:
Bonjour à tous. Je m'appelle Delphine Nakache. Je suis professeure de droit à l'Université d'Ottawa, mais vous avez raison de dire que j'enseigne et fais de la recherche à la Faculté des sciences sociales. Toutefois, j'ai fait ma formation dans le domaine juridique.
[Français]
En décembre 2011, à titre de consultante externe, j'ai écrit pour le HCR un rapport portant sur les coûts humains et financiers de la détention des demandeurs d'asile au Canada. Ma présentation d'aujourd'hui portera sur les conditions de détention des demandeurs d'asile dans les prisons provinciales. Je vais me concentrer sur ce point parce que très peu de travaux ont été réalisés à ce sujet. Je tenais vraiment à souligner cet aspect.
Si le projet de loi C-31 est adopté, le nombre de demandeurs d'asile détenus dans les prisons provinciales va augmenter de façon significative. Or, il existe déjà plusieurs problèmes importants reliés à la détention des demandeurs d'asile dans ces institutions. Il est donc essentiel de résoudre ces problèmes avant que la situation ne s'exacerbe.
[Traduction]
Comme on s'attend à ce que l'augmentation la plus marquée du nombre d'immigrants détenus ait lieu en Colombie-Britannique, province qui est la destination la plus probable des gens qui arrivent par bateau, mon exposé d'aujourd'hui porte sur les conditions de détention des demandeurs d'asile en Colombie-Britannique. Toutefois, la situation est essentiellement la même un peu partout au Canada.
[Français]
D'abord, quel est le portrait de la situation générale au Canada?
[Traduction]
Au cours des trois dernières années, d'après l'ASFC, le taux d'utilisation des établissements provinciaux réservés aux immigrants a augmenté pour toutes les catégories d'immigrants, et il a dépassé 36 p. 100 des immigrants détenus.
[Français]
Les demandeurs d'asile sont directement concernés par cette hausse. De 2005 à 2009, en moyenne, 23 p. 100 des réfugiés étaient détenus dans des prisons provinciales. De 2009 à 2010, cette proportion était passée à 29 p. 100. On parle donc ici d'une augmentation du nombre de demandeurs d'asile détenus dans les prisons provinciales. Il est important de souligner que la très grande majorité d'entre eux ne sont pas détenus parce qu'ils constituent un risque à la sécurité. Ils le sont uniquement pour des raisons d'immigration. Cela signifie, globalement, que près d'un demandeur d'asile sur trois qui est détenu en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est enfermé dans un établissement de type carcéral, c'est-à-dire dans une prison municipale ou provinciale. Dans la plupart des cas, il s'agit d'une prison provinciale.
Comment s'expliquent ces chiffres? C'est assez simple. Ils sont dus au fait qu'il n'existe au Canada que deux centres d'immigration de l'ASFC, qu'on appelle aussi les Centres de surveillance de l'immigration. En fait, il y en a trois, mais deux d'entre eux sont destinés à la détention des étrangers pour plus de 72 heures. Il y a un centre pour le grand Montréal et un autre pour le district du grand Toronto. Ailleurs au Canada, les demandeurs d'asile sont donc détenus dans des prisons provinciales ou municipales. Les prisons provinciales sont aussi utilisées partout au Canada pour détenir des personnes considérées à faible risque, mais qui présentent des troubles mentaux ou des troubles de comportement.
Quelle est la situation en Colombie-Britannique, en particulier?
[Traduction]
En Colombie-Britannique, les demandeurs d'asile sont détenus au Centre de surveillance de l'Immigration de la Colombie-Britannique pendant 72 heures, puis ils sont automatiquement transférés dans un établissement provincial.
[Français]
Bien qu'il existe des prisons à sécurité moyenne en Colombie-Britannique, tous les demandeurs d'asile sont détenus dans des prisons à sécurité maximum. Les raisons ne sont pas évidentes.
[Traduction]
Les responsables de B.C. Corrections disent aussi qu'ils veulent traiter tous les détenus de la même façon afin d'éviter toute forme de discrimination. Les gardiens des établissements provinciaux sont donc tenus dans l'ignorance du statut d'immigrant des détenus.
[Français]
et les demandeurs d'asile sont soumis, au même titre que n'importe quel autre prisonnier de droit commun, à l'ensemble des règles institutionnelles. Cela signifie, par exemple, qu'ils portent l'uniforme de prisonnier et que leur liberté de mouvement est extrêmement restreinte.
[Traduction]
L'absence de traitement particulier pour les demandeurs d'asile pose problème.
[Français]
Par exemple, contrairement aux demandeurs d'asile détenus dans les centres de l'ASFC, ceux qui sont en prison n'ont pas accès à Internet. Leurs appels téléphoniques sont extrêmement restreints. Ces appels peuvent avoir lieu uniquement lorsque les demandeurs d'asile sont dans la salle commune, c'est-à-dire à des moments très précis de la journée. De plus, étant donné que les appels sont sur écoute pour des raisons qui se comprennent dans un contexte criminel, ils prennent fin à n'importe quel moment.
De plus, les appels locaux sont gratuits pour les demandeurs d'asile détenus aux Centres de surveillance de l'immigration, ou CSI, de l'ASFC, mais ils sont payants pour ceux qui sont détenus en institution carcérale. Quant aux appels internationaux, ils ne sont possibles qu'avec une carte d'appel délivrée par l'institution pénitentiaire. Par contre, mon expérience relative à la recherche et par rapport à ce que j'ai pu voir en Colombie-Britannique a révélé que les cartes d'appel ne fonctionnent pas pour tous les pays d'où proviennent les demandeurs d'asile.
Ce sont des problèmes concrets, mais dans ces conditions-là, vous comprendrez qu'il est très difficile pour les demandeurs d'asile de réunir les documents nécessaires à leur revendication du statut de réfugié, d'autant plus que ces demandeurs bénéficient rarement d'une aide extérieure.
En fait, pour les centres correctionnels, à part la Croix-Rouge qui visite ces centres de manière très irrégulière, aucune ONG n'est autorisée à rendre visite sur place aux demandeurs d'asile qui se retrouvent en prison. De plus, il est très difficile pour ces demandeurs d'asile d'obtenir en détention les services d'un avocat. Cela est bien plus difficile que pour ceux qui sont dans les centres de surveillance de l'immigration de l'ASFC.
[Traduction]
La situation est très différente ici de ce qu'elle est dans d'autres pays industrialisés.
[Français]
La situation problématique dans les prisons provinciales est exacerbée par un flou juridique qui entoure le partage du champ des compétences entre le fédéral et le provincial. En effet, nous sommes dans un contexte où, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'ASFC est l'autorité fédérale habilitée à détenir les demandeurs d'asile. Toutefois, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, la province est responsable des soins, de la garde et du contrôle des demandeurs d'asile qui sont détenus dans des prisons provinciales. Cela signifie que même si l'ASFC détient le pouvoir décisionnel concernant la détention d'un demandeur d'asile, elle n'a pas de contrôle sur la manière dont les services correctionnels provinciaux gèrent leurs institutions carcérales.
[Traduction]
Comme je le mentionne dans mon rapport, un intervenant de l'ASFC a dit que « la situation actuelle révèle une utilisation vraiment inefficace de l'argent des contribuables, puisque l'ASFC verse beaucoup d'argent aux établissements correctionnels, mais n'a aucune "emprise" sur ce que les établissements provinciaux font ».
[Français]
Je vais revenir à la toute fin sur la question du coût financier de la détention.
Les règles strictes de nature punitive relevant de l'institution carcérale ont été établies dans un but précis. Ce but est simple: encadrer les conditions de détention des prisonniers de droit commun. Il n'existe donc aucune raison, a priori, pour que ces règles soient appliquées aux demandeurs d'asile qui sont détenus en fonction du droit de l'immigration et non du droit pénal. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle le droit international stipule clairement que les demandeurs d'asile doivent être détenus dans des conditions conformes à leur statut et pas comme des personnes présumées ou reconnues coupables de délit.
[Traduction]
À l'égard de ce problème, par exemple, un haut fonctionnaire du Department of Homeland Security des États-Unis admet dans un rapport qu'il a rédigé en 2009 que la détention d'immigrants dans les établissements correctionnels américains « s'assortit de plus de restrictions et coûte plus cher que ce qui est nécessaire pour gérer de façon efficace la majeure partie de la population carcérale ».
