:
Je vois que Canadian Immigration Report figure dans la liste de témoins, et j'ai de grandes réserves à cet égard.
Je dois dire que je ne connaissais pas du tout ce groupe avant de recevoir l'avis pour la réunion d'aujourd'hui. Comme tout député dans ma situation l'aurait fait, j'ai jeté un coup d'oeil au site Web. J'ai rapidement remarqué qu'on y avait publié un article vantant les mérites du , qu'on décrivait comme le ministre de l'Immigration le plus actif et le plus audacieux des dernières années. J'imagine qu'il ne faut pas se surprendre de voir que le gouvernement a proposé d'inscrire ce groupe à notre liste de témoins pour cette étude.
Je tiens à préciser que je ne m'opposerais pas normalement à l'audition de témoins proposés par le gouvernement. Après tout, il est tout à fait sain d'entendre des opinions divergentes dans une démocratie. Toutefois, plus je naviguais dans le site Web en question, plus j'étais préoccupée... En fait, « abasourdie » décrirait mieux mon impression. On y trouve une section intitulée « entrevues », dans laquelle on présente des entretiens accordés par des adeptes bien connus de la suprématie blanche lors de la conférence de l'American Renaissance. Il y a même une vidéo de Paul Fromm, un suprémaciste blanc notoire au Canada et affilié au KKK. On peut l'entendre dire ceci, et je cite:
[Traduction] La politique canadienne en est assurément une de nettoyage ethnique et de remplacement. D'ici 2015, les descendants de nos pères fondateurs européens seront en minorité. Le nettoyage ethnique nous aura évincés de notre propre pays.
Dans une autre vidéo affichée sur le site Web de Canadian Immigration Report, Tito Perdue affirme que la population noire serait plus à l'aise dans un régime ségrégationniste, et qu'elle est la seule responsable de sa pauvreté. Je reprends les mots de Tito diffusés sur le site Web. Il dit:
[Traduction] Si on jette un coup d'oeil aux civilisations que les peuples noirs ont bâties à eux seuls, on remarque qu'elles finissent généralement par ressembler à l'enfer sur terre.
Des déclarations encore plus choquantes sont attribuées directement aux témoins à comparaître devant nous. Je note un article publié par Canadian Immigration Report qui semble défendre le national-socialisme, l'idéologie nazie. Encore là, je cite:
[Traduction] Cette haine envers le national-socialisme s'appuie sur des prémisses totalement erronées. Intrinsèquement, il n'y a rien de mal à cela.
Je pourrais vous citer d'autres extraits encore qui semblent justifier le nationalisme blanc. Je pourrais aussi vous parler de cette section complète du site Web qui associe des crimes à des groupes raciaux précis, mais c'est franchement dégoûtant et je refuse d'accorder plus de temps d'antenne à ces idées.
Monsieur le président, je suis outrée de voir que des députés du gouvernement ont demandé à ce groupe de venir témoigner devant nous. J'ose espérer que vous conviendrez avec moi que ces opinions n'ont pas leur place dans un comité parlementaire de l'un des pays les plus diversifiés, ouverts et accueillants au monde.
Je le répète, je pourrais vous lire bien d'autres extraits du site Web, mais je refuse de croire que quiconque ici présent serait à l'aise d'entendre les représentants de ce groupe aujourd'hui après avoir pris connaissance du contenu de ce site Web.
Je vous demande donc de trancher à savoir si ce témoin devrait effectivement comparaître devant le comité aujourd'hui.
:
J'aimerais attirer l'attention des députés sur le site Web www.cireport.ca. Il n'est pas question de ouï-dire ici. Il s'agit d'informations affichées directement sur le site Web. À la page d'accueil du site de Canadian Immigration Report, on trouve un lien menant vers un documentaire à venir appelé
Multicult T.O., dans lequel on soutient que Toronto délaisse les sources européennes traditionnelles d'immigration en faveur des gitans de Parkdale et de la colonie chinoise de Markham. Et cela se poursuit avec d'autres commentaires du genre.
