:
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à toutes et à tous.
[Traduction]
Je vais passer en revue certains processus, puis je demanderai l'aval du Comité sur un point administratif avant de commencer.
Bienvenue à la 109 e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 21 mars 2024, le Comité poursuit son étude sur l'islamophobie.
Avant de commencer, je tiens à rappeler aux membres du Comité et aux autres participants présents dans la salle les mesures préventives suivantes.
Afin de prévenir les retours de son perturbateurs et potentiellement nocifs qui peuvent causer des blessures, on rappelle à tous les participants en présentiel de garder les écouteurs que vous avez tous devant vous loin des microphones en tout temps. À cette fin, il y a un bout de papier vert circulaire sur votre bureau. Vous devez placer l'oreillette avec la face vers le bas sur ce bout de papier lorsque vous ne l'utilisez pas et que vous ne l'avez pas dans votre oreille.
Si vous n'utilisez pas du tout l'oreillette parce que vous êtes totalement bilingue en anglais et en français, ne la branchez pas dans le système, et vous n'aurez pas à vous en soucier.
Pour ceux qui connaissent l'une des deux langues, veuillez vous assurer d'avoir reçu des instructions appropriées sur la façon d'utiliser l'oreillette et de sélectionner l'interprétation dans la langue que vous comprenez. Certains membres du Comité poseront des questions en anglais, et d'autres poseront des questions en français.
[Français]
De plus, certains témoins parleront en anglais et d'autres, en français. Il est alors nécessaire que vous compreniez les questions et les réponses. Je vous remercie de votre collaboration.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride.
Je vous informe que tous les tests de son ont été faits, conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion pour les témoins.
Avant de commencer notre étude et de souhaiter la bienvenue aux membres du Comité, nous devons régler une question administrative.
Le budget doit être approuvé. Le greffier a envoyé le budget aux membres du Comité. Je demande que l'un d'entre vous propose une motion dans ce sens. Quelqu'un veut bien le faire?
(La motion est adoptée.)
La présidente: Merci beaucoup. La motion a été adoptée à l'unanimité.
Nous allons maintenant poursuivre la réunion.
Je tiens à rappeler aux membres du Comité que nous avons deux groupes de témoins aujourd'hui. Nous allons arrêter l'audition du premier groupe de témoins à 12 h 15 pour permettre au deuxième groupe de témoins de se connecter, et nous devons nous arrêter à 13 h 30 pile pour le deuxième groupe.
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue aux témoins du premier groupe.
[Français]
À titre personnel, nous recevons Mme Nadia Hasan, qui est professeure adjointe au Programme d'études des femmes et de genre de l'Université York.
[Traduction]
Nous accueillons M. Asif Khan, secrétaire national des Relations publiques de la Jama'at Musulmane Ahmadiyya Canada.
[Français]
Nous accueillons également Mme Amira Elghawaby, représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l'islamophobie.
[Traduction]
Bienvenue.
Nous accueillons virtuellement M. Boufeldja Benabdallah, cofondateur et porte-parole du Centre culturel islamique de Québec.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Chaucun aura cinq minutes pour faire une déclaration.
Ce sera Mme Elghawaby qui commencera.
:
Madame la présidente, membres du comité,
good day, bonjour,
salam aleykoum.
Je vous remercie de cette invitation à me joindre à vous aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé de la nation anishinabe algonquine.
L'examen que vous faites de l'antisémitisme et de l'islamophobie au Canada, ainsi que des mesures que nous pouvons et devons prendre à cet égard, est non seulement nécessaire, mais urgent, et ce, depuis longtemps.
[Traduction]
Le moment choisi pour mener cette étude est remarquable. Pas plus tard que la semaine dernière, j'étais à London, en Ontario, pour la troisième commémoration annuelle de l'attaque terroriste brutale qui a tué quatre membres de la famille Afzaal. Le 6 juin 2021, un homme au volant de sa camionnette a foncé sur une famille sortie faire une promenade. Il a tué une mère, un père, une grand-mère et une soeur, et il a laissé un garçon de neuf ans orphelin.
Cette affaire a fait jurisprudence. C'était la première fois dans l'histoire du Canada qu'un acte violent fondé sur le nationalisme blanc avait atteint le seuil du terrorisme. Cela nous rappelle brutalement les dangers de l'islamophobie et la raison pour laquelle le travail entrepris par votre comité est si important.
L'attaque contre la famille Afzaal fait suite à la tuerie tout aussi dévastatrice de 2017 dans une mosquée de Québec, où un homme est entré et a ouvert le feu, tuant 6 fidèles et blessant 19 autres.
À la suite de ces incidents, le Canada a la triste et horrible distinction, parmi tous les pays du G7, d'afficher le plus grand nombre de musulmans assassinés. Bref, le fait d'être musulman au Canada n'est pas aussi sûr qu'il devrait l'être.
Depuis huit mois, les choses n'ont fait qu'empirer. Nous assistons partout à une montée terrifiante de l'islamophobie, aggravée par le racisme anti-arabe et anti-palestinien.
À London, en Ontario, croyez‑le ou non, pas plus tard que la fin de semaine dernière, on a délibérément mis le feu à la maison d'une famille musulmane. La police mène désormais une enquête sur un crime haineux islamophobe et anti-palestinien. Hier soir, j'ai parlé avec un membre de la famille qui m'a dit que si un membre de la famille avait été à la maison et s'était empressé d'ouvrir la porte pour voir ce qui se passait, il aurait certainement été brûlé vif dans les flammes qui se sont répandues sur le perron et la porte de la maison. C'est absolument horrifiant.
Comme le Comité l'a déjà entendu, le Conseil national des musulmans canadiens a signalé une hausse de plus de 1 000 % des incidents islamophobes depuis le 7 octobre.
L'organisme Naseeha Mental Health a signalé une explosion alarmante de 600 % des appels à la ligne d'assistance au cours des cinq premières semaines après le début de la guerre.
De plus, selon les recherches de notre bureau, entre le 7 octobre 2023 et le 5 mars 2024, diverses organisations ont collectivement reçu plus de 1 000 signalements d'incidents liés à l'islamophobie et au racisme anti-palestinien, la grande majorité des cas étant traités par le CNMC et le Muslim Legal Support Centre, qui offrent des services juridiques. Ce nombre représente près de sept cas reçus par jour au cours de cette période. Les motifs allaient de la discrimination à la diffamation, en passant par la divulgation illégale de renseignements personnels, la création d'une liste noire, les voies de fait, le vandalisme, le harcèlement et les violations des libertés civiles.
L'Institute for Strategic Dialogue a constaté une hausse de 422 % du contenu islamophobe dans les médias sociaux au cours des semaines qui ont suivi le 7 octobre.
Des actes de vandalisme haineux et horribles ont été commis dans des écoles, des centres communautaires et des lieux de culte. À quelques coins de rue d'ici, les fenêtres d'une mosquée ont été recouvertes d'excréments.
On a recensé divers cas de harcèlement et d'agressions violentes. Des femmes et des filles visiblement musulmanes ont été ciblées pendant qu'elles attendaient le transport en commun ou sur les campus universitaires. Elles se sont fait cracher dessus et ont subi d'autres violences.
La désinformation, la mésinformation et la rhétorique violente prolifèrent en ligne, ce qui attise les tensions et enhardit les mauvais acteurs.
On a l'impression d'être constamment en proie à la peur, à la vigilance et à l'inquiétude pour soi-même, sa famille et sa communauté. Il n'est même pas nécessaire d'être musulman pour le ressentir, car l'islamophobie est souvent confondue avec un sentiment anti-arabe et anti-palestinien et a des répercussions sur les alliés également.
Madame la présidente, tout cela m'inquiète énormément, et je crains que les choses ne fassent que s'envenimer. La déshumanisation des musulmans qui se produit au Canada est troublante en raison de ses similitudes avec la période qui a suivi les événements du 11 septembre et la guerre contre le terrorisme.
Cela m'attriste de voir que nous nous sentons encore une fois ostracisés et exclus, incapables d'exercer librement nos droits et libertés, que notre loyauté envers le Canada est remise en question et que nos efforts pour apporter une contribution positive ont été ignorés ou rejetés.
Merci, madame la présidente.
J'attends avec impatience les questions du Comité.
:
Merci beaucoup de m'avoir invité à prendre la parole devant le Comité.
Je m'appelle Nadia Hasan et je suis professeure adjointe à École d'études sur le genre, la sexualité et les femmes de l'Université York à Toronto. Mes recherches et mon travail portent sur l'islamophobie et le racisme.
Il y a à peine quatre jours, nous avons souligné le troisième anniversaire de la terreur islamophobe qui a frappé notre famille de London, et dans six jours, nous soulignerons un autre anniversaire honteux. Cela fera cinq ans que la loi 21 a été adoptée au Québec, une loi qui a légitimé la discrimination et l'islamophobie, avec des répercussions inacceptables sur la vie des femmes musulmanes.
Alors que nous sommes ici entre ces deux anniversaires, je vous invite à prendre un moment pour réfléchir à ce contexte très réel et très violent. Je m'adresse à vous aujourd'hui aux côtés de quelqu'un qui a guidé toute une communauté à la mosquée de Québec pendant le deuil épouvantable qui a suivi le massacre islamophobe de ses proches en 2017. Nous témoignons dans le contexte d'une montée sans précédent de l'islamophobie dans ce pays.
Vous auriez raison de vous demander: que diable se passe‑t‑il ici? Comment est‑il possible qu'autant d'efforts aient été déployés pour étudier et comprendre l'islamophobie dans notre pays, alors que nous assistons à une vague d'attaques islamophobes et racistes, de discrimination et de profilage des musulmans et des Palestiniens au Canada?
Vous avez déjà entendu de nombreuses histoires d'incidents islamophobes et racistes de la part des témoins qui ont comparu devant votre comité jusqu'à présent. Vous avez entendu parler d'enfants qui se font tabasser parce que leur nom ressemble à celui du Hamas. Vous avez entendu des étudiants qui ont été menacés et vilipendés pour avoir exercé leur droit de manifester. Vous avez entendu les proches de ceux qui ont péri lors d'attaques islamophobes fatales.
Pour passer en revue chaque incident de ce genre, le Comité aurait à se réunir pendant des semaines et des semaines pour les entendre tous.
