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Merci, monsieur le président.
Comme d'habitude, je serai bref et j'irai droit au but, parce que je sais que votre temps est précieux, monsieur le président.
Après avoir discuté avec des collègues, des associations et des personnes de partout au Canada, j'ai constaté que deux grandes émotions s'affrontent. D'une part, il y a notre tendance naturelle à vouloir généreusement protéger les personnes qui sont persécutées, les réfugiés. Cela relève de la pure tradition canadienne. D'autre part, le grand public souhaite que l'on protège et que l'on respecte la souveraineté canadienne, ce qui fait que nous devons nous prémunir contre ceux qui pourraient abuser de la générosité du Canada quand vient le temps de protéger les réfugiés.
Comment pouvons-nous concilier ces deux émotions? Vous entendrez probablement des spécialistes vous expliquer, tout au long de la journée, que nous faisons fausse route en ce qui concerne l'octroi de l'asile dans le projet de loi . J'aimerais me joindre à eux et vous expliquer très rapidement comment nous en sommes arrivés là, et pourquoi il est si difficile de trouver le juste équilibre.
D'abord, je dis souvent aux gens de penser à ce qui ne figure pas dans le projet de loi. Le Canada a la possibilité de se doter du pouvoir d'intercepter les éventuels demandeurs d'asile en haute mer. On ne peut pas faire comme si on ne savait pas qu'il s'agit d'un choix politique conscient qui a été fait pour ne pas intercepter les demandeurs d'asile à l'étranger parce que nous souhaitons véritablement protéger les personnes persécutées. D'autres pays — des pays démocratiques occidentaux — ont adopté cette pratique, mais ce n'est pas le cas du Canada.
Sur le plan des chiffres, il s'agit de 35 000 demandeurs d'asile par année, ce qui signifie que l'on peut estimer à au moins 250 000 à 350 000 le nombre de demandes de ce type sur une période de dix ans.
La partie du projet de loi qui intéresse le plus mes collègues concerne la détention obligatoire, l'impossibilité de réunir les familles pendant cinq ans, et toutes les autres mesures de ce type associées à une arrivée massive. Je pense qu'il faudrait essayer de mettre l'accent sur les solutions. Il est facile de trouver de possibles violations de la Charte.
Où est la solution? Ce qu'il faut dire, c'est que les opinions politiques à la suite de l'arrivée de plus de 500 demandeurs d'asile par navire ont entraîné une forte baisse du soutien à l'égard de l'intégralité de nos programmes d'immigration au Canada.
Combien de fois, en dix ans, assiste-t-on à ce type d'arrivées par la voie maritime? En 20 ans, cela s'est produit trois fois. Cela se produit donc en moyenne deux fois tous les dix ans, et le plus grand nombre sont arrivés récemment. On parle donc, sur 30 ans, de 1 000 ou de 2 000 personnes sur les 250 000 à 350 000. Je ne peux pas m'énerver quand les chiffres sont si faibles. Comme dans les autres catégories, parmi les pauvres personnes qui ont présenté une demande, environ 40 p. 100 des demandes présentées par la méthode habituelle ont été acceptées, et les autres se sont glissées dans d'autres programmes et sont acceptées, par exemple, pour des considérations d'ordre humanitaire.
Mais en ce qui concerne les principes en jeu, y compris la détention obligatoire au Canada, je ne pense pas que la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée. Mais l'opinion publique, qui exige une solution, a poussé le gouvernement du Canada à adopter une stratégie de communication politique pour prévenir les arrivées. Cette stratégie est le résultat d'une loi qui pourrait bien aller à l'encontre de la Charte. Ce qu'on ne connaît pas encore, c'est son incidence. Le risque, c'est de se retrouver dans l'embarras sur le plan politique si une loi est déclarée contraire à la loi suprême du Canada, la Charte.
Sur le plan pratique, cette mesure pourrait très bien entraîner une diminution, voire l'élimination, des arrivées massives par la voie maritime.
Voilà la stratégie et la toile de fond politiques avec lesquelles nous devons composer, et j'aimerais que les autres témoins nous fassent part de solutions plutôt que de s'attaquer, d'un point de vue juridique et technique, au fait que la mesure est ou non contraire à la Charte. Toutes les personnes présentes aujourd'hui doivent collaborer, de façon prospective, pour trouver une solution qui accorderait une place égale aux deux grandes émotions qui nous tiraillent — la volonté de protéger les personnes persécutées, et la volonté d'empêcher que l'on abuse de la générosité canadienne. C'est la tâche qui nous incombe.
Cela dit, je vais parler brièvement — je vais conclure dans une minute ou deux — de certains aspects qui peuvent être réglés de façon technique. L'idée de créer une liste des tiers pays sûrs pose des problèmes sur le plan politique; je recommanderais donc que l'on envisage une disposition de temporisation concernant la liste. Plutôt que de subir deux gifles sur le plan politique, une au moment d'inscrire un pays sur la liste et une autre au moment de l'en retirer, il faudrait placer les pays sur la liste pour une durée limitée, ce qui fait qu'ils en seraient retirés de façon automatique, sans autre forme de procès, après un certain temps, par exemple, 24 mois. Une telle façon de faire permettrait d'éviter bien des difficultés. C'est une solution pratique et faisable.
Je vais aborder rapidement un autre aspect, puis je passerai le flambeau. Je pense qu'il y a deux situations qu'il faut avoir à l'esprit quand on examine le projet de loi . D'abord, l'arrivée massive par le paquebot St. Louis. Comment traiteriez-vous ces Juifs? Se verraient-ils imposer une détention obligatoire de un an? C'est ce qui s'est passé à l'époque. Les fours ou la détention au Canada? Le choix est facile. Il y a ensuite le massacre de la Place Tiananmen et l'arrivée, par la suite, d'étudiants au pays. Avant juin 1989, personne ne pensait qu'il y avait un problème en Chine. Qu'en est-il aujourd'hui? Il faut donc prévoir des mesures de protection qui vous offrent, en quelque sorte, une petite soupape de sécurité proactive, un petit délai, pour une suite d'événements comme ceux qui ont précédé les manifestations de la Place Tiananmen. Je pense que c'est important.
Je m'arrête ici pour l'instant. Merci. monsieur le président.
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Merci de me donner l'occasion de m'adresser aujourd'hui au comité.
Nous avons, à la section de l'ABC, passé les dernières semaines à étudier le projet de loi le plus en détail possible compte tenu du temps dont nous disposions. Comme vous le savez, il s'agit d'une mesure législative très complexe qui a d'importantes répercussions sur le droit de l'immigration et des réfugiés.
