En ce mercredi 7 novembre 2012, je vous souhaite la bienvenue à la 58e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, séance qui sera télévisée. Conformément à l’ordre de renvoi reçu le 16 octobre 2012, le comité poursuit son étude du projet de loi .
Mesdames et messieurs, comme vous le savez, la sonnerie d’appel retentira à 17 h 15. Le comité devra consacrer cinq minutes à des questions de régie interne. La séance se terminera à 17 h 10. Donc, nous disposerons de 55 minutes en compagnie du premier groupe de témoins. Pour la deuxième partie, nous n’accueillons qu’un seul témoin avec lequel nous passerons 45 minutes. Voilà l’horaire prévu. La première partie se terminera donc à 16 h 25.
Deux témoins sont ici avec nous, tous les deux avocats de l’Association du Barreau canadien: Kerri Froc, avocate-conseil en Réforme du droit et Égalité; et Michael A. Green, membre de la Section nationale du droit de l’immigration. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’être ici.
Monsieur Lamoureux, vous serez heureux d’apprendre que nous accueillons, par vidéoconférence, un témoin de Winnipeg, au Manitoba. Il s'agit de M. Reynaldo Reis Visarra Jr. Pagtakhan, avocat en immigration.
Monsieur Pagtakhan, nous allons commencer par vous. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le comité de m’avoir invité à témoigner. La dernière fois que j’ai assisté à une réunion d’un comité de la Chambre des communes, c’est lorsque mon père était député. Je suis chanceux de pouvoir vous aider à servir les Canadiens.
Le projet de loi n'est pas parfait. Certes, il propose des dispositions qui méritent notre appui. Toutefois, certaines doivent être éliminées ou modifiées pour être plus équitables, alors que d'autres devraient faire l'objet d'un examen de la part du comité.
Les dispositions qui méritent notre appui proposent de retirer aux résidents permanents condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois ou plus le droit de porter en appel devant la Section d’appel de l’immigration la mesure de renvoi qui leur est imposée. Certains diront que cette disposition pénaliserait injustement les résidents permanents de longue date qui risqueront l’expulsion pour les gestes qu’ils auront posés. Mais, ce qu’ils oublient, c’est que les résidents permanents visés par ces dispositions sont des criminels. Ce ne sont pas des criminels présumés, ils ne sont pas accusés d’un crime et ils ne sont pas innocents; ils ont été reconnus coupables d’un crime.
Rappelons que, pour être reconnu coupable, un individu doit non seulement avoir commis un crime, mais il doit l’avoir fait en toute connaissance de cause, sinon ce n’est pas considéré comme un crime. Aussi, il ne faut pas oublier que ces criminels n’avaient qu’à respecter la loi pour éviter d’être expulsés. Le Code criminel du Canada a été rédigé de façon à codifier ce qui constitue un comportement criminel aux yeux des Canadiens. Les individus visés par ces dispositions ont choisi le chemin de la criminalité.
De plus, ils ont bénéficié de l’application régulière de la loi. Ils ont d’abord été présumés innocents et ont eu le droit, en vertu de la charte, de se défendre devant un tribunal où ils ont été reconnus coupables par un juge ou un jury. Ceux qui ont porté leur cause en appel ont vu le jugement être maintenu.
En outre, on ne parle pas ici de criminels ayant été condamnés à purger une peine autre que l’emprisonnement, à payer une amende ou à respecter des conditions de probation, mais bien de criminels condamnés à au moins six mois de prison.
Il ne s'agit pas non plus de criminels n’ayant pas eu l’occasion de défendre leur statut d’immigrant au moment du prononcé de la sentence. De nombreuses décisions rendues par les cours d’appel de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l’Alberta, des Territoires du Nord-Ouest et de la Nouvelle-Écosse, notamment, parlent de conséquences sur le statut d’immigrant comme d'un facteur pertinent dans la détermination de la peine.
Il serait donc faux de dire que les criminels n’ont pas eu l’occasion de se défendre.
Comme vous le savez, avant d’imposer une peine, le juge doit tenir compte de certains principes décrits à l’article 718 du Code criminel du Canada, notamment la possibilité de réhabilitation et les circonstances atténuantes.
D’ailleurs, le Code criminel précise que le tribunal a « l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes […]. ». Il précise également que le tribunal doit examiner « toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances […] »
Tout comme les Canadiens, les résidents permanents qui commettent un crime comprennent ce qu'ils font.
Les dispositions qui doivent être modifiées concernent l’interdiction de territoire imposée à un étranger pour fausses déclarations. Contrairement aux dispositions du Code criminel, cette interdiction peut pénaliser des innocents. En vertu de la loi, de fausses déclarations peuvent être faites dans le dossier d’un demandeur sans qu’il le sache. D’ailleurs, dans certains cas, de fausses déclarations ont été faites par des représentants malhonnêtes sans que le demandeur soit au courant. Dans un tel cas, un demandeur innocent serait pénalisé en vertu du projet de loi .
Il suffirait de modifier ces dispositions pour préciser qu’elles ne s’appliquent qu’en cas de fausses déclarations faites sciemment. Ainsi, elles seraient plus équitables et respecteraient davantage les valeurs canadiennes.
Une des dispositions devant être retirées propose de permettre au ministre de refuser le statut de résident temporaire à un étranger pour des raisons d’intérêt public. Ce pouvoir discrétionnaire est inquiétant, car il permet de refuser une demande sans autres critères plus précis. Les Canadiens sont en droit de savoir quels gestes pourraient faire en sorte qu’un demandeur se voit refuser l’entrée au pays.