Dans un article publié par Canadian Immigration Report, intitulé « Réponse de CIR à la tragédie du temple sikh de Milwaukee: suprématie blanche, nazisme et islam, les mêmes idéologies meurtrières », le groupe se porte à la défense de l'idéologie nazie du national-socialisme. On peut y lire que « la haine envers le national-socialisme s'appuie sur des prémisses totalement erronées » et que «...intrinsèquement, il n'y a absolument rien de mal à cela ».
En défense du nationalisme blanc, le groupe écrit que « le “nationaliste blanc” semble être le terme utilisé le plus fréquemment, ce qui laisse entendre une forme de nationalisme d'identité ethnique, tout comme en Israël, au Kosovo ou au Soudan du Sud. Je n'ai jamais entendu parler d'un nationaliste blanc ayant tué quelqu'un ou ayant posé des gestes répréhensibles en dehors de sa nation d'origine. C'est encore là très différent pour les islamistes, qui sont nombreux à voir la planète entière comme un champ de bataille. »
Monsieur le président, je ne parle pas d'un lien vers un article qui pourrait sembler douteux. Je vous avouerai que j'ai été très choquée lorsque je suis tombée là-dessus hier soir. Écoutez, nous savons qu'il y a différents points de vue au Canada. Je n'essaie pas de faire entrave à la liberté d'expression, mais je m'interroge sur le bien-fondé de l'invitation de certains parlementaires, qui veulent faire témoigner cette personne ou ce groupe — j'ignore s'il s'agit d'une personne, mais je parle du groupe qui a affiché ces choses sur son site Web — devant nous aujourd'hui. Voilà ce que je remets en question.
:
Merci, monsieur le président.
Madame James, je faisais référence à la motion sur le Programme fédéral de santé intérimaire et à mon avis, il est extrêmement important que nous nous penchions immédiatement sur la question.
Je suis certain que les députés ont reçu du courrier à ce sujet et qu'ils ont peut-être parlé aux électeurs. Je soupçonne aussi qu'en tant que membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, la question nous préoccupe beaucoup. Je sais que c'est mon cas. L'amendement vise à régler ce qui, à mon avis, est un problème important qui a des répercussions sur la vie et la santé d'un grand nombre de réfugiés.
Nous avons reçu une lettre de la présidente du Collège des médecins de famille du Canada, qui appuie la motion qui a été présentée récemment. Elle savait qu'elle allait être présentée et à mon avis, elle voulait nous encourager à examiner la question.
Je voulais vous informer que de nombreux organismes avaient directement ou indirectement fait appel au comité. Je parle en grande partie des associations qui ont été mentionnées dans la motion, mais cela comprend aussi, et je tiens à le préciser, l'Association canadienne des optométristes, l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, l'Association dentaire canadienne, l'Association médicale canadienne, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'Association des pharmaciens du Canada, le Collège des médecins de famille du Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
Des centaines et même des milliers d'autres travailleurs de la santé de partout au pays, un grand nombre de parties intéressées et des intervenants très éclairés — dont certains agissent à titre professionnel — considèrent que ce qui s'est produit plus tôt cette année aura de très grandes répercussions sur un grand nombre de personnes. Ce qu'ils veulent vraiment, et je les appuie, c'est que notre comité examine les conséquences de la décision qui a été prise, pour ensuite formuler des recommandations au gouvernement.
À mon avis, en tant que comité, nous avons les ressources nécessaires pour mesurer les effets produits, surtout en écoutant ces professionnels dont les témoignages peuvent nous permettre d'évaluer les répercussions engendrées par la décision. J'ai bien peur que des vies soient menacées si nous ne le faisons pas, et que les dépenses en soins de santé augmentent, puisque certaines personnes ne recevront pas les traitements appropriés. Étant donné que notre étude actuelle n'est pas aussi pressée par le temps que cette initiative stratégique, je crois qu'il serait dans notre intérêt et, au bout du compte, dans l'intérêt des réfugiés que nous accueillons au pays, de débattre de la motion, mais aussi de l'adopter.
