[Français]
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler ce matin du projet de loi , qui semble destiné à devenir une attaque importante contre le principe de la citoyenneté au Canada.
Au départ, il y a deux remarques qui supplantent toutes les autres sur ce sujet.
Premièrement, la citoyenneté exprime une relation fondamentale entre l'individu et l'État.
[Traduction]
La destruction de cette relation comme forme de châtiment nous rappelle les anciennes peines de bannissement et d’exil. Un tel acte n’a pas sa place dans le Canada d’aujourd’hui.
[Français]
Deuxièmement, un changement à notre Loi sur la citoyenneté aussi profond que celui proposé par le ministre ne doit pas se faire dans le cadre d'un processus comme celui-ci, c'est-à-dire un projet de loi émanant d'un député. Ce processus réduit le temps alloué aux débats et au travail de ce comité et il protège les changements que le ministre a proposés. On parle ici d'un contrôle démocratique.
[Traduction]
C’est pourquoi, ce matin, j’axe mes observations sur ce à quoi, d’après moi, le projet de loi pourrait ressembler lorsqu’il sera renvoyé à la Chambre. Je vais faire valoir quatre arguments.
Premièrement, le fait de retirer la citoyenneté canadienne aux détenteurs d’une double citoyenneté constituerait une punition arbitraire. Deuxièmement, la dénationalisation des terroristes éventuels leur permettra d’échapper à l’application de la loi dans toute sa rigueur. Troisièmement, de telles dénationalisations favoriseront l’insécurité mondiale et canadienne. Quatrièmement, il n’y a aucune bonne raison de suivre l’exemple du Royaume-Uni.
Comme je n’ai pas d’horloge sous les yeux, je vous saurais gré, monsieur le président, de m’avertir lorsque mon temps de parole sera écoulé.
:
Je reprends mon premier argument, à savoir que cette punition est arbitraire. L’un des principes fondamentaux de notre droit criminel est que la peine doit être méritée et proportionnelle. En privant de la citoyenneté canadienne des citoyens ayant deux nationalités, parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir participé à des activités terroristes ou même parce qu’ils ont été reconnus coupables d’actes terroristes, on ne respecte pas ce principe.
Un tel châtiment sera nécessairement arbitraire, car, premièrement, bon nombre de personnes ne choisissent pas librement de détenir deux nationalités et, lorsqu’ils le font, ces choix ne sont pas toujours éclairés. Ces choix sont souvent influencés par leurs parents, par les États dont ils sont citoyens, par le hasard de leur naissance ou par ces trois facteurs conjugués. De plus, il est souvent très difficile de renoncer à une citoyenneté. Les efforts que déploient, en toute bonne foi, certaines personnes pour détenir exclusivement la citoyenneté canadienne peuvent ne pas porter fruit.
Bon nombre de personnes ayant la double citoyenneté canadienne et américaine découvrent en ce moment à quel point il peut être difficile de renoncer à la nationalité américaine. Nous en avons beaucoup entendu parler depuis que les États-Unis tentent d’élargir la portée extraterritoriale de leurs lois fiscales. Enfin, la double nationalité dépend principalement des lois d’un autre État. Nous ne devrions pas permettre à un éventail imprévisible d’autres nations de déterminer comment des Canadiens seront punis.
Deuxièmement, j’ai fait valoir que la dénationalisation des terroristes permettrait à certains d’entre eux d’échapper à l’application de loi dans toute sa rigueur. Le terrorisme est un phénomène mondial et, parmi les nombreux pays qui luttent contre celui-ci, le Canada est doté de l’un des systèmes de justice les plus robustes et les mieux pourvus qui soient. Nous nous sommes fermement engagés à nous acquitter de la tâche complexe et difficile de poursuivre les gens qui menacent notre sécurité de cette manière. La citoyenneté nous fournit l’un des motifs qui nous permettent d’intenter des poursuites. Si nous détruisons ce lien, nous limiterons, dans certains cas, la capacité du Canada de poursuivre ces personnes.
L’un des aspects de la lutte mondiale contre le terrorisme qui préoccupe le Canada tient essentiellement au fait que certains pays ne condamnent pas le terrorisme aussi vigoureusement que nous le faisons. Certains d’entre eux sont considérés comme des endroits où pourraient se réfugier ceux qui commettent de tels actes contre nous. Nous ne devons pas agir d’une manière qui réduirait notre capacité de prendre des mesures contre des terroristes éventuels. En maintenant le lien de la citoyenneté, nous aidons le Canada à maintenir sa compétence juridique sur tous ces gens.
Mon troisième argument est étroitement lié à celui que je viens d’avancer. Il soutient que la dénationalisation des terroristes accroîtra l’insécurité mondiale et canadienne. J’imagine qu’en retirant à un terroriste sa citoyenneté, on cherche à s’assurer qu’il peut être expulsé ou qu’il est incapable de revenir au Canada, s’il se trouve à l’extérieur du pays. Cette idée est, bien entendu, intuitivement attrayante, mais elle ne résiste pas à l’examen.
Il est inutile de nous rappeler que, de nos jours, le terrorisme mondial ne respecte pas les frontières internationales. En exilant les gens que nous soupçonnons de terrorisme, nous ne rendons pas le Canada plus sécuritaire. Nous les aidons simplement à échapper à notre contrôle et à notre surveillance. Hélas, cela ne nous mettra pas forcément à l’abri de leurs machinations. En fait, si nous les envoyons dans les recoins obscurs et tranquilles de la planète où il leur est plus facile de comploter contre nous, il se peut que cela réduise notre sécurité. Par ailleurs, notre engagement envers la communauté internationale nous interdit sûrement de nous contenter d’expulser les gens que nous craignons. Ce serait une forme injuste du syndrome de « pas de ça chez moi » survenant à l’échelle mondiale. Nous, les Canadiens, n’avons pas intérêt à ce que de dangereux malfaiteurs se regroupent dans des pays laxistes en matière de terrorisme.
Enfin, je souhaite aborder brièvement la question de la décision que le Royaume-Uni a prise de dénationaliser les terroristes. La Grande-Bretagne a modifié sa loi sur la nationalité en 2002 et, de nouveau, en 2006. Dans ce pays, il est maintenant possible de retirer la citoyenneté à quelqu’un en se fondant sur le fait que celle-ci n’est pas favorable au bien public. Du milieu de l’année 2006, soit le moment où cette nouvelle disposition est entrée en vigueur, au milieu de l’année 2011, date à laquelle remontent les plus récentes statistiques que j’ai trouvées, le Royaume-Uni a entamé, en vertu de cette disposition, des procédures pour dénationaliser 13 personnes, principalement parce qu’elles étaient soupçonnées d’avoir des liens avec des organisations terroristes. Toutefois, l’une de ces personnes, une femme, ne peut être rangée dans cette catégorie, car on a découvert qu’elle espionnait pour le compte de la Russie.
Un certain nombre de ces affaires ne se sont pas soldées par la dénationalisation des accusés; elles sont toujours devant les tribunaux et franchissent diverses étapes du processus d’appel. Ces appels sont très longs, surtout parce que les tribunaux britanniques ont beaucoup de mal à débrouiller les complexités des lois sur la citoyenneté des autres pays.
Aucune de ces personnes n’a été soumise à un processus judiciaire relativement à ses activités terroristes présumées. Toutefois, cela pourrait cesser d’être le cas, car l’une d’entre elles, soit Abu Hamza, a maintenant été extradée aux États-Unis. Il est à noter que le Royaume-Uni n’a pas été en mesure de retirer à Hamza sa citoyenneté britannique, parce qu’en recevant celle-ci, il avait perdu sa citoyenneté égyptienne. Il a récemment été extradé aux États-Unis pour des raisons qui n’ont rien à voir avec sa citoyenneté et tout à voir avec la volonté de ce pays de poursuivre les terroristes.
