J'ai préparé un document d'information de 15 pages qui, je crois, vous a été remis. Je vais commencer par passer en revue les recommandations qui sont formulées à la fin. J'ai vu les amendements proposées et ils ont été utiles.
Dans mon document, je fais 10 recommandations. La première est que le projet de loi englobe tous les actes de guerre ou les actes de conflits armés plutôt que de ne porter que sur les attaques contre les Forces armées canadiennes. Je vois que l'amendement tient compte de cette suggestion.
La deuxième proposition est que le projet de loi s'applique seulement aux citoyens d'un pays étranger et ne s'applique pas aux résidents autorisés d'un pays étranger lorsqu'il est question de lois sur la citoyenneté. Encore une fois, l'amendement proposé en tient compte.
La troisième proposition est que le projet de loi ne s'applique pas aux personnes nées au Canada dont le lien principal est le Canada. Il n'en est pas question dans les amendements.
Je ferai remarquer qu'en ce moment, le projet de loi pourrait s'appliquer à une personne qui est née au Canada, n'a jamais quitté le Canada et n'a aucun lien avec l'autre pays dont elle est citoyenne à part le fait qu'un de ses parents lui a transmis sa citoyenneté. Il est possible que ce parent ne soit jamais allé non plus dans ce pays et qu'il n'en parle pas la langue.
Nous devons penser à ce qui arriverait si d'autres pays adoptaient la même mesure législative que nous. Je pense que nous serions consternés qu'un autre pays nous expédie quelqu'un qui ne parle ni anglais ni français, qui n'a jamais mis les pieds ici et qui a commis un acte de terrorisme à l'étranger.
Le quatrième amendement proposé est de faire en sorte que la conséquence pour les actes visés par le projet de loi soit modifiée, pour passer de « demande réputée répudier la citoyenneté » à « révocation de la citoyenneté ». Une des anomalies du projet de loi est que cela se faisait dans une demande réputée répudier la citoyenneté. Dans une certaine mesure, l'amendement le corrige en précisant qu'il est impossible de retirer la demande. Nous avons toujours une terminologie qui ne reflète pas la réalité. Ce n'est pas une demande de répudiation de la citoyenneté. C'est une révocation, et c'est ainsi qu'on devrait l'appeler, simplement pour utiliser un terme conforme à la réalité. Une autre raison, à laquelle je reviendrai, est que nous devrions suivre les mêmes procédures pour les mêmes conséquences.
Dans la cinquième recommandation, le manque d'uniformité terminologique fait en sorte que les procédures pour ce type de révocation ne sont pas les mêmes que pour d'autres types. Dans ce cas précis, qui se rapporte à une citoyenneté réputée répudiée, le ministre rendrait une décision et la Cour fédérale procéderait ensuite à une révision judiciaire. Pour d'autres types de révocation déjà prévus dans la loi, la question serait soumise à l'examen de la Cour fédérale au motif qu'il s'agit d'une fausse déclaration. Nous sommes d'avis que dans les deux cas, les procédures et la terminologie devraient être identiques.
Notre sixième recommandation est que la délivrance d'une mesure de renvoi soit intégrée à la même procédure que la décision relative à la révocation de la citoyenneté ou à la citoyenneté réputée répudiée. L'on devrait consolider les procédures, recommandation que le gouvernement a faite dans le projet de loi au cours d'une législature précédente. Un autre gouvernement a aussi proposé que la révocation et le renvoi soient consolidés dans le projet de loi . Si le projet de loi est adopté tel qu'il est, il y aura révocation, mais la personne sera toujours au Canada. Alors il faut examiner les procédures de renvoi.
B'nai Brith a une vaste expérience des révocations. Nous avons déterminé qu'une révocation ne suffit pas à elle seule pour régler le problème que vise le projet de loi. Il faut envisager des mesures de renvoi, et ces mesures n'ont pas bien fonctionné en conjonction avec la révocation.
La septième recommandation est que le motif de révocation ou de citoyenneté réputée répudiée lié aux actes de guerre ou aux conflits armés soit limité à la participation personnelle à de tels actes et au fait d'être membre au moment de la guerre ou du conflit armé. Cet élément de la loi doit être de nature uniquement prospective, du moins pour ce qui est du fait d'être membre d'une organisation. En ce moment, nous l'avons, même avec l'amendement qui vient avant et après le projet de loi, et qui ne se limite pas au fait d'être membre au moment du conflit armé.