Au cours des huit derniers mois, cependant, nous avons vu quelque chose de différent qui doit être souligné. La montée de l'islamophobie a coïncidé avec la montée du racisme anti-palestinien: de nombreux musulmans sont ciblés parce qu'ils sont palestiniens, parlent au nom des Palestiniens ou sont perçus comme des Palestiniens.
Au cours de la fin de semaine, comme ma collègue, Mme Elghawaby, l'a mentionné, quelqu'un a mis le feu aux pancartes sur le gazon de la maison d'une famille musulmane de London indiquant « Notre famille de London » et « Solidarité pour les droits fondamentaux des Palestiniens ».
Nous avons également vu des épithètes racistes comme « terroriste » et « sympathisant terroriste » être balancées en toute impunité, ce qui rappelle des souvenirs pas si lointains de la détérioration rapide des droits, des libertés et de la sécurité des communautés musulmanes causée par de tels termes après le 11 septembre. Vu la facilité avec laquelle des épithètes aussi dangereusement racistes sont reprises et instrumentalisées, même contre nos enfants, c'est comme s'ils n'avaient jamais vraiment quitté notre conscience collective. Ce sont également les mêmes invectives qui reviennent dans presque chaque acte de violence islamophobe. Ce discours n'a rien d'anodin.
En ce moment, il faut aussi se rappeler que l'islamophobie n'est pas seulement alimentée par la rhétorique haineuse débitée par des groupes marginaux. L'islamophobie est aussi présente dans la vie quotidienne.
En octobre 2023, par exemple, la bibliothèque publique de Markham a décidé de retirer les expositions créées pour le Mois du patrimoine islamique parce que le fait d'être musulman était trop controversé à ce moment‑là. La fragilité des initiatives de diversité, d'équité et d'inclusion est devenue indéniable, car elles se sont révélées inadéquates pour se prémunir contre la diabolisation massive des musulmans et des Palestiniens en ce moment. L'islamophobie est systémique et endémique.
L'islamophobie et le racisme anti-palestinien se recoupent de manière importante, mais ils sont distincts et nécessitent des approches distinctes et coordonnées pour les combattre. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis le 11 septembre pour reconnaître l'islamophobie, et je suis heureuse de voir que nous continuons d'approfondir notre compréhension des formes changeantes d'islamophobie grâce à des exercices comme celui‑ci. Cependant, si les derniers mois nous ont appris quelque chose, c'est que les progrès que nous avons réalisés pour nous réapproprier nos droits et libertés étaient inadéquats et fragiles.
Nous avons beaucoup de chemin à faire pour vraiment démanteler l'islamophobie, et j'aimerais ajouter trois recommandations à celles que vous étudiez déjà qui reflètent les besoins du climat actuel.
Premièrement, nous avons besoin que les dirigeants politiques s'expriment sans équivoque en faveur de la protection des droits et libertés des communautés musulmanes et palestiniennes et, par extension, de tous les Canadiens.
Deuxièmement, nous devons démanteler les formes systémiques de discrimination islamophobe et de profilage racial des musulmans et des Palestiniens dans les organismes gouvernementaux et les lois.
Troisièmement, nous devons prendre des mesures urgentes pour mobiliser les communautés palestiniennes et comprendre le racisme envers les Palestiniens.
:
Merci. Au nom de Dieu le clément, le miséricordieux,
assalam alaikum. Que la paix et les bénédictions soient avec vous. Je vous remercie de donner à la Jama'at Musulmane Ahmadiyya l'occasion de présenter ses observations aujourd'hui. Nous sommes la plus ancienne communauté musulmane organisée du Canada. Nous avons des centres dans une cinquantaine de villes au pays.
Plusieurs effets ont été observés dans la foulée des incidents survenus récemment au Canada. Le conflit à Gaza et les pertes qu'il a entraînées ont des répercussions importantes sur les communautés musulmanes du monde entier, y compris au Canada. La montée des tensions entraîne souvent une polarisation accrue et des émotions fortes, qui peuvent se manifester de différentes façons, notamment par une multiplication des crimes haineux et de l'islamophobie. Je dirais que si les gouvernements occidentaux, y compris le Canada, utilisaient leur influence, ce qu'ils ont fait d'ailleurs, pour mettre fin aux hostilités en Terre sainte, l'objectif accru de cette conversation serait en grande partie résolu.
Les incidents survenus récemment au Canada ont eu des conséquences, et le Comité en est pleinement conscient. Nous avons notamment observé une recrudescence des crimes haineux, de la vigilance communautaire, des répercussions sur la santé mentale, la défense des intérêts politiques et sociaux, la solidarité interconfessionnelle et la solidarité avec les Canadiens juifs. En ce qui concerne les répercussions sur la santé mentale, je souligne que le stress et le traumatisme liés au fait d'être témoin de violence à Gaza, combinés au fait de vivre ou de craindre des incidents islamophobes, ont touché la santé mentale de nombreux musulmans au Canada beaucoup plus que jamais auparavant. Il convient également de noter la montée de l'activisme politique et de la défense des droits chez les musulmans canadiens. Les communautés et les organisations demandent des protections plus solides contre les crimes haineux, une plus grande représentation dans les sphères politiques et des mesures plus robustes pour lutter contre l'islamophobie. Dans une puissante démonstration d'unité, de nombreux Canadiens juifs se sont farouchement opposés aux actions de l'administration Netanyahou à Gaza. Ils se sont joints à des manifestations, ont signé des pétitions et se sont engagés dans des initiatives interconfessionnelles pour soutenir la cause palestinienne et lutter contre l'islamophobie. Cette solidarité a favorisé un profond sentiment d'unité et de compréhension mutuelle entre les communautés juives et musulmanes du Canada, soulignant la distinction essentielle entre les actions du gouvernement et les croyances des individus.
Mon introduction montre clairement que le sentiment antimusulman augmente. Aujourd'hui, je présenterai des observations qui proviennent directement de la Jama'at Musulmane Ahmadiyya et je fournirai des conseils aux décideurs sur les thèmes nécessaires pour orienter les politiques. J'ai quelques points à présenter.
Premièrement, dans une période aussi tendue, il est important que le Canada reste uni et ne tombe pas dans le piège de la discorde, ce que souhaitent les terroristes et les gens haineux. Restez fidèle aux valeurs canadiennes et aux principes d'humanité et de justice. L'extrême droite réussit à alimenter l'islamophobie et la haine antimusulmane; le gouvernement et les autorités doivent prendre cette menace au sérieux. Nous reconnaissons qu'à la suite des crimes haineux graves et du vandalisme des mosquées, le gouvernement canadien a réagi avec sympathie et a fermement condamné ces attaques antimusulmanes.
Si la peur de l'islam grandit, nous devons également reconnaître, en tant que communauté musulmane, que nous n'avons pas suffisamment réussi à transmettre les enseignements véritables et pacifiques de l'islam. Certes, en tant que musulmans ahmadis, nous estimons qu'il est de notre devoir de redoubler d'efforts pour diffuser les véritables enseignements de l'islam et éliminer les idées fausses et les craintes qui existent. Nos mosquées, nos centres et nos événements sont ouverts à tous.
Il y a quelques années, dans le Connecticut aux États-Unis, une personne a tiré sur une mosquée de la communauté musulmane ahmadie. En réponse, au lieu de lui manifester de la haine, nous l'avons invité à notre mosquée, et au fil du temps, il est venu constater que cette haine de l'islam était complètement déplacée. Il est devenu un allié et un partisan de l'islam. Le meilleur moyen de venir à bout de l'ignorance est l'éducation et la sensibilisation à bras ouverts. C'est ce que la communauté musulmane ahmadie essaiera toujours de faire.
L'une des principales causes du sentiment antimusulman est la couverture médiatique constante qui dépeint les immigrants et les musulmans sous un jour négatif, surtout compte tenu de la couverture récente des problèmes en Terre sainte. Une couverture négative disproportionnée ou des titres trompeurs répandent la désinformation et font en sorte que les gens ont de plus en plus peur de l'islam et des musulmans au fil du temps. Les médias et les politiciens doivent donc agir avec plus d'attention et de considération. Leurs paroles ont du poids et de l'influence sur les autres. Ils doivent agir de façon responsable et ne pas se concentrer uniquement sur les histoires négatives concernant les immigrants, les musulmans et l'islam pour réaliser des ventes ou s'attirer des clics et des votes. On devrait encourager les médias à faire connaître la multitude de bonnes œuvres réalisées par les communautés musulmanes, et le gouvernement devrait jouer son rôle en essayant d'en faire la promotion et d'y sensibiliser les gens. Par exemple, notre communauté organise des courses annuelles partout au pays pour recueillir des fonds pour les hôpitaux locaux. Nous organisons de nombreuses collectes de sang et de nourriture dans les villes du Canada. Nous avons une formidable organisation caritative sœur, Humanity First, qui organise les services d'une banque alimentaire et d'un autobus pour les sans-abri.
De plus, une cause croissante du sentiment anti-immigrant est la frustration économique, qui amène les gens à blâmer les immigrants et les musulmans pour les problèmes qu'ils voient dans la société. Le gouvernement devrait donc concilier les droits de tous les citoyens avec ceux des immigrants, des citoyens autochtones et des minorités visibles, et indiquer au public qu'il y a des devoirs et des responsabilités de part et d'autre.
Si on laisse les frustrations s'envenimer, il y aura forcément des réactions. Le gouvernement a la responsabilité de respecter les droits des citoyens et des immigrants.
On entend souvent que les musulmans doivent s'intégrer à la société. Cependant, il est important de reconnaître ce qu'est une véritable intégration. Le calife, Sa Sainteté Hazrat Mirza Masroor Ahmad, a déclaré que l'intégration exige qu'une personne fasse tout en son pouvoir pour aider la société et le pays à progresser. Il ne s'agit pas d'intégration que d'exiger que la minorité rejette ses opinions religieuses pacifiques ou adopte des coutumes ou des traditions qui vont à l'encontre de sa foi. Ce message doit également être transmis par les dirigeants et les médias. Il faut respecter les différences des uns et des autres, dans la mesure où nous sommes tous unis dans nos efforts pour servir le pays et chercher à l'améliorer.
La communauté musulmane ahmadie a toujours encouragé, lorsqu'elle discute de questions de...
