Bienvenue à la 15e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 31 mars 2022, nous nous réunissons pour étudier le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Des députés sont présents dans la salle et d'autres participent à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
J'aimerais maintenant accueillir l'ensemble des témoins.
Je tiens à vous informer au préalable que j'agiterai un carton vert quand il vous restera 30 secondes de temps de parole. J'aurai aussi un carton noir aujourd'hui pour vous indiquer que votre temps est écoulé. J'espère ne pas avoir à vous interrompre, donc portez attention à cela. Cela vaut aussi pour les députés.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire, après quoi les députés leur poseront des questions.
Je donnerai d'abord la parole à M. Stéphane Wall, superviseur à la retraite du Service de police de la Ville de Montréal.
La parole est à vous, monsieur Wall. Vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je suis un des membres fondateurs de la CCACV, soit la communauté de citoyens et de citoyennes en action contre les criminels violents. Vous avez déjà eu l’occasion d’entendre deux autres de nos membres, M. André Gélinas et Mme Anie Samson.
Le 26 janvier 2022, la CCACV proposait 16 mesures aux différents paliers du gouvernement pour contrer la violence armée. Des lettres paraissaient dans deux médias. Nous vous invitons à lire ces lettres, et particulièrement les mesures que nos proposons au gouvernement fédéral.
Le 21 février 2022, le Conseil municipal de Montréal adoptait une première mesure proposée par la CCACV. L’opposition et les élus se sont entendus pour la mise en place d’une ligne d’écoute et d’entraide destinée aux parents qui voient leurs enfants sombrer dans la violence.
Les victimes de crimes violents et leurs proches sont la source de notre inspiration. La plupart d’entre nous sont des parents responsables, qui sentent qu’un enfant a autant besoin d’amour que de discipline pour s’épanouir. La discipline doit s'exercer par des punitions d'une sévérité graduelle, en fonction de la faute commise. Ce type de parent est fortement majoritaire au Canada ainsi que dans les communautés racisées, noires, autochtones ou autres, ainsi que dans les milieux défavorisés.
Un législateur responsable doit aussi adopter des lois et des peines qui sont d'une sévérité graduelle et adaptée à la faute, particulièrement en matière de crimes graves, comme la possession d’armes à feu illégales, un fléau qui décime les villes canadiennes.
Malheureusement, il existe aussi des parents-rois laxistes et complaisants, qui surprotègent leurs enfants-rois. Ceux-ci grandiront sans respect pour les autres et vivront avec un sentiment d’impunité et de toute puissance.
Un législateur complaisant devant les crimes graves des personnes en possession d’armes illégales peut être assuré qu’il y aura une augmentation fulgurante des victimes provenant des mêmes milieux communautaires que les suspects. Ces communautés sont déjà surreprésentées dans le bilan des victimes.
Le projet de loi est en parfaite dichotomie avec le contexte social de violence armée.
Voici un premier fait: toutes les grandes villes canadiennes sont aux prises avec des fusillades attribuées majoritairement à des membres de gangs de rue. Le nombre de fusillades double chaque année presque partout. Plusieurs reportages dans les médias ont mis en relief à quel point ces criminels éprouvent un sentiment d’impunité absolue, que le projet de loi C‑5 aggraverait. Sur les réseaux sociaux, ils rient de la justice et des peines de prison souvent laxistes qui leur sont données par un système de justice complaisant. Ils exhibent leurs armes illégales avec défi et fierté.
Voici un deuxième fait: le 7 mars 2018, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile organisait le Sommet sur la violence liée aux armes à feu et aux gangs, qui s'est tenu à Ottawa. Quatre ans plus tard, trois grandes questions se posent. D'abord, qu’est-il arrivé des constats faits et des solutions proposées lors de ces sommets? Ensuite, la situation de la violence s’est-elle améliorée ou grandement dégradée depuis quatre ans au Canada? Enfin, y a-t-il moins d’armes à feu illégales en circulation qu’en 2018?
Voici un troisième fait: les membres d’une communauté n’ont pas une pensée monolithique. De nombreux membres de la diversité pensent comme Murielle Chatelier, une Haïtienne de naissance, qui fait partie de la CCACV. Je vous invite à lire sa lettre, cosignée par d’autres citoyens issus de la diversité, qui parle de se responsabiliser au lieu de se complaire dans la victimisation.
Voici un quatrième fait: à Toronto, les idéologues ont pris le contrôle de la sécurité publique depuis 10 ans. Leur résultat est probant. En effet, il y a plus de 450 fusillades et des centaines de victimes par année. À force d'être l'objet d’amalgames, les policiers se sont désengagés. Ils font de moins en moins de prévention et d’interpellations. Ils posent des rubans autour des corps des victimes. Les membres des gangs de rue ne craignent tellement plus d’être interceptés qu’ils gardent maintenant leurs armes à feu sur eux, prêts pour la prochaine fusillade. Les membres des gangs de rue ont aussi la spécialité criminelle du proxénétisme et n’ont aucun respect pour les corps des filles et des femmes, qu'ils considèrent comme de la marchandise.
À Montréal, les idéologues reprennent les mêmes recettes qu’à Toronto. Le nombre de fusillades est en hausse, celui des victimes aussi, et les policiers se désengagent de plus en plus.
Des citoyens concernés par la violence armée demandent un changement de paradigmes.
Selon eux, les législateurs canadiens devraient: placer les victimes des crimes violents et leurs proches au centre de toutes les considérations législatives; se préoccuper davantage des victimes de crimes violents dans les communautés racisées, qu'elles soient noires, autochtones ou autres, ainsi que dans les milieux défavorisés, en veillant à ce que les auteurs de ces crimes soient arrêtés, détenus et condamnés légitimement par la justice; valoriser les êtres humains qui portent l’uniforme de policier et leur faire confiance; accorder moins d’importance aux groupes de pression qui sont des sources de divisions, comme les opposants à la police, les wokes et les racistes, qui ne représentent en rien l’opinion pragmatique et modérée de la population; écouter davantage les représentants de la diversité qui, comme Murielle Chatelier, sont en désaccord avec l'attitude de victimisation, mais prônent plutôt la responsabilisation; rendre les criminels responsables de leurs actes et de leurs décisions, et ce, peu importe la communauté, comme le font les parents responsables avec leurs enfants, au lieu de surprotéger les criminels comme s'ils étaient des enfants-rois; recentrer les principes de la justice en instaurant une nouvelle charte des devoirs et responsabilités...
[Le témoin s’exprime en hən̓q̓əmin̓əm̓]
[Traduction]
Respectés amis, mon nom traditionnel est Skalusat Michele Guerin. Je suis de la bande indienne de Musqueam et c'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui.
Le nom « Skalusat » m'a été donné par mes aînés et ma famille, dans notre maison longue. Skalus était un guerrier qui gardait la baie Howe et, selon ce qu'on raconte, il a aussi été le premier de notre peuple à apprendre à écrire. Ils ont choisi ce nom pour moi parce que j'ai été la première avocate de la famille Guerin. On me demande souvent « pourquoi es‑tu devenue avocate? ». Je réponds habituellement: « Je suis devenue avocate parce que je suis une femme autochtone au Canada et que je voulais pouvoir me protéger, protéger mes enfants et mes petits-enfants. »
J'ai témoigné publiquement en tant que survivante dans le cadre de l'enquête sur les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées parce que j'ai été enlevée, puis que mon premier fils m'a été enlevé à l'hôpital, qu'il a passé un mois en famille d'accueil, m'a été rendu, puis est mort du syndrome de la mort subite du nourrisson à trois mois. On m'a volé un mois avec lui, et plus tard, mes trois enfants m'ont été enlevés pendant trois jours. Quand les gens du ministère sont venus pour chercher ma petite-fille quelques dizaines d'années plus tard, j'étais avocate et je pouvais leur dire « allez-vous en ».