Il est clair que les coûts se font sentir sur le plan des droits de la personne. Pour ne donner que quelques exemples, les demandeurs d'asile incarcérés sont soumis à des entraves inutiles et exagérées à leur liberté, ce qui nuit à leur capacité de demander une protection internationale. Il y a aussi des préoccupations concernant la sécurité des demandeurs d'asile détenus dans les établissements correctionnels de la Colombie-Britannique, dont la plupart n'ont jamais connu le milieu correctionnel auparavant et peuvent se mêler à la population carcérale ordinaire. En outre, la répartition des demandeurs d'asile dans les établissements à haute sécurité, plutôt que dans les établissements à sécurité moyenne, constitue une mesure de gestion exagérée de cette population, vu le risque pour la sécurité très faible qu'elle pose.
[Français]
De plus, il y a aussi des coûts financiers. Évidemment, il est difficile d'avoir des statistiques sur les coûts financiers de la détention. Sur ce point, je voudrais vous référer à un rapport de 2010 de la vérificatrice générale concernant la détention en matière d'immigration.
:
Aujourd'hui, je vais lire le texte de mon exposé, pour aller plus vite.
Je ne vais pas vous parler ce matin du coût extrêmement élevé de notre système actuel de détermination du statut de réfugié, ni du fait qu'il encourage le passage de clandestins, qu'il pose une menace grave pour la sécurité du Canada, qu'il mine notre système d'immigration, qu'il nuit à nos relations bilatérales avec beaucoup de pays qui sont nos alliés et compromet nos échanges et notre secteur du tourisme. Je ne vais pas vous parler du fait que c'est la principale raison pour laquelle nos voisins du Sud ont militarisé leur frontière avec nous ni, enfin, de ce que cela mine et inhibe les efforts déployés par le Canada pour régler les problèmes que connaissent les réfugiés à l'échelle mondiale.
Depuis plus d'un quart de siècle, toutes les tentatives de réforme du système de détermination du statut de réfugié défectueux du Canada ont échoué. Cet échec est principalement attribuable au fait que nos politiciens, peu importe le parti qu'ils représentent à la Chambre, sont disposés à admettre les arguments d'un puissant lobby des réfugiés qui existe au pays, lobby qui résiste férocement à toutes les tentatives de réformer, même dans la mesure la plus modeste, un système qui, clairement, ne fonctionne pas bien. Ce lobby est constitué entre autres d'avocats spécialistes en droit de l'immigration, de consultants en immigration, du Conseil canadien pour les réfugiés, d'églises, d'Amnistie internationale et de toutes sortes d'autres groupes de défense de droits et d'organisations non gouvernementales. Bon nombre de ces organisations reçoivent beaucoup d'argent qui vient des contribuables pour mener leurs activités, et elles sont nombreuses à faire de l'excellent travail pour aider les demandeurs d'asile et les réfugiés qui arrivent au pays. Cela ne fait aucun doute.
On pourrait douter de leur sincérité lorsque les organismes en question se posent en défenseur des pauvres réfugiés contre un gouvernement puissant et malveillant qui cherche à empêcher les gens persécutés de ce monde à entrer au Canada, mais ils ont le droit de faire des pressions en faveur d'un changement de politique qui serait dans leur intérêt, et je ne conteste pas cela. Ce qui est plus dérangeant, cependant, c'est que ce lobby joue un rôle prépondérant dans l'élaboration des politiques en matière d'asile depuis un quart de siècle. C'est comme si le Parlement avait délégué sa responsabilité d'élaboration de politiques dans ce domaine aux lobbyistes. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration les appelle par exemple intervenants, et non lobbyistes.
Vous remarquerez que j'établis une distinction claire entre les politiques relatives à l'asile et celles qui concernent les réfugiés. Le lobby des réfugiés ne tient pas compte de cette distinction, et ses représentants aiment faire croire aux médias et à la population que les milliers de gens qui se présentent à nos frontières de façon spontanée et sans invitation en affirmant être persécutés sont considérés comme étant des réfugiés. Eh bien, ce n'est pas vrai. Ce ne sont pas des réfugiés. Ces gens ne sont pas considérés comme des réfugiés avant que la CISR n'accueille leur demande et ne rende une décision définitive quant au fait qu'ils respectent les critères qui définissent la catégorie des réfugiés.
Depuis que le Canada permet à quiconque se présente à la frontière d'avoir une audience devant un tribunal quasi judiciaire, avec dans la plupart des cas l'accès gratuit à un conseiller juridique et l'accès aux tribunaux, la Commission du statut de réfugié a un arriéré important, bien entendu. On compte à l'heure actuelle quelque 40 000 cas de personnes qui attendent l'examen de leur demande, ce qui signifie qu'une personne qui se présente aujourd'hui pour faire une demande d'asile ne va probablement pas avoir d'audience avant deux ans ou à peu près. Plus on attend longtemps avant la tenue de l'audience, plus il est difficile, évidemment, pour quiconque de décider de renvoyer ces gens chez eux, même lorsqu'ils ne sont pas considérés comme étant des réfugiés. C'est presque impossible à faire.
Prenez l'exemple des deux navires tamouls qui sont arrivés l'un il y a trois ans et l'autre il y a deux ans. Il y avait à bord de ces navires quelque 500 demandeurs d'asile, et, à ma connaissance, moins de 20 ont été renvoyés dans leur pays. Les autres sont encore ici, et ils vont probablement rester pendant encore une année ou deux. Ils ne vont pas rentrer dans leur pays. Vous pouvez en être sûrs.
En 1989, lorsqu'une nouvelle loi sur les réfugiés était rédigée pour contrer ce nouveau phénomène soudain de gens qui arrivaient au Canada pour demander l'asile, Lloyd Axworthy était ministre, et il a demandé à un professeur de l'Université d'Ottawa, M. Edward Ratushny, de réaliser une étude et de formuler des recommandations à l'intention du gouvernement du Canada pour régler ce problème.
M. Ratushny a dit dans ses recommandations que, pour qu'un tribunal quasi judiciaire puisse fonctionner adéquatement, il faut s'assurer que tout le monde n'y ait pas accès. Il a ajouté que la chose est vouée à l'échec si l'on offre à tous un accès intégral et libre à un tribunal quasi judiciaire. Le tribunal ne peut pas, à ce moment-là, composer avec le volume, et il est submergé de demandes. Évidemment, c'est exactement ce qui s'est produit dans le cas de la Commission du statut de réfugié.
La loi adoptée en 1989 contenait bel et bien la recommandation formulée par M. Ratushny, c'est-à-dire de régler très rapidement au début du processus le cas des gens provenant d'un tiers pays sûr. Il n'y a pas lieu de leur offrir de protection. Ils en avaient déjà une dans leur pays d'origine, et M. Ratushny pensait donc qu'il ne fallait pas leur permettre de présenter une demande, puisqu'ils ne feraient qu'engorger le système. Évidemment, il avait raison, mais, comme d'habitude, personne ne l'a écouté.
Trois jours avant l'adoption du projet de loi qui aurait inclus les dispositions permettant au gouvernement de décider quels pays étaient sûrs, Barbara McDougall, qui était alors ministre, a annoncé que le projet de loi allait être adopté, mais sans les dispositions concernant les pays sûrs. Évidemment, la commission faisait déjà face à ce moment-là à de graves problèmes.
Deux ans après, en 1991, le nombre de demandeurs d'asile au Canada était passé à 67 000. Deux ou trois ans plus tard, il était de 55 000, puis de 58 000. Il est demeuré très élevé depuis, parce qu'il n'y a aucun moyen d'écarter les gens qui n'ont manifestement pas besoin de notre protection.
La Convention des Nations Unies sur les réfugiés impose une obligation fondamentale à ses signataires, et c'est celle de ne pas renvoyer de réfugiés dans un pays où ils craignent d'être persécutés. La convention ne parle pas des demandeurs d'asile. Pourquoi? C'est bien sûr parce qu'il ne s'agit pas de réfugiés. Ce sont des gens qui cherchent à obtenir le statut de réfugié et qui affirment être des réfugiés, mais bon nombre d'entre eux, comme nous le savons — 60 p. 100 au moins des gens qui présentent une demande à la CISR — sont considérés comme n'étant pas des réfugiés authentiques.