:
Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être ici et de nous consacrer un peu de temps aujourd'hui sur ce sujet très important.
Monsieur Khan, je vais commencer par vous. Je vous remercie de votre témoignage.
Je pense qu'il est important, lorsqu'on étudie quoi que ce soit, de bien définir les termes. Je veux parler du terme « islamophobie ». J'ai une citation du témoignage que vous avez présenté il y a trois ans au Comité permanent de la condition féminine. Je vais simplement lire un paragraphe, puis vous demander de le commenter.
Vous avez dit:
Une chose que je voudrais mentionner est que le terme « islamophobie » n'aide pas vraiment le sujet. Je sais que ce n'est pas un terme que quiconque ici a créé, et c'est un concept qui a été accepté par à peu près tout le monde, mais le terme « phobie » signifie avoir peur de quelque chose, et là, il s'agit d'avoir peur de l'Islam et d'avoir peur des musulmans. C'est essentiellement une partie du problème. Néanmoins, je sais que c'est un sujet pour une autre fois.
Monsieur, je vais vous donner un peu de temps pour réagir à cela. Pour vous donner un peu plus de contexte, j'ai remarqué que dans votre déclaration préliminaire, vous avez utilisé le terme « peur » à quelques reprises en association avec l'islam.
Je vais m'adresser à Mme Elghawaby. C'est une question que je comptais en fait poser à notre prochain témoin, mais il n'est pas là, et je pense que vous êtes parfaitement capable d'y répondre.
Il y a eu récemment deux cas d'attaques perpétrées contre des Canadiens simplement parce qu'ils étaient musulmans et s'identifiaient comme tels. Il y a eu la fusillade à la mosquée de Québec et l'attaque terroriste à London, en Ontario, il y a trois ans. Nous avons souligné cet anniversaire il y a quelques jours à peine.
Dans les deux cas, l'agresseur a été accusé et reconnu coupable de meurtre, mais dans l'affaire de London, la personne a également été accusée et condamnée pour terrorisme, contrairement à l'auteur de la fusillade à la mosquée de Québec. Je me demande pourquoi.
Quels sont vos commentaires à ce sujet? Dans quelle mesure est‑il important d'ajouter des accusations liées au terrorisme, alors que cela n'ajoute rien du tout à la peine que la personne purgera?
:
Madame la présidente, je remercie le député de sa question.
Tout d'abord, je veux simplement donner au Comité une définition du terme « islamophobie », pour que ce soit bien clair avant que je ne vous donne ma réponse.
L'islamophobie est le racisme, les stéréotypes, les préjugés, la peur ou les actes d'hostilité dirigés contre des musulmans ou des adeptes de l'Islam en général. En plus des actes individuels d'intolérance et de profilage racial, l'islamophobie peut amener à considérer et à traiter les musulmans comme une plus grande menace à la sécurité sur les plans institutionnel, systémique et sociétal.
Cela me mène en partie à ma réponse.
Il est très clair que lorsque le tireur de Québec est entré dans la mosquée, il avait l'intention très manifeste de tuer le plus de musulmans possible. Comme il consommait depuis un certain temps des théories nocives et dangereuses sur les musulmans, il réagissait à ce qu'il percevait dans l'accueil des musulmans par le Canada. Animé par ces idées très dangereuses laissant entrevoir la menace, selon cette définition, que les musulmans représentaient pour lui, sa famille et sa communauté, il a décidé d'agir.
Cela a terrorisé la communauté. Cela a terrorisé les musulmans québécois. Cela a terrorisé les musulmans partout au Canada, ainsi que nos concitoyens canadiens, qui ont été absolument et à juste titre choqués par ce qui s'est passé.
De même, lors de l'attaque de London, le terroriste qui a foncé sur une famille avec son camion, simplement parce qu'elle était musulmane et parce qu'il avait consommé ces théories dangereuses a également terrorisé bien des gens.
Il est très important que le système de justice le reconnaisse quand un acte terroriste est commis, car cela envoie un message très fort: non seulement ils ont été ciblés personnellement, en tant que Canadiens membres de notre société, mais ils ont été ciblés précisément pour des motifs idéologiques. Le motif idéologique ici est d'envoyer un message sur la place des musulmans dans ce pays, sur le fait qu'ils y ont ou non leur place. C'est un message qui a été très douloureux pour beaucoup, et nous continuons de le porter.
Merci.
:
Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de leurs témoignages importants sur cette question importante.
Ma première question s'adresse à Mme Elghawaby.
Près de trois ans se sont écoulés depuis que notre gouvernement a convoqué le Sommet national sur l'islamophobie, qui a réuni divers dirigeants et intervenants de la société et qui s'est conclu par une série de recommandations importantes auxquelles le gouvernement a donné suite, y compris la création de votre bureau. Le budget de 2024 prévoyait un financement de 7,3 millions de dollars sur six ans pour vous permettre de faire votre travail.
Pourriez-vous nous dire quelles sont, selon vous, les prochaines étapes, au‑delà du sommet national, et quelles activités vous menez pour faire face à l'augmentation alarmante de l'islamophobie, surtout depuis quelques mois?
:
Madame la présidente, je remercie la députée de son excellente question.
Depuis le Sommet national sur l'islamophobie, qui a été convoqué à la suite de l'attaque terroriste tragique survenue à London, en Ontario, le gouvernement fédéral a effectivement donné suite à diverses recommandations formulées lors du sommet. Selon le Secrétariat de lutte contre le racisme, 35 % des recommandations ont été suivies, et cela a été communiqué aux communautés.
En plus de la création de mon bureau, j'ai tenté de déterminer comment aider le gouvernement à cheminer vers trois résultats clés pour les musulmans au Canada: que les musulmans au Canada puissent vivre dans la dignité et à l'abri de toute discrimination; que les musulmans soient à l'abri de la haine, en ligne et hors ligne; et que les musulmans qui travaillent dans notre fonction publique fédérale ne soient pas confrontés à des préjugés et à de la discrimination. Mon rôle est de fournir des conseils et des orientations. Il consiste à accroître la sensibilisation et l'éducation.
Au cours de la dernière année, avant les événements tragiques du 7 octobre et par la suite, nous étions déjà résolus à publier un guide sur la façon dont les forces de l'ordre peuvent lutter contre les crimes haineux antimusulmans dans nos collectivités. Ce guide a été publié en septembre dernier. C'est le guide pratique de l'OSCE.
Nous avons également lancé une trousse d'outils numériques pour le Mois de l'histoire islamique, afin de souligner l'incroyable résilience des femmes et des filles musulmanes qui sont malheureusement victimes d'islamophobie sexospécifique, comme beaucoup le savent. On y présente les efforts déployés par les femmes musulmanes d'Edmonton pour mettre en lumière ce qu'elles font pour assurer la sécurité de leur collectivité.
Nous continuons de fournir des conseils et faire du travail de ce type.
Nous avons également entrepris une étude sur la situation des jeunes dans notre pays depuis le 7 octobre. Nous pourrons ainsi aider le gouvernement à mieux comprendre l'enjeu central du sentiment d'appartenance et la nécessité pour le gouvernement fédéral de veiller à ce que dans toutes les communautés — en particulier dans les communautés musulmanes qui sont confrontées à la discrimination et aux préjugés — nos jeunes soient assurés qu'ils ont leur place ici, qu'ils ont les ressources de santé mentale dont ils ont besoin et que toutes nos institutions sont là pour répondre aux préoccupations qu'ils continuent de soulever.
:
Je pense que les manifestations étudiantes sont un phénomène extraordinaire dans l'histoire du Canada lorsqu'il s'agit de défendre des causes de justice sociale. C'est une partie très enrichissante de notre démocratie. Nous avons vu à maintes reprises, dans l'histoire du Canada, comment les manifestations étudiantes peuvent mener à un véritable changement dans la bonne direction.
Ce que nous voyons à York... Tout récemment, un campement étudiant a été érigé pendant 24 heures, je crois. C'est tout nouveau, cela s'est produit dans la dernière semaine, mais l'administration a démantelé ce campement de force avec la participation de la police. L'Université York n'est pas la seule. Nous avons vu de nombreuses administrations d'universités dans de nombreuses villes du Canada adopter la stratégie bizarre de criminaliser les manifestations étudiantes, ce qui, à mon avis, a pour effet de beaucoup troubler les étudiants.
Il importe de se rappeler que ces campements sont en grande partie des manifestations pacifiques et qu'il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau. Divers campements ont été érigés dans l'histoire pour protester contre la pauvreté, l'itinérance, les hausses des frais de scolarité, la guerre, etc. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, et je pense que nous devons tous nous poser des questions, des questions importantes, sur les raisons pour lesquelles ces campements en particulier sont démantelés et criminalisés avec autant de force sur tant de campus au pays.
Le droit de manifester des étudiants et la culture de la dissidence, de la protestation, de la critique et de la pensée critique sont en jeu, à mon avis.
:
Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie également d'être des nôtres ce matin.
Tous vos témoignages m'apparaissent importants et mériteraient beaucoup plus de temps que le peu de temps que nous y consacrons, malheureusement. Dans mon cas, je n'aurai que six minutes, et vous me permettrez donc d'être un peu sévère sur le temps.
Ce n'est pas notre première journée de réunion sur l'islamophobie, et nous avons aussi tenu des réunions sur l'antisémitisme. J'ai l'impression que vous vivez de part et d'autre des situations similaires. Du moins, vous nous exposez des cas similaires de discrimination, qui sont plus que déplorables, qui sont néfastes et qui doivent être absolument combattus.
Madame Elghawaby, pourriez-vous m'expliquer, en trente secondes à une minute, comment vous voyez la situation et pourquoi il y a autant de liens entre l'antisémitisme et l'islamophobie?
:
Merci, madame Elghawaby.
Vous me dites, et je vous en remercie, qu'à votre avis, les groupes musulmans devraient eux aussi se prononcer contre les gestes violents. Si j'ai bien compris, la violence, le terrorisme ou la haine fomentés à l'endroit de qui que ce soit au Canada, qu'il soit juif, musulman, catholique ou autre, ne sont pas acceptables. Je vous suis là-dessus.