C'est important pour moi de vous dire que ma mère, Bev Guerin, a obtenu son diplôme de la 12e année d'un pensionnat, qu'elle a servi dans la marine canadienne puis qu'elle a été secrétaire dans une firme d'ingénierie. Mon père biologique était prêt à l'épouser, mais j'ai quand même été enlevée à ma famille. J'ai passé 14 ans dans une famille d'accueil. Quand j'avais 14 ans, ma travailleuse sociale m'a dit que j'avais le choix entre être adoptée par la famille d'accueil ou rencontrer ma famille à Musqueam. Je dis toujours que j'ai fait ce que n'importe quelle adolescente normale aurait fait: j'ai fugué et vécu dans la rue pendant un an. Si je témoigne aujourd'hui, c'est principalement parce que je voulais raconter aux législateurs les violences extrêmes que j'ai vécues dans la rue en un an, et auxquelles j'ai heureusement survécu, pour illustrer ce que nos femmes et nos filles subissent.
J'ai quelques éléments à mentionner concernant votre projet de loi, qui sont directement liés au témoignage que j'ai livré.
Lorsque j'ai retrouvé ma mère à 14 ans, nous ne nous sommes pas réconciliées. Je pense que de me perdre, puis d'être soudainement confrontée à une vraie adolescente à haut risque ont été très pénibles pour elle. J'ai vécu avec elle pendant un mois, après quoi j'ai été placée dans plusieurs familles d'accueil différentes de la réserve. J'ai vécu l'expérience unique d'être placée dans plusieurs familles d'accueil dans la réserve et hors de la réserve, et je peux attester du fait que je me sentais beaucoup plus en sécurité, plus aimée et mieux entourée dans la réserve.
Concernant le racisme dans le système judiciaire, je vais vous raconter ma première expérience d'identification de mes enfants lorsqu'ils ont été appréhendés. Mes enfants ont été appréhendés alors que j'étais hors de la ville pour participer à un événement religieux. C'est mon mari qui s'en occupait. Je suis rentrée à la maison, et mes enfants avaient disparu. Je devais aller au tribunal pour identifier mes enfants. C'était au tribunal de la famille. L'audience a été ouverte, le juge est entré et avant de s'asseoir, il s'est tourné vers moi et m'a demandé: « Qu'allez-vous faire pour régler votre problème d'alcool, madame Sparrow? » Je lui ai répondu: « Je ne bois pas, Votre Honneur. » Puis il a ouvert le dossier.
Je voudrais faire quelques remarques sur le maintien de l'ordre. J'ai été mariée à un policier de Vancouver pendant 30 ans. J'ai toujours été très favorable à la police. Cependant, j'ai personnellement vu et vécu le racisme dans la police. La plupart des problèmes que j'ai vécus étaient avec la GRC.
Pendant mon témoignage, j'ai demandé que la commission d'enquête fasse appel à ses chercheurs — peut-être avez-vous des attachés de recherche. J'aimerais particulièrement savoir combien de femmes autochtones sont arrêtées lorsqu'elles sont victimes de violence conjugale par rapport au nombre de femmes non autochtones qui sont arrêtées lorsqu'elles sont victimes de violence conjugale. J'aimerais voir les statistiques. Il me semble, d'après ce que je vois dans nos communautés, que les femmes autochtones qui sont victimes de violence conjugale sont systématiquement arrêtées. On pourrait parler d'« interventions policières excessives », mais c'est ce que j'appelle du « racisme inhérent ».
J'ai également travaillé comme répartitrice au 911 pour la GRC. Un jour, dans la salle radio, pendant que je travaillais, un groupe d'officiers était assis et jasait derrière moi. L'un d'eux a dit: « Je n'arrête pas les Indiens. Je tire dessus. » C'était très choquant et décourageant à entendre. Je pense que ce n'est qu'un autre signe de ce racisme systémique.
Sur une autre note, après mon retour dans la réserve, malheureusement, ma défunte mère, Beverly (une mère monoparentale), a été reconnue coupable de fraude pour avoir émis des chèques sans provision. Elle a été condamnée à plusieurs mois de prison au pénitencier d'Oakalla. Je me souviens être allée au tribunal et les avoir vus la condamner. J'étais assise au fond de la salle d'audience, incrédule, alors qu'ils la condamnaient à purger sa peine à Oakalla, une institution qui me semble assez dure pour purger une peine pour un crime non violent.
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D'accord. J'ai juste une dernière chose à mentionner. C'est deux points en un.
J'ai lu avec intérêt le projet de loi qui modifie la LRCDAS afin d'obliger la police et les procureurs à examiner la possibilité de diriger les gens vers des programmes de traitement et d'autres services de soutien. Je suis très favorable à cette mesure. Mon premier mari s'est fait arrêter. Il avait déjà été trouvé coupable quatre ou cinq fois de conduite en état d'ébriété, mais quand il s'est fait arrêter à la frontière canado-américaine et inculper aux États‑Unis, le tribunal américain lui a ordonné d'aller dans un centre de traitement, ce qui a changé sa vie. Il est devenu sobre. Il a ensuite étudié pour devenir conseiller en toxicomanie et en alcoolisme dans une réserve, et il était excellent pour aider d'autres personnes de notre communauté, parce qu'il avait beaucoup de crédibilité.
Le dernier point que je veux soulever, c'est que dans ma profession actuelle, j'ai pour tâche de recruter des travailleurs autochtones qualifiés au sein de notre effectif afin de construire de grands projets d'infrastructure publique en Colombie‑Britannique dans le cadre d'une entente sur les avantages communautaires. L'une des meilleures organisations en Colombie‑Britannique qui vient en aide aux jeunes, qu'ils vivent dans la rue ou qu'ils s'apprêtent à quitter leur famille d'accueil, offre un programme appelé BladeRunners. J'ai rencontré plusieurs jeunes dans des centres d'amitié et je leur ai parlé. Ils sont très enthousiastes à l'égard de ce programme, parce qu'ils voient leurs pairs, qui vivent dans la rue ou doivent quitter leur famille d'accueil, adhérer au programme BladeRunners et recevoir une formation, puis acquérir les compétences nécessaires pour exercer un métier spécialisé.
Cependant, ceux qui ont un casier judiciaire n'ont pas accès à ce programme...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de comparaître aujourd'hui sur ce projet de loi important qui pourrait avoir un effet profond sur nos collectivités.
J'aimerais poser ma première question à M. Wall. Je vous remercie de votre témoignage, monsieur.
Le gouvernement voudrait parfois faire croire aux gens qu'il s'agit en quelque sorte d'infractions sans gravité et que, par conséquent, elles ne méritent pas de peine d'emprisonnement. Certaines de ces infractions existent depuis les années 70. La peine minimale est restée intacte, malgré les diverses réformes du Code criminel, et bon nombre de ces peines ont été confirmées par les tribunaux.
J'aimerais attirer votre attention sur quelques-unes des infractions en question. Il y a le vol qualifié avec usage d'une arme à feu, l'extorsion avec une arme à feu, le trafic d'armes, l'utilisation d'une arme à feu dans la perpétration d'une infraction et la possession en vue de faire le trafic d'armes. Il me semble qu'il s'agit là d'infractions graves qui sont à l'origine de certains des problèmes liés aux armes à feu et aux gangs que nous connaissons dans ce pays. Quel message pensez-vous que cela envoie au monde criminel?
Vous avez employé le mot « impunité ». Je vous remercie également, monsieur, d'avoir employé un mot que nous n'entendons pas assez souvent, à savoir « victimes ». Trop souvent, les victimes ont perdu leur voix et l'on n'écoute pas leur réaction à ce projet de loi. Nous avons un peu entendu les victimes, mais je vous remercie de les avoir mentionnées.
Quel message pensez-vous que cela envoie aux criminels d'adoucir les peines imposées pour les crimes commis avec des armes à feu?
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Je vous remercie de votre question, monsieur Moore.
À l'heure actuelle, les fusillades dans les grandes villes canadiennes sont commises en majorité par des membres de gangs de rue, qui sont plus ou moins jeunes. Certains membres de gangs donnent de petits contrats à des plus jeunes pour qu'ils fassent de l'intimidation, des menaces, et ainsi de suite. Présentement, on souligne que l'impunité règne. Plusieurs médias ont fait un grand nombre de reportages en ce sens. Sur les réseaux sociaux, on voit que les jeunes rient du système de justice. Ils exhibent avec fierté leurs armes à feu, qui sont en très grande majorité illégales. C'est déjà la situation que nous vivons.