Je crois que vous allez vous rendre compte qu'à l'extérieur du comité, on compte sur nous pour régler la question. Je lance donc un appel personnel. J'espère que d'autres membres du comité voudront aussi nous dire pourquoi, à leur avis, nous devrions nous pencher sur la question. Je serai heureux de faire tout ce qui est nécessaire en ce sens.
Monsieur le président, vous et moi en avons discuté. Après avoir analysé les renseignements les plus récents, je pense que la question concerne le comité au plus haut point; nous devrions donc l'examiner, écouter les exposés et formuler certaines recommandations sur la façon dont nous pourrions améliorer la politique actuelle ou au moins en minimiser les effets sur le plan de la prestation des services de santé aux réfugiés.
Nous parlons, en grande partie, des personnes les plus vulnérables de notre société.
Je lance donc un appel personnel. J'espère que vous l'entendrez et j'aimerais avoir votre avis sur la possibilité d'étudier la question aujourd'hui.
:
Merci, monsieur le président.
L'Association canadienne des libertés civiles remercie le comité de l'avoir invitée.
Mes remarques seront en français au début et en anglais par la suite.
L'Association canadienne des libertés civiles est un organisme à but non lucratif, non partisan, qui existe depuis 1964 afin de protéger les droits et les libertés civiles au Canada. Elle offre des programmes d'éducation, de représentation et d'intervention auprès d'organismes décisionnels comme celui-ci et auprès des tribunaux. Elle travaille surtout avec des bénévoles, des avocats et des avocates, un peu partout au Canada.
Je vais cibler mes remarques sur trois questions qui ont été soulevées dans la foulée de votre rapport.
Je veux premièrement aborder la nécessité d'établir un régime indépendant de reddition de comptes pour l'Agence des services frontaliers du Canada. Je vais ensuite traiter de l'épineuse et difficile question du traitement des personnes soupçonnées de crime de guerre ou de crime contre l'humanité. Finalement, je vais parler brièvement de certains aspects du régime d'autorisation de sécurité.
Je précise tout d'abord que l'association s'intéresse toujours à la protection de normes en matière de justice procédurale pour s'assurer que les personnes sont traitées de façon équitable sur le territoire canadien. De plus en plus de pouvoirs contraignants sont conférés à l'Agence des services frontaliers. Or son régime de supervision est un peu une anomalie au Canada. Le Service canadien du renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du Canada ont un régime de surveillance. Je souligne évidemment les efforts que fait le gouvernement — et cette question est traitée dans le cadre de la Chambre — en vue d'améliorer le régime de surveillance de la GRC. Cependant, l'Agence des services frontaliers n'en a pas. Il y a un processus interne de plaintes, mais dans un contexte où des pouvoirs de plus en plus contraignants sont exercés, ce n'est pas suffisant.
Dans une démocratie, on doit toujours avoir comme réflexe de jumeler l'accroissement des pouvoirs ou de la discrétion à un certain encadrement de la surveillance. Il est important de voir cela dans l'optique où l'on veut accroître la confiance des Canadiens et Canadiennes envers le régime à la frontière.
[Traduction]
Je vous donnerai plus tard des exemples qui démontrent à quel point cela pourrait être nécessaire, mais en résumé, notre encadrement de surveillance présente des lacunes. Le SCRS fait l'objet d'une supervision indépendante, et ce sera encore mieux du côté de la GRC, mais ce n'est pas le cas de l'ASFC. Un grand nombre de gens nous appellent, car nous les avons encouragés à utiliser le mécanisme interne pour se plaindre, et cela n'a pas donné de bons résultats.
À notre avis, cela ferait seulement partie du régime qui consiste à augmenter les pouvoirs à la frontière pour veiller à ce qu'il y ait bel et bien un certain encadrement de surveillance. Si nous demandons à ce qu'on exerce une surveillance, ce n'est pas parce que nous soupçonnons qu'on se livre à la tricherie ou à des irrégularités; c'est seulement la façon appropriée de fonctionner dans une démocratie. Il s'agit aussi de bonne gouvernance.