Nos observations écrites sont plutôt détaillées et énoncent un certain nombre de nos préoccupations concernant le projet de loi. Je vais aujourd'hui mettre l'accent sur deux enjeux qui regroupent un certain nombre de nos préoccupations. Il y a, d'abord, la portée du projet de loi en tant que tel, et, ensuite, l'élargissement des pouvoirs que le Parlement délègue au ministre.
La section de l'ABC s'inquiète particulièrement du caractère omnibus du projet de loi, plus particulièrement de l'objectif affirmé du gouvernement de le faire adopter dans un très court délai — avant le 29 juin — compte tenu de la portée des changements. On dispose de très peu de temps, mais nous avons tout de même cerné un certain nombre d'aspects problématiques du projet de loi.
Les changements ont une portée considérable, et ils sont particulièrement difficiles à comprendre en raison de l'accumulation de multiples sections — des lois antérieures qui n'ont pas encore été promulguées, ou des parties de la LIPR qui n'ont pas été adoptées.
À tout cela s'ajoutent les changements apportés par la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, le projet de loi C-11, puis les changements prévus dans le projet de loi concernant des articles de la LIPR qui n'étaient pas en vigueur et concernant la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, de même que d'autres changements à venir.
Le simple fait d'essayer de comprendre tout cela et de faire des liens entre les amendements constitue une tâche énorme. La Bibliothèque du Parlement, qui a admirablement résumé le projet de loi, indique, par exemple, que la SAR serait créée tout de suite après l'obtention de la sanction royale. J'espère que c'est une erreur, parce que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne sera pas en mesure de mettre en place la SAR dès l'obtention de la sanction royale. On peut facilement comprendre que la Bibliothèque du Parlement ait commis cette erreur compte tenu des nombreux articles qui entrent en vigueur en vertu du projet de loi.
Il y a donc, dans le projet de loi, des dispositions emboîtées les unes dans les autres d'une telle façon que même la Bibliothèque du Parlement a de la difficulté à comprendre. On a vu que le ministre lui-même ne comprend pas bien certains aspects fondamentaux du projet de loi.
Les articles 18 et 19 du projet de loi entraîneraient des changements catégoriques de la loi puisque la perte de l'asile emporterait interdiction de territoire et entraînerait la perte du statut de résident permanent. À titre d'avocat qui s'occupe fréquemment de cas de membres de la communauté latino-américaine, je peux vous dire que ce changement risquerait d'avoir des conséquences désastreuses pour des milliers, voire des dizaines de milliers, de résidents permanents.
Je vais vous donner l'exemple d'un réfugié chilien qui a fui le régime Pinochet dans les années 1980, qui est devenu résident permanent et qui est un membre utile de la société canadienne depuis. Les nouvelles dispositions sur la perte de l'asile signifieraient que cette personne pourrait, à tout moment, être amenée devant la Commission pour une audience visant la perte de l'asile, et elle n'aurait aucun argument pour se défendre. Les changements au Chili sont clairs; le régime Pinochet est tombé il y a déjà bien des années.
Ces réfugiés perdraient non seulement leur statut permanent de personnes protégées, mais aussi leur statut de résident permanent; ils n'auraient aucune possibilité d'appel, ils ne pourraient pas invoquer de motifs d'ordre humanitaire, et ils seraient donc renvoyés le plus rapidement possible.
Ce qui préoccupe particulièrement l'ABC, mis à part la nature de la disposition en tant que telle, c'est le fait que le ministre semblait ne pas comprendre la nature du changement. En effet, il a affirmé fermement et à plusieurs reprises, devant la Chambre et en public, que les dispositions sur la perte de l'asile n'avaient pas changé. Je vais lire une lettre du publiée dans la Gazette de Montréal le 8 mars 2012. Il écrit:
Vous affirmez à tort, dans votre éditorial, que le projet de loi C-31 [...] inclut un nouveau pouvoir qui permet au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de révoquer le statut de résident permanent des réfugiés au Canada.
Il poursuit ainsi:
Le seul changement de la loi attribuable au projet de loi C-31 est le changement concernant le processus actuel de révocation du statut de résident permanent et de réfugié obtenu par des moyens frauduleux. Ce processus, actuellement redondant puisqu'il se fait en deux étapes, deviendra un processus en une étape puisque la Commission indépendante de l'immigration et du statut de réfugié pourra révoquer les deux statuts en même temps. Il s'agit d'un changement administratif, mais il ne s'agit pas d'un nouveau pouvoir.
C'est clairement inexact.
Il y a un consensus chez les avocats. L'ABC, l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, un certain nombre d'autres personnes qui ont étudié le projet de loi, la Bibliothèque du Parlement, et le Ministère lui-même se sont entendus pour dire clairement que cette interprétation est inexacte.
Le ministre lui-même a comparu devant le comité et a semblé reconnaître que ce n'était pas l'objectif visé et qu'il était ouvert à un amendement. Nous espérons qu'il y aura bel et bien un amendement. J'espère que le comité fera un suivi de cette question.
Ce qui est particulièrement préoccupant, c'est la rapidité avec laquelle cette mesure législative complexe est adoptée, sans que nous ayons assez de temps pour l'étudier adéquatement. On vous demande d'adopter un projet de loi dans un délai très court, et nous ne savons même pas combien d'autres conséquences involontaires le projet de loi aura — et il en aura.
En tout respect, je ne connais personne qui a pu étudier ce projet de loi en profondeur. Et je parle aussi de moi et de M. Kurland. Je ne cherche pas à accuser M. Kurland et les autres personnes qui témoignent devant le comité, mais c'est tout simplement que nous n'avons pas eu le temps d'étudier en profondeur ce projet de loi et toutes les conséquences involontaires qu'il pourrait avoir.
Le manque de détail rend le problème encore plus complexe. Quand la LIPR a été adoptée en 2002, certaines personnes se sont dites préoccupées par le fait que l'on semblait vouloir légiférer par le truchement du Règlement. Cette tendance se poursuit avec le présent projet de loi. Nous n'avons pas vu le Règlement qui viendra combler le manque de détails dans bon nombre de parties du projet de loi. Nous sommes face à des dispositions sur la biométrie pour lesquelles on nous dit simplement que le gouvernement réglera toute question dans le Règlement. C'est donc très difficile pour nous de nous prononcer à ce sujet, de dire si nous pensons que la biométrie est une bonne chose, puisque le projet de loi ne contient aucun détail. Puis il y a la question des renvois effectués le plus rapidement possible et la question des délais.