L'adoption du projet de loi donnerait lieu à un nivelage par le bas et à une banalisation de la possession d'armes à feu dans un but criminel. Ce serait un mauvais message à envoyer aux criminels. On leur dirait en quelque sorte que la société est peut-être un peu trop dure envers eux et qu'on va, par conséquent, leur imposer des peines moins sévères. On banalise ainsi la possession d'une arme à feu.
Il ne faut pas oublier que la possession d'une arme à feu, chez les jeunes qui ont facilement accès à de telles armes, est suivie la plupart du temps d'un geste criminel. Il ne s'agit pas seulement de possession; la prochaine étape consiste à tirer sur des ennemis ou sur des personnes provenant des mêmes milieux, notamment des milieux racisés, de la diversité ou de milieux socioéconomiques similaires. Il y a en effet une surreprésentation des victimes qui appartiennent au même milieu que les suspects.
En remettant en liberté rapidement des criminels qui ont eu une arme à feu en leur possession — et il faut tenir compte ici des libérations conditionnelles qui s'additionnent à cela —, on leur permet de faire de nouvelles victimes dans leur propre communauté ou dans une communauté ennemie. C'est un très mauvais signal à envoyer. L'opportunité de faire adopter un tel projet de loi ne cadre pas avec la réalité sur le terrain.
Il y a une idée fausse qui a été propagée selon laquelle cela concernerait des infractions mineures liées aux drogues. Mais quand on regarde la Loi de plus près, les peines minimales obligatoires qui seraient retirées de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sont plutôt celles liées au trafic ou à la possession en vue du trafic, à l'importation et à l'exportation en vue de l'exportation et de la production d'une drogue inscrite à l'annexe I ou à l'annexe II. Cela comprend l'héroïne, la cocaïne, le fentanyl et la méthamphétamine en cristaux.
Vous avez déjà parlé des crimes commis avec des armes à feu, mais du point de vue du trafic, il y a une véritable crise au Canada de la consommation de drogues dans les régions rurales comme urbaines. Des Canadiens en meurent et en souffrent. Il y a une crise de la méthamphétamine en cristaux. Ce projet de loi n'éliminerait pas la peine d'emprisonnement obligatoire pour ceux simplement trouvés en possession de drogue; il n'y a pas de peine minimale obligatoire pour possession. Il éliminerait les peines d'emprisonnement obligatoires pour les trafiquants, les producteurs, les exportateurs et les importateurs.
Pouvez-vous nous en parler?
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Merci, monsieur le président.
Je salue tous les témoins et les remercie d'être présents avec nous cet après‑midi.
Le projet de loi ne vise pas à adoucir les peines, il vise à faire diminuer la surreprésentation de certaines communautés marginalisées et à redonner au juge un pouvoir discrétionnaire pour, entre autres, considérer des solutions de rechange de justice réparatrice.
Ma question s’adresse à vous, madame Skalusat. Tout d'abord, je vous remercie d’avoir partagé votre expérience avec nous. Vous avez traversé des moments très difficiles. Votre expérience de vie montre certaines failles du système.
Pouvez-vous nous expliquer comment les peines à la maison peuvent avoir une incidence positive non seulement sur les personnes judiciarisées, mais aussi sur leurs proches?
Quelles sont les répercussions sur l’équilibre de vie d’un enfant d’une personne judiciarisée?
Je vous remercie.
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Je vous remercie de votre question.
Ce qui me vient à l'esprit quand vous posez cette question, c'est le problème croissant des gangs dans les communautés autochtones. C'est vraiment difficile quand certains membres de la communauté se joignent à des gangs. Il y a beaucoup d'armes à feu et beaucoup de problèmes autour des gangs.
Je ne pense pas qu'il serait approprié de condamner une personne à l'emprisonnement avec sursis pour une infraction liée aux armes à feu ou quelque chose du genre, particulièrement s'il y a une victime au sein de la communauté. J'ai vécu des situations où l'on m'a demandé de participer à la médiation quand il y avait... Si quelqu'un dénonce un membre de gang, puis que celui‑ci va en prison, la personne aura peur de ce qui arrivera quand le membre du gang sortira de prison, elle aura peur de se faire tuer pour l'avoir dénoncé. Ces gens vivent à deux pâtés de maisons les uns des autres, c'est une communauté tellement soudée que je pense que tout dépend du crime.
En cas d'agression sexuelle, je pense qu'il faut mettre en place un plan vraiment complet pour y faire face. Peut-être que s'il y avait des services de prévention et de soutien pour les femmes, les enfants et toute autre personne qui a été abusée sexuellement ou agressée sexuellement...
Je pense qu'il y a un réel effort dans les communautés pour essayer d'imposer plus de conséquences à nos membres lorsqu'ils commettent des crimes. S'ils veulent rester dans la communauté, la communauté cherchera toujours des solutions pour y parvenir, donc je pense que c'est possible.
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Oui, je pense que cela permettrait de financer adéquatement les services de soutien préventif ou les programmes de traitement.
J'ai lu les renseignements généraux sur ce projet de loi, et je suis désolée si je ne me souviens pas où, mais il était question de la possibilité d'élaborer un plan d'action avec les groupes autochtones pour fournir des services communautaires préventifs et des solutions de rechange bien financés. Je pense que c'est fabuleux.
En tant qu'avocate, j'ai surtout travaillé aux tables de négociation des traités, et j'ai observé les communautés accéder à l'autonomie gouvernementale. Nous avons suffisamment de communautés capables de gérer ce genre de programmes, et je pense que si ces programmes étaient financés adéquatement, ils pourraient insuffler un véritable changement sur la voie de l'autonomie, en accordant des pouvoirs aux communautés sur cette question, pour qu'elles puissent gérer ces problèmes elles-mêmes.
On constate que lorsque les communautés des Premières Nations participent à la création de la solution, elle a tendance à fonctionner. Je pense que les membres de la communauté y adhèrent davantage. La solution a plus de légitimité si elle ne vient pas d'en haut, et au lieu de cela, les gens se disent « oh! c'est le choix de la communauté ».
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins, Mme Skalusat et M. Wall, qui sont ici aujourd'hui.
J'aimerais poser une question à M. Wall.
Tout d'abord, monsieur Wall, que vous êtes retraité des services de police. Vous étiez superviseur au Service de police de la Ville de Montréal.
Depuis quelques mois, voire quelques années, on voit une certaine montée de la violence avec armes à feu, dans la région de Montréal, et je crois comprendre que cela inquiète bon nombre de citoyens. En fait, dans ma région, un peu au nord de Montréal, on en entend beaucoup parler.
Selon le discours policier, il faut maintenir les peines minimales parce que cela va dissuader les criminels. Toutefois, de l'autre côté, des gens disent que les peines minimales ne changeront rien, parce qu'au fond, le juge va donner une peine adéquate, qui devrait être sensiblement la même, voire peut-être encore plus élevée, à l'occasion, que les peines minimales prévues actuellement au Code criminel.
Sur ces deux discours, j'ai évidemment une opinion, mais je ne suis pas ici pour témoigner.
De votre côté, corrigez-moi si je me trompe, vous êtes davantage de l'opinion qu'il faudrait maintenir les peines obligatoires parce qu'elles ont une conséquence dissuasive, selon vous.
J'aimerais encore entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
Croyez-vous vraiment qu'une peine minimale va dissuader les éventuels agresseurs de commettre un acte criminel et d'utiliser une arme à feu dans le cadre d'un vol de banque ou de différentes autres infractions prévues au Code criminel?
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Je vous remercie de votre question.
Je reviens encore une fois à la base. Les membres des gangs de rue jouissent déjà d'une impunité dans le système existant. Les peines minimales existent et seront maintenues pour plusieurs types de crime. À l'heure actuelle, ces gens profitent d'une impunité sur les réseaux sociaux. Lorsqu'on prend le temps de fouiller un peu, on découvre toutes sortes de déclarations et de fanfaronnades de jeunes et de membres de groupes criminels, qui rient déjà du système de justice.
