:
Bonjour, tout le monde.
[Traduction]
La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 101e réunion du Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 14 février 2024, le Comité se réunit en public pour étudier le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel (la quête de Corinne et la protection des enfants).
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément au Règlement. Les membres y participent en personne dans la salle et à distance, avec l'application Zoom. Les membres qui participent à la réunion de façon virtuelle en ont l'habitude; je ne vous expliquerai donc pas comment utiliser Zoom.
Tous les témoins de notre premier groupe sont avec nous en personne.
[Français]
Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui et je leur souhaite la bienvenue.
De la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, nous recevons Mme Heidi Yetman, présidente, et Mme Tesa Fiddler, membre du Comité consultatif de l'éducation autochtone.
De l'Association provinciale des enseignantes et des enseignants du Québec, nous recevons M. Sébastien Joly, directeur général.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire sa présentation. Nous passerons ensuite à la période des questions.
[Traduction]
Nous allons d'abord entendre la représentante de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui en tant que représentante de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, une organisation qui regroupe les syndicats d'enseignants de toutes les provinces et de tous les territoires. Je suis enseignante et j'ai plus de 20 ans d'expérience en classe.
Je tiens à souligner que je travaille et que je vis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Comme vous le savez, je suis ici pour parler du projet de loi , qui vise à abroger l'article 43 du Code criminel. Cela dit, je dois d'abord et avant tout dire que la Fédération appuie sans réserve tous les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, y compris l'appel à l'action no 6. Nous condamnons également sans réserve toute forme de châtiment corporel.
Cela dit, la Fédération ne peut pas appuyer l'adoption de ce projet de loi sans amendement. Le risque de conséquences imprévues qui pourraient rendre les salles de classe plus dangereuses est trop important. Les enseignants doivent être en mesure d'intervenir physiquement dans certaines situations en classe. C'est la réalité quand on a affaire à des salles de classe complexes et à des besoins complexes.
Je partage aujourd'hui mon temps de parole avec ma collègue enseignante Tesa Fiddler. Mme Fiddler est membre du Comité consultatif sur l'éducation autochtone de la Fédération, ainsi que du groupe de référence autochtone de l'Internationale de l'éducation. Je suis donc très heureuse de vous la présenter.
:
Meegwetch, madame Yetman.
Tesa Fiddler, nindizhinikaaz. Je suis une enseignante de la Première Nation de Kitchenuhmaykoosib Inninuwug, visée par le traité no 9. Je suis également liée, par l'entremise de mon père, au territoire traditionnel de la Première Nation d'Onigaming, visée par le traité no 3. Je vis et je travaille à Thunder Bay, en Ontario, depuis 26 ans, et j'y élève ma famille.
Je tiens d'abord à témoigner ma reconnaissance envers le peuple anishinabe algonquin, à qui appartient le territoire sur lequel je me trouve aujourd'hui, de nous permettre de faire ce travail.
En tant qu'enseignante autochtone ayant près de 30 ans d'expérience — je n'arrivais pas à y croire lorsque j'ai vu ce chiffre sur papier — et en tant qu'ardente défenseure de la réconciliation, je suis ici pour vous parler de la nécessiter de modifier le projet de loi .
Je tiens à assurer au Comité et aux autres personnes qui se sont engagées à abroger l'article 43 que je reconnais également l'importance d'apporter cette modification d'envergure au Code criminel.
J'honore et je respecte personnellement les appels à l'action. En tant que survivante de deuxième génération des pensionnats — ma mère a fréquenté le pensionnat de Poplar Hill et mon père a fréquenté le pensionnat Cecilia Jeffrey —, les appels à l'action sont importants pour moi, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Ayant moi-même été témoin de violence, je n'approuverais jamais la violence dans les foyers, les salles de classe ou d'autres établissements, sous quelque forme que ce soit. J'ai le plus grand respect pour l'honorable Murray Sinclair et les nombreuses personnes qui ont courageusement dirigé la Commission de vérité et réconciliation et qui ont fourni au pays un guide pour améliorer les relations entre les peuples autochtones et non autochtones.
Je ne suis pas ici pour m'opposer à l'abrogation de l'article 43. Je suis ici pour vous demander de prendre en considération les suggestions des experts en enseignement, qui ont pour but de protéger les élèves et leurs enseignants.
Au cours de ma carrière, j'ai travaillé avec des élèves ayant des besoins complexes, et j'ai servi de mentor à de nombreux enseignants et éducateurs qui gèrent des cas difficiles en classe. Nous avons des élèves autistes et atteints de l'ETCAF, ou ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale, des élèves qui ont de la difficulté à gérer leur colère, des élèves qui ont des antécédents de violence et d'exposition à des traumatismes. Dans un monde idéal, il y aurait plus de soutien pour les élèves qui se trouvent dans ces situations difficiles, et les enseignants obtiendraient l'aide dont ils ont besoin pour composer avec ces profils et ces situations complexes en classe. La triste réalité, c'est qu'il n'y en a pas. Par conséquent, l'adoption du projet de loi sans amendement rendra encore plus difficile un travail qui l'est déjà.
Ce sont les réalités auxquelles font face tous les enseignants, y compris les enseignants autochtones. Nos situations communautaires sont très complexes. Le bien-être de nos enfants est en danger. En tant que parent d'un enfant ayant des besoins particuliers et complexes, je reconnais les défis auxquels nos collectivités et nos familles doivent faire face. Il serait vraiment désavantageux pour les enfants et les enseignants d'abroger cet article sans apporter les modifications nécessaires pour protéger les enfants.
Meegwetch.
:
Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Sébastien Joly, et je suis le directeur général de l'Association provinciale des enseignantes et des enseignants du Québec, ou APEQ.
L'APEQ représente les 8 000 enseignants qui travaillent au sein du réseau des écoles publiques anglophones du Québec. L'APEQ est également membre de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, ou FCE, et elle négocie en cartel avec la Fédération des syndicats de l'enseignement du Québec.
Membres du Comité, je désire vous remercier de me donner l'occasion de présenter le point de vue du Québec ainsi que la réalité des enseignantes et des enseignants que nous représentons dans le contexte de l'étude du projet de loi , qui porte sur l'abrogation de l'article 43 du Code criminel canadien.
D'entrée de jeu, je dirai que l'abrogation de cet article constitue une très grande source d'inquiétude pour l'APEQ et pour la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Sachant que ce projet de loi émane des 94 recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et des appels à l'action qui y sont rattachés, je dois absolument préciser que la position adoptée par l'APEQ n'a aucunement pour objet de minimiser les sévices subis pendant des années par les peuples autochtones du Canada dans les pensionnats, ni de remettre en question la valeur hautement symbolique du retrait de l'article 43 du Code criminel canadien, symbole de la pratique passée de la punition corporelle, tant sur le plan institutionnel que domestique. Au contraire, l'APEQ souscrit pleinement à l'esprit des mesures recommandées par la Commission, et elle a notamment participé activement au processus de révision du curriculum en lien avec les appels à l'action nos 62 et 63, sous le titre « L'éducation pour la réconciliation », ayant mené à la révision des contenus du programme d'histoire et éducation à la citoyenneté, au Québec.
De plus, comme la FCE, l'APEQ s'oppose depuis plusieurs décennies à la pratique de toute forme de punition corporelle.
[Traduction]
Bien que nous soyons pleinement conscients de l'intention qui sous-tend la présentation de ce projet de loi, il est essentiel de veiller à ce que son adoption n'entraîne pas de conséquences involontaires et malheureuses pour les enseignantes et les enseignants que nous représentons.
En ce sens, nous sommes convaincus, après avoir consulté nos conseillers juridiques, que la suppression des éléments de protection inclus dans l'article 43, en l'absence d'un amendement au Code criminel pour garantir des protections au personnel scolaire, constituerait un risque sérieux pour les enseignants, ainsi que pour d'autres membres du personnel scolaire, étant donné le contexte et les conditions dans lesquels ils exercent leur profession au quotidien.
En effet, la composition de plus en plus complexe des classes dans le contexte d'un manque flagrant de ressources professionnelles et de soutien spécialisé, ainsi que l'augmentation constante de la violence au sein de nos écoles, que ce soit en classe ou en dehors, fait que les enseignants sont régulièrement confrontés à des problèmes qui pourraient nécessiter l'utilisation d'une force raisonnable à l'égard d'un élève dans le seul but de s'acquitter de leur responsabilité d'assurer un environnement scolaire sécuritaire pour l'ensemble des élèves. Le vide juridique ainsi créé les exposerait nécessairement à un risque accru d'être visés par des accusations criminelles, et même d'être condamnés pour une intervention effectuée dans l'exercice de leurs fonctions. En effet, ces interventions seraient automatiquement considérées comme des voies de fait en vertu du paragraphe 265(1) du Code criminel du Canada.
En tant que directeur général de l'APEQ, je suis directement responsable du suivi de tous les dossiers relatifs aux allégations criminelles déposées contre des enseignants membres de nos syndicats locaux à travers le Québec. Je travaille en étroite collaboration avec le cabinet d'avocats Battista Turcot Israel basé à Montréal, qui représente nos membres dans les cas de ce type.
Ainsi, je peux confirmer que l'existence de l'article 43, dont la portée a été considérablement redéfinie par l'arrêt de 2004 de la Cour, ne peut plus être utilisée comme moyen de défense pour les enseignants accusés d'agression au sens de la loi. Toutefois, c'est l'existence même de l'article 43 qui permet aux différents acteurs impliqués — les enquêteurs de police, les procureurs, et les juges —, d'exercer un certain pouvoir discrétionnaire dans de tels cas, et notamment lorsqu'il est clair, à la suite d'une enquête, qu'un enseignant a fait l'usage de force raisonnable dans le but d'assurer un environnement scolaire sécuritaire pour ses élèves. Par conséquent, de nombreux cas ne se rendent pas jusqu'à l'étape du procès. Néanmoins, selon nos experts juridiques, l'abrogation complète de l'article 43 risque d'entraîner l'annulation de ce pouvoir discrétionnaire, et donc une augmentation du nombre de mises en accusation, de poursuites et de condamnations, avec toutes les conséquences que cela implique pour les enseignants concernés et leurs familles.