C'est un problème qui survient très souvent au plan de l'immigration, lorsque le fait d'être membre avant ou après l'acte est suffisant pour permettre la perte du statut, et l'on présume que cette jurisprudence continuerait de s'appliquer ici. Si quelqu'un est membre avant ou après l'acte, mais pas au moment où l'acte est commis — et notamment si c'est le cas avant l'adoption de la présente loi — il serait inopportun de révoquer la citoyenneté ou de déterminer que la citoyenneté est réputée répudiée.
La huitième recommandation est de prévoir, pour une déclaration de culpabilité à l'étranger portant sur un acte terroriste similaire commis à l’étranger, une exception au motif de révocation ou de citoyenneté réputée répudiée si la déclaration de culpabilité a été faite au mépris des normes internationales. Encore une fois, il s'agit d'une exception dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés s'agissant de la définition de protection des réfugiés. En ce moment, le projet de loi propose qu'il soit possible de perdre son statut pour avoir commis un acte de terrorisme à l'étranger, même si cette infraction a donné lieu à une condamnation à l'étranger, même lorsque cette condamnation a été imposée au mépris des normes internationales acceptées. En réalité, nombre de gouvernements répressifs accusent leurs opposants d'être des terroristes et les trouvent coupables d'actes terroristes, alors que leur crime réel est de s'être opposés au gouvernement répressif en place, et il faut en tenir compte.
La neuvième recommandation est que le motif de révocation ou de citoyenneté réputée répudiée doit être élargi de façon à inclure la complicité à des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des actes terroristes ou des génocides. En ce moment, nous sommes limités aux conflits armés et à quelques autres points particuliers. Nous croyons que le concept s'applique, et qu'il devrait s'appliquer, à ces autres violations graves des droits universels de la personne.
Enfin, nous recommandons que l’on autorise la révocation ou la citoyenneté réputée répudiée pour un acte visé par le projet de loi seulement lorsqu’il n'est pas pratiquement possible d'intenter des poursuites, car la révocation ou la citoyenneté réputée répudiée est un recours judiciaire, mais pour certaines personnes vivant déjà à l'étranger, elle n'a pas beaucoup d'incidence, et les poursuites, si elles sont possibles, sont préférables pour leur effet dissuasif.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus ce matin.
Monsieur le président, comme tout le monde le sait, ce projet de loi s'appuie sur mes trois croyances: je crois qu'il doit y avoir plus de voies vers l'intégration; je crois que nos troupes méritent le plus grand des respects; et je crois que la citoyenneté canadienne est un privilège qui mérite la plus haute estime.
Monsieur le président, je sais gré aux membres du comité de prendre ce projet de loi très au sérieux et d'y consacrer tout leur temps. Je sais aussi gré aux témoins de leurs commentaires, en particulier ceux qui ont perdu des êtres chers à cause de ce type d'actes. Ils ont eu à écouter tous les autres témoins, dans une certaine mesure, alors que mes collègues de l'opposition balayaient en quelque sorte leurs préoccupations du revers de la main et tentaient de défendre les contrevenants.
Monsieur le président, à mon avis, les personnes qui s'attaquent à ceux qui donnent leur vie ou mettent leur vie en péril pour défendre les valeurs canadiennes, pour défendre les droits dont nous jouissons ici, ne devraient pas avoir droit à la citoyenneté canadienne ou aux privilèges qui en découlent.
Monsieur Matas, comme vous le savez, plus de 80 p. 100 des Canadiens du nord au sud et d'est en ouest ont appuyé ce projet de loi, et bien entendu, votre organisme en a fait autant — je vous en remercie. De plus, pendant les relâches, etc., j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux Canadiens de différentes provinces, et je n'en ai pas rencontré un seul en désaccord avec l'intention de mon projet de loi qui énonce, au fond, que ceux qui protègent nos privilèges et les droits qui découlent de la citoyenneté devraient aussi avoir droit à la citoyenneté.