Dans un document d’information qu’il a publié en juin, le ministère donne l’exemple d’un ministre qui refuse l’entrée au pays à un étranger qui encouragerait la violence contre un groupe religieux. Si la promotion de la violence est un crime, alors une fois au pays, les individus qui commettent ce crime devraient être appréhendés et accusés. Toutefois, cette décision ne devrait pas revenir à un acteur politique, mais plutôt à des professionnels du système judiciaire, comme les policiers et les procureurs de la Couronne.
Si un étranger commet un crime au Canada, il devrait être arrêté. On ne devrait pas lui interdire l’entrée au pays sous prétexte qu'il pourrait commettre un crime.
Les dernières dispositions du projet de loi que j’aimerais aborder concernent le respect des exigences imposées à un employeur. Je comprends que l’article 37 ne traite que de la possibilité de créer des règlements à l’égard des travailleurs étrangers et de leurs employeurs, entre autres. Je comprends également que les citoyens auront l’occasion de se prononcer sur de tels règlements avant leur mise en oeuvre.
Cependant, les membres du comité devraient réfléchir au genre d’exigences que l’on peut imposer aux employeurs de travailleurs étrangers et aux sanctions applicables en cas de non-respect de ces exigences. À tout moment, il y a plus de 180 000 travailleurs étrangers au pays. Ils composent une grande partie de la main-d'oeuvre canadienne, et tant les employeurs que les autres employés en profitent. Par conséquent, avant de mettre en oeuvre de tels règlements, il serait nécessaire de mener de vastes consultations auprès des entreprises et de la main-d'oeuvre, notamment.
Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre aux questions du comité.
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Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui.
Mon nom est Michael Greene. Je suis avocat du droit de l’immigration, à Calgary, et j’enseigne le droit de l’immigration à la Faculté de droit de l’Université de Calgary. J’étais président national lors de l’adoption de la LIPR. D’ailleurs, j’ai déjà témoigné devant le comité pour parler, notamment, de dispositions très similaires concernant l’interdiction de deux ans. Vous pouvez vous imaginer que nous n’étions pas d’accord avec ces dispositions.
Peu importe. Nous sommes conscients que, pour qu’ils appuient un programme d’immigration solide, les Canadiens doivent être sûrs que le gouvernement sera sévère avec ceux qui bafouent notre système d’immigration. Le ministre a été efficace à cet égard, et nous le félicitons de s’être attaqué, notamment, à la fraude relative à la citoyenneté, à la résidence permanente et au mariage, ainsi qu’aux activités d’experts-conseils malhonnêtes.
Malheureusement, nous ne pouvons pas appuyer ce projet de loi. Il s’agit d’une mesure inutile qui ne respecte pas les valeurs essentielles canadiennes que sont la justice, l’équité et la compassion. Nous convenons qu’il est important de limiter l’imposition de la plupart des formes d’interdiction de territoire aux individus impliqués plutôt qu’aux membres de leurs familles, mais il s’agit là de notre seul commentaire positif sur ce projet de loi.
Contrairement à la plupart des réformes du système d’immigration proposées par le gouvernement actuel, ce projet de loi n’est pas le fruit de consultations publiques et n’a pas fait l’objet de telles consultations. Cette façon de faire ne peut mener qu’à l'adoption de mauvaises lois.
Nous savons que vous subissez d’énormes pressions pour adopter rapidement ce projet de loi au comité. Toutefois, nous vous recommandons fortement de prendre votre temps et de bien l’examiner, car nous croyons que les problèmes qu’il présente sont suffisamment importants pour justifier une étude et un débat sérieux.
Nous avons déjà suffisamment d’outils efficaces pour empêcher les étrangers au passé criminel d’entrer au pays et les expulser s’ils commettent un crime sérieux une fois ici. Comme c’est le cas avec la fraude relative à la citoyenneté, le problème, ce n’est pas les lois ou les outils à la disposition du ministère, mais plutôt les priorités établies et le manque de ressources. Les retards importants dont fait état le ministre dans certains cas délicats sont plus attribuables à des compressions budgétaires et de personnel à l’ASFC qu’à des lacunes dans la procédure.
L'élimination récente de 1 700 postes à l’agence risque d’allonger les retards, et non de les réduire. Les exemples de retards importants cités relativement à l’expulsion de résidents permanents ayant commis un crime ne sont pas représentatifs de la majorité des cas. Bien que cette mesure législative ait été conçue pour intercepter la plupart des criminels sérieux et des délinquants impénitents dont la présence au pays continue de choquer les citoyens, elle sera moins efficace pour intercepter les petits délinquants.
Ce projet de loi déchirera des familles et aura un impact négatif sur les enfants concernés. L’équité et l’application régulière de la loi ne sont pas des failles du système juridique canadien. Elles en sont plutôt les pierres angulaires.
Lors de son témoignage, le ministre a dit que tout le monde devrait pouvoir se défendre devant les tribunaux, mais pas indéfiniment. Toutefois, les procédures d’appel contre les mesures de renvoi ou les interdictions de territoire ne sont pas nombreuses sous la catégorie du regroupement familial. Il n’y en a qu’une. Tant et aussi longtemps que le ministère et les décideurs appliquent la loi de façon régulière, leurs décisions ne peuvent pas être réexaminées. Il est très rare qu’une décision de la SAI soit renversée par un tribunal.