Enfin, nous craignons que ce risque accru pour les enseignants n'entraîne d'autres conséquences malheureuses et involontaires. La sécurité de nos écoles risque d'être affectée, et les futurs enseignants potentiels pourraient abandonner ce noble choix de carrière, exacerbant ainsi la crise de recrutement et de maintien en poste des enseignants à laquelle sont confrontés nos systèmes scolaires publics au Québec et dans l'ensemble du pays.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et d'approfondir les éléments présentés dans le mémoire soumis par l'APEQ.
Je vous remercie.
Je tiens tout d'abord à remercier tous les témoins de leur présence. C'est un plaisir et un honneur d'être parmi vous. Je suis père d'un enfant neurodivergent, mes sœurs sont toutes deux enseignantes, et j'ai moi-même pratiqué et enseigné le droit pénal pendant un certain nombre d'années. J'ai donc l'impression de me trouver à la croisée de ces trois éléments. Je vous remercie pour votre présence et pour votre contribution à cette discussion qui me tient à cœur.
Il va sans dire que toutes les personnes ici présentes, les parlementaires comme les témoins, sont prêtes à dénoncer toute forme d'abus. La question est la suivante: comment le projet de loi dont nous sommes saisis peut‑il favoriser un environnement scolaire sécuritaire? C'est sur ce point que j'ai hâte d'entendre vos propositions.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez abordé les grandes lignes du problème. Je ne sais pas si, au nom de la FCE et de l'APEQ, vous pourriez présenter concrètement les lacunes entourant la suppression de l'article 43. D’après votre expérience, en quoi la suppression de cet article risque‑t-elle de s'avérer problématique?
:
Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, j'enseigne depuis plus de 23 ans. Je me souviens de mon premier poste. J'étais responsable d'une classe de
présecondaire, c'est-à-dire une classe de 7
e année. J'étais la petite nouvelle. Vous savez, quand vous venez tout juste d'arriver sur le terrain, vous essayez de faire de votre mieux. Une bagarre a éclaté dans ma classe. Heureusement, tous les élèves étaient plus petits que moi. Ils étaient en 7
e année, donc on parle d'enfant de 12 ans. Pourtant, ce fut une sacrée bagarre, et le sang a coulé. J'ai dû séparer les deux enfants en cause, et j'en ai emmené un avec moi dans le bureau du directeur. En vertu du Code criminel, il pourrait s'agir d'une agression. Bien entendu, j'ai fait mon devoir parce que je voulais protéger les deux enfants fautifs et les enfants qui étaient restés dans la classe. J'aurais pu être accusée d'agression pour avoir agi de la sorte. Mais à l'époque, je ne savais rien de tout cela. J'étais nouvelle, et je n'avais même pas entendu parler de l'article 43.
Nous craignons qu'en ne modifiant pas l'article 43, nous fassions courir aux enseignants le risque d'être accusés d'agression. Notre mémoire contient une cinquantaine d'exemples d'incidents pour lesquels l'article 43 a été invoqué et qui n'ont pas été portés devant les tribunaux. Certains cas l'ont été. Je pense par exemple à Bender contre Ontario, un cas qui a été porté devant les tribunaux en 2023, et qui s'est conclu par le congédiement de l'enseignant. C'est ce genre de dérives que nous craignons.
En tant que dirigeante syndicale, je rappelle souvent aux enseignants de faire très attention, et surtout de ne jamais toucher un enfant, car rien ne garantit leur protection dans le contexte actuel du droit pénal.
:
Nous avons au Québec les mêmes préoccupations concernant l'abrogation de l'article 43. D'après l'expérience de l'Association provinciale des enseignants du Québec concernant les allégations de nature criminelle déposées au fil des ans contre des enseignants, les conseillers juridiques avec lesquels nous travaillons dans tous ces cas ont confirmé que l'article 43 était un moyen de défense pour un enseignant ou un travailleur du secteur de l'éducation. On nous a demandé combien de cas ou de décisions judiciaires ont mentionnés l'article 43 comme moyen de défense pour un enseignant ou un travailleur de l'éducation. Il n'y en a pas beaucoup, et il y a une raison à cela: la majorité des cas ne se rendent pas à l'étape du procès.
J'ai servi comme témoin lors d'un procès. Nous nous sommes présentés devant le juge pour défendre notre membre. Je pense qu'il s'agissait d'un jeune procureur, qui n'était probablement pas vraiment au courant de l'existence de l'article 43. Le juge, dès le départ, a pris une décision sur le banc, et il a rappelé au procureur l'existence de l'article 43.
Il est très important de comprendre que dans 90 à 95 % des cas où il y a des allégations de ce type, l'article 43 est pris en compte par les différentes parties prenantes avant le procès. De toute évidence, l'expérience montre qu'il y a régulièrement des allégations à l'encontre d'enseignants pour diverses raisons, y compris des agressions ou des allégations d'agressions, et que ces enseignants et leurs familles en subissent les conséquences. Même une enquête peut s'étendre sur un an à un an et demi avant, et ce, avant même que le procureur se penche sur le cas, ce qui fait que l'enseignant se retrouve suspendu pendant un bon moment.
Par conséquent, nous partageons évidemment les inquiétudes de la FCE, à savoir que les allégations et les mises en accusation risquent de se multiplier, et qu'il pourrait y avoir davantage d'affaires portées devant les tribunaux en l'absence de l'article 43.
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Merci beaucoup, madame Yetman et monsieur Joly. Vos deux organisations sont très importantes pour moi. Ma mère et mes deux tantes étaient administratrices d'école. J'ai donc entendu parler à plusieurs reprises des conséquences de ce projet de loi et de ce qu'elles en pensaient.
Monsieur Joly, vous avez fait une très bonne remarque, que beaucoup de gens ont soulevée, sur le fait qu'il y a très peu de cas où cela doit être utilisé comme défense. Ce que vous dites en fait, c'est qu'il est rarement nécessaire de l'utiliser comme moyen de défense, parce que les procureurs savent qu'il existe et que, par conséquent, ils n'inculpent pas les gens pour des allégations d'agression dans la salle de classe. Est‑ce exact?
J'ai encore une question pour vous, monsieur Joly, puis je vais passer à Mme Yetman.
L'un des arguments avancés est qu'il existe d'autres professionnels qui s'occupent d'enfants, comme les aide-soignantes et les éducatrices, qui ne sont pas couvertes par cette mesure de protection et qui, pourtant, ne font pas l'objet d'un nombre extraordinaire d'inculpations.
Pourriez-vous expliquer pourquoi vous pensez qu'il faut une catégorie spécifique de protection pour les enseignants?
:
Merci, madame la présidente.
Je vais me prévaloir des 20 secondes de M. Housefather.
Des voix: Ha, ha!
Madame Fiddler, madame Yetman et monsieur Joly, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
Je ne sais pas si on l'a mentionné au début, mais pour les besoins de la cause, j'aimerais préciser que nous avons un service d'interprétation. Vous pouvez, à votre convenance, vous exprimer en anglais ou en français. Chacun de nous entendra très bien vos témoignages.
Je suis content de vous voir aujourd'hui. La sécurité et l'éducation de nos enfants, notamment, sont des préoccupations importantes. Il est bien évident que la violence à l'endroit des enfants doit être exclue et que nous devons faire le nécessaire, en tant que législateurs, pour qu'elle ne soit autorisée d'aucune façon.
En faisant un survol rapide de la jurisprudence et de ce qui se passe dans d'autres États, il m'a paru évident que les châtiments corporels étaient majoritairement interdits. C'est en effet le cas un peu partout. Je me demande cependant si l'on n'est pas en train de mélanger deux choses, c'est-à-dire le châtiment corporel et l'utilisation de la force dans le but d'assurer la sécurité et l'éducation des enfants. Il peut s'agir de les protéger, eux, mais également de protéger leur environnement, par exemple d'autres camarades de classe. C'est ce qui me préoccupe au moment où nous abordons l'étude du projet de loi . Ce que vous nous dites ce matin est intéressant, à mon avis, et va un peu dans le sens de ce que j'ai à l'esprit depuis le début.
M. Housefather a demandé si ce genre d'exception ne pourrait pas être utile également dans le cas des travailleurs, notamment des travailleurs de la santé. Je me demande si cela ne pourrait pas s'appliquer même aux parents. Ne devrait-on pas les mettre sur un pied d'égalité, en faisant peut-être les adaptations nécessaires? On parle ici de toute personne qui détient l'autorité parentale ou à qui on la délègue, peu importe qu'il s'agisse d'un instituteur, d'un parent ou de quelqu'un d'autre.
Quel est votre avis là-dessus?
J'inviterais peut-être M. Joly à répondre en premier. Mme Yetman ou Mme Fiddler pourraient intervenir par la suite.
:
Je suis aussi un parent. Il est probable que je m'exprime à titre de parent, mais je le fais évidemment en tant que représentant de l'Association provinciale des enseignantes et des enseignants du Québec. Je me prononce donc au nom des enseignants et de nos collègues appartenant à d'autres catégories d'emploi dans le secteur de l'éducation.