À notre avis, il n'est pas nécessaire de créer une nouvelle agence. D'ailleurs, le moment serait mal choisi pour lancer ce débat. Par contre, nous pourrions peut-être élargir le mandat de certaines des agences existantes. Je vous invite fortement à y réfléchir lorsque vous formulerez vos recommandations.
Deuxièmement, il y a la question épineuse des personnes soupçonnées de crime de guerre ou de crime contre l'humanité. L'ACLC, comme d'autres organismes de défense des droits de la personne, est tout à fait engagée dans la lutte contre l'impunité. Il est essentiel que les gens qui pourraient avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité soient traduits en justice et fassent l'objet d'un procès en règle. De la même façon, on devrait disculper les gens qui sont innocents de tels crimes et ils devraient être blanchis de tout soupçon.
Le Canada a d'importantes obligations à cet égard, et je vous prie de vous engager en tant que parlementaires et de demander plus de renseignements sur ce contexte. C'est tout ce que je vous demande. Je pense que ce que l'ACLC recommande, c'est de mettre en oeuvre une politique pour extrader ou poursuivre les gens soupçonnés d'avoir commis un crime et de ne pas se contenter de les déporter, car ce ne serait que refiler la responsabilité à quelqu'un d'autre. Il nous incombe de veiller à ce que les crimes contre l'humanité soient traduits en justice.
Nous voulons certainement que le régime d'immigration soit bon pour le Canada, mais il faut aussi qu'il le soit pour le reste du monde. Chaque jour, partout dans le monde, des Canadiens sont victimes d'injustice aux mains des dictateurs, et il nous revient de veiller à ce que les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité soient poursuivis en justice.
L'ACLC interviendra dans l'affaire Ezokola. Je sais que M. Waldman y participera aussi. Nous espérons que cela précisera certaines normes de preuve nécessaires pour refuser à une personne la protection du statut de réfugié si elle est soupçonnée de crime de guerre ou de crime contre l'humanité. Je vous conseille vivement de continuer à envisager de veiller à ce que ces décisions soient prises en fonction de la justice fondamentale.
Il s'agit d'une question épineuse. Il ne fait aucun doute que des affaires différentes font intervenir des faits différents. On ne peut pas extrader tout le monde, car il y a des endroits où ces personnes ne feront pas l'objet d'un procès équitable et des endroits où elles seront torturées ou persécutées, mais ici, nous devrions avoir le devoir de nous occuper des poursuites en justice. Je recommande vivement aux parlementaires d'exiger des mécanismes de suivi de la part du ministère, afin de veiller à ce que la décision de ne pas poursuivre ou de ne pas extrader la personne, et simplement la déporter, soit prise seulement en dernier recours et uniquement dans les cas les plus limpides.
À notre avis, il y a un manque de transparence à cet égard et vous pourriez étudier la question dans votre rapport. C'est notre devoir envers le reste du monde de nous acquitter de cette responsabilité avec fermeté.
Enfin, je vais parler des vérifications de sécurité et des normes d'équité procédurales en général.
L'ACLC, c'est bien connu, s'en occupe depuis longtemps. Au Canada, nous devons traiter les gens équitablement. Nous l'avons toujours fait, et nous devons continuer à le faire. Je pense qu'il est important que les normes en matière de justice soient semblables partout au pays, peu importe à qui on les applique. Selon moi, chaque fois que les exigences en matière de justice diminuent, nous devrions nous inquiéter. Nous devrions insister pour que des normes en matière de justice fondamentale continuent d'être mises en oeuvre dans notre système. Je vous encourage vivement à en faire un principe dans vos recommandations.
La semaine dernière, nous avons publié un rapport sur les vérifications policières. Il portait essentiellement sur la façon dont les renseignements concernant un grand nombre de personnes qui ont été déclarées non coupables ont été divulgués dans le cadre de vérifications policières à des fins d'embauche dans des secteurs vulnérables, etc. Ces renseignements concernaient des accusations retirées ou il s'agissait même parfois du verdict d'acquittement. Cela a provoqué un grand nombre d'appels partout au Canada. En effet, de nombreuses personnes nous ont appelés à ce sujet. Si je vous en parle, c'est parce qu'un grand nombre de ces appels concernaient les vérifications de sécurité. J'aimerais vous faire part de certaines des histoires et des problèmes liés à cette affaire.