À cet égard, le Royaume-Uni fait partie des exceptions. Très peu de pays ont pris des mesures de ce genre. Si l’on examine les statistiques associées à l’histoire de la dénationalisation du XXe siècle, on constate que celle-ci est dominée par les membres du parti national-socialiste allemand, c’est-à-dire le régime nazi, et par l’URSS.
Je vous remercie de votre attention, et je serais heureuse de répondre à vos questions.
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Bonjour. Je remercie le comité de nous donner l’occasion d’exprimer le point de vue des victimes touchées directement par le crime le plus odieux de l’histoire du Canada, à savoir l’attentat à la bombe contre le vol 182 d’Air India qui a eu lieu le 23 juin 1985.
L’Association des familles des victimes d’Air India 182 appuie fermement le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. Celui-ci propose de réduire d’un an la durée de résidence requise pour l’attribution de la citoyenneté à tout résident permanent qui sert dans les Forces armées du Canada et de considérer qu’une personne a demandé de répudier sa citoyenneté si elle commet un acte de guerre contre les Forces armées canadiennes.
Si ces dispositions sont promulguées, elles auront, d’une part, l’effet d’encourager et d’appuyer ceux qui acceptent d’aller au front pour protéger notre liberté et notre démocratie ainsi que de reconnaître leur valeur, et, d’autre part, l’effet de dissuader les Canadiens de démontrer violemment leur opposition à notre liberté et à notre démocratie en commettant un acte de guerre contre les Forces armées canadiennes.
Je m’adresse à vous non pas en tant que spécialiste des questions juridiques ou constitutionnelles, mais en tant que victime du crime terroriste le plus violent à avoir été commis au Canada. Dans l’explosion tragique du vol 182 d’Air India, j’ai perdu mon épouse, Ramwati Gupta, qui était ma conjointe depuis plus de 20 ans. Cette tragédie m’a forcé à élever seul mes deux jeunes fils, qui étaient âgés de 12 et 18 ans à l’époque.
L’explosion était l’aboutissement d’un complot terroriste conçu et exécuté en sol canadien par des criminels qui avaient apporté au Canada des problèmes propres à l’Inde. L’attentat terroriste à la bombe a fauché la vie de 329 personnes innocentes. La plupart des victimes étaient originaires du Canada et résidaient dans diverses provinces, allant de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. L’Île-du-Prince-Édouard est la seule province à n’avoir pas été touchée par la tragédie.
Les victimes appartenaient à presque toutes les confessions religieuses et comptaient, entre autres, des athées, des bouddhistes, des chrétiens, des hindous, des jaïns, des musulmans, des sikhs et des zoroastriens. Quatre-vingt-six d’entre eux étaient des enfants. Vingt-neuf familles ont été complètement décimées, c'est-à-dire que le père, la mère et tous les enfants ont été tués. Trente-deux personnes se sont retrouvées seules après avoir perdu leur conjoint et tous leurs enfants. Sept parents dans la quarantaine et la cinquantaine ont perdu tous leurs enfants. Deux enfants ont perdu leurs deux parents. Ces criminels terroristes ont privé des Canadiens de leur droit à la vie, à la liberté, à la paix et à la prospérité. Malheureusement, les vrais coupables circulent toujours librement au Canada et ailleurs.
En tant que parents des victimes de l’attentat à la bombe du vol 182 d’Air India, nous avons vécu et nous continuons de vivre une perte incalculable et une immense douleur. Nous ne souhaitons pas que des activités terroristes futures infligent ce genre d’épreuves à d’autres Canadiens. Une partie de notre mission consiste à parler de la criminalité, de la violence et du terrorisme afin de nous assurer que le Canada est un endroit plus sécuritaire pour ses citoyens.
Le projet de loi comporte deux dispositions. La première propose de réduire d’un an la durée de résidence requise pour l’attribution de la citoyenneté à tout résident permanent qui sert dans les Forces canadiennes.
À l’heure actuelle, certains membres des Forces armées canadiennes exercent apparemment leurs fonctions en Afghanistan, à Jérusalem, en Égypte, au Mali et dans l’océan Indien, au large de la côte somalienne. Ces soldats ne constituent pas une force d’occupation. Ils s’emploient soit à maintenir la paix, soit à lutter en première ligne contre le terrorisme et d’autres crimes violents, comme les actes de piraterie en haute mer qui alimentent le terrorisme et l’anarchie. Ces criminels et ces terroristes étrangers n’hésitent aucunement à exporter le terrorisme au Canada et à persuader des Canadiens dans l’erreur d’épouser leur cause.
Par conséquent, nos soldats défendent en première ligne notre liberté, notre démocratie ainsi que les valeurs et les droits qui s’y rattachent. La première disposition du projet de loi reconnaît, encourage et soutient la loyauté dont font preuve les résidents permanents qui se sont engagés dans les Forces armées canadiennes et qui ont accepté d’aller au front pour défendre le Canada.
La deuxième disposition du projet de loi prévoit de retirer la citoyenneté canadienne aux personnes qui commettent un acte de guerre contre les Forces armées canadiennes et qui ont deux nationalités. En faisant la guerre contre les forces, ces personnes démontrent qu’elles n’ont aucune loyauté envers le Canada et qu’elle n’attache aucune valeur au système démocratique canadien. Par conséquent, elles ne méritent pas la citoyenneté canadienne, dont elles se servent pour se livrer facilement à leurs activités criminelles et terroristes.
Il n’est pas si saugrenu d’imaginer une situation dans laquelle un Canadien commettrait un acte de guerre contre les Forces armées canadiennes. De nos jours, le terrorisme est un phénomène international, et la plupart des terroristes entretiennent des relations à l’échelle mondiale. Des cas jugés et avérés comme celui de Khawaja au Canada et du terroriste qui voulait perpétrer un attentat à la bombe aux États-Unis à l’occasion des fêtes du millénaire sont des exemples bien connus de Canadiens liés à des activités terroristes exercées à l’extérieur du Canada. De plus, au cours des dernières années, de nombreux rapports ont fait état de personnes provenant de différentes parties du Canada qui ont été complètement endoctrinées et qui quittent notre territoire — parfois sans laisser de traces — pour se rendre dans des camps d’entraînement terroristes à l’étranger ou pour participer à des activités terroristes dans d’autres pays. On dit que certaines de ces personnes ont disparu, et on présume qu’elles sont mortes à l’étranger. Leurs familles ne peuvent que les pleurer en silence.
Au cours des quatre dernières semaines, j’ai suivi plusieurs reportages que je vais vous énumérer. Deux Canadiens ont participé à une attaque terroriste dirigée contre une usine de gaz naturel établi en Algérie, et certains journalistes allèguent qu’ils en étaient les meneurs. En Mauritanie, un Canadien a été condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans pour avoir participé à un complot terroriste dans ce pays. De plus, l’été dernier, un Canadien ayant deux nationalités a pris part à un attentat à la bombe contre un autobus en Bulgarie. Le SCRS sait qu’au cours des dernières années, une douzaine de Canadiens, dont bon nombre sont au début de la vingtaine, se sont rendus ou ont tenté de se rendre à l’étranger afin de participer à des activités liées au terrorisme. En outre, d’après les nouvelles, un Canadien a manqué de diriger les rebelles syriens. L’un des groupes de rebelles syriens, connu sous le nom de Front al-Nusra, a officiellement prêté allégeance au dirigeant d’Al-Qaïda, al-Zawahiri. Il y a eu deux reportages à ce sujet la semaine dernière, dont un que j’ai regardé seulement hier soir.