M. Housefather demandait si l'on ne pouvait pas étendre ce genre d'exception à l'ensemble des intervenants, par exemple les éducateurs qui travaillent dans les centres jeunesse. Nous ne nous opposerions effectivement pas à cela, mais il s'agirait vraiment, dans ce cas, de parler au nom des enseignants et d'aborder nos préoccupations concernant les conséquences de l'abrogation, sans amendement, de l'article 43.
Il y a des risques auxquels ces personnes seraient exposées dans leur quotidien en raison des conditions dans lesquelles elles font leur travail et des situations auxquelles elles doivent faire face au jour le jour.
:
Je vous remercie de représenter les enseignants. Vous le faites tous très bien.
Je vous adressais quand même la question, parce que vous êtes en quelque sorte des experts dans l'éducation des enfants. Certains grands principes que vous appliquez pourraient aussi s'appliquer pour toute personne qui participe à l'éducation des enfants, qu'il s'agisse d'un parent, d'un oncle, d'une tante ou d'un éducateur qui se voit confier la garde, par exemple, d'un garçon de cinq ans pour une fin de semaine.
En fin de compte, toutes ces personnes ne devraient-elles pas être traitées de la même façon?
Ne devrions-nous pas tous nous assurer que chacun puisse intervenir efficacement lorsque la garde d'un enfant lui est confiée, d'une façon ou d'une autre, par les parents? Je partage votre avis sur le sujet.
Comme il ne doit plus rester tellement de temps, j'aimerais aborder un tout autre sujet.
Nous savons que le projet de loi découle d'un appel à l'action du rapport de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada. Vous en avez parlé tantôt et vous connaissez le rapport en question.
Avez-vous une opinion sur la façon dont l'abrogation de l'article 43 du Code criminel pourrait faire progresser la situation des communautés autochtones du Canada?
Nous comprenons qu'il y a eu des abus dans le passé et que cela ne donne rien d'épiloguer sur le sujet. Nous convenons tous que cela n'avait pas de bon sens.
Cela dit, en quoi le fait d'abroger aujourd'hui cet article va-t-il aider à l'épanouissement des communautés autochtones au Canada?
Pouvez-vous me fournir des commentaires sur la question?
:
D'accord, je vais essayer.
L'abrogation de l'article 43 viser à honorer ce précédent et la vérité qui s'en dégage. Cette histoire a laissé un héritage de violence et de préjudice, et ce sont donc les recommandations qui en ont découlé.
Huit ans plus tard, nous devons commencer à prendre des mesures pour la suite des choses. Nous devons mettre en place les garanties qui protégeront les enfants, les familles et les organismes qui fournissent des services à une population particulièrement vulnérable.
Selon moi, c'est ce que nous allons accomplir grâce à l'abrogation de l'article 43.
:
Je vous remercie d'avoir anticipé ma prochaine question.
Nous avons d'autres problèmes techniques, je crois, étant donné que nous étudions un projet de loi d'initiative parlementaire. Je ne mets aucunement en doute les défis auxquels les enseignants font face en classe à l'heure actuelle. Je ne cherche pas du tout à minimiser les préoccupations concernant les conséquences juridiques de l'abrogation.
J'aimerais toutefois soulever deux points. Premièrement, l'éducation est principalement de compétence provinciale. Par conséquent, je ne sais pas si, en dehors du Code criminel, nous pouvons régler certains des problèmes majeurs. Deuxièmement, bien entendu, le projet de loi porte sur l'abrogation. Selon le Règlement de la Chambre, les projets de loi d'initiative parlementaire ont une certaine portée, et il peut être difficile d'essayer de modifier d'autres articles du Code criminel ou d'autres lois. En fait, il se peut que cela soit irrecevable.
Je me demande simplement comment vous réagissez à ces préoccupations.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leur présence.
Je viens d'une famille d'enseignants. Ma mère était enseignante, et ma fille enseigne maintenant sur le territoire des Six Nations. Je suis très heureuse d'entendre vos observations aujourd'hui.
L'une des discussions que nous avons eues dans le cadre des témoignages que nous avons entendus jusqu'ici, c'est que nous avons déjà établi clairement qu'il est illégal de maltraiter un enfant ou de lui faire violence. Certes, comme l'a mentionné M. Joly, la Cour suprême a ajouté ce qui suit dans sa décision et son interprétation:
[...] il faut que l’emploi de la force soit réfléchi et modéré, qu’il réponde au comportement réel de l’enfant et qu’il vise à contrôler le comportement, à maîtriser l’enfant ou encore à exprimer une désapprobation symbolique. Ils ont ajouté que l’enfant doit être en mesure de comprendre la correction et d’en tirer profit, ce qui veut dire que l’article 43 ne justifie pas l’emploi de la force à l’égard d’enfants de moins de deux ans ou d’enfants ayant certaines déficiences [...] Selon la décision, l’expression laisse entendre également que la force ne doit pas être utilisée contre des adolescents, car cela risquerait de déclencher un comportement agressif ou antisocial. Elle ne doit pas non plus être appliquée au moyen d’objets comme une règle ou une ceinture et ne doit pas toucher la tête.
Si je ne me trompe pas, vous nous avez dit aujourd'hui qu'il n'y a pas beaucoup de plaintes qui sont déposées, parce que les gens comprennent les protections prévues à l'article 43.
Ma question est donc la suivante: pensez-vous que l'article 43, dans sa forme actuelle, vous offre la protection dont vous avez besoin aujourd'hui?
Commençons par M. Joly.
:
Oui, c'est bien le cas — dans la version actuelle, mais aussi à la suite des rectifications ou des modifications découlant de la décision rendue en 2004 par la Cour suprême. Nos experts juridiques sont d'avis que si l'article devait être complètement abrogé, sans aucun amendement — encore une fois, techniquement, j'ignore comment cela se ferait, mais vous le savez peut-être —, cela poserait un risque. Cela changerait la donne en ce qui concerne ce genre d'allégations.
Comme je le disais, l'article 43 est toujours pris en compte par les intervenants concernés, par les enquêteurs, et j'en passe. Cela se fait toujours à l'issue d'une enquête dont la conclusion montre l'usage d'une force raisonnable, conformément à la définition.
De plus, cet article a été conçu pour offrir des protections ou assurer la sécurité dans le milieu scolaire. C'est là que les intervenants peuvent utiliser leur pouvoir discrétionnaire. C'est là que la police dit habituellement au procureur qu'elle ne recommande pas de porter des accusations. Le procureur ira alors de l'avant et ne portera pas d'accusations. C'est là que l'article a une incidence dans 95 % des cas.
:
Oui, en ce moment, l'article protège les enseignants.
La Cour de l'Ontario a rendu un jugement le 20 décembre 2023 dans l'affaire R. c. Bender. C'était un enseignant en troisième année du primaire. Il enseignait à une classe difficile d'élèves ayant des besoins particuliers. Malheureusement, il a été accusé en décembre 2020, et il a fallu trois ans avant que le jugement soit rendu. La cour a conclu que ses actes étaient justifiés au regard de l'article 43.
Alors, oui, cet article fait l'affaire, mais comme je l'ai déjà dit, le libellé a été rédigé en 1892. Je pense que le problème avec l'article 43, c'est l'expression « l'emploi de la force pour corriger ». C'est pourquoi notre amendement porte très précisément sur la sécurité.
:
Tout d'abord, je pense qu'il est vraiment important de souligner que depuis la pandémie, la violence en classe a augmenté. La Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire a mené un sondage auprès de ses membres en 2023, il y a un an, et 80 % d'entre eux ont dit que le nombre d'incidents violents avait augmenté. Les enseignants feront face à plus de 50 cas de harcèlement ou de violence au cours d'une année.
Je tiens également à mentionner un point. Cette observation déborde un peu le cadre du projet de loi ou ratisse un peu trop large, mais 80 % des enseignants sont des femmes. Je pense que ce fait est également important, parce que cela signifie que les femmes travaillent dans un contexte très dangereux. Comme Mme Fiddler l'a mentionné, nous n'avons pas les ressources nécessaires. Il y a un sous-financement systémique de l'éducation dans les provinces. Nous avons besoin de plus de formation. Nous avons besoin de plus de ressources. Puisque ce n'est pas le cas, si l'article 43 disparaît, nous assisterons, comme nous l'avons déjà dit, à plus de problèmes de violence, parce que les enseignants se feront rappeler qu'ils ne peuvent pas lever la main sur les enfants. Nous procéderons à un plus grand nombre d’évacuations. Je suis sûre que vous en avez entendu parler. Lorsqu'un enfant perd les pédales, nous devons évacuer toute la classe.
:
Comme mon collègue M. Garrison l'a souligné, cette partie relève vraiment de la compétence provinciale. Nous parlons ici de protéger les enfants contre une force déraisonnable.
Je suis également très préoccupée par les garderies. Les enfants de 2, 3 et 4 ans ne peuvent pas s'exprimer, et ils peuvent subir de mauvais traitements comme se faire pincer le bras, se faire tirer les cheveux, etc. Les médias en parlent, et il y a parfois des histoires horribles. Comment protéger ces enfants qui ne peuvent pas s'exprimer? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Comment se fait‑il qu'une exception soit requise dans le Code criminel pour le recours à la force afin de corriger le comportement des enfants, alors que nous n'avons pas une telle exemption pour toute autre catégorie de personnes?
:
Encore une fois, l'exemption ou l'amendement que nous demandons vise uniquement à assurer la sécurité dans le milieu scolaire. Il ne s'agit pas de permettre aux enseignants d'utiliser la force pour corriger les élèves.
Soit dit en passant, si un enseignant, un travailleur de l'éducation ou un éducateur dans une garderie utilise la force pour corriger un élève, que ce soit de façon injustifiée et non pour assurer la sécurité, il est peu probable que l'article 43 les protège dans l'état actuel des choses, compte tenu de la rectification apportée en 2004 par la Cour suprême.
