal, nous avons une équipe de travailleurs sociaux qui suit les demandeurs de très près.
    Certaines études démontrent qu’une approche fondée sur la gestion de cas où l’on accompagne les gens pendant le processus augmente la conformité et augmente la probabilité que les gens comparaissent tout au long du processus de revendication du statut de réfugié.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Dykstra.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Oette, je veux simplement que ce soit clair. En général, de toute évidence, vous êtes contre le fait que les criminels de guerre quittent leur pays d'origine pour demander asile dans un autre pays. Ce que vous cherchez vraiment, c'est une certaine cohérence à l'échelle internationale au sujet du traitement des criminels de guerre. S’ils essaient d'entrer dans un pays pour y revendiquer le statut de réfugié, ou s'ils l'ont déjà fait, et qu'il n'y a pas de traité d'extradition entre les deux pays, il est impossible d'expulser cette personne du pays.
    Est-ce une analyse plutôt juste de vos convictions?
    C'est exact. Ce n'est pas seulement ce que je crois; en fait, c'est ce qui est prévu en droit international.
    Il y a une situation, dans n'importe quel pays — que ce soit ici au Royaume-Uni ou au Canada — où, pour une raison ou une autre, il y a des centaines voire des milliers de personnes qui sont soupçonnées de crimes internationaux. Voilà un dilemme auquel vous êtes confrontés.
    Merci de cette réponse.
    Cela m'amène à la prochaine question. J'ai eu l'occasion de visiter les Pays-Bas et d'y rencontrer des fonctionnaires. Un des aspects intéressants des critères utilisés pour déterminer si les gens peuvent rester aux Pays-Bas, c'est que les gens doivent avoir en leur possession des documents clairs et concis.
    Nous avons été informés qu'aux Pays-Bas, chaque fois que des gens arrivent au pays sur un vol d'un transporteur aérien donné sans carte d'identité ou sans passeport — parce qu'ils les ont avalés ou jetés — et qu'ils demandent le statut de réfugié, ils ne sont détenus à aucun autre endroit qu'à l'aéroport. Lorsque leur identité est confirmée, s'ils ne sont pas admissibles à présenter une demande de statut de réfugié aux Pays-Bas, on les met sur un vol du même transporteur aérien et on les renvoie à leur pays d'origine.
    Avez-vous un processus semblable en Allemagne?
    En Allemagne, on tente aussi de renvoyer les réfugiés, mais ces procédures présentent les mêmes problèmes. Dès qu'une personne entre dans le territoire, elle est protégée par le principe de non-refoulement. Donc, si elle risque d'être torturée ou persécutée à l'étranger, elle ne devrait tout simplement pas être renvoyée.
    S'il est déterminé que ces personnes ne satisfont pas aux conditions nécessaires au statut de réfugié dans un pays donné, en quoi cela empêcherait-il qu'elles soient renvoyées dans leur pays d'origine?
    Dès que vous entrez dans le territoire, vous profitez de l'interdiction de renvoi. Cela fait appel à la responsabilité de l'État.
(1615)
    Oui, mais si l'État détermine dans les 48 heures que la personne n'est pas admissible au statut de réfugié et qu'il la renvoie, ce que je veux faire valoir, c'est qu'en ce qui a trait à la préparation d'un dossier, certains pays ont de beaucoup moins de temps que ce dont nous disposons au Canada et ce qui est prévu dans le projet de loi C-31.
    Madame Jeanes, cela me mène à deux ou trois points. Un des points que vous avez fait valoir lorsque vous êtes venue témoigner au sujet du projet de loi C-31, c'était de nous demander, à l'instar de beaucoup de témoins, d'aller visiter les centres de prévention partout au pays. Nous l'avons fait. Nous les avons visités tous les trois. Nous avons fait une visite exhaustive et nous avons étudié chacun d'entre eux. En fait, nous avons dîné à Laval simplement pour avoir une bonne idée de la nourriture qu'on y sert, car il s'agissait d'une autre plainte qui avait été soulevée par plusieurs d'entre vous.
    Aujourd'hui, vous avez dit que même si nous sommes allés, une journée ne suffit pas pour obtenir une idée précise des conditions que l'on y trouve. Je dois dire qu'après avoir visité les trois centres, j'ai ma propre idée précise du modèle que nous devrions adopter, et Laval n'est pas du nombre. Je trouve que les commentaires des organisations autres qu'Amnistie Internationale et la Croix-Rouge...
    Vous n'avez pas d'obligation précise en vertu de n'importe quelle compétence provinciale ou fédérale. Vous êtes libres de vous rendre sur place et de visiter les réfugiés potentiels et ceux qui sont détenus à cet endroit, mais vous n'avez officiellement aucune responsabilité de le faire au nom d'un gouvernement, quel qu'il soit.
    Non, nous n'y allons pas au nom de quelque gouvernement que ce soit. Nous sommes une organisation non gouvernementale, mais depuis de nombreuses années, nous visitons les centres de surveillance à Montréal, pas seulement celui de Laval, mais aussi les centres précédents. Nous avons une entente officielle avec l'Agence des services frontaliers du Canada dans laquelle notre accès et notre rôle sont établis. Nous ne sommes pas le HCR ni la Croix-Rouge, mais il n'en demeure pas moins que nous jouons un rôle essentiel. Nous y allons chaque semaine, tandis que les organisations qui ont un mandat officiel du gouvernement y vont beaucoup moins souvent, c'est-à-dire quelques fois par année.
    Pendant notre visite, ces organisations nous ont fait part de leur point de vue à ce sujet. Lorsqu'il y a des problèmes, elles en avisent immédiatement les représentants de l'ASFC et ces problèmes sont réglés, peu importe l'importance de la plainte ou du problème.
    Je trouve qu'il est plutôt contradictoire que bien qu'il soit peut-être vrai que la détention n'est pas aussi souhaitable que la liberté, ce soit beaucoup mieux que l'endroit d'où ils viennent lorsqu'ils demandent le statut de réfugiés. Les personnes sans pièce d'identité, comme les criminels de guerre potentiels dont M. Oette a parlé, pourraient chercher à être détenues ailleurs que dans un centre de surveillance. Bien que j'aie de l'empathie pour ce que vous dites — et vous avez décrit des situations très tristes dans votre témoignage —, j'ai l'impression qu'un des trois centres du pays pourrait s'occuper de la clientèle et des demandeurs du statut de réfugié qui s'y trouvent de façon plus efficace et efficiente. En fait, ce ne sont pas nécessairement des demandeurs du statut de réfugié. Certains d'entre eux sont là parce qu'ils sont menacés d'expulsion, car il a été déterminé qu'ils ne sont pas admissibles à la résidence permanente, la délivrance d'un visa de visiteur prolongé ou le statut de réfugié. Il y a une exigence selon laquelle ces personnes doivent être détenues pour s'assurer qu'elles retournent dans leur pays d'origine.
    Votre temps est écoulé, monsieur Dykstra.
    La parole est à Mme Freeman. C'est la première fois que j'en ai l'occasion; vous êtes un membre permanent du comité, et j'aimerais vous souhaiter la bienvenue.
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Mes questions s'adressent à vous, madame Jenny Jeanes. Je vous remercie de votre témoignage. Je l'ai trouvé très éclairant.
    J'aimerais vous parler de la nécessité de l'appui aux réfugiés et de leur intégration dans la communauté. Je crois que cela aborde vraiment des questions relatives à la sécurité. Pouvez-vous nous expliquer comment ces actions, en plus d'être les bonnes choses à faire sur le plan humanitaire, sont des éléments positifs pour la sécurité au Canada?
    Merci.
    Le fait que le comité ait visité les centres de prévention au Canada a été, selon moi, une initiative très importante. Je vous en félicite. J'ose croire que mes commentaires, aujourd'hui, vont compléter cette information. En effet, en visitant le centre, on peut voir quelles sont les conditions, mais on ne peut pas vraiment se faire une idée des procédures qui entourent la détention.
