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La séance est ouverte. Bienvenue à la réunion n
o 85 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 21 juin 2023, le Comité poursuit son étude du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel, d'autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, qui porte sur l'examen des erreurs judiciaires.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin. Les députés peuvent assister en personne ou à distance, par l'entremise de l'application Zoom.
Je constate que les témoins que nous accueillons pour la première heure sont tous présents par Zoom. Je vais donc donner quelques consignes. Veuillez attendre que je vous reconnaisse avant de prendre la parole. Cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer, et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation, pour ceux qui utilisent Zoom, vous avez le choix en bas de votre écran entre la langue originale, l'anglais ou le français.
Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et sélectionner le canal désiré. Je vous rappelle enfin que vous devez toujours vous adresser à la présidence. Les députés qui sont présents dans la pièce doivent lever la main pour demander la parole.
J'ai des cartes pour vous faire des signaux. Je sais que c'est difficile lorsqu'un intervenant est en pleine envolée oratoire, mais je montrerai la carte des 30 secondes lorsqu'il restera 30 secondes et la carte du temps écoulé lorsque le temps sera écoulé. Si l'intervenant peut conclure en quelques secondes, je le laisserai continuer, sinon, je devrai l'interrompre. Ne vous en formalisez pas. Malheureusement, c'est ainsi que les choses fonctionnent ici.
[Français]
J'informe les membres du Comité que tous les témoins qui sont ici cet après-midi ont réussi les tests sonores requis.
Merci beaucoup, tout le monde.
Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux témoins qui participent à notre étude sur le projet de loi .
Nous recevons M. Neil Wiberg, avocat, qui comparaît par vidéoconférence et à titre personnel; Mme Nyki Kish, directrice générale adjointe de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry; et M. Tony Paisana, ancien président de l'Association du Barreau canadien.
[Traduction]
Vous disposez d'au plus cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés.
Je demande à M. Wiberg de bien vouloir commencer.
La parole est à vous.
Je m'appelle Neil Wiberg. C'est un honneur de comparaître devant vous.
Permettez-moi de vous donner quelques renseignements généraux à mon sujet. J'ai été admis au barreau de l'Alberta en 1984, j'ai été nommé conseil de la Reine en 2006 et je suis passé au barreau de la Colombie-Britannique en 2018. J'aimerais dire aussi que lorsque je travaillais au bureau de Kamloops, j'étais substitut du procureur général de la Couronne. Ce fut un honneur pour moi de travailler avec , l'un des procureurs de notre bureau. C'était un excellent procureur.
M. Caputo m'a d'abord demandé de parler de la fréquence à laquelle nous recevons ce type de rapports de la part du ministre. Dans ma carrière, je n'en ai vu qu'un seul depuis 1984, et c'était en fait l'année dernière. Il s'agissait d'un cas en Colombie-Britannique, à Kamloops, où un homme avait été condamné pour meurtre au premier degré.
Il s'avère que la science de la noyade et de l'hypothermie avait évolué et que de nouvelles données probantes fournies par de nouveaux médecins légistes remettaient en question la condamnation pour meurtre au premier degré. Il ne fait aucun doute que l'accusé avait commis une agression sexuelle et tué la victime, mais il aurait dû être accusé d'homicide involontaire plutôt que de meurtre. Le ministre a produit le rapport et la Cour d'appel a renversé la décision et suspendu l'accusation de meurtre.
Je n'ai vu qu'un seul cas dans ma carrière, tant en Alberta qu'en Colombie-Britannique.
J'aimerais dire également que depuis le début de ma carrière, plusieurs mesures que j'estime très positives ont été prises et ont eu pour effet de réduire les risques de condamnations injustifiées.
Tout d'abord, il y a la communication de la preuve. Au début de ma carrière en 1984, tout ce qui était fourni à la défense était le casier judiciaire de son client, sa déclaration et un résumé des faits. Rien d'autre n'était communiqué. Les déclarations des témoins n'étaient pas communiquées. Les rapports de police n'étaient pas communiqués. Les notes des policiers n'étaient pas communiquées. Si la consultation de ces documents avait révélé sans équivoque des opinions préconçues, la défense n'en aurait eu aucune idée et ne les aurait pas vus.
Dans des affaires comme Morin, Marshall et Milgaard, il n'y avait pas de communication de la preuve à l'époque. L'arrêt Stinchcombe, rendu en 1991 et ordonnant la communication de tous les documents pertinents, est très, très utile.
Deuxièmement, l'ADN a vraiment changé la donne et, à mon avis, a réduit le nombre de condamnations injustifiées éventuelles. L'ADN ne permet pas seulement de condamner des individus, mais aussi de les exonérer.
À Lac La Biche, j'ai eu un dossier très solidement étayé par des preuves circonstancielles, dans lequel des cheveux constituaient une pièce à conviction. Je pensais qu'il y avait des motifs raisonnables et probables de porter une accusation de meurtre, mais les policiers sont venus me voir et m'ont dit qu'on pourrait y trouver de l'ADN, pas de l'ADN nucléaire que nous connaissons, mais de l'ADN mitochondrial. La victime avait des tiges de cheveux dans les mains. De même, dans le cadre d'un mandat général, on avait prélevé des cheveux du prévenu potentiel. L'ADN mitochondrial ne pouvait pas être analysé au Canada, mais il pouvait l'être en Caroline du Nord.
En tant que procureur chargé du dossier, j'ai dit: « Cette pièce doit être analysée, envoyez l'ADN en Caroline du Nord ». Les échantillons ont été envoyés en Caroline du Nord et sont revenus sans correspondance. Pensez‑y. Cet homme a été incommodé 15 minutes pendant qu'on prélevait un échantillon d'ADN, et il s'est avéré qu'il n'a jamais été inculpé parce que l'ADN ne correspondait pas. À mon avis, l'acceptation de l'ADN en tant que science, le régime des mandats de prélèvement d'ADN et la banque de données génétiques ont grandement contribué à réduire les risques de condamnations injustifiées.
Troisièmement, les caméras sont partout aujourd'hui, de sorte qu'il n'est pas toujours nécessaire de s'en remettre à des témoignages oculaires. L'omniprésence des caméras est très utile pour engager des poursuites et découvrir la vérité. Je me suis occupé d'une triste affaire à Edmonton où une femme de 80 ans avait été renversée par un autobus municipal. Nous soupçonnions le chauffeur de l'autobus d'avoir parlé sur son téléphone cellulaire. La vidéo montrait clairement que la femme avait traversé la rue au passage pour piétons et qu'elle avait attendu que le feu s'allume.