Avec cette obligation en tête, il est clair que le Canada a le droit, comme pays souverain, de désigner des pays sûrs pour les réfugiés. Il n'y a aucune raison de ne pas désigner l'ensemble des pays de l'Union européenne comme étant des pays sûrs pour les réfugiés. Les gens sont pleinement protégés là-bas par les tribunaux européens des droits de la personne.
Les États-Unis sont un pays sûr pour les réfugiés. Le taux d'admission y est très élevé, et les cas y sont tranchés par des juges professionnels. Nous devrions renforcer nos ententes concernant les pays sûrs avec les États-Unis. Les Américains n'étaient pas très enthousiastes à l'idée de signer une entente du genre, et ils se sont assurés que la disposition concernant les tiers pays sûrs ne s'applique pas lorsqu'une personne se présentant à la frontière avait un parent, même éloigné, au Canada. Les autorités américaines savaient que 50, 60 et peut-être même 80 p. 100 des gens partant des États-Unis pour venir ici étaient passés par les États-Unis pour rejoindre des parents au Canada.
La désignation en question ne serait en aucun cas contraire à la Convention des Nations Unies. Tous les pays d'Europe ont une liste de pays sûrs et des dispositions concernant les tiers pays sûrs. Ils en ont tous, parce que, sinon, ils ne pourraient pas composer avec le volume de gens qui arrivent chez eux. L'Allemagne a reçu 493 000 demandes d'asile en 1993. L'année suivante, elle a modifié sa constitution pour régler le problème. Nous n'avons toujours pas été en mesure d'apporter quelque modification que ce soit à nos lois, malgré les tentatives de réforme.
J'appuie le projet de loi qui se trouve devant le Parlement, parce qu'il s'agit à mon avis d'une tentative modeste d'apporter des changements. Je ne pense pas que cela va fonctionner, pour être tout à fait franc, parce que nous n'écartons pas encore rigoureusement les gens qui viennent d'Europe ou des États-Unis. On leur permet de présenter une demande. Ils n'ont pas le droit d'interjeter appel à la nouvelle section des appels de la Commission, mais ils ont le droit de demander l'autorisation d'interjeter appel à la Cour fédérale.
Je pense que les délais qu'on veut leur imposer vont être contestés par les avocats, et peut-être en vertu de la Charte. Je ne pense pas que cela va fonctionner.
Je pense qu'il y a de bons éléments dans le projet de loi qu'il faut appuyer, mais je crains qu'ils n'aillent pas suffisamment loin. Ce nouveau projet de loi ne vas pas fonctionner, à moins qu'il s'assortisse d'un système permettant d'écarter, dès le départ, les gens qui ne sont de toute évidence pas des réfugiés et qui n'ont pas le droit de présenter une demande parce qu'ils bénéficient d'une protection dans le pays d'où ils viennent.
Si l'on ne renvoie pas les réfugiés, ou les demandeurs d'asile, dans les 48 heures, ils sont ici pour de bon. C'est la raison pour laquelle nous sommes devenus une cible de choix pour les passeurs de clandestins. Ils peuvent garantir à leurs clients que, même si leur demande est rejetée par la Commission, ils vont pouvoir rester. Nous ne renvoyons que très peu de gens.
Nous en détenons plus qu'avant, comme Mme Nakache l'a dit, et je suis d'accord avec beaucoup de choses qu'elle a dites. Nous devrions détenir ces gens dans des quartiers de détention plutôt que dans des prisons. Toutefois, si on ne les renvoie pas rapidement, on ne peut plus rien faire.
Enfin, Lucienne Robillard, qui était alors ministre, a publié en 1999 un excellent rapport intitulé Au-delà des chiffres. Je pense que le ministère de l'Immigration rendrait un grand service au comité en remettant les chapitres de ce rapport concernant la protection aux membres du comité. Si nous avions appliqué les recommandations contenues dans ce rapport, nous serions un chef de file dans le monde pour ce qui est d'aider les réfugiés et aussi de traiter équitablement les demandeurs d'asile.
Merci.
:
Monsieur le président, je veux tenter d'aborder deux ou trois points, et je dispose de cinq minutes pour le faire.
Tout d'abord, je crois qu'il est très important de rappeler que, selon le Parti libéral et moi-même, les dispositions relatives à la détention obligatoire sont inconstitutionnelles, et qu'elles seront contestées.
Le projet de loi soulève des préoccupations parce qu'il comprend des dispositions qui vont à l'encontre de la Constitution du pays. De surcroît, je ferais également valoir que ce projet de loi ternit la réputation qu'a le Canada d'être un chef de file mondial pour ce qui est de la façon de traiter les réfugiés et, de façon plus générale, l'ensemble des questions liées aux réfugiés. À l'heure actuelle, un peu partout dans le monde, plus de 10 millions de personnes ont besoin de se voir accorder une certaine forme d'asile, se trouvent dans des camps de réfugiés, et ainsi de suite. La possibilité que le Canada soit en mesure de contribuer à régler ces problèmes est compromise par le projet de loi .
J'aimerais parler du Sun Sea et de l'Ocean Lady; Le premier transportait 492 personnes, et le second, 76. En ce moment, six de ces personnes sont toujours détenues. Sous le régime actuel, nous pouvons maintenir en détention les personnes qui présentent un risque élevé pour la société canadienne. Ces personnes sont maintenues en détention. Il est important de le souligner.
Madame Nakache, vous avez fait allusion à la détention. Je comprends votre propos au sujet des dispositions relatives à la détention, à savoir le fait qu'elles sont fondées sur des considérations financières et qu'elles vont à l'encontre de la Constitution. Il s'agit d'excellentes observations, auxquelles je souscris sans réserve.
Ma question est la suivante. Le projet de loi comprend d'autres éléments, par exemple, le fait qu'une personne s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié peut perdre son statut ou la capacité de parrainer un membre de sa famille si la situation change dans son pays d'origine, et ce, même si elle détient le statut de réfugié depuis des années.
J'aimerais savoir si vous pouvez formuler de brèves observations là-dessus.
:
Tout d'abord, je tiens à mentionner que je suis pleinement d'accord avec vous, et que je suis désolée si on a mal interprété mes propos à ce sujet.
Là encore, je souligne que le droit international n'interdit pas la détention pour des motifs liés à l'immigration en tant que telle, mais il prévoit, entre autres, que ce type de détention doit être envisagé au cas par cas. À mes yeux, d'après le droit international, la détention obligatoire en tant que telle est inconstitutionnelle et illégale. À coup sûr, je vois ce que vous voulez dire, et je suis du même avis.
Je serais extrêmement heureuse de transmettre au comité quelques rapports portant expressément sur les solutions de rechange à la détention. J'estime qu'il s'agit de très bons rapports, et qu'ils pourraient assurément vous donner une idée des possibilités concrètes qui s'offrent à nous à ce chapitre.
Quant aux autres éléments du projet de loi , je suis d'avis que bon nombre d'entre eux posent des problèmes. Celui que vous avez mentionné, à savoir le fait que nous pouvons renvoyer une personne dans son pays d'origine si la situation change là-bas, doit être examiné avec prudence. Pourquoi? Parce que si des gens qui se trouvent dans le pays de destination, le Canada, ont...
[Français]
Ils ont pris racine et ils ont vraiment développé des liens importants avec le pays de destination. Dans ce cas, il me paraît très embêtant, ne serait-ce que d'un point de vue humain, de renvoyer ces gens dans leur pays d'origine.
Il y a beaucoup de dispositions dans le projet de loi qui, selon moi, sont problématiques et qui ne respectent pas les principes fondamentaux du droit des réfugiés.
Je préfère laisser d'autres personnes témoigner devant vous et parler davantage de ces points qui sont très importants, comme vous l'avez dit.
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Je vous remercie de cette clarification.
Il y a deux choses que je voudrais préciser et je pense que c'est vraiment important de le faire.