J'ai assisté à toutes les réunions du comité pendant l'étude de ce projet de loi, et j'ai été chagriné, dans une certaine mesure, lorsque certains témoins — et, en fait, certains de mes collègues — ont laissé entendre que mon projet de loi ne respectait pas la procédure établie. Je demanderais à ces membres et, s'ils nous regardent, à ces témoins, de partir du principe que l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté énonce simplement le processus dans le cadre duquel le ministre est tenu, tout d'abord, d'aviser la personne ou l'individu touché. Ensuite, un juge prendra une décision dont il sera possible d'appeler à la Cour fédérale. En outre, le ministre aura le droit ou le pouvoir de modifier cette décision.
Ma question, monsieur Matas, est très simple, parce que nous parlons du projet de loi et des amendements présumés, que je dois passer en revue minutieusement.
À votre avis, une fois que quelqu'un est trouvé coupable de l'une de ces infractions — terrorisme, acte de guerre ou, comme vous le dites, conflit armé, ou quel que soit le terme que nous finirons par utiliser — quelle peine minimale conviendrait-il d'imposer à l'individu en question?
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B'nai Brith ne s'est pas prononcé sur la question de savoir ce que devrait être la peine minimale.
J'ai remarqué que dans votre préambule, vous aviez fait allusion au respect de la procédure établie, et c'est un point que nous avons soulevé dans le projet de loi. Je comprends qu'il y a une procédure. Comme vous l'avez fait remarquer, il y a celle qui se trouve à l'article 18.
Ce qui nous préoccupe, c'est qu'il s'agit d'une procédure qui diffère de la procédure de révocation actuelle pour fraude et fausse représentation. Nous devrions avoir une procédure de révocation uniforme. Ce ne devrait pas être une procédure différente en fonction du motif de la perte de citoyenneté. Cela porte trop à confusion.
De plus, la procédure de révocation actuelle est, à mon avis, meilleure que celle qui est décrite à l'article 18. Elle va directement à la Cour fédérale plutôt que de passer par le ministre, le juge de la citoyenneté et ensuite la Cour fédérale par le truchement d'une révision judiciaire, qui est beaucoup plus limitée.
Je serais favorable à ce qu'un amendement à ce projet de loi prévoit la même procédure pour la perte de citoyenneté que la Loi sur la citoyenneté.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Matas, c'est un plaisir de vous voir ici aujourd'hui.
Lorsque M. Shory a présenté le projet de loi — et nous sommes ici pour la deuxième lecture... J'ai toujours pensé que l'enjeu principal pendant la deuxième lecture était d'essayer de reconnaître l'importance des immigrants reçus qui viennent au Canada, et que s'ils joignent les forces, l'exigence liée à la citoyenneté passerait de trois ans à deux ans.
Peu après, les députés ont commencé à attirer l'attention et à jouer avec cela. Nous avons un ministre de l'Immigration qui a pensé qu'il pourrait tirer profit de la présence de ce projet de loi précis au Feuilleton pour promouvoir un programme complètement différent. Maintenant, il semble davantage être axé sur les terroristes et la révocation de la citoyenneté plutôt que sur la présentation de son propre projet de loi. Je suppose que ce sera un problème important, parce que cela nous empêche d'avoir une bonne discussion approfondie sur ce que pourrait essayer de faire le gouvernement plutôt que discuter de ce que cherche à faire un député précis.
La Charte accorde des droits aux citoyens canadiens et ils ont tout à fait le droit de demeurer au Canada. Dans le cas de certaines propositions concernant les amendements que pourrait présenter le gouvernement, il pourrait y avoir un problème à cet égard, surtout lorsque la double citoyenneté entre en jeu. Comme vous l'avez indiqué, une personne pourrait être née au Canada, y avoir grandi et y avoir passé sa vie entière; ensuite, elle pourrait épouser une personne d'un autre pays. En conséquence, parce qu'elle a la double citoyenneté, cette personne pourrait perdre sa citoyenneté.