Je mentionnerais également que les séances d'identification photographique ont changé et que les dénonciateurs sous garde ne sont que rarement utilisés désormais. C'était un gros problème. De plus, des provinces ont adopté des règles contre les opinions préconçues.
J'étais le procureur dans l'affaire Mayerthorpe. J'ai passé deux ans à donner aux policiers des avis préalables à l'inculpation. Une fois les accusations portées, je n'étais plus le procureur, parce que...
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Merci, mesdames et messieurs, de m'avoir invitée à me joindre à vous.
Depuis 1978, l'ACSEF est la principale organisation nationale qui soutient les femmes et les personnes de diverses identités de genre à toutes les étapes de leur participation au système judiciaire. Nous effectuons des visites mensuelles dans les pénitenciers fédéraux pour femmes. Nos 22 sociétés Elizabeth Fry à l'échelle nationale offrent une gamme de services en prison et dans la communauté, y compris l'exploitation de maisons de transition, le soutien devant les tribunaux, les programmes de déjudiciarisation et j'en passe.
Grâce à ce travail, nous connaissons de près les personnes concernées par ce projet de loi. Nous accueillons favorablement le projet de loi , mais nous vous mettons en garde que des amendements sont nécessaires pour garantir que la Loi puisse apporter une réponse adéquate aux erreurs judiciaires.
La plupart des femmes et des personnes de diverses identités de genre qui sont incarcérées sont extrêmement défavorisées. Le système est en crise, la moitié des femmes incarcérées étant Autochtones. Une grande attention a été portée aux facteurs systémiques et sociaux qui font que des femmes et des personnes de diverses identités de genre sont condamnées à tort. Le système judiciaire repose sur sa capacité à être juste, mais nous postulons qu'à l'heure actuelle, les erreurs judiciaires pour les populations que nous servons sont systémiques. Cela est dû en partie aux conditions déplorables qui règnent dans nos prisons provinciales, caractérisées par des confinements en cellule fréquents, l'isolement, une alimentation de mauvaise qualité, des soins de santé lamentables et très coûteux, un accès restrictif à la famille, et j'en passe.
Nombre d'entre elles nous révèlent que devant le risque de perdre leurs enfants, leur emploi et leur logement, elles plaident coupables, qu'elles le soient ou non, afin d'être libérées plus rapidement. De notre point de vue, la négociation d'un plaidoyer de culpabilité est une expérience très courante. Les personnes prennent les meilleures décisions possible devant un choix forcé, où aucune issue n'est favorable. Nous recevons presque constamment des demandes d'aide pour faire annuler des condamnations. Beaucoup nous racontent que leurs anciens avocats les ont découragées de faire appel et les ont souvent encouragées à plaider coupables dès le départ. Nous orientons ces personnes vers des projets Innocence et nous observons le long processus se dérouler. Souvent, nous les voyons renoncer.
La pression de la culpabilité ne s'arrête pas au verdict pour les personnes condamnées à tort. Après le prononcé de la sentence, les femmes et les personnes de diverses identités de genre qui maintiennent leur innocence subissent de nombreux châtiments et exclusions, parce qu'on estime qu'elles n'assument pas leur responsabilité. Cela commence par le refus d'accès aux programmes correctionnels de base qui précède l'accès à toute une série de programmes et de services supplémentaires et qui est une exigence pour passer à des classifications de sécurité moins restrictives.
L'accès à une grande partie des éléments nécessaires pour survivre à l'incarcération — les visites des membres de sa famille, l'accès au travail et aux études et l'accès au processus législatif de libération progressive — est considérablement restreint pour les personnes qui maintiennent leur innocence, puisqu'on les laisse dans des classifications de sécurité plus élevées. En outre, comme la plupart des processus d'aide ne sont approuvés que sous condition, les responsables des prisons doivent procéder à des évaluations pour chaque décision. Les facteurs principaux sont le niveau de prise de responsabilité et l'adaptation à l'établissement dont une personne fait preuve. Il est très difficile d'être évaluée comme « s'adaptant bien » dans un établissement lorsque vous ne pouvez pas participer à ses programmes. Il devient pratiquement impossible de vivre une expérience positive en prison et de se réinsérer dans la société dans le cadre de la mise en liberté sous condition. Les personnes incarcérées sont poussées à reconnaître leur culpabilité afin de naviguer dans le système, car si elles maintiennent leur innocence, elles s'exposent à une version de l'incarcération plus sévère, ce qui augmente le risque d'effets chroniques néfastes sur la santé mentale et physique et d'institutionnalisation.
Nous avons soumis un mémoire connexe dans lequel nous mettons l'accent sur les amendements qui garantissent que les demandeurs incarcérés ne soient pas punis pour avoir cherché à obtenir réparation. Nous y souscrivons à l'amendement clé présenté par le projet Innocence de l'UBC visant à légiférer la possibilité d'une révision exceptionnelle lorsque les appels n'ont pas été épuisés, et à légiférer des délais définis associés à la commission. Il n'y a peut-être rien de plus important que de souligner les conséquences irréversibles sur le parcours de vie des personnes condamnées à tort.
À l'heure actuelle, il faut des années ou, plus fréquemment, des décennies pour renverser des condamnations injustifiées, et la vie n'est simplement pas si longue. Nous sommes témoins des pertes cumulées subies, surtout par les personnes condamnées à des peines longues ou à perpétuité — la perte de santé mentale et physique, la perte de liens familiaux et sociaux. Le temps est une ressource irrécupérable qu'on leur enlève, et nous ne pensons pas souvent aux coûts qui y sont associés: la perte de jalons et de rites de passage...
Le temps est une ressource irrécupérable qu'on leur enlève, et nous ne pensons pas souvent aux coûts qui y sont associés: la perte de jalons ou de rites de passage, mais nous voyons de nombreuses femmes et personnes de diverses identités de genre perdre leurs années de procréation à cause d'erreurs judiciaires. Elles perdent l'amour, les mariages, les divorces, les carrières et les changements de carrière. Voilà ce qu'on leur dérobe, et voilà ce dont la vie est faite, et nous n'avons qu'une vie.
L'adoption des amendements proposés dans notre mémoire et des amendements proposés par nos collègues apportera un avantage matériel et significatif aux objectifs de la justice et à des institutions canadiennes sûres et équitables.