     Pour ce qui est des conséquences sur les réfugiés et leur intégration, il faut savoir que plusieurs des personnes dont je parle aujourd'hui ont été par la suite acceptées en tant que personnes réfugiées et ont commencé à vivre au Canada. Dans certains cas, ces personnes finissent par obtenir la citoyenneté. Les premiers jours, les premières semaines ou les premiers mois sont passés en détention. Les répercussions s'atténuent peut-être par la suite, mais à mon avis, il est important de trouver un équilibre entre les mesures de sécurité et, comme vous le dites, les questions d'ordre humanitaire.
     L'objectif de notre organisme n'est pas de considérer les coûts financiers de la détention, mais c'est un élément important. Quand il y a des mineurs, des gens malades et des personnes âgées, ça demande beaucoup plus de ressources de la part de l'agence. Par exemple, le transport vers l'hôpital coûte cher. En outre, le centre a besoin de plus de gardiens de sécurité et de services d'éducation spécialisée. Ce sont des coûts énormes.
     Or dans l'optique où le gouvernement voudrait vraiment considérer les questions de sécurité, il serait possible de dépenser cet argent autrement. Il faut tenir compte de la vulnérabilité des personnes durant les procédures et de tous les facteurs de la détention. Je pense que les directives du HCR sont très utiles en ce sens. En effet, il dit clairement qu'il est nécessaire de considérer tous les facteurs, que ce soit l'identité, la vulnérabilité ou toutes les autres solutions possibles. Pour promouvoir la sécurité, il faut vraiment trouver un équilibre entre les sommes dépensées en matière de détention.
(1620)
    Depuis que je suis ici, beaucoup de témoins qui ont comparu dans le cadre de cette étude ont parlé de la technologie associée aux mesures de sécurité physique aux frontières.
     Comment ces mesures sont-elles efficaces par rapport à quelque chose comme l'appui communautaire, pour la sécurité, encore?
    Je n'ai pas bien compris le sens de votre question. Vous parlez de la technologie à la frontière?
    On a parlé, par exemple, de la biométrie, des empreintes digitales...
    Les mesures d'investigation servent à identifier les personnes. Or dans ce domaine, les fonds peuvent être mieux dépensés dans certains cas que dans d'autres. Pour ce qui est des solutions de rechange à la détention, les investigations peuvent continuer. J'ai cité des exemples où l'information sur l'identité des gens était amplement suffisante. Je ne parle pas de libérer des gens dont on n'a aucune idée de l'identité. La vulnérabilité est quand même importante. Une dame de 75 ans qui provient de la République démocratique du Congo et qui parle uniquement le lingala constitue peut-être moins un risque pour la société qu'un autre détenu. Dans un tel cas, la vulnérabilité est aussi un élément très important.
     Quand il y a de l'information sur l'identité des personnes, le système actuel n'est pas assez souple pour permettre à l'Agence des services frontaliers du Canada et à la CISR de libérer plus rapidement ces personnes et de dépenser plus efficacement les fonds qui sont en cause.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Menegakis.
    Merci aux témoins de comparaître aujourd'hui.
    Nous nous penchons sur la sécurité, et nous aimerions avoir votre avis au sujet de quelques outils dont nous ont souvent parlé les témoins et les spécialistes du domaine.
    Je vais commencer par vous, monsieur Oette. À votre connaissance, l'Allemagne et le Royaume-Uni font-ils actuellement le suivi des entrées et des sorties de toutes les personnes qui entrent sur leur territoire?
    Je ne connais pas les détails, mais je sais que les procureurs allemands ont mis en place un nouveau système grâce auquel on contrôle les gens en vertu de l'article 1F. Je crois bien qu'ils ont de telles mesures.
(1625)
    En tant que gouvernement, il est très important que nous identifiions les gens avant de leur permettre d'entrer dans la société canadienne. Je pense qu'il est logique de le faire avant de permettre à des gens qui pourraient représenter un risque pour la sécurité de nos familles, de nos enfants, de nos entreprises et de nos collectivités de se promener dans nos rues. Voilà pourquoi nous avons un processus de détention: cela sert à les identifier.
    Quand nous connaissons l'identité des gens, ils ne sont certainement pas dans des centres de surveillance. Une fois identifiés, ils entrent dans l'étape de l'autorisation à entrer au pays. Pour nous, le risque c'est de ne pas connaître leur identité.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Jeanes. Elle porte en particulier sur la biométrie, que les organismes d'application de la loi les plus importants du pays — le SCRS, la GRC et l'ASFC — considèrent comme l'outil d'identification du XXIe siècle. Il s'agit d'un outil supplémentaire auquel nos agents pourront avoir recours lorsqu'ils tentent d'identifier les personnes non identifiées. Que pensez-vous de la biométrie?
    Je dois dire que je ne suis pas experte en biométrie.
    Je crois que ça vaut la peine d'évaluer l'utilité de cet outil. Bien des personnes détenues avec lesquelles nous faisons affaire ne sont jamais venues au Canada auparavant, ne sont jamais sorties de leur pays d'origine et n'ont jamais présenté de demande de visa. Les données biométriques ne nous seraient pas utiles pour les identifier. Je ne peux vraiment pas parler de données biométriques avec beaucoup d'autorité, mais je dirais que lorsqu'il est question d'un quelconque outil dont l'ASFC a besoin pour identifier les gens, je me demanderais combien il va coûter et s'il serait préférable d'utiliser d'autres options avec certains détenus, ce qui permettrait à l'ASFC de continuer son enquête plus efficacement.
    Selon moi, de l'argent investi dans des outils permettant d'identifier et d'appréhender des criminels avant qu'ils entrent dans nos maisons et celles de nos voisins, qu'ils s'installent à côté de chez nous ou qu'ils circulent dans nos collectivités est de l'argent bien dépensé, c'est indéniable. C'est un outil d'identification. Nous pouvons échanger des renseignements avec nos amis et partenaires dans le monde entier et appréhender les gens avant qu'ils arrivent ici. C'est très important.
    Je suis comme vous préoccupé par certaines des tristes situations que vous avez évoquées, mais je crois que si nous revenons en arrière et voyons ce qui est arrivé avec le Ocean Lady et le Sun Sea, 43 des 500 passagers ont été jugés inadmissibles au Canada; 24 avaient commis des crimes dans leur pays d'origine et 19 ont été jugés être des criminels de guerre. Je ne veux pas que ces 43 personnes vivent à côté de chez moi, et je sais qu'il en va de même pour mes voisins.
    Il est important de les identifier.
    Les outils que nous fournissons à nos agents d'application de la loi pour identifier les gens d'avance facilitent beaucoup la vie des personnes auxquelles vous avez fait allusion pendant votre témoignage, car elles ne veulent pas non plus les avoir dans leur entourage, et le plus tôt sera le mieux.
    Monsieur Oette, connaissez-vous l'autorisation de voyage électronique? Elle régie essentiellement les dispositions relatives aux entrées et aux sorties dans une entente sur un périmètre de sécurité que le Canada a signée avec les États-Unis. Elle nous permet de savoir chaque fois qu'une personne traverse nos frontières par voie terrestre ou aérienne.
    J'en ai entendu parler, mais je ne l'ai pas étudiée en détail, non.
    Vous la connaissez, madame Jeanes?
    Je ne connais pas cette initiative en particulier, mais je peux dire que dans le cadre du processus d'enquête, il arrive souvent que les renseignements qui aident à identifier les gens nous viennent des États-Unis ou des pays européens. Le point où je voulais en venir pendant mon exposé c'est que de la façon dont le système actuel fonctionne, il n'est pas nécessairement possible d'utiliser efficacement ces renseignements pour libérer des personnes. C'est ce que j'entends par un système plus efficace.