Essentiellement, ce que nous demandons en proposant l'amendement, c'est vraiment de veiller à ce que ces protections pour la sécurité des élèves soient maintenues ou placées ailleurs dans le Code criminel, car, à défaut de quoi, tous les experts juridiques sont d'avis que nous devrons conseiller à nos membres de ne pas intervenir physiquement dans quelque circonstance que ce soit en raison du risque d'allégations et d'accusations possibles.
:
Merci, madame la présidente.
Nous savons que l'abolition de l'article 43 risquerait de causer une augmentation des accusations possibles contre des enseignants. Vous nous l'avez dit. Cependant, à notre comité, nous avons aussi étudié de nombreuses dispositions du Code criminel relatives à certains groupes de notre société qui sont surreprésentés dans le système judiciaire ou dans le système de protection de la jeunesse. Je me demande quel effet aurait l'abolition de l'article 43 sur ces groupes. Pensons, par exemple, aux parents autochtones ou aux parents de groupes racisés, que ce soit la communauté noire ou d'autres communautés.
Monsieur Joly, à votre avis, l'abolition de l'article 43 aura-t-elle un effet sur ces groupes? Si oui, quel serait cet effet?
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Cela aurait un effet sur les groupes sous-représentés. Je peux parler, en tant qu'Anishinabe, de ce dont j'ai été témoin et de ce que j'ai vécu. En raison de l'histoire et des traumatismes que nous avons subis, il y a eu beaucoup de ruptures familiales et communautaires. Les systèmes qui étaient traditionnellement en place n'existent plus. Le rôle de parent est souvent assumé de façon intergénérationnelle. Par exemple, ma mère élève son arrière-petite-fille de 9 ans, parce que mes nièces sont aux prises avec leurs propres problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
Lorsque des parents intergénérationnels élèvent un enfant dont les parents biologiques sont peut-être absents, on considère cela comme un rôle parental sain ou des structures familiales saines. Quand on pense à la protection de l'enfance et à ce qui constitue un risque imminent, ces problèmes ont été créés par les systèmes occidentaux. Même si nous faisons de notre mieux pour préserver la famille, ce n'est pas ce qui se produit. En tout cas, nous faisons de notre mieux.
Les Autochtones ne représentent que 4 % de la population canadienne, mais ils comptent pour 30 à 50 % de la population carcérale. C'est incroyablement disproportionné. On pourrait faire le même constat dans le cas des Noirs. Le ratio est très disproportionné. Cela aurait certainement des conséquences négatives.
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Cela nous pose un problème en tant que Comité. Je vous remercie d'avoir fait des suggestions quant aux modifications qui doivent être ajoutées, mais je suis perplexe. Comme l'a souligné Mme Gladu, le Comité n'est pas vraiment en mesure d'élargir le champ d'application du projet de loi. Il n'y a que la Chambre qui puisse le faire, et il est très rare que cela se produise.
Il y a toutefois quelques moyens de permettre l'amendement. Le gouvernement peut, à tout moment, présenter un projet de loi. Par conséquent, si le présent projet de loi d'initiative parlementaire progresse, le gouvernement pourrait présenter un projet de loi complémentaire pour apporter les modifications dont vous parlez, ou un autre député pourrait présenter un projet de loi d'initiative parlementaire supplémentaire, bien que ce processus soit bien sûr plus long.
Madame Yetman, je ne crois pas que la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants ait eu l'occasion de parler précisément des modifications que vous souhaitez apporter à d'autres articles du Code criminel. Je sais que vous nous avez envoyé des documents à ce sujet.
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Notre conseiller juridique a rédigé un projet d'amendement visant le paragraphe 26(5) proposé. Cependant, comme je l'ai déjà dit, je suis enseignante, pas législatrice. J'ignore ce qui doit être fait pour la suite.
Hier, en me préparant pour la séance d'aujourd'hui, j'ai constaté qu'en 2007, la Nouvelle-Zélande a apporté une modification à sa loi sur la criminalité, sur laquelle le Comité pourrait se pencher. Le libellé est très proche de celui que le Canada utilise. La loi contenait une formulation similaire à « l'emploi de la force pour corriger », qui a été remplacée par quelque chose d'autre. Il s'agissait à la fois d'une abrogation et d'une modification. La modification portait sur la sécurité des enfants. Il pourrait être utile de se pencher là‑dessus. Cela s'est fait en 2007.
Notre amendement figure dans notre dossier. Il parle de « protéger la sécurité de l'enfant » et « d'empêcher l'enfant de causer des dommages corporels ou émotionnels à lui-même ou à d'autres personnes ». Il n'est pas question d'employer la force pour corriger. Il s'agit de protéger l'enfant et d'assurer sa sécurité.
J'espère que tous les membres du Comité ont reçu le document. Si ce n'est pas le cas, nous veillerons à ce que vous le receviez.
Nous allons confirmer que les documents ont été reçus et qu'ils ont été traduits. Les documents ne sont distribués qu'au moment où nous les avons dans les deux langues officielles.
Sur ce, je voudrais simplement vous rappeler que dans l'éventualité où vous souhaiteriez réagir à ce que vous avez entendu aujourd'hui ou que vous n'auriez pas pu répondre à certaines questions faute de temps, nous serons heureux de recevoir tout cela par écrit. Malheureusement, nous avons décidé que notre échéance est demain à midi. Nous nous réunirons à nouveau jeudi matin pour voir ce que le Comité a à dire au sujet de ce projet de loi.
Je vous remercie à nouveau de votre comparution.
[Français]
Je remercie les témoins d'avoir été des nôtres ce matin.
[Traduction]
Je vous souhaite une bonne semaine.
Nous avons quelques témoins qui comparaissent en personne, et je crois que nous en avons un qui comparaît par vidéoconférence. Nous ferons les tests nécessaires pour nous assurer que tout fonctionne.
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Bienvenue à la deuxième heure de cette réunion.
Pour notre deuxième groupe d'experts, nous avons trois témoins.
D'abord, ici à titre personnel, il y a Mme Lisa M. Kelly, professeure agrégée à la Faculté de droit de l'Université Queen's, et M. Marc Levasseur. Est également présent, le président de la Nova Scotia Teachers Union — le Syndicat des enseignants de la Nouvelle-Écosse —, M. Ryan Lutes. Il vient de ma circonscription, Halifax-Ouest.
Je vous souhaite à tous la bienvenue.
Vous disposez de cinq minutes chacun pour nous livrer votre déclaration liminaire.
Je vous ferai signe lorsqu'il ne vous restera que 30 secondes. Comme il y a trois témoins aujourd'hui, je vais probablement vous interrompre lorsque le temps sera écoulé, car nous voulons permettre aux membres du Comité d'avoir suffisamment de temps pour poser des questions. Si vous n'avez pas le temps de répondre à certaines questions qui vous seront posées et que vous souhaitez le faire au moyen d'un message écrit, faites‑le par l'intermédiaire du Bureau du greffier.
Nous allons commencer par Mme Lisa Kelly. Madame Kelly, vous avez cinq minutes.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Mes recherches et mon enseignement à la Faculté de droit de l'Université Queen's portent sur la façon dont le système juridique affecte les jeunes — en tant que victimes et en tant que personnes accusées d'infractions pénales — ainsi que leurs familles et leurs enseignants.
D'emblée, je tiens à affirmer clairement, comme l'ont fait les témoins précédents, que je salue les objectifs des auteurs de ce projet de loi, c'est‑à‑dire l'élimination de la pratique des châtiments corporels infligés aux enfants et le fait de promouvoir des soins optimaux à leur égard tant à la maison qu'à l'école.
Cela dit, la question posée au Parlement est bien ciblée et elle porte sur le rôle que la loi peut jouer à cet égard, et en particulier, le droit pénal.
Ma déclaration liminaire se focalise sur les trois aspects. Premièrement, la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation. Deuxièmement, les conséquences que l'abrogation pourrait avoir sur le plan juridique pour les familles et les enfants. Troisièmement, les caractéristiques démographiques des parents et des tuteurs les plus susceptibles d'être touchés par l'abrogation.
Comme chacun le sait, le sixième appel à l'action de la Commission de vérité et réconciliation a recommandé l'abrogation de l'article 43 du Code criminel. On cherchait en cela à rompre avec les systèmes juridiques et étatiques qui ont permis les excès génocidaires pratiqués à l'encontre des enfants autochtones dans les pensionnats. En examinant cette abrogation aujourd'hui, il est important de rappeler que l'article 43 est beaucoup plus restreint qu'il ne l'était autrefois puisque, comme vous le savez, la Cour suprême du Canada en a grandement limité la portée en 2004.
L'une des répercussions possibles de l'abrogation proposée aujourd'hui, c'est qu'elle contribuera à une culture sévère d'ingérence de l'État, y compris le retrait d'enfants, une pratique à laquelle les familles et les enfants autochtones seront soumis de manière disproportionnée. En fait, je dirais que l'élargissement de la responsabilité pénale des parents pourrait compromettre les initiatives récentes visant à promouvoir la souveraineté autochtone en matière de protection de l'enfance, y compris la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Cela m'amène à mon deuxième point, les répercussions possibles de l'abrogation sur le plan juridique. À l'article 265 du Code, le Canada définit les voies de fait de manière très large au point d'y inclure tout contact physique non consensuel au‑delà d'un seuil minimal. Comment l'abrogation modifiera‑t‑elle cette base juridique?