Dans d'autres cas, les détails ne dépendent même pas du Règlement; ils dépendent d'un arrêté du ministre. Dans le cas, par exemple, de la désignation du pays d'origine, le ministre pourra non seulement classer par arrêté un pays comme pays d'origine désigné, mais il choisira aussi lui-même les critères sur lesquels il s'appuiera pour ce faire. Il n'y a rien, dans la Loi, qui empêcherait le ministre de classer tous les pays comme pays d'origine désignés s'il le désire.
L'un des exemples les plus frappants de l'élargissement des pouvoirs concerne les pouvoirs de l'ASFC concernant la détention aux fins d'enquête, lesquels sont beaucoup plus importants. À l'heure actuelle, on peut, aux termes de l'alinéa 58(1)c) adopté en 2002 peu après les attentats terroristes du 11 septembre, détenir des résidents permanents et des étrangers aux points d'entrée si on soupçonne qu'ils représentent une menace à la sécurité ou une atteinte aux droits humains ou internationaux. À l'époque, le gouvernement avait justifié l'adoption de cet alinéa en expliquant qu'il s'agissait d'une mesure antiterrorisme. L'interdiction de territoire pour raison de sécurité et pour ces types d'atteinte aux droits est plutôt rare.
Le projet de loi suppose un important élargissement de ces pouvoirs, de façon à ce que l'on puisse détenir une personne si on la soupçonne vaguement de n'importe quel type de criminalité, même d'avoir commis une infraction mineure il y a longtemps, et ce, même si la personne n'a jamais été arrêtée ni accusée. Par exemple, un résident permanent de 20 ans qui serait soupçonné d'avoir utilisé une fausse carte d'identité pour entrer dans un bar pendant un séjour aux États-Unis pourrait être détenu pendant que le ministre enquête pour déterminer si cette personne devrait être interdite de territoire parce qu'elle aurait commis l'infraction d'utiliser un document frauduleux, et cette personne n'aurait que peu de recours, voire aucun. Une peine maximale de 10 ans ou plus est associée à cette infraction, et on peut donc considérer que la personne est coupable de grande criminalité en vertu de la Loi. Et je suppose que ce même résident permanent pourrait être détenu pour la même raison 20 ans plus tard.
Le projet de loi accorderait aux agents des pouvoirs de détention exceptionnellement larges, tout en ne fournissant que peu d'orientation, voire aucune, concernant leur application. C'est là l'étendue de ce dont nous parlons.
Si je donne cet exemple, c'est parce qu'il est particulièrement préoccupant de voir que le Parlement délègue ses pouvoirs, que ce soit au ministre ou aux agents, tandis que ceux-ci n'ont pas été circonscrits adéquatement. Ce type de délégation n'est pas favorable à l'ordre public. En réalité, il nuit à la règle de droit sur laquelle s'appuie cette institution. J'espère que, à titre de parlementaires, vous mettrez un frein à la délégation de ces types de pouvoirs dans un contexte où peu d'orientation est fournie.
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Eh bien, je vous remercie de me poser une question si difficile.
C'est que, voyez-vous, je n'ai pas encore vu de loi parfaite proposée par le Parlement. Comme je l'ai dit, nous assistons aujourd'hui à un affrontement entre deux grandes émotions. Il est impossible de rédiger une loi parfaite parce qu'il faut trouver un équilibre et faire les compromis qui rendront possible la mesure législative. Je pourrai vous répondre quand j'aurai vu l'examen que nos institutions judiciaires canadiennes auront fait du projet de loi. Mais, aujourd'hui, non, il n'est pas parfait.
Je m'inquiète de la détention obligatoire et des pouvoirs accrus d'application de la loi qui permettent de mettre à l'écart des êtres humains pendant des périodes prolongées sur autorisation, sans qu'une surveillance judiciaire appropriée soit exercée. Ce sont des aspects qui m'inquiètent.
Je suis d'accord avec le fait que la perte de l'asile entraîne une grande vulnérabilité sur le plan émotif pour des dizaines de milliers de personnes qui se pensaient en sécurité au Canada, et qui ne le sont plus. Il y a des solutions. Pour ce qui est de la perte d'asile, il s'agit de la Loi sur les frais d'utilisation.
Si, d'une part, vous exigez que les demandeurs d'asile qui ont reçu une réponse positive deviennent des citoyens canadiens, d'autre part, vous imposez à Immigration Canada la tâche et la responsabilité de conclure le traitement d'une demande de résidence permanente dans un délai d'au plus 12 mois. Si les conditions dans le pays changent 24 ou 36 mois plus tard, les gens ont suffisamment de temps pour devenir des citoyens canadiens. Je n'ai donc rien contre la perte de l'asile, mais, à l'heure actuelle, il n'y a aucune limite à la durée du traitement des demandes de citoyenneté ou de résidence permanente au pays, et cela doit changer.
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Je vous remercie beaucoup.
Merci à vous trois d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à Peter.
Je crois qu'on a beaucoup discuté du fait que le gouvernement souhaite faire adopter le projet de loi à la hâte. Je ne crois pas que quiconque puisse affirmer que nous disposons de tout le temps nécessaire pour en examiner chaque détail. Je suis également préoccupée par le fait que le pouvoir serait concentré entre les mains d'une seule personne, à savoir le ministre. Je ne parle pas seulement du ministre actuel, car, dès qu'une loi entre en vigueur, elle sera aussi appliquée par ses successeurs. Je m'inquiète du fait que les législateurs aient eu si peu voix au chapitre, étant donné qu'une grande partie des mesures seront fixées par arrêté ministériel. De plus, à bien des égards, on nous demande d'examiner un projet de loi dont la clarté laisse à désirer, car une grande partie des dispositions figureront dans un règlement.
Je dois dire que l'article 19, qui porte sur la révocation du statut de résident permanent, a déjà créé toute une commotion. Il est très clair que le ministre lui-même n'en comprend pas toute la portée. Au moins, lorsqu'il est venu ici, il s'est dit ouvert à des amendements, ce qui m'amène à penser que, si telle n'était pas son intention, alors pourquoi n'a-t-il pas modifié le projet de loi avant de venir témoigner devant le comité ou avant que le projet de loi aboutisse à la Chambre? Même s'il se dit maintenant disposé à accepter des amendements, je demeure un peu méfiante.
Nombre de Canadiens ou de résidents du Canada vivent beaucoup d'anxiété en ce moment. Vous et bien d'autres ont soulevé cette préoccupation. Soit dit en passant, des témoins ont fait part de leurs inquiétudes à ce sujet à maintes reprises hier.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivé à cette interprétation, et pourquoi cela est préoccupant?
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Le libellé du projet de loi est très clair. Je ne crois pas qu'il faille en faire une interprétation subtile pour comprendre que l'article 19 modifie l'article 46. Il n'y a aucune ambiguïté. Il s'agit d'une modification.