Étant donné vos antécédents, voyez-vous là un problème possible lié à la Charte? Je serais porté à croire que j'aurais le droit à ma citoyenneté si je suis né au Canada, que j'y ai grandi et que je n'ai jamais vécu dans un autre pays. La seule raison pour laquelle je pourrais avoir accès à une autre citoyenneté, c'est en raison d'un lien matrimonial ou quelque chose du genre. Voyez-vous là la création de deux catégories de citoyens?
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J'étais intéressé par vos commentaires au sujet du processus, qui est lié à votre question. Je vais essayer d'établir un lien entre les deux.
Pendant longtemps — plus de 10 ans —, divers gouvernements ont présenté des amendements à la Loi sur la citoyenneté pour traiter de la révocation. Par exemple, le projet de loi , le projet de loi et le projet de loi comportent de bonnes propositions que nous aimons bien. Nous avons proposé que certaines d'entre elles soient incluses dans le cas présent.
Nous sommes préoccupés par le fait que tous les amendements proposés — qui modifieraient le processus de révocation, qui ne fonctionne pas actuellement — sont mis de côté et remplacés par ce projet de loi. Il y a de bonnes choses dans le projet de loi, et nous sommes favorables à beaucoup d'éléments, mais étant donné qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire — et c'est un point soulevé par votre collègue, M. Irwin Cotler —, il ne fait pas l'objet d'un examen fondé sur la Charte par le ministère de la Justice, comme c'est le cas des projets de loi émanant du gouvernement.
Pour vous donner une réponse précise, oui, la Charte prévoit un droit à la citoyenneté, qui n'est pas nécessairement limité à la définition contenue dans la Loi sur la citoyenneté. Quiconque perd sa citoyenneté peut dire qu'il s'agit d'une violation de son droit à la citoyenneté prévu dans la Charte, peu importe ce que prévoit la Loi sur la citoyenneté.
Je ne peux vous dire si une telle contestation fondée sur la Charte pourrait réussir ou non, mais c'est certainement une possibilité.
[Français]
Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
[Traduction]
Je m’appelle Nicole Girard. Je suis la directrice générale de la Direction générale de la citoyenneté et du multiculturalisme de Citoyenneté et Immigration Canada.
Comme le président l'a indiqué, je suis accompagnée de mes collègues, Mme Mary-Ann Hubers, qui est directrice intérimaire de la Direction de la législation et de la politique de programme, M. Eric Stevens, qui est avocat à CIC, et M. Glenn Gilmour, avocat au ministère de la Justice.
J’aimerais remercier le comité de nous offrir cette occasion de contribuer à la discussion sur ce projet de loi d'initiative parlementaire parrainé par M. Shory.
Comme vous le savez, le projet de loi comporte deux éléments. D’abord, le projet de loi propose d’accélérer le processus d’attribution de la citoyenneté pour les membres des Forces canadiennes qui sont des résidents permanents, en réduisant d’un an l’exigence en matière de résidence pour les membres.
Le deuxième élément du projet de loi — qui a suscité beaucoup de discussions —prévoit des dispositions qui feraient en sorte qu’une personne serait présumée avoir présenté une demande de répudiation de sa citoyenneté canadienne ou avoir retiré sa demande de citoyenneté canadienne, dans le cas des résidents permanents, si cette personne s’engage dans un acte de guerre contre les Forces armées canadiennes.
J’aimerais prendre quelques minutes pour aborder certaines préoccupations soulevées par le comité ainsi que d’autres témoins et intervenants au cours des récentes audiences. Celles-ci comprennent des préoccupations au sujet de l’expression « acte de guerre », des préoccupations au sujet de l’apatridie et des préoccupations au sujet de l’application régulière de la loi.
Premièrement, pour ce qui est de l'acte de guerre, comme l’a entendu le comité, le terme « acte de guerre » est problématique. Cette situation est attribuable au fait qu’il n’existe pas de définition claire dans la loi du terme « acte de guerre ». Par conséquent, le terme « acte de guerre » serait difficile à appliquer et pourrait rendre inefficaces les dispositions sur la répudiation réputée et le retrait réputé inscrites dans la deuxième partie du projet de loi.