Il est certain qu'il y a ce discours autour des demandeurs d'asile et des réfugiés. On entend souvent dire que ce sont les réfugiés qui devraient bénéficier de protection et que les demandeurs d'asile bénéficient d'une protection moindre. Vous savez comme moi que la Convention de Genève a été adoptée en 1951 dans un contexte où, à l'époque, la question de terminologie ne se posait pas. Des réfugiés arrivaient et ils obtenaient automatiquement le statut de réfugié. À l'époque, le contexte était très différent. Au cours des années, on a fait une différence entre les demandeurs d'asile et les réfugiés parce que les États des pays de destination ont été de plus en plus confrontés à la situation du droit d'asile et que, finalement, quand les gens arrivaient sur le territoire, ils étaient des demandeurs du statut de réfugié. Dans les faits, la Convention de Genève parle uniquement des réfugiés, mais c'est parce qu'à l'époque, la question ne se posait pas. On était dans le contexte de la fin de la Deuxième Guerre mondiale et les gens étaient automatiquement considérés comme des réfugiés au sens de la convention. La distinction entre demandeurs d'asile et réfugiés s'est faite au fil du temps et la détermination du statut de réfugié est maintenant devenu un long processus.
Ensuite, sauf erreur, votre question concernait en quoi il est illégal ou inconstitutionnel au plan du droit international de vouloir détenir des gens à l'égard desquels on manque d'information relativement à leur identité, etc. En fait, vous savez très bien, tout comme moi, que le droit de l'immigration relève du droit administratif et que, à la base, c'est un droit qui permet des procédures. Finalement, le principe du droit administratif repose sur une large marge de manoeuvre accordée aux personnes qui prennent les décisions. Pourquoi cela a-t-il été conçu de cette façon? C'est parce qu'en fait, on s'est dit que l'agent d'immigration doit avoir le pouvoir de déterminer au cas par cas le bien-fondé d'une demande, d'une situation. En fait, le droit de l'immigration a jusqu'ici été pensé de manière à ce que les agents d'immigration, lorsque qu'un individu se présente devant eux, puissent faire une évaluation au cas par cas. Ce qu'on fait, dans ce contexte-là, c'est de mettre tout le monde dans le même panier et c'est là où cela devient problématique.
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Nous allons reprendre nos travaux.
Nous accueillons ce matin un plus grand nombre de témoins que d'habitude parce qu'il se peut que les membres doivent quitter la réunion pour aller voter. Nous ne savons pas exactement quand nous devrons le faire, ni même si nous devrons effectivement le faire, mais cela est fort possible. C'est la raison pour laquelle nous accueillons un plus grand nombre de témoins qu'à l'accoutumée.
Le présent groupe de témoins est composé de représentants de trois organisations. Tout d'abord, du Conseil canadien pour les réfugiés, nous accueillons Loly Rico, vice-présidente, et Chantal Tie, présidente du Groupe de travail, La Protection au Canada. Ensuite, de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, nous recevons Donald Galloway, coprésident, Comité de recherche juridique, et Lesley Stalker, membre à titre personnel. Enfin, du Centre de santé et de services sociaux de la Montagne, nous accueillons Marc Sougavinski, directeur général, et Marian Shermarke, conseillère clinique.
Bonjour à tous. D'habitude, chaque groupe dispose de 10 minutes, mais cette fois-ci, malheureusement, chaque groupe n'aura que huit minutes à sa disposition.
Madame Tie, êtes-vous la porte-parole?
:
Le Conseil canadien pour les réfugiés — le CCR — croit en un système de protection des réfugiés qui est équitable, indépendant et abordable, et qui respecte les obligations juridiques prévues par la Charte et la Convention des Nations Unies. Nous avons uni notre voix à celle d'Amnistie internationale, de l'ACAADR et de l'Association canadienne des libertés civiles pour réclamer le retrait du projet de loi . Dans les mémoires que nous avons déposés, nous exposons de façon détaillée les multiples raisons pour lesquelles le projet de loi C-31, en plus d'être inconstitutionnel, porte atteinte à notre tradition humanitaire et viole les obligations internationales du Canada. Toutes ces questions nous tiennent à cœur, mais aujourd'hui, nous nous contenterons de parler de la détention et des délais de traitement, et ce, à la lumière des valeurs familiales et de la responsabilité financière. Nous demandons à ceux d'entre vous qui détiennent le pouvoir de retirer le projet de loi de se poser la question suivante: le projet de loi C-31 est-il compatible avec ces valeurs?
Qu'est-ce que les valeurs familiales ont à voir avec le projet de loi ? Les valeurs familiales ne veulent rien dire si l'on n'entend pas par là la protection des familles et la préservation de leur unité, et la sollicitude à l'égard des enfants. Si l'on croit aux valeurs familiales, on ne pose pas consciemment des actes qui occasionneront aux familles et aux enfants des préjudices d'ordre physique, social ou émotionnel. Le projet de loi fera du tort aux familles et aux enfants parce que, d'une part, il permettra la détention — obligatoire et échappant au contrôle judiciaire —, à leur arrivée, d'étrangers désignés, et, d'autre part, en imposant un délai de cinq ans avant qu'une personne puisse demander la résidence permanente, et donc puisse être réunie avec les membres de sa famille. Le CCR pose les deux questions suivantes: comment peut-on soutenir que le fait de détenir des étrangers désignés dans des établissements de détention est compatible avec la protection des enfants et des familles? Comment peut-on justifier le fait de confier des enfants aux bons soins d'une société de protection de l'enfance ou de les mettre en prison par le fait que leurs parents doivent absolument être incarcérés?
Si je parle de « prisons », c'est parce que, à Ottawa, où j'exerce le droit de l'immigration et des réfugiés, les gens dont nous parlons sont détenus, avec la population carcérale générale, au centre de détention situé sur le chemin Innes. Ils sont enfermés dans des cellules fermées à clé, font l'objet de fouilles obligatoires, et parfois de fouilles à nu et sont soumis à des restrictions sévères en ce qui a trait aux visites et à la liberté de mouvement. Les femmes et les hommes sont détenus séparément, et ont peu d'occasions de se rencontrer et d'échanger. Les personnes atteintes de problèmes de santé mentale sont placées en isolement dans un établissement à sécurité maximale.
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Bonjour. Je suis arrivée au Canada il y a 22 ans, en tant que réfugiée, avec mon mari et mes deux enfants. À l'époque, j'étais enceinte de cinq mois. Je vous raconte mon histoire pour illustrer à quel point il est important de retirer le projet de loi .
Lorsque je suis arrivée ici, j'ai obtenu la protection du Canada, et mes enfants ont pu grandir avec leur père à leurs côtés. Dans mon pays d'origine, mon mari a failli être tué. Il a été incarcéré, et il a été victime de torture. Pour exprimer notre reconnaissance envers le pays qui nous a protégés et bien traités, nous avons fondé un foyer pour réfugiés où nous accueillons des femmes et des enfants qui ont fui la persécution fondée sur le sexe.
Si nous étions arrivés au Canada après le 29 juin de la présente année — c'est-à-dire après l'entrée en vigueur du projet de loi —, nous aurions été désignés à notre arrivée, nous aurions été mis en détention, j'aurais été séparée de mon mari, et mes enfants, de leur père, mes enfants auraient été placés dans un foyer d'accueil ou mis en détention avec moi, et j'aurais accouché en prison.
Le Centre de surveillance de l'Immigration à Toronto ne comporte aucune installation permettant de détenir ensemble les membres d'une famille. Les femmes et les enfants sont détenus dans une section, et les hommes, dans une autre — ils ne peuvent se voir que pendant 45 minutes le matin et 45 minutes l'après-midi. Tentez d'imaginer ce qu'éprouvent les gens qui se trouvent dans une situation où ils ne sont autorisés à voir les membres de leur famille que quelques minutes par jour et ne peuvent promener leur nouveau-né que pendant une courte période chaque jour. Il s'agit d'une violation pure et simple des valeurs canadiennes.
Ce que j'essaie de dire, c'est que nous devons mettre l'accent sur les valeurs canadiennes axées sur la protection des familles et la préservation de leur unité. Le projet de loi viole ces valeurs.