[Français]
Essentiellement, notre conclusion est que le système d'autorisation de sécurité doit être soumis à un examen. Nous suggérons que la commissaire à la protection de la vie privée ou un autre organisme soit chargé de le faire, de façon à s'assurer que la qualité du processus de gestion de l'information est adéquate et qu'il y a suffisamment de processus pour corriger l'information.
À l'occasion, les gens sont en quelque sorte victimes d'une mauvaise gestion de l'information. Or cela a de graves conséquences sur leur capacité de travailler et de voyager. Selon nous, les processus de correction, les pratiques de rétention et les normes de justice procédurale qui entourent le processus d'autorisation de sécurité doivent être renforcés et être plus transparents pour les Canadiens, les Canadiennes et les gens qui vivent au Canada.
[Traduction]
Nous avons donc reçu plusieurs appels au sujet de la façon dont... D'après les consultations que nous avons menées auprès des secteurs de la police et de la sécurité, à mon avis, ce n'est pas une question de débat polarisé. On a plutôt besoin d'éclaircissements. La loi présente certaines ambiguïtés, et je pense qu'il faut la préciser. Tout le monde gagnerait à mieux connaître ses obligations en matière de vie privée...
Le président: Nous...
Mme Nathalie Des Rosiers: Je vais terminer là-dessus.
:
Merci beaucoup. Je vais essayer d'être bref. Je vais revenir à certaines questions évoquées par Mme Des Rosiers.
Tout d'abord, je veux parler du cadre de reddition de comptes. Dans le rapport Arar paru en 2005 ou en 2006, le commissaire O'Connor recommande de surveiller les activités de l'Agence des services frontaliers du Canada, surtout concernant les opérations de sécurité nationale. Même si le gouvernement a d'abord dit qu'il les soutenait, les recommandations n'ont malheureusement pas été mises en oeuvre, ce qui soulève le problème plus vaste que ma collègue vient de mentionner. L'ASFC possède des pouvoirs très larges d'arrestation, de détention, de fouille et de saisie qui ne font pas l'objet d'une surveillance indépendante.
Nous recevons souvent des plaintes à propos du comportement des agents de l'ASFC. Que les plaintes sérieuses relatives à la mauvaise conduite soient fondées ou non, c'est important d'avoir un mécanisme de vérification. Dans notre démocratie axée sur la primauté du droit, c'est la seule façon d'assurer la responsabilisation. Le fait qu'il n'existe pas de cadre indépendant de reddition de comptes pour l'Agence des services frontaliers du Canada constitue un problème très grave.
Je m'oppose présentement à l'ASFC dans un litige concernant son pouvoir de forcer un de mes clients à comparaître à une entrevue. L'agence a insisté, et l'affaire maintenant portée devant les tribunaux. C'est ma seule façon de résoudre le différend, parce qu'il n'y a pas de mécanisme indépendant d'arbitrage. Je dirais que c'est une manière coûteuse de fixer les limites et la portée des pouvoirs de l'ASFC.
Concernant les commentaires de mon amie sur les crimes de guerre, je vais simplement revenir à une question.
Je suis d'accord qu'il faut renforcer la loi sur l'immigration et que le gouvernement doit veiller à ce que les personnes recherchées qui ne se présentent pas pour la déportation soient arrêtées, mais les méthodes utilisées sont parfois contre-productives.
À cause de la liste des criminels de guerre les plus recherchés, nous ne pouvons plus déporter certaines personnes. À notre époque, les déclarations du gouvernement du Canada sont énormément publicisées, et l'Internet rend l'information accessible. Je défends à l'heure actuelle une personne qui était sur la liste et qui est à risque si elle est déportée, comme l'a reconnu un agent d'immigration. La publication d'une liste de criminels de guerre recherchés était mal avisée. D'autres types de listes de personnes recherchées ne me préoccupent pas autant.