Pour aborder cette question et veiller à ce que le projet de loi atteigne le but visé, le a proposé que le comité amende le projet de loi en remplaçant la référence aux personnes qui commettent un « acte de guerre » et en précisant plutôt que l’acte s’appliquerait aux personnes suivantes: celles qui ont servi en tant que membres d’une force armée d’un pays ou de tout groupe armé organisé engagé dans un conflit armé contre le Canada; qui ont été déclarées coupables de haute trahison en vertu de l’article 47 du Code criminel; qui ont été condamnées à cinq ans ou plus d’emprisonnement pour des infractions de terrorisme en vertu de l’article 2 du Code criminel ou des infractions de terrorisme équivalentes à l’étranger; qui ont été déclarées coupables d’infractions de trahison ou de terrorisme en vertu de la Loi sur la défense nationale.
Ces amendements seraient conformes à l’un des principaux objectifs du projet de loi, qui vise à priver de citoyenneté les personnes qui ont commis des actes de violence et de trahison contre le Canada ou à leur refuser la citoyenneté.
[Français]
J'aimerais souligner que des dispositions semblables existaient dans la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947.
[Traduction]
En vertu de la loi, par exemple, un Canadien pourrait se voir retirer sa citoyenneté s’il a commis des actes de trahison, s’il a servi dans les forces armées d’un pays qui était en guerre contre le Canada, ou s’il a fourni du matériel ou des renseignements à l’ennemi ou encore s’il a communiqué avec l’ennemi en temps de guerre.
Selon la loi actuelle, la citoyenneté peut être révoquée seulement lorsque celle-ci a été obtenue frauduleusement. D’autres pays démocratiques sont dotés de dispositions juridiques semblables afin de priver une personne de sa citoyenneté pour trahison et terrorisme. Par exemple, les citoyens des États-Unis peuvent être privés de leur citoyenneté s’ils font partie d’une force armée en guerre contre les États-Unis, ou à la suite d’une condamnation de haute trahison. L’Australie a une disposition faisant en sorte que les citoyens qui deviennent membres d’une force armée d’un pays en guerre contre l’Australie peuvent se voir privés de leur citoyenneté.
En ce qui concerne l'apatridie, le comité a aussi entendu et exprimé des préoccupations à savoir que les dispositions du projet de loi pourraient rendre des personnes apatrides. La disposition sur la répudiation réputée, telle qu’elle est écrite dans le moment, s’appliquerait aux citoyens canadiens ayant la double nationalité ainsi qu’aux résidents autorisés d’un pays autre que le Canada. Le résultat potentiel est que les citoyens canadiens qui sont des résidents autorisés d’un autre pays, mais qui n’ont pas une autre citoyenneté, pourraient devenir apatrides. Cela serait une violation de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961, dont le Canada est signataire.
Pour s’assurer que le Canada respecte ses engagements internationaux, le ministre Kenney a demandé au comité d’envisager un amendement faisant en sorte que seuls les Canadiens ayant la double nationalité, qu’ils soient nés ou naturalisés au Canada, seraient réputés avoir renoncé à leur citoyenneté canadienne. Il est important de noter que des dispositions semblables visant à retirer la citoyenneté dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, comprennent également des restrictions à l’application de telles dispositions seulement pour les cas où l’application des dispositions ne rendrait pas un individu apatride.
Quant à l'application régulière de la loi, des préoccupations ont aussi été soulevées concernant l’application régulière de la loi aux termes du projet de loi ainsi que sur la nécessité de s’assurer de la mise en place de toutes les protections appropriées. Selon la loi actuelle, les juges de la citoyenneté, qui sont des décideurs autonomes, sont responsables des décisions pour les cas de répudiation. Comme le ministre l’a expliqué, pour une répudiation réputée de la citoyenneté en vertu de ce projet de loi, toutes les protections juridiques appropriées seraient en place. CIC recueillerait tous les renseignements disponibles afin de déterminer si les dispositions en matière de répudiation réputée s’appliquent. L’individu serait ensuite avisé et il aurait la possibilité de fournir de l’information supplémentaire ayant trait à la décision. Un juge de la citoyenneté déciderait alors si la personne est réputée avoir renoncé ou non à sa citoyenneté. De plus, un individu pourrait demander un contrôle judiciaire par la Cour fédérale de la décision de retirer sa citoyenneté.