Il est très probable qu’il y ait de nombreux autres cas non signalés de Canadiens impliqués dans des activités terroristes à l’échelle mondiale. Si les circonstances étaient propices — ou néfastes, selon l'optique adoptée —, ces personnes pourraient commettre un acte de guerre contre les membres des Forces armées canadiennes qui sont en service à l’étranger, et pourraient faire peser sur nos soldats une menace mortelle.
La deuxième disposition du projet de loi prévoit une mesure pour dissuader ces personnes de participer à de tels actes. De plus, sachez que les Canadiens de ce genre n’hésiteront pas à poursuivre leurs activités terroristes au Canada pour faire avancer une cause qui leur semble juste, comme l’ont fait les responsables de l’attentat terroriste à la bombe contre le vol 182 d’Air India. De plus, il est à noter que d’autres pays, comme l’Australie et les États-Unis — et j’ai entendu dire que c’était aussi le cas du R.-U. —, ont déjà mis en oeuvre des politiques semblables. Ce projet de loi nous permettra donc de nous conformer à ce qu’ils font.
En résumé, comme nous avons personnellement subi les conséquences de l’acte terroriste le plus odieux de l’histoire du Canada, c’est-à-dire l’attentat à la bombe contre le vol 182 d’Air India, nous demandons à tous les parlementaires d’appuyer le projet de loi . Nous croyons sincèrement que le projet de loi contribuera, ne serait-ce qu’un peu, à préserver le Canada du terrorisme, afin qu’aucun Canadien n’ait à vivre les épreuves que nous avons vécues, et nous estimons que le projet de loi mérite l’appui de tous les députés.
Merci.
Monsieur Gupta, avant de commencer, je tiens à dire que j'ai rencontré certains membres de votre organisme, que j'ai pris note de leur douleur et qui n'est aucun doute que je compatis avec eux. C'était une terrible tragédie et je leur transmets toutes mes condoléances. Je sais que rien ne pourra ramener votre famille. Dans mon cabinet, j'ai affaire tous les jours à des gens qui sont victimes de torture et de terrorisme. Je comprends ce que vous vivez.
Cela dit, j'estime respectueusement qu'une bonne politique publique doit tenir compte de facteurs qui vont au-delà des droits des victimes et lorsque nous regardons ce projet de loi, je ne pense tout simplement pas qu'il s'agit d'une bonne politique publique. Respectueusement, permettez-moi de vous expliquer pourquoi je ne partage pas votre point de vue.
Premièrement, comme ma collègue qui m'a précédé l'a indiqué, il est difficile de présenter des commentaires sur le projet de loi sans en connaître les détails, mais je ferai de mon mieux en fonction de la loi est aussi en fonction des commentaires du ministre Kenney. J'ai eu l'occasion de lire ces commentaires publics sur les amendements prévus à la mesure législative. À la lumière de ces commentaires, je vous ferai part de mes préoccupations.
Le projet de loi priverait de la citoyenneté canadienne des personnes qui ont une deuxième nationalité. Le premier problème — et je pense que la première intervenante y a fait allusion —, c'est qu'il est extrêmement difficile de déterminer qu'une personne à une deuxième nationalité. En tant qu'avocats en droit des réfugiés, c'est une tâche à laquelle nous sommes continuellement confrontés. Des gens demandent le statut de réfugié. Ils pourraient être citoyens d'un pays donné, mais il est possible qu'ils soient reconnus dans un deuxième pays. Le cas échéant, ils ne sont pas admissibles au statut de réfugié au Canada. Ils doivent demander la protection de leur deuxième pays de nationalité.
Quiconque travail dans le domaine du droit des réfugiés sait que souvent, peu importe les circonstances, déterminer si une personne a une double nationalité est une tâche extrêmement difficile. Il faut interpréter une loi étrangère et la façon dont elle s'appliquera sans avoir la possibilité de communiquer avec un gouvernement étranger, surtout parce que certains de ces gouvernements sont hostiles. Donc, le premier problème que soulève le projet de loi, c'est qu'il vise des gens qui ont une double nationalité et que très souvent, il sera extrêmement difficile d'en faire la preuve.
Le deuxième problème connexe, c'est que beaucoup de Canadiens pourraient avoir une double nationalité sans même le savoir. Ils deviennent victimes de cette mesure législative à leur insu. En Inde, la loi a récemment été modifiée. Je ne suis pas certain s'il est encore possible d'avoir une double nationalité. Auparavant, ce n'était pas possible, mais je crois que ce l'est, maintenant. Dans certains pays, comme l'Iran, par exemple — si je ne me trompe pas —, si un de vos parents est Iranien, vous êtes Iranien et vous ne pouvez pas renoncer à votre citoyenneté.
Il pourrait y avoir des gens nés au Canada qui ne seraient pas au courant qu'ils ont une double nationalité et qui seraient assujettis à cette mesure législative en fonction des interprétations de fonctionnaires canadiens d'une loi étrangère sur la citoyenneté. On place ainsi des Canadiens en mauvaise posture, car ils ne seront pas s'ils sont assujettis ou non à une mesure législative parce que cela dépendra de l'interprétation des lois sur la citoyenneté.
L'autre situation qui se produit, c'est — manifestement — que la loi s'appliquera au moment précis où la personne est présumée avoir commis une infraction. La personne n'est peut-être pas un citoyen actuellement, mais la loi sur la citoyenneté du pays peut changer. On parle maintenant de modifier les lois canadiennes sur la citoyenneté. Donc, les lois peuvent changer, de sorte que des personnes qui ne sont pas reconnues pourraient l'être. Nous créons une situation où il existe une grande incertitude quant à savoir qui sera touché par la loi, d'abord parce que nous appliquons une loi étrangère pour déterminer la double nationalité et ensuite parce que la loi étrangère peut être modifiée et que nous n'y pouvons rien. Voilà le premier problème.
Le deuxième, qui est encore plus grave, c'est la question de savoir de quelle façon la loi sera appliquée. Si j'ai bien compris les commentaires du ministre, elle s'appliquerait aux citoyens canadiens qui sont reconnus coupables à l'étranger de certaines infractions qui correspondent à des infractions au Canada. Je peux simplement vous donner trois exemples qui expliquent pourquoi cet enjeu pose problème, parce que nous nous en remettons à des systèmes de justice étrangers pour déterminer si la citoyenneté de Canadiens devrait être révoquée ou non.
Prenez le cas dont je m'occupe personnellement, celui de M. Bashir Makhtal. Il est citoyen canadien. Il a fui l'Éthiopie à un très jeune âge et il voulait répudier sa citoyenneté éthiopienne. Il n'en voulait pas. Il a été accepté en qualité de réfugié et il est venu au Canada.
Il était de retour au Kenya et a été kidnappé par les Éthiopiens; il a subi un simulacre de procès. Depuis trois ans, le demande aux autorités éthiopiennes de le libérer. Il a été reconnu coupable de trahison, qui serait probablement une des infractions. Selon le projet de loi, M. Bashir Makhtal — que M. John Baird a activement cherché à faire libérer — pourrait voir sa citoyenneté être réputée répudiée parce qu'il a été reconnu coupable de trahison lors d'un simulacre de procès en Éthiopie. Donc, c'est habituellement un problème que de s'en remettre à des gouvernements étrangers pour déterminer si les gens perdront leur citoyenneté ou non.