    Merci, monsieur Menegakis. Notre temps est écoulé, monsieur Oette et madame Jeanes. Merci beaucoup d'être venus nous parler et de nous avoir éclairés avec vos points de vue.
    La séance est suspendue.
(1630)

(1635)
    Mesdames et messieurs, nous allons reprendre nos travaux.
    Nous avons deux témoins. Madame Casipullai, nous vous avons déjà rencontrée, n'est-ce pas? Et je crois que Mme Douglas est déjà venue elle aussi.
    Madame Douglas, vous êtes la directrice générale de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants. Madame Casipullai, vous en êtes la coordinatrice principale en politiques et en communications. Merci beaucoup d'être venues.
    Par vidéoconférence de Toronto, nous accueillons Angus Grant.
    Bonjour monsieur Grant. M'entendez-vous?
    Je vous entends bien. M'entendez-vous?
    Nous vous entendons, monsieur.
    Vous faites un doctorat sur les questions de sécurité et je crois savoir que vous pratiquez le droit dans le domaine de l'immigration.
    C'est exact, monsieur.
    Je vous remercie d'être venus et je vous souhaite la bienvenue au comité de l'immigration. Nous examinons le sujet que vous étudiez et nous nous réjouissons à la perspective d'entendre vos commentaires.
    Vous disposerez chacun de 10 minutes pour faire vos exposés.
    Madame Douglas, vous êtes la première. Vous avez 10 minutes, comme vous le savez.
    Je promets de ne pas utiliser tout le temps qui m'est alloué étant donné que j'ai parlé plus longtemps que prévu la dernière fois. Vous avez fait preuve de beaucoup de patience.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier une fois de plus de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Je suis désolée de ne pas avoir de copies de mes remarques à vous remettre. Nous avons malheureusement manqué de temps.
    Nous aimerions aborder deux points dans votre domaine d'études. Je commencerai avec la question de la détention.
    Le comité a déjà entendu dire que la majorité des personnes détenues pour des raisons d'immigration le sont à cause de leur identité ou parce qu'elle attendent d'être déportées et que l'on a déterminé qu'elles risquaient de s'enfuir. La majorité des personnes détenues sont dans des cellules de détention provisoire de l'immigration et les autres se trouvent dans des prisons provinciales.
    Nous sommes profondément préoccupés par les deux situations, mais surtout la dernière, le fait que des personnes qui n'ont pas été accusées ou trouvées coupables d'un crime soient détenues dans les mêmes conditions que celles qui l'ont été se trouvent à être punies.
    Bien que l'intérieur des centres de surveillance de l'immigration ne ressemble pas à celui des prisons provinciales, lorsqu'une personne doit sortir pour consulter un médecin par exemple, elle est souvent menottée, enchaînée et traitée comme une criminelle. Je sais que vous avez ce rapport. Il faisait partie de l'exposé que le M. Cleveland a fait devant le comité en avril concernant le projet de loi C-31.
    Nous savons que les personnes détenues dans les centres de surveillance de l'immigration renoncent souvent à consulter un médecin parce qu'elles ne veulent pas subir l'humiliation et le traumatisme d'être traitées comme des criminelles.
    Les enfants qui se trouvent dans ces centres continuent de nous préoccuper. Je sais que ma collègue, Jenny Jeanes, en a aussi parlé. Nos lois en vigueur font en sorte qu'ils soient détenus avec leurs parents.
    Nous avons été ravis de voir que lorsque le projet de loi C-31 est revenu, le gouvernement avait supprimé la détention automatique des enfants. Bien que ce ne soit pas inscrit dans le projet de loi en question, la triste réalité est que les jeunes enfants se retrouvent en détention avec leurs parents parce que sinon, ils seront séparés de la seule personnes — ou des seules personnes, si les deux parents sont détenus — qu'ils connaissent et en qui ils ont confiance, et seront confiés à des étrangers.
    Dans une situation comme dans l'autre, les enfants et leurs parents sont sérieusement touchés. Il n'est pas surprenant que bien des parents choisissent de garder leurs enfants avec eux. Je crois qu'à mon dernier passage, j'ai parlé de cette situation en disant que cela équivalait à demander aux parents de choisir entre la peste et le choléra, c'est-à-dire entre placer leurs enfants en détention ou les remettre à la charge de l'État.
    Nous nous préoccupons aussi du fait que des enfants âgés de 16 à 18 ans soient placés en détention. Des témoins du gouvernement ont dit au comité que 500 enfants étaient détenus l'an dernier et qu'il s'agissait de réfugiés. Certains de nos collègues qui se sont adressés au comité ont déjà fait remarquer que ces chiffres ne saisissent pas toute l'ampleur de la situation des enfants détenus avec leurs parents...
(1640)
    M. Dykstra invoque le Règlement.
    Madame Douglas, je vous sais gré d'être ici aujourd'hui. Vous connaissez beaucoup de choses et vous avez remarquablement bien présenté votre point de vue s'agissant du projet de loi C-31. Cela étant dit, nous étudions les limites de sécurité du Canada, et j'espère que vous allez y venir. Je connais vos sentiments...
    Adressez vos commentaires au président.
    Désolé, monsieur le président. Je sais que Mme Douglas a des opinions bien arrêtées concernant la détention, des opinions avec lesquelles je ne suis pas d'accord, mais ce n'est pas grave. C'est ce qu'il y a de génial au Canada. Mais le fait est que notre discussion porte sur les façons de rehausser la sécurité de nos frontières. Je ne vois pas en quoi le fait que des enfants ne soient pas détenus avec leurs parents, ou l'âge de ces enfants, est pertinent. Ce l'était dans le cadre de l'étude du projet de loi C-31. En fait, nous avons modifié des articles en fonction de certains exposés, notamment celui de Mme Douglas. Mais j'aimerais vraiment savoir ce qui, selon elle, permettra de rehausser la sécurité des frontières. Je ne veux pas nécessairement qu'elle parle de questions qui, bien qu'elles soient pertinentes au ministère, ne se rapportent pas au dossier à l'étude.
    Monsieur Benskin.
    Je suis désolé, mais cette intimidation constante des témoins est irrespectueuse.
    Monsieur Benskin, je ne crois pas qu'il fasse de l'intimidation. Il a invoqué le Règlement. Essayez d'être aussi courtois à son égard qu'il l'est au vôtre.
    Il n'est pas très courtois envers les témoins. Nous les avons invités à venir nous parler de leur sujet. Laissons-les le faire. S'il a des questions sur ce point par la suite, alors...
    C'est là où il veut en venir, monsieur Benskin.
    Monsieur Chisholm.
    Monsieur le président, je ne siège pas au comité depuis bien longtemps, mais je crois comprendre que lorsque le comité entame une étude, les membres présentent une liste de témoins qu'ils aimeraient entendre et le greffier les invite à venir témoigner. Il arrive que des personnes présentent des renseignements avec lesquels nous ne sommes pas nécessairement d'accord, mais nous les avons invitées à s'exprimer. En conséquence, je crois que nous avons l'obligation de les écouter pendant 10 minutes, les laisser parler, et ensuite, nous pouvons leur poser des questions ou pas.
    Je croyais que nous nous entendions si bien.
    Monsieur Opitz.
    En ce qui concerne le point soulevé par mon collègue, je crois qu'il n'a rien à voir avec les personnes qui parlent, monsieur le président, mais plutôt avec la pertinence des propos par rapport au sujet à l'étude.
    M. Menegakis et ensuite Mme Groguhé.
    Monsieur le président, c'est une question de pertinence par rapport au sujet de l'étude. Je crois que c'est ce à quoi M. Dykstra fait allusion.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais simplement rappeler qu'on a soulevé un peu plus tôt la même question concernant les propos sur la détention et que vous avez déjà tranché. Je souhaite donc rappeler aux membres du comité que vous avez déjà statué sur cette question.