Le délai de cinq ans que devront respecter les étrangers désignés avant d'être autorisés à présenter une demande de résidence permanente constitue un autre élément qui aura pour effet de séparer les membres d'une famille.
La plupart des femmes qui se présentent à notre centre ont laissé de jeunes enfants derrière elles. Sous le régime actuel, elles doivent attendre à peu près six ans avant d'être réunies avec leurs enfants en raison de divers retards, surtout dans les cas où la demande de visa doit être traitée par le bureau de Nairobi. Par suite des dispositions relatives à la période d'attente de cinq ans, ces femmes seront séparées de leurs enfants pendant 11 ou 12 ans, c'est-à-dire plus ou moins la moitié de la durée d'une enfance. Cela aura des répercussions émotionnelles et sociales considérables sur ces enfants, car ils devront prendre part à des programmes particuliers et recevoir du soutien afin d'être réunis en bonne et due forme avec leur mère et leur père, et vice versa. Nous constatons les répercussions sociales en observant les familles réunies au bout de 8 ou 10 ans.
Les réfugiés éprouvent une énorme culpabilité du fait qu'ils sont en sécurité ici pendant que leurs enfants et leur conjoint se trouvent dans une situation précaire à l'étranger. Les membres de la famille doivent passer par une phase où ils doivent se réapprivoiser mutuellement — les enfants doivent apprendre à reconnaître leur mère, et celle-ci, admettre que ses enfants sont non plus des poupons, mais des adolescents. Les familles ont besoin d'aide pour réussir cette adaptation, ce qui est parfois impossible. Bien souvent, elles ont besoin de participer à des séances de counselling à cette fin.
Le CCR pose la question suivante: en quoi le fait de séparer délibérément des réfugiés de leur famille est-il compatible avec les valeurs familiales?
:
Qu'est-ce que la responsabilité financière a à voir avec le projet de loi ? À nos yeux, la responsabilité financière concerne l'administration judicieuse des fonds publics. Le CCR croit en un système de protection des réfugiés abordable. L'argent gaspillé ne peut plus être utilisé pour financer l'importante tâche que représente la fourniture d'une protection. À l'heure actuelle, d'après le propos de M. Dykstra, nous croyons comprendre que seulement 1 p. 100 des demandeurs d'asile doivent être mis en détention.
Sous le régime actuel, nous procédons à des évaluations individuelles des risques, ce qui nous permet de bien protéger la société et de veiller à l'intégrité du système d'immigration. D'après les données de l'ASFC, en moyenne, une proportion de 94 p. 100 des demandeurs d'asile n'ont pas à être mis en détention. Si le projet de loi est adopté, chaque année, nous mettrons en détention 100 p. 100 des étrangers désignés qui arrivent ici. Le calcul est simple: si le passé est garant de l'avenir, quelque 94 p. 100 des gens que nous mettrons en détention sont des gens qui n'ont pas à être détenus.
Il n'y a aucune raison de croire que la demande d'asile présentée par une personne qui a eu recours à un passeur de clandestins n'est pas authentique. La façon dont s'y prend un réfugié pour arriver ici ne nous dit rien sur l'authenticité de la demande qu'il présente. Le HCNUR a souligné maintes fois qu'une multitude de réfugiés qui présentent une demande authentique arrivent dans un pays de façon irrégulière et sans papiers d'identité, et ce, pour une raison évidente: une personne persécutée par le gouvernement de son pays est peu susceptible d'obtenir de ce dernier des titres de voyage ou un visa de sortie qui l'aidera à présenter une demande de visa au Canada.
Les coûts annuels qu'entraîne le fait de détenir des demandeurs d'asile qui n'ont pas à être détenus, c'est-à-dire 94 p. 100 des demandeurs d'asile, sont astronomiques. D'après les données de l'ASFC, pour une personne, ces coûts se chiffrent à 200 $ par jour, soit 73 000 $ par année. Si l'on accordait aux demandeurs d'asile un permis de travail de manière à ce qu'ils puissent obtenir un emploi et devenir des contribuables, cela réduirait énormément ces coûts.
Nous disposons à présent de renseignements péremptoires qui montrent que, en Australie, les coûts liés à la détention obligatoire ont des effets dévastateurs. Les chiffres figurent dans notre mémoire. Jetez-y un coup d'oeil. Nous devons apprendre de l'expérience australienne plutôt que de répéter les erreurs commises là-bas.
En outre, nous devons garder présent à l'esprit qu'aucune des estimations de coût qui ont été faites ne tient compte des considérables coûts humains liés à la détention, c'est-à-dire des graves répercussions qu'a la détention sur la santé physique et mentale des personnes détenues, ni des coûts que l'on devra assumer dans l'avenir —une fois que les réfugiés auront vu leur demande approuvée et qu'ils s'intégreront à nos collectivités à titre de résident permanent — pour prendre en charge ces répercussions. Ces dernières comprennent des cas documentés...
:
Monsieur le président, membres du comité, nous vous remercions de nous avoir invités à participer aujourd'hui à cet important exercice démocratique.
Je m'appelle Marc Sougavinski. Je suis président-directeur général du CSSS de la Montagne, organisme public de santé et de services sociaux de Montréal. Mme Marian Shermarke, notre spécialiste en matière d'immigration, est à mes côtés.
[Français]
Le CSSS de la Montagne est un organisme professionnel universitaire du Réseau de la santé et des services sociaux du Québec spécialisé dans les questions relatives aux immigrants et aux réfugiés. Le CSSS a un programme particulier qui s'appelle le PRAIDA. C'est un service qui a près de 60 années d'expérience et d'expertise dans l'accueil et l'intégration des demandeurs d'asile. Le PRAIDA, anciennement connu sous le nom de SARIM, regroupe une équipe de travailleurs et de médecins qui a été développée justement pour donner du soutien et encadrer convenablement les demandeurs d'asile plutôt qu'ils soient laissés à eux-mêmes et sans ressources à Montréal.
En quelque 60 ans, le PRAIDA a vu transiger plus de 350 demandeurs et les a accompagnés. L'expérience est concrète et réelle. Nous sommes un organisme public. Nous n'allons pas à l'encontre des objectifs gouvernementaux. Nous sommes des professionnels de l'État et nous sommes soucieux de l'efficacité et de l'équité dans la prestation des services fast and fair, pour paraphraser le ministre Jason Kenney.
[Traduction]
Nous sommes d'accord avec cela.
[Français]
Le PRAIDA a, entre autres, des ententes avec tous les services d'immigration canadiens et travaille en étroite collaboration avec les services frontaliers. Nous profitons d'ailleurs de cette tribune pour souligner l'excellente collaboration qui existe entre nos services.
Nous sommes également soucieux de la protection des Canadiens. Nous sommes contre les criminels et les abuseurs de toute nature et nous sommes soucieux de nous assurer que les dollars investis dans les programmes le soient de façon judicieuse et utile aux Canadiens. Finalement, je tiens à préciser que nous sommes un organisme de santé et de services sociaux. Les besoins dans ce domaine sont de toutes sortes et nous ne sollicitons pas plus de travail, ni une augmentation de la misère humaine. Il y en a bien assez comme cela.
[Traduction]
Ainsi, j'espère que personne n'avancera que nous nous trouvons d'une quelconque façon en position de conflit d'intérêts.
[Français]
Dans un premier temps, ce qui est dérangeant dans le projet de loi, c'est l'image qui est véhiculée, c'est-à-dire que les demandeurs d'asile sont pour la majorité des fraudeurs et des menteurs pour lesquels des mesures contraignantes, voire punitives, doivent absolument être mises en place. Il y a cette idée de good guys and bad buys, où la plupart des demandeurs sont des bad guys. On pense, par exemple, à ceux qui voient leur demande refusée. C'est peut-être bien une croyance populaire facile à répandre chez les gens non avertis, mais pour des gens comme nous qui accueillons des demandeurs d'asile depuis 60 ans, il n'en n'est rien.