Lorsque le ministre a discuté de cet aspect, il semblait confondre l'annulation et la perte d'asile. Or, il s'agit de deux notions distinctes. L'annulation consiste à annuler la protection accordée à un réfugié lorsque l'obtention du statut de personne protégée résultait de la présentation erronée des faits ou de la dissimulation de faits importants.
Aux termes de la loi, la personne qui commet une telle infraction se voit retirer la résidence permanente et le statut de personne protégée. Donc, une sanction est déjà prévue dans la loi.
La perte de l'asile est un processus distinct. Une personne peut perdre son statut de personne protégée si la situation dans son pays de nationalité ou son pays d'origine a changé, et dans d'autres circonstances semblables. C'est un processus qui est déjà prévu dans la loi, et une personne peut donc perdre son statut de personne protégée dans de telles circonstances.
Ce qui est toutefois différent dans la loi, c'est que ce processus n'entraîne pas la perte de la résidence permanente. La personne perd son statut de personne protégée, mais pas la résidence permanente.
Lorsque le ministre a abordé cette question — par exemple dans l'article du quotidien montréalais la Gazette —, il a utilisé le terme « révocation » pour désigner ces deux processus. Toutefois, dans la loi, le terme révocation n'est pas utilisé dans ce contexte. Il l'a donc employé pour désigner ces deux concepts, alors qu'il s'agit de deux concepts distincts.
Quant à l'annulation de l'asile et à l'exemple de la personne qui retourne dans son pays après quelques mois — exemple qu'a donné le ministre et, si je ne me trompe pas, Mme James —, si cela prouve que la personne avait soumis des renseignements trompeurs au moment de présenter sa demande d'asile, alors il s'agirait d'un nouveau motif d'annulation de l'asile.
Mesdames et messieurs les députés, au nom des 70 000 membres de la Fédération canadienne des contribuables, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner ici aujourd'hui au sujet du projet de loi .
Je m'appelle Derek Fildebrandt. Je suis directeur de recherche national à la Fédération canadienne des contribuables.
La FCC est un organisme de défense des droits des citoyens, à but non lucratif, qui favorise les baisses d'impôt, la réduction du gaspillage et une plus grande responsabilisation du gouvernement. Nous n'avons pas le statut d'organisme de charité et nous n'acceptons pas d'argent du gouvernement — nous ne l'avons jamais fait, et nous ne le ferons jamais.
Les politiques publiques canadiennes sont écrasées sous le poids de vaches sacrées qui ne peuvent être touchées, et très peu de personnes sont prêtes à porter le blâme pour s'en être prises à elles. Toutefois, de rares personnes à Ottawa ont déjà évolué au sein de la FCC. Je vais devancer un point qui sera inévitablement soulevé: , auteur du projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, figure parmi nos anciens. Depuis qu'il a quitté la FCC, il y a 16 ans, pour se présenter comme député, nous avons appuyé plusieurs de ses initiatives, y compris le projet de loi .
La FCC ne prétend aucunement être experte de la question de l'immigration et des réfugiés, mais nous surveillons la façon dont l'argent des contribuables est dépensé.
Nous appuyons sans réserve le projet de loi pour trois raisons. Premièrement, il est conforme à la croyance des Canadiens selon laquelle notre système d'octroi de l'asile doit être axé sur la compassion et l'accueil. Deuxièmement, il renforce ce système en le rendant plus rapide et plus efficient. Troisièmement, il devrait permettre aux contribuables canadiens d'économiser au moins 1,65 milliard de dollars sur une période de cinq ans.
Parmi les éléments de réforme proposés dans le projet de loi , mentionnons un nouveau processus d'appel à l'intention des demandeurs, la certitude que les demandeurs déboutés seront expulsés dans les plus brefs délais et la désignation de pays sûrs pour simplifier le processus. Grâce aux mesures proposées, un demandeur d'asile serait entendu, selon les estimations, dans un délai de 60 jours, ce qui représente une énorme amélioration par rapport au temps d'attente actuel, qui est de 19 mois en moyenne.
Actuellement, un demandeur d'asile débouté coûte environ 50 000 $ aux contribuables, et ces dépenses sont principalement assumées par les gouvernements provinciaux dans les domaines des soins de santé et de l'aide sociale. On prévoit que ce montant passera à 29 000 $ par demandeur d'asile sous le régime proposé. La facture sera toujours salée, mais il s'agit néanmoins d'une amélioration marquée.
En outre, le projet de loi fera en sorte que les demandeurs d'asile dont le statut est douteux passent moins de temps à utiliser les généreux régimes de soins de santé et d'aide sociale de nos provinces, ce qui se traduira par des économies importantes pour les contribuables. Seulement en Ontario, cette mesure permettra d'économiser plus de un milliard de dollars au cours des cinq prochaines années; au Québec, les économies devraient s'élever à 465 millions de dollars; en Colombie-Britannique, à 99 millions de dollars; et, en Alberta, à 46 millions de dollars.
En avoir plus pour notre argent est un objectif qui est depuis longtemps laissé de côté dans le débat entourant la politique sur les réfugiés, car on craint de s'en prendre à cette vache sacrée et que tout changement soit considéré comme égoïste ou constitue une cible politique idéale pour l'opposition.
La plupart du temps, la FCC formule des critiques et attire l'attention sur les faux pas des gouvernements. Vous vous rappellerez que, en janvier, nous avons fait le calcul des pensions des députés. Toutefois, nous n'hésitons pas à souligner les bons coups des gouvernements. La FCC félicite le gouvernement pour sa volonté d'agir et donne tout son appui au projet de loi, et nous encourageons les députés à travailler ensemble pour l'adopter et à éviter la tentation — quel que soit leur parti — de se servir de ce débat à des fins partisanes.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
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Je vous remercie beaucoup de me donner cette occasion en or.
Je m'exprime à titre de survivant de la torture, de la guerre, d'un génocide et de crimes contre l'humanité. Je m'adresse également à vous en tant que réfugié politique au Canada. Je suis une victime et un survivant de la torture et j'ai passé quatre ans en prison pour des motifs liés à la défense des droits de la personne.
Dans un premier temps, je vais aborder les aspects positifs du projet de loi . Ensuite, je soulignerai les points qui soulèvent les préoccupations, et, enfin, je vous présenterai des demandes spéciales.
Pour commencer, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, depuis sa fondation en 1977, le Centre canadien pour les victimes de torture a offert ses services holistiques à plus de 19 000 clients venant de quelque 136 pays. Il s'agit du centre le plus important en Amérique du Nord, et il se classe deuxième dans le monde.