[Traduction]

    Je l'ai fait, en effet, et j'ai aussi l'obligation d'écouter ceux qui invoquent le Règlement.
    Monsieur Dykstra, je suis d'accord pour que Mme Douglas poursuive sur la même lancée.
    Une partie de notre étude comprend la détention, qu'il s'agisse de celle des hommes, des femmes ou des enfants. Vous parlez de la détention des enfants, et ça ne m'ennuie pas que vous continuiez dans la même veine, madame Douglas. Allez-y.
    On redémarre l'horloge.
(1645)
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Dykstra, lorsque nous avons reçu l'invitation, nous avons soigneusement examiné la portée de l'étude et nous avons veillé à ce que la détention et la déportation cadrent bien avec le sujet. Voilà pourquoi nous avons choisi d'aborder ces deux questions cet après-midi.
    Pour ce qui est des enfants, bien des études ont démontré que l'incarcération, surtout celle des enfants, a un effet néfaste. Les travailleurs de première ligne dans les organismes membres de l'OCASI en parlent souvent.
    Bien des personnes détenues ont quitté des situations traumatisantes et leur détention les traumatise à nouveau. Nous croyons que le traumatisme causé aux enfants est profondément troublant et qu'il aura des effets à long terme.
    Si les statistiques montrent que la majorité des détenus sont libérés dans les 20 jours environ, un nombre considérable de personnes sont toutefois détenues bien plus longtemps. Plus elles passent de temps en détention, plus elles seront touchées et plus elles auront de la difficulté à s'ajuster à la vie à l'extérieur des centres de détention.
    La détention est une option coûteuse pour le gouvernement s'agissant du tort qu'elle cause aux humains et des coûts sociaux et sanitaires à long terme, mais aussi au plan économique, si l'on songe par exemple aux coûts de construction et d'entretien des centres de détention à la grandeur du pays. Avec la mise en oeuvre du projet de loi  C-31, nous nous attendons à ce que ces chiffres augmentent.
    Si j'ai mentionné tout cela, c'est que je veux parler de solutions de rechange.
    J'ai moi aussi assisté, il y a deux ou trois semaines, à la réunion bilatérale organisée par la section canadienne et la section américaine de l'UNHCR. Des représentants de Citoyenneté et Immigration et de l'ASFC ont témoigné, ainsi que leurs collègues de l'Australie, des États-Unis et de la Suède. Ce qui a surpris les représentants du Canada, c'est que nous semblons vraiment tirer de l'arrière au chapitre des programmes officiels qui cherchent d'autres solutions que la détention.
    Le témoin précédent vous a dit que l'Australie en particulier avait des programmes assortis de conditions qui traitent les questions de sécurité. Nous ne parlons pas de solutions de rechange qui permettraient, par exemple, à des criminels de guerre d'être libérés, mais qui accorderaient une attention particulière à ceux qui sont à faible risque, ceux qui sont vulnérables, comme les femmes enceintes ou les personnes devant être déportées qui sont prêtes à rentrer au bercail et qui n'ont pas besoin d'être en détention.
    Ici au Canada, le seul programme que nous pouvons citer en exemple est le Programme de cautionnements à Toronto. C'est assurément une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer. L'Australie travaille en très étroite collaboration avec la Croix-Rouge, mais aussi avec d'autres organismes de la société civile et des ONG. Ils ont mis en place des programmes assez exhaustifs et efficaces dans le cadre desquels les personnes qui n'ont pas leur place dans un centre de détention et qui suivent le processus, aux fins d'identification ou de déportation, ont la possibilité de vivre dans la collectivité jusqu'à leur expulsion. Nous croyons — et elles ont témoigné à cet égard — que c'est certainement plus humain et économique. Le taux de conformité au programme est de 90 p. 100.
    C'est bien entendu une option que je recommande fortement. Il est temps que le Canada envisage une autre solution officielle à l'échelle nationale que les programmes de détention. J'aimerais beaucoup en parler lorsque j'aurai terminé mon exposé.
    Avant que mon temps ne soit écoulé, j'aimerais aussi parler du deuxième point, c'est-à-dire l'incidence de la Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers . Mes préoccupations sont fondées sur deux facteurs. Premièrement...
    Ce n'est pas le moindrement pertinent.
    Le gouvernement meurt d'envie d'en parler. Nous tiendrons des audiences concernant le projet de loi C-43, qui sera soumis au vote de la Chambre des communes demain. Notre comité étudiera ce projet de loi.
    Il traite de sécurité, mais je ne crois pas que nous devrions aborder ce sujet particulier à ce stade. Vous pourrez revenir et faire un exposé à ce moment-là.
(1650)
    J'avais le sentiment qu'elle...
    Veuillez éviter de parler du projet de loi C-43, car il fera l'objet d'une autre audience.
    Alors, permettez-moi de parler en terminant de la sécurité et des conséquences de l'imposition de peines minimales pour ceux qui ont grandi au Canada et qui pourraient se trouver dans ce genre de situation, souvent à cause de délits mineurs. En raison des peines imposées, ces gens pourraient être vus comme des personnes qu'il faut expulser du Canada.
    Nous sommes préoccupés par ces gens qui sont Canadiens en fin de compte et qui ont grandi ici. Ces personnes ont très peu de liens avec leurs pays d'origine, sinon aucun lien. Ils ne sont pas devenus Canadiens pour une raison ou une autre, comme l'éclatement de la famille et les enfants qui deviennent des pupilles de l'État. Malheureusement, c'est seulement maintenant que bien des organisations provinciales commencent à porter attention au statut d'immigration et aux questions de citoyenneté. Bien des intéressés, surtout de jeunes hommes issus de communautés victimes de racisme, comme les jeunes hommes noirs, sont menacés de renvoi dans des pays où ils n'ont aucun lien, parce qu'ils présenteraient un risque pour la sécurité. Le comité doit en tenir compte dans son examen des mesures de sécurité. Il faut s'assurer de ne pas punir tout le monde pour sécuriser les frontières et de ne pas expulser ceux qui, au fond, devraient être Canadiens.
    Merci, madame Douglas.
    Monsieur Grant, bonjour. Vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé au comité.
    Merci. M'entendez-vous?
    Oui, monsieur. Tous les députés indiquent que oui.
    D'accord.
    Merci, mesdames et messieurs les députés, de l'invitation à témoigner aujourd'hui. Je suis honoré de participer à ces discussions importantes.
    Concernant la sécurité du système d'immigration au Canada, je veux parler en particulier de la façon de s'occuper des menaces, notamment en vertu de l'article 34 de la LIPR.
    Comme le président l'a indiqué, je suis avocat. Même si je pratique toujours un peu, je me consacre surtout aux études doctorales sur l'application des dispositions de sécurité au Canada et dans d'autres régions. J'ai publié dernièrement un article sur la question dans la revue de Georgetown sur le droit de l'immigration.
    Je vais d'abord raconter l'histoire de Habtom Kibraeb, que vous connaissez peut-être. Cet homme d'Halifax a pris la route avant de se suicider en février 2010. C'est un événement tragique qui a attristé bien des gens là-bas.
    Avant d'arriver au Canada, M. Kibraeb faisait partie du mouvement des Érythréens qui visaient à créer un nouveau pays et à se séparer du régime très oppressif d'Éthiopie.
     Il a été reconnu universellement que le mouvement voulait faire respecter les droits de la personne et que son objectif était démocratique. Le Canada a été un des premiers pays à reconnaître la légitimité du mouvement de libération des Érythréens et il a ouvert une ambassade dans le nouvel État d'Érythrée très peu de temps après sa création.
    À l'époque, on ne se demandait pas si le mouvement d'indépendance violait les droits de la personne. En fait, c'était le contraire. La lutte visait à améliorer le respect des droits de la personne pour les Érythréens.