La troisième question dont je veux discuter brièvement avant de passer aux questions, c'est la détention. Je pensais que c'était un des points à l'ordre du jour. Je m'occupe de droit de l'immigration depuis plus longtemps que je ne veux l'admettre, plus de 25 ans, et j'ai constaté que les autorités de l'immigration recouraient beaucoup plus à la détention.
Certaines détentions sont nécessaires, parce que de nos jours, c'est plus difficile de savoir qui sont les nombreuses personnes qui immigrent au Canada. On produit davantage de faux documents. C'est clair qu'il faut détenir les gens avant de connaître leur identité, sinon nous ne pouvons pas garantir qu'ils présentent un danger ou non pour la société.
La détention des gens qui présentent un danger pour la société est peut-être nécessaire, mais nous nous en servons pour bien des personnes qui ne présentent pas de danger et qui ont été identifiées. C'est très préoccupant, d'abord parce que la détention entraîne des conséquences pour ces gens.
Vous avez visité l'établissement à sécurité minimale de Rexdale. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de visiter le centre de détention à sécurité maximale de l'Ouest de Toronto, où bien des immigrants sont détenus. Je peux vous dire que c'est un lieu très démoralisant et déprimant, parce que les détenus y attendent leurs procès. Il n'y a aucune installation pour quelque activité que ce soit, et les immigrants détenus n'ont accès à aucune installation. Certains immigrants sont détenus un ou deux ans dans de telles conditions.
Ce qui me préoccupe encore plus, c'est la détention des enfants. Nous détenons des enfants, et je suis sûr que vous en avez vu à Rexdale. C'est tout à fait inacceptable de détenir des enfants qui n'ont accès à aucun des services qui devraient leur être offerts. Je suis très préoccupé par l'impact de la détention sur les enfants, qui sont détenus parce que leurs parents le sont.
Je vais m'arrêter là. Je pourrais en dire beaucoup plus sur la détention. Je signale aussi que la détention est extrêmement coûteuse. Le gouvernement doit envisager toutes les autres options. J'ai employé la surveillance électronique au lieu de la détention. Nous avons un projet de mise en liberté sous caution à Toronto pour remplacer la détention, mais nous devons nous en servir davantage.
Il faut être créatif et examiner d'autres méthodes pour surveiller les immigrants qui doivent l'être sans les détenir, à cause des coûts et des conséquences pour eux.
Je vais en rester là, merci.
:
Merci de la question, qui fait suite à la question de la députée précédente.
L'affaire dont elle a parlé concerne un homme qui était déjà condamné. C'est différent du cas qui nous occupe, les gens accusés de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, mais qui n'ont pas été condamnés. Les agents d'immigration ont peut-être déterminé qu'il y avait très peu de preuves contre ces personnes. Je rappelle qu'il y a trois niveaux de preuves et que celui de l'immigration se situe en deçà de la prépondérance des probabilités. Ce niveau de preuve très faible ne suffit pas à condamner quelqu'un.
Nous parlons de gens qui ont été déclarés criminels de guerre en raison d'un niveau de preuve très faible. Il faut prendre une décision. Comme l'autre témoin l'a indiqué, nous devons envisager de les poursuivre au Canada dans certaines circonstances.
Prenons l'exemple de l'homme du Honduras qui figurait sur la liste des personnes les plus recherchées et qui a été déporté. En fait, les groupes de défense des droits de la personne au Honduras priaient les autorités canadiennes de ne pas le renvoyer, car il ne serait pas poursuivi et il serait libre. Ces groupes précisaient que cet homme devait être jugé et que leurs preuves montraient qu'il pouvait bel et bien être un criminel de guerre. Cet exemple prouve que, si nous sommes déterminés à responsabiliser ces gens, nous devons les poursuivre au Canada.