Je pourrais citer d'autres cas. Il y a le cas de M. Saeed Malekpour, un citoyen canadien qui a été reconnu coupable, en Iran, de diffamation contre l'islam, ce qui pourrait être considéré comme une trahison. Évidemment, nous savons que le a parlé du cas de M. Huseyincan Celil qui, en Chine, a été reconnu coupable d'un crime équivalant à la trahison et qui pourrait voir sa citoyenneté canadienne être réputée répudiée en vertu de cette mesure législative, en fonction d'un procès que tous les observateurs internationaux considèrent comme injuste.
Donc, comment allons-nous appliquer cette mesure législative si nous nous fions à des autorités étrangères pour la tenue de procès équitables par rapport au genre de condamnations qui découlent souvent de simulacres de procès auxquels sont soumis des gens dans des pays qui ne sont pas fondés sur la primauté du droit?
La dernière préoccupation à cet égard est liée au processus. J'ai récemment été consulté par une personne qui voulait connaître le processus de renonciation à la citoyenneté. J'ai donc eu l'occasion d'étudier la mesure législative. En somme, il n'y a aucun processus établi. Une personne présente une demande de révocation. La demande est envoyée au bureau de la citoyenneté, où elle est examinée par un fonctionnaire, qui la renvoie à un juge qui l'examine à son tour. S'il n'y a aucun problème, la demande est approuvée.
Dans le cas d'une personne dont la citoyenneté serait réputée répudiée, selon le processus actuel, cette personne n'aurait pas droit à un processus établi. Autrement dit, cette personne sera réputée avoir demandé à répudier sa citoyenneté desquelles a été reconnue coupable de l'infraction. Cette décision serait envoyée à un fonctionnaire de la citoyenneté, qui l'examinerait pour savoir si les exigences ont été satisfaites. Ensuite, elle serait envoyée à un juge qui n'aurait pas l'obligation de tenir une audience.
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Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Madame Dauvergne, monsieur Waldman, bienvenue de nouveau au comité.
Monsieur Gupta, merci beaucoup de nous avoir raconté votre histoire très personnelle. C'est avec grand intérêt que j'ai écouté les commentaires et le point de vue d'une personne qui a été si gravement touchée par un acte terroriste aussi haineux.
Nous savons que les citoyens canadiens peuvent voir leur citoyenneté être révoquée s'ils l'ont obtenue de façon frauduleuse. Presque tous les pays semblables au nôtre peuvent révoquer la citoyenneté d'une personne en raison, notamment, de trahison et de terrorisme. Or, les critiques du projet de loi prétendent que la citoyenneté canadienne est un droit inaliénable. Comment répondez-vous à cela? Plus précisément, croyez-vous que la citoyenneté ne devrait jamais être révoquée, indépendamment de la nature violente et déloyale des actes d'une personne?
Je commencerais par vous, monsieur Gupta.
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Comme je l’ai dit dans mon exposé, il y a un grand problème dans le projet de loi en ce qui concerne l’ensemble de la procédure. Le projet de loi ne prévoit aucune procédure. Il faut donc regarder du côté de la Loi sur la citoyenneté qui décrit la procédure de répudiation. La Loi sur la citoyenneté ne donne pas vraiment d’explication. Il faut demander à répudier sa citoyenneté, puis la demande est présentée à un juge de la citoyenneté. Premièrement, un agent l’examine et détermine si la personne est admissible à la répudiation. Ensuite, un juge de la citoyenneté se penche sur la question. Il n’est pas nécessaire de tenir une audience, et le juge de la citoyenneté rend une décision relativement à la répudiation.
Le projet de loi ne prévoit aucune procédure, et il y aurait de graves problèmes relativement à la Charte s’il était adopté dans sa version actuelle. Si vous essayez de révoquer la citoyenneté d’une personne, on ferait certainement valoir les articles 6 et 7. Si les procédures ne sont pas clairement déterminées dans la mesure législative, de sérieuses questions planeront.
Le projet de loi ne prévoit pas du tout d’audience du tribunal. Il prévoit un examen par un juge de la citoyenneté. Ce juge peut tenir une audience, mais selon l’endroit où se trouve la personne, on peut se questionner sur la faisabilité d’une telle démarche. Le projet de loi ne mentionne pas ce que serait la charge de présentation.
Comme je l’ai mentionné, il y a d’importants problèmes relatifs à la preuve. Premièrement, comment déterminons-nous qu’une personne a une deuxième citoyenneté? Deuxièmement, comment déterminons-nous qu’une condamnation, en particulier une condamnation prononcée à l’étranger, est valide et qu’elle devrait être respectée par le droit canadien? Il y a des enjeux factuels et juridiques très complexes, et le présent projet de loi ne prévoit aucune procédure relativement à ces enjeux.
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Merci, monsieur le président. Bienvenue aux témoins.
Je vais d’abord poser deux ou trois questions à M. Gupta, puis j’en poserai également aux autres témoins.
J’aimerais premièrement apporter une petite précision. M. Pacetti a dit que Mme Dauvergne avait indiqué que personne n’avait vu sa citoyenneté être révoquée, mais vous avez en fait dit qu’un certain nombre de tentatives avaient échoué. Je voulais préciser le tout aux fins du compte rendu.
Tout d’abord, je vous remercie de votre présence, monsieur Gupta. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage.
Vous avez brièvement parlé des citoyens canadiens qui ont la double citoyenneté et qui ont été impliqués dans les attentats à la bombe en Bulgarie et bien entendu en Algérie. Votre situation remonte à la tragédie d’Air India, mais ce n’est qu’en fin de semaine dernière que nous avons appris qu’un quatrième Canadien pourrait avoir été impliqué dans les attentats en Algérie. J’essaye de voir dans mes souvenirs des dernières années, et je ne me rappelle pas que la radicalisation au Canada ait été un problème. Au cours de la dernière décennie, des camps d’entraînement ont été découverts en Ontario, et des témoins nous ont appris que des cellules au Canada font actuellement l’objet d’enquêtes. J’aimerais savoir si vous pensez que la radicalisation de citoyens canadiens est un problème croissant au Canada.
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Thank you. Merci de me donner la possibilité de m'adresser au comité.
J'ai pensé commencer par rappeler un peu d'histoire du Canada. Bien qu'au XXe siècle, on associe le dépouillement de la citoyenneté, la déportation ou l'exile uniquement à l'Allemagne sous les nazis et à l'Union soviétique, le Canada a également pris de telles mesures. En 1946, après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement canadien a dépouillé 10 000 citoyens canadiens de leur citoyenneté et les a « envoyés de force » au Japon, pays que bon nombre d'entre eux n'avaient jamais visité. À l'époque, John Diefenbaker, qui était du côté de l'opposition, a dit que cette initiative était l'antithèse même des principes de la démocratie.
On propose de dépouiller des citoyens canadiens de leur citoyenneté en utilisant l'expression renonciation réputée. Or, bien sûr, comme d'autres l'ont déjà souligné, il s'agit là d'une fiction juridique. En effet, cela se résume à dépouiller ou à priver les gens de certains de leurs droits aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, en vertu de l'article 7; le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités; et les droits en matière d'équité dont il est question à l'article 15.