    Étant donné que, 20 ans plus tard, M. Kibraeb était en grave danger dans son pays, il est venu au Canada. Mais les autorités d'immigration ont déclaré qu'il constituait une menace terroriste et qu'il était interdit de territoire aux termes de l'article 34.
    La sécurité du Canada et des frontières n'était pas menacée, et il ne faut pas présenter ce cas de la sorte. Toutefois, M. Kibraeb a été détenu en vertu de l'article 34, qui porte sur la sécurité. Personne n'a jamais allégué que M. Kibraeb menaçait le Canada. Le problème, ce sont les activités auxquelles il avait participé et le mouvement qu'il avait soutenu une vingtaine d'années plus tôt.
    Je ne dis pas que les autorités ou les agents d'immigration du Canada ont causé la mort tragique de M. Kibraeb. Ce dont je veux parler aujourd'hui et ce que cette histoire montre, c'est que les mauvaises décisions en matière de sécurité et d'immigration ruinent des vies. C'est arrivé à M. Kibraeb, mais je l'ai constaté moi-même dans bien des cas. Voilà ce dont je veux parler aujourd'hui.
    Le processus empêche les gens qui ne peuvent pas retourner dans leurs pays, parce qu'ils sont menacés comme tout le monde le reconnaît, de travailler au Canada. Il les force à demander de l'aide sociale et annule les prestations de soins de santé qu'ils recevaient. Surtout, le processus les contraint à vivre dans la peur constante de retourner dans leurs pays, où ils seront tués. Les gens doivent envisager d'être séparés de leurs familles, dont bien des membres vivent ici avec eux et ne sont pas menacés d'interdiction de territoire. C'est évidemment déchirant pour toute la famille.
    C'est tout simplement indéniable que les dispositions sur l'interdiction de territoire de l'article 34 concernent beaucoup plus de gens que ceux qui représentent une menace pour la sécurité au Canada. Les dispositions de l'article 34 sont claires et elles incluent tous les membres du Congrès national africain. Nous l'avons constaté, et nous nous efforçons d'obtenir une exemption pour eux. Les militaires des forces armées des États-Unis sont aussi visés de façon catégorique.
    Vous connaissez sans doute l'article 34. J'indique quand même que tous ceux qui se livrent à la subversion contre les gouvernements ou qui ont commis des actes visant à renverser un gouvernement par la force sont visés de façon catégorique et sont interdits de territoire.
    Qu'est-ce qui se produit alors? Le pouvoir discrétionnaire est exercé pour accepter certaines personnes et en refuser d'autres et pour renvoyer des gens et permettre à d'autres de rester ici.
(1655)
    La façon dont le processus s'applique très souvent est fascinante et troublante.
    En effet, le temps n'est pas pris en compte dans l'interprétation des dispositions de l'article 34. Ce dernier porte sur tous les membres d'une organisation qui cherchait à renverser un gouvernement répressif ou démocratique. Par exemple, la personne qui se joint aujourd'hui à un parti ou à une organisation qui tentait de renverser un gouvernement il y a 100 ans est tout de même interdite de territoire, selon la loi.
    Le problème, c'est que le pouvoir discrétionnaire sert à prendre des décisions fondamentales sur la sécurité nationale et sur les gens dont la vie pourrait être menacée dans leurs pays.
    À mon avis, le comité doit tenir compte de trois aspects concernant les facteurs et les décisions prises en vertu du pouvoir discrétionnaire.
    Tout d'abord, il est essentiel que le comité suggère au Parlement d'appliquer des exemptions plus larges pour certaines personnes. Par exemple, nous savons que les membres du Congrès national africain ne représentent pas une menace pour le Canada, même s'ils ont participé à des activités visées par l'article 34.
    Les États-Unis ont pris ce genre de mesures. Ils exemptent les gens qui font partie d'organisations non terroristes et qui ne constituent pas une menace pour le pays, mais qui sont visés par les lois sur le terrorisme et l'immigration.
    En août, la secrétaire Napolitano a mis en oeuvre une large exemption pour que les membres d'organisations non préoccupantes ne risquent pas d'être renvoyés et de subir la persécution et la torture en raison de leur affiliation.
    De plus, nous devons mieux former ceux qui exercent un pouvoir discrétionnaire et qui prennent les décisions relatives aux gens qui présentent ou non une menace pour la sécurité nationale. C'est nécessaire, car les gens de partout dans le monde qui immigrent au Canada en raison de conflits sont placés dans des situations complexes.
    C'est très facile d'englober beaucoup de personnes, mais c'est bien plus difficile et bien plus important de ne pas ratisser trop large pour éviter d'inclure ceux qui ne constituent pas, de l'avis de tous, une menace pour le Canada. Nous pourrions entre autres adopter une exemption plus vaste et renforcer la formation sur les décisions à prendre et sur les gens qui présentent ou non une menace. Je pourrai en parler plus en détail.
    Enfin, le projet de loi C-43 modifie le paragraphe 34(2) sur l'exemption. Je ne veux pas parler de ce projet de loi, mais la disposition en fait partie, même si elle est modifiée.
    Je suis convaincu que la décision ne doit pas être prise par le ministre. La décision lui est toujours revenue, mais je vous invite à examiner la possibilité de modifier le processus. Je dirais que les ministres conservateurs ou libéraux n'ont peut-être jamais fait un bon travail dans la prise de décisions sur les exemptions. Les politiciens ont du mal à prendre de telles décisions, qui sont difficiles par nature. Ils hésitent à exempter des gens visés par les mesures législatives contre le terrorisme.
    L'arriéré des décisions liées au paragraphe 34(2) est tout simplement abominable. Les délais s'élèvent à 10 ans pour ceux dont la vie est en suspens. Bien des études donnent à penser que les délais liés aux décisions d'immigration peuvent représenter une torture supérieure à celle que les gens ont subie dans leurs pays. Pour être tout à fait honnête, je trouve horrible de devoir attendre 10 ans pour obtenir une décision.
    Je vais en rester là. Je suis impatient de discuter davantage de ces questions.
(1700)
    Merci beaucoup, monsieur Grant et madame Douglas. Vos exposés étaient excellents.
    Nous avons des questions.
    Monsieur Opitz.
    Monsieur Grant, comment peut-on établir qu'une personne présente ou non une menace simplement en se fondant sur son association à un groupe particulier?
    La question n'était pas évoquée durant les nombreuses audiences d'interdiction de territoire auxquelles des agents de l'ASFC et moi avons participé. Je pense que tout le monde, la commission qui prend la décision, les conseillers du ministre qui la contestent et la défense, est d'accord pour dire que la personne ne présente pas une menace pour les Canadiens. En effet, la raison qui a poussé cette personne à immigrer au Canada avant d'être interdite de territoire n'a rien à voir avec la menace qu'elle constituerait pour le Canada.
    Je parle surtout des nombreuses personnes dont la situation n'est pas controversée. Ces interdictions de territoire ne sont pas des cas isolés.
    La disposition ratisse large et comprend des gens qui ne présentent aucune menace.
    C'est peut-être vrai en ce qui vous concerne, mais bien des gens constituent une menace. C'est ce dont nous parlons. C'est une question de sécurité, qui est changeante au pays et ailleurs. Nous voulons consolider la sécurité le plus possible, compte tenu des changements qui surviennent et des nouvelles technologies que nous essayons de mettre en oeuvre.
    Comme ma collègue l'a dit, Mahmoud Mohammad Issa Mohammad, qui a perpétré des actes terroristes pour le Front populaire de libération de la Palestine, est au Canada depuis 1987. Ses appels judiciaires ont coûté jusqu'ici environ 3 millions de dollars aux contribuables canadiens. D'après vous, avons-nous déjà dépensé une telle somme en aide juridique pour défendre un grand criminel?
