:
Je vous remercie, monsieur le président.
C'est un honneur pour moi de me joindre à vous ce matin sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe ici, à Ottawa.
Je suis accompagné du sous-ministre François Daigle et des experts en la matière du ministère de la Justice, soit M. Matthew Taylor, qui est dans la salle avec moi, ainsi que Mme Carole Morency et M. Andrew Di Manno, qui participent à la réunion par Zoom.
Je salue tous les gens qui sont dans la salle ainsi que mes collègues qui sont en ligne. Je souhaite à tous la bienvenue.
[Traduction]
Je suis heureux de témoigner devant le Comité aujourd'hui pour discuter des modifications importantes proposées dans le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
[Français]
Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par notre gouvernement pour lutter contre le racisme et la discrimination systémiques. Ce sont des réalités auxquelles se heurtent un trop grand nombre de personnes qui entrent en contact avec le système de justice pénale, dès les premières interactions avec la police jusqu'à la condamnation.
[Traduction]
Le projet de loi prévoit trois catégories de réformes. Premièrement, il abolira les peines minimales obligatoires pour toutes les infractions relatives aux drogues, quelques infractions relatives aux armes à feu et une infraction liée au tabac. Deuxièmement, il permettra un recours accru aux ordonnances de sursis, ou OS. Troisièmement, il exigera des policiers et des procureurs qu'ils envisagent d'autres mesures pour la possession simple de drogues, comme la déjudiciarisation vers des programmes de traitement de la toxicomanie.
[Français]
Ces réformes sont attendues depuis longtemps. Les Autochtones, les Canadiens de race noire et les membres des communautés marginalisées, notamment ceux aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance, sont surreprésentés à toutes les étapes du système de justice pénale, mais surtout dans les établissements correctionnels du Canada. Cela ne peut tout simplement pas continuer ainsi.
Lorsque nous examinons les facteurs qui accentuent ces enjeux préoccupants, il est indéniable que certaines mesures obligatoires de la détermination des peines qui réduisent le pouvoir discrétionnaire des juges ont eu une incidence disproportionnée sur les membres de ces communautés. Ces mesures, qui étaient censées réduire la criminalité en dissuadant les délinquants et en les isolant de la société, se sont avérées inefficaces, coûteuses et nuisibles.
[Traduction]
Entre 2007 et 2017, les adultes autochtones et noirs étaient plus susceptibles que les autres Canadiens d'être admis dans un établissement fédéral pour une infraction passible d'une peine minimale obligatoire, ou PMO. Le nombre d'admission des adultes autochtones et noirs dans un établissement fédéral pour infraction passible d'une PMO a presque doublé durant cette période. Par exemple, en 2016‑2017, les Canadiens noirs comptaient pour 43 % des personnes admises pour avoir exporté ou importé de la drogue alors que les Autochtones constituaient 40 % des adultes admis pour une infraction liée à une arme à feu.
[Français]
Les réformes que nous proposons en matière de détermination de la peine s'alignent sur les recommandations faites par les intervenants impliqués dans la justice sociale et la justice pénale depuis de nombreuses années.
[Traduction]
En effet, la Commission de vérité et réconciliation a constaté le problème de la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels et a demandé à ce qu'elle soit éliminée au cours de la prochaine décennie. L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a aussi demandé au gouvernement d'évaluer les répercussions des PMO sur l'incarcération excessive des femmes, des filles et des personnes 2SLGBTQQIA autochtones et de prendre les mesures qui s'imposent pour remédier au problème. Le Caucus des parlementaires noirs a également appelé à l'élimination des PMO.
[Français]
Le gouvernement est à l'écoute et il prend des mesures appropriées. Ce projet de loi abroge certaines peines minimales obligatoires, ou PMO, mais pas toutes. Nous proposons de mettre l'accent sur l'abrogation des PMO qui ont eu l'incidence la plus marquante sur les communautés en question, tout en garantissant que les tribunaux puissent continuer à infliger des peines sévères pour les infractions violentes et graves.