Par conséquent, l'utilisation de l'expression renonciation réputée crée l'illusion que les gens ont en quelque sorte choisi, de leur propre chef, de renoncer à leurs droits constitutionnels. En fait, la Cour suprême du Canada a énoncé un critère plutôt rigoureux pour prouver qu'une personne a renoncé à ses droits constitutionnels. Elle doit avoir fait la renonciation de façon volontaire et avoir une pleine connaissance des conséquences qui en découlent. Il est très peu probable que l'on puisse déduire des dispositions du projet de loi que la renonciation réputée constitue une renonciation volontaire à ses droits constitutionnels.
On a aussi parlé de ce qui se fait aux États-Unis. Je ne sais pas trop pourquoi on a dit que les Américains dépouillent des gens de leur citoyenneté à cause d'actes soi-disant antipatriotiques. C'est absolument faux. Dans une série de décisions qu'elle a rendues pendant les années 1950 et 1960, la Cour suprême des États-Unis a jugé inconstitutionnel l'équivalent américain de la renonciation réputée. Aux États-Unis, cela s'appelle l'« expatriation ». Dans la célèbre affaire
Trop c. Dulles, mettant en cause une personne qui avait été dépouillée de sa citoyenneté pour avoir été trouvée coupable de désertion à cause d'actes antipatriotiques, le juge en chef Warren de la Cour suprême des États-Unis a dit ce qui suit:
[…] le retrait de la citoyenneté n’est pas une arme que le gouvernement peut utiliser pour signifier son mécontentement à l’égard du comportement d’un citoyen, aussi répréhensible ce dernier puisse-t-il être.
En d'autres mots, il disait...
La révocation de la citoyenneté est une forme de punition. La Cour suprême des États-Unis est d'avis que ce n'est pas une arme à laquelle on peut recourir. Elle a précisé ceci: « Il s'agit d'une forme de punition plus primitive que la torture. » Pourquoi, parce que « l'expatrié perd le droit d'avoir des droits ».
Si nous sommes convaincus que la révocation de la citoyenneté est une forme de punition même si on peut faire la passer pour une renonciation à la citoyenneté, il faut alors se demander quelle lacune elle permet de combler sur le plan des politiques établies. Lorsque vous adoptez un nouveau projet de loi, il faut présumer que vous le faites pour résoudre un problème.
Revenons brièvement au monde d'il y a des centaines d'années. L'exil et le bannissement étaient alors monnaie courante à une époque où le système de justice pénale d'aujourd'hui n'existait pas encore pour juger les gens et, surtout, pour les incarcérer comme une forme de punition. À cette époque-là, l'exil et le bannissement étaient les seuls moyens dont pouvait se prévaloir un État pour mettre hors d'état de nuire des criminels et des personnes dangereuses.
Aujourd'hui par contre, nous disposons naturellement d'un système de justice pénale permettant de juger les gens et de leur imposer des diverses formes de punition, à l'exclusion du bannissement ou de l'exil. Pourquoi? Parce que nous pouvons punir les fautifs au sein de notre pays.
Il faut alors se demander pourquoi notre système de droit pénal, qui encadre les modalités des procès et des punitions, ne s'applique pas aux actes interdits en vertu des dispositions portant sur la révocation de la citoyenneté? Et pourquoi ne s'applique-t-il pas à ces crimes et s'applique-t-il à d'autres? Pourquoi ne s'applique-t-il pas à la personne ayant une double nationalité et s'applique-t-il à celle ne l'ayant pas?
Si une personne n'a que la citoyenneté canadienne ou a commis des actes odieux qui ne sont pas assujettis à ce projet de loi, nous pouvons alors présumer que notre système de justice pénale est parfaitement en mesure d'intervenir. Il faut alors se demander pourquoi il ne le peut pas dans ces autres circonstances. Je vous ferai valoir qu'il n'y a aucune bonne réponse et que c'est notamment la raison pour laquelle ce projet de loi comporte des éléments arbitraires.
Quel est alors l'objet de ce projet de loi? Je vous fais observer que c'est une mesure essentiellement symbolique pour exprimer notre indignation face à la nature abjecte d'actes que certains commettent à l'encontre des valeurs intrinsèques à la citoyenneté canadienne. La Cour suprême du Canada a établi que les avantages symboliques de la violation des droits ne sont pas justifiés, pour dire les choses simplement. Si le législateur peut porter atteinte à un droit important simplement en invoquant des motifs symboliques et abstraits, alors l’examen judiciaire … se réduit à un concours où les concurrents prétendent que « nos symboles sont meilleurs que vos symboles », ce qui n'est pas compatible avec la Charte. Cette mesure législative permet d'assurer la protection de notre pays et de traduire notre aversion pour les actes violents et ignobles, ce dont notre système de justice pénale s'acquitte déjà.
S'il est vrai, et je pense que c'est indéniable, que la révocation de la citoyenneté est une manière de punir des gestes fort répréhensibles comme les infractions criminelles énumérées dans le projet de loi, il faut alors se demander qui, dans notre système de gouvernement, doit juger et punir ces contrevenants.
Si quelqu'un commet un crime, notamment un meurtre ou une agression sexuelle, demandons-nous au ministre de la Justice de déterminer si l'accusé est coupable ou innocent avant de l'incarcérer? Non. Nous savons qu'agir ainsi constituerait une violation flagrante du principe de la séparation des pouvoirs. Il n'incombe pas aux élus de juger. Cette tâche revient aux juges.
La mesure législative donne aux élus le pouvoir d'imposer une sanction pénale à des gens, ce qui n'est pas conforme à notre système de gouvernement fondé sur la séparation des pouvoirs et les notions fondamentales de justice.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Vous me permettrez de commencer par féliciter M. Devinder Shory d'avoir présenté cette mesure législative réfléchie et édifiante pour valoriser les Forces armées canadiennes.
Je voudrais aborder les deux aspects du projet de loi, c'est-à-dire la réduction du délai pour l'attribution de la citoyenneté et la révocation de la citoyenneté. Je commencerai par le second aspect.
Si j'ai bien compris, le gouvernement envisage de recommander d'étendre la portée des dispositions afin d'inclure les actes de terrorisme et la trahison. Je suis tout à fait en faveur d'une telle modification. En fait, j'ai recommandé un changement analogue dans un document publié en 2006 et proposant d'obliger les demandeurs de la citoyenneté à prêter serment pour montrer qu'ils adhèrent et adhéreront aux valeurs canadiennes, et qu'ils manifestent et manifesteront une loyauté sans faille envers le Canada. J'ai même ajouté qu'il faudrait révoquer la citoyenneté de quiconque viole ce serment, en commettant un acte terroriste notamment.
On n'a pas donné suite à ma proposition, qui, j'en suis ravi, a suscité beaucoup de discussions.
Comme l'a souligné, je pense, le ministre, la plupart des pays démocratiques appliquent beaucoup plus rigoureusement la révocation de la citoyenneté, avec des résultats qui ne sont pas toujours efficaces. Comme l'ont indiqué certains de nos éminents juristes, une telle application rigoureuse a été contestée en Grande-Bretagne, mais aucune décision n'a encore été prise. J'estime que ce pays est justifié d'être aussi sévère.
En outre, la population prône la révocation de la citoyenneté dans certains cas. M. Shory vous a évoqué un sondage qui a été effectué à sa demande et qui montre que huit personnes sur dix étaient d'accord pour qu'un Canadien déclaré coupable de trahison ou de terrorisme perde sa citoyenneté. Selon un sondage réalisé par Ipsos Reid il y a quelques années, trois Canadiens sur quatre étaient en faveur de la révocation de la citoyenneté de quiconque l'avait obtenue pour ensuite commettre un crime grave. En outre, 35 p. 100 des répondants appuyaient une telle solution, même si la personne en cause était née au Canada.