Par ailleurs, lorsque la SAI rend une décision, la personne concernée doit quitter le pays. Son statut de résident permanent lui est retiré, même si elle porte la décision en appel, sauf si l’ASFC lui permet de rester. Mais ça, c’est une autre histoire. Sinon, elle ne peut pas rester au Canada pendant que l’appel suit son cours. Si le tribunal suspend la décision, alors elle peut demeurer au pays, mais cela ne se produit que pour les causes méritoires.
J’aimerais souligner quelques éléments de notre exposé. Je parlerai d’abord de l’élimination du droit d’appel pour les résidents permanents condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois pour des crimes commis au Canada. Sur ce point, nous sommes en désaccord avec M. Pagtakhan. Selon nous, la SAI n’est pas la source du problème. Dans le cadre de son examen, le tribunal tient compte à la fois de la sécurité des Canadiens et de celle des immigrants, de leurs familles, de leurs employeurs, de leurs collègues et de leurs collectivités.
Les délinquants qui représentent un risque de récidive n’ont pas gain de cause en appel. Ceux qui ont gain de cause doivent presque toujours respecter des conditions les obligeant à adopter un comportement exemplaire et à se réhabiliter, sans quoi ils seront expulsés. La capacité qu’a la SAI d’ajouter des conditions à une ordonnance de sursis constitue un outil de renforcement et de réhabilitation incroyablement efficace, comme nous avons pu souvent le constater. La réhabilitation de délinquants témoigne souvent de l'efficacité de ce processus.
Si le projet de loi tient compte des peines avec sursis, il ciblera les auteurs d'infractions relativement mineures qui n'ont jamais mis les pieds en prison.
En clair, le seuil du projet de loi n'est pas de six mois d'emprisonnement, mais bien de six mois de punition, ce qui englobe les peines avec sursis, beaucoup moins sévères aux yeux des tribunaux, comme dans le cas d'un individu assigné à résidence. À tout le moins, nous croyons qu'il faudrait amender la disposition de façon à ce qu'elle vise exclusivement les peines d'emprisonnement.
Refuser l'accès à l'examen par la Section d'appel de l'immigration, ou SAI, aux résidents permanents en se fondant uniquement sur des déclarations de culpabilité ou des infractions à l'étranger est beaucoup plus sévère que si le geste avait été commis au Canada; on ne tient compte ni de la peine ni même de la condamnation, le cas échéant. Les déclarations de culpabilité et les infractions à l'étranger ne sont souvent pas traitées avec la même équité en matière de procédure qu'au Canada. Le libellé actuel ne s'arrête pas du tout à la peine; il s'intéresse uniquement aux poursuites auxquelles l'infraction aurait été passible au Canada.
Par exemple, utiliser un document frauduleux ou contrefait constitue une infraction en vertu de l'article 368 du Code criminel du Canada, qui est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans.
Disons qu'un résident permanent de 20 ans habitant Windsor emprunte l'acte de naissance de quelqu'un d'autre pour entrer dans un bar à Detroit. Cette personne a commis une infraction en présentant un faux document. Si elle se fait pincer, elle pourrait être trouvée coupable et écoper d'une amende dérisoire, après quoi elle serait frappée d'une interdiction de territoire sans droit d'appel.
Voilà ce que le libellé de l'article pourrait occasionner. À notre avis, rien ne justifie d'imposer une interdiction de territoire dans un cas semblable.
Ce n'est pas tout. Le projet de loi permet de refuser le droit d'appel d'un individu simplement parce qu'on croit qu'il a commis une infraction, et ce, même s'il n'a pas été reconnu coupable à la suite d'un processus judiciaire. La décision incombe à l'agent, même si la personne n'a peut-être jamais été accusée.
Je tiens à souligner que la loi ne permettait pas de tels pouvoirs auparavant; c'est un ajout. Les déclarations de culpabilité et les infractions à l'étranger ne justifiaient pas non plus un renvoi automatique en vertu de la loi.
J'aimerais parler du nouveau pouvoir du ministre de refuser l'entrée d'un étranger si l'intérêt public le justifie, qui est proposé dans le projet de loi. Je suis d'accord avec M. Pagtakhan sur ce point. Nous sommes d'avis que ce pouvoir illimité, qui n'oblige pas le ministre à rendre des comptes et qui va à l'encontre de la mentalité canadienne, est inutile. Il n'a pas sa place dans une société libre et démocratique comme la nôtre, qui prône les libertés fondamentales.
Il est faux de penser que le ministre n'a aucun pouvoir à l'heure actuelle. Neuf catégories justifient l'interdiction de territoire au Canada. De plus, des dispositions législatives sur les crimes haineux et visant à lutter contre le terrorisme ciblent justement ceux qui encouragent la violence à l'endroit d'un segment de la société. En vertu des lois actuelles sur l'immigration, ceux qui ont des antécédents ou qui ont l'intention de tenir des propos haineux au Canada sont frappés d'interdiction de territoire.
J'aimerais aussi parler de la durée de l'interdiction de territoire, qui est passée de deux à cinq ans. Comme M. Pagtakhan l'a souligné, ce sont les déclarations faussées par inadvertance qui posent problème, un point sur lequel les instances judiciaires jusqu'à la Cour d'appel fédéral ont tranché. Par exemple, une fausse déclaration au sujet d'un enfant dont on ignore l'existence est acceptable. Or, un demandeur pourrait être frappé d'interdiction de territoire s'il ne mentionne pas d'enfant lorsqu'il remplit le formulaire, mais qu'il apprend plus tard être le père d'un enfant né hors mariage. La pénalité ne devrait pas durer cinq ans.