    Selon vous, quel est le plus grand montant dépensé dans un cas semblable?
    Je n'ai pas entendu la fin de votre question.
    J'ai dit à la fin que les contribuables canadiens ont dépensé 3 millions de dollars pour cette personne qui a commis des actes terroristes au nom du Front populaire de libération de la Palestine et qui a des liens clairs avec le terrorisme.
    Pensez-vous qu'il s'agit d'une dépense appropriée? Selon vous, avons-nous déjà déboursé autant pour défendre ce genre de personne?
    Je vais d'abord réponse à la deuxième question. Non, il s'agit d'un cas extrême.
    Concernant la première question, croyez-vous à la présomption d'innocence? Si oui, il faut s'informer pour savoir si la personne a bel et bien commis des actes terroristes. Dans le cas contraire, je m'en remets à vous. Mais quant à moi, je crois à la présomption d'innocence, à la primauté du droit et à un processus efficient qui établit avec justesse si une personne présente ou non une menace.
    Comme j'ai dit dans l'exposé...
(1705)
    D'accord, monsieur. Je dois poursuivre, car mon temps est limité.
    On parle de 25 ans de présomption d'innocence, et ce n'est pas fini, car les tribunaux examinent toujours la question.
    Que savez-vous sur la biométrie?
    Je ne suis pas spécialiste de la biométrie, et je ne suis pas ici aujourd'hui pour parler de ça.
    Comprenez-vous ce qu'est la biométrie, comme les photos, la reconnaissance faciale et les empreintes digitales qui aident à établir l'identité? Pensez-vous qu'il faut accroître l'utilisation de la biométrie?
    Je sais que les photos [Note de la rédaction: inaudible]
    D'accord, mais pensez-vous qu'il faut mettre en oeuvre ce genre de programme pour identifier les gens avec certitude?
    Je ne vais pas me prononcer sur la question de la biométrie. Encore une fois, ce n'est pas la raison pour laquelle je témoigne aujourd'hui. Ce n'est pas mon champ d'étude. Ce n'est pas mon domaine de spécialisation à titre d'avocat; ce n'est pas l'objet de ma recherche doctorale.
    D'accord.
    Madame Douglas, je vais vous poser une question semblable, parce que vous avez rencontré ce problème.
    Comment détermine-t-on qui doit être gardé en détention? Il arrive souvent que des gens viennent au pays et refusent de collaborer et de s'identifier. Qui sont-ils, ces gens? Quels sont leurs vrais motifs? Nous n'en savons rien. Tant que nous ne sommes pas en mesure de les identifier de fait, pourquoi devrions-nous les laisser côtoyer nos amis et nos voisins? Pourquoi garder quelqu'un chez nous, en contact avec nos enfants, dans de telles circonstances?
    C'est pourquoi nous recommandons d'envisager un plan pour établir un programme officiel de rechange. Ce que nous ferons, alors, c'est établir les conditions que les gens doivent remplir, auquel cas...
    Mais, madame, vous ne répondez pas à mes questions.
    Oui, en tout respect, oui...
    D'accord, je vais vous donner une autre minute.
    A-t-on invoqué le Règlement? Veuillez arrêter le chronomètre; nous sommes saisis d'un rappel au Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, je trouve cela très pénible. On devrait au moins laisser les témoins terminer leurs phrases avant de réagir. Je crois que c'est important et que c'est le minimum de respect qu'on devrait leur accorder.

[Traduction]

    Monsieur le président, en raison du temps limité dont je dispose, si je trouve que le témoin ne répond pas tout à fait à ma question, alors je pense que j'ai le droit de lui demander, poliment et respectueusement, de rectifier le tir.
    Je suis d'accord. Nous l'avons tous fait, mais elle était en train de répondre à votre question.
    Je lui ai dit de continuer et de terminer sa réponse pour voir si cela...
    Laissons-la terminer sa réponse.
    Allez-y, madame Douglas.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne prétends pas savoir qui est innocent ou qui ne l’est pas. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il est important d'établir un programme officiel qui offre une solution de rechange à la détention et qui établit les critères à utiliser pour déterminer quels sont ceux qui présentent un risque minimum, ceux qui font partie des groupes vulnérables, ceux qui respecteront toute condition que nous jugeons nécessaire d’instaurer pour assurer notre sécurité.
    Je ne pense pas que la détention soit nécessairement la solution à utiliser pour quiconque entre au pays — et vous avez entendu le même discours de la part de nombreux témoins. Nous avons parlé des cas évidents, comme les enfants, les femmes vulnérables et les femmes enceintes. Nous avons parlé de la question de savoir s'il faut les garder en détention pendant 20 ou 10 jours.
    Si nous établissons ces limites, si nous mettons en place des processus d’évaluation pour nous assurer que les gens remplissent ces conditions et si nous disposons d’un programme, parallèlement aux programmes de libération sous caution dans diverses villes partout au pays et à la collaboration des ONG avec l'ASFC et d'autres forces de sécurité pour s'assurer que ceux qui sont libérés sous leur garde respectent les conditions en vigueur, alors, je crois que ce sera la meilleure façon de procéder.
    C'est justement là où je veux en venir, parce qu'on doit établir l'identité de la personne avant de pouvoir appliquer ces conditions. Si on ne sait pas qui sont ces gens, on ne peut pas les laisser entrer dans la population et on ne peut prendre toutes ces autres mesures.
(1710)
    Nous n'en disconvenons pas.
    Oui, mais madame...
    Je vais devoir vous interrompre tous les deux. Le temps est écoulé. Je regrette.
    Allez-y, monsieur Chisholm.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais commencer par M. Grant. J'ai trouvé votre témoignage très intéressant parce que vous avez parlé de l'application des dispositions en matière de sécurité.
    Votre premier argument portait sur toute la question de la discrétion et des problèmes qui s'y rattachent, particulièrement en ce qui concerne la détermination de la catégorie de personnes. Vous avez dit qu'aux États-Unis, on a adopté, cette année, une exonération visant une catégorie. Pourriez-vous nous en dire davantage?
    Bien sûr. Merci beaucoup.
    En fait, cette question s'inscrit dans la même veine que celles que M. Opitz a posées et auxquelles je n'ai pas pu terminer de répondre. Comme vous l'avez dit, monsieur Chisholm, il est possible d'identifier les gens qui suscitent des inquiétudes et ceux qui n’en suscitent pas. C'est précisément ce que le département de la Sécurité intérieure a fait aux États-Unis.
    Aux États-Unis, les organisations sont classées en catégories: il y a les organisations de la première catégorie, celles de la deuxième catégorie et celles de la troisième catégorie. En règle générale, ces catégories correspondent au degré de menace possible. Ainsi, une organisation comme Al-Qaïda ferait partie de la première catégorie. Les organisations de la troisième catégorie seraient tout à fait différentes.
    L'exonération prévue s’applique à toutes les organisations de la troisième catégorie, mais il y a quelques exceptions. C’est le cas, par exemple, lorsque des preuves indiquent qu'une personne a eu recours à la violence pour faire avancer sa cause ou qu'un membre d’une organisation de la troisième catégorie est susceptible d’avoir ciblé, dans le cadre d’une autre fonction, un intérêt américain ou un citoyen américain.
    Il y a donc des exceptions, mais de façon générale, cette disposition vise les gens qui appartiennent à ces organisations. Le département de la Sécurité intérieure a fait ses devoirs et a créé, en collaboration avec divers intervenants, une liste d'organisations qui se rapportent généralement à l'exemple que j'ai donné. On parle ici de gens qui ont déjà fait partie d’organisations qui appuyaient des conflits isolés, régionaux, nationaux ou intérieurs n’ayant rien à voir avec la sécurité des États-Unis.