Je n'aborderai pas la double citoyenneté pour l'instant, mais je voudrais signaler une possibilité que le comité et le gouvernement souhaiteront peut-être examiner et qui, je crois, n'a pas encore été évoquée: la révocation de la citoyenneté pour les Canadiens déclarés coupables de terrorisme dans d'autres pays démocratiques qui ont de bons antécédents en matière de respect des droits de la personne et sont dotés d'un système judiciaire fondé sur la primauté du droit.
Comme M. Waldman l'a signalé, allons-nous révoquer la citoyenneté lorsqu'une personne est reconnue coupable en Chine ou dans un autre pays non démocratique? Il est important de ne pas alors imposer une révocation de la citoyenneté. Il faut bien établir cette distinction, d'après moi.
Lorsqu'il était chef du Parti progressiste-conservateur dans l'opposition, avait formulé une proposition analogue, recommandant la révocation de la citoyenneté pour Fateh Kamel qui était revenu habiter au Canada après avoir été déclaré coupable de terrorisme et avoir été incarcéré pendant plusieurs années en France. Il n'est pas nécessaire que l'acte terroriste grave ait été commis contre le Canada. La révocation de la citoyenneté s'appliquerait si un autre pays démocratique avait été ainsi visé.
Je conviens tout à fait qu'il faut préciser les modalités relatives à l'application régulière de la loi. Cette question a déjà été soulevée. Il faut préciser davantage le tout. Si le projet de loi devait être adopté, j'espère qu'on prendra les mesures en ce sens.
Je voudrais aborder l'autre aspect du projet de loi de M. Shory: réduire de un an la durée de résidence au Canada requise pour l'attribution de la citoyenneté à tout résident permanent qui a servi au moins trois ans dans les Forces armées canadiennes. On a déjà indiqué que cette modification concernerait un nombre assez restreint de militaires, seulement 60, je pense, selon un de nos responsables militaires. C'est une mesure symbolique judicieuse qui entraîne très peu de conséquences.
Les règles régissant actuellement l'attribution de la citoyenneté me posent des problèmes, et je voudrais vous en faire part. La Loi sur la citoyenneté a été adoptée en 1977, faisant passer de cinq à trois ans la durée de résidence, ce qui fut, selon moi, une erreur. Nous avons la durée de résidence la plus courte au monde. Parmi les pays occidentaux, seule la Nouvelle-Zélande en a une aussi courte.
Je pense que les raisons pour cela... On a fait valoir que cette modification avait été apportée pour que les nouveaux Canadiens puissent plus tôt faire partie de la mosaïque sociale canadienne alors qu'en fait nous avons de bonnes indications montrant que cette modification procédait de motifs politiques, car le parti au pouvoir souhaitait que davantage de nouveaux Canadiens votent pour lui. Une stratégie analogue avait été adoptée aux États-Unis en 1996, lorsque l'administration démocrate avait accordé prématurément la citoyenneté à des dizaines de milliers de personnes en supposant qu'elles voteraient pour les démocrates. Il faut donc modifier la Loi sur la citoyenneté, particulièrement les dispositions sur la durée de résidence exigée pour obtenir la citoyenneté. Plusieurs raisons judicieuses le justifient, mais n'ont pas été prises en compte dans le projet de loi.
Premièrement, beaucoup obtiennent la citoyenneté et retournent s'installer à l'étranger. Prenons l'exemple des Libanais évacués de leur pays en 2005 pendant le conflit israélo-libanais. Des dizaines de milliers d'entre eux sont alors revenus au Canada, ce qui nous a coûté environ 70 millions de dollars, je pense. Il aurait été préférable qu'ils aient été tenus d'attendre cinq ans, ce qui se rapprocherait de la norme des autres pays. L'Allemagne, la Norvège et la Suisse notamment exigent huit ans. Les États-Unis et la Grande-Bretagne en exigent cinq. J'ignore pourquoi nous avons ramené la durée de résidence à trois.
Il y a également des raisons de sécurité. Le SCRS a indiqué que les groupes terroristes extrémistes envoient parfois un des leurs au Canada pour qu'il puisse acquérir la citoyenneté, car il est beaucoup plus facile de se déplacer si vous avez un passeport canadien au lieu d'un passeport yéménite, entre autres. Il y a lieu de croire de plus en plus que les Canadiens se servent de leur citoyenneté pour se déplacer à l'étranger afin de se livrer au terrorisme. Il faut modifier la Loi sur la citoyenneté pour des raisons de sécurité.
C'étaient là, monsieur le président, mes principales observations.
Je crois que des questions ont été posées à propos de l'arbitraire de certaines propositions, en ce sens qu'elles ne s'appliqueraient qu'aux personnes ayant une double nationalité. À l'instar de , je préconiserais de retirer la citoyenneté à quiconque commet un acte terroriste grave, particulièrement contre notre pays. Cependant, je reconnais que nous devons respecter la Convention sur la réduction des cas d'apatridie. Nous sommes donc aux prises avec un problème que nous devrons résoudre.
Merci infiniment, monsieur le président.
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Je vous remercie de votre invitation. Je suis ravie de témoigner sur ce projet de loi important à titre de directrice de Politiques pour le Canada au sein de la Foundation for Defence of Democracies, et à titre de conseillère auprès de la Coallition canadienne contre la terreur.
Comme les autres pays démocratiques, le Canada s'est construit en adoptant un contrat social, ce qui signifie, en gros, que les citoyens ont consenti explicitement ou implicitement à abandonner certaines de leurs libertés et à se soumettre à l'autorité de l'État en échange d'avantages intéressants. Un contrat social implique des attentes et un consensus par rapport aux relations entre le gouvernement et les citoyens. À mon avis, le projet de loi jette les bases d'une telle relation pour le XXIe siècle.
Le projet de loi et ce que je crois être les modifications du proposent à juste titre deux objectifs: accélérer le processus d'attribution de la citoyenneté à toute personne qui contribue à la sécurité du Canada en étant membre des Forces armées canadiennes, et faire en sorte qu'une personne sera réputée avoir demandé à répudier sa citoyenneté canadienne si elle s'est engagée dans un conflit armé contre les Forces canadiennes ou si elle a commis un acte terroriste ou une trahison.
En principe, je suis en faveur de cette mesure législative. Néanmoins, je voudrais y proposer plusieurs modifications portant surtout sur le terrorisme. J'estime que mes modifications permettront au projet de loi d'atteindre les objectifs visés et d'éviter certaines complications politiques et juridiques.
S'engager dans un conflit armé contre des militaires canadiens et commettre une trahison sont considérés à juste titre comme une violation fondamentale du contrat social. Dans les deux cas, l'individu a accordé son allégeance à des forces armées qui visent à détruire le Canada ou à lui porter préjudice. Il a violé les principes les plus fondamentaux du contrat social d'une façon si flagrante que cela ne peut pas passer pour une simple dissidence. La perte de la citoyenneté canadienne semble être une conséquence logique au crime commis, pourvu que, naturellement, cette personne soit un citoyen d'au moins un autre pays, comme cela a déjà été signalé.
On peut considérer que commettre un acte de terrorisme au Canada ou contre une cible canadienne constitue une façon de rompre les liens fondamentaux qui existent entre l'individu et la société canadienne. L'exclusion de cette personne semble donc être la solution logique. Néanmoins, que se passe-t-il si une attaque terroriste est commise ailleurs qu'au Canada ou ne vise pas notre pays? Pourquoi un tel crime devrait-il être traité différemment d'une autre infraction criminelle violente commise à l'étranger? Quel est le lien entre commettre un tel crime et perdre la citoyenneté canadienne? C'est que le terrorisme pose un défi exceptionnel au Canada et au monde démocratique d'aujourd'hui.