Il existe de nombreux autres exemples de fausses déclarations mineures, comme un demandeur qui enjolive une relation, par exemple, alors qu'il s'agit d'une relation légitime.
Pour terminer, le projet de loi limite le recours à des motifs d'ordre humanitaire dans certaines catégories d'interdiction de territoire, y compris le crime organisé. Même si de telles dispositions semblent attirantes, elles pourraient dans bien des cas créer des injustices.
Le problème, c'est que bien des lois sont conçues pour les cas scandaleux et vraiment choquants aux yeux de tous, et où la population tient à ce que l'individu soit expulsé du pays au plus vite ou n'y mette pas les pieds. Or, ces dispositions touchent bien d'autres personnes.
Un individu qui, en compagnie de quelqu'un d'autre, commet un crime contre les biens comme le vol à l'étalage peut être accusé de criminalité organisée. Par exemple, l'Agence des services frontaliers du Canada peut considérer un tel geste comme du crime organisé. Elle ne le fait pas souvent, mais c'est déjà arrivé dans une affaire de crime contre les biens. Les individus en question n'ont rien à voir avec les Hells Angels. Il suffit d'agir de concert avec une autre personne pour qu'il s'agisse de criminalité organisée.
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Vous soulevez deux questions différentes. En ce qui concerne les crimes graves, je tiens à préciser que nous sommes loin de dire que tous les criminels doivent rester au pays. Nous voudrions simplement qu'il y ait une procédure.
Les plus grands criminels devraient être traités en priorité. Des fraudes en matière d'immigration sont commises depuis des dizaines d'années. Combien d'individus ont perdu leur citoyenneté à la suite d'une fraude semblable? Pratiquement aucun, jusqu'à ce que le ministre décide de s'en charger et de mobiliser les ressources nécessaires pour renvoyer 2 500 personnes. Je peux vous dire que cette décision a provoqué une onde de choc partout dans le monde. Nous en sommes ravis, mais sommes aussi consternés que personne n'ait agi plus tôt. C'était une simple question de ressources.
Voici ce qu'il faut faire de certains délinquants graves qui dérangent beaucoup la population, et dont le ministre a parlé; il faut les classer par ordre de priorité, puis les envoyer en prison. S'ils risquent de commettre une infraction, il est possible de les détenir sous garde. Nous avons ce pouvoir. Croyez-moi, ils voudront que leur dossier d'appel soit traité un peu plus vite s'ils sont pris quelque part dans un établissement de détention provisoire.
Il existe déjà des outils. Le problème, c'est que les exemples donnés pour appuyer le projet de loi sont les plus horribles, mais qu'on oublie quelles seront les conséquences des dispositions sur la grande majorité des cas qui ne sont probablement pas aussi scandaleux.
Dans l'affaire Baylis, où un agent de police a été tué, ce n'est pas la Section d'appel de l'immigration qui est en tort. En fait, l'individu en question a interjeté appel, a perdu sa cause, a reçu une ordonnance d'expulsion, puis a disparu. On avait perdu sa trace, mais il a fini par ressurgir l'arme au poing et par tuer quelqu'un. C'est épouvantable.
Ce ne serait pas aussi long si l'on faisait une distinction entre les cas mineurs et les affaires graves, puis qu'on se concentrait sur ces derniers.
Par ailleurs, vous pourriez laisser l'agent imposer des conditions aux délinquants mineurs, de façon similaire à la libération sous caution, où ils doivent obligatoirement respecter des conditions. Un délinquant mineur qui en déroge serait expulsé sur-le-champ.
Veuillez m'excuser de cette longue réponse.
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J'aimerais remercier tous nos témoins de comparaître devant le Comité de la citoyenneté et de l'immigration. C'est toujours un défi en soi, je trouve. Nous vous remercions de prendre le temps de venir nous faire part de votre point de vue. Je vous remercie de votre témoignage.
Nous avons quelques inquiétudes en commun au sujet du projet de loi à l'étude, particulièrement en ce qui concerne le pouvoir accru qui se trouvera concentré dans les mains du ministre sans aucune mesure de contrepoids. Par ailleurs, nous avons exprimé très clairement au gouvernement notre volonté de collaborer pour que les non-citoyens qui commettent des crimes graves et souvent violents soient expulsés rapidement. Je crois vous avoir entendu dire la même chose. Il y a des façons d'accélérer les choses.
Nous croyons que les affaires sensationnelles que nous présentent mes collègues de l'autre côté et le ministre nous montrent que le vrai problème est le manque de formation, de coordination, de ressources et le faible niveau de sécurité à la frontière.
Dans le Toronto Star d'aujourd'hui, on peut lire un article sur un ressortissant chinois qui a réussi à entrer et à rester au Canada malgré le fait qu'il est recherché pour un meurtre horrible. Ce n'est pas faute d'outils législatifs pour le déporter, c'est à cause d'une brèche dans la sécurité à la frontière.
Il y a un autre cas qui a été mentionné, celui de Clinton Gayle, qui a brutalement tué le constable Todd Baylis. Nous sommes de tout coeur avec la famille de Todd Baylis et les policiers de Toronto. Encore une fois, une enquête fédérale a révélé qu'il y avait eu de graves erreurs qui nous ont empêchés d'expulser rapidement ce criminel dangereux. Un ancien sous-ministre délégué a même admis que la priorité du ministère à l'époque était de cibler les personnes qui étaient en fuite après s'être vu refuser le statut de réfugié plutôt que de cibler les criminels, afin de gonfler les chiffres sur la déportation. Tout dépend de l'objectif.