Des préoccupations ont été soulevées au sujet de la possibilité qu’une condamnation équivalente à l’étranger ait eu lieu dans un pays pour lequel il existe des craintes quant à l’indépendance de l’appareil judiciaire, ou dans un pays où la participation à une force armée était le résultat de moyens de coercition. Comme le ministre l’a expliqué, afin d’assurer que des personnes se trouvant dans ces situations ne sont pas injustement pénalisées, le ministre conserverait un pouvoir discrétionnaire de ne pas aller de l’avant dans le cas des demandes de répudiation réputée pour les personnes qui, par exemple, ont été contraintes à faire quelque chose contre leur gré. Une telle disposition serait conforme aux dispositions discrétionnaires prévues au terme de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Une fois de plus, monsieur le président, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaitre aujourd’hui. J’espère que ces commentaires ont été utiles, et c’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
[Français]
Merci.
Il y a des différences clés. Le projet de loi ouvre l’article 9 de la loi qui aborde la répudiation de la citoyenneté. Voici les différences clés entre la répudiation et la révocation de la citoyenneté en vertu de l’article 10 de la loi.
Les citoyens canadiens peuvent répudier leur citoyenneté canadienne qu’ils soient nés au Canada, qu’ils soient nés à l’étranger d’un parent qui est citoyen canadien ou qu’ils soient des citoyens naturalisés. Cette décision est prise par un décideur indépendant, à savoir un juge de la citoyenneté.
Cela diffère de l’article 10 de la loi qui concerne les dispositions sur la répudiation. Ces dispositions s’appliquent seulement si la citoyenneté a été acquise par fraude, et elles peuvent seulement s’appliquer aux citoyens naturalisés.
La troisième différence est que ce n’est en fait pas la Cour fédérale qui rend une décision dans les cas de répudiation. C’est le Cabinet qui la prend. L’étape concernant la Cour fédérale est une étape intermédiaire, mais les décisions portant sur la répudiation sont prises par le Cabinet.
En lien avec les amendements proposés, j’aimerais aborder l’obligation internationale du Canada de prévenir l’apatridie.
L’une des plus importantes réserves au sujet du projet de loi est sa capacité de rendre une personne apatride. Les amendements du gouvernement, s’ils sont adoptés, garantiraient que toute personne avec une citoyenneté ne deviendrait pas apatride par l’entremise des changements proposés à l’article 2, mais les amendements proposés à l’article 1 ne garantiraient pas qu’un résident permanent ne pourrait pas devenir apatride.
La Bibliothèque du Parlement estime qu’environ 84 réfugiés apatrides ont été acceptés au Canada entre 2003 et 2010, soit environ 12 par année.
Nous savons que c’est fort possible qu’il n’y ait jamais de problème lié à la présente mesure, si elle est adoptée, avec les amendements du gouvernement. Néanmoins, nos obligations internationales sont importantes. Pourriez-vous aborder le problème de l’apatridie?
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Si vous me le permettez, le projet de loi et les amendements à l’étude par le comité offrent des éléments clés d’application régulière. Les voici.
Premièrement, les dispositions du projet de loi s’appliqueraient dans des circonstances limitées selon le libellé des amendements, parce qu’il y a une liste restreinte de circonstances précises, et il s’agit des catégories qui feraient en sorte qu’une personne pourrait être assujettie aux dispositions sur la répudiation réputée, notamment une condamnation liée au terrorisme ou à la trahison. C’est le premier élément concernant l’application régulière.
Le deuxième élément très important de l’application régulière est que l’amendement exige que le ministre avise toute personne qui pourrait être assujettie aux dispositions. Dans l’avis, on inviterait la personne à faire part de tout renseignement pertinent à leur dossier.
Le troisième élément de l’équité procédural est que les amendements précisent que c’est un juge de la citoyenneté, à savoir un décideur administratif indépendant, qui rendra la décision en se fondant sur les preuves devant lui. Il s’agit des éléments recueillis par le ministère et des renseignements fournis par la personne concernée.
Le quatrième élément de l’application régulière concerne une disposition qui figure déjà dans la Loi sur la citoyenneté. Toute décision rendue par un juge de la citoyenneté peut faire l’objet d’un examen de la part de la Cour fédérale.