    À la rigueur, c'est ce que je propose au comité d'examiner sérieusement parce que, pour vous dire franchement, c'est une perte de ressources que de s'occuper de ces cas. Une exemption générale des personnes qui ne présentent pas de risque est un premier pas dans la bonne direction pour nous placer sur le même pied que les États-Unis, qui ne sont généralement pas connus comme étant moins vigilants que le Canada en matière de sécurité.
    Merci, monsieur Grant.
    Vous avez donné l'exemple d'une personne qui avait été identifiée comme étant inoffensive, mais que l'on a pourtant classée dans une des catégories que vous avez mentionnées. Vous avez dit que tous les intervenants — c'est-à-dire l'avocat du ministre, la défense, les fonctionnaires du gouvernement — étaient d'accord pour dire que la personne ne présentait pas de menace, mais il fallait respecter les dispositions de la loi. Comment a-t-on réglé cette situation? La personne serait-elle expulsée?
    Je n'ai pas bien saisi la question. Parlez-vous des gens qui feraient partie de l'une des organisations de la troisième catégorie, mais qui enfreignent les autres dispositions?
    Non, vous avez dit que l'ANC était classé comme une organisation terroriste. Et pourtant, tout le monde convenait que la personne ne présentait pas de menace pour le Canada ou les Canadiens — c'est l'exemple que vous avez donné. Il n'y avait aucun moyen de faire preuve de discrétion dans ce contexte. Comment l'affaire s'est-elle terminée?
    Jusqu'en 2008, Nelson Mandela avait besoin d'une exemption particulière pour se rendre aux États-Unis. C'était une situation absurde.
    Nous avons connu exactement la même situation au Canada. En fait, je crois que le ministre Kenney en a parlé assez récemment, et M. Cotler a présenté une motion au Parlement afin de créer un règlement précis qui permet d'accorder une exemption aux membres de l'ANC. Là où je veux en venir, c'est que l'ANC offre une perspective d'analyse très utile au problème parce que tout le monde connaît l'ANC et ses nobles aspirations; tout le monde sait que les membres de l'ANC ne représentent pas une menace pour le Canada. On trouve exactement la même situation, sans aucune différence, un peu partout dans le monde et, par le passé, dans le cadre de nombreux conflits. Voilà pourquoi je propose que nous établissions une sorte de processus pour cerner de tels cas de façon systématique et stratégique. C'est faisable. Comme je l'ai dit, il existe un précédent.
    Je ne suis pas sûr si cela répond à votre question, mais aux États-Unis, l'ANC aurait été une organisation de la troisième catégorie.
(1715)
    C'est bien utile. Merci.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste une minute.
    Ma prochaine question s'adresse à vous deux.
    On a soulevé la question de la biométrie. En examinant la transcription des délibérations de la dernière réunion, j'ai constaté que M. Benjamin Muller avait dit, dans son exposé, qu'une étude menée sur cinq ans, publiée en septembre par le National Research Council de Washington, avait conclu que la biométrie était « foncièrement faillible: cette technologie donne seulement des résultats probables et non probants. »
    Nous avons entendu d'autres témoins parler des lacunes inhérentes au profilage.
    Madame Douglas, on vous a déjà posé cette question. Pourriez-vous dire au comité ce que vous pensez de l'orientation adoptée par le gouvernement en ce qui concerne le profilage et la biométrie?
    Je ne prétends pas être une experte en la matière, mais chaque fois que le gouvernement étudie un nouvel outil, je dis souvent qu'il faut faire attention de ne pas soumettre inutilement des groupes particuliers à un profilage et qu'il faut mettre en place des systèmes. Quelqu'un m'a posé cette question l'autre jour. Par exemple, si les immigrants ou les demandeurs d'asile, peu importe leur catégorie d'immigration, devaient passer par un système biométrique pour ensuite devenir citoyens canadiens, ne créerions-nous pas une citoyenneté à deux vitesses? Après tout, ceux d'entre nous qui sont nés au Canada n'auraient pas à subir un examen biométrique, et cette information n'existerait pas.
    Nous devons passer au prochain intervenant, madame Douglas.
    Monsieur Andrews.
    Nos deux témoins se rendent bien compte que, dans le système actuel, les gens peuvent être détenus s'ils ne parviennent pas à établir leur identité, s'ils constituent un danger ou s'ils risquent de s'enfuir. Je suis curieux, et ma question s'adresse à vous deux. Pourriez-vous nous dire si vous proposeriez des changements à ces critères? Madame Douglas, vous avez parlé des jeunes dans votre témoignage. Comment cela s'appliquerait-il aux enfants?
    Nos alliés dans le monde qui utilisent d'autres méthodes que les programmes de détention déterminent la vulnérabilité et, par conséquent, le risque.
    Souvent, par exemple, les femmes qui voyagent avec leurs enfants ne sont pas gardées en détention lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'elles ne représentent pas une menace. Elles sont souvent hébergées ailleurs pendant qu'on examine leurs documents d'identité.
    Il est parfois impossible de déterminer l'identité de gens provenant de certains pays, d'États défaillants, qui arrivent dans notre pays. La question est alors de savoir si nous devons détenir ces gens indéfiniment ou prendre un risque raisonnable, supposer qu'ils ne constituent pas une menace pour nous et leur fournir des conditions d'hébergement plus appropriées. Nous pourrions certainement nous pencher sur cette question.
    Chose intéressante, quand nous avons discuté avec nos homologues américains, à Buffalo, ils nous ont dit qu'au cours des quatre dernières années, les gens du Département de la sécurité intérieure ont pris la décision de concentrer davantage leurs efforts et leurs ressources sur les problèmes de criminalité. Au lieu de chercher à attraper les gens ayant des problèmes d'immigration et d'identité et de les détenir, ils ont consacré tous leurs efforts à cibler ceux qui ont commis des crimes, qui ont été expulsés, mais qui sont revenus au pays et qui ont poursuivi leurs activités criminelles. Ils ont ensuite collaboré avec des organismes, qui malheureusement, aux États-Unis, sont à but lucratif, afin de trouver une solution de rechange pour les autres personnes aux prises avec des problèmes d'immigration et d'identité seulement.
    Je pense qu'une discussion s'impose au Canada au sujet de ce que nous devrions faire au lieu de détenir toutes les personnes jusqu'à ce que nous ayons déterminé leur identité, ou parce que ce sont des cas d'arrivées dites irrégulières ou quoi que ce soit d'autre qui sera prévu dans le projet de loi C-31.
(1720)
    Monsieur Grant, nous savons qu'il y a trois raisons pour lesquelles les gens peuvent être détenus avant de risquer d'être expulsés. Y a-t-il des motifs pour lesquels ces règles devraient être changées ou les motifs actuels sont-ils suffisants pour l'expulsion?
    Selon mon expérience d'avocat, la majorité des personnes que j'ai représentées ont été détenues pour des motifs liés à l'identité. Je comprends la logique derrière tout cela et je ne la conteste pas. Cependant, je contesterais parfois la façon dont elle est utilisée par les décideurs en matière d'immigration, car dans certains cas, il est presque impossible pour les personnes, compte tenu de leur situation, de fournir des documents d'identité satisfaisants pour la section de l'immigration.
    La seule chose que je préconise à cet égard, c'est que le comité demande au Parlement et aux décideurs d'envisager des solutions créatives pour confirmer l'identité des personnes. Les membres de la section de l'immigration et moi-même avons conçu des solutions créatives pour permettre aux gens d'être libérés, reconnaître qu'il n'est dans l'intérêt de personne de les détenir, proposer d'autres façons de faire, comme confirmer l'identité au moyen de plusieurs affidavits au lieu de pièces d'identité officielles, et offrir des moyens de libérer les gens plus rapidement qu'on le fait à l'heure actuelle.
    Je vais m'arrêter là-dessus.
    Merci.
    Monsieur Weston.