Nous croyons que le gouvernement doit retourner à la planche à dessin et trouver des solutions au manque de formation, de ressources, d'intégration de l'information et de techniques de surveillance dans les organismes de services publics actuellement responsables.
J'aimerais adresser ma première question à Michael et à Kerri. Dans le mémoire que vous avez soumis au comité, vous concluez que bon nombre des amendements proposés sont à la fois inutiles et injustifiés. En gardant en tête les cas sensationnalistes que je viens de rappeler, pouvez-vous nous parler de la façon dont on pourrait améliorer le système actuel sans éliminer le droit à des principes d'application régulière de la loi que propose ce projet de loi?
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Quand on arrive à l'urgence d'un hôpital, il y a un écriteau qui nous informe que ce n'est pas premier arrivé, premier servi. Il y a un ordre de priorité, un triage.
Je porte beaucoup d'affaires en appel dans l'exercice de ma profession. Cela me frustre au plus haut point que l'ASFC ne fasse pas de triage, ce qui peut être dû en partie à un manque de ressources. Je ne vois pas le triage qui me semblerait nécessaire. Tous les cas sont traités de la même façon. Il suffirait pourtant de revoir les critères de priorité des audiences de l'ASFC, par exemple, afin de cibler les infractions les plus graves, par exemple, mettons celles qui sont passibles d'une peine de plus de six mois d'emprisonnement, pour en faire une priorité et en accélérer le traitement.
On pourrait même aller plus loin. Si on voulait traiter ces dossiers comme on a traité les réformes sur le statut de réfugié, on pourrait décider d'accélérer le traitement des dossiers qui répondent à certains critères. Le problème, en ce moment, c'est qu'on ne fait aucune distinction entre les cas extrêmes et les autres.
Je dois dire que nous sommes inquiets. Le fait de fonder un projet de loi de la sorte sur des cas extrêmes est problématique, parce que beaucoup d'entre eux ne sont tout simplement pas pertinents. Prenons le cas de Clinton Gayle, par exemple, qui relève plus d'un problème d'application de la loi que de procédure d'appel. Les événements se sont passés dans le contexte de l'ancienne loi. Le ministre a rappelé l'affaire Just Desserts, qui est arrivée dans le contexte de l'ancienne loi et dans laquelle quatre personnes ont été accusées et trois, trouvées coupables. Les trois personnes trouvées coupables étaient des citoyens canadiens, mais pas la personne acquittée. Ce n'est pas un très bon exemple d'échec de la procédure d'appel.
Le problème de l'affaire Khosa, dont le ministre a fait mention et qui a passé des années devant les tribunaux, c'est qu'elle a créé un précédent quant à la façon dont les tribunaux interprètent les décisions administratives au Canada. C'est un jugement fondamental. Je le présente dans mes cours de droit. Il a changé toutes les règles du jeu. Il a établi un principe de droit. Ce n'est pas que Khosa a porté les décisions successives le concernant en appel; en fait, il a gagné son appel en première instance. C'est le bon ministère qui a contesté ces décisions, et non la personne. Ce n'est un bon exemple du mauvais fonctionnement de notre système. Ce n'est pas qu'il n'y a pas de faille. Il y a des failles dans le système de justice criminelle. Il y a des personnes qui sont acquittées pour des raisons techniques ou parce que l'affaire a trop traîné. Nous ne disons pas que nous allons annuler des procès criminels et supprimer le droit à un procès criminel parce qu'il y a des voyous qui s'en sortent. Il faut croire davantage au système et envisager d'établir des priorités.
Mon autre recommandation serait d'envisager d'imposer des conditions aux agents du ministère. Il faudrait pour cela modifier la loi, mais je pense que ce serait possible.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
J'aimerais reprendre une critique contre le projet de loi. Nous croyons qu'il comprend des failles fondamentales et qu'il n'aurait jamais dû passer l'étape de la seconde lecture. Il doit retourner à la planche à dessin. Ce que vous dites en particulier, monsieur Greene, soit qu'il n'y a eu aucune consultation, ne fait que le confirmer. Nous sommes le seul parti qui a voté pour qu'il ne soit même pas renvoyé au comité parce que nous croyons qu'il comporte des lacunes fondamentales.
J'aimerais revenir à une chose à laquelle vous avez fait allusion. J'en ai parlé lundi, et je vais me répéter. Je cite un autre témoin sur le Code criminel.
En vertu de l'article 368 du Code criminel, quiconque se sert d'un document faux ou frauduleux est passible d'une peine maximale de 10 ans. Un résident permanent âgé de 20 ans déclaré coupable d'utilisation d'une fausse pièce d'identité pour entrer dans un bar alors qu'il était en visite aux États-Unis est interdit de territoire au motif d'une déclaration de culpabilité à l'étranger. Le fait que le tribunal américain ait seulement imposé une amende de 200 $ n'importe pas. L'alinéa 36(1)b) de la LIPR n'exige pas une peine minimale, mais seulement une déclaration de culpabilité à l'étranger.
Certains sont d'avis qu'il n'y a même pas besoin de déclaration de culpabilité à l'étranger.