Il y a donc quatre éléments très importants de l’application régulière.
Je pense que tout le monde soutient plusieurs des principes qui ont été mis en avant par mon collègue M. Shory. Nous voulons tous décourager les terroristes et renforcer la citoyenneté canadienne dans le monde et dans l'esprit de tous les Canadiens.
Le défi le plus grand est peut-être celui qui a été mentionné par mon collègue M. Dykstra lorsqu'il a parlé du respect de la Charte. Il vous a demandé ce que vous en pensiez. Je ne veux pas prendre l'habitude de poser les questions les plus simples afin de soutenir mon collègue; je préfère poser les questions les plus difficiles.
Vous avez déjà dit que, selon le ministère, ce projet de loi respectait la Charte. Cependant, nous avons entendu certaines personnes dire que le projet de loi aurait des conséquences différentes pour certaines personnes, par exemple celles qui ont une double citoyenneté.
Malgré cela, vous avez quand même trouvé que cela respectait la Charte, n'est-ce pas?
Je comprends vos explications, mais cela dit, un citoyen canadien sans une double nationalité pourrait, éventuellement, commettre ce type d'actes. Donc, il faut vraiment penser à la dimension de la comparaison entre une personne qui aurait une double nationalité et celle qui aurait une seule citoyenneté, en l'occurrence la citoyenneté canadienne. Dans ce cas, on se retrouve devant une décision plutôt arbitraire, comme l'a énoncé l'un de nos témoins. C'est dans ce sens que je posais ma question.
J'aurais une deuxième question. L'un de nos témoins, Catherine Dauvergne, nous a parlé d'un coût de 40 millions de dollars pour traiter 13 cas de révocation de citoyenneté depuis 2002. Croyez-vous que nous allons devoir assumer des sommes similaires pour l'application du projet de loi ?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur présence parmi nous.
Avant 1976 — M. Dykstra a d'ailleurs fait allusion à cette question, je pense —, on pouvait retirer la citoyenneté canadienne à quelqu'un pour haute trahison. Le gouvernement libéral de l'époque a déterminé que la haute trahison ne devrait plus être un motif pour révoquer la citoyenneté, même si presque tous les autres pays démocratiques étaient d'avis contraire et si bon nombre d'entre eux ont augmenté le nombre de motifs justifiant la révocation ou la répudiation réputée.
De plus, il est légal de dépouiller quelqu'un de sa citoyenneté si l'on se rend compte qu'il l'a obtenue frauduleusement. Je pense que cela tombe sous le sens. De toute évidence, il y a toujours eu et il y a encore des motifs légaux et constitutionnels justifiant la répudiation de la citoyenneté d'une personne.
Êtes-vous d'accord que le projet de loi et les amendements proposés ne modifient en rien cette situation?
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Je vous répondrai que nous tenons beaucoup à éviter les cas d'apatridie, étant donné nos obligations en vertu de la convention de 1961 que nous avons signée et qui nous interdit de faire un apatride d'un citoyen canadien.
Nous nous attaquerions à ce problème de deux façons aux termes du projet de loi.
Premièrement, le comité est saisi de l'amendement en vertu duquel le projet de loi ne vise que les personnes qui ont plus d'une citoyenneté.
Deuxièmement, le comité est saisi d'un autre amendement qui modifie la procédure de façon à éviter ce problème, le cas échéant. Effectivement, le ministre est tenu de donner un avis à la personne visée pour l'inviter à faire valoir ses arguments pour se défendre. Cette personne aurait le droit de savoir ce qui lui est reproché et de connaître les éléments de preuve recueillis par le ministère et montrant sa double nationalité ainsi que les autres éléments de preuve portant sur les actes qu'il aurait commis.
Cette personne pourrait alors s'adresser à l'autorité pour établir que son expulsion lui fera courir des risques et qu'il n'a peut-être pas une double nationalité. Cela constituerait donc une garantie.
Par exemple, si le gouvernement possédait la preuve que la personne a la double nationalité, mais si cette preuve était inexacte ou pas à jour, elle aurait la possibilité de faire valoir ses arguments. S'il se révélait qu'elle n'avait pas d'autre nationalité, les poursuites cesseraient.