Je vous souhaite la bienvenue à la 37e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 31 octobre 2022, le Comité entreprend l'examen du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, ce qui signifie que les membres du Comité assistent à la réunion en personne ou à distance au moyen de l'application Zoom.
J'aurais quelques consignes à transmettre à l'intention des témoins et des députés.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et veiller à le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
Pour l'interprétation, ceux qui sont sur Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
Je vous rappelle également que toutes vos interventions doivent être adressées à la présidence. Les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». Notre greffier et moi-même nous efforcerons de tenir à jour la liste des intervenants. Merci à l'avance de votre patience à cet égard.
Par ailleurs, je vais utiliser des cartons simples pour vous indiquer qu'il vous reste 30 secondes ou que vous n'avez plus de temps. Je ne voudrais pas avoir à vous interrompre. J'espère que vous saurez tous porter attention à cela. Les membres de ce comité sont habituellement très bons pour respecter le temps imparti.
J'aimerais maintenant accueillir notre premier témoin d'aujourd'hui. Nous avons le plaisir...
Oui, monsieur Fortin?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
C'est toujours avec plaisir de vous rencontrer. Pour la plupart, vous participez en personne à la réunion. MM. Garrison et MacDonald participent à la réunion en mode virtuel.
Je suis accompagné de mes collègues du ministère de la Justice, Mme Nancy Othmer, M. Patrick Xavier et Mme Anna Dekker. Ils vont m'aider à répondre aux questions d'ordre technique.
[Traduction]
Comme je le disais, monsieur le président, c'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour vous remercier de votre soutien unanime à ce projet de loi en deuxième lecture.
Comme vous le savez, ce projet de loi réforme le processus servant à traiter les plaintes contre des juges de nomination fédérale. La rigueur et l'efficacité du processus disciplinaire applicable aux juges peuvent avoir une incidence importante sur l'indépendance de la magistrature. Ce projet de loi rendra le processus disciplinaire de la magistrature plus efficace et plus rentable.
Ce projet de loi est le fruit d'années d'études et d'analyses minutieuses, qui ont compris des consultations auprès de la communauté juridique et du grand public, ainsi que de nombreux échanges avec le Conseil canadien de la magistrature et l'Association canadienne des juges des cours supérieures. À mon avis, le processus disciplinaire que le projet de loi prévoit pour la magistrature serait digne de devenir une référence mondiale, et il servirait exceptionnellement bien les intérêts de la population canadienne pendant de nombreuses années.
[Français]
Nous avons besoin d'une magistrature rigoureusement indépendante capable de rendre des jugements sans crainte de représailles. Parallèlement à cela, la population canadienne exige à juste titre que les juges soient assujettis à de hautes exigences en matière de professionnalisme.
En 1971, lorsque le Parlement a édicté la Loi sur les juges, la responsabilité de traiter les plaintes contre des juges a été confiée au Conseil canadien de la magistrature, ou CCM. La Loi sur les juges détermine les éléments clés d'un processus qui a su servir les intérêts de la population pendant des décennies. Cependant, le cadre législatif a démontré des lacunes de plus en plus marquées au cours des dernières années, ce qui a amené un nombre grandissant d'intervenants à demander au Parlement d'agir. Le CCM lui-même fait partie de ces intervenants.
[Traduction]
En élaborant ses réformes, le gouvernement a examiné attentivement la rétroaction du public, obtenue au moyen d'un sondage en ligne, et celle d'un certain nombre d'intervenants clés du milieu juridique, dont l'Association du Barreau canadien et la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada ainsi que les provinces et les territoires.
Nous avons fait preuve d'une grande écoute, et nous tenions à élaborer un processus qui inspirerait confiance au public et serait aussi rigoureux qu'équitable, tout en fonctionnant de façon prompte et efficace.
Selon les principes constitutionnels, un juge ne peut pas être révoqué tant que sa conduite n'a pas été examinée dans le cadre d'une audience dirigée par d'autres juges. Comme je l'ai mentionné, le Parlement a confié cette tâche importante au CCM. Pour cette raison, les responsables de mon ministère ont eu des discussions soutenues avec le CCM, pour veiller à ce que la présente proposition législative puisse bénéficier des 50 ans d'expérience du Conseil dans la tenue du processus d'examen en la matière. Des responsables du ministère ont aussi consulté l'Association canadienne des juges des cours supérieures afin de bien comprendre ses préoccupations relativement à la réforme du processus.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour remercier à la fois le CCM et l'Association pour les discussions à ce sujet, et pour leur engagement à travailler dans l'intérêt de la population canadienne.
[Français]
Je souhaite maintenant souligner deux préoccupations particulièrement importantes. La première est l'efficacité. Tel qu'il existe, le processus prend trop de temps et coûte trop cher. Bien sûr, la Constitution exige de traiter les plaintes contre des juges avec rigueur et sensibilité. Par contre, lorsque la résolution des plaintes s'étend sur des années, à grands frais pour les contribuables, la population est en droit de se demander s'il n'y aurait pas une meilleure façon de procéder.