Prenons l'exemple concret d'une personne née dans un autre pays qui est arrivée au Canada quand elle avait deux ou trois ans. Cette personne vit au Canada depuis de nombreuses années. À l'âge de 19 ans, après avoir terminé ses études secondaires, elle traverse la frontière et utilise une fausse carte d'identité pour se faire servir de l'alcool, parce que de l'autre côté de la frontière, il faut avoir 20 ou 21 ans pour boire de l'alcool. Elle se fait prendre. Elle va être déportée. Le reste de sa famille peut rester ici, mais cette personne va être déportée, même si elle a passé toute sa vie au Canada, pour ainsi dire, puisqu'elle est arrivée ici à deux ou trois ans.
Ce n'est pas un cas exceptionnel. Quand le ministre a déposé ce projet de loi, il a mentionné cinq raisons pour lesquelles il nous le soumettait. Il a enchaîné les histoires d'horreur les unes après les autres. Il a intitulé le projet de loi Loi accélérant le renvoi des criminels étrangers. Je crois que cela envoie un message effrayant à 1,5 million de résidents permanents qui considèrent le Canada comme leur pays.
Croyez-vous qu'il serait préférable que le ministre retravaille le texte du projet de loi, qu'il consulte d'autres intervenants et qu'il essaie de le déposer à nouveau sous la forme d'un autre projet de loi modifié en profondeur? Ne serait-ce pas préférable à toutes les contorsions que nous devrons faire pour panser les plaies que crée ce projet ce loi lui-même?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie le comité de nous avoir invités. Je vais d'abord parler en français et, par la suite, mon collègue va continuer en anglais.
La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes est un regroupement qui existe depuis 1979. Elle a été créée au moment de l'arrivée des réfugiés de la mer. Je pense que tous les gens ici présents qui ont un certain âge se rappellent cette époque.
Nos organismes oeuvrent partout au Québec et aident les immigrants et les réfugiés à s'intégrer au Québec. Les organismes à l'extérieur de Montréal aident surtout les réfugiés sélectionnés à l'étranger et les réfugiés parrainés par le gouvernement. Nos organismes travaillent aussi avec les demandeurs d'asile. Normalement, ce travail est complètement bénévole, parce qu'aucun gouvernement ne subventionne cette activité.
Aujourd'hui, nous voulons vous parler de ce qui se passe sur le terrain, au-delà des étiquettes, car parfois ces choses sont un peu abstraites.
[Traduction]
Avant que je ne cède la parole à mon collègue, M. Rick Goldman, j'aimerais vous signaler que M. Goldman est juriste. Il travaille pour le Comité d'aide aux réfugiés, une organisation à but non lucratif. Il ne travaille pas dans un cabinet privé, donc sachez que tout ce que nous vous disons est dit du point de vue communautaire.
Lorsque nous aborderons certains sujets aujourd'hui, j'espère que vous écouterez en qualité de députés parlementaires qui ont des électeurs. Je suis sûre que chacun d'entre vous a reçu récemment des personnes qui vous ont raconté des problèmes. Vous vous êtes sans doute rendus compte que cette personne ne ressemblait pas à une soi-disant menace pour la sécurité ou à une personne avec un casier judiciaire bien garni. Vous aviez devant vous des êtres humains. Lorsque vous les rencontrez et leur parlez, vous vous rendez compte que la vie, tout comme les personnes qui ont du vécu, ne ressemblent pas toujours à ce qui est écrit en noir et blanc.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue. Nous allons essentiellement suivre le document que vous avez en main.
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Merci encore pour l'invitation. Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.
Nous nous concentrerons sur une question qui nous préoccupe de façon particulière relativement au projet de loi : l'impossibilité de demander la prise en compte des considérations humanitaires pour les personnes exclues de la protection des réfugiés ainsi que les personnes qui, ayant été jugées interdites de territoire pour des raisons de sécurité, demandent une dispense ministérielle.
Nous commencerons par donner l'exemple d'une personne qui bénéficie actuellement de l'aide de l'un de nos organismes.
Voici l'histoire de Salma.
Alors qu'elle était toujours étudiante dans son pays d'Amérique latine ravagé par la guerre civile, Salma a été recrutée par la section étudiante du mouvement d'opposition. Elle a pris part à des réunions, en servant du café et en prenant des notes pour les comptes rendus, et a participé à l'organisation de manifestations pacifiques. Des années plus tard, après la signature d'accords de paix et la transformation du mouvement en parti politique légal, elle a de nouveau fait du bénévolat pendant une campagne électorale. Salma affirme qu'elle a découvert par inadvertance des preuves d'activités illégales et qu'elle a alors été ciblée par les dirigeants du parti, qui l'ont d'abord menacée puis brutalement agressée.
Elle s'est enfuie au Canada pour y demander l'asile. Toutefois, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que sa participation au mouvement, lequel comportait un groupe guérilla ayant ciblé des civils pendant la guerre civile, l'empêchait d'obtenir la protection comme réfugiée au Canada. Elle a été jugée « complice de crimes contre l'humanité ».
De plus, même si un responsable de l'Agence des services frontaliers du Canada a confirmé que Salma n'avait jamais participé à un acte de violence et qu'elle ne présentait aucun danger pour le Canada, elle est également devenue, par effet automatique de la loi, non admissible à la résidence permanente aux termes de l'article 35 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Des médecins canadiens croient que Salma a effectivement été victime d'une agression sexuelle et qu'un retour dans son pays mettrait sa santé mentale en péril. Elle n'a aucune famille dans son pays d'origine, car son fils unique et son ex-conjoint ont immigré au Canada dans le cadre de processus d'immigration distincts.