Permettez-moi d'être clair sur ce dernier point: ces réformes n'auront pas de conséquences négatives sur la sécurité publique et elles ne signalent pas aux tribunaux que les infractions visées ne sont pas graves.
Les PMO sont maintenues pour des infractions graves telles que le meurtre, l'agression sexuelle, toutes les infractions sexuelles contre des enfants et pour certaines infractions impliquant des armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées ou lorsque l'infraction publique implique une arme à feu et est liée au crime organisé.
En ce qui concerne la deuxième catégorie de réformes, le projet de loi augmente le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis, aussi appelées ordonnances de sursis, ou OS.
[Traduction]
Une OS correspond à une peine d'emprisonnement de moins de deux ans purgée dans la collectivité et assujettie à des conditions strictes comme un couvre-feu, une détention à domicile, un traitement ou des restrictions sur la possession, la propriété ou le port d'une arme. Les OS accroîtront l'accessibilité à des solutions de rechange à l'incarcération pour les délinquants à faible risque tout en servant les objectifs de dissuasion et de dénonciation que vise la détermination de la peine.
La preuve est claire. Pour diminuer la criminalité ultérieure, il s'avère plus efficace de permettre aux délinquants qui ne représentent pas un risque pour la sécurité publique de purger leur peine dans la collectivité tout en respectant des conditions strictes. Les délinquants peuvent ainsi conserver leur emploi et leurs liens avec leur famille et leur communauté. Les mesures proposées redonnent aux juges une plus grande souplesse dans la détermination de la peine pour qu'ils puissent aider les gens et non pas seulement les jeter en prison. Par exemple, un juge peut imposer une OS à un délinquant qui purgera sa peine à domicile, où il recevra des services de soutien appropriés en matière de santé mentale et de réhabilitation.
Les mesures proposées permettront aux collectivités d'assumer la responsabilité de la réhabilitation de leurs membres par l'entremise d'un programme de justice communautaire que nous finançons. Selon les experts dans le domaine, c'est la meilleure façon de faire avancer une communauté, de faire avancer la société et d'aider tout le monde, y compris les victimes, à guérir tout en assurant la sécurité publique. Voilà ce que font les OS.
Les réformes prévues dans le projet de loi aboliront de nombreuses restrictions relatives à l'admissibilité aux OS, mais pas toutes. Les OS pourront s'appliquer uniquement aux peines de moins de deux ans pour les délinquants qui ne représentent pas un risque pour la sécurité publique. Je tiens à souligner ce point, car je crois qu'il y a un malentendu et qu'on croit à tort que tous les délinquants pourront se prévaloir d'une OS. Je répète: les OS seront possibles uniquement dans les cas où la sécurité publique n'est pas menacée.
Il ne sera pas possible de recourir aux OS pour certaines infractions, notamment l'encouragement au génocide, la torture et la tentative de meurtre, ainsi que pour les infractions de terrorisme et d'organisation criminelle lorsqu'elles sont poursuivies par voie de mise en accusation, ce qui les rend passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans ou plus.
Enfin, même s'il est important de prendre des mesures sentencielles qui visent à réduire les récidives et la surreprésentation, il est tout aussi essentiel de garantir des voies de sortie adéquates aux premières étapes du processus de justice pénale. C'est particulièrement vrai pour les comportements qu'il vaudrait mieux traiter comme un problème de santé.
À cette fin, le projet de loi exigera des policiers et des procureurs qu'ils envisagent d'autres solutions que la mise en accusation ou l'engagement de poursuites dans les cas de possession simple de drogues. Il pourrait s'agir de ne prendre aucune mesure, de donner un avertissement ou, avec le consentement de la personne, de la renvoyer à un programme de traitement de la toxicomanie. Ces mesures sont conformes à l'approche du gouvernement centrée sur la santé publique à l'égard de la consommation de substances et de l'épidémie d'opioïdes au Canada.
La politique actuelle de justice pénale est inefficace et ne cause pas uniquement des dommages au Canada. J'étais à Washington le mois dernier, où je me suis entretenu avec un certain nombre de groupes bipartisans et de groupes de réflexion qui travaillent à réformer le droit pénal. Ils sont tous d'avis que les peines d'emprisonnement ne fonctionnent pas. De nombreux États, tant démocrates que républicains, ont abandonné les PMO parce qu'elles ne fonctionnement tout simplement pas. Les réformes que nous proposons sont celles que ces groupes préconisent, soit l'abolition des PMO, une souplesse accrue dans le processus de détermination de la peine et la déjudiciarisation des délinquants pour les tenir initialement à l'écart du système de justice pénale. Ces solutions permettront de régler les problèmes auxquels nous faisons face.
Outre les réformes proposées dans le projet de loi , le gouvernement demeure résolu à collaborer avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec les leaders des communautés noires, autochtones et marginalisées, afin d'éliminer la surreprésentation des membres de ces communautés dans le système de justice pénale.
Ce que nous voulons, c'est assurer la sécurité des communautés. Ces réformes nous aideront à y parvenir.
Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Merci d'être ici, monsieur le ministre. Je suis heureux de vous revoir, à distance, ainsi que les fonctionnaires qui vous accompagnent.
Monsieur le ministre, je sais qu'il nous arrive, vous et moi, de nous entendre de temps à autre. Ce ne sera pas le cas avec le projet de loi . Lors de nos consultations approfondies, nous avons entendu des témoins et des collectivités, tant rurales qu'urbaines, ainsi que divers groupes de victimes, et je peux vous dire que le projet de loi à l'étude ne pourrait être plus complètement déconnecté de la réalité canadienne actuelle.
L'abolition de peines minimales obligatoires pour des crimes graves commis avec une arme à feu, la détention à domicile pour des délits graves contre la personne, l'élimination des peines minimales pour des infractions graves à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, notamment pour la possession, le trafic, la production et la distribution qui sévissent dans nos collectivités... Bien franchement, ce projet de loi est tout à fait contraire à ce que souhaitent ceux qui veulent des rues et des collectivités plus sûres, et il s'agit d'un affront aux victimes.
J'ai entendu dans votre déclaration liminaire que vous maintenez la peine minimale obligatoire pour le meurtre. Cela est très encourageant et je suis sûr que les Canadiens en seront soulagés. Je suppose que cela place la barre bien bas, monsieur le ministre. Nous souhaitons nous assurer que notre système de justice est équilibré, qu'il protège les droits des victimes et qu'il assure la sécurité des collectivités.
Je passe directement aux questions.
Selon Statistique Canada, le taux de victimisation avec violence chez les femmes était près du double de celui observé chez les hommes en 2019. Nous savons que cela découle en partie du fait que, selon les recherches de Statistique Canada, les femmes étaient cinq fois plus susceptibles que les hommes d’être victimes d’agression sexuelle. Lorsque vous avez comparu devant le Comité le 10 mars 2020, vous avez déclaré que « malgré la robustesse de notre cadre juridique en la matière, on constate encore des taux extrêmement bas de signalements, d'inculpations et de condamnations dans les cas d'agression sexuelle ».
Or, monsieur le ministre, le projet de loi que vous proposez éliminerait les peines d'emprisonnement obligatoires pour les agressions sexuelles armées, accompagnées de menaces ou infligeant des lésions corporelles ainsi que pour les agressions sexuelles visées à l'article 271. Les délinquants ayant commis ces crimes pourraient donc purger leur peine dans leur collectivité.
Avez-vous consulté les victimes d'agressions sexuelles avant de prendre la décision de laisser les agresseurs purger leur peine à domicile?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre. Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
J'ai presque envie de commencer par la même mise en garde que celle qui vous a été faite par mon collègue M. Moore. Je ne suis pas certain que nous allons nous entendre sur le projet de loi , même si, sur le fond, le Bloc québécois a toujours été historiquement en désaccord avec les peines minimales obligatoires et qu'il continue de l'être.
Nous pensons qu'il est effectivement préférable de laisser les juges déterminer les peines applicables dans la plupart des cas, mais pas dans tous les cas. Sur la question de la décriminalisation pour l'usage de petites quantités de drogues, nous croyons qu'il s'agit davantage de problèmes de santé que de problèmes judiciaires.
Sur le fond, nous pourrions donc peut-être nous entendre. Nous avons toutefois certaines réserves à l'égard du projet de loi C‑5 tel qu'il est libellé.
Vous nous avez dit d'emblée que ce projet de loi visait à lutter contre le racisme systémique. Je dirais que vous étirez l'élastique pas mal fort. Le problème de racisme systémique est un problème important auquel il faut évidemment s'attaquer, mais il faudrait d'abord déterminer ce que c'est. Je ne suis pas certain que le racisme systémique, au sens où le gouvernement actuel l'entend, existe réellement. Il s'agit toutefois d'une autre question, que nous n'aborderons pas aujourd'hui.
À mon sens, le fait de réduire les peines applicables à certains crimes dans le but d'éviter que des gens racisés se retrouvent en prison est une drôle de façon d'aborder la question du racisme.
Cela étant dit, je vais vous poser des questions plus précises, parce que je dispose de seulement six minutes et qu'il ne doit pas m'en rester plus de cinq. Comme vous vous en doutez, nous ne pourrons pas faire le tour de toute la question en cinq minutes.
Je tiens cependant à valider un point avec vous.
Vous dites que les peines minimales obligatoires pour les crimes graves demeurent en vigueur.
À votre avis, le trafic d'armes, est-ce un crime grave ou non?
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Monsieur le président, je vous remercie.
Je suis tout à fait d'accord sur les interventions que nous venons d'entendre, particulièrement celle de Mme Diab. J'ai beaucoup de respect pour le ministre Lametti. C'est non seulement un homme respectable, mais c'est aussi un érudit, un spécialiste en matière de justice. Jaser avec lui toute la journée serait pour moi un plaisir, j'en suis convaincu. Cependant, je ne dispose que de cinq minutes pour poser mes questions. Je perds déjà du temps en raison de l'interprétation.
Nous avons souvent discuté de cette situation. J'ai d'ailleurs proposé à plus d'une reprise que le temps de parole soit allongé lorsque les questions ne sont pas posées dans la langue du témoin. L'idée est de permettre à tout le monde de disposer d'une période équitable. J'ai ce problème. Comme je l'ai dit déjà, je suis d'accord avec Mme Diab. En raison de cette situation, je pose au ministre des questions précises auxquelles il peut répondre par oui ou par non.
Je lui demande si, à son avis, faire du trafic d'armes à feu est un crime grave, si commettre un vol en utilisant une arme à feu est un crime grave et si décharger une arme à feu avec une intention particulière est un crime grave. Ce sont des questions auxquelles il peut répondre par oui ou par non. Si chaque question donne lieu à un exposé de quatre ou cinq minutes, je n'aurai pas le temps de poser plus d'une ou deux questions pendant tout l'après-midi et j'aurai perdu mon temps à ce comité.
Je pense que nous sommes en droit d'obtenir des réponses claires. M. le ministre a disposé de cinq minutes pour faire son discours d'ouverture et pour nous dire comment il voyait son projet de loi. Nous en avons pris note. Là n'est pas le problème. Maintenant, le temps est venu pour les députés de poser des questions au ministre. Or, malgré tout le respect que j'ai pour lui ainsi que pour les citoyens qui nous regardent, je crois que nous serions en droit de nous attendre à des réponses courtes lorsque la question posée est courte et qu'il est possible d'y répondre par oui ou par non.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également le ministre d'être des nôtres aujourd'hui.
Je sais que l'une des motivations derrière le projet de loi est la lutte contre le racisme systémique dans le système de justice, mais je m'interroge sur un aspect qui me semble très étroitement lié à ce problème, soit la crise des surdoses au Canada.
En 2021, en Colombie‑Britannique, 2 224 personnes sont mortes d'une surdose causée par la consommation de drogue contaminée. Il y a donc au moins 2 224 familles qui ont perdu un père, une mère, une sœur, un frère, un enfant, un cousin ou quelqu'un de leur entourage. Ce problème prend rapidement de l'ampleur.
En ce qui a trait à ce projet de loi, vous avez notamment parlé d'aiguiller les gens vers des services et de réduire les peines minimales obligatoires. Or, en Colombie‑Britannique, la Régie de la santé des Premières Nations a révélé que les Autochtones de cette province sont cinq fois plus susceptibles de souffrir d'une crise de surdoses.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante: ne serait‑il pas préférable d'éliminer tout simplement l'infraction criminelle de possession simple de petites quantités de drogue destinées à la consommation personnelle?
Selon les propos qui ont été rapportés, le jour même où vous avez présenté le projet de loi , vous avez dit que ce projet de loi ne visait pas les « criminels endurcis », mais les délinquants à faible risque et ceux qui commettent une première infraction. Plus précisément, vous avez dit ceci:
Pensez à vos propres enfants. Ils ont peut-être eu des démêlés avec la justice à un certain moment. Je parie que vous seriez prêts à leur accorder le bénéfice du doute ou une seconde chance s'ils commettaient une erreur. Or, il est beaucoup plus difficile de leur accorder une seconde chance dans l'état actuel des choses.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, j'estime que cette réponse insensible n'était pas ce que les Canadiens voulaient entendre le lendemain de ce jour de commémoration où vous avez exprimé votre solidarité à l'égard de la lutte contre la criminalité armée. Vous savez que cette forme de criminalité est en hausse partout au Canada, et particulièrement dans ma circonscription, Brantford—Brant.
Monsieur le ministre, cette semaine, le 6 avril, vous n'avez pas répondu directement à une question posée par le député conservateur de . Il a porté à votre attention un cas de fusillade depuis une voiture qui serait visée par ce projet de loi. Il vous a demandé plus précisément en quoi cela ne constituait pas une menace à la sécurité publique. Le gouvernement pourrait mettre en place un mécanisme de sûreté constitutionnel et maintenir les peines minimales obligatoires tout en prévoyant certaines exceptions pour remédier aux problèmes de surreprésentation carcérale. Il s'agirait d'un juste milieu idéal. Pourquoi le gouvernement ne voudrait‑il pas envisager cela?
Vous avez répondu, monsieur, que l'argument du député était « manifestement erroné », et que vous vouliez seulement éliminer les peines minimales obligatoires pour les infractions les moins graves. Ensuite, vous avez donné un autre exemple en disant que vous parliez des situations où « après avoir trop bu un samedi soir, une personne tire quelques fois sur une grange vide ».
Monsieur le ministre, ma question est la suivante. La décharge d'une arme à feu, de façon volontaire ou avec insouciance, doit être passible d'une peine d'emprisonnement. Est‑ce que vous souscrivez ou non à cette affirmation?
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Je trouve merveilleux de me retrouver en compagnie de deux anciens procureurs généraux.
Les données ne manquent pas au sujet des ordonnances de sursis et de ce genre de flexibilité dans la détermination de la peine; elles montrent des impacts positifs en matière de réinsertion sociale et de réadaptation pour le délinquant, mais aussi des impacts positifs pour les victimes et la collectivité. Les ordonnances de sursis permettent de cibler la cause réelle du problème, qu'il s'agisse d'une dépendance problématique, d'un traumatisme intergénérationnel dans le cas des communautés racialisées, de pauvreté ou du manque de logements. Ce sont ces problèmes qu'il faut régler.
Grâce aux ordonnances de sursis, plutôt que d'envoyer une personne en prison — et souvent, dans le cas d'une femme, de placer ses enfants sous garde —, on la retourne chez elle et on lui permet d'obtenir les traitements dont elle a besoin et possiblement de conserver son emploi et de conserver le soutien communautaire auquel elle avait accès.
J'ajouterais également que cela nous permet d'obtenir le maximum des investissements que nous faisons pour les Autochtones avec les rapports Gladue, qui permettent aux juges chargés de la détermination de la peine de prendre une décision en fonction de ce qui se trouve dans le rapport Gladue.
Nous avons lancé un projet pilote sur les évaluations de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle en Nouvelle‑Écosse, à Montréal et à Toronto. À l'instar des rapports Gladue, ces évaluations permettent l'inclusion d'un rapport présentenciel pour la détermination de la peine d'un délinquant noir. Encore une fois, les ordonnances de sursis permettent au juge — en l'absence d'une peine minimale obligatoire et lorsqu'il n'y a pas de méfait ni de menace pour la sécurité de la collectivité — de choisir une peine qui sera bénéfique pour tous: la victime, le délinquant et ceux qui les côtoient. Les ordonnances de sursis donnent également aux communautés la possibilité de prendre en charge la peine et la réadaptation de façon positive et proactive. C'est ce que recommandent les groupes d'experts, en particulier en Amérique du Nord.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je suis d'accord sur ce que vous avez dit tantôt. Un juge va habituellement sanctionner une infraction liée à un crime grave par une peine d'emprisonnement, que l'infraction donne lieu ou non à une peine minimale obligatoire.
Je suis aussi d'accord sur l'exemple que vous avez donné, c'est-à-dire qu'il n'y a probablement pas lieu d'envoyer en prison pour quatre ans un individu qui a déchargé une arme à feu sur un mur dans une ruelle.
Cependant, il aurait peut-être été pertinent de scinder ce genre d'infraction. Le fait de décharger une arme à feu avec intention en la pointant vers un objet inanimé, c'est une chose, mais, décharger une arme à feu avec intention en la pointant vers des individus, cela nécessite une peine d'emprisonnement minimale. Vous n'avez pas tenu compte de cet aspect, mais c'est peut-être ce que j'aurais fait. Nous proposerons peut-être un amendement en ce sens dans le rapport du Comité.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur deux choses.
D'abord, les lois évoluent avec le temps. Le Code criminel actuel n'est pas le même que celui d'il y a 10, 20, 50 ou 100 ans. Les lois évoluent parce que le législateur doit légiférer en fonction des préoccupations de la population au moment où il légifère.
Ensuite, monsieur le ministre, si vous êtes d'accord sur cet énoncé, pourquoi légiférer aujourd'hui pour abroger des peines minimales obligatoires dans des cas d'utilisation d'arme à feu en vue de commettre une infraction?
À l'heure actuelle, il y a une montée de la violence avec armes à feu, ce qui inquiète la population. On entend des mères dire qu'elles hésitent à envoyer leurs enfants à l'école, parce que c'est devenu un milieu dangereux en raison des armes à feu qui circulent dans nos écoles.
Selon vous, monsieur le ministre, le moment n'est-il pas mal choisi?
J'aimerais maintenant parler des peines avec sursis. Je pense que nous pouvons tous convenir que la condition préalable dans le Code est qu'un juge doit être convaincu que permettre au délinquant de purger sa peine à la maison ne mettrait pas en danger la sécurité de la population.
Notons également que l'article 752 du Code criminel est totalement oblitéré dans le projet de loi . L'article 752 définit ce qu'on entend par « sévices graves à la personne », qui peut être un acte criminel mettant en cause:
(i) soit l'emploi, ou une tentative d’emploi, de la violence contre une autre personne,
(ii) soit une conduite dangereuse, ou susceptible de l'être, pour la vie ou la sécurité d’une autre personne ou une conduite ayant infligé, ou susceptible d'infliger, des dommages psychologiques graves à une autre personne;
D'après moi, les agressions sexuelles, le harcèlement criminel, les enlèvements, la traite de personnes, les incendies criminels et l'enlèvement d’une personne âgée de moins de 14 ans sont des infractions pour lesquelles, en vertu du projet de loi , il serait désormais envisageable d'imposer une peine avec sursis. Cela serait contraire à l'article 752, ce qui aurait pour conséquence de faire augmenter le nombre de litiges devant les tribunaux.
Le ministère a‑t‑il envisagé les répercussions de l'article 752? D'un bout à l'autre du Canada, les juges ont toujours statué, notamment pour les instances d'appel, que face à tout sévice grave à la personne, la notion même de peine avec sursis n'était pas envisageable.