Les terroristes prêtent allégeance à des idéologies et non au pays qui lui accorde son passeport. Ils n'hésiteront pas à user d'une violence inouïe pour atteindre leurs objectifs. En jurant allégeance d'une façon qui viole les principes fondamentaux du contrat social, ces individus ne devraient pas jouir des privilèges de la citoyenneté canadienne susceptibles de leur servir pour semer la mort et la destruction au Canada ou dans un autre pays. Cet argument vaut d'autant plus lorsque des Canadiens ont commis des actes terroristes pour le compte d'organismes reconnus publiquement comme étant des ennemis du Canada ou une menace pour notre pays.
Je voudrais maintenant aborder la question des personnes condamnées pour terrorisme par un tribunal étranger. Le a indiqué qu'il proposerait une modification pour que l'acte terroriste reproché soit également un crime en vertu du droit canadien. C'est une garantie importante, étant donné que des pays non démocratiques, en particulier, sont réputés pour qualifier de terroristes leurs opposants politiques au pays. Le Canada n'associerait donc pas à du terrorisme la simple participation à une manifestation politique, même si cela peut être jugé comme une activité terroriste par un État étranger. Il n'y aurait donc pas de répudiation de la citoyenneté.
Supposons qu'un État étranger détermine qu'un citoyen canadien est coupable d'un acte terroriste qui serait également un crime au Canada. Supposons maintenant que cet État étranger n'est pas doté d'un système juridique qui, d'après nous, permettra la tenue d'un procès équitable et l'application régulière de la loi. Je ne suis pas convaincue qu'on pourrait justifier la perte de citoyenneté pour quiconque a été reconnu coupable d'une infraction criminelle par un tribunal dont les normes ne correspondent pas aux nôtres.
Vous me permettrez de vous formuler une solution. Nous devrions peut-être accepter uniquement les condamnations prononcées dans un pays avec lequel nous avons conclu un accord d'extradition, car un tel accord signifie que nous avons une certaine confiance envers les systèmes juridiques de cet État. La liste des pays d'origine désignés qui a été récemment établie pourrait constituer un autre moyen de déterminer les condamnations qu'on pourrait accepter aux fins de la renonciation à la nationalité.
Par contre, ne s'en tenir qu'à cette liste pourrait empêcher le Canada de prendre des mesures contre des terroristes constituant une grave menace pour notre pays et ses alliés. Il faudrait peut-être exiger que le gouvernement fasse valoir à un juge canadien les raisons pour lesquelles il estime que la décision du tribunal d'un pays ne figurant sur aucune liste devrait être considérée comme judicieuse.
Que le terroriste ait été déclaré coupable au Canada ou à l'étranger, il est important que la loi confère au ministre et/ou à l'appareil judiciaire un pouvoir discrétionnaire et que la répudiation de la citoyenneté ne soit pas systématiquement exigée.
Nous voulons être certains que la perte de la citoyenneté convient dans chaque cas et que cette décision a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes. À ce propos, le ministre, dans son pouvoir discrétionnaire de décision, pourrait peut-être se servir d'un constat de responsabilité civile pour un acte de terrorisme visé par la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme. Une poursuite civile couronnée de succès contre un terroriste, sous le régime de cette loi, éclairerait et prouverait davantage sa participation à des actes de terrorisme et elle aiderait le ministre à établir la gravité de la menace qu'il représente pour le Canada.
Les infractions particulières pour lesquelles quelqu'un est tenu civilement responsable sous le régime de cette loi pourraient être les mêmes que celles dont on se sert pour déterminer si quelqu'un est réputé avoir répudié sa citoyenneté sous le régime du projet de loi , et je suis prête, tout de suite, à parcourir avec vous les dispositions applicables du Code criminel.
En fin de compte, j'accorde des qualités au mécanisme proposé de la citoyenneté réputée répudiée, s'il est assorti de garanties convenables. En matière de sécurité nationale, c'est une nouvelle forme de dissuasion pour ceux qui songeraient à adopter le comportement interdit. Il peut faciliter le renvoi des éléments qui sont dangereux, non seulement pour le Canada, mais aussi pour nos concitoyens vulnérables qui sont sensibles à la radicalisation. Le passeport canadien convoité serait retiré à ceux qui l'utiliseraient pour faciliter les déplacements et l'activité des terroristes.
Je serai heureuse de discuter de mes autres sujets de réflexion avec vous, pendant la période de questions, y compris de celui de la double citoyenneté involontaire, qui a été soulevé plus tôt.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Mme James prendra une partie de mon temps.
Je remercie tous les témoins d'être ici, notamment Mme Basnicki. Merci pour le courage que vous manifestez en comparaissant devant nous. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
Je connais mon histoire et je connais des victimes. Mon père a vécu le goulag, et ma mère a été réquisitionnée pour le travail obligatoire en Allemagne nazie. Quand on parle de la dernière guerre mondiale, nous comprenons donc, de ce point de vue là, les répercussions de la victimisation à une si grande échelle. Au Canada, on a reconnu certains des événements survenus il y a plus de 70 ans, on a présenté des excuses et on a tourné la page. Ce dont il s'agit, en grande partie, c'est de terrorisme et de l'intention de ceux qui voudraient faire du mal à notre pays, au moyen d'actes cruels et inhumains contre des citoyens canadiens, ce qui ne figure pas dans la Charte des droits et libertés.
Cela exige de nous un effort important de prévention. Ici, nous avons le droit de promulguer des lois qui nous conviennent. Nous nous comparons à d'autres pays, mais nous avons le droit, aussi, de faire comme il nous plaît. J'ai été soldat canadien. J'estime, à ce titre, que nous pouvons, sur le plan juridique, distinguer un acte de guerre ou définir un acte de violence.
Je sais assez bien distinguer un acte amical d'un acte hostile. Si on me tire dessus ou si des camarades roulent sur des engins explosifs improvisés, et j'ai perdu beaucoup d'amis en Afghanistan... Je pense que nous ne sommes pas si exigeants pour les personnes que notre pays accueille. Nous leur demandons simplement de ne pas enfreindre nos lois ni de commettre d'actes de terrorisme contre nos concitoyens, pour que chacun puisse vivre en paix et en harmonie et profiter des agréments que le pays offre à tous.
Je vais commencer par M. Collacott. Je pense que beaucoup de ceux qui critiquent le projet de loi ignorent qui sont les victimes très réelles des crimes violents et déloyaux. Ces crimes n'entachent pas seulement la réputation du Canada, mais ils déprécient notre citoyenneté. L'ancien soldat en moi s'offense de partager avec leurs auteurs une citoyenneté pour la défense de laquelle j'ai combattu si ferme. Ils ont tué des mères, des pères, des filles, des fils, des frères, des soeurs, des amis et des êtres chers innocents, comme M. Gupta l'a mentionné de façon si éloquente.
Quel message pensez-vous entendent les victimes de ces crimes qu'on ne reconnaît pas comme telles, les victimes de ces criminels qui conservent les mêmes droits et privilèges que l'immense majorité des Canadiens qui soutiennent si fièrement les valeurs, les droits et les responsabilités qui font partie inhérente de la citoyenneté?
Enfin, pensez-vous que la possibilité de dépouiller les détenteurs d'une double nationalité de leur citoyenneté canadienne, s'ils sont reconnus coupables de terrorisme ou de haute trahison, aura un effet dissuasif? Pourquoi ou pourquoi pas?