Je voudrais d'abord aborder les aspects positifs du projet de loi . Le fait qu'il accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire de libérer des étrangers désignés dans des circonstances exceptionnelles est très positif. Le fait d'exempter de détention les enfants âgés de moins de 16 ans est tout aussi positif, mais la séparation des familles pendant la détention des parents est un aspect préoccupant. Enfin, la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et de l'absence de soins médicaux d'urgence dans le pays d'origine dans le cas d'une personne qui présente une demande pour des motifs d'ordre humanitaire est aussi un point positif.
Je voudrais maintenant parler des aspects que nous jugeons préoccupants. D'abord, comme le centre offre des services directs aux survivants, nous trouvons que le délai de traitement des demandes d'asile est trop court. Il est de 30, de 45 ou de 60 jours, selon la catégorie de réfugiés. À notre avis, ces délais ne sont ni réalistes ni équitables. Il me faut parfois jusqu'à trois mois pour obtenir les documents attestant qu'une personne a été victime de torture; je dois faire appel à des psychiatres, à des psychologues et à des médecins. J'ignore comment il est possible de faire tout cela en si peu de temps et si nous disposons des ressources pour le faire.
Le deuxième élément qui nous préoccupe, c'est le fait que presque cinq catégories de demandeurs d'asile ne peuvent interjeter appel à la Section d'appel des réfugiés, et, dans certains cas, ils ne peuvent se prévaloir des recours devant la Cour fédérale.
Je vais vous donner un exemple. Le projet de loi prévoit le refus de la demande d'asile d'une personne dont la crédibilité est mise en doute. Or, la plupart de mes clients se contredisent justement parce qu'ils sont des survivants. Ils présentent des problèmes de dissociation mentale. Ils souffrent de dépression et de troubles mentaux graves, alors leur demande est rejetée. Toutefois, il existe d'autres recours qui, au bout du compte, prouveront leur crédibilité. Nous croyons qu'ils devraient avoir accès au processus d'appel de la Section et de la Cour fédérale.
La liste des pays d'origine désignés est un autre aspect qui suscite des inquiétudes. Rappelez-vous que nous vivons dans un monde en constante évolution: la situation d'un pays peut changer du jour au lendemain, alors soyez extrêmement prudents lorsque vous préparez la liste.
Il existe aussi des catégories de personnes, par exemple celles issues de la communauté GLBT, qui sont victimes de torture presque partout. Le Canada est une exception. Or, si ces personnes sont des ressortissants d'un pays d'origine désigné, elles pourraient se voir refuser la protection. Nous sommes très préoccupés par cette possibilité.
Il y a aussi la catégorie des étrangers désignés. Nous avons beaucoup d'inquiétudes à ce sujet. Si je me fie à mon expérience auprès des réfugiés au Canada depuis 27 ans, je sais qu'ils peuvent être en détention pour toujours. Ils peuvent vivre aussi de l'incertitude pendant de nombreuses années, car ils n'ont pas accès à... pendant cinq ans. Ils n'ont aucune chance d'être réunis avec leur famille. Même si leur demande est acceptée à titre de personne protégée, ils doivent faire rapport à la police. Cela va à l'encontre de l'article 16 de la Convention contre la torture, qui interdit toute peine ou tout traitement inhumains, cruels ou dégradants. Je vous demande de faire quelque chose pour changer cela.
Par ailleurs, nous sommes préoccupés par la restriction de l'accès à l'examen des risques avant renvoi et des limites imposées à la présentation d'une demande pour des motifs d'ordre humanitaire pendant la première année suivant le refus. Il s'agit des recours qui s'offrent aux survivants de la torture, et nous les avons utilisés par le passé.
Enfin, nous sommes très préoccupés par les dispositions relatives à l'annulation et à la perte de l'asile. Laissez-moi vous dire que les cicatrices de la torture ne partent jamais. Sur le plan psychologique, les cicatrices marqueront une personne pour le restant de ses jours. Des personnes peuvent fournir des renseignements erronés concernant leur situation de survivant, mais cela ne devrait pas être une raison d'annuler l'asile. De plus, la situation d'un pays pourrait changer, mais je crois qu'il s'agit d'un changement à première vue, pas forcément d'un changement réel, étant donné que l'impunité est un phénomène mondial et que les seigneurs de guerre et les bourreaux restent actifs même si la situation d'un pays évolue. Cela ne devrait donc pas constituer un motif de perte d'asile.
Je voudrais maintenant vous faire des demandes spéciales. D'abord, je prie le pouvoir législatif de faire en sorte que toutes les dispositions importantes figurent dans la loi elle-même pour ne pas qu'elles se retrouvent dans le règlement.
Deuxièmement, je vous demande d'accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire de protéger les personnes qui en ont besoin. Même la loi la plus exhaustive ne saurait prévoir les cas exceptionnels.
Troisièmement, faites preuve de souplesse dans la mesure du possible. Une loi stricte et des restrictions sévères ne seront d'aucune efficacité si elles ne permettent pas de s'attaquer aux causes du problème.
Enfin, vous savez que, depuis 1976, la loi sur l'immigration a fait l'objet de nombreuses modifications, et, pourtant, nous sommes toujours aux prises avec un problème. Je vous prie de ne pas oublier le lien vital qui doit exister entre l'immigration et les droits de la personne. Je vous demande de désigner un ombudsman qui surveillerait les pratiques d'immigration et en rendrait compte au Parlement.
Je vous remercie beaucoup.
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Excusez-moi, à vrai dire, d'autres témoins nous ont aussi dit que les généreuses prestations ici au Canada, pour les soins de santé et l'aide sociale, sont réellement un facteur qui incite bien des gens à venir ici pour exploiter le système. Nous ne sommes pas certains du nombre exact de semaines qui doit s'écouler avant que quelqu'un commence à recevoir des chèques, mais je peux vous dire que, en moyenne, 20 mois s'écoulent avant qu'un demandeur d'asile qui arrive ici obtienne sa première audience devant la CISR. Alors, 20 mois, c'est presque deux ans. Oui, nous voulons nous assurer que les personnes qui ont qualité de réfugié légitime obtiennent notre aide, et c'est ce que le projet de loi tente de réaliser, parce qu'on va mettre en place une méthode beaucoup plus rapide, qui permettra que les choses se fassent dans des délais beaucoup plus raisonnables.
Mais, en même temps, nous voulons nous assurer que ceux qui viennent ici simplement pour toucher les prestations et, dans certains cas... Par exemple, 95 p. 100 des demandeurs d'asile de l'Union européenne, ce qui équivaut à quelque 25 p. 100 des gens qui viennent véritablement ici en qualité de réfugié, renoncent à leur demande d'asile ou la retirent. Alors, pour une période moyenne de deux ans, ces personnes ont droit à des prestations, et je considère que cela est tout à fait inacceptable au Canada.