Dans le Code criminel, il y a présentement une disposition, soit l'article 319, qui interdit de fomenter la haine. Or, l'alinéa 319(3)b) dit qu'on aura une défense raisonnable s'il s'agit d'une opinion fondée sur un texte religieux. La même exception s'applique pour l'antisémitisme ou la haine. À votre avis, ces exceptions devraient-elles être retirées? Sinon, devrait-on continuer d'avoir une bonne défense, si on est accusé d'avoir fomenté la haine et qu'on le fait en se basant sur un texte religieux?
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je dois commencer par dire que je suis troublé lorsque, par inadvertance ou à dessein, le Comité finit par ostraciser la communauté musulmane. Je pense que nous en voyons des exemples ce matin, et je m'excuse auprès de nos témoins. Je les remercie d'être ici aujourd'hui pour présenter ces témoignages très importants.
J'aimerais revenir à Mme Hasan.
Je pense que vous commenciez tout juste à parler de vos travaux sur les répercussions sur les femmes musulmanes.
Nous vivons dans une société qui a souvent essayé de contrôler la tenue vestimentaire des femmes et de les blâmer pour les choses qui leur arrivent en raison des choix vestimentaires qu'elles font. Je n'essaie absolument pas de réduire l'importance de ce que vivent actuellement les femmes musulmanes, mais j'estime important de rappeler qu'il y a une longue tradition de contrôle des femmes et de leur tenue vestimentaire dans ce pays.
Selon vous, en quoi la situation actuelle diffère‑t‑elle de cette éternelle obsession de l'apparence et de l'habillement des femmes?
:
C'est une question très importante, tout à fait.
Comme Mme Hasan l'a signalé, les femmes musulmanes qui portent le foulard en public sont en effet ciblées de diverses manières. Elles subissent de la discrimination au travail ou lorsqu'elles tentent de décrocher divers emplois. On constate ce phénomène partout au Canada. Les femmes musulmanes sont sous‑employées dans divers domaines d'emploi au Canada. Même si elles ont un niveau de scolarité très élevé, il ne correspond pas aux types d'emplois qu'elles arrivent à obtenir.
Nous réalisons que le Canada perd la chance fantastique de profiter des réussites professionnelles épatantes que ces femmes pourraient avoir. Elles peuvent apporter des contributions immenses à notre société. Songeons aux conseils dont vous pourriez fournir à l'issue de cette étude. Il faut vraiment reconnaître que tous ces stéréotypes existent concernant les femmes musulmanes, surtout celles qui choisissent de porter le hidjab, qui couvre la tête.
Selon ce que les femmes de partout au pays m'ont dit, y compris au Québec, le projet de loi 21 ne touche pas seulement les femmes qui occupent certaines professions, comme en enseignement et dans le domaine juridique. Il a des incidences dans toute la société. Dès qu'il y a ce qu'on a appelé devant votre comité « des citoyens de deuxième classe », des gens qui ont moins de droits que les autres, on donne immédiatement la permission à ceux qui pourraient avoir un point de vue discriminatoire de traiter ces citoyens différemment des autres.
Le Canada suit une trajectoire extrêmement problématique, qui porte préjudice non seulement à notre cohésion sociale, mais aussi à notre prospérité et à notre succès.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de cette invitation à ce panel hautement important.
L'islamophobie, d'hier à aujourd'hui, et surtout chez nous, à Québec, a évolué et elle évolue encore. C'est toujours la même histoire, soit l'amalgame entre l'islam et ce qui se passe ailleurs. Je dirais, en entrant tout de suite dans le vif du sujet, que la grande partie de la population québécoise est reconnaissante du fait que nous sommes là.
Cependant, chaque fois qu'il y a une situation grave à l'échelle internationale, une partie de la société nous demande sans cesse d'expliquer pourquoi les musulmans sont comme ça et pourquoi l'islam est comme ça. Même lorsque j'étais universitaire, nous étions obligés d'organiser des panels pour expliquer certaines situations. Ça donne le sentiment qu'on doit s'expliquer et montrer patte blanche, comme si nous étions partenaires de tout ce qui se passe à l'extérieur de la province ou du pays. Pourtant, c'est faux. Nous sommes dans un pays de droit, dans un pays libre et dans un pays où il fait bon vivre. Nous ne sommes pas là pour colporter une situation malfaisante pour la société.
J'irai droit au but, parce que je sais que les cinq minutes sont très courtes pour faire un discours ou une présentation exhaustive.
J'ai cofondé le Centre culturel islamique de Québec en 2008. Nous avions besoin d'un lieu de culte pour prier, éduquer nos enfants et rester ensemble, pas pour faire du prosélytisme ou montrer que l'islam est vindicatif, au contraire. Malgré ça, une partie de la société — ce n'est pas la majorité — a commencé à nous envoyer des messages haineux, des messages menaçants, des messages pour demander au voisinage d'interdire la présence de cette mosquée, et pour dire que les musulmans doivent la quitter et s'en aller chez eux. Ces gens ont même fait des graffitis sur nos murs, des croix gammées. Imaginez: on nous confond, encore une fois, avec les juifs. Puisque les juifs ont subi des atrocités, on nous invite, nous aussi, à en subir si nous ne partons pas. On a même retrouvé une tête de porc et des excréments à la porte de la mosquée. En outre, des radios-poubelles se sont mises à déblatérer sur les musulmans. Au lieu de parler de l'appartenance et de la contribution des musulmans à la société, on nous dépeint comme étant des fomenteurs de troubles et des gens qui arrivent avec des idées de l'extérieur. Pourtant, c'est absolument faux. Par conséquent, ces radios-poubelles n'ont pas amélioré la situation avec tous ces tracts et tous ces dépliants contre les musulmans. Ensuite, vous le savez, certaines de nos sœurs, des femmes musulmanes, qui portent des hijabs et des foulards — la plupart des femmes les portent — se sont fait attaquer dans des lieux publics de façon inhumaine. Cela a causé un trouble inimaginable.
Si je parle de ça et que je vous ramène à la tragédie de la mosquée, c'est un petit pas de fait. Il y a eu toutes ces insultes et toutes ces menaces, qui n'ont jamais arrêté. J'ai reçu des menaces personnelles et la police a été obligée d'installer des caméras vidéo sur ma porte pour m'aider un peu à ne pas être perturbé par ces gens menaçants. Ça s'est ensuite poursuivi à l'intérieur de la mosquée. Le 29 janvier 2017, on a perdu six parents, six pères de famille, qui ont laissé six veuves et 17 enfants en bas âge, et 45 personnes ont subi des traumatismes psychologiques, dont une qui est encore dans son fauteuil roulant après avoir été atteinte de six balles, dont une est encore dans son cou.
Vous voyez, à partir des insultes, à partir de cette minorité agissante, à partir de cette détestation de l'autre, le musulman, on en est arrivé à une tragédie qui a non seulement perturbé la communauté musulmane, mais a aussi perturbé la société québécoise et canadienne. Heureusement que nos concitoyens sont venus nous réconforter. Cette empathie, nous ne l'oublierons jamais. Ils ont été à nos côtés et ils nous ont soutenus.
Cependant, j'attire votre attention sur le fait que, malgré cette majorité positive, il y a une minorité agissante qui parle plus fort que tout le monde. C'est cette minorité qui nous fait mal. Maintenant, quand le saut se fait jusqu'à l'élaboration d'une loi…
Je tiens à remercier les témoins ici aujourd'hui de leurs témoignages et leurs points de vue.
J'habite à Woodstock, qui est située pas très loin de London. Évidemment, nous avons une pensée pour les victimes de l'attentat terroriste qui est survenu il y a quelques années. Durant la fin de semaine, nous avons aussi appris qu'on avait incendié la maison d'une famille musulmane. Nous condamnons bien sûr cet acte. Je pense que tous les partis sont unis contre ce genre de crime. J'espère que la personne qui a commis cet acte sera punie avec toute la rigueur de la loi et qu'elle en sera tenue responsable.
Ma question s'adresse à M. Asif Khan. J'ai participé à bon nombre des activités de votre communauté, comme le Jamat‑ul‑Vida et les jalsas. J'ai participé à vos célébrations de la fête du Canada à Maple. La communauté de ma circonscription prend de l'ampleur aussi.
Votre organisme caritatif fait de l'excellent travail. Humanity First est là, surtout quand les gens sont dans le besoin. Alors que deux millions de Canadiens vont dans les banques alimentaires, votre organisme redouble d'efforts et envoie un message d'amour pour tous et de haine pour personne. Je pense que c'est un beau message, qui correspond aux valeurs canadiennes.
Vous tenez aussi des journées portes ouvertes et des forums interconfessionnels pour sensibiliser les gens.
Dans votre témoignage, vous avez dit que la connaissance devait supplanter l'ignorance. Je pense que quand on éduque les gens, on peut dissiper les idées fausses qui circulent sur la foi musulmane.
Pourriez‑vous faire le point pour nous concernant les initiatives que vous avez prises comme jama'at? Quels bénéfices tangibles avez‑vous vus de première main dans le travail que vous réalisez pour mobiliser proactivement les Canadiens?
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Durant mon exposé, j'ai dit que la communauté musulmane doit se relever les manches. Si les gens comprennent mal l'Islam, nous avons la responsabilité, en tant que musulmans, de faire connaître notre religion, une religion axée sur la paix.
Nous tenons des activités interconfessionnelles depuis plusieurs années. Nous en avons probablement tenues des centaines au pays, jusqu'au Nunavut. L'idée, c'est de nous concentrer sur nos points communs, et non sur nos différences. On m'a posé une question tout à l'heure sur nos différences, mais on fait fausse route, ici. Mettons l'accent sur ce qui nous unit.
De plus, en réponse à une question précédente sur le hijab et ce genre de choses, l'intégration n'est pas ce que certaines personnes pourraient estimer nécessaire. L'intégration, c'est de s'assurer que les gens comme moi et les membres d'autres communautés améliorent le Canada et y relèvent la barre. Voilà ce qu'est l'intégration. On fait fausse route quand on se concentre sur des choses comme le hijab.
Je pense que les programmes interconfessionnels nous rassemblent tous. Ils nous aident à voir ce que nous avons en commun, plutôt que de nous diviser.
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Merci, madame la présidente.
Madame Elghawaby, j'aimerais revenir sur la discussion que nous avions tout à l'heure, dans laquelle je disais que vous étiez intervenue un peu tard après les événements du 7 octobre, soit une dizaine de jours plus tard. Ce n'était pas un reproche, puisque vous êtes quand même intervenue. De plus, tantôt, vous nous avez parlé de la loi 21, qui, selon vous, est une mauvaise loi, une mauvaise décision. Ces deux situations ne concernent pas la législation du Canada.