Niveler un peu par le bas dans le cas de crimes graves comme la possession ou l'utilisation d'une arme à feu revient à dire à ces jeunes que notre société pense que leurs actes ne sont pas particulièrement graves. On leur dore un peu la pilule lorsqu'on leur dit qu'ils ne vont recevoir qu'un coup sur les doigts. C'est déjà le sentiment qui est partagé dans la rue.
Pour ma part, je suis un policier de terrain. Je discute avec des jeunes. J'habite près du quartier Saint‑Michel, où il y a énormément de fusillades. Je peux donc vous dire que le sentiment, dans la rue, c'est qu'il y a du laxisme judiciaire et que le fait d'en rajouter une couche ne donnera rien. Je pense que personne ne va s'opposer à l'abolition des peines minimales dans le cas de crimes contre la propriété. En revanche, quand il s'agit de crimes graves contre la personne, d'armes à feu ou d'agressions sexuelles, il faut que la société envoie un message. Le gouvernement doit être responsable et affirmer que, en tant que législateur, il ne tolérera pas de tels actes. Il s'agit de protéger...
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Je suis d'accord avec vous. Je ne veux pas vous interrompre, mais nous avons malheureusement très peu de temps à notre disposition. J'aimerais passer à une autre question.
Il s'agit de l'avis des policiers, avis partagé par bon nombre de personnes, j'en conviens. J'aimerais que vous répondiez à la prochaine question en vous fondant sur votre expérience en tant que policier sur le terrain et policier à la retraite. J'imagine que, chez vous, beaucoup de gens savent que vous étiez policier auparavant. Vous vous impliquez, par exemple en comparaissant devant nous aujourd'hui.
L'opinion selon laquelle il ne faut pas abolir les peines minimales vient-elle, dans une certaine mesure, des policiers?
Sur le terrain, que disent les familles des victimes et les familles des agresseurs qui se retrouvent en prison au sujet de l'abolition éventuelle des peines minimales associées à des armes à feu?
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Comme je l'ai mentionné dans mon allocution d'ouverture, nous avons formé un regroupement de citoyens qui compte des personnes provenant de la diversité. Mme Murielle Chatelier a écrit une lettre à l'intention des parlementaires, que je vous invite à lire. Elle est cosignée par des gens qui proviennent aussi de la diversité.
Quand les citoyens et les familles des victimes, notamment celles que nous avons rencontrées, se réunissent, ils demandent qu'il y ait une responsabilisation par rapport aux gestes commis. Ces gens, qui proviennent de milieux communautaires, se rendent compte qu'il y a un laisser-aller chez certains individus, chez des suspects. Ils prônent la responsabilisation. Selon eux, les familles font partie d'une société, mais, dans les communautés, il faut se responsabiliser et bien expliquer aux enfants que, s'ils ont des droits, ils ont aussi des devoirs envers les autres. La pensée des groupes provenant de la diversité n'est pas monolithique. Il est important de considérer la responsabilisation par rapport aux gestes qui sont posés.
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Je peux certes vous parler de mon expérience personnelle.
Il y a eu deux cas semblables dans ma famille. Cela peut paraître beaucoup, mais quand on considère les statistiques, c'est en quelque sorte assez typique.
Comme je le disais, ma mère a été incarcérée au pénitencier d'Oakalla. Ce séjour a eu des effets vraiment néfastes sur son bien-être psychologique et émotionnel, ne serait‑ce qu'en raison des préjugés qui y sont associés. Il y a aussi mon premier mari qui a purgé de nombreuses peines pour conduite avec les facultés affaiblies, comme je l'ai déjà indiqué. C'était vraiment étrange, car je lui répétais qu'il se retrouvait à jouer au golf dans un club à sécurité minimum pendant que je devais faire des pieds et des mains à la maison pour élever et nourrir nos six enfants.
Je ne sais pas si je réponds vraiment à la question, mais je crois effectivement qu'il y a certes, avec l'effet domino, un impact sur les communautés et sur les familles, et notamment sur les enfants.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leur comparution.
Je vais poser mes questions à M. Wall.
Monsieur Wall, vous avez une vaste expérience au sein des forces de l'ordre. Dans votre exposé comme dans vos réponses aux questions posées par MM. Fortin et Moore, vous avez mis l'accent sur les peines d'emprisonnement obligatoires, plus particulièrement au titre des infractions faisant intervenir des armes à feu et des drogues.
Il y a une autre composante au projet de loi , et c'est l'élargissement considérable du recours aux ordonnances de sursis. Si l'on en croit les libéraux, le projet de loi vise simplement à faire en sorte que des criminels supposément non violents puissent purger leur peine à la maison, plutôt que derrière les barreaux. Parmi les infractions qui pourraient désormais donner lieu à une assignation à résidence, on retrouve le bris de prison, le harcèlement criminel, l'agression sexuelle, l'enlèvement, la traite de personnes pour en tirer un avantage matériel, le rapt d'une personne de moins de 14 ans, le vol de plus de 5 000 $, l'introduction par effraction dans un endroit autre qu'une maison d'habitation, la présence illégale dans une résidence, l'incendie criminel à des fins frauduleuses, les voies de fait causant des lésions corporelles, l'agression armée et la conduite avec les facultés affaiblies causant la mort. On peut donc parler d'infractions plutôt graves.
Dans quelle mesure jugez-vous approprié d'étendre les ordonnances avec sursis à de telles infractions?
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Il faut faire attention à ne pas faire d'amalgame. Pour certains types de crimes contre la propriété, comme une introduction par infraction, on pourrait décider, en établissant une gradation, d'imposer une peine avec sursis pour la première ou la deuxième infraction. Cela pourrait être réaliste ou possible dans l'optique où on veut donner la chance au coureur.
Maintenant, pendant mes 29 années en tant que policier, j'ai rencontré des policiers, des victimes, des membres de la population en général et de la majorité silencieuse, et personne ne comprendrait pourquoi on donnerait des peines avec sursis à des criminels qui commettent des crimes contre la personne. Un public bien informé ne peut pas être favorable à cela parce qu'on parle d'agressions sexuelles, de voies de fait, de menaces, de coups et d'agressions armées. Ces criminels qui sont violents envers des femmes, des enfants et des hommes ne peuvent pas avoir la priorité. La priorité doit être donnée aux victimes de ces criminels, ces gens qui se font frapper et menacer. On devrait donner la priorité à ces gens et les sécuriser. Par conséquent, on ne devrait pas permettre à des criminels de revenir dans une communauté sans surveillance.
La réalité, c'est que, au-delà des principes, dans le cadre des libérations conditionnelles et des remises en liberté, il n'y a pas de surveillance. Un agent de libération conditionnelle peut devoir s'occuper de 250 personnes. On n'exerce donc pas une vraie surveillance, et c'est la même chose dans le cas des peines avec sursis. Les criminels trouvent ces mesures laxistes; ils en rient et ils en profitent.
Je me souviens d'un cas particulier survenu il y a environ cinq ans. Quelques semaines après l'arrestation d'un homme pour agression sexuelle, la victime est tombée face à face avec le suspect dans le même quartier.
Est-il normal, dans notre pays, qu'on permette, dans un objectif de réinsertion sociale, à des suspects de réintégrer rapidement la société, et qu'on ne protège pas les victimes, qu'on les stigmatise? Ce n'est ni souhaitable ni normal dans une société comme celle du Canada. Nous devrions toujours accorder la priorité aux droits et libertés des victimes plutôt qu'à ceux des criminels.
Nous croyons tous au principe de réinsertion, et il fonctionne dans certains cas. Cependant, si l'on considère l'ampleur des crimes contre la propriété et des crimes contre la personne, il est évident que le Canada a besoin de serrer la vis aux gens qui s'en prennent physiquement à d'autres ou qui commettent des agressions sexuelles. Ces gens doivent subir des conséquences d'une sévérité selon la gravité des actes commis. C'est ce que prône notre groupe de citoyens.
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Merci, monsieur le président.
J'ai une autre question à poser à M. Wall.
Monsieur Wall, j'ai compris votre position quant aux peines minimales obligatoires. J'aimerais maintenant entendre ce que vous avez à dire au sujet de l'autre volet du projet de loi , c'est-à-dire la déjudiciarisation.