Conformément aux lois actuelles, Salma peut présenter une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire. Un agent qui examinerait une telle demande aurait à prendre en compte tous les facteurs en cause: les difficultés qu'engendrerait pour Salma son retour dans le pays où elle a été traumatisée, sa situation médicale, l'intérêt supérieur de l'enfant touché, les liens qu'elle a établis au Canada, la nature de ses activités au sein de l'organisation à laquelle elle a été associée. L'agent pourrait ensuite décider d'accorder la résidence permanente à Salma pour des motifs d'ordre humanitaire, ce qui inclurait une dispense touchant l'interdiction de territoire. Le projet de loi empêcherait toutefois Salma d'avoir cette possibilité. Elle ne pourrait même pas présenter de demande pour des motifs d'ordre humanitaire.
J'ai entendu dire dans la déclaration précédente que des personnes présentent des demandes pour des motifs d'ordre humanitaire afin de retarder leur expulsion du Canada. J'aimerais que ce soit clair: une demande présentée pour des raisons humanitaires ne retarde pas l'expulsion d'une personne du Canada.
Ce problème est extrêmement préoccupant pour nous. D'après notre expérience, le cas de Salma n'est pas isolé. Nous constatons au contraire que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié applique de plus en plus fréquemment les clauses d'exclusion. Notre expérience est corroborée par une étude universitaire exhaustive qui décrit la culture croissante de l'exclusion au Canada. L'étude, intitulée « The Growing Culture of Exclusion: Trends in Canadian Refugee Exclusions », laquelle est citée dans le présent document, a été publiée en 2011. Elle a examiné chaque cas d'exclusion ayant fait l'objet d'une décision et ayant été rendue publique au cours de la période allant de 1999 à 2008. Les conclusions suivantes en ont été tirées:
Les cas d'exclusion à la CISR ont radicalement augmenté au cours de la période; on en comptait deux en 1998, 114 en 2004 et 79 en 2008.
Le gouvernement du Canada a activement cherché à accroître le nombre d'exclusions en intervenant dans des affaires examinées par la CISR et il a eu recours à des arguments « créatifs » à tous les paliers de décisions.
Relativement à la question de la complicité:
Les cas révèlent une situation troublante: c'est souvent qui on est ou avec quelles personnes on est associé, plutôt que ce qu'on a fait, qui constitue le fondement de l'exclusion.
En outre:
Ces interprétations de la notion de complicité sont plus larges que celles de cours pénales internationales qui ont jugé des personnes les plus lourdement responsables de crimes internationaux. Ainsi, on utilise les lois applicables aux réfugiés pour définir la culpabilité de personnes, et ce, selon des critères beaucoup plus sévères que ceux du droit pénal international.
En bout de ligne, les auteurs, dont deux enseignent à l'Université de la Colombie-Britannique, concluent:
Cela n'est pas conforme aux obligations d'ordre humanitaire du droit international relatif aux réfugiés et du droit international relatif aux droits de la personne et cela ne tient aucunement compte du fait que bon nombre de demandeurs exclus n'ont jamais participé à des actes de violence ou à des crimes, et n'auraient pas été exclus il y a une décennie.
Voilà la première partie de notre préoccupation principale.
La deuxième partie, c'est que l'on ne tienne pas compte de l'avis de l'agence dans le traitement des demandes de dispense ministérielle. Nous voyons parfois des gens qui sont visés par les dispositions en matière d'inadmissibilité d'une façon différente mais dont le parcours ressemble beaucoup à celui que je viens de vous décrire.
Par exemple, même si la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada avait choisi de ne pas exclure Salma et lui avait accordé le statut de réfugié, elle aurait pu être déclarée inadmissible au droit de séjour au Canada en vertu de l'article 34 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour avoir été membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle a été l'instigateur d'actes visant au renversement d'un gouvernement par la force.
En fait, comme on l'a souvent fait remarquer, même Nelson Mandela, s'il n'était pas citoyen canadien d'honneur, aurait été visé par cette définition.
Conformément aux lois actuelles, les personnes visées par une exclusion peuvent demander une dispense ministérielle touchant leur interdiction de territoire. Pour obtenir cette dispense, elles doivent convaincre le ministre que leur présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national. Dans le passé, le ministre a tenu compte des considérations humanitaires, comme celle dont je vous ai parlé plus tôt, pour examiner les demandes présentées.
Toutefois, le projet de loi modifierait ainsi la disposition applicable de la façon suivante: le ministre ne tient compte que de considérations relatives à la sécurité nationale et à la sécurité publique sans toutefois limiter son analyse au fait que l'étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada.
Aux termes de la même disposition du projet de loi , dont je vous ai parlé dans le cas de Salma, il est également interdit à ces personnes de présenter une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire. On leur interdit également la possibilité de demander une dispense ministérielle pour des motifs humanitaires ou encore de demander la résidence permanente pour ces mêmes motifs.
Nous soutenons que l'exclusion complète des considérations humanitaires dans ces contextes est contraire aux obligations internationales du Canada en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui, entre autres, assure la protection des droits familiaux et de la sécurité de la personne.
Cette exclusion viole aussi les obligations du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, puisqu'elle exclurait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel est normalement un élément important dans la prise d'une décision touchant les considérations humanitaires. Elle violerait également les obligations du Canada en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, la CEDAW, qui protège les femmes contre toute discrimination fondée sur le sexe.