Je suis impatiente de répondre à vos questions.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie de m'avoir invité à présenter le point de vue de l'ABC sur le projet de loi . Je suis l'ancien président de la Section du droit pénal nationale. Je travaille avec le projet Innocence de l'UBC depuis 10 ans et je donne un cours sur la prévention des condamnations injustifiées à la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique.
Comme vous le savez, l'ABC est une association nationale qui regroupe plus de 37 000 avocats, étudiants, notaires et universitaires. Un aspect important de notre mandat consiste à chercher des façons d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est ce qui nous amène ici aujourd'hui. La Section du droit pénal nationale, qui comprend à la fois des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense, a préparé notre mémoire.
L'ABC souscrit au projet de loi et propose quelques suggestions d'amélioration, dont deux que je mettrai en évidence dans mes observations. Auparavant, je tiens toutefois à exprimer notre soutien sans équivoque à certains éléments du projet de loi C‑40.
Pendant des décennies, les avocats et d'autres intervenants ont composé avec un système de révision après condamnation lent et difficile à naviguer. Le projet de loi représente un changement radical dans la manière dont le travail de révision après condamnation sera effectué dans ce pays. Il s'agit d'un changement bienvenu qui, nous l'espérons, permettra de corriger les erreurs judiciaires et, surtout, de les corriger plus rapidement.
Nous espérons que la création d'une commission indépendante améliorera la transparence et l'efficacité de la révision après condamnation. En particulier, nous souscrivons à la nouvelle norme de révision prévue dans le projet de loi . La norme actuelle, selon laquelle il doit exister des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est probablement produite, est lourde, difficile à appliquer et soustrait de nombreuses condamnations injustifiées potentielles au champ d'application de la révision. La nouvelle norme des « motifs raisonnables de conclure » résout ces problèmes et constitue une évolution bienvenue.
De plus, nous applaudissons à l'inclusion explicite par le gouvernement fédéral des affaires posthumes dans le mandat de la commission. Les condamnations injustifiées affectent non seulement l'accusé, mais sa famille, ses amis et l'ensemble de la communauté. Le fait de permettre une révision à titre posthume offre aux personnes touchées par une condamnation injustifiée la possibilité d'obtenir réparation.
En ce qui concerne les améliorations, notre mémoire expose certains de ces domaines. Nous souscrivons à certaines suggestions faites par d'autres témoins, et je soulignerai deux points, comme je l'ai dit. Premièrement, comme on peut le lire dans notre mémoire, nous souscrivons à l'inclusion dans le Code criminel d'un nouveau motif d'appel pour condamnation dangereuse. L'étape la plus importante et la plus immédiate pour corriger une erreur judiciaire est le recours à la Cour d'appel. En effet, pour la grande majorité des accusés, il s'agit de l'instance de dernier recours. Cependant, la Cour d'appel est un tribunal créé par la loi, ce qui signifie qu'elle est explicitement limitée par le Code criminel. Lorsque la Cour est confrontée à une affaire qui n'atteint pas le seuil exceptionnellement élevé du verdict déraisonnable, elle ne peut pas intervenir même s'il existe un doute latent quant à la culpabilité de l'accusé.
Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que bon nombre des condamnations injustifiées les plus tristement célèbres du Canada aient fait l'objet d'appels infructueux, parfois à plusieurs reprises. En effet, une étrange histoire fait que certaines affaires d'appel au Canada sont liées à des condamnations injustifiées. L'affaire la plus importante en matière de verdict déraisonnable est l'affaire Yebes, une erreur judiciaire récente en Colombie-Britannique, une condamnation pour meurtre qui a été annulée près de 40 ans après les faits.
L'un des arrêts faisant jurisprudence sur la confrontation de témoins hostiles, l'arrêt Milgaard, est l'éponyme de ce projet de loi. En rejetant l'appel de M. Milgaard en 1971, la Cour d'appel de la Saskatchewan a déclaré que l'on pouvait conclure à juste titre que la preuve justifiait le verdict, c'est‑à‑dire qu'il pouvait s'agir d'une « possibilité » plutôt que d'une « évidence ». Comme vous levoyez, la norme de la « possibilité » est peu exigeante dans le cadre d'une révision en appel, et il existe un devoir de prévenir les condamnations injustifiées à chaque étape du processus, y compris explicitement en appel, et la modification du Code criminel pour ajouter le motif d'un verdict dangereux permettrait de résoudre ce problème.
Notre deuxième domaine d'amélioration concerne les critères d'admissibilité à la commission. Nous nous faisons l'écho des préoccupations que d'autres ont exprimées, à savoir que l'exigence d'une décision définitive en appel risque de créer un obstacle important à la découverte de condamnations injustifiées. Par exemple, les personnes qui enregistrent un faux plaidoyer de culpabilité devront passer par le processus compliqué et délicat d'une tentative d'annulation du plaidoyer. Il est fort probable qu'ayant plaidé coupables, ces personnes soient mal renseignées, intimidées par le processus judiciaire et, par ailleurs, désavantagées pour naviguer dans le régime d'appel. Ne vous y trompez pas, interjeter appel est complexe et nécessite une certaine expertise.
La condamnation injustifiée d'Ivan Henry est un exemple poignant de ce que cet obstacle pourrait entraîner. Il avait été déclaré coupable en 1982 et désigné comme délinquant dangereux. Sans avocat, il a déposé de nombreuses requêtes et a échoué auprès de diverses instances et de ministres chargés de revoir sa condamnation. En 1984, son appel a été rejeté pour défaut de poursuite, parce qu'il n'avait pas déposé les transcriptions. Il n'a jamais obtenu d'appel et n'a jamais eu de jugement définitif. Il serait donc inadmissible au régime actuel.
À mon avis, il s'agit là d'un problème qui devrait être corrigé par un simple amendement traitant un accusé qui n'a pas eu d'appel de la même manière qu'un accusé qui l'a fait, mais sans se rendre jusqu'à la Cour suprême du Canada, c'est‑à‑dire une analyse pondérée où le fait qu'il n'ait pas interjeté appel n'est qu'un des facteurs pour déterminer l'admissibilité.
La loi en vigueur prévoit ce même processus pour une personne qui n'a pas demandé l'autorisation d'en appeler auprès de la Cour suprême du Canada, et il n'y a aucune raison pour que cette possibilité ne soit pas offerte aux accusés qui n'ont pas interjeté appel.