Vous avez bien sûr parlé des criminels de guerre qu'on ne peut pas déporter, parce qu'ils pourraient se faire torturer. Je m'occupe présentement d'une affaire de ce genre. Il faut considérer la possibilité de poursuivre au Canada les gens qui sont des criminels de guerre selon nous.
Évidemment, la Cour pénale internationale représente une autre option. Si nous croyons qu'une personne a commis des crimes de guerre et qu'elle ne peut pas être renvoyée dans son pays parce qu'elle ne subira pas un procès équitable ou qu'elle sera torturée, nous pouvons demander à la Cour pénale internationale d'examiner la question.
C'est très complexe, et il n'existe pas de solution simple.
:
La question de la détention est complexe. Cela dépend vraiment des raisons de la détention.
Il y a deux raisons fondamentales pour lesquelles nous plaçons des gens de l’immigration en détention. La première, c’est que nous pensons qu’ils peuvent représenter un danger parce qu’ils ont des antécédents criminels ou qu’ils sont liés à des mouvements terroristes, ou c’est peut-être parce qu’au moment où ils viennent au Canada, nous ne sommes pas sûrs de leur identité et nous craignons qu’ils soient dangereux. C’est l’un des motifs. Nous devons être très prudents dans ces situations.
La deuxième raison, c’est que nous voulons nous assurer qu’ils se présentent aux audiences. Dans ce contexte, il y a moins de craintes. C’est vraiment que si nous ne les gardons pas en détention, il nous faudra peut-être les chercher, ce qui entraîne des dépenses.
Les options varient. Un de mes clients a été accusé à tort d’être membre d’Al-Qaïda. Il a été blanchi huit ans plus tard. Il a été libéré, mais a été placé sous surveillance électronique; on a installé des caméras de surveillance chez lui, et il est soumis à toute une série de conditions.
D’autres clients qui ne sont pas dangereux sont libérés, moyennant une simple déclaration chaque semaine. Le programme de cautionnements qui, j’en suis sûr, est financé par le gouvernement, représente une façon très peu coûteuse de veiller à ce que les gens se conforment. Ils s’inscrivent au programme financé par le gouvernement. Le programme sert alors d'intermédiaire entre le gouvernement et l’ASFC, et garantit que les gens respectent les conditions. S’ils ne les respectent pas, les responsables du programme le disent au gouvernement, et les gens retournent en détention.
Il y a différentes options; tout dépend de la gravité du cas.
:
Comme Mme Des Rosiers l'a dit, il n'y a que deux façons de déceler, avant qu'ils n'arrivent au Canada, les individus qui représentent un danger pour différentes raisons.
D'une part, nous pouvons exiger un visa de visiteur. Ce mécanisme nous donne l'occasion de passer les individus au crible et de vérifier leur dossier auprès des organismes de renseignement. Si leur santé nous préoccupe, nous pouvons aussi exiger un bilan de santé.
Le problème des visas de visiteur, c'est qu'ils coûtent cher et nuisent au tourisme ainsi qu'à notre capacité d'attirer des gens au Canada, car ils nous contraignent à effectuer une sélection. Toutefois, si nous demandions un visa de visiteur à tous les citoyens du monde, nous pourrions évidemment trier d'avance tous ceux qui veulent venir au Canada.
Il faut maintenir l'équilibre entre le coût de cette mesure et les avantages qui en découlent. Même s'il s'agit manifestement de la meilleure façon de protéger notre société, nous ne le faisons pas puisque c'est trop cher. Nous n'avons pas les ressources nécessaires et ne pouvons pas nous permettre de fermer notre frontière à ce point.
D'autre part, nous pouvons favoriser l'échange de renseignements. La question a d'ailleurs été soulevée à plusieurs reprises. Si tout va bien, les organismes de renseignement ont déjà pris des mesures en ce sens. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais nous devons continuer d'échanger des renseignements, et aussi obtenir des renseignements fiables auprès d'organismes dignes de confiance.
Voilà les deux méthodes qui, selon moi, nous permettraient de mieux empêcher les individus indésirables d'entrer au Canada.