Permettez-moi de vous donner un court exemple. Supposons qu'une mère installe un enfant de cinq ans dans un siège de voiture et que l'enfant se met à donner des coups de pied à la mère en insistant sur le fait qu'il refuse de voyager dans ledit siège. Après s'être débattue avec l'enfant et avoir reçu plusieurs coups de pied à la poitrine et au menton, la mère frappe l'enfant deux fois sur les tibias et lui demande de cesser de résister à sa volonté de l'asseoir dans son siège, ni maintenant ni à l'avenir. Quelles sont les conséquences potentielles pour le parent et l'enfant si cet incident est porté à l'attention de la police, et comment ce signalement peut‑il seulement se produire?
Le parent peut se trouver dans une situation de divorce hautement conflictuelle ou avoir à composer avec une famille acrimonieuse, une situation où l'autre parent pourrait souhaiter une poursuite pénale. Imaginons aussi ce qui se produirait s'il s'agissait d'une famille racisée récemment arrivée au Canada ou d'une famille des Premières Nations qui, pour d'autres raisons, fait l'objet d'une surveillance par les services de protection de l'enfance. Lors d'une visite d'un agent de la protection de l'enfance, l'enfant sera interrogé séparément de sa mère — c'est la pratique habituelle — et on lui demandera s'il arrive au parent de le frapper. L'enfant peut alors expliquer que sa mère l'a frappé aux jambes il y a quelques jours en le faisant monter dans la voiture.
Or, si les travailleurs de la protection de l'enfance et d'autres autorités savent que le Parlement a abrogé l'article 43 et qu'un tel incident constitue désormais une agression criminelle, il est très possible que la police intervienne.
Cela m'amène à mon troisième et dernier point: qui est le plus susceptible de faire l'objet d'une ingérence punitive? Cette ingérence peut prendre plusieurs formes. Elle peut signifier au moins un contact avec la police, peut-être un avertissement, mais peut-être aussi une inculpation. Cela peut se solder par une absolution de l'État, mais peut-être aussi par une inculpation pour agression qui, si elle va de l'avant, pourrait se traduire par un aveu de culpabilité par le parent. S'il y a inculpation, c'est statistiquement de loin l'issue la plus probable. Le parent pourra finalement recevoir une absolution conditionnelle qui lui évitera le casier judiciaire à certaines conditions, mais il peut également se voir donner une peine avec sursis qu'il devra purger dans la communauté et pour laquelle il aura un casier judiciaire.
Je vais m'arrêter là.
Je m'appelle Marc Levasseur. Je suis Canadien de naissance et un descendant d'ancêtres occidentaux et autochtones des nations algonquine et micmaque. À l'âge adulte, j'ai été adopté traditionnellement par une aînée de la nation atikamekw. Je vis en relation avec la communauté de Wemotaci depuis ce temps.
Parmi mes réalisations, je peux citer l'obtention d'une maîtrise en études théologiques avec une concentration en études autochtones, et je suis en voie de terminer un baccalauréat en travail social. J'ai également travaillé comme agent au Service correctionnel du Canada ainsi qu'en tant qu'intervenant spirituel et social au sein de communautés autochtones.
Depuis 2017, je suis en situation d'invalidité en raison des sévices subis pendant mon enfance.
L'article 43 existe dans le Code criminel depuis 132 ans. Il a pour but de protéger les dérives idéologiques chrétiennes occidentales, qui affirment depuis des siècles que l'enfant naît souillé par le péché et qu'il doit subir des châtiments pour expier ses fautes.
Alors que la chrétienté occidentale considère qu'il est moralement justifié de frapper ses enfants, cette conception n'existait pas chez les Premières Nations. En atikamekw, le mot pour désigner un petit enfant est « awasish », ce qui signifie « le petit être de lumière », en renvoyant à sa pureté. C'est pourquoi le choc des enfants autochtones ayant subi des violences éducatives dans les pensionnats a été si brutal.
Depuis sa rédaction jusqu'à aujourd'hui, l'article 43 incarne l'héritage colonial des violences éducatives au Canada. Mes parents biologiques m'ont raconté les violences éducatives qu'ils ont subies à l'école de la part des enseignants. Ma mère adoptive a été contrainte de fréquenter des pensionnats autochtones, où elle a été soumise au régime de châtiment corporel qui avait cours dans ces établissements.
Cet article a fait couler beaucoup de sang, et il est un anachronisme en totale inadéquation avec la culture actuelle et les philosophies éducatives préconisées au Canada. Son héritage remonte à une époque où il était inscrit dans le Code criminel que les hommes avaient le droit d'utiliser raisonnablement la force pour battre leur épouse, et où il était courant de sanctionner des adultes dans les prisons en les soumettant à des châtiments corporels variés, y compris par l'utilisation de la palette de bois et de la strap.
Ces sévices envers des adultes ne sont plus permis dans les pratiques et les textes de loi depuis les années 1960 et 1970, mais ils demeurent permis pour les enfants. Notre société a choisi de ne pas donner aux enfants le même niveau de protection que celui donné aux adultes. Il est temps de corriger cela, car, encore aujourd'hui, et même en tenant compte des restrictions apportées par la Cour suprême en 2004, des milliers d'enfants ici, au Canada, grandissent dans des environnements qui font la promotion des violences éducatives en toute impunité, parce que le contenu et l'esprit de l'article 43 vont dans ce sens.
Pour ma part, depuis ma naissance, j'ai dû faire face à un environnement de violence éducative systémique parmi les baptistes évangéliques. Alors que certains groupes de la chrétienté ont mis fin aux dérives des violences éducatives, les baptistes évangéliques, comme d'autres, continuent aujourd'hui à défendre ces pratiques. Ils font partie de ceux qui militent pour maintenir et renforcer l'article 43.
Dans nos familles et au sein de l'église, on nous a enseigné que le fait de nous faire frapper au fessier avec une palette de bois ou une strap était normal et que c'était pour notre bien. Pour ces gens, il s'agit d'un mandat divin. Ils estiment que celui qui aime son enfant doit le châtier. En tant que société, nous devrions considérer que le fait de frapper le fessier d'un enfant est une agression de nature psychologique, physique et sexuelle. Pourtant, ce geste est considéré comme de l'éducation et est encore protégé en vertu de l'article 43.
J'ai subi ces sévices systématiques de la part de mes parents et des membres du personnel de l'église-école que j'ai fréquentée. Pour des raisons diverses et insignifiantes, telles que le fait de m'être retourné en classe, j'ai reçu, à l'âge de 4, 5 et 6 ans, des coups de palette dans le sous-sol de l'église. Nous étions environ 90 élèves dans cette église-école.
Recevoir de la violence de la part des personnes de qui j'aurais dû recevoir amour, sécurité et bienveillance a entraîné une rupture des liens affectifs, des difficultés d'attachement, une vision toxique de moi-même, de la colère ainsi qu'une violence que j'ai dû combattre et que je combats encore aujourd'hui. En tant que jeune adulte, j'ai lutté contre des problèmes de consommation et des idées homicidaires. J'ai passé ma vie en souffrant de symptômes de stress post-traumatique complexe si intenses que j'ai dû recevoir des soins psychiatriques.
Je suis une thérapie depuis maintenant 10 ans, et je prends des médicaments tous les jours.
Je me demande souvent ce que ma vie aurait pu être sans ces violences éducatives. Je me demande aussi comment j'aurais pu contribuer à la société au lieu d'incarner un coût pour celle-ci, vu les traitements que ma condition requiert.
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Merci, madame la présidente, pour l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'adresser à vous.
Je m'appelle Ryan Lutes. Je suis le président du Syndicat des enseignants de la Nouvelle-Écosse, la Nova Scotia Teachers Union, ou NSTU. Notre syndicat représente environ 10 000 enseignants et spécialistes de l'éducation du système scolaire public de la Nouvelle-Écosse.
Je tiens à préciser que je vis et travaille sur le territoire non cédé des Micmacs.
Les enseignants souscrivent sans réserve à la réconciliation et soutiennent à 100 % l'engagement du gouvernement du Canada de mettre en œuvre tous les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. La NSTU s'engage à apporter ce soutien, tout en veillant à ce que nos écoles et nos salles de classe restent des lieux sécuritaires.
C'est pour ces raisons que la NSTU s'oppose à l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle, c'est‑à‑dire sans que d'autres modifications soient apportées au Code criminel. La raison en est qu'une abrogation sans autre modification se traduira par une augmentation du nombre de salles de classe dangereuses. La violence des élèves contre d'autres élèves, contre eux-mêmes et contre les éducateurs est en augmentation. Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin de lois pour aider les enseignants à faire en sorte que les écoles soient sécuritaires pour tous. Il est important que les opinions des enseignants soient prises en compte dans vos délibérations et vos décisions. Il est très important que l'article 43 soit abrogé, mais nous devons faire les choses correctement. Les enseignants sur le terrain, dans les salles de classe du pays, n'ont pas été suffisamment consultés, et il appert qu'ils ne sont pas favorables à ce que le projet de loi soit adopté sans avoir été amendé.
En tant que président de la NSTU, je suis avant tout un enseignant. Je suis professeur de mathématiques au secondaire et je peux vous dire qu'aucun enseignant ne souhaite avoir à intervenir physiquement. Comme l'a dit M. Caputo, je crois, personne ne se lève le matin en espérant d'avoir à séparer les élèves, mais malheureusement, cette nécessité est en progression. J'ai personnellement été confronté à des situations où j'ai dû intervenir physiquement pour maîtriser des élèves, et si je n'avais pas été en mesure de le faire, il y aurait peut-être eu une agression violente dans les couloirs de mon école.