Au nom des contribuables canadiens et en ma qualité de députée, je vous remercie d'être venu à la séance du comité pour mettre cet aspect en lumière. Je vous en suis vraiment reconnaissante.
Maintenant, pour ce qui est de l'aide sociale, bien entendu, elle est de ressort provincial. Croyez-vous que les gouvernements provinciaux ont un rôle à jouer pour s'assurer que nous aidons à décourager les faux demandeurs d'asile de toucher des prestations? Évidemment, nous devons aider les gens lorsqu'ils arrivent, mais croyez-vous que le gouvernement provincial peut faire quelque chose pour aider les contribuables? Nous payons la note, après tout.
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Merci pour la question.
Premièrement, permettez-moi de vous dire que le fait d'être réfugié est l'expérience la plus amère qu'un être humain puisse vivre. Vous devez tout laisser derrière vous pour toujours. Vous avez les jambes prises ici, mais vous regardez en arrière. Le monde entier devient pour vous une prison. La liberté règne dans un petit coin du monde qui ne vous est pas accessible. Laissez-moi vous dire que les réfugiés sont les gens qui ont les valeurs les plus élevées, car ils ont été en proie à la tyrannie et à la violation des droits de la personne. Ils contribuent à l'engagement mondial de la société canadienne qui consiste à défendre les droits de la personne.
Lorsque je suis arrivé ici, j'étais un réfugié bouleversé. Il y a certaines dates qu'on n'oublie jamais, et, pour ma part, je n'oublierai jamais le 12 février 1985, date à laquelle je suis arrivé à Montréal sans documentation. Dans votre tentative de sauver votre peau, vous quittez votre famille et même vos enfants, parce que, si vous ne le faites pas, on va vous tuer. On est toujours à vos trousses pour vous tuer. Alors, vous ne vous préoccupez pas de la documentation. Vous cherchez un refuge. C'est comme si le feu prenait dans votre appartement: lorsque les flammes arrivent de partout et qu'il y a seulement une fenêtre ouverte vers la maison du voisin, vous sautez et vous ne vous posez pas de questions. Il n'y a pas de documentation.
Je crois que l'enjeu aujourd'hui est la compassion canadienne. Nous avons toujours été fiers de la compassion canadienne. Laissez-moi vous dire que, au Canada, j'ai passé cinq ans à faire de durs travaux manuels, même si je suis arrivé avec un doctorat en économie politique et que j'étais auparavant professeur adjoint en économie politique. Au Canada, j'ai fait de mon mieux pour contribuer. J'ai dit: « À bas l'économie politique, je veux me dévouer aux droits de la personne. » Je suis entré dans un centre jésuite et j'ai travaillé auprès de réfugiés et pour des réfugiés.
La difficulté est de construire un nouveau chez-soi dans un nouveau pays, et je suis très heureux d'avoir réussi à le faire ici. J'ai publié trois ouvrages et au moins 70 articles. Je travaille très dur. Je suis bénévole auprès de nombreuses organisations. Je siège au conseil du Centre canadien pour la justice internationale. Je suis un fier Canadien. Je ne crois pas que les réfugiés ou les demandeurs d'asile sont un fardeau. Nous contribuons aussi.
Monsieur Leung, bienvenue.
Et merci à vous deux d'être ici ce matin.
Je crois que l'heure que nous passons avec vous est extraordinaire, car cela nous permet de voir deux côtés de ce que j'appellerais une fausse dichotomie. Il est si facile de dire que, soit on fait preuve de compassion, soit on épargne de l'argent. Mais cela ne résume pas la position de quiconque ici présent. Tout le monde ici dans la salle se soucie des droits de la personne. Je suis certain que même quelqu'un qui a vécu l'expérience horrifiante que vous nous avez décrite, monsieur Mossallanejad, se soucie également d'épargner l'argent des contribuables. Vous avez fait allusion à cela. Il me semble que nous devons éviter la fausse dichotomie. En fait, si nous ne protégeons pas nos contribuables, nous éroderons notre capacité de subvenir aux besoins des réfugiés et perdrons la volonté démocratique qui nous permet, en tant que gouvernement, de faire ce que nous faisons. Je crois que vous l'avez exprimé avec beaucoup d'élégance dans la conclusion de votre exposé, monsieur Mossallanejad, lorsque vous avez dit: « Je vous prie de ne pas oublier le lien vital qui doit exister entre l'immigration et les droits de la personne. »
Je tiens à vous rappeler à tous que notre ministre est un chef de file mondial au chapitre de la promotion des droits de la personne. Où qu'il aille, il défend bec et ongles les droits de la personne partout dans le monde: en Iran, en Chine et ailleurs. Alors, je crois qu'il y a davantage d'éléments qui nous rapprochent que d'éléments qui nous divisent.
L'article 91 de l'AANB, mieux connu comme étant notre Constitution, parle de paix, d'ordre et d'un bon gouvernement. Alors je ne suis pas d'accord avec ma collègue, Mme Sitsabaiesan, qui dit qu'il n'y a pas de file d'attente. En fait, si nous permettons le chaos à nos frontières, nous ne pourrons pas avoir un programme d'immigration et d'octroi de l'asile. Nous ne devons pas non plus oublier la sécurité des Canadiens. La détention n'est pas la prison: la détention assure une sécurité, à tout le moins relative, pour certaines personnes, et elle permet aux Canadiens et aux réfugiés de créer des liens.
Alors, l'objectif de traiter une demande d'asile en 45 jours plutôt qu'en 1 038 jours — je vous le demande — traduit-il un certain élément de compassion à vos yeux, vous qui avez vécu ce que vous avez vécu, monsieur Mossallanejad?
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, à titre de bâtonnier élu du Barreau du Québec, je tiens à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui pour discuter d'une question très importante pour les Canadiennes et les Canadiens, soit la sécurité et l'efficacité de notre système d'immigration.
Tout d'abord, je tiens à vous souligner toute l'importance qu'accorde le Barreau du Québec à l'amélioration de la sécurité et de l'efficacité du système d'immigration au Canada. Je vous invite d'ailleurs à prendre connaissance des interventions passées du Barreau du Québec dans le domaine de l'immigration, plus particulièrement les lettres relatives aux projets de loi et .