Je pense qu'on va un peu trop loin quand on dit que ces demandeurs pourraient être renvoyés même dans les cas où ils risqueraient d'être torturés. En effet, selon la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Canada serait obligé de ne pas les déporter.
Il est vrai qu'avec la suppression de l'examen des risques avant renvoi... Non, c'est vrai, c'est maintenu pour les gens qui sont exclus.
Quoi qu'il en soit, on irait trop loin si on disait que ces demandeurs seront renvoyés alors qu'on sait qu'ils risquent d'être torturés. Cependant, il est sûr et certain qu'ils n'auront pas accès à une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire.
Pour faire valoir le genre de motifs que nous avons mentionnés dans notre mémoire, à savoir les liens avec le Canada, le fait qu'ils n'ont pas participé à des actes de violence et des questions d'ordre médical, nous avons une recommandation qui n'est pas très compliquée. Il s'agit de ne pas supprimer le droit de faire une demande pour motifs d'ordre humanitaire. Pour des raisons que j'ignore, certaines personnes semblent penser que le fait de présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire reporte le renvoi. Je répète que ce n'est pas le cas. Rien dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ne prévoit que si on fait une demande pour motifs d'ordre humanitaire, il y a une suspension du renvoi. Ce n'est pas du tout le cas.
Le fait de présenter une demande ne garantit pas qu'elle sera acceptée. Un agent d'immigration s'assoit, soupèse les considérations, évalue les difficultés de la personne, les questions d'ordre médical et l'intérêt supérieur de tout enfant en cause.
Notre recommandation n'a rien de compliqué. On laisse cette voie ouverte. On laisse les agents d'immigration continuer à faire leur travail comme ils l'ont toujours fait. On les laisse statuer sur ces demandes sans que cela suspende les renvois puisque, au risque de me répéter, une demande pour motifs d'ordre humanitaire n'a pas cet effet.
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Je dirais qu'il faut vraiment se poser la question. Il faut un certain pouvoir discrétionnaire pour bien examiner les aspects humanitaires.
Des enfants arrivés ici à un âge très tendre ignorent qu'ils ne sont pas citoyens parce que leurs parents, pour je ne sais quelle raison, n'ont pas jugé bon d'obtenir pour eux la citoyenneté. Il est un peu tard maintenant. Ce n'est pas qu'ils soient innocents. Mais leurs actions sont-elles graves au point qu'on doive les renvoyer dans un pays où ils ne connaissent personne? Cela signifie aussi qu'il n'y a aucune possibilité de réadaptation.
Des amis à nous, spécialistes du droit pénal et de la réadaptation, s'interrogent notamment sur l'enthousiasme pour la réadaptation d'un jeune incarcéré qui se sait destiné à l'expulsion, alors que cette réadaptation, convenablement menée, pourrait le remettre sur le droit chemin. L'obtention de la citoyenneté lui est interdite, parce que ses parents n'ont jamais cru que c'était important. Ce n'est pas sa faute.
D'autre part, dans certains autres cas que nous avons décrits, il s'agit de parfaits innocents. Je pense que, parfois, il est très facile pour nous, et je m'inclus là-dedans, de préjuger de la conduite qu'ils auraient dû tenir ou auraient tenue sous un régime de dictature, de répression, d'oppression, de persécution et de torture, surtout quand il s'agit de jeunes. Après avoir abouti ici, ils sont victimisés encore et encore, par association avec des tiers, dont les actions ont été commises à leur insu.
Salma n'est pas seule. Nous la prenons comme exemple, mais, de la même manière que, parfois, des exemples qui datent d'il y a 20 ans servent à justifier nos actions actuelles, elle n'est pas un cas isolé. C'est un exemple particulièrement éloquent, mais il y en a d'autres. Nous les voyons. Il faut absolument qu'un pouvoir discrétionnaire permette de tenir compte de la situation de la personne, qu'il ne ferme pas la porte à cette possibilité, pour que, après son expulsion, le cas échéant, nous ne soyons pas responsables de son sort, si ce sort est la torture ou une totale dépression mentale ou autre chose.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Visiblement, grâce au projet de loi , nous essayons de garder les criminels étrangers à l'extérieur de nos écoles, parcs, centres commerciaux et quartiers. Nous essayons de les tenir loin de nos familles.
On peut débattre longtemps de la gravité du crime qui consiste à entrer par effraction chez quelqu'un simplement pour se procurer de l'alcool. Le vrai crime, c'est l'entrée par effraction. Si votre enfant se trouvait chez vous lors de cette entrée par effraction, votre famille risquerait de subir des dommages irréparables à tout jamais, simplement à cause d'un coup de tête d'un jeune de 20 ans. Ce n'était pas le vol d'un stylo dans un magasin. C'était un cambriolage. Je pense que votre exemple n'est pas bon.
Vous n'êtes pas davantage avancés avec celui de Nelson Mandela, parce que, si vous permettez, nous pouvons entamer tout un débat à ce sujet ou au sujet de l'appui ou non des Canadiens pour l'apartheid, dans le crime incroyable commis contre le bon peuple sud-africain.
Cela dit, je m'en vais citer M. Tom Stamatakis, de l'Association canadienne des policiers. Il a dit que, d'après son expérience, les criminels qui reçoivent une peine privative de liberté de six mois ou plus ont commis des crimes très graves et sont très souvent des récidivistes.
Souscrivez-vous à cette analyse?