Parmi les exemples les plus éloquents, on peut mentionner la multiplication des contrôles judiciaires que l'on a pu constater au cours des dernières années relativement à certaines plaintes, ce qui a donné l'impression que les juges visés intentaient toutes sortes de recours surtout pour gagner du temps, et pas nécessairement pour défendre des intérêts juridiques légitimes. Le projet de loi répond directement à cette préoccupation en rendant le processus beaucoup plus efficace.
[Traduction]
Une deuxième préoccupation concerne le « tout ou rien » du processus actuel, qui vise à répondre à cette seule question: la plainte justifie‑t‑elle la révocation du juge? Aucune autre sanction n'est possible, et c'est un fait qui déteint sur chaque étape du processus. Il y a là un risque d'iniquité pour les juges visés par des plaintes, qui peuvent se trouver à subir un vaste procès pour une conduite qui aurait plutôt justifié des sanctions de moindre ampleur. De plus, la confiance du public dans le processus risque d'en souffrir. Les membres du public peuvent être perplexes et insatisfaits à juste titre lorsque des plaintes sont rejetées parce que la conduite reprochée n'atteignait pas un seuil de gravité assez élevé pour justifier la révocation.
Le projet de loi répond à cette préoccupation en permettant, pour la première fois, l'imposition de sanction pour des fautes qui ne justifient pas la révocation, mais qui exigent néanmoins une forme de réparation et des comptes à rendre. Par exemple, il pourrait s'agir d'imposer des séances de formation.
Le temps alloué pour cette allocution ne me permet pas de présenter toutes les améliorations proposées dans ce projet de loi. Pour le moment, permettez-moi de souligner trois améliorations clés.
[Français]
Premièrement, il y a l'accroissement de la transparence par la participation de membres non-juristes. Le processus actuel confère un rôle limité aux membres non-juristes, c'est-à-dire les personnes qui ne sont ni des juges ni des avocats. Il y a, actuellement, une personne non-juriste parmi les cinq membres des comités d'examen.
Le projet de loi change cela. Les comités d'examen continueraient d'inclure un membre non-juriste, mais ils seraient plus efficaces: ils ne compteraient que trois membres et seraient habilités à imposer des sanctions pour les fautes dont la gravité ne suffirait pas à justifier la révocation. En outre, il y aurait désormais aussi un membre non-juriste au sein des comités d'audience, formés pour tenir les audiences publiques visant à déterminer si le juge visé devrait être révoqué. Ces améliorations répondent directement aux lacunes actuelles du système, augmentent l'efficacité et permettent une responsabilisation plus appropriée et ciblée.
[Traduction]
Le deuxième point à souligner concerne le fait que le projet de loi simplifie le processus d'appel. Dans le cadre du processus actuel, le juge visé par une plainte a trop d'occasions de demander le contrôle judiciaire des décisions du Conseil, à différentes étapes. Le tout peut donc devenir très coûteux, entraîner des délais excessifs et miner la confiance du public. Qui plus est, une fois que le comité d'enquête a formulé sa recommandation à savoir si le juge devrait être révoqué, le processus actuel exige que la décision soit examinée par un organe que l'on appelle le « conseil plénier », auquel doivent participer au moins 17 membres du CCM pour que le quorum soit atteint. Les pouvoirs de cet organe ne sont pas clairement établis, et on a constaté avec le temps que la prise d'une décision juridique par un organe de cette taille pouvait s'avérer difficile.
Pour y remédier, le projet de loi prévoit l'instauration d'un mécanisme d'appel au sein même du processus disciplinaire de la magistrature. Le comité d'appel, qui compterait jusqu'à trois membres du CCM et deux juges puînés, aurait de vastes pouvoirs qui lui permettraient de pallier les lacunes du processus, et le juge visé qui voudrait contester la décision de ce comité aurait un seul recours possible, à savoir de présenter directement une demande d'autorisation d'appel auprès de la Cour suprême du Canada. Le fait de confier le rôle de supervision à la Cour suprême renforcera la confiance du public, en plus d'éviter une longue succession de contrôles judiciaires devant des tribunaux de différents niveaux. Le nouveau processus amènera des économies de temps et d'argent, tout en demeurant très équitable pour les juges visés par des plaintes.
[Français]
Le troisième et dernier point à souligner porte sur les coûts liés au processus. Les coûts liés à la gestion des plaintes au quotidien sont assez constants et prévisibles, et ce serait encore le cas dans le cadre du nouveau processus. Cependant, les coûts associés aux comités d'enquête sont très variables et imprévisibles, étant donné la variabilité du nombre d'enquêtes publiques d'une année à l'autre. Par conséquent, les administrateurs doivent s'appuyer sur des mécanismes complexes pour obtenir le financement nécessaire, selon le cas. C'est un problème