Comme vous le savez certainement, le Barreau du Québec est l'ordre professionnel qui regroupe les 24 000 avocates et avocats du Québec. Le Barreau est fier de collaborer partout dans le monde à la mise en place d'une gouvernance démocratique et d'institutions fondées sur la primauté du droit. Sa mission première est la protection du public. Il exerce donc une responsabilité sociale et de défense des valeurs démocratiques qui sont propres à notre société, dont le respect des droits de la personne.
Le Barreau du Québec a étudié le projet de loi , qui donne suite au projet de loi et qui modifie la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. Essentiellement, le Barreau du Québec craint que les modifications apportées par le projet de loi relativement au processus de catégorisation n'entraînent un traitement discriminatoire et différent des demandes, lequel risquerait de miner la confiance des demandeurs dans la légalité et la légitimité des décisions qui seront rendues sur leurs demandes d'asile.
Cela dit, le Barreau du Québec considère que la protection du système d'immigration canadien est effectivement un enjeu important et que le gouvernement du Canada a raison de vouloir dissuader l'immigration illégale. À cette fin, il peut exister une nécessité d'encadrer certains droits dans l'intérêt du public. Par contre, le projet de loi comporte des mesures sévères, soit la détention automatique des étrangers désignés pendant une période pouvant aller jusqu'à un an. Mon collègue Me Goldberg vous entretiendra davantage des effets néfastes que nous craignons relativement à cette mesure.
Le Barreau du Québec s'oppose également à la restriction du droit d'appel sur le fond devant la Section d'appel des réfugiés. Le Barreau estime que la confiance des demandeurs dans l'État exige la promotion et le maintien d'une structure judiciaire de tribunaux accessibles et indépendants, ainsi qu'une juste et efficace représentation.
Avant de céder la parole à mon confrère Me Goldberg pour un exposé plus détaillé de la position du Barreau du Québec, permettez-moi de vous le présenter brièvement. Me Goldberg est avocat et membre du Barreau du Québec depuis 1989. Il est membre du Comité en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau. Il pratique en droit de l'immigration et de la protection des réfugiés depuis 1990. Il représente donc régulièrement et devant toutes les instances des ressortissants étrangers dans des demandes diverses en immigration ainsi que des demandes d'asile au Canada.
Me Goldberg est fortement engagé dans son domaine. Il a été volontaire pour une organisation des droits de la personne au Guatemala. Il est également actif au sein de l'Association du Barreau canadien et de son comité de liaison avec la Cour fédérale. Il est un des fondateurs de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, où il agit à titre de vice-président depuis 2001.
Monsieur le président, avec votre permission, je cède la parole à mon confrère Me Goldberg.
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Merci beaucoup, maître Plourde.
Je m'adresse à vous aujourd'hui non seulement en tant qu'avocat, mais également en tant que papa de deux enfants. J'ai deux filles: Sabine, 13 ans, et Naomi, 17 ans. Je me suis inspiré de mes enfants pour vous présenter les trois scénarios suivants.
D'abord, le premier scénario implique que j'arrive au Canada avec Naomi et Sabine. Le ministre me désigne comme étant un arrivant en situation irrégulière, ce qui fait que je suis détenu de façon obligatoire. Naomi, qui a 17 ans, est elle aussi assujettie à ce régime et doit être emprisonnée pendant 12 mois avec moi. Par contre, Sabine, qui a 13 ans, aura un soi-disant choix: elle peut décider d'être emprisonnée avec Naomi et moi, ou d'être placée en institution pendant 12 mois, séparée de son papa et de sa soeur. C'est le choix offert par le projet de loi . Non seulement comme avocat, mais comme Canadien, ça me fait honte de penser qu'on pourrait détenir des personnes vulnérables qui cherchent la protection au Canada.
Dans le deuxième scénario, je suis un réfugié de la Syrie. Je suis un opposant au régime en place et, pour ça, je suis venu au Canada pour chercher la protection. Heureusement, le tribunal m'a reconnu comme étant un réfugié; j'ai été accepté. Malheureusement, selon le projet de loi , parce que j'ai été désigné comme étant un réfugié, je ne pourrai pas demander ma résidence avant cinq ans. Je suis très désespéré de faire venir au Canada mes filles, qui sont toujours en Syrie. J'ai peur que les militaires du gouvernement syrien me recherchent activement. J'ai peur que s'ils trouvent mes filles, ils les agressent en leur demandant où est leur papa. J'ai peur que lorsque celles-ci diront ne pas savoir ou que leur papa est à l'étranger, elles puissent être en danger de violence. Toutefois, je ne peux rien faire pour les faire venir au Canada. Je ne pourrai même pas entamer le processus avant cinq ans, ce qui veut dire qu'en réalité ça pourrait être sept ans après avoir été reconnu. Cela veut dire que Sabine, qui a 13 ans, aura 20 ans et que Naomi, qui a 17 ans, aura 24 ans, avant que j'aie la possibilité de les voir.
Voici le troisième scénario. J'arrive au Canada en 2000, d'Algérie. Je suis reconnu en tant que réfugié. En 2002, j'obtiens le statut de résident permanent au Canada. J'épouse une Canadienne. On a deux enfants, qui ont maintenant 4 et 7 ans. Bien sûr, mes enfants sont Canadiens, car ils sont nés à Montréal. Le ministre prétend maintenant qu'il y a un changement de circonstances en Algérie, parce qu'il n'y a plus de guerre. Il y a toujours de la violence, mais ce n'est pas comme c'était en 2000. Voilà que, selon les clauses de cessation et la résidence permanente conditionnelle du projet de loi , je pourrais être assujetti à une audience devant la commission. Ma seule défense sera de prétendre qu'il n'y a pas de changement de circonstances. J'ai toujours dit la vérité, mais je pourrais être renvoyé en Algérie. Je ne pourrai pas invoquer l'intérêt supérieur de mes enfants canadiens. Je n'ai pas de droit d'appel. Je n'ai pas d'instance où faire valoir des considérations humanitaires.
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Je ne vous ai pas demandé de vous épancher sur les raisons pour lesquelles le projet de loi ne vous plaît pas. J'ai lu dans votre mémoire pourquoi il ne vous plaît pas. J'essaie d'en venir à la question des critères peu définis. Vous n'avez pas répondu à la question.
Je vais préciser, au cas où vous ne le sauriez pas, que la désignation, tout d'abord, n'est pas automatique. Elle est assortie de seuils quantitatifs. Le taux de rejet du pays doit être d'au moins 75 p. 100. Le taux de désistement doit être supérieur à 60 p. 100. Quant aux pays à partir desquels on reçoit peu de demandes d'asile, nous exigeons — avant même d'entamer le processus — qu'ils aient un système judiciaire indépendant et que l'on reconnaisse les droits et libertés démocratiques de base.