Il y a sûrement des abuseurs dans le système, mais comme dans tous les domaines de l'activité humaine, comme en politique, ce n'est pas la majorité qui fraude ou qui abuse du système, même si la croyance populaire peut être différente. La prison, c'est pour les criminels, et nous sommes d'accord avec cela, mais pas pour les réfugiés, pas pour les personnes vulnérables, pas pour les mères et leurs enfants, même pas à 16 ans. Cet accent mis sur l'emprisonnement et les conséquences possibles pour les enfants des familles nous rendent très mal à l'aise
[Traduction]
En outre, soyons honnête: une prison est une prison. Ne croyez pas ceux qui disent qu'il s'agit d'une forme douce de détention. Ce n'est pas vrai. Une détention préventive douce, ça n'existe pas. Une prison est une prison.
Nous sommes d'accord avec l'idée de réduire la période que doit attendre une personne avant d'obtenir une audience, mais pas si cela empêche la personne de préparer son dossier.
[Français]
Présentement, les délais sont trop courts et vont même nuire aux soi-disant bons réfugiés, même si on suit cette logique douteuse.
Selon nous, il est impensable que le Canada songe à emprisonner des enfants ou à les séparer de leurs parents. Vous êtes probablement tous des parents et je suis sûr que je n'ai pas besoin de vous expliquer cela en détail. Cette mesure défie l'entendement et doit absolument être corrigée.
Mme Shermarke va vous exposer les enjeux cliniques plus précis à ce sujet.
:
Monsieur le président, comme M. Sougavinski l'a fait, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de nous présenter devant vous et de vous faire part de nos préoccupations à propos du projet de loi .
[Français]
La logique derrière le projet de loi est de réduire les activités des passeurs et criminels en punissant les demandeurs d'asile qui entrent au Canada en clandestinité. Ce projet de loi est, selon nous, un exercice purement théorique parce qu'il ne mettra pas fin aux demandes de gens qui auront eu recours à des passeurs pour venir au Canada avec pour objectif de demander l'asile pour leur protection. Cet exercice théorique va, au contraire, mettre plus à risque la vie des demandeurs d'asile et ceux qui vont arriver risqueront d'être en mauvais état.
Voici l'histoire de deux jeunes Chinois qui sont partis de la Chine vers Hong-Kong avec un passeur. De là, ils sont tombés dans les mains d'autres passeurs qui les ont emmenés en Thaïlande. Par la suite, ils sont partis vers la France et, de la France, vers l'Afrique du Sud. De l'Afrique du Sud, ils sont partis au Brésil, pour enfin venir rejoindre leur père au Canada, un père qui était reconnu demandeur d'asile, un réfugié accepté. Les jeunes ont été victimes d'abus en cours route, ont vécu dans des conditions terribles et ont été assignés à des travaux forcés. Ces jeunes ont été dans les mains de passeurs beaucoup plus longtemps que prévu.
[Traduction]
Par conséquent, nous devons faire attention à ce que nous désirons.
[Français]
J'arrive maintenant à mes commentaires concernant les délais prévus pour les audiences. Nous trouvons que les délais pour répondre aux exigences d'une audience sont à la fois très et trop courts. Ces délais ne tiennent pas compte de la réalité des demandeurs d'asile. En ne tenant pas compte de la situation dans laquelle les demandeurs d'asile arrivent, le projet de loi les place dans une situation d'échec concernant leur audience.
La réalité des demandeurs d'asile est que durant ces délais trop courts, ils doivent aussi trouver leurs repères dans une société où ils ne parlent pas la langue. Ils doivent chercher un logement. Ils doivent aussi faire les démarches de demande d'immigration et trouver un avocat.
Sur le plan clinique, il faut comprendre que ces personnes ont été fragilisées par beaucoup d'expériences traumatisantes dans leur pays d'origine et aussi par ce qu'elles ont subi après leur départ. Pendant cette période, faite à la fois de déracinement et de recherche de sécurité, les demandeurs d'asile, bien que traumatisés et vulnérables, concentrent tous leurs efforts à maintenir leur intégrité physique et mentale pour arriver à leur destination finale.
Cette mobilisation psychologique représente souvent un effort ultime qui doit s'accompagner d'un accueil et d'une intégration possible de la part de la terre d'asile. Si la société d'accueil assume incomplètement les besoins de protection qu'elle est censée donner, l'intégrité physique et mentale des demandeurs d'asile se trouve de nouveau attaquée. C'est donc un autre risque de traumatismes, ce qui déclenche chez eux une vulnérabilité accrue.
J'ai décidé de m'en tenir à cinq articles du projet de loi. J'aimerais attirer votre attention sur l'article 10, qui porte sur la désignation des étrangers.
Par la suite, je vous parlerai des articles touchant la détention obligatoire, et je tenterai d'élucider quelques-uns des arguments présentés durant la séance précédente à propos de questions d'ordre constitutionnel. J'essaierai de le faire le plus simplement possible, mais à cet égard, le temps jouera contre moi.
Enfin, comme j'enseigne le droit, j'aimerais aborder un élément un peu plus complexe, mais qui me semble très important, à savoir l'article 16 du projet de loi, qui porte sur le refus de délivrer des titres de voyage aux demandeurs d'asile jusqu'à ce qu'ils aient obtenu le statut de résident permanent ou une autre forme de statut au pays.
Si vous le permettez, je vais me pencher sur les articles concernant les étrangers désignés et la détention obligatoire, à savoir l'article 10, comme je l'ai dit, de même que les articles 23 à 25. La question que je veux soulever est celle de la validité constitutionnelle des dispositions relatives à la détention obligatoire. Je vais tenter d'expliquer pourquoi cette question revêt une grande importance pour l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, et pourquoi nous trouvons très curieux que l'on n'ait pas pris en considération les problèmes d'ordre constitutionnel que posent ces articles.
Si cela nous semble curieux, voire énigmatique, c'est parce que, au cours des cinq dernières années, la Cour suprême du Canada a adopté une position exceptionnellement claire sur la question de la détention. En règle générale, on sait qu'il n'est pas évident d'obtenir gain de cause lorsqu'on présente une contestation constitutionnelle. Cela peut exiger l'établissement de liens avec d'autres domaines du droit, et la présentation d'arguments complexes. Toutefois, en ce qui concerne la détention, dans le cadre de l'affaire Charkaoui, la Cour suprême du Canada a tiré au clair un certain nombre de questions.
D'abord, la Cour déclare que la détention est une mesure extrême. C'est ainsi qu'elle la qualifie.
En outre, la question porte non pas sur la validité constitutionnelle de la détention en tant que telle, mais sur la validité constitutionnelle d'une détention ne s'assortissant pas d'un contrôle prompt et indépendant. Ce que nous voulons, c'est que nous mettions en place et entretenions un système dans le cadre duquel les décisions font l'objet d'un contrôle. Nous ne prônons pas un système dans le cadre duquel il n'y aurait aucune détention. Ce qui nous préoccupe, c'est l'inconstitutionnalité de la détention
À mes yeux, il s'agit de la façon la plus brève d'exposer la question de la validité constitutionnelle. Je reviendrai là-dessus si vous me posez des questions à ce sujet.
Je vais maintenant aborder la question du titre de voyage.
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Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
Les observations que je vais formuler sont fondées sur la prémisse selon laquelle tout le monde ici présent est acquis à l'idée de la protection des personnes qui risquent d'être victimes de persécution dans leur pays d'origine, et que personne d'entre nous ne saluerait ou ne verrait d'un bon oeil le refoulement ou le renvoi d'une personne dans un pays où sa vie ou sa liberté serait en danger.
Cela doit constituer notre pierre de touche. À mesure que nous étudions le projet de loi, nous devons nous demander si les dispositions qu'il contient ont un effet négatif ou positif sur notre capacité d'établir si une personne a besoin de protection.
J'aimerais vous faire part de mes préoccupations à propos de deux catégories de demandeurs d'asile qui, d'après mon expérience, sont susceptibles de passer entre les mailles du filet et d'être refoulés, malgré nos bonnes intentions, par suite des délais extrêmement courts imposés par le projet de loi .
La première catégorie comprend les personnes qui ont subi un traumatisme lié aux actes de persécution dont elles ont été victimes.