    J'ai été très heureux d'entendre ce que vous aviez à dire, madame Douglas. Comme vous, je me préoccupe beaucoup des droits de la personne. Nous avons probablement beaucoup de choses en commun. Je suis le fondateur de la Canadian Constitution Foundation, dont l'objectif est de défendre les Canadiens lorsque les gouvernements les bousculent.
    Je crois que si nous ne posons pas la bonne question, nous n'obtiendrons pas la bonne réponse. Si nous demandons si nous nous inquiétons au sujet des gens qui sont détenus à tort, je répondrais que oui, je trouve regrettable que des gens soient détenus alors qu'ils ne devraient pas l'être. Mais si nous nous demandons plutôt si nous devons mettre fin au système de protection des réfugiés parce que nous ne pouvons pas identifier les gens, ou parce que nous n'avons pas les mesures de sécurité nécessaires, alors de toute évidence, nous refuserons la demande de toutes les personnes qui sont réellement persécutées dans leur pays. Tout le monde ici conviendrait qu'il s'agit d'une mauvaise décision.
    Le parallèle que nous pourrions faire, et je demanderai à M. Grant de nous dire ce qu'il en pense dans un instant, c'est de nous demander si nous devrions abandonner notre système de justice pénale par crainte d'une condamnation injustifiée. Nous sommes humains, et nos institutions sont imparfaites; des erreurs se produiront, quoi que nous fassions. Mais la plupart des gens diraient qu'il nous faut tout de même un système de justice pénale et que nous pouvons améliorer progressivement son efficacité.
    Selon moi, en nous servant de la biométrie, par exemple, nous améliorons l'exactitude de nos décisions afin d'en arriver à placer les bonnes personnes en détention. Nous détiendrons tout de même des personnes qui, en fin de compte, n'auraient pas dû être détenues, mais c'est le prix à payer pour le système de protection des réfugiés, n'est-ce pas?
    J'ai relu les remarques que vous avez faites en avril, à propos du projet de loi C-31. Vous avez dit vous inquiéter au sujet de la caractérisation des réfugiés et craindre que les Canadiens se forgent une opinion de plus en plus négative des réfugiés. N'est-il pas vrai que leur opinion serait encore plus négative si nous n'avions pas mis en place des dispositions en matière de sécurité pour les rassurer quant au maintien de notre programme pour les réfugiés?
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
(1725)
    Absolument, et je vous remercie de la question.
    Je crois que même si nous tous, qui avons témoigné ici, disons que les Canadiens ne devraient pas s'inquiéter de la sécurité de notre pays, nous le devrions certainement. Toutefois, en intégrant ces mesures de sécurité, nous devons faire en sorte de mettre en place les conditions qui permettront de minimiser les préjudices pour la majorité des gens. Cela signifie, lorsqu'il est question de détention, que nous devons porter attention à des choses comme le profilage et la discrimination fondée sur la race, par exemple.
    Nous portons attention au fait que nous voulons connaître les gens qui arrivent au pays. La détention d'une femme enceinte et de son enfant est-elle la seule façon de déterminer leur identité, ou y a-t-il un autre moyen de le faire en leur permettant de vivre ailleurs? Nous avons déterminé que le risque est minime, tant sur le plan de l'évasion que de la sécurité.
    Comme vous venez de le dire, ce n'est pas « tout ou rien ». Protégeons-nous nos systèmes? Protégeons-nous notre nation? Veillons-nous à disposer de mesures de sécurité pour continuer d'assurer notre protection et celle de nos systèmes, y compris notre système d'immigration et d'octroi de l'asile? Absolument. Parallèlement, devrions-nous nous assurer de concevoir des systèmes qui minimisent les préjudices pour une majorité de personnes? Absolument. Je dirais que ces éléments ne s'excluent pas mutuellement.
    Je ne connais pas les établissements que vous connaissez bien. Vous êtes de Toronto, je crois.
    Oui, en effet.
    Dans le cadre de notre étude, j'ai visité les installations de Vancouver, et j'y ai vu une dimension humaine incontestable. Ils ont été conçus pour la détention des gens pendant que l'on vérifie leur identité.
    Encore une fois, je suis conscient du fait que si notre population perd confiance dans les décisions que nous prenons, elle incitera les élus à commencer à limiter les programmes. Nous sommes convaincus d'avoir le programme d'octroi de l'asile le plus généreux au monde par personne. Nous tenons à continuer fièrement dans cette voie.
    Monsieur Grant, nous exerçons la même profession. Je vous ai entendu dire il y a une minute qu'il nous faut améliorer les outils qui sont à la disposition des agents de la sécurité frontalière et la communication entre les organismes concernés. Vous avez mentionné ne pas être un expert en biométrie, mais ne diriez-vous pas que le fait de pouvoir confirmer l'identité d'une personne par des mesures infaillibles comme le balayage des empreintes digitales et le balayage de l'iris leur donne les outils nécessaires pour faire précisément ce que vous recommandiez?
    Encore une fois, je préfère ne pas parler de la biométrie, car ce n'est pas mon domaine d'expertise. Mais je dirai une ou deux choses, puisqu'on m'a posé une question à deux reprises et que de toute évidence, le comité s'intéresse à cette question.
    Premièrement, je pense que les tribunaux et les avocats se méfient et devraient toujours se méfier des nouvelles approches scientifiques présentées comme tout à fait infaillibles, car s'il est une chose que nous avons apprise, c'est que bien peu de choses sont infaillibles en ce bas-monde. Si nous pouvions être absolument sûrs que x donnerait y, alors tout serait très simple. Le problème, c'est que c'est rarement le cas. Je vais m'en tenir à cela.
    Excusez-moi, vouliez-vous dire quelque chose?
    Donnez-moi une seconde. Si vous le voulez bien...
    Je ne sais pas s'il vous reste une seconde.
    Nous ne visons pas la perfection, car si c'était le cas, nous ne pourrions rien faire. Nous devrions abandonner tous nos programmes. Nous voulons nous améliorer progressivement afin de poursuivre le programme pour les réfugiés. Vous avez raison de dire que nous ne devrions pas le considérer comme infaillible, mais ce sera certainement une meilleure mesure de sécurité, qui nous permettra d'empêcher les gens de demander injustement des prestations d'aide sociale et d'autres programmes après leur arrivée au Canada.
(1730)
    Merci, monsieur Weston.
    Monsieur Benskin, vous avez une minute.
    Excellent, merveilleux.
    Je veux parler du facteur humain. Nous avons beaucoup parlé de la détention et de son rapport avec la sécurité. Je pense que la question de la sécurité dont nous parlons, ou sinon celle dont nous devrions parler, c'est la sécurité globale. Assurer la sécurité des frontières est une chose, mais assurer la sécurité sociale et celle des collectivités en est une autre.
    J'aimerais que l'un ou l'autre d'entre vous me dise s'il est d'accord. Quand on traite les gens d'une certaine manière, quand des gens arrivent dans ce pays et sont placés en détention, cela déclenche une réaction en chaîne. Ces jeunes grandissent en se sentant rejetés et persécutés dans ce pays et ils reproduisent cela dans la collectivité, pour simplifier les choses à l'extrême.
    Selon vous, est-ce là une évaluation juste de ce que peut faire la détention?
    Je crois que Mme Jeanes a parlé tout à l'heure des conséquences à moyen et à long terme du traumatisme de la détention chez les enfants, et de la question de savoir s'il y a un lien de causalité direct entre le comportement déviant et la détention en bas âge. Comme je ne suis pas psychologue, je ne peux répondre à cette question, mais nous savons que les gens ont souvent un sentiment d'aliénation lorsqu'ils sont tenus à l'écart de la société à laquelle ils tentent de s'intégrer.
    Monsieur Grant, madame Douglas, notre temps est écoulé. Je vous remercie tous les deux d'être venus. Vous avez soulevé des questions auxquelles les membres du comité ne manqueront pas de réfléchir.
    La séance est levée.
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