Voilà les observations que je voulais faire.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie, c'est une excellente question.
Au sein de notre organisation, nous passons beaucoup de temps à parler des condamnations injustifiées, des condamnations excessives, de la discrimination systémique et, bien sûr, de tous les facteurs sociétaux généraux qui mènent les gens sur la voie de l'incarcération, alors que nous pensons que la solution de rechange viable est une réponse de la communauté à ce qui s'est passé.
En ce qui concerne ce projet de loi, dans le projet de loi , nous voyons un très grand nombre de femmes et de personnes de diverses identités de genre. Je veux dire que nous parlons d'une population dont le niveau de scolarité moyen, au moment de la condamnation, est un secondaire I. Ces personnes sont très peu renseignées sur les processus judiciaires dans lesquels elles sont entraînées. Si l'on ajoute à cela les conditions de détention avant le procès, nous constatons que cela mène ces personnes à plaider simplement coupables ou, à la base, à ne pas comprendre les procédures qu'elles subissent. Nous voyons beaucoup de personnes que nous croyons être innocentes dans les faits, et nous en voyons beaucoup d'autres qui, à notre avis, reçoivent des condamnations ou des peines d'emprisonnement trop sévères.
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Je tiens à remercier nos trois témoins pour leurs déclarations et leurs activités de représentation au sein du système judiciaire.
Je pense que l'un des thèmes qui ressort de vos observations est qu'il est absolument nécessaire de veiller à réduire, à défaut d'éradiquer, les erreurs judiciaires et les condamnations injustifiées. Il s'agit d'une responsabilité permanente qui incombe à tout officier de justice, en particulier aux membres du Service des poursuites pénales.
Par ailleurs, je pense que les témoins ont cerné la raison d'être de ce projet de loi, soit de se concentrer sur les cas où, pour différentes raisons, des circonstances nécessitent un examen plus approfondi des détails.
J'ai été très sensible aux préoccupations que les témoins ont exprimées en ce qui concerne les retards dans les tribunaux, surtout dans le système d'appel; à certaines façons nouvelles de déterrer des preuves qui n'étaient peut-être pas disponibles auparavant; aux percées technologiques qui nous aident à mieux comprendre les preuves factuelles, démontrables, qui peuvent étayer une condamnation, ou un acquittement, d'ailleurs. Les conditions d'incarcération, sur lesquelles mon collègue, M. Moore, s'est un peu attardé, me semblent pertinentes dans la mesure où, si une personne a été condamnée à tort, elle peut vivre des conséquences très négatives qui peuvent changer sa vie injustement.
Enfin, les défis que nos témoins, et d'autres nous ont exposés concernant la surreprésentation systémique des Canadiens racisés et des Autochtones sont de très bonnes justifications de l'importance de ce projet de loi.
Dans le temps qu'il me reste, je voudrais demander si, en acceptant vos amendements, nous risquons de créer un processus parallèle qui pourrait être en concurrence ou en désaccord avec les voies d'appel établies. Je demanderai à n'importe lequel de vous trois de répondre à cette question.
En particulier, je pense que M. Paisana ou M. Wiberg ont parlé des différents seuils qui justifient une révision en appel. Il me semble que l'essentiel de l'amendement que vous proposez vise à abaisser ce qui vous semble être une barre trop élevée dans les cours d'appel, en abaissant le critère d'examen dans ce projet de loi.
Si j'ai mal compris, n'hésitez pas à me corriger.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier les témoins d'être des nôtres. Leur participation à notre étude est importante, et elle devrait nous permettre de prendre de meilleures décisions.
Moi aussi, je suis également préoccupé par la question du seuil, qui varie. On passe d'une erreur qui s'est probablement produite à une erreur qui a pu être commise. En toute logique, nous devrions donc avoir plus de recommandations en lien avec des mesures de redressement. Cependant, je crains que cela n'encombre l'administration de la justice. Nous pourrons y revenir plus tard.
Présentement, le projet de loi prévoit de cinq à neuf commissaires, alors que le rapport de la commission proposait qu'il y en ait de neuf à onze.
Certains témoins ont soulevé une certaine inquiétude quant au fait qu'il pourrait y avoir de cinq à neuf commissaires pour faire fonctionner le tout adéquatement. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
Serait-il préférable que la nouvelle commission soit plus large, c'est-à-dire qu'elle compte plus de commissaires? Le fait d'avoir plus de commissaires pourrait aussi permettre de favoriser la diversité.
Ma question s'adresse aux trois témoins. J'aimerais que Mme Kish y réponde en premier, puis nous passerons à MM. Wiberg et Paisana.
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Le statu quo n'est pas raisonnable. C'est la principale raison pour laquelle ce projet de loi est présenté.
À mon avis, il serait possible d'envisager un délai législatif. Je pense que la difficulté réside dans le fait qu'aucune affaire ne correspond exactement à un critère donné. Certains peuvent prendre plus de temps que d'autres. Je pense qu'il faudrait insister davantage sur l'affectation de ressources et le financement.
Le projet de loi propose une structure très générale en ce qui concerne le processus décisionnel. Il ne définit pas vraiment le fonctionnement de la commission. Celui‑ci sera déterminé par les politiques et le financement. C'est la question clé qui déterminera la souplesse et la rapidité avec lesquelles cette organisation s'attaquera au problème. Si elle est sous-financée, il est certain que les problèmes s'aggraveront. Si elle est correctement financée, je suis convaincu que le processus gagnera en efficacité, qu'il y ait 9 ou 11 commissaires. C'est simplement que la question du financement ne peut pas être réglée à ce stade. Lorsqu'elle sera réglée, il est essentiel qu'un financement adéquat soit consacré à ce processus.
Le 23 novembre, vous avez entendu un témoin qui en a parlé.
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Je vais diviser votre question en deux.
Je suis d'accord avec vous. Le paragraphe devrait stipuler « doit enquêter » et non « peut enquêter ». Je ne m'explique pas très bien la présence d'un élément discrétionnaire. L'objectif même de la norme est d'atteindre un seuil tel qu'un pouvoir soit déclenché.
En ce qui concerne les voies exclusives, je pense qu'il est logique qu'il y ait une voie exclusive à ce stade du processus parce qu'il peut avoir des cas où il est dans l'intérêt de la justice de revoir le dossier, alors qu'à première vue, il ne semble pas qu'il y ait eu erreur judiciaire.