J'imagine que vous avez lu le projet de loi avant votre témoignage. Vous comprenez qu'une partie du projet de loi vise la déjudiciarisation, c'est-à-dire de permettre aux policiers de prendre des décisions, dans certains cas. Par exemple, y a-t-il lieu de traduire les individus en justice ou de prévoir plutôt des mesures de rechange, comme des ressources, pour les aider davantage?
Finalement, ce que le projet de loi vise, c'est traiter les problèmes de dépendance à la drogue comme des problèmes de santé, plutôt que des problèmes d'ordre criminel. Ainsi, plutôt que d'engager un processus qui vise à envoyer quelqu'un en prison, on essaie de soigner ou de guérir sa dépendance. Évidemment, on ne parle pas ici de trafic de drogue, mais bien de consommation personnelle.
Que pensez-vous de cela? À votre avis, est-ce que trop de pouvoirs sont donnés aux policiers?
Est-ce qu'un juge ou un procureur de la Couronne devrait être la personne qui prend ces décisions ou si, selon vous, les policiers sont en mesure de faire cette évaluation, à savoir s'il y a lieu d'avoir recours ou non à la déjudiciarisation?
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Ce que je peux vous dire à ce sujet, c'est que les principes de déjudiciarisation existent depuis plusieurs années dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Un pouvoir discrétionnaire s'exerce donc déjà auprès des jeunes contrevenants.
Comme je l'ai dit depuis le début de mes réponses, quand c'est un crime qui n'est pas un crime contre la personne, il faut être un peu plus ouvert à des solutions de rechange.
Dans le cas d'un problème de consommation ou de possession de stupéfiants, il serait possible pour un policier, avec l'aide d'un intervenant social ou d'une équipe mixte, de prendre des décisions pour ne pas encombrer les tribunaux de toutes ces situations.
Il y aurait peut-être la possibilité d'avoir des équipes mixtes pour évaluer la situation, le passé de l'individu et les objectifs derrière certains programmes pour voir si on peut utiliser des mesures compensatoires. Je ne peux pas être complètement fermé à cette possibilité.
Ce qui est important, c'est d'être rationnel et de procéder par gradation des différentes situations. Effectivement, cela peut être un problème de santé publique, mais il faut aussi, à un moment donné, établir des limites. Dans le cas de quelqu'un qui consomme des stupéfiants et qui a une famille, par exemple, la décision pourrait avoir des répercussions sur sa famille.
Voici quelques petites règles pour nos nouveaux témoins. Quand il vous restera 30 secondes, je montrerai une chemise verte; quand votre temps sera écoulé, une rouge. Soyez attentifs pour que je n'aie pas à vous interrompre. C'est la même consigne pour les membres du Comité.
Chaque groupe disposera de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire, après quoi ce sera les questions. Ce sera alors le moment de remplir les lacunes de votre déclaration.
Nous accueillons: le représentant du service de police de Bradford, le chef de police Robert Davis; les représentants de l'Association canadienne des chefs de police, sa sous‑directrice et coprésidente du comité consultatif des drogues Rachel Huggins, qu'accompagne l'inspecteur et membre du comité des modifications législatives Michael Rowe; nous accueillons également le président de la Fédération de la police nationale Brian Sauvé.
Soyez tous les bienvenus.
Entendons d'abord le chef de police Robert Davis.
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Mesdames et Messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de votre invitation. Je me nomme Rob Davis, chef du service de police de Brantford. Je suis un fier Mohawk du territoire des Six Nations de la rivière Grand, où se situe la ville de Brantford, à la partie ouest de la périphérie du Golden Horseshoe de l'agglomération torontoise. Je suis fier d'être le seul haut gradé autochtone d'une police municipale en Ontario, dont je fais partie depuis 1990. Plus de la moitié de ma carrière s'est déroulée dans des communautés autochtones, et la majorité de ce temps dans ma communauté natale des Six Nations, où j'ai fait partie du service de police des Six Nations ainsi que de celui de la police nishnawbe‑aski dans le Grand Nord ontarien. Je suis chef de police depuis plus d'une décennie, ayant dirigé un petit service de police dans le Nord-Ouest de l'Ontario, à Dryden, avant de diriger le troisième service de police municipale en importance de l'Alberta, à Lethbridge et, maintenant, de diriger la police de Brantford, ville de taille moyenne d'une population de 100 000 âmes.
Pendant toute ma carrière et, particulièrement, ces cinq dernières années, j'ai été le témoin direct de l'absence d'effet dissuasif de la réforme du système de mise en liberté sous caution, particulièrement depuis 2019, après sa mise en œuvre, conséquences que ne fera qu'amplifier l'adoption du projet de loi , qui entraînera même un adoucissement des peines. Dans les communautés, les victimes vivront dans la terreur de la violence armée et dans la crainte de la vengeance des criminels armés pendant que les toxicomanes continueront de faire des surdoses, que beaucoup d'entre eux mourront à cause du fentanyl ou d'autres drogues mêlées de fentanyl, dont le trafic continuera en toute impunité.
Certains crimes exigent le retrait de leurs auteurs de la société, pour accorder un répit à la masse des citoyens respectueux des lois. Les crimes commis au moyen d'une arme à feu, le trafic, la production et l'importation de drogues et beaucoup d'infractions énumérées dans l'alinéa 742.1f), particulièrement, nécessitent des condamnations avec sursis.
D'après ce que j'observe, les crimes commis au moyen d'une arme à feu sont en croissance exponentielle. Les victimes vivent dans la peur. Le fléau du trafic, de l'importation et de la production de drogues ravage nos villes. Les condamnations avec sursis qu'on propose ne seront évidemment pas efficaces.
Sur ce, je suis prêt à répondre à vos questions.
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Bonjour et merci de me donner l'occasion de m'adresser à votre comité au nom de l'Association canadienne des chefs de police.
L'Association applaudit les efforts du gouvernement pour moderniser la législation canadienne afin d'aider à résoudre le problème de la surreprésentation des communautés autochtones et racialisées dans le système de justice pénale du Canada. Comme nous l'écrivions dans notre rapport de juillet 2020, nous soutenons la décriminalisation de la possession personnelle de drogues illicites comme moyen efficace de réduire les méfaits des toxicomanies sur la santé et la sécurité publiques.
Bien qu'il existe du soutien pour déjudiciariser le dossier des toxicomanes, la police, au Canada, a maintenu la poursuite des individus associés au crime organisé et aux réseaux criminels qui engrangent de gros profits grâce au trafic et à la production de drogues illicites dangereuses. Sous le régime actuel de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, les peines minimales obligatoires ne s'appliquent qu'aux infractions graves liées au trafic, à la production et à l'importation ou l'exportation de drogues, lorsque la sécurité publique est menacée. Ces peines sont envisagées pour les infractions ayant des facteurs aggravants pour la santé et la sécurité, comme celles qui impliquent l'utilisation d'une arme ou la menace de violence, et les opérations de production qui constituent un risque potentiel pour la sécurité, la santé ou la sûreté des personnes de moins de 18 ans. Nous sommes convaincus que la prise en considération de ces facteurs aggravants permet à la police et au système judiciaire de se concentrer sur les personnes motivées par le gain et qui mettent les communautés en danger, plutôt que sur celles qui commettent des infractions liées à la drogue pour soutenir leur toxicomanie.
La déjudiciarisation est donc un thème important de notre exposé. Elle implique de s'assurer que les circonstances particulières de l'infraction et du délinquant seront prises en compte par le juge au moment de la détermination d'une peine appropriée. Il s'agit de distinguer les personnes vulnérables qui commettent des infractions mineures et qui devraient être orientées vers des services et des soins appropriés et les grands criminels. La déjudiciarisation offre également la possibilité de réduire la récidive et les délits secondaires.
Il importe de souligner que le succès de la déjudiciarisation au niveau de la police ou du tribunal dépend d'un investissement dans la capacité et les ressources communautaires afin de soutenir la disponibilité et l'intégration des programmes sociaux et de santé. Les principes de base de l'approche modernisée des lignes directrices sur les circonstances aggravantes qui ont été adoptées pour les infractions graves liées à la drogue pourraient s'appliquer à d'autres crimes tels que ceux qui impliquent des armes à feu.