Malheureusement, ce genre de situation n'est pas un cas isolé. De nombreux conflits éclatent dans le contexte de l'école et nécessitent une réaction de la part de l'enseignant. Il peut s'agir d'un enseignant qui met la main sur l'épaule d'un élève pour l'éloigner d'une altercation, ou qui retient ou redirige un élève pour assurer sa sécurité. En vertu de l'article 265 du Code criminel, ces gestes quotidiens peuvent faire l'objet de poursuites. L'abrogation de l'article 43 aurait pour effet de refroidir les enseignants qui tentent de faire leur travail. Elle pourrait les inciter à ne plus intervenir dans des situations difficiles, ce qui compromettrait la sécurité de nos établissements. Malheureusement, 92 % des enseignants de Nouvelle-Écosse ont été témoins d'actes violents dans leurs écoles et leurs classes, et 55 % ont été victimes de violences ou ont été menacés d'actes violents.
Un amendement sur la sécurité dans les écoles garantirait de façon spécifique la protection des enseignants et du personnel éducatif aux termes du Code criminel pour ces situations où une intervention physique raisonnable s'avère nécessaire pour assurer la sécurité et protéger le bien-être des élèves, des enseignants et des travailleurs de l'éducation dans l'ensemble du pays.
Le projet de texte de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, que la NSTU soutient, vise à modifier l'article 265 du Code criminel. Les amendements proposés respecteraient les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation tout en garantissant que les enseignants puissent préserver la sécurité dans nos classes et nos écoles et veiller à la sécurité des étudiants, ce qui, je le rappelle au Comité, est l'objet de ce projet de loi. L'objectif de ce projet de loi est de protéger les élèves, et c'est ce que les enseignants cherchent à assurer en proposant ces modifications. Je le répète, la protection des élèves nous tient à cœur. C'est ce que nous voulons tous.
Il est important de reconnaître qu'en vertu de la loi sur l'éducation de la Nouvelle-Écosse, et probablement d'autres lois dans d'autres provinces, les enseignants ont l'obligation légale de protéger les élèves et de faire en sorte que les salles de classe restent des endroits sûrs. Pour ce faire, nous devons disposer de protections aux termes du Code criminel, de protections qui nous permettront d'utiliser une force raisonnable uniquement lorsque cela est nécessaire pour assurer la sécurité de nos salles de classe. Sans amendement relatif à la sécurité dans les écoles, la NSTU prévoit que le nombre d'accusations d'agression et de poursuites connexes ira en augmentant. Par précaution, la NSTU sera contrainte de conseiller aux enseignants de la Nouvelle-Écosse de ne pas intervenir physiquement dans des situations comme celles que je viens de décrire. Il en résultera davantage de blessures et des blessures plus graves pour les élèves, et les écoles seront moins sécuritaires qu'elles ne le sont présentement.
S'il y a une chose qui, selon moi, a été mise en évidence ici, c'est que les enseignants doivent être capables d'agir raisonnablement sans avoir à faire une analyse des risques et avantages de l'article 265. Nous ne sommes pas des avocats. En tant qu'enseignant, je dois pouvoir attraper un élève qui court dans la rue. Je dois être en mesure de retenir la main de quelqu'un qui s'apprête à en découdre avec quelqu'un d'autre, et je dois le faire sans avoir à peser le risque de défenses de common law ou à faire une analyse juridique de mon geste dans ma tête. Je dois être capable d'agir raisonnablement dans certaines situations, tout comme le ferait un parent ou un enseignant raisonnable et aimant, et c'est ce que nous demandons aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous, et je suis impatient de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous nos témoins, c'est‑à‑dire M. Lutes, M. Levasseur et Mme Kelly, de s'être joints à nous aujourd'hui et de nous aider à étudier ce projet de loi très important.
Madame Kelly, je commencerai par vous interroger. Nous parlons de la possibilité d'abroger l'article 43 du Code criminel, qui codifie le principe de défense que la common law met à la disposition des enseignants et des parents en cas d'accusation d'agression contre des enfants.
La Cour suprême du Canada s'est prononcée sur cette question il y a 20 ans. Elle a défendu la constitutionnalité de l'article 43, et le juge en chef de l'époque a déclaré ce qui suit à son sujet:
En fait, sans l'article 43, le droit canadien général en matière de voies de fait criminaliserait l'emploi de la force qui ne correspond pas à notre perception du châtiment corporel, comme le fait de forcer un enfant à s'asseoir pendant cinq minutes pour qu'il se tranquillise.
Madame Kelly, antérieurement, nous avons entendu des témoins, y compris l'auteur du projet de loi, parler d'histoires horribles d'enfants frappés au visage, frappés avec des bâtons, ou victimes de mauvais traitement physiques. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez. L'article 43 protège‑t‑il ce genre de comportement?
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Non. Comme vous y avez fait allusion, en 2004, la Cour suprême du Canada a défini une série de limites à ce qui constituerait un châtiment raisonnable. Lorsqu'elle a confirmé l'article 43, elle a précisé dans cette décision que, dans le cas des enseignants, les châtiments corporels de toute nature ne sont pas prévus par l'article 43. Seules des formes de contrainte le sont dans des cas, par exemple, où les enseignants doivent se protéger ou protéger d'autres élèves. Dans le cas des parents, l'utilisation d'instruments, les coups, les frappes à la tête et les mesures disciplinaires physiques imposées à des enfants de moins de deux ans ou des adolescents ont tous été exclus du champ d'application de l'article 43.
La seule légère mise en garde serait que, si l'article 43 était abrogé, le fait d'attraper un enfant qui est sur le point de se précipiter dans la rue, par exemple, ne serait pas criminalisé, selon moi. Les moyens de défense fondés sur la nécessité s'appliqueraient toujours dans le cas d'un geste immédiat posé pour protéger un enfant. Cependant, l'exemple que j'ai donné d'un coup porté, par exemple, à la jambe d'un enfant qui résiste dans un siège d'auto entrerait dans le cadre de l'article 265 et ne serait pas pris en compte. Toutefois, les exemples les plus horribles que vous avez cités ont effectivement été exclus.
J'ai examiné les décisions qui ont été rendues depuis l'arrêt Canadian Foundation, et j'ai constaté que les tribunaux d'aujourd'hui ne confirment tout simplement pas les genres d'abus flagrants qu'ils ont commis avant 2004.
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Je vous répondrai en trois volets.
D'abord, j'ai moi-même vécu cette expérience. Malgré tous les efforts que j'ai faits dans ma vie pour me construire, j'ai gardé cet héritage en dedans de moi et cela a eu des conséquences profondes, dont des diagnostics en matière de santé mentale et des restrictions. Je prends des médicaments quotidiennement juste pour contrôler les taux d'adrénaline et de cortisol dans mon corps, à tel point que ça m'invalide. Pourtant, je ne pense pas être une personne qui manque d'intelligence ou de capacités. J'aurais pu être un bon citoyen et contribuer à la société. Au lieu de ça, depuis 2017, je suis invalide, et je ne sais pas dans quelle mesure je vais être capable de récupérer mes capacités.
Ensuite, pour illustrer l'article 43, j'ai apporté une réplique exacte de la palette qu'on utilisait pour nous corriger à l'église-école. Cela a été prouvé en cour. Cette palette est le symbole de ce qu'a été l'article 43 de 1892 à 2004. Je comprends qu'une clarification au sujet de cet article a été apportée en 2004 par la Cour suprême, mais c'est bien ce pour quoi l'article 43 a été conçu. Cette palette de bois est le symbole exact de ce que cet article représente. Je sais que des limites ont été établies en 2004 par la Cour suprême, mais ça ne change pas le fait que des groupes de chrétiens, comme les baptistes évangéliques parmi lesquels j'ai été élevé, utilisaient cet objet jusqu'en 2004. Maintenant, ils disent qu'il faut utiliser la main. Ils font la promotion de cette pratique, ils donnent des formations et, pour des motifs religieux et idéologiques, ils disent encore aux parents que, s'ils aiment leurs enfants, ils doivent encore les frapper.
Personnellement, je trouve que c'est une aberration qu'un homme adulte ait le droit de frapper gentiment et raisonnablement le fessier de sa jeune fille de 3, 4, 5 ou 6 ans, peu importe l'âge. Si un adulte faisait ça à quelqu'un d'autre sans son consentement, on appellerait ça une agression sexuelle, mais un homme peut frapper le fessier de sa fille de 11 ans de façon raisonnable. C'est une aberration.
Tant que l'article 43 sera en vigueur, ces groupes religieux pourront continuer cette pratique en se basant sur les mêmes motifs idéologiques, comme ils le font depuis la colonisation. Ils peuvent encore dire aux parents, du haut de leur chaire dans leurs églises, qu'ils doivent punir leurs enfants et les frapper, en se basant sur plein de versets bibliques.
Cet héritage a aussi eu des répercussions sur les Premières Nations, comme vous le savez. Ça ne fait pas partie de leur culture. Le mot « awashish », qui signifie « petit être de lumière », présente un gros contraste avec la théologie augustinienne de la chrétienté occidentale, selon laquelle l'enfant naît souillé par le péché et il est moralement justifié que son parent le frappe. Il en est tout autrement dans la culture autochtone.
J'ai entendu des personnes se demander si l'abrogation de l'article 43 pourrait avoir pour effet, notamment, de mener à la condamnation de parents. Là-dessus, je voudrais juste ajouter qu'à un moment donné, il faut briser les cycles. Le cycle des violences éducatives au Canada est inscrit dans la loi depuis 132 ans. À un moment donné, il faut briser ce cycle. Nous en sommes à un point dans la société où de moins en moins de parents ont cette pratique. C'est de moins en moins coutume et c'est de moins en moins accepté. L'héritage colonial de cet article de loi doit disparaître.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins.