Cela nous ramène à ce que nous appelons l'impasse de la révision après condamnation. Cette révision s'appuie souvent sur de nouveaux éléments importants, mais les détenus n'ont pas la possibilité d'enquêter sur ces éléments importants.
Un aspect de l'affaire peut rendre une réponse impérative, mais vous ne pouvez pas atteindre le seuil des motifs raisonnables de croire parce que vous n'avez pas accès aux pouvoirs d'enquête. Par contre, au moyen du processus de l'intérêt de la justice pour parvenir à l'enquête, vous pouvez accéder à ces ressources de sorte que vous puissiez un jour arriver à une conclusion fondée sur de nouveaux éléments importants qui produisent le résultat ultime.
C'est une voie distincte qui m'apparaît précieuse pour ceux qui se trouvent dans l'impasse, comme nous l'avons appelée, de la révision après condamnation.
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Nous sommes tout à fait d'avis que cette exigence obligatoire devrait être supprimée. La raison en est que la procédure d'appel est très lourde et qu'elle nécessite un degré élevé de sophistication et de connaissances spécialisées.
Pour vous donner une idée de son fonctionnement, lorsqu'une personne interjette appel, elle doit déposer un avis d'appel, commander les transcriptions de l'audience qui sont pertinentes, puis déposer un mémoire. La Couronne doit répliquer, puis il y a une audience devant trois juges de la Cour d'appel. Dans le meilleur des cas, ce processus se déroule généralement dans un délai d'un an. Il nécessite souvent le soutien de l'aide juridique si la personne ne possède pas les connaissances voulues et si elle est sous garde. L'aide juridique a ses propres critères de mérite, et dans de nombreux cas, le programme n'est pas prêt à financer une action en justice si, à première vue, les motifs d'appel que la personne accusée peut réussir à rassembler n'en établissent pas le bien-fondé.
Par conséquent, vous créez une situation où les gens, surtout ceux qui ont enregistré un faux plaidoyer de culpabilité, seront confrontés à des obstacles importants à l'intervention en appel, de sorte qu'ils seront complètement découragés de le faire, ou ne sauront pas comment le faire, et vous ne serez pas en mesure d'accéder à la commission après coup, parce que vous n'avez pas franchi cette étape.
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Comme je n'ai que deux minutes, je vais me concentrer sur quelques éléments qui ne figurent pas dans le projet de loi, sauf erreur.
Nous avons parlé du fait qu'une erreur judiciaire découle parfois de facteurs systémiques, et le projet de loi ne semble comporter aucun élément qui permettrait à la commission de recommander à la Commission de réforme du droit, au Parlement ou à qui que ce soit d'autre un moyen de corriger ces facteurs.
Deuxièmement, dans le cadre d'une enquête sur une erreur judiciaire, si la commission constate un manquement au devoir, une intention malveillante ou une autre faute professionnelle, elle n'a pas le pouvoir d'en référer à qui que ce soit.
Je vais demander à M. Paisana, de l'Association du Barreau canadien, de réagir brièvement à ces deux points.
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Nous reprenons nos travaux.
Pour la deuxième heure, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi .
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins, dont une en personne.
Bonjour à Mme Kathryn Campbell, qui comparaît à titre individuel. Elle est professeure de criminologie à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa.
Nous avons également à l'écran Mme Lindsey Guice Smith, directrice exécutive de la North Carolina Innocence Inquiry Commission.
La parole est à M. Moore.
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Merci, madame la présidente.
La North Carolina Innocence Inquiry Commission, ou Commission d'enquête de la Caroline du Nord sur l'innocence est la première et la seule agence d'État indépendante chargée d'enquêter de façon neutre sur les déclarations d'innocence factuelle après une condamnation.
Le préambule de la loi ayant créé la Commission d'enquête sur l'innocence en 2006 prévoit ce qui suit:
Attendu que les déclarations crédibles d'innocence factuelle étayées par des preuves vérifiables n'ayant pas été présentées à un procès ou à une audience accordée dans le cadre d'un recours postérieur à une condamnation devraient être examinées rapidement après la condamnation pour s'assurer que la personne innocente et la personne coupable obtiennent justice;
Attendu que la confiance du public dans le système de justice est renforcée par une enquête approfondie et rapide sur les déclarations d'innocence factuelle;
Attendu que les déclarations factuelles d'innocence, qui ont été jugées crédibles, peuvent être évaluées de façon plus efficace dans le cadre d'une enquête et d'un examen complets et indépendants de même…
Ce préambule englobe la mission de la Commission.
Bien que les condamnations à tort minent la confiance du public dans le système de justice pénale, le fait de s'y attaquer permet aux intervenants du système de la justice pénale d'apprendre à mieux s'assurer que la justice est rendue. Pour chaque condamnation injustifiée, il y a un vrai coupable en liberté, une victime ayant la fausse impression d'avoir obtenu justice et une personne innocente qui peut passer des années en prison pour un crime qu'elle n'a pas commis.
C'est pourquoi la Commission a pour but de découvrir la vérité en toute neutralité, en dehors du système de justice pénale accusatoire. De par sa nature, l'Assemblée générale de la Caroline du Nord a limité la portée des travaux de la Commission, tout en lui accordant un pouvoir prescrit par la loi très vaste pour mener à bien sa mission.
Le processus de la Commission se caractérise par trois caractéristiques qui font son succès.
La première caractéristique est que le pouvoir prévu par la loi est étendu. La Commission dispose de tous les pouvoirs prévus par les règles de procédure en matière pénale et en matière civile de la Caroline du Nord, afin d'atteindre son objectif, qui est de découvrir la vérité dans les cas de déclarations d'innocence factuelle. La Commission a ainsi pu interroger des personnes qui n'avaient pas été appelées dans une affaire ou les faire témoigner; avoir accès à des dossiers et à des preuves auxquels d'autres n'avaient peut-être pas accès; trouver des preuves matérielles qui, selon des organismes, n'existaient pas ou ne pouvaient être trouvées, entre autres. En fait, la Commission a trouvé des preuves matérielles pour 28 affaires dans lesquelles d'autres avaient affirmé que ces preuves n'existaient plus, dont pour 12 de ses 15 affaires dans lesquelles des personnes ont finalement pu être mises hors de cause.