Avant de déterminer qu'un pays devrait être désigné, un examen est déclenché dans le cadre duquel, premièrement, CIC, le ministre, mène un examen et tient des consultations avec d'autres ministères, dont un certain nombre de représentants sont venus témoigner au début du processus. Deuxièmement, nous avons effectivement en place un certain nombre de lignes directrices qui seraient suivies dans le cadre du processus d'examen.
Vous n'approuvez peut-être pas le processus, mais il sera plus rapide. Il sera plus transparent et il sera plus uniforme. Il fera appel à l'intervention de hauts fonctionnaires de différents ministères, dont des sous-ministres, des sous-ministres adjoints et des directeurs possédant une expertise dans le domaine.
Je ferais valoir que vous avez le droit de ne pas approuver la tournure que prendront les choses avec le projet de loi C-31, mais je ne crois pas que vous puissiez réellement prétendre que les critères sont peu définis. Il importe de faire valoir que des critères ont été établis pour aller de l'avant.
Tout au long de votre mémoire, vous précisez que les personnes provenant d'un pays sûr désigné n'ont pas de droit d'appel. J'aimerais que vous abordiez cet aspect plus en profondeur, car, en fait, ce n'est pas le cas.
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Merci, encore une fois, à nos invités d'être ici.
[Français]
Je suis membre de trois barreaux, mais pas de celui du Québec; c'est vraiment difficile.
Lorsque nous pensons aux droits et aux responsabilités, il y a toujours une question d'équilibre. C'est toujours un défi de penser à tous les aspects que nous devons considérer, en tant que législateurs.
[Traduction]
De toute évidence, vous avez attiré notre attention sur des aspects que nous devons prendre en considération. Dans votre déclaration, vous avez insisté sur la question de l'application régulière de la loi.
Encore une fois, je crois que nous risquons de tomber dans la fausse dichotomie. Nous risquons d'opposer ceux qui se soucient exclusivement de l'efficience et du contrôle des coûts et ceux qui se soucient exclusivement des droits de la personne. Je crois que c'est probablement une distorsion de ce que nous voyons réellement dans le comité, car chaque membre se soucie des deux aspects.
Il y a un droit d'appel. Certes, on continue à avoir des recours devant la Cour fédérale aux termes du projet de loi et il y a un autre droit de contrôler ce processus. Encore une fois, vous jugez peut-être que ce mécanisme est moins robuste, monsieur Goldberg, que ce que vous aimeriez, mais n'oublions pas toutes ces personnes sur les listes d'attente. Il y a des gens dont personne ne contesterait la qualité de réfugié, des gens qui sont venus — comme l'a dit le ministre dans son témoignage — avec des cicatrices sur le dos, qui, autrement, seraient obligés d'attendre en moyenne 21 mois. Ces personnes jouissent maintenant d'une audience accélérée. Alors, nous avons un programme qui permettra de traiter plus rapidement la demande des personnes dont tout le monde reconnaît le fondement, sans éliminer les autres qui n'ont peut-être pas de justification, mais, au moins, ils ont toujours un certain recours dans un pays qui n'a aucune obligation juridique à leur égard, mais une responsabilité morale chère à tous les Canadiens.
Je veux simplement que vous regardiez cela dans l'optique de la protection de l'intégrité d'un système sous tension, de la protection du soutien démocratique d'un programme d'octroi de l'asile que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre, de la protection de la capacité de le financer, choses qui nous importent à nous tous. Les avocats ont tendance à insister sur la question de l'application régulière de la loi au détriment des autres considérations.
Monsieur Goldberg, comme vous pouvez vous appuyer sur une analyse historique — c'est notre cas à tous les deux, en raison de notre patrimoine respectif —, puis-je vous demander de le faire et de vous assurer que vous traitez le sujet avec la nuance que nous devons voir pour considérer que vous, comme tous les autres témoins, êtes crédible?
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Opitz, et je remercie nos témoins d'être venus ici aujourd'hui.
Monsieur Goldberg, dès le début de votre exposé, vous avez clairement dit que vous recommandiez le retrait du projet de loi. Vous avez aussi dit que le projet de loi n'avait rien à voir avec les réfugiés — pour ainsi dire — ni avec l'accélération du processus.
J'aimerais souligner deux ou trois choses que je crois que vous avez peut-être ratées lorsque vous avez fait votre évaluation. Selon les dispositions du projet de loi , le délai pour parachever la demande d'asile d'un réfugié légitime serait réduit, des 1 038 jours actuels, à 45 jours, dans le cas des demandeurs d'asile de pays d'origine désignés, et à 216 jours pour tous les autres demandeurs d'asile. Je suis persuadé que vous convenez du fait qu'une personne qui fuit la persécution ou le risque de mort ou de torture dans son pays profiterait grandement de l'accélération du processus d'immigration au Canada. Je crois que cela met en valeur — et nous l'avons entendu d'autres témoins — un élément très humain du projet de loi.
Vous avez mentionné vos enfants. Je vous remercie du fond du coeur d'avoir partagé votre histoire personnelle concernant vos enfants. J'aimerais parler un peu d'autres dispositions du projet de loi qui nous aideront à identifier les terroristes ou les criminels, peut-être même avant qu'ils arrivent à nos frontières. Nous espérons pouvoir être en mesure de les identifier. Mais, dans le cas contraire, prenons les deux exemples du Sun Sea et de l'Ocean Lady.
Dans le cas du Sun Sea, cinq personnes ont été refusées; quatre pour des raisons de sécurité et une pour crimes de guerre. Dans le cas de l'Ocean Lady, 19 personnes ont été jugées interdites de territoire pour des raisons de sécurité, et 17 pour des crimes de guerre. Cela fait un total de 41 personnes. Je suis certain que vous — de même que tous les autres Canadiens au pays, seriez horrifiés à l'idée que 41 personnes ayant commis des crimes de guerre ou ayant commis des infractions à la sécurité dans leur pays soient autorisées à vivre dans votre quartier et à être près de vos enfants et de votre famille.
J'aimerais parler un peu de la question de la biométrie. J'ai entendu, dans le cadre des séances du comité, témoigner des experts, dont des hauts fonctionnaires, de la GRC, du SCRS et de l'ASFC ainsi que des représentants des forces de l'ordre, qui ont confirmé que la biométrie est un outil d'identification du XXIe siècle. C'est un outil conçu pour aider les pays, c'est-à-dire les forces de l'ordre, à repérer les risques ou les risques potentiels. Pourriez-vous parler de cela? Quelles sont vos idées à ce chapitre? Cela met vraiment en lumière des éléments du projet de loi qui comportent un lien très étroit avec les réfugiés et la sécurité des Canadiens.