Monsieur Levasseur, votre témoignage est émouvant. Pour ma part, je sympathise beaucoup avec ce que vous avez pu vivre par le passé, et je suis convaincu que tout le monde est d'accord sur ce point.
Cela dit, vous me corrigerez si je me trompe, mais, selon ce que je retiens de votre témoignage, c'est à l'utilisation de châtiments corporels que vous vous opposez, et vous avez raison de le faire, à mon avis.
Vous avez probablement entendu d'autres témoins reçus précédemment par notre comité parler de l'utilité pour un enseignant, par exemple, ou même pour un parent, d'utiliser une force raisonnable pour contrôler un enfant, pour séparer deux enfants qui se chamaillent ou des choses comme celles-là. Il m'apparaît qu'on doit clairement faire la distinction entre les châtiments corporels et l'usage de la force, qui, par moments, peut être nécessaire dans l'éducation des enfants, et ce, par quiconque en position d'autorité, que ce soit un parent ou un enseignant.
J'aimerais entendre votre opinion là-dessus. Est-ce que nous devons effectivement être prudents et vraiment séparer ces deux choses, soit le châtiment corporel, d'une part, et, d'autre part, l'usage d'une force raisonnable pour assurer la sécurité des enfants ou leur éducation?
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Premièrement, je crois que l'article 43 doit être supprimé à cause de son héritage, du fait qu'il justifiait l'usage de la force pour corriger un enfant.
Deuxièmement, je suis moi-même un parent et je suis aussi un ancien agent correctionnel. Ma compagne de vie actuelle est une enseignante en éducation spécialisée. Je suis donc très au courant de la réalité d'avoir des enfants et de la nécessité de devoir recourir à la force. J'ai souvent des discussions avec ma compagne, qui a besoin par moments d'utiliser la force. Personnellement, j'ai une réserve à cet égard, mais, si on juge que c'est un besoin, il faudrait vraiment que ça fasse l'objet d'un article de loi distinct. Ma réserve est fondée sur le fait que le Code criminel comporte déjà des dispositions régissant l'usage de la force dans des cas où quelqu'un représente un danger pour lui-même ou pour autrui, qu'il trouble la paix ou qu'il représente un danger pour les biens.
J'ai utilisé la force en tant qu'agent de sécurité. Quand j'étais étudiant en soins infirmiers, je travaillais en milieu hospitalier, et on recourait régulièrement à la force pour la contention de personnes. Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un avait fait l'objet d'accusations au criminel pour un usage de la force en milieu hospitalier. J'ai utilisé la force en milieu correctionnel maintes et maintes fois. Je l'ai utilisée dans ma vie personnelle. Je l'ai même utilisée dans la vie civile. En effet, en tant que citoyen, on peut recourir à la force pour intervenir lors d'une bataille ou lorsqu'on voit une personne se faire agresser. Il m'est arrivé de devoir immobiliser et détenir quelqu'un. Je n'ai jamais fait l'objet d'accusations. Rien ne le justifiait, puisque les textes de loi sont suffisants pour régir ça.
Maintenant, il y a une différence quand il s'agit d'un enfant. Prenons le cas d'un enfant qui a un trouble mental ou une vision de la réalité différente, par exemple un autiste. S'il va dans la rue et qu'il représente un danger pour lui-même ou pour les autres, quelqu'un a le droit d'utiliser la force pour le protéger, selon la loi actuelle. Par contre, si ce même enfant se mettait à courir dans un champ, où il n'est un danger ni pour lui-même ni pour les autres, et que quelqu'un courait derrière lui et lui sautait dessus avec beaucoup de force, ce serait matière à débat.
:
J'aimerais aborder avec vous une autre question délicate, monsieur Levasseur.
Vous nous avez dit comment on appelait un enfant dans les communautés autochtones. C'est intéressant. Je ne me souviens pas du mot exact, mais il veut dire « petit être de lumière ».
De nombreux projets de loi que nous avons eu à étudier à ce comité nous ont fait constater qu'il y avait présentement une surreprésentation de différents groupes dans notre système judiciaire et notre système pénitentiaire. Je me demande si l'abrogation de l'article 43 aurait un impact sur cette surreprésentation.
Plus particulièrement, quel serait l'impact sur les communautés autochtones, dont vous faites partie? J'ai une bonne idée de ce que vous allez me dire, mais j'aimerais quand même entendre votre réponse, monsieur Levasseur.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je commencerai par remercier M. Levasseur de son témoignage personnel très percutant. Je pense qu'en tant que parlementaires, nous ne reconnaissons pas souvent le courage dont font preuve les gens qui apportent de tels témoignages et la difficulté qu'ils éprouvent à le faire, alors je l'en remercie très personnellement.
En plus de cela, je pense que vous avez fait quelque chose de très important, c'est‑à‑dire que vous nous avez remémoré les premières causes. En tant que Canadiens non autochtones, pourquoi avons-nous décidé que la violence contre les enfants était acceptable? J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à propos de cette différence, dont vous avez parlé dans votre déclaration préliminaire, qui nous fait dire ce qui suit encore aujourd'hui: « On ne peut pas utiliser la force contre des adultes, mais quand on l'utilise contre des enfants, c'est en quelque sorte acceptable. »
:
En réalité, il faut remonter dans l'histoire coloniale pour comprendre ce contraste.
Selon la vision théologique augustinienne au sein de la chrétienté, la raison pour laquelle les catholiques baptisent les enfants à la naissance est que ceux-ci naissent souillés du péché. À leur naissance, les enfants sont vus comme étant mauvais et ayant dans le cœur une folie que la verge de la correction va éloigner. C'est ce que disent textuellement les Écritures.
Cette culture était prédominante dans l'ensemble de l'Occident. Elle remonte même au Moyen Âge. L'histoire de l'Église s'est transmise ici, en Amérique, au moment de la colonisation.
Les Autochtones n'avaient pas du tout la même vision de l'éducation et de l'enfant. Dans la vision occidentale, la filiation était très hiérarchisée. Tout partait du père, la femme était sa subalterne et les enfants étaient les sujets des parents, voire leurs possessions. Au lieu de cette vision en triangle, les Autochtones voyaient un cercle. L'enfant était vu comme étant un awashish, ce qui veut dire « petit être de lumière ». La lumière représentait aussi l'énergie du Créateur. Pour les Autochtones, non seulement l'enfant était un symbole de pureté, mais sa naissance représentait le miracle de la vie. Il était littéralement un reflet du Créateur qui vient en ce monde, sans pour autant être le Créateur lui-même. Je tiens à le préciser pour ne pas offenser les chrétiens; ce n'est pas ça du tout. Quoi qu'il en soit, les Autochtones voyaient la pureté dans l'enfant. Celui-ci n'était pas vu comme une propriété.
Ce que les pensionnats ont fait, c'est tout simplement de prendre les enfants qui avaient été élevés selon une conception du monde complètement différente de la vision occidentale, une conception qui avait ses bons et ses mauvais côtés, mais qui était belle, pour leur en imposer une autre. On leur disait alors que leurs ancêtres étaient des païens, qu'ils ne connaissaient pas le seul vrai Dieu et qu'on pouvait les assujettir à une foule de châtiments corporels à cause de la méchanceté qu'ils avaient en eux. Ce choc s'est imprégné en eux, tout comme on m'a imprégné d'une violence dans mon enfance en me frappant à coups de bâton. On m'a imprégné d'une certaine vision du monde, de la même façon qu'on l'a fait pour les enfants dans les pensionnats. Après, ces enfants sont retournés dans leurs communautés en portant à l'intérieur d'eux cette violence qu'ils avaient subie.
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Bien sûr. Je peux certainement le faire.
Nous savons qu'au sein du système de protection de l'enfance et du système de justice pénale du Canada, les Autochtones, les personnes racisées et, en particulier, les Noirs, les pauvres et les membres de la classe ouvrière sont surreprésentés et font l'objet d'une surveillance plus rapprochée par rapport à leurs homologues plus aisés et plus blancs.
Ce qui me préoccupe, ce n'est pas de voir demain matin des groupes de parents arrêtés partout au pays si l'article 43 est abrogé, mais plutôt de voir ces types d'incidents portés à l'attention des autorités de l'État et traités par le système de justice pénale à un certain niveau, pour ceux qui font déjà l'objet d'une surveillance plus rapprochée, et de constater que ces incidents sont caractérisés par des éléments liés au genre, à la race et à la classe sociale. Par exemple, nous savons qu'en Ontario, 86 % des cas de maltraitance d'enfants vérifiés en 2018 concernaient des mères biologiques et 90 % d'entre eux concernaient des femmes qui prenaient soin d'enfants. Nous savons également que le recours à des mesures disciplinaires physiques ou à des attouchements non consensuels est plus susceptible de se produire dans les foyers affrontant un stress économique plus important, dans les ménages monoparentaux, etc.
Je pense que nous assisterons probablement à la continuation de ces formes d'inégalité. Je crois qu'il est important de noter que, oui, ce moyen de défense est colonial, mais l'ensemble du Code criminel est une construction coloniale qui a été imposée à la fin du XIXe siècle, et c'est cette partie du système qui ciblera ce type de contact.
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Merci, madame la présidente.
Messieurs Levasseur et Lutes, et madame Kelly, vous avez tous apporté des témoignages formidables aujourd'hui. Ce groupe d'experts est exceptionnel. Je suis sûr que nous pourrions continuer à vous entendre encore et encore, car vous avez tous beaucoup à offrir dans le cadre de cette discussion. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Lorsque nous examinons l'article 43, nous pouvons le faire dans un contexte historique, mais pendant que nous siégeons ici aujourd'hui, nous devons également examiner ce que la loi accomplit en fait et n'accomplit pas en 2024. Nous gérons l'article 43, non pas comme il a été formulé dans le Code, mais comme il a été interprété et circonscrit de manière significative dans un arrêt de principe de la Cour suprême du Canada. Si cette affaire n'avait pas existé, le Parlement lui-même aurait peut-être pris des mesures semblables.