La deuxième caractéristique de la Commission est sa neutralité. Comme la Commission n'établit aucune forme de relation avocat-client avec le demandeur et qu'elle ne travaille pas au nom du demandeur ni pour le compte de la poursuite, elle peut faire preuve de curiosité dans sa recherche de la vérité. Cela permet au personnel de la Commission de poser des questions nécessaires, mais difficiles, dans le cadre des enquêtes.
Comme les demandeurs doivent renoncer à tous leurs droits constitutionnels pour participer aux travaux de la Commission et qu'ils peuvent le faire parce que notre travail se limite strictement aux déclarations d'innocence factuelle, bon nombre des préoccupations auxquelles font face les avocats dans un système accusatoire ne font tout simplement pas partie des facteurs pris en compte dans les enquêtes de la Commission sur ces déclarations.
La neutralité est également un gage du succès de la Commission. Avoir une bonne journée à la Commission, ce n'est pas tant disculper quelqu'un qui se déclare innocent que d'être en mesure d'enquêter pleinement sur une déclaration d'innocence et de fournir les réponses que le système de justice pénale n'avait pas pu donner avant.
La troisième caractéristique est la confidentialité. En vertu de la loi, les déclarations sur lesquelles nous enquêtons et les enquêtes elles-mêmes sont confidentielles pendant la durée du processus, et ce n'est que dans certaines circonstances que des informations sur les affaires sont rendues publiques. Cela permet à la Commission d'établir des relations avec les témoins, d'avoir des conversations franches et exhaustives avec les témoins, les organismes d'application de la loi et d'autres personnes impliquées dans les affaires, et cela mène souvent à des changements positifs au sein du système de justice pénale. Nous l'avons constaté particulièrement en ce qui concerne les changements dans la conservation et le traitement des preuves au sein des organismes d'application de la loi partout en Caroline du Nord.
Depuis sa création en 2006, la Commission a reçu 3 571 déclarations, et depuis le début de 2023, elle en a reçu 194, ce qui la place en bonne voie de recevoir 233 déclarations d'ici la fin de l'année, ce qui représenterait une augmentation par rapport à la moyenne de 211 déclarations reçues par année. La Commission a tenu 19 audiences depuis sa création et tiendra sa 20e audience la semaine prochaine.
Quinze personnes ont été disculpées par un comité constitué de trois juges après les travaux de la Commission ou ont vu leur condamnation annulée en vertu d'une requête demandant une réparation appropriée et ont obtenu un pardon pour innocence du gouverneur de la Caroline du Nord à la lumière de l'enquête menée par la Commission concernant leur déclaration. De plus, la Commission a confirmé de manière définitive la culpabilité au moyen de tests d'ADN dans 13 affaires.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est un véritable honneur.
En tant qu'universitaire, j'ai publié de nombreux articles sur les erreurs judiciaires au Canada et dans d'autres pays de common law au cours des 20 dernières années. Mes recherches se sont concentrées sur un certain nombre de domaines, notamment l'examen des facteurs qui contribuent aux erreurs judiciaires, ainsi que l'expérience en prison et après la libération des personnes condamnées à tort, entre autres choses.
J'ai également participé aux consultations menées par les juges LaForme et Westmoreland-Traoré sur la réforme proposée en 2021. J'ai rencontré et interviewé de nombreuses personnes condamnées à tort au fil des ans, et je suis bien consciente des ravages qu'une condamnation injustifiée peut causer à des personnes et à leur famille.
En 2012, j'ai lancé Innocence Ottawa, qui est, par l'intermédiaire du Département de la criminologie, un projet sur l'innocence, géré par des étudiants en criminologie et en droit. Notre objectif est d'aider les personnes condamnées à tort qui cherchent à être innocentées.
Nous avons fait beaucoup de chemin. Lorsque nous avons commencé en 2012, nous organisions des ventes de pâtisseries et vendions des t‑shirts pour financer notre travail, alors qu'en 2023, nous venons de recevoir une subvention d'accès à la justice de la part de la Fondation du droit de l'Ontario pour un programme auprès des prisonniers autochtones, nous avons donc vraiment beaucoup progressé.
Il est clair — comme je l'ai entendu au cours de ces audiences ces dernières semaines et comme je pense que nous l'acceptons tous — que les prisonniers autochtones et noirs sont surreprésentés dans les institutions fédérales, provinciales et territoriales, mais qu'ils sont étrangement absents du nombre de personnes innocentées ou même de celles qui demandent la révision de leur condamnation.
Jusqu'à présent, Innocence Ottawa a déposé une demande de révision de condamnation par l'intermédiaire du Groupe de la révision des condamnations criminelles au nom de l'un de nos demandeurs, et je suis donc bien consciente des difficultés du système actuel. En fait, nous avons soumis sa demande en 2019. Quatre ans plus tard, elle en est toujours au stade de l'enquête préliminaire. Soit dit en passant, il se trouve qu'il s'agit d'une personne de couleur.
La frustration que j'ai ressentie au cours des 20 dernières années face aux difficultés et aux défis du travail sur l'innocence est qu'il ne devrait pas être aussi difficile d'annuler une condamnation, de corriger une erreur, parce que les enjeux sont tout simplement trop élevés. Voilà pourquoi j'attendais avec impatience ce nouveau projet de loi, et je pense qu'il constitue une première étape très importante.
Dans la prochaine partie de mon court exposé, j'évoquerai brièvement ce que je considère comme les points forts du projet de loi, puis les domaines qui, selon moi, doivent être améliorés.
L'indépendance de la procédure de révision des condamnations est à mon avis un excellent pas en avant, mais je pense qu'il y a aussi certaines contraintes. Les commissaires ne doivent pas être considérés comme des fonctionnaires. Je pense que la commission elle-même devrait être considérée davantage comme un tribunal que comme une petite agence gouvernementale, et qu'elle devrait être située ailleurs qu'à Ottawa, avec éventuellement des bureaux régionaux. Dans le cas contraire, cela pourrait nuire à la perception de son indépendance.
En ce qui concerne l'accessibilité, le projet de loi propose d'améliorer l'accès aux groupes auparavant marginalisés, ceux qui sont surreprésentés dans le système de justice pénale — en particulier les prisonniers autochtones et noirs —, et je pense que le fait qu'il s'agisse d'une entité entièrement nouvelle peut aider à aborder cette question avec une plus grande conviction.