Je vous ai posé une question sur la haine, mais je m'étais peut-être mal exprimé ou vous m'aviez mal compris. J'aimerais que nous y revenions, parce que je voudrais connaître votre opinion sur une chose. À l'heure actuelle, le Code criminel interdit de fomenter la haine, ce qui me semble une bonne chose. À ce sujet, M. Benabdallah nous disait que la détestation de l'autre conduit à des événements comme ceux survenus à la mosquée de Québec, et nous sommes sur la même longueur d'onde à cet égard. Quant à lui, M. Khan nous disait que la paix est le fondement de sa religion, et je suis tout à fait d'accord avec lui. Je pense qu'on a avantage à mieux se connaître.
Fomenter la haine m'apparaît être une mauvaise chose, peu importe sa religion ou ses croyances. Comme je le disais, il est présentement interdit de fomenter la haine. Cela dit, le Code criminel contient un élément discutable à mon avis. En effet, on y dit qu'on peut se défendre devant un tribunal d'une accusation d'avoir fomenté la haine si on dit s'être fondé sur un texte religieux auquel on croit et dont on tentait d'établir le bien-fondé. Personnellement, ça m'apparaît incohérent, mais ce ne l'est peut-être pas pour vous. Si vous n'êtes pas d'accord avec moi sur le fait qu'il faut se débarrasser de cette exception, j'aimerais savoir pourquoi. Pourquoi pensez-vous qu'on devrait permettre de fomenter la haine et l'antisémitisme si on se base sur un texte religieux?
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Merci beaucoup pour la question, madame la présidente.
D'abord, en ce qui concerne notre lien avec le bureau de l'envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l'Holocauste et la lutte contre l'antisémitisme, Mme Deborah Lyons et moi entretenons des contacts réguliers. Nous sommes très conscientes toutes les deux de la montée de la haine qui touche nos communautés partout au pays et nous en sommes extrêmement attristées. Nous sommes constamment en train de réfléchir, de nous interroger et de chercher des exemples au sein de nos communautés de groupes qui sont déjà en train de s'unir.
Par exemple, ici à Ottawa, un éducateur musulman et un rabbin ont commencé — avant le 7 octobre — à donner des conférences dans les écoles dans le but de déconstruire et de briser les stéréotypes et les faux discours liés à leurs communautés. Il faut braquer les projecteurs sur les gens qui unissent leurs efforts. Même avant l'automne, j'ai rencontré des membres de l'organisation Jewish Family Services of Ottawa. Son personnel est très diversifié; il comprend beaucoup d'employés musulmans.
On trouve déjà des exemples divers au sein de nos communautés. Dans la même veine, le week-end dernier, le gouvernement fédéral a présenté sa stratégie de lutte contre le racisme pour les quatre prochaines années. Cette stratégie fait fond sur les stratégies du passé pour lutter contre la haine et le racisme envers tous les groupes au pays, en investissant fortement dans les initiatives communautaires.
J'aimerais que le Comité retienne le message suivant: ce n'est pas au gouvernement de régler le problème, c'est aux communautés elles-mêmes. Or pour y arriver, elles ont besoin de soutien. Il faut appuyer les dirigeants et les organismes communautaires qui déploient déjà des efforts en ce sens et qui ont besoin d'aide, en leur offrant du soutien financier ou autre.
Au bout du compte, nous, la population canadienne, comprenons que nous avons besoin les uns des autres. Nous avons besoin les uns des autres pour réussir et pour réaliser le rêve d'un pays où chaque personne se sent à sa place. Le gouvernement fédéral a beaucoup investi dans les initiatives de la sorte, et j'espère qu'il continuera de le faire.
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Nous reprenons la séance.
[Traduction]
Chers collègues, je vous prie de regagner vos places. On me dit que nous sommes prêts à entamer la discussion avec le deuxième groupe de témoins.
Je vais faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins qui se joignent à nous par voie virtuelle ou en personne. Comme certains membres du Comité vous poseront des questions en français et d'autres en anglais, assurez-vous de sélectionner la langue de votre choix.
[Français]
Vous pouvez répondre en anglais ou en français.
[Traduction]
Assurez-vous que vos appareils sont bien réglés pour éviter de perdre du temps.
Bienvenue à la réunion du Comité.
Je vous présente les témoins du deuxième groupe.
[Français]
Nous accueillons en personne M. Husein Panju, président de l'Association canadienne des avocats musulmans, ainsi que Mme Fauzia Mazhar, directrice générale de la Coalition des femmes musulmanes de Kitchener‑Waterloo. Par vidéoconférence, nous accueillons Abdallah Yousri, directeur général de la Société de la Oumma de la Nouvelle-Écosse, ainsi que Julie Macfarlane, professeure émérite de droit, qui témoigne à titre personnel.
[Traduction]
Nous allons commencer par les déclarations préliminaires des quatre témoins, qui disposent de cinq minutes chacun.
Je vous prie de prêter attention, que vous soyez en ligne ou dans la salle. Quand il vous restera 30 secondes, je vous le signalerai au moyen de cette carte. Quand le temps sera écoulé, je vous montrerai cette carte‑ci. Nous devons nous arrêter à 13 h 30 pile. Il nous reste donc 55 minutes.
Nous allons commencer par Mme Fauzia Mazhar. Vous disposez de cinq minutes.
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Bonjour.
Assalam alaikum. Que la paix soit sur vous.
Je m'adresse à vous depuis la concession de Haldimand, territoire accordé au peuple haudenosaunee des Six Nations de la rivière Grand, sur le territoire des Neutres, des Anichinabés et des Haudenosaunee.
Je représente la Coalition des femmes musulmanes de KW. Notre organisation offre des occasions de croissance personnelle et professionnelles aux musulmanes et aux jeunes musulmans, tout en luttant contre la violence fondée sur le sexe, le racisme, la discrimination, l'islamophobie et l'islamophobie sexospécifique, au moyen de services et de programmes novateurs, de partenariats et d'efforts de collaboration, d'activités de concertation et de sensibilisation, ainsi que de défense des droits et d'action sociale.
En avril 2021, la Coalition a lancé ses services de déclaration et de consignation de la haine, ainsi que ses services de soutien aux victimes de haine, grâce à des fonds de démarrage octroyés par le ministère du Patrimoine canadien. La Coalition s'est fondée sur le travail qu'elle a fait pour lutter contre la haine, le racisme et l'islamophobie dans la région de Waterloo pendant une dizaine d'années pour mettre en place ces services, les premiers du genre. Maintenant connus sous le sigle « AHS » pour « Anti-Hate Services », ces services offrent divers moyens de déclarer et de consigner les incidents de haine et de discrimination. Ils permettent également aux victimes de haine et de discrimination d'accéder à du soutien.
Chaque année, la Coalition produit un rapport fondé sur les données recueillies par les services anti-haine. Nous avons publié notre troisième rapport annuel la semaine dernière. Ce rapport brosse le portrait de la haine dans la région de Waterloo pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2023. Au total, 115 incidents ont été signalés, ce qui représente une augmentation de 26 %. En 2023, le Service de police régional de Waterloo, ou le SPRW, a recensé un total de 369 crimes motivés par la haine. Ce chiffre représente une augmentation de 94 % par rapport à 2022. Par ailleurs, 46 % des incidents déclarés à AHS sont survenus entre octobre et décembre 2023. Si l'on compare les données de cette période à celles des mêmes mois en 2022, on constate une augmentation de 83 % pour les déclarations d'incidents de haine, et de 212 % pour les déclarations d'incidents de haine visant les musulmans, les Arabes et les Palestiniens. Selon le rapport d'AHS, 46 incidents — soit 40 % — étaient motivés par l'islamophobie, et 112 incidents — soit 10 % — étaient motivés par la haine contre les Palestiniens.
Le SPRW a recensé un total de 67 crimes haineux ciblant des groupes religieux; seulement 2 d'entre eux étaient fondés sur l'identité islamique. Quarante‑et‑un pour cent des incidents consignés par AHS ciblaient des personnes se disant arabes, et 26 % ciblaient des personnes se disant sud-asiatiques. Le SPRW a également recensé 190 crimes haineux fondés sur la race, la plupart contre des personnes noires.
Les groupes les plus souvent nommés dans le rapport d'AHS comprennent les femmes et les jeunes de moins de 24 ans. Au total, les victimes de 74 incidents — 64 % — étaient des femmes, et les victimes de 38 incidents — 41 % — étaient des jeunes de moins de 24 ans. En outre, 69 % des femmes et 71 % des jeunes ont donné l'islamophobie comme une raison de l'incident. En analysant les données, on a constaté que le port d'un vêtement à caractère religieux ou culturel était souvent lié directement à l'expérience de la victime. Dans les cas de harcèlement verbal, le vêtement était fréquemment mentionné. Sur les 115 victimes, 55 — 48 % — portaient le hijab ou le niqab, et dans 7 cas, les victimes portaient le keffieh.
Comme vous l'avez peut-être remarqué, le rapport d'AHS comble une lacune importante dans les données sur les crimes haineux recensés par la police. Le Comité doit prendre bonne note des tendances qui se dégagent du rapport d'AHS. Les plus grandes victimes de l'islamophobie sont les femmes et les jeunes des communautés musulmanes du Canada. Les femmes et les jeunes sont plus à risque de subir des agressions physiques, de la violence verbale, du harcèlement dans les espaces publics et les milieux d'apprentissage, ainsi que de l'intimidation et de la discrimination en milieu de travail et dans les établissements d'enseignement. J'espère que durant votre étude sur l'islamophobie, vous porterez une attention particulière aux expériences vécues par les musulmanes et les jeunes musulmans.
Il est aussi essentiel de se pencher sur les expériences vécues par les communautés palestiniennes et arabes du Canada pour comprendre les liens entre l'islamophobie, le racisme contre les Arabes et le racisme contre les Palestiniens.
Vous trouverez le rapport que j'ai cité à l'adresse cmw‑kw.org, sous l'onglet « Publications ». Le rapport est en anglais.