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Rien ne prouve l'effet dissuasif. C'est un geste symbolique, rhétorique. Je suppose qu'il signifie quelque chose pour une frange de la population qui estime qu'on n'en a fait pas assez. Voilà donc ce qu'on peut faire. C'est très symbolique et ça répond à ce besoin.
Je sais que le gouvernement se soucie beaucoup, par exemple, des droits des victimes, plus généralement des victimes d'actes criminels. On aurait pu penser que les auteurs de crimes atroces qui ne sont pas nécessairement des actes de terrorisme contre d'autres Canadiens déprécient leur citoyenneté et qu'ils montrent aussi qu'ils rejettent les valeurs canadiennes. Pourtant, le gouvernement, à ce que je sache, ne propose pas de les priver de leur citoyenneté si on les reconnaît coupables, par exemple, de meurtre, de viol ou de détournement d'avion ou d'autres crimes graves.
Permettez-moi de donner un exemple. Il y a quelques années, le colonel Russell Williams des Forces canadiennes, a commis plusieurs meurtres précédés de viols. On pourrait dire qu'il a ainsi traîné dans la honte et la boue les Forces canadiennes, son uniforme, et que ses actions niaient vraiment les valeurs canadiennes. Il a terrorisé et tué plusieurs femmes.
Nous pourrions tous tomber d'accord là-dessus et, pourtant, le projet de loi, apparemment, n'en parle pas. Donc, lui, par exemple, est considéré comme digne d'être puni mais non d'être dépouillé de sa citoyenneté. Est-ce que ça signifie que le gouvernement ne se soucie pas des victimes de ces crimes de la même façon qu'il se soucie de celles des crimes visés par le projet de loi?
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Bien sûr. Permettez-moi de compléter la réponse que je viens de donner. C'est que, à propos, le colonel Russell Williams possède la double citoyenneté anglaise et canadienne.
Revenons aux poursuites intentées par le Canada contre les criminels. Eh bien, il existe déjà une loi pour combattre le terrorisme. Nous l'avons utilisée et nous pouvons l'utiliser. Nous pouvons extrader un criminel ou nous pouvons demander son extradition au Canada. Nous le pouvons et nous nous sommes servis de ce pouvoir.
L'idée selon laquelle le Canada deviendra un endroit plus sûr et le monde aussi, grâce à l'extradition, dénote un esprit de clocher et contredit l'affirmation selon laquelle le terrorisme est un problème mondial. En plus, le choix du pays de destination est bizarrement arbitraire.
Supposons que je sois à la fois citoyenne canadienne et britannique et que je commette un acte de terrorisme, je ne sais pas, peu importe, en Iran, tiens. Je serai dépouillée de ma citoyenneté parce que j'ai commis un acte de terrorisme et je serai déportée en Grande-Bretagne? En quoi ce pays est-il davantage la patrie de quelqu'un comme moi que le Canada? Assistons-nous, dans un certain sens, à une espèce de nivellement par le bas, parce que la Grande-Bretagne est l'autre pays qui possède cette loi?
Si nous croyons que la loi est bonne pour nous, elle doit l'être pour les autres. Qu'arriverait-il si tous les pays faisaient de même? Est-ce qu'il s'agirait d'une course dont le gagnant serait celui qui pourrait dépouiller le plus rapidement des citoyens de leurs droits? Si c'est le principe, qu'en est-il de celui de la coopération internationale et de la lutte mondiale contre le terrorisme, qu'on invoque ici?
D'après moi, le projet de loi ne procure aucun avantage.
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Oui. Merci, monsieur le président.
Au bout du compte, on passe la majeure partie de notre temps à discuter de la possibilité que le fasse appel à un membre du comité pour déposer des amendements. Cela soulève de grandes inquiétudes, notamment en ce qui a trait à la création de deux classes de citoyens. C'est réellement vers cela qu'on se dirige.
Vous avez donné l'exemple du colonel. Ce colonel figurerait sur la liste de l'an prochain, la liste de ceux qui pourraient perdre leur citoyenneté, des individus comme lui, des meurtriers en série et autres criminels. Certains diront qu'on s'avance sur un terrain très glissant.
Serait-il facile de dépouiller quelqu'un de sa citoyenneté? C'est ma première question. L'autre porte évidemment sur ce qui en choquerait plusieurs, c'est-à-dire que nous sommes en train de créer deux classes de citoyens: ceux qui ont une double citoyenneté et les autres. Les conséquences sont profondément différentes pour ceux qui ont le malheur d'avoir une double citoyenneté. Il y en a beaucoup au Canada. Le chef du Nouveau Parti démocratique a la citoyenneté française en plus de sa citoyenneté canadienne. Les règles s'appliquent différemment en fonction de votre citoyenneté.
J'aimerais que vous nous parliez, madame Macklin, des dangers associés à la création de deux classes de citoyens.
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Merci, monsieur le président. Je prends note de mon temps, parce que sept minutes, c'est très vite passé.
Madame Basnicki, quand j'ai appris qu'on allait vous recevoir comme témoin, j'ai demandé comment on pourrait vous poser des questions avec la délicatesse nécessaire. La douleur va toujours demeurer, mais vous avez réussi à tirer du bon de cette tragédie en militant pour la paix, l'ordre et la sécurité pour nous tous qui n'avons pas souffert comme vous d'une telle épreuve.
À la lumière de ce qui s'est produit hier à Boston, et ayant moi-même participé deux fois au marathon de Boston, j'ai pensé demander à notre groupe de faire quelque chose d'un peu spécial: s'arrêter pendant 30 secondes pour réfléchir à ce que vous avez vécu, à ce que M. Gupta a vécu, et à ce qui est arrivé hier à Boston, pour les victimes.
J'aimerais donc prendre 30 secondes de mon temps pour y réfléchir en silence, si vous le voulez bien.
[On observe un moment de silence.]
M. John Weston: Merci.
J'aimerais résumer les témoignages entendus par le comité et mettre d'abord l'accent sur les belles choses que notre collègue tente d'accomplir. Il a parlé de l'appui du public. Le public souhaite qu'on décourage toute forme de terrorisme. Il tente de mieux valoriser la citoyenneté.
Vous avez beaucoup écrit à ce sujet, monsieur Collacott, et notre ministre y a aussi travaillé très fort. Il tente de récompenser ceux qui servent véritablement notre pays et qui risquent leur vie pour le faire. Je crois que tout le monde ici présent est d'accord là-dessus.
Nous avons entendu les avocats ce matin. Madame Macklin, vous avez indiqué très clairement qu'il pourrait être difficile d'atteindre ces objectifs compte tenu de l'article 15 de la charte et d'autres dispositions juridiques en matière d'égalité.
Ma première question s'adresse donc aux témoins qui ne sont pas avocat. Je pense, madame Macklin, que vous avez très bien fait valoir votre point. Selon vous, comment pourrait-on modifier le projet de loi... parce que la base du droit — je parle en tant qu'avocat — va de pair avec le bon sens et le sentiment inné de justice des gens.
Permettez-moi de vous poser la question suivante, monsieur Collacott. Vous y avez longuement réfléchi. Vous savez que le projet de loi pourrait se heurter à des dispositions en matière d'égalité et ainsi être compromis. Nous avons souvent entendu cela. Ce n'est pas un secret. Que feriez-vous à cet égard et comment pensez-vous qu'on pourrait modifier le projet de loi de façon à atteindre les objectifs nobles que le député a mis de l'avant?