En ce qui concerne la modification du seuil, comme cela a été mentionné au cours de l'heure précédente, je pense que le passage d'« une erreur judiciaire a pu être commise » à si la commission a « des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l'intérêt de la justice » est une étape importante. Cela semble beaucoup plus large, mais en même temps, je me demande dans quelle mesure cela va changer les choses, parce que c'est aussi un peu vague. L'expérience que j'ai eue jusqu'à présent avec le GRCC lui-même, le Groupe de la révision des condamnations criminelles, est qu'il n'est pas clair sur ce qu'il faut faire pour recommander la révision d'une condamnation.
Trois autres ajouts importants sont l'examen des circonstances personnelles d'une demande, le renforcement des pouvoirs d'enquête et une plus grande participation des victimes.
En ce qui concerne les points à améliorer, je pense que le nombre de commissaires est beaucoup trop faible. Le rapport des juges LaForme et Westmoreland-Traoré préconise 9 à 11 commissaires. Cela me semble raisonnable et nécessaire. Le nombre indiqué dans le projet de loi n'est manifestement pas adéquat, car si la commission n'est pas correctement dotée en personnel, tant au niveau des commissaires que des enquêteurs, elle subira d'énormes retards, et c'est un problème récurrent du GRCC.
J'ai deux ou trois autres choses à dire. Je pense que le mandat devrait inclure les condamnations, car une condamnation peut également représenter une erreur judiciaire, ainsi que les personnes dont les affaires n'ont pas encore été portées devant une cour d'appel. Sinon, le nombre de demandeurs risque d'être fortement limité.
Enfin, en tant qu'universitaire, je crois que cette nouvelle commission nous offre une excellente occasion de bien faire les choses, d'adopter une approche proactive et systémique à l'égard des erreurs judiciaires, de recueillir des données sur les causes, de tirer des leçons des politiques et de découvrir les tendances. Je pense qu'il serait dommage que nous rations cette occasion.
Je vous remercie.
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Je tiens à préciser qu'il s'agit de preuves qui n'ont pas été présentées au procès. Donc, elles étaient peut-être disponibles, mais elles n'ont pas été présentées pendant le procès. C'est un facteur.
Lorsqu'ils s'adressent à la commission, les demandeurs peuvent nous parler de ce qui est nouveau, mais ils ne sont pas obligés de toujours savoir ce qui est nouveau. Nous n'imposons pas ce fardeau à la personne condamnée — au demandeur — de savoir, par exemple, qu'il est certain que des preuves n'ont pas fait l'objet d'un test d'ADN dans leur cause. Nous allons faire ce qu'il faut pour le découvrir.
Nous leur demandons de remplir un questionnaire de 22 pages et de nous donner le plus d'information possible sur leur cause. Quelle est la déclaration d'innocence?
Nous travaillons ensuite pour établir si quelque chose peut être fait et s'il y a de nouveaux éléments. Nous pouvons examiner la transcription du procès pour savoir ce qui a été présenté. Nous vérifions si des analyses médico-légales n'ont pas été faites ou pourraient l'être, ou le demandeur pourrait nous dire qu'un nouveau témoin s'est présenté pour parler de quelque chose qui n'a pas été mentionné lors du procès, ou qu'un témoin a changé sa version.
Nous devons donc évaluer la crédibilité de ce témoin. Existe‑t‑il d'autres facteurs qui confirment la crédibilité de cette personne? Existe‑t‑il d'autres éléments de preuve qui rendraient cette personne crédible?
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Nous avons un processus en trois étapes.
Nous sommes une agence d'État. Nos employés sont des employés de l'État. Ils s'occupent des activités quotidiennes.
S'il y a une preuve crédible et vérifiable de l'innocence, le directeur a le pouvoir discrétionnaire de décider si l'affaire sera examinée dans le cadre d'une audience.
Si c'est le cas, l'affaire est entendue par nos commissaires.
Les commissaires sont nommés par notre juge en chef de la Cour suprême et notre juge en chef de la Cour d'appel fédérale, et ce sont des personnes issues de différents secteurs du système de justice pénale. Il peut s'agir de juges, de procureurs, d'avocats de la défense en droit criminel, de shérifs, de défenseurs des droits des victimes et d'autres. Ils entendent les causes et, s'ils jugent que les preuves de l'innocence factuelle sont suffisantes pour justifier un contrôle judiciaire, ils renvoient l'affaire à un tribunal formé de trois juges.
Ce tribunal composé de trois juges entend ensuite l'affaire et rend une décision définitive quant à savoir si la personne condamnée a prouvé par des preuves claires et convaincantes qu'elle est, en fait, innocente.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie nos deux témoins d'avoir éclairé notre discussion sur ce projet de loi.
Madame Smith, vous êtes dans une position très intéressante ou unique, votre organisation en Caroline du Nord étant la seule du genre aux États-Unis, comme vous l'avez dit, je crois. Je trouve que votre témoignage est très utile.
Lorsque nous examinons ce projet de loi, je crois que l'une des choses que nous devons faire est de cerner ce que sont les attentes des Canadiens en matière de condamnation injustifiée et de justice.
Dans votre système, je pense qu'une condamnation injustifiée serait ce à quoi la plupart des Canadiens s'attendent lorsque nous parlons de condamnation injustifiée, c'est-à-dire qu'il y a une preuve vérifiable de l'innocence. Cela signifie, comme vous l'avez dit dans votre exposé, qu'un agresseur est en liberté et que l'accusé n'a pas commis le crime. Il y a un agresseur en liberté, une victime qui a un faux sentiment d'avoir obtenu justice et, bien sûr, il y a quelqu'un qui est innocent et qui a été condamné à tort.
Ce n'est toutefois pas le cas avec ce projet de loi, en ce sens qu'il intègre de tout nouveaux facteurs tels que la situation personnelle du demandeur et les défis distincts que doivent relever les demandeurs de certains groupes pour obtenir une réparation en cas d'erreur judiciaire. Je pense que nous devons répondre aux attentes des Canadiens lorsque nous examinons ce projet de loi.
Vous avez mentionné que vous deviez travailler dans le cadre des paramètres qui étaient acceptables en Caroline du Nord. Puisque vous êtes le seul organisme de ce genre aux États-Unis, pourquoi était‑il important d'inclure l'innocence factuelle dans votre programme?
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Cela date d'avant ma venue à la Commission, mais si l'on se reporte aux notes de la commission d'étude, c'est vraiment là que se trouvait le compromis.