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Madame la présidente, honorables membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, bonjour,
hello,
assalam alaikum. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis Husein Panju. J'ai le plaisir d'occuper le poste de président national de l'Association canadienne des avocats musulmans, aussi appelée l'ACAM. Notre organisation est une association sans but lucratif dont le but est de promouvoir les objectifs et de défendre les intérêts des personnes œuvrant dans le domaine du droit qui se disent musulmanes. Elle comprend 5 sections provinciales, lesquelles comptent plus de 400 membres à l'échelle du pays. Nos membres comprennent des professionnels de tous les secteurs du domaine du droit et plusieurs juges en exercice. Nous intervenons souvent dans des affaires liées aux droits de la personne présentées en cour d'appel et nous offrons des conseils juridiques au gouvernement dans le cadre de consultations comme celle‑ci.
Récemment, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a intégré plusieurs éléments de notre témoignage à son rapport phare intitulé Combattre la haine: l'islamophobie et ses répercussions sur les musulmans au Canada. Votre comité a déjà reçu des témoignages fort détaillés sur l'histoire de l'islamophobie, ainsi que sur les incidents récents très médiatisés qui sont survenus à Québec et à London, en Ontario. Aujourd'hui, mes observations seront axées sur l'inquiétante montée de l'islamophobie que l'on constate depuis le 7 octobre, spécialement sur ses effets sur les communautés au Canada.
En 2018, l'ACAM a ouvert le Muslim Legal Support Centre, un bureau d'aide juridique dont le but est de favoriser l'accès à la justice pour les musulmans de l'Ontario. Depuis le début du conflit, le nombre de demandes présentées au bureau a augmenté de 400 %. Elles concernent, par exemple, des affaires de discrimination en matière d'emploi et des mauvais traitements subis à l'école. Des avocats et des étudiants en droit des quatre coins du pays ont aussi fait part à l'ACAM des conséquences graves, injustifiées et préoccupantes qu'ils ont subies en réaction à des propos légitimes qu'ils ont tenus sur le conflit. Beaucoup d'avocats et d'étudiants craignent de devenir victimes de discrimination dans le contexte de l'emploi s'ils expriment des opinions politiques différentes de celles de leurs collègues. En outre, dans les médias sociaux, des avocats ont prôné ouvertement la création de listes noires d'avocats et d'étudiants en droit qui participent à des activités et à des manifestations de soutien à la cause palestinienne. Il y a deux semaines, un juge à la retraite a publié un examen de 200 pages relatant les mesures brutales prises contre des étudiants en droit qui ont signé une pétition à l'appui de la cause palestinienne. Cette situation l'a poussé à demander publiquement au milieu juridique d'engager un dialogue respectueux et de se comporter de manière courtoise.
Malheureusement, on constate également l'adoption d'un nombre croissant de politiques gouvernementales qui alimentent l'islamophobie. Je vous donne quelques exemples. Des services de police font un usage disproportionné de la force et de tactiques à l'endroit des manifestants propalestiniens. Une assemblée législative provinciale interdit maintenant aux représentants élus de porter le keffieh au travail, ce qui rappelle une autre loi provinciale interdisant aux employés du secteur public de porter le hijab. Récemment, le plus haut tribunal du Canada a désinvité des délégués racisés, en prétextant vaguement des commentaires qu'ils auraient affichés sur les médias sociaux à propos du même conflit. Nos communautés font déjà l'objet d'interventions policières excessives et elles sont déjà lésées; les décisions prises ces derniers temps ne font que provoquer plus d'incidents islamophobes sur le terrain.
En conclusion, pour mettre fin à l'islamophobie, le gouvernement doit assumer ses responsabilités et il doit axer ses efforts sur trois priorités. Premièrement, il doit rebâtir la confiance auprès des communautés. Le manque de confiance se fait sentir dans tous les organismes gouvernementaux, spécialement dans les secteurs de la sécurité nationale, de la justice pénale et de l'application de la loi. Deuxièmement, il doit reconnaître que les politiques forment les perceptions. L'islamophobie est un comportement acquis. Quand les gouvernements prennent des mesures, utilisent des termes et adoptent des politiques qui ciblent des groupes donnés, ils donnent la permission à la population canadienne de discriminer ces mêmes groupes. Troisièmement, il doit ouvrir un véritable dialogue avec la communauté musulmane et les groupes connexes, y compris dans le but de comprendre les formes intersectionnelles de discrimination, dont le sexisme et le racisme anti-palestinien. Ces concepts distincts ont des effets cumulatifs plus importants que la somme de leurs parties. Avant de définir et de mettre en œuvre des politiques qui nous touchent directement, le gouvernement doit absolument comprendre les expériences que nous vivons. Ensemble, ces principes peuvent entraîner la création d'un milieu propice à l'unité, en plus de favoriser l'élaboration de politiques équitables et de lois défendables qui résisteront aux contestations devant les cours d'appel et devant le tribunal de l'opinion publique.
Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de vous fournir plus de détails sur les éléments dont j'ai parlé et de répondre à toute autre question que vous jugez pertinente.
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Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de l'invitation à m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis Abdullah Yousri. Je suis l'imam et le directeur exécutif de la Société de la Oumma. C'est l'organisme de bienfaisance musulman le plus important dans la région de l'Atlantique.
En tant qu'imam, mon rôle est unique. Je suis souvent la première personne à laquelle les membres de la communauté s'adressent lorsque des crimes haineux sont commis ainsi que la première personne à laquelle les fonctionnaires s'adressent dans ces circonstances. J'ai été témoin de l'incidence de l'islamophobie sur les membres de notre communauté. J'ai conseillé des enfants qui ont été victimes d'intimidation à l'école, des femmes qui sont harcelées parce qu'elles portent le hidjab et des hommes qui sont la cible de profilage et de discrimination sur leur lieu de travail et dans des espaces publics.
Depuis le 7 octobre, la situation s'est considérablement aggravée. J'ai observé une hausse notable des attaques islamophobes, des agressions physiques et des actes de violence verbale, ainsi qu'une augmentation inquiétante des discours haineux. La peur est omniprésente dans la communauté. Il y a aussi de la colère et de la frustration face au manque de reddition de comptes à l'égard des agressions dont sont victimes les membres de la communauté musulmane au Canada.
J'estime que le système judiciaire a lamentablement échoué à protéger les droits constitutionnels des musulmans canadiens à s'exprimer et à être eux-mêmes. Au Canada, le pays qui célèbre toutes les cultures, l'élément culturel le plus emblématique, le keffieh, a soudainement été interdit, ce qui laisse de nombreux membres de la communauté s'interroger sur leur identité. Plus important encore, les tentatives de réduire au silence les musulmans canadiens en menaçant leurs moyens de subsistance ont été les pires et les plus douloureuses. Le congédiement de nombreux musulmans canadiens et des menaces faites à de nombreux autres dans le but de les réduire au silence sont des actes honteux et horribles qui ont bouleversé des milliers de membres de notre communauté, y compris nos imams et nos dirigeants communautaires.
Honorables députés, j'ai même conseillé des avocats musulmans qui craignent de prononcer un mot ou même d'exprimer leur désarroi à leurs collègues alors qu'ils pleurent la perte de membres de leur famille immédiate à Gaza. Permettez-moi de vous raconter deux histoires vécues par des membres de notre communauté locale à Halifax qui illustrent les conséquences personnelles de ces injustices.
Yara Jamal était la seule femme arabe musulmane à travailler dans les médias dans toute la région de l'Atlantique, à CTV News. Elle a été congédiée sur‑le‑champ à la suite de commentaires qu'elle aurait faits. Cette même femme a été continuellement victime d'intimidation, de harcèlement et de discrimination pendant plus d'un an sur le même lieu de travail. Bien que ces incidents aient été documentés et signalés, son cas a fini par être ignoré. Je vous laisse imaginer les répercussions de tels incidents sur toutes les femmes et les jeunes de notre communauté.
Nargis DeMolitor était la seule femme musulmane à travailler en politique à Halifax. Elle travaillait pour le ministre de l'Immigration et le gouvernement conservateur. Elle a été congédiée immédiatement, de manière humiliante, pour des propos qu'elle n'aurait même pas tenus.
De plus, de nombreux imams et aumôniers musulmans, comme l'imam Aarij Anwer et bien d'autres, ont également été congédiés de leur poste dans des hôpitaux et des universités, sans aucune conséquence juridique.
Je pourrais m'asseoir ici et raconter de nombreuses histoires au Comité. Toutefois, j'ai regardé les séances de la semaine dernière, et j'ai entendu les honorables députés poser des questions sur les solutions. Voici quelques mesures qui, selon moi, peuvent faire la différence.
À la Société de la Oumma, nous avons commencé à offrir de la formation aux agents de police locaux, aux premiers intervenants et aux fonctionnaires notamment sur l'islam, les cultures musulmanes, l'islamophobie et les sensibilités religieuses et culturelles. Nous avons vu l'incidence de cette formation, à laquelle de nombreux participants assistent chaque année, et nous avons vu cette incidence dans notre ville. Le fait de rendre cette formation obligatoire pour les fonctionnaires et d'en faire une exigence pour recevoir des fonds publics ferait une énorme différence, à mon avis.
À Halifax, nous avons revendiqué avec succès la création de la première unité de lutte contre les crimes haineux dans la région de l'Atlantique. Auparavant, il n'y en avait pas dans tout le Canada atlantique. Cependant, elle a eu du mal à être fonctionnelle en raison d'un manque de financement de la part de la municipalité. Du soutien fédéral sous la forme d'un financement aux unités de lutte contre les crimes haineux dans l'ensemble du pays aurait une incidence considérable sur le signalement, le dénombrement, l'analyse et la protection de tous les membres de la communauté.
Je vous remercie de l'invitation et du travail formidable que vous faites.
Dans mon témoignage, je vais parler du travail que j'ai effectué de 2010 à 2012 et un peu plus tard avec des membres de la communauté musulmane au Canada et aux États-Unis, et de ce que j'ai appris sur l'islamophobie en tant que personne très nouvelle et très ignorante dans ce domaine. Je voudrais dire quelques mots sur les événements survenus après le 7 octobre. Bien que je ne dispose pas de données empiriques, j'ai quelques observations à faire à ce sujet. Enfin, j'ai quelques suggestions sur les mesures à prendre pour faire suite à celles soulevées par mes collègues, que vous avez déjà entendues.