Madame Kelly, la question suivante vous est adressée. Lorsque le projet de loi a été présenté, l'auteur de la proposition a mentionné, au cours de sa déclaration préliminaire, certaines actions qui ont clairement... Je pense qu'elles dépassent le champ d'application de l'article 43, mais j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Par exemple, prenons le fait de donner un coup de poing ou une gifle à un enfant. Pensez-vous que l'article 43, tel qu'il a été interprété par la Cour suprême, puisse être invoqué comme moyen de défense dans de telles circonstances?
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Je vous remercie d'avoir répondu rapidement à mes questions, car je pense que c'est la réalité à laquelle nous faisons face aujourd'hui. Il y avait une réalité auparavant, mais il y a aussi la réalité du droit, et c'est ce dont nous sommes investis aujourd'hui en étudiant le projet de loi d'initiative parlementaire.
Je pense que j'ai constaté certains des dangers de l'abolition pure et simple de l'article 43 qui ont été soulignés. Monsieur Lutes, vous avez mentionné — et nous avons déjà entendu des témoignages à ce sujet — l'effet dissuasif que cela pourrait avoir sur les enseignants lorsqu'il s'agit de mettre fin à une bagarre. En tant que parent, je trouve cette observation horrifiante, quand on pense à quelqu'un qui se fait tabasser par un ou deux camarades de classe. Il suffit de consulter les médias sociaux pour constater que cela se produit partout. Des messages sont publiés à ce sujet. Je sais que vous venez de la Nouvelle-Écosse. Personnellement, je viens du Nouveau-Brunswick, mais nous observons ces problèmes dans l'ensemble du pays et à l'échelle internationale. Il y a des vidéos de bagarres à l'école. L'environnement dans lequel évoluent les enseignants n'est pas facile à gérer.
Pouvez-vous nous parler de cet effet dissuasif? En votre qualité de dirigeant, quel message transmettriez-vous à vos enseignants si cette protection n'existait pas?
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Certainement. Je vous remercie de votre question.
Tout d'abord, je tiens à dire que le NSTU s'oppose à la violence et aux châtiments corporels à l'encontre des enfants, un point c'est tout. Ce n'est pas de cela que nous parlons.
Je suis également d'accord avec M. Levasseur pour dire qu'il est vraiment important d'abroger l'article 43, mais il est tout simplement important de faire les choses correctement. Je comprends l'héritage colonial que l'article 43 nous a apporté, et nous devons nous en débarrasser. L'article 43 doit être abrogé, mais il faut le faire tout en protégeant les enseignants dans les écoles.
La triste réalité, c'est que nos écoles sont plus violentes qu'elles ne l'étaient auparavant, et c'est une réalité dont je ne veux pas. J'ai deux enfants, et je ne veux pas qu'ils vivent cette réalité. Je tiens aussi à ce que leurs enseignants soient en mesure de les protéger et d'assurer leur sécurité. Je veux qu'ils puissent le faire sans devoir déterminer mentalement si, d'après eux, le droit pénal va les protéger ou non.
Je pense que nous pouvons faire les deux. Je crois que nous pouvons abroger l'article 43 et respecter la Commission de vérité et réconciliation, tout en modifiant le Code criminel pour permettre aux enseignants d'assurer la sécurité de leurs élèves à l'école. Voilà ce que nous voulons. En fin de compte, la procédure parlementaire n'est pas mon domaine de compétence — je suis professeur de mathématiques. C'est vers vous que nous nous tournons, mais s'il n'est pas possible de faire les choses correctement... J'estime que c'est dans cette direction que nous devons concentrer nos efforts. Nous devons nous efforcer d'atteindre ces deux buts à la fois, et je pense que votre comité et les éminentes personnes assises à la table peuvent le faire. Vous pouvez abroger l'article 43 tout en veillant à ce que les enseignants et les écoles disposent des outils nécessaires pour assurer la sécurité de nos enfants.
J'implore les personnes présentes à la table de réexaminer la question et de prendre ces deux mesures. En prenant l'une d'entre elles sans tenir compte de l'autre, nous mettrons nos enseignants et nos écoles en danger.
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Merci, madame la présidente.
J'approuve ce que M. Moore vient de dire. Les témoignages de ce groupe d'experts ont été très instructifs, comme l'ont été, en toute honnêteté, tous les groupes d'experts que nous avons entendus à propos de cette question.
Je pense que M. Moore a utilisé l'expression « une dose de réalité » ou « être réaliste ». C'est la partie qui me pose un problème. Toutes les personnes assises à la table sont en mesure de donner des exemples de cas extrêmes où le fait d'apporter un changement fonctionnerait ou ne fonctionnerait pas, ou encore des cas où le statu quo ne fonctionne pas. Nous devons analyser tout cela et aller au cœur du problème.
Monsieur Lutes, le Nova Scotia Teachers Union relève de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, je suppose.
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J'aimerais terminer ma réponse parce que je pense que c'est vraiment important.
Si j'étais l'enseignant de cette classe, j'interviendrais. Je trouverais quelqu'un qui pourrait intervenir, mais je ne veux pas que les enseignants aient à faire une analyse juridique pointue. Je veux qu'ils soient en mesure de réagir dans une mesure raisonnable sur‑le‑champ pour assurer la sécurité des enfants. C'est pour cette raison que les conseillers juridiques affirment que l'abrogation de l'article 43 mettrait les enseignants à risque. Je ne veux pas vivre dans un monde comme cela. Je veux vivre dans un monde où les enseignants sont protégés lorsqu'ils interviennent dans une mesure raisonnable pour assurer la sécurité des enfants.
Je veux m'assurer que tout est clair, car notre position est très nuancée. L'article 43 doit en effet être abrogé. Exactement au même moment, des protections supplémentaires doivent entrer en vigueur pour que les enseignants dans les écoles disposent des outils pour assurer la sécurité des enfants. Les deux modifications doivent aller de pair. L'article 43 doit être abrogé, mais un amendement sur la sécurité des écoles doit être ajouté du même coup — la simultanéité est très importante — pour que les enseignants ne soient pas poursuivis à la suite d'interventions très raisonnables faites dans le but d'assurer la sécurité des enfants.
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Merci, madame la présidente.
Madame Kelly, je voudrais prendre ces deux minutes pour m'adresser à vous à mon tour, si vous me le permettez.
Ce que je retiens de l'ensemble des témoignages, c'est que les châtiments corporels devraient être interdits et ne plus être autorisés par l'article 43, même si nous convenons tous que, selon la décision de la Cour suprême, ils sont déjà interdits.
Un amendement qui viserait à modifier l'article 43 de manière à interdire les châtiments corporels et l'usage de la violence, à l'exclusion de l'usage d'une force raisonnable pour assurer la sécurité des enfants et celle des tiers ainsi que l'éducation des enfants, vous apparaîtrait-il raisonnable? On interdirait donc les châtiments corporels et la violence, mais on autoriserait les titulaires de l'autorité parentale à utiliser une force raisonnable pour assurer la sécurité des enfants et leur éducation.
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Il ne me reste que quelques secondes.
Oui, vous avez bien compris la question, madame Kelly. Je suis d'accord avec vous, mais, au-delà de l'aspect juridique quant à savoir si ce serait une codification raisonnable ou non, je veux entendre votre opinion sur le fond de la question.
À la lumière de votre expertise, serait-ce une bonne idée que de permettre l'usage d'une force raisonnable pour la sécurité et l'éducation des enfants, tout en interdisant les châtiments corporels?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Le seul avantage du quatrième parti, c'est de conclure la période de questions.
Je tiens à remercier les fédérations d'enseignants d'avoir donné comme devoir aux parlementaires l'étude de ce projet de loi d'initiative parlementaire, qui soulève des questions et des préoccupations importantes.
Je voudrais terminer avec une question pour M. Levasseur, qui a parlé de façon très éloquente des préjudices que cette disposition a causés dans le passé et qu'elle cause encore.
Monsieur Levasseur, pourriez-vous parler de ce que l'abrogation de l'article 43 pourrait faire selon vous pour la réconciliation et pour la rupture du cycle de la violence dans les familles?
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Premièrement, l'abrogation de l'article 43 enverrait le message selon lequel ces choses-là étaient mal.
Personnellement, je connais cet article depuis mon jeune âge, mais la plupart des gens de mon entourage ne le connaissent pas. Il leur est complètement inconnu. Même dans le domaine du travail social, on en parle à des gens et ils sont surpris d'apprendre que ça existe encore. Pourtant, ce sont des personnes qui vont intervenir en travail social.
Dans mon cas, depuis que je suis tout jeune, je connais l'article 43. C'est ce qui donnait le droit à mes parents et aux éducateurs d'utiliser des châtiments corporels à mon endroit.
On a entendu des gens dire que les châtiments corporels étaient interdits depuis 2004. Ce n'est pas vrai. Ils ont été restreints, mais ils n'ont pas été interdits. La loi canadienne ne dit toujours pas que les châtiments corporels sont interdits et qu'ils ne sont pas corrects. Elle dit toujours qu'ils sont corrects, dans une mesure restreinte. Il reste qu'aujourd'hui encore, un homme peut taper raisonnablement le fessier de sa fillette. C'est encore permis en vertu de l'article 43.
Il faut envoyer comme message que ces choses-là ne sont pas correctes. Il est important d'affirmer qu'il n'était pas correct de faire subir ce genre de violence à des enfants dans les pensionnats et les externats et que c'était une mauvaise pratique culturelle.