Un paradoxe se trouve au coeur de notre système de protection des réfugiés, à savoir le fait que les personnes qui ont été victimes de graves actes de persécution sont celles qui, bien souvent, sont le moins aptes à raconter leur histoire. Des études scientifiques détaillées ont été publiées à ce sujet. Nombreux sont ceux qui croient que la première version des faits que présente un demandeur d'asile est probablement la version véridique de son histoire; par conséquent, il est important de demander aux demandeurs d'asile de livrer leur version des faits avant qu'ils n'aient l'occasion de la modifier. Toutefois, dans les faits, nous devons généralement attendre longtemps avant d'obtenir un récit cohérent et précis. De multiples raisons expliquent cela, mais vu le temps dont je dispose, je ne les mentionnerai pas. Si vous voulez obtenir des détails sur les données scientifiques qui montrent que les traumatismes ont des répercussions sur la capacité des personnes de raconter leur histoire, je serai heureuse de répondre à vos questions.
Sur le plan pratique, le problème tient au fait que la probabilité qu'une personne soit considérée comme non crédible est directement proportionnelle à la gravité du traumatisme qu'elle a subi. Son compte rendu sera vraisemblablement considéré comme incohérent, illogique, vague ou contradictoire, et le demandeur d'asile sera donc vraisemblablement débouté pour des motifs liés à la crédibilité.
L'unique façon de parer à cela est de mettre la main sur des rapports médicaux, psychologiques ou psychiatriques qui corroborent la présence de cicatrices physiques et mentales liées à un traumatisme. Cela exige du temps, car bien souvent, les demandeurs d'asile qui ont subi un traumatisme ne dévoilent pas ce qu'ils ont vécu — ils ne veulent pas parler d'eux-mêmes. C'est leur façon à eux de s'en sortir. Les délais plus courts prévus par le projet de loi entraveront notre capacité d'identifier les personnes qui ont été victimes de persécution.
Le deuxième groupe qui me préoccupe est composé des personnes qui sont détenues. Comme vous l'avez entendu ce matin, toutes les personnes détenues le sont dans des établissements correctionnels, sauf à Toronto et à Montréal. Les établissements correctionnels ont été conçus pour prendre en charge des personnes qui ont été déclarées coupables d'actes criminels, ou sont accusées d'en avoir commis. Il s'agit généralement de personnes très difficiles à maîtriser. En outre, dans les établissements correctionnels, la capacité des personnes détenues de communiquer avec les gens de l'extérieur est très limitée. Les demandeurs d'asile sont visés par ces restrictions: leur capacité de faire des appels téléphoniques ou d'en recevoir est limitée, et ils n'ont pas accès à Internet ni au courrier électronique. Par conséquent, ils ont d'énormes difficultés à obtenir des documents d'identité ou d'autres éléments de preuve pertinents, par exemple des plaintes qu'ils ont pu déposer à la police dans leur pays d'origine, des rapports médicaux, etc.
Ils ont également...
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de comparaître ici aujourd'hui. Il s'agit certes d'un bon exercice démocratique. Nous sommes heureux que vous nous fassiez part de vos commentaires et de vos réflexions dans le cadre de notre étude du projet de loi .
J'aimerais utiliser le bref temps de parole qui m'est consacré pour aborder rapidement quelques points et parler plus en détail du projet de loi, du Canada et des attentes de la population à l'endroit de son gouvernement en ce qui a trait précisément à la question de l'immigration et des réfugiés. En tant que Canadiens, nous sommes très fiers de la générosité et de la compassion que nous démontrons dans le cadre de nos programmes d'immigration et de nos programmes pour les réfugiés. Mais nous ne tolérons pas ceux qui abusent de notre générosité et qui profitent injustement de notre pays. Je vais donner quelques exemples à ce sujet.
Le Canada demeure l'un des principaux pays d'accueil pour les réfugiés. En fait, parmi les pays du G20, le Canada est celui qui accueille le plus de réfugiés par habitant. Dans le monde, le Canada accepte un réfugié réétabli sur 10. C'est plus par habitant que presque partout ailleurs sur la planète. D'ailleurs, le gouvernement conservateur a augmenté de 2 500 le nombre de réfugiés qui seront réétablis chaque année.
Le projet de loi C-31 propose des changements qui s'inscrivent dans la foulée des réformes du système de demande d'asile de juin 2010, apportées dans le cadre de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, comme vous le savez peut-être. Les mesures proposées dans ce nouveau projet de loi permettront d'assurer plus rapidement la protection des personnes qui ont réellement besoin d'un asile — et auxquelles je pense que vous faites tous allusion — et le renvoi de ceux qui n'en ont pas besoin.
Je voudrais parler un peu des délais de traitement. Grâce aux mesures proposées dans le projet de loi C-31, le délai de traitement moyen des demandes d'asile, qui est actuellement de 1 038 jours, passerait à 45 jours pour des citoyens de pays désignés et à 216 jours pour toutes les autres personnes. Il est certes traumatisant pour une personne qui fuit son pays pour éviter de s'exposer à de la persécution ou à de la torture ou peut-être pour échapper à la mort de devoir attendre 1 038 jours avant que sa demande soit traitée.
Si nous pouvons accueillir ces personnes plus rapidement au Canada et ramener le délai de traitement moyen à aussi peu que 45 jours — ou que 216 jours pour celles qui ne viennent pas d'un pays désigné —, il s'agira d'une mesure pleine de compassion qui accélérera la réunification des familles et qui améliorera l'aspect humain de l'aide et du soutien que nous offrons à des personnes qui en ont vraiment besoin, chose que nous voulons tous.
En tant que gouvernement, nous avons la responsabilité d'assurer la sécurité des Canadiens. Je pense que personne au pays ne voudrait que l'on autorise des gens à s'établir dans son quartier sans savoir qui ils sont, sans connaître leur identité. C'est important. Comme l'ont dit quelques témoins — certains d'entre vous ont fait allusion au témoignage de ce matin ou peut-être à d'autres livrés au cours des jours précédents —, nous devons identifier les gens avant de les autoriser à entrer au pays.
Je vais donner deux exemples — qui me semblent particulièrement révélateurs — de ce qui peut se produire si nous n'assumons pas cette responsabilité. Le Sun Sea et l'Ocean Lady transportaient sans doute de nombreuses personnes qui fuyaient la persécution dans leur pays et qui avaient besoin de notre soutien et de notre aide. Il a été établi que, des passagers du Sun Sea, quatre personnes représentaient un risque pour la sécurité et qu'une personne avait commis des crimes de guerre. Cinq personnes se sont vu refuser l'entrée au pays. Pour ce qui est des passagers de l'Ocean Lady, il a été établi que 19 d'entre eux représentaient un risque pour la sécurité et que 17 avaient commis des crimes de guerre. Au total, il est question de 41 personnes. Si nous ne les avions pas détenues, si nous n'avions pas pris le temps de vérifier leur identité et la légitimité de leur demande d'asile, nous aurions permis à ces 41 personnes de s'installer dans nos voisinages, près de nos familles, près de nos enfants, près de nos parents.
Le président: Il vous reste deux minutes.
M. Costas Menegakis: Deux minutes? J'en ai déjà pris cinq?
D'accord.
Voici une question générale, qui ne s'adresse pas à vous tout particulièrement, mais qu'un gouvernement doit se poser: est-ce de la bonne gouvernance? Est-ce que nous veillerions aux intérêts de nos citoyens si nous décidions simplement de ne pas nous concentrer sur ce qui représente moins de 1 p. 100 des 10 000 à 12 000 demandes d'asile que nous recevons au total chaque année et de laisser n'importe qui entrer au pays sans avoir pris le temps nécessaire pour identifier cette personne, chose que la détention nous permet de faire? Assurément, cela engendrerait un risque pour notre sécurité.
Je peux vous assurer qu'aucun Canadien — du moins, personne de ma circonscription, celle de Richmond Hill — n'appuierait cela.
Est-ce qu'il me reste une minute?
Je vais la céder à Mme James, car elle m'a demandé de le faire, et je suis gentil. Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je me réjouis de pouvoir être présent ici aujourd'hui à titre de visiteur.
En fait, j'ai deux questions. J'aimerais simplement les poser et permettre ensuite au groupe de témoins de répondre à celle de leur choix pendant les cinq minutes dont nous disposons — ou les sept, je ne sais pas trop. C'est sept minutes. Merci.