Quand j'ai commencé à étudier le rôle des lois islamiques et les façons dont les musulmans nord-américains menaient leur mariage et leur divorce, je l'ai fait parce que tout ce que j'avais entendu dans les médias à ce sujet, c'était que c'était une chose très mauvaise et terrifiante. En fait, je me souviens très bien d'un étudiant qui est entré dans mon bureau un jour à l'université et qui m'a dit, « J'aimerais rédiger un article sur la charia ». Je lui ai demandé: « Et que savez-vous de la charia? ». Il a dit, « Eh bien, rien, mais je sais que c'est très mauvais ».
Je pense que cela résume en quelque sorte ce que j'ai découvert au cours des années suivantes de ma recherche: un grand manque de connaissances et de renseignements et beaucoup de préjugés, d'une manière qui m'a vraiment étonnée. Je suis extrêmement reconnaissante aux imams et aux membres des communautés de l'aide qu'ils m'ont apportée dans le cadre de mes recherches et dans mes entretiens avec les gens sur un sujet très délicat, soit la manière dont ils gèrent les transitions dans leur famille, que ce soit le mariage ou le divorce.
La première chose que j'ai apprise, c'est que la charia est un terme qui a été inventé par les médias occidentaux. Il y a la charia et la loi islamique, et ce sont deux choses différentes. La charia est la voie que les musulmans doivent suivre pour mener une bonne vie. C'est une expérience totalement personnelle. Comme un imam m'a dit un jour, il y a une charia pour chaque musulman au Canada, ce qui résume bien la situation, à mon avis.
C'était l'une des premières révélations stupéfiantes que j'ai eues: Au lieu d'être quelque chose que les musulmans voulaient imposer à tout le monde, comme les médias le décrivaient — cette horrible charia qui était assortie de nombreuses punitions —, la charia était en fait un système de valeurs profondément personnelles, qui variait d'une personne à l'autre. La loi islamique était les principes qui avaient été élaborés à partir des textes du Coran et du Hadith par la jurisprudence à partir du IVe siècle. Bien entendu, il s'agissait de juristes masculins, si bien qu'une grande partie de cette jurisprudence est quelque peu axée sur les hommes, ce qui est une tendance de tous les systèmes occidentaux qui ont été élaborés au IVe siècle — et qui le sont encore aujourd'hui.
J'ai d'abord réalisé qu'il y avait une grande ignorance qui semait la peur et qu'en réalité, l'idée qu'il existait une sorte de ressentiment profond et bouillonnant au sein des communautés musulmanes au Canada et aux États-Unis, qui souhaitaient désespérément que d'autres acceptent leur système, était complètement injustifiée. Il n'y avait aucun fondement à cela. J'ai interrogé des gens et je leur ai parlé constamment dans le cadre de centaines d'entretiens à ce sujet, et je n'ai jamais entendu personne dire qu'elle pensait que la charia devrait être imposée aux non-musulmans. Si l'on ne tient pas compte de cela, on comprend beaucoup mieux la peur et les préjugés à l'égard de la communauté musulmane, ainsi que leur absence de fondement.
En ce qui concerne certaines des mesures qui, à mon avis, sont extrêmement importantes à la suite de ce travail, la collaboration avec les imams est très primordiale parce qu'ils sont une très grande source d'influence et qu'ils règlent aussi les problèmes familiaux dans de nombreuses communautés. Je pense qu'il est nécessaire d'établir des normes claires en matière de violence conjugale et, évidemment, il y a un problème de gouvernance des femmes dans les mosquées, mais il est certainement important de travailler avec les imams.
Je crois qu'il est également important de travailler avec les enfants dans les écoles...
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leur présence et de leurs contributions à cette conversation. Je pense certainement que nous sommes en droit d'avoir une conversation importante sur la liberté de religion dans notre pays, ce qui a été un aspect important de cette discussion.
Je veux commencer par essayer d'exprimer mon point de vue en tant qu'habitant de la banlieue de Toronto. Depuis 2021, plus d'une centaine d'églises chrétiennes ont été brûlées, vandalisées ou profanées au Canada, et parfois, quand je vois cela, quand je vois le manque de couverture médiatique de ces attaques contre la liberté de religion, et quand je vois que nous ne pouvons pas, même à la Chambre des communes, faire en sorte que tous les partis conviennent de dénoncer ces attaques contre la liberté de religion, je me demande si nous sommes comme dans Le show Truman.
Il semble tellement frustrant et déroutant de savoir comment on en arrive là. Souvent, des électeurs préoccupés par la question me font part d'un sentiment de désespoir. Comment faire pour amener les gens à s'intéresser à cet enjeu?
Je vois ensuite d'autres communautés qui traversent leurs propres épreuves en raison d'attaques contre leur liberté de religion. Des écoles et des synagogues ont été la cible de tirs à Montréal la fin de semaine dernière. Il y a eu une attaque motivée par la haine contre une famille musulmane à London. Je me dis que nous avons peut-être l'occasion de travailler ensemble et d'attirer l'attention sur les différentes façons dont les groupes confessionnels de ce pays peuvent être victimes de discrimination ou de persécution.
Nous avons peut-être l'occasion de jeter des ponts entre les différentes communautés religieuses dans l'espoir que les expériences qui surviennent actuellement dans ce pays, où, à bien des égards, les gens ont peur de perdre leur emploi en montrant qu'ils sont des personnes croyantes, ou de perdre quelque chose — leur position, peut-être, sur leurs lieux de travail ou à l'école... Si nous travaillons ensemble, nous parviendrons peut-être à protéger les différents croyants.
Je vais peut-être vous adresser ma question, monsieur Panju. Alors que vous envisagez d'élaborer une voie à suivre, comment entrevoyez-vous la possibilité pour les différents groupes confessionnels de travailler ensemble et de mieux se soutenir mutuellement?
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Je vous remercie de la question, monsieur Jivani.
Vous avez raison. Il y a actuellement dans notre société un clivage entre les différentes cultures et confessions, et nous avons bon espoir d'établir cette unité un jour.
Je sais que ces séances ont pour but de discuter de ce que les gouvernements peuvent faire. Il y a tant de mesures qui peuvent être prises. Je veux notamment parler de la manière dont les politiques gouvernementales façonnent les perceptions. Je ne prétends pas être un expert de toutes les formes de discrimination, mais si je suis un expert de quelque chose, c'est de l'islamophobie.
Je sais que les Canadiens attendent que nos dirigeants leur donnent des directives. Les recherches confirment que lorsqu'un discours haineux est tenu aux plus hauts échelons, qu'il s'agisse du gouvernement au pouvoir, d'autres politiciens ou de toute autre personne d'influence, d'autres membres de la communauté le remarquent et il y a une incidence sur le terrain. Quand les gouvernements mettent en place des mesures et des politiques qui ciblent des groupes particuliers, comme je l'ai mentionné, cela permet à d'autres Canadiens de faire preuve de discrimination à l'égard de ces communautés.
Dans la mesure où l'islamophobie est reconnue comme étant un problème — et je pense qu'il y a un consensus, mais je sais que certains ne sont pas d'accord —, je pense qu'il faut des mesures et un engagement concrets, pas seulement de l'argent investi dans différents programmes, mais une volonté réelle d'entendre le point de vue de ceux qui sont les plus touchés.
Dans la mesure où les gouvernements peuvent contribuer à cette coordination, ce serait un excellent point de départ. À l'heure actuelle, l'islamophobie est souvent associée au racisme anti-palestinien, et ces deux concepts sont liés, mais différents. Tous les musulmans ne sont pas des Palestiniens, et tous les Palestiniens ne sont pas des musulmans. Pour de nombreux Canadiens, ce n'est pas un problème apparent. Les effets combinés du racisme anti-palestinien et de l'islamophobie genrée sont des concepts sérieux, et nous estimons que le gouvernement doit jouer un rôle actif pour le reconnaître et pour éduquer nos communautés sur les valeurs et les forces qui font des Canadiens ce qu'ils sont.
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Merci, madame la présidente.
Puisqu'il n'y a pas eu consentement pour permettre à M. Morrice de poser une question, je partagerai mon temps avec lui.
Permettez-moi d'abord de remercier tous nos témoins. J'ai trouvé vos témoignages extrêmement utiles.
Je vais commencer par M. Panju. Je tiens d'abord à vous remercier de diriger l'Association canadienne des avocats musulmans. J'ai eu le plaisir de recevoir quelques mémoires juridiques, et le travail juridique était parfait et très utile. Je vous en remercie.
Dans votre témoignage, vous avez mentionné la discrimination que l'on observe en milieu de travail depuis le 7 octobre. Beaucoup d'entre nous l'avons également lu dans les journaux. Il est vraiment troublant de voir qu'une personne qui exprime ses préoccupations concernant l'évolution de la situation au Moyen-Orient ou qui considère que les droits de la personne sont bafoués peut perdre son emploi. Puisqu'il s'agit d'une question fort importante qui me préoccupe au plus haut point, je me demandais si vous pouviez en dire davantage à ce sujet, s'il vous plaît.
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Je vous remercie de cette importante question.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, les membres de notre communauté sont très préoccupés concernant leurs perspectives d'emploi. Sans trop répéter ce que j'ai dit plus tôt, il existe des préoccupations légitimes quant à la possibilité que les employés, étudiants ou candidats qui commentent le conflit subissent des répercussions.
Le cas des manifestants étudiants qui ont lancé une pétition réclamant un changement et exprimant leur position sur le conflit est un exemple probant. Beaucoup d'étudiants de la Lincoln Alexander School of Law ont signé une lettre d'appui à la Palestine et à la résistance palestinienne sous toutes ses formes. Les étudiants signataires de cette lettre, dont beaucoup sont des personnes racisées, y compris des femmes visiblement musulmanes, ont subi de graves représailles venant de la communauté juridique. Des étudiants ont vu leurs renseignements personnels être divulgués sur diverses plateformes de médias sociaux. Plusieurs organisations et commentateurs ont réclamé que leur identité soit révélée, qu'ils soient expulsés, déportés et considérés comme des apologistes de la terreur. Beaucoup d'étudiants ont reçu des messages troublants et menaçants par courriel ou par téléphone, y compris des menaces de violence et de mort, ainsi que des vidéos et des images explicites. C'est odieux.