Le juge en chef Lake était l'un des anciens juges en chef de la Cour suprême de la Caroline du Nord. Il a réuni un groupe de personnes issues de tous les secteurs du système de justice pénale pour débattre des causes de la condamnation injustifiée et de la manière dont nous devrions traiter les condamnations injustifiées en Caroline du Nord.
C'est en réunissant ces différentes parties prenantes que nous en sommes arrivés là. Qu'allions-nous faire au sujet des condamnations injustifiées en Caroline du Nord et sur quoi devions-nous nous concentrer? En fin de compte, ils ont décidé que l'accent devait être mis sur les déclarations d'innocence factuelle.
Ils ont examiné les domaines que nos procédures d'appel après condamnation et nos demandes d'obtention d'une réparation appropriée après condamnation n'étaient pas en mesure de traiter en Caroline du Nord. Ils ont estimé que les demandes d'innocence factuelle étaient celles qui passaient à travers les mailles du filet, qu'elles ne pouvaient pas être traitées de manière satisfaisante par les autres procédures judiciaires et qu'elles nécessitaient une attention supplémentaire et une procédure extraordinaire appuyée d'un pouvoir statutaire très large, le pouvoir d'investigation que l'on ne retrouve dans aucune autre procédure.
Je ne connais aucun autre avocat, du moins en Caroline du Nord et probablement aux États-Unis, habilité en procédure pénale et civile qui ait le pouvoir d'obtenir tous ces renseignements afin de découvrir la vérité. Cela diffère beaucoup du système accusatoire dans lequel nous travaillons normalement en droit pénal. C'est pourquoi, lorsqu'ils ont envisagé de donner autant d'autorité et de pouvoir à une agence, ils ont estimé que cela devait être directement lié à l'innocence réelle.
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Très bien. Il y a beaucoup de choses à dire.
D'accord.
Lorsque je dis que nous disposons de tous les outils de la procédure pénale et civile, je veux dire tous les outils. Nous avons la possibilité d'obtenir des mandats de perquisition, tout comme les forces de l'ordre, car cela relève de la procédure pénale en Caroline du Nord. Nous avons la possibilité de faire déposer des témoins dans le cadre de la procédure civile. Si quelqu'un ne veut pas se soumettre à la déposition, nous pouvons certainement présenter une motion pour outrage au tribunal dans le cadre de la procédure civile, ou nous pouvons utiliser une ordonnance de témoin important dans le cadre de la procédure pénale. Nous pouvons passer de l'un à l'autre. Nous pouvons citer des témoins à comparaître. Ce sont là quelques-uns des outils dont nous disposons.
Lorsque la Commission présente un cas à nos commissaires — ce que je fais en ma qualité de directrice —, il s'agit d'une audience non contradictoire. Les règles de la preuve ne s'appliquent pas. Nous présentons toutes les preuves pertinentes. Nous ne prenons pas parti. Il ne s'agit pas d'un débat contradictoire. Nous essayons simplement de donner aux commissaires tous les éléments de preuve.
Quant au comité de trois juges, il s'agit d'une sorte d'audience de novo, une nouvelle audience. Les parties présentent les preuves. Elles peuvent convenir que certains éléments de l'audience de la Commission sont présentés. Jusqu'à cet été, il n'était pas clair si les règles de la preuve s'appliquaient, et la plupart des comités de trois juges les appliquaient vaguement.
Cet été, on a adopté une loi qui prévoit l'application des règles de la preuve. C'est une nouvelle loi qui est entrée en vigueur cet été. Il s'agit d'une procédure contradictoire. Il incombe au demandeur, la personne condamnée, d'établir son innocence au moyen de preuves claires et convaincantes. Le fardeau de la preuve est inversé par rapport à une procédure pénale normale. Il est moins lourd que lors d'un procès pénal. Normalement, il faut établir qu'il n'y a aucun doute raisonnable. Ici, cela se situe juste en dessous. Il s'agit d'une preuve claire et convaincante, ce qui est légèrement supérieur à la norme civile, la norme de prépondérance de la preuve.
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Merci de m'accorder 30 secondes de plus, madame la présidente.
Madame Campbell, lors du tour de parole précédent, nous nous étions laissés sur la question des délais. Vous disiez que cela pouvait prendre plusieurs années. Je sais que cela fonctionne ainsi, mais je suis toujours étonné de le constater. On parle d'erreurs judiciaires. Il me semble que cela devrait être simple.
Mon collègue M. Maloney a demandé à Mme Smith si on finissait par faire un nouveau procès, au bout du compte.
Croyez-vous que c'est la bonne façon de procéder? N'y aurait-il pas lieu de simplifier cela? Encore une fois, on ne devrait pas refaire un procès, mais simplement vérifier si, oui ou non, il y a eu une erreur judiciaire. Dans ce contexte, cela m'apparaît un peu étonnant qu'on mette des années à décider s'il y a eu une erreur judiciaire ou non.
Premièrement, ne procède-t-on pas de manière trop large?
Deuxièmement, n'y aurait-il pas lieu de mener une enquête à temps plein afin qu'on puisse arriver à une décision et rendre la justice dans des délais raisonnables, soit en l'espace de quelques mois, voire quelques semaines?
Des voix: Oh, oh!
Mme Kathryn M. Campbell: C'est difficile de répondre à cette question.
M. Randall Garrison: En deux minutes.
Mme Kathryn M. Campbell: Oui, et c'est une thèse de doctorat.
Il faut bien tracer la ligne quelque part, je suppose. C'est amusant, parce qu'il y a une présomption d'innocence lors du procès et dans le système accusatoire, mais une fois que vous avez été condamné, cette présomption disparaît. Je pense que c'est là que commence une sorte de processus inquisitoire. Avec la présomption d'innocence, on essaie de trouver les facteurs qui indiqueront peut-être ce qui s'est réellement passé. On espère que si une personne clame son innocence, c'est le cas — mais je pense que c'est une chose très difficile à déterminer.
Il y a aussi beaucoup d'autres cas. Je pensais justement, pendant que M. Moore parlait, à toutes les affaires concernant le Dr Charles Smith. C'est un médecin légiste pédiatrique qui a été discrédité. Un grand nombre de ces affaires concernaient des plaidoyers de culpabilité injustifiés. Elles n'auraient pas pu être examinées si la porte n'avait pas été ouverte à ce genre de réexamen. Il vaut mieux, à mon avis, pécher par excès de prudence dans ces affaires, parce qu'elles sont si dévastatrices. Le résultat est très dévastateur.