Tout d'abord, au cours de la séance précédente, certaines questions — posées par M. Dykstra en particulier — concernant les solutions de rechange à la détention n'ont pas donné lieu à des réponses très précises, selon moi.
Je sais que, dans la sphère du droit international sur les réfugiés, il y a plusieurs ensembles de lignes directrices, si je puis dire. Il y a des lignes directrices en ce qui a trait aux solutions de rechange à la détention. Il est explicitement énoncé dans le droit international sur les réfugiés qu'a priori, la détention n'est pas justifiée. Le critère à respecter est celui de la nécessité, et l'existence de solutions de rechange est un des éléments à considérer à cet égard. Si quelqu'un peut donner quelques explications au comité à propos de ce que l'on entend généralement par « solutions de rechange », je pense que cela nous aiderait tous.
Pour ce qui est de ma deuxième question, je suis — moi aussi — évidemment préoccupé par la disposition exigeant la détention obligatoire pendant 12 mois, sans contrôle, car, comme on l'a dit, la nécessité de la détention ne peut tout simplement pas alors être examinée. C'est un fait avéré. Nous ne nous opposons pas à l'idée de la détention, mais nous croyons qu'il sera impossible d'en vérifier la nécessité au moyen d'un critère adéquat.
En outre, je suis tout aussi troublé par le fait que, si un demandeur d'asile obtient le statut de réfugié, il y a de nombreuses dispositions qui ont essentiellement pour effet de le pénaliser par rapport aux autres réfugiés. Ces personnes doivent attendre cinq ans avant d'obtenir le statut de résident permanent et n'ont pas accès à des titres de voyage. La réunification de la famille ne peut se produire à cause du délai lié à la résidence permanente.
Cela me donne l'impression que nous nous servons de ces réfugiés pour dissuader les autres de venir au pays. J'aimerais que quelqu'un me dise non seulement si cette approche est immorale en soi, mais également si elle enfreint une disposition juridique quelconque.
Voilà mes questions.
:
Merci, monsieur Lamoureux.
En réalité, il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais me pencher. La première, c'est qu'il arrive souvent que les réfugiés authentiques qui fuient leur pays ne puissent rester ensemble. Ils se retrouvent dans des pays différents. Je connais des gens à Victoria dont des membres de la famille immédiate habitent en Suède. Ils doivent pouvoir se rendre là-bas et s'occuper de ces personnes. Or, pour ce faire, ils ont besoin d'un titre de voyage. C'est une chose que nous nous sommes engagés à leur fournir quand nous avons signé la Convention sur les réfugiés.
L'article 16 énonce qu'à partir de maintenant, nous allons interpréter la convention de façon stricte et délivrer un titre de voyage seulement aux réfugiés. S'ils sont arrivés au pays de façon irrégulière et qu'ils sont originaires d'un pays désigné, ils pourront seulement obtenir ce titre de voyage après qu'ils seront devenus résidents permanents à l'issue du processus de cinq ans ou après qu'ils auront obtenu un permis temporaire.
Quand le Canada a signé la convention, il l'a assortie d'une clause de réserve. Cette clause indiquait qu'il interpréterait de façon stricte la notion de « présence autorisée » dans deux articles. Ces deux articles ont trait à la prestation des services d'aide sociale. Le Canada n'a pas exercé son pouvoir d'assortir huit autres articles, dont l'article 28, de cette clause de réserve. En d'autres mots, en toute connaissance de cause, nous avons adhéré à ce régime international qui permet aux familles séparées de se rendre dans d'autres pays neutres afin de se retrouver. Voilà ce que l'article 16 met en péril.
Cette disposition interprétative paraît très étrange. Je pense qu'elle est fondamentale, qu'elle est tout à fait cruciale pour qui veut comprendre ce que nous faisons. Je crains qu'elle ait été ajoutée au projet de loi par erreur. Je crains qu'elle s'y trouve en fait parce que le gouvernement — ou les rédacteurs — étaient préoccupés par la possibilité que des gens retournent dans leur pays en utilisant ce document d'une façon qui n'est pas autorisée pour eux à l'heure actuelle. Si vous consultez le site Web de Passeport Canada, vous constaterez qu'un tel document ne permet pas à son détenteur de retourner dans son pays d'origine.
J'aimerais continuer là où vous nous avez laissés, madame Stalker.
Tout le monde dans cette pièce prend le parti des gens qui sont persécutés dans les diverses régions du monde. Je veux simplement mentionner que notre gouvernement a soutenu des gens comme Aung San Suu Kyi — une personne que j'admire personnellement — comme nul autre auparavant, que ce ministère est dirigé par un homme qui est peut-être l'un des plus ardents défenseurs des droits de la personne de tous les représentants gouvernementaux qui ont travaillé à ce dossier; et que je suis moi-même le fondateur de la Canadian Constitution Foundation. Je pense que nous serions sur la même longueur d'onde à de nombreux égards. J'appuie sans réserve les députés de la Chambre en ce qui concerne cette question.
Alors, Chantal, quand j'entends des propos comme ceux que vous avez tenus, selon lesquels nous serions un pays qui bafoue les droits de la personne, j'en suis très indigné. Comme l'a dit ma collègue Mme James, il faut faire la part des choses. Nous devons nous préoccuper des gens qui viennent au pays — comme vous, madame Rico —, et nous le faisons; mais nous devons également nous préoccuper de la sécurité de la population canadienne.
Voilà pourquoi — pour revenir à la Constitution — il est question de « limites qui soient raisonnables » à l'article 1. Comme vous le savez, cet article est ainsi libellé:
La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
Certes, madame Shermarke, nous pouvons nous pencher sur le cas particulier d'une personne et dire qu'elle fera l'objet d'une discrimination injuste. Mais nous devons tenir compte du système global. Nous devons préserver notre système de détermination du statut de réfugié ainsi que nous assurer de pouvoir identifier les 41 personnes auxquelles M. Menegakis fait allusion et veiller à ce que la société canadienne demeure sécuritaire. Si nous échouons dans cette mission importante, les Canadiens s'opposeront à l'ensemble du programme pour les réfugiés, et, en tant que parlementaires, nous ne serons pas en mesure de nous interposer et de leur dire que nous voulons continuer à accueillir des réfugiés au pays.
Nous devons donc trouver un juste équilibre. S'il vous plaît, ne diabolisez pas les personnes qui veulent s'assurer que la population canadienne est en sécurité et ne dites pas qu'ils sont contre les réfugiés.
Des voix: Bravo!
M. John Weston: Je vous cède mon temps de parole, monsieur Dykstra.
Je veux clarifier une chose. On m'a envoyé une note concernant les commentaires formulés par Mme Tie à la suite des propos qu'a tenus le ministre quand il a comparu. Elle a dit que les pénalités avaient un objectif punitif. Il a d'ailleurs dit qu'il s'agissait d'une mesure dissuasive. Dans la tête des gens, il y a une grande différence entre les mots « punitif » et « dissuasif». Je pense que c'est important de le noter.
Comme l'a demandé hier Mme Sims, nous avons devant nous un document de Citoyenneté et Immigration Canada qui dresse la liste des 10 principaux pays d'où proviennent les demandes d'asile présentées au Canada. Vous ne l'avez peut-être pas devant vous, alors je vais le décrire. La Hongrie vient maintenant au premier rang de cette liste. En 2006, 26 citoyens hongrois avaient présenté une demande d'asile; en 2007, il y en a eu 23; et, en 2008, l'année où nous avons levé les restrictions relatives au visa pour ce pays, il y en a eu 302. Il est intéressant de noter que ce nombre est passé à 2 532 en 2009 et à 2 333 en 2010.
Je fais beaucoup de lectures. Je m'informe de ce qui se passe dans l'Union européenne, et je n'ai vu nulle part qu'une terrible guerre civile avait éclaté ou que tout type d'oppression s'était produit en Hongrie en 2008 ou en 2009. Mais, pour une raison ou pour une autre, la levée de ces restrictions a donné lieu à la présentation de plus de 2 300 demandes d'asile additionnelles au Canada.
Je pourrais peut-être poser ma question à M. Galloway. Êtes-vous d'accord pour dire que le système canadien de détermination du statut de réfugié est brisé et qu'il faut le corriger?