À la suite du ressac considérable que j'ai mentionné, l'université a demandé au juge en chef à la retraite, J. Michael MacDonald, d'examiner soigneusement cette lettre. Le juge a estimé que la lettre n'était pas antisémite, et qu'il n'était pas antisémite non plus de « critiquer les actions et politiques du gouvernement israélien à l'égard des Palestiniens » ou « d'utiliser des concepts du droit international, comme le colonialisme, le génocide et l'occupation, dans des discussions et déclarations concernant le gouvernement d'Israël ». Cette citation est tirée directement du rapport du juge en chef.
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Merci, monsieur Morrice. C'est un plaisir de vous voir ici également.
Pour répondre à votre question, la Coalition des femmes musulmanes a publié un certain nombre de recommandations à divers moments, pour divers ordres de gouvernement.
Plus tôt, si je ne me trompe pas, M. Panju a parlé d'une véritable définition de la haine ou, dans notre cas, en particulier, une définition ou description acceptée de l'islamophobie, qui fait toujours défaut. Les musulmans et même les alliés qui utilisent le terme « islamophobie » font l'objet d'une rhétorique très négative. Certains disent que l'islamophobie n'est rien, que c'est une invention des musulmans, ou quelque chose du genre. On évoque toujours la liberté d'expression et on fait valoir que toute mesure de lutte contre l'islamophobie aura pour effet de restreindre cette liberté d'expression d'une façon ou d'une autre.
Avoir une définition convenue de l'islamophobie, de l'islamophobie sexospécifique et d'autres termes — une définition acceptée par la population et établie avec la participation de la communauté — serait un excellent point de départ pour le gouvernement fédéral.
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Par votre intermédiaire, madame la présidente, je remercie le député de sa question.
Je tiens d'abord à préciser que les femmes musulmanes n'ont pas créé ce problème et n'en sont pas responsables. Il ne nous incombe pas de nous attaquer à ce problème. Cependant, la Coalition des femmes musulmanes part du principe que nous sommes ici chez nous, et que s'il y a un défi ou un problème chez nous, nous ne resterons pas les bras croisés en laissant à d'autres le soin de régler le problème. Cela nous donne vraiment beaucoup de force. C'est ce que nous faisons.
Quant à la façon dont le gouvernement peut appuyer les initiatives communautaires, le financement est certes très important, mais comme l'ont indiqué divers témoins aujourd'hui, il faut aussi des mesures concrètes. Il y a aussi un rôle de modèle. Il y a aussi le langage employé par les différents ordres de gouvernement. Ensemble, tous ces éléments créeront un contexte dans lequel les femmes musulmanes pourront vivre à l'abri non seulement du harcèlement, mais aussi de véritables agressions physiques, comme ceux dont nous avons si souvent entendu parler aujourd'hui.
Merci.
Cette recherche m'a notamment appris à quel point j'étais ignorante et à quel point tant de nous, je crois, ont grandi sans aucune compréhension de la culture musulmane et de l'islam en tant que religion. Je pense que c'est une des nombreuses choses qui nécessitent une approche préventive afin d'éviter le genre de confusion et d'incompréhension sur laquelle s'appuie une machine très sophistiquée pour alimenter la peur. Il faut informer davantage les jeunes afin qu'ils comprennent mieux leurs camarades de classe musulmans et sachent pourquoi une fille de la classe porte le hijab. Cela ne signifie pas qu'elle est opprimée à la maison. C'est peut-être un choix important pour elle.
Il s'agit, comme on l'a fait pour la prière musulmane à l'école, qui est de plus en plus reconnue, d'approfondir les connaissances des jeunes et de mieux les informer afin qu'ils puissent grandir, contrairement à cette génération, sans croire que les musulmans, c'est « l'autre », et qu'il faut les craindre.
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Merci, madame la présidente. Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui dans le cadre de cette importante étude.
Ma première question, qui s'adresse à Mme Fauzia Mazhar, la directrice générale, porte sur ce qui est selon moi l'un des pires actes de violence et de terreur qu'ait connus le Canada: la fusillade à la mosquée de Québec en janvier 2017.
En 2022, la Cour suprême du Canada a instruit l'appel de la Cour d'appel du Québec concernant la peine infligée à l'individu, que je ne nommerai pas, car beaucoup de familles des victimes ne veulent pas utiliser son nom. En raison de la peine à laquelle il a été condamné, cet individu ne devait pas sortir de prison, de sorte que les familles des victimes n'auraient pas à assister à des audiences de libération conditionnelle. En raison de la décision rendue par la Cour suprême en 2022, cet individu, qui a ôté la vie à six personnes innocentes, sera désormais admissible à une libération conditionnelle lorsqu'il aura à peine atteint l'âge moyen.
Au sein de ce comité, nous avons abondamment entendu parler de l'énorme fardeau qu'impose le processus de libération conditionnelle aux victimes et aux familles des victimes, qui doivent alors revivre la tragédie tous les deux ans. Nous avons exhorté le gouvernement à répondre à cette décision d'une manière ou d'une autre, au nom des victimes et de leurs familles. Je me demande si vous avez des réflexions à ce sujet. Le gouvernement devrait‑il réagir de quelconque façon à cette décision, pour veiller à ce que nous respections les personnes qui ont perdu la vie?
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Du point de vue de la communauté musulmane canadienne en général, cette décision a évidemment suscité beaucoup de déception, la perception étant que les vies musulmanes ne sont probablement pas aussi importantes que d'autres vies perdues. Il y a eu des comparaisons avec d'autres cas, en particulier celui des agents de la GRC qui ont été tués. Il y a eu beaucoup de comparaisons et d'autres choses de ce genre.
Cependant, si vous voulez connaître mon point de vue personnel, je dirais que la haine n'a pas tué que six personnes ce jour‑là. Elle a également tué une septième personne. Cette personne est toujours vivante, mais sa vie n'est plus la même à elle non plus. La haine n'affecte pas seulement les victimes. Elle affecte aussi gravement l'auteur du crime, surtout lorsqu'il s'agit d'un jeune de 20 ans qui a tué quatre personnes et se retrouve désormais derrière les barreaux pour le restant de ses jours. Ce n'est peut-être pas cela la réponse à la haine.
La région de Waterloo est réputée pour ses racines en matière de justice réparatrice, avec la présence de la communauté mennonite. La Coalition of Muslim Women of K‑W a collaboré avec Community Justice Initiatives pour lancer un programme de médiation pour les préjudices et les violences fondés sur l'identité intitulé Sulha, qui signifie paix dans de nombreuses langues culturelles musulmanes.
Personnellement, je comprends la douleur de la famille. Imaginez ce garçon de 9 ou 10 ans. Il devra plaider sa cause tous les deux ans une fois adulte. Imaginez à quel point cela sera traumatisant pour lui et les autres membres de sa famille. Est‑il possible de trouver un juste milieu? Y a‑t‑il moyen d'éviter que la famille ait à revenir?
C'est mon opinion, mais existe‑t‑il des moyens de réhabiliter un individu d'un point de vue organisationnel? Existe‑t‑il des moyens d'instaurer une justice réparatrice et une médiation, pas nécessairement dans les cas de meurtre, parce que les auteurs devront purger leur peine et...
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Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier les témoins d'être des nôtres.
Madame Mazhar, je suis heureux de vous revoir en personne. J'ai beaucoup aimé visiter votre communauté il y a quelques mois. Vous faites un travail fantastique.
J'étais à London en Ontario il y a quelques jours pour marquer le troisième anniversaire du décès de la famille Afzaal.
Je me souviens également d'avoir été appelé par des amis de Montréal dans la nuit du 29 janvier 2017 parce qu'ils avaient besoin de quelqu'un pour s'occuper des médias anglophones à Montréal lors d'une veillée organisée à la suite de l'attentat terroriste qui s'est produit à Québec. Pour être complètement franc, je me souviens ne pas avoir été choqué à l'époque qu'une telle chose se soit produite au pays et dans ma belle province du Québec en raison des discussions qui avaient lieu à l'époque.
Je pense que cette étude sur l'islamophobie illustre la nécessité de faire face à la discrimination. Je suis toujours étonné de voir à quel point nous pouvons occulter la question. Parfois, nous ne l'étudions pas vraiment, et pour être franc, je trouve cela décourageant.
Cela dit, je suis encouragé lorsque j'entends des gens comme Mme Macfarlane. Elle me ramène au 30 janvier, à la veillée à Montréal. Il faisait ‑20 degrés. Nous avons dit: « pas de politiciens sur la scène. Ils ont suffisamment de temps pour parler ». Il n'y avait que des organisations et des militants sur la scène. J'étais l'un d'entre eux. Je me souviens d'avoir regardé la foule dans le froid glacial de Montréal et d'avoir vu de nombreuses personnes de l'ensemble de la société québécoise. La plupart n'étaient pas directement concernés par cet événement et étaient là par solidarité. Ils ont dit: « non, pas en notre nom. Ce n'est pas notre province. Ce n'est pas ce que nous sommes ».
Je me souviens que, pendant les sept à dix jours qui ont suivi l'attentat, tous les journaux de Montréal et de la province ont publié d'importantes histoires humaines sur les musulmans du Québec. Ils ont vulgarisé ce qu'ils étaient clairement, au lieu de souligner des choses discriminatoires floues.
Madame Macfarlane, pourriez-vous nous faire part de votre parcours en 45 secondes environ? Je le trouve très intéressant.
J'aimerais ensuite m'adresser à M. Panju.
Allez‑y, je vous prie, madame Macfarlane.
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Merci beaucoup, monsieur Garrison.
À titre de présidente, j'aimerais remercier tous les témoins que nous avons reçus, et en particulier ceux qui se trouvent devant moi. Voilà qui met fin à cette étude.
En tant que Canadienne de l'Atlantique et Néo-Écossaise, je tiens à vous remercier, imam Yousri, d'avoir jeté un peu de lumière sur le Canada atlantique, car j'ai l'impression qu'il est souvent négligé par les grands centres. Je vous remercie d'avoir parlé de la formation que vous donnez aux policiers et à tous les autres, et, bien sûr, des nombreuses activités interconfessionnelles que vous organisez depuis de nombreuses années et auxquelles j'ai moi-même participé. Nous savons tous que ces liens sont très importants.
Il est 13 h 28, chers collègues.