Mon collègue Michael Rowe vous en dira davantage à ce sujet.
Au Canada, la police appuie les grands objectifs visés par les peines minimales obligatoires, soit d'assurer l'uniformité de la détermination de la peine, de protéger le public et d'éviter la contagion du mauvais exemple.
Pour les policiers, les victimes d'actes criminels, les membres du public et même les délinquants, les circonstances qui donnent lieu à une accusation criminelle en vertu d'une infraction liée aux armes à feu entraînent souvent une menace réelle à la sécurité physique, une exposition au stress et à un traumatisme qui a un impact durable sur la santé mentale et l'érosion de la sécurité publique.
Mon expérience d'agent de police m'a appris que les infractions suivantes liées aux armes à feu, pour lesquelles il est recommandé d'abroger les peines minimales obligatoires, ont une valeur importante pour la sécurité publique et la violence liée aux gangs: l'usage d'une arme à feu ou d'une fausse arme à feu pour perpétrer une infraction; la possession d'une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions; la décharge d'une arme à feu avec intention particulière ou avec insouciance.
Les peines minimales obligatoires attribuées à ces articles du Code criminel créent une condamnation juridique significative de la décision de prendre illégalement une arme à feu et reflètent la distinction importante entre les infractions impliquant des armes à feu et les autres. Plutôt que d'abroger les peines minimales obligatoires pour les infractions graves qui ont un impact direct sur la sécurité publique, le Parlement pourrait accorder aux juges des pouvoirs supplémentaires par le biais d'une disposition de la loi servant de clapet de sûreté, comme en ont des pays imposant des peines minimales obligatoires, mais pas le Canada.
Ce recours permettrait d'atteindre les objectifs des peines minimales obligatoires, surtout pour les infractions liées aux armes à feu qui présentent une menace réelle pour la sécurité publique. Il établirait également le pouvoir judiciaire discrétionnaire d'évaluer individuellement chaque infraction et chaque contrevenant afin de déterminer si les peines minimales obligatoires sont appropriées. Enfin, il réduirait la nécessité de s'appuyer sur une « hypothèse raisonnable » pour évaluer l'impact des peines minimales obligatoires sur les cas isolés. Les arguments du « contrevenant imaginaire » ou de l'« hypothèse raisonnable » réduisent souvent l'importance des infractions liées aux armes à feu à des infractions réglementaires.
Ce peut être très frustrant pour les policiers qui constatent l'impact très réel que la possession illégale d'armes de poing chargées, l'utilisation d'armes à feu et de fausses armes à feu pour commettre d'autres crimes et la décharge de munitions vives ont sur la perception de la sécurité dans les collectivités de tout le Canada.
En conclusion, l'Association recommande de poursuivre la décriminalisation de la possession de drogues illicites. Nous sommes également en faveur du maintien des peines minimales obligatoires pour les crimes graves qui les justifient, et nous appuyons l'ajout, dans la loi, d'une sorte de disposition de sûreté qui permet au juge chargé de la détermination de la peine d'examiner les circonstances individuelles de l'infraction et du contrevenant afin de déterminer si la peine minimale obligatoire est appropriée ou si son dossier peut être déjudiciarisé.
Merci beaucoup.
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Bonjour. Je vous remercie de votre invitation.
Je suis le sergent Brian Sauvé, de la GRC, président de la Fédération de la police nationale, l'agent négociateur accrédité de près de 20 000 membres de la GRC.
Je reconnais d'abord m'adresser à vous alors que je me trouve sur le territoire non cédé traditionnel des Algonquins anishinabés.
Le projet de loi permet de franchir plusieurs pas importants dans la bonne direction. Il reconnaît et appuie des pratiques actuelles, comme le pouvoir discrétionnaire des policiers pour diriger des délinquants vers la déjudiciarisation de leur dossier et des programmes de cure. Le soutien législatif de ces pratiques signifie que l'application des lois, d'un bout à l'autre du Canada, deviendra moins uniforme. Mais on distingue dans la loi de nombreuses zones d'ombre. Voyons‑en trois, parmi les plus préoccupantes.
D'abord les ressources policières et le pouvoir discrétionnaire de la police. Nous appuyons l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la police et des solutions de rechange à l'incarcération pour les délinquants présentant moins de risques, qui bénéficieraient d'une cure et d'une réinsertion. La déjudiciarisation, qui conduit à ces programmes, est un outil précieux pour la police. Nos membres reconnaissent ce rôle essentiel, mais le gouvernement doit fournir le soutien et les ressources nécessaires pour que les agents puissent obtenir efficacement des résultats.
Même après l'adoption du projet de loi, les agents auront encore besoin de faire appliquer la loi contre les contrebandiers, les trafiquants et les fabricants de drogues. Le lien entre les armes et le trafic de drogues reste encore à défaire. Le trafic de drogues aggrave l'épidémie d'opioïdes, qui continue de peser sur le réseau canadien de santé et les services de police.
Pour situer les choses dans leur contexte, la crise des opioïdes, en 2020, a tué 6 306 Canadiens, soit 17 par jour. Le gouvernement y a consacré des centaines de milliers de dollars, mais les chiffres continuent de s'envoler. Contre ces problèmes importants, il nous faudra une stratégie qui mobilisera tout le gouvernement.
Vient ensuite l'accessibilité aux programmes. Le projet de loi a besoin, en même temps, que l'onconsacre plus d'argent à des programmes tels que le traitement des toxicomanies, la réinsertion et la déjudiciarisation. Le besoin d'un financement plus généreux des programmes sociaux est général dans tout le Canada, mais il faut s'occuper de toute urgence du déficit que les agents et les communautés affrontent dans les régions rurales et éloignées.
D'après un rapport adressé à Justice Canada, 48 % des services de police sondés ont, pour les jeunes contrevenants, un programme de déjudiciarisation précédant le dépôt d'accusations. Mais 66 %, en région rurale et dans les petites villes, n'en ont pas. L'écart est plus grand dans les communautés autochtones, où l'absence de ce programme contribue à aggraver la surreprésentation de ces populations dans le système judiciaire. Les programmes de déjudiciarisation, pour aboutir aux résultats escomptés, ont besoin d'un financement permanent, cohérent ainsi que d'une véritable surveillance, fondée sur les faits, pour en assurer l'efficacité. Entretemps, les agents de police ont besoin du temps, du personnel et des ressources qu'il faut pour diriger les dossiers vers ces programmes de traitement.
Enfin, il y a l'intégrité des frontières. Le projet de loi supprime des peines minimales obligatoires rattachées au trafic des armes à feu et aux infractions commises au moyen d'armes à feu. Voilà qui contredit l'intention annoncée par le gouvernement de réduire la violence causée par les armes à feu au Canada. La loi maintient des peines minimales obligatoires pour des infractions telles que le trafic d'armes, la production d'armes à feu automatiques et le meurtre ou l'homicide au moyen d'une arme à feu. Mais, pour éradiquer la criminalité, il faut des mesures vigoureuses contre les criminels qui menacent les communautés vulnérables, particulièrement la criminalité qui permet aux bandes et au crime organisé de se financer et d'augmenter leur puissance. Malheureusement, le projet de loi ne s'intéresse pas à ces problèmes.
La suppression des peines minimales obligatoires exige des mesures supplémentaires de dissuasion contre la criminalité, comme plus de ressources pour arrêter l'importation de drogues et d'armes à feu illégales à la frontière. Notre fédération réclame un financement accru pour le programme d'intégrité des frontières de la GRC et la création d'un groupe d'enquêteurs sur la contrebande d'armes à feu.
Bref, pour atteindre son premier objectif, ce projet de loi doit s'adosser à un financement accru dans trois secteurs: pour des programmes sociaux efficaces, fondés sur des données probantes pour éradiquer les causes profondes de la consommation de drogues et du trafic des armes à feu; pour des ressources suffisantes pour que la police dispose du personnel et des ressources lui permettant d'absorber la charge accrue de travail créée par cette loi; pour le soutien au respect des lois aux frontières pour contrecarrer l'importation de drogues illicites et d'armes à feu.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Entamons la première salve de questions.
Petite précision pour les témoins qui ne bénéficient pas de l'interprétation, sachez que vous pouvez actionner une fonction à cette fin, dans le bas de l'écran de votre ordinateur, si vous êtes à distance. À la Chambre, vous pouvez régler le casque d'écoute devant vous pour entendre le parquet, ce qui est dans la langue de la personne qui s'exprime, en anglais ou en français. Vous pouvez ajuster le volume et l'utiliser. Je sais qu'on vous en a peut-être déjà parlé. Je vous informe seulement en prévision d'un éventuel problème.
Monsieur Brock, vous disposez de six minutes.
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Je vous remercie de votre question.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les victimes de la criminalité sont déjà irritées par la réforme du système de mise en liberté sous caution. Ils ont l'impression que les droits des criminels sont mieux respectés que ceux des citoyens. Dans l'état actuel du projet de loi et des modifications actuellement proposées, la détermination de la peine deviendra très franchement risible. La perception des victimes sera, encore une fois, qu'on aura bradé leurs droits aux criminels.
Ce qu'on observe dans les populations autochtones m'inquiète beaucoup… D'après mon expérience des réserves et hors réserve, auprès de populations autochtones urbaines, on se défie déjà de la police et du système judiciaire. Il faut vraiment déployer beaucoup d'efforts pour obtenir la collaboration des gens. Je l'ai vécu quand ils ont considéré que le système de justice avait trahi leur confiance, en faisant passer les droits des criminels devant ceux des victimes…
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Premièrement, en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire des juges, la confiance que nous devons avoir envers eux et l'idée qu'il y aura une uniformité entre les décisions rendues par les juges, je peux dire que ce ne sera pas le cas. J'ai constaté qu'entre le Sud et le Nord de l'Ontario la différence était aussi grande que celle entre le jour et la nuit. J'ai remarqué la même chose entre l'Est et l'Ouest de l'Ontario et lorsque je travaillais en Alberta. La croyance selon laquelle il y aura une uniformité entre les décisions rendues par les juges ne se vérifie pas dans la réalité que j'ai observée tout au long de ma carrière.
En ce qui a trait à l'incidence de la conversion de certaines peines en peines avec sursis, je le répète, je crois que cela fera perdre toute crédibilité au système de justice. Les délinquants agiront en toute impunité et les droits des victimes seront supplantés par les droits des criminels.
Pardonnez-moi, mais j'ai un dernier point à faire valoir. Faire respecter les conditions imposées nécessite des ressources policières, et les services de police ne reçoivent pas de fonds pour les vérifications de conformité. Si nous avons recours à la détention à domicile, il faudra mettre en place un programme rigoureux de conformité. À l'heure actuelle, la plupart des services de police auraient de la difficulté à consacrer les ressources nécessaires pour faire respecter efficacement les conditions imposées.
Il me reste une minute et demie.
Depuis qu'il a présenté le projet de loi, le gouvernement fait valoir que les peines minimales obligatoires donnent lieu à l'incarcération disproportionnée des Autochtones — chez les hommes et particulièrement chez les femmes — et d'autres personnes marginalisées. Comme j'ai déjà été procureur de la Couronne, je suis particulièrement au fait de ce problème d'incarcération disproportionnée.
J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet et à propos des efforts consacrés, particulièrement en Ontario, aux tribunaux des peuples autochtones, communément appelés les « tribunaux Gladue », et de l'incidence de ces tribunaux. J'aimerais que vous répondiez en moins d'une minute, s'il vous plaît.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de se joindre à nous en ce vendredi après-midi, alors que nous continuons d'entendre des témoignages au sujet du projet de loi .
Monsieur Sauvé, ma première question s'adresse à vous. J'ai rencontré cette semaine, dans le cadre de la semaine de lobbying, deux sergents de l'association des policiers d'Halifax. Nous avons eu une excellente discussion. La conversation a porté notamment sur les peines minimales obligatoires. Ils m'ont donné un dépliant — j'ignore combien de députés les ont rencontrés — qui contenait trois recommandations, dont l'une était directement liée au projet de loi , et je leur ai dit d'ailleurs. Elle concernait les peines minimales obligatoires.
Les sergents en question ne connaissaient rien à propos du projet de loi . Ils faisaient du lobbying auprès des députés du parti ministériel — à juste titre puisque c'est la semaine du lobbying — en vue d'obtenir une exemption pour les agents et la permission pour les juges d'utiliser leur pouvoir discrétionnaire relativement aux peines minimales obligatoires dans les cas où des agents déchargent leur arme de service dans l'exercice de leurs fonctions. Êtes-vous en faveur d'un tel changement? Dans quelle mesure est‑ce important que les juges disposent de la possibilité d'adapter les peines à certaines circonstances particulières?
Compte tenu du projet de loi, j'ai trouvé cela très important, et c'est pourquoi je vous pose cette question.
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Je vous remercie pour votre question. Je suis au courant de la position qu'ils ont fait valoir. Essentiellement, il est question du fait que nous confions beaucoup de pouvoirs aux agents de police au Canada. L'article 25 du Code criminel leur donne essentiellement le droit d'enlever la vie si la situation l'exige. Malheureusement, il est possible qu'ils aient recours à une arme à feu pour enlever la vie.
À l'heure actuelle, les juges n'ont pas un grand pouvoir discrétionnaire. Si un policier enlève la vie à l'aide d'une arme à feu, c'est donc dire qu'il a utilisé une arme à feu pour commettre une infraction. Si un organisme de surveillance civil juge que cet acte est de nature criminelle, qu'une procédure judiciaire a lieu et que l'agent de police est reconnu coupable, le juge n'a pas le choix; il doit imposer une peine minimale obligatoire.
Ils demandent que les juges puissent utiliser leur pouvoir discrétionnaire dans les cas où des agents de police, des agents correctionnels ou des agents frontaliers armés sont impliqués dans une altercation fatale et font l'objet d'une procédure judiciaire au terme de laquelle ils sont reconnus coupables. Autrement dit, ils demandent que les juges puissent décider de ne pas imposer une peine minimale obligatoire à ces agents. C'est ce qu'ils demandent.
Oui, je suis tout à fait en faveur de cela.
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Je pense qu'il faut faire la distinction entre les deux.
D'une part, nous parlons d'agents de police qui sont formés et fortement réglementés dans le cadre du continuum du recours à la force, et nous parlons de cas précis — et ils sont rares — où un agent de police peut être condamné ou inculpé pour un incident de recours à la force utilisant une force mortelle telle qu'une arme à feu.
C'est de là que part le point de vue de ce groupe de pression particulier: permettre à la magistrature d'exercer son pouvoir discrétionnaire parce que nous lui faisons confiance de se prévaloir de ce pouvoir dans de très, très rares occasions, car il est extrêmement rare qu'il soit utilisé au Canada.
Lorsque vous commencez à parler de perspectives plus larges, la discussion est plus vaste et, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, nous ouvrons vraiment la boîte de Pandore qui touche à de nombreux réseaux de sécurité sociale dont dépendent nos communautés de part et d'autre du Canada, qu'elles soient grandes ou petites.
Qu'il s'agisse de la surreprésentation au sein du système judiciaire ou des programmes de traitement, il faut adopter une approche cohérente dans toutes les collectivités du Canada si nous voulons envisager l'élimination des peines minimales obligatoires.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Nous leur en sommes très reconnaissants. Il s'agit d'un projet de loi important, et tous les points de vue sont importants pour nous.
J'indique aux témoins qu'ils peuvent écouter mes propos au moyen de l'interprétation. Je vais m'exprimer en français, et j'espère que l’on comprendra bien mes questions.
Monsieur Davis, je suis intéressé par votre témoignage et vous avez dit quelque chose à la fin de votre intervention qui m'a accroché. Selon vous, la façon dont le projet de loi C‑5 est rédigé présentement pourrait donner aux victimes de crime l'impression qu'elles sont un peu laissées-pour-compte. Cela me touche.
De façon générale, je fais quand même confiance à notre système judiciaire. Je pense que les juges ont un bon jugement, si ce n'est pas tout le temps, dans 99,9 % des cas, et qu'ils rendent des sentences appropriées. De plus, il y a un processus d'appel quand il faut réviser un jugement. Je fais assez confiance au système judiciaire, mais la perception que la société a du système judiciaire me préoccupe. Je pense qu'il est important que les gens se sentent entendus et qu'ils soient conscients que, du côté du législateur, on se préoccupe de leur point de vue. C'est notre travail.
J'aimerais savoir si j'ai bien compris votre témoignage et si je l'interprète correctement. On pourrait par exemple laisser une certaine marge de manœuvre aux juges. On pourrait maintenir les peines minimales obligatoires dans les cas de crimes commis avec une arme à feu et donner aux juges la possibilité de déroger à la peine minimale dans des circonstances exceptionnelles.
Selon vous, est-ce que cela pourrait répondre aux exigences relatives à la perception de l'ensemble de la population ou est-ce qu'il faut vraiment appliquer la ligne dure et maintenir les peines minimales obligatoires?
Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées.
À l'heure actuelle, on parle beaucoup du trafic d'armes à feu qui passe par les réserves autochtones, et on cherche à rassurer la population. À un moment donné, nous proposions une escouade mixte composée d'agents de la GRC et des polices provinciales de l'Ontario et du Québec, de soldats de la paix et d'agents de police américains pour que l'on essaie vraiment de s'attaquer à la question du trafic d'armes à feu.
Monsieur Davis, selon vous, est-ce que cela pourrait être de nature à rassurer la population et à amoindrir l'effet négatif ou la perception négative du projet de loi ?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier le chef Davis et la Fédération de la police nationale d'avoir soulevé la question des ressources. Il ne suffit pas d'adopter une loi. Nous devons nous assurer que les programmes disposent des ressources nécessaires.
J'aimerais commencer par poser une question à M. Rowe, de l'Association canadienne des chefs de police. Il s'agit de l'idée d'une soupape de sécurité pour les peines minimales obligatoires, une idée que je préconise. J'ai du mal à voir comment cela pourrait être ajouté au projet de loi .
Avez-vous eu des discussions, entre vous ou avec le gouvernement, sur la façon dont nous pourrions introduire une telle soupape de sécurité dans le projet de loi ? Il s'agirait du pouvoir discrétionnaire des juges, et le projet de loi est un peu plus étroit que cela.
J'ai noté que le Royaume-Uni applique depuis longtemps des peines minimales obligatoires pour les infractions liées aux armes à feu. Ses peines minimales obligatoires sont, en fait, plus sévères et plus strictes que ce que propose le Canada, mais elles ont été maintenues avec succès par les tribunaux. Ils ont réussi à utiliser cette idée de soupape de sécurité ou de disposition législative. Je crois qu'il existe un précédent pour son application et son bon fonctionnement devant les tribunaux.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, l'autre avantage est qu'il permettrait d'examiner les délinquants et les infractions, plutôt que de devoir s'appuyer sur le délinquant hypothétique ou imaginaire raisonnable, afin de contester le respect des peines minimales obligatoires actuelles par rapport à la charte.
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Merci de ces remarques.
C'est, bien entendu, très convaincant pour moi, mais — encore une fois — nous avons un projet de loi de plus petite portée devant nous, alors il est difficile d'imaginer comment nous pourrions atteindre notre objectif à partir d'ici.
Je veux m'adresser à M. Sauvé et discuter de la lacune qu'il a relevée dans les programmes de déjudiciarisation dans les communautés rurales, éloignées et autochtones.
Monsieur Sauvé, comment comblerons-nous cette lacune? Qui finance actuellement la plupart de ces programmes? Puisque vous avez constaté l'absence de programmes, avez-vous des suggestions sur la façon dont le gouvernement pourrait s'assurer de combler cette lacune?
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C'est une grande discussion. Lorsque j'ai mentionné dans mes remarques liminaires l'ensemble du gouvernement, nous ne parlons pas seulement du fédéral, car vos systèmes de soins de santé sont gérés au niveau provincial. Tous ces défis concernent le financement fédéral et provincial, sans parler de l'accès au niveau municipal.
Hier encore, je discutais avec des législateurs dans l'un des territoires. Nous parlions des défis que posent les soins de santé simplement dans les communautés rurales et éloignées, sans même aborder le sujet des programmes de traitement et de déjudiciarisation. Pour nous, ce que nos membres constatent — et la majorité de nos membres en uniforme au Canada se trouvent dans de petites communautés en dehors des régions de Burnaby, de Surrey et d'Edmonton —, c'est exactement cela. Les représentants du gouvernement sur le terrain sont peut-être Postes Canada et la GRC. Si vous avez de la chance, vous avez les deux.
Nos membres finissent par travailler avec la communauté. Nous avons entendu l'histoire d'un de nos membres qui était chef cuisinier avant de joindre la GRC et qui a commencé à donner des cours de cuisine aux jeunes défavorisés. Ils apportaient de la nourriture et leur montraient comment subvenir à leurs besoins. Ce genre d'exemple est là. C'est juste fait au pied levé, sur le bord d'un bureau. Cela a une incidence sur la communauté avant le temps.
Comment arriver au point où tout le monde au Canada ait accès aux mêmes types de programmes? C'est une discussion très importante. J'aimerais beaucoup y prendre part, mais je pense qu'elle ne se limite pas à cette table.
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Merci, monsieur le président.
Je veux remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
J'ai une question pour M. Sauvé, je pense, qui représente 20 000 services de police au Canada, dont bon nombre dans des régions rurales et très éloignées qui, dans certains cas, manquent de personnel.
L'une des dispositions de l'élargissement des peines avec sursis prévoit qu'une personne pourrait obtenir une ordonnance de sursis si elle a agressé un agent de police et causé des lésions corporelles ou utilisé une arme. Je me demande comment la Gendarmerie royale du Canada réagirait si le projet de loi approuvait cela.
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Merci, monsieur le président.
Je ne dispose que de deux minutes, donc je ne reprendrai pas mon exposé, mais, si vous me le permettez, je vais continuer de poser ma série de questions.
Madame Huggins, si vous avez entendu ce que j'expliquais tantôt, j'aimerais vous poser une question sur les peines pour les crimes commis avec une arme à feu. Je ne parle pas des autres crimes.
Serait-ce un compromis envisageable et utile que de maintenir les peines minimales tout en ajoutant une disposition qui permettrait au juge, soit au tribunal, d'y déroger dans des circonstances exceptionnelles?
J'aimerais vous poser une autre question dans les quelques secondes qu'il reste, madame Huggins.
Tantôt, j'ai parlé avec M. Davis de la lutte contre le crime organisé et le trafic d'armes à feu dans les réserves en particulier. Nous proposions la mise sur pied d'une escouade mixte qui permettrait de s'attaquer au trafic d'armes, qui passe souvent par des réserves autochtones qui se trouvent entre les États‑Unis et le Canada et entre l'Ontario et le Québec.
Selon vous, une telle escouade mixte regroupant des policiers de la GRC, de la Police provinciale de l'Ontario, de la Sûreté du Québec, des soldats de la paix et des autorités américaines serait-elle utile dans la lutte contre le trafic d'armes?
Surtout, cela aiderait-il à rassurer la population en lui montrant que l'on s'attaque à cette problématique?
Je tiens à remercier M. Garrison, qui garde toujours à l'esprit le temps qu'il nous reste et qui est probablement notre meilleur collègue lorsqu'il s'agit de céder du temps aux autres.
Je remercie tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Vous avez livré des témoignages très valables et très importants. Vous êtes libres de partir. Si vous voulez rester, vous êtes les bienvenus.
Nous allons prendre quelques minutes pour nous occuper des travaux du Comité. Ceux qui veulent se déconnecter sont tout à fait libres de le faire.
Chers collègues, c'est à propos de notre projet de voyage. Nous devons soumettre notre demande au comité de liaison aujourd'hui même. Tout le monde en a été avisé. Je crois que la première chose à faire, c'est de fournir des renseignements sur l'endroit où nous voulons voyager. Il est préférable de ratisser large. C'est ce qu'on m'a dit. Une fois que le comité de liaison aura décidé, le cas échéant, que ce voyage sera envisageable, nous devrons produire et déposer un budget à cet égard.
Ai‑je raison, monsieur le greffier? Est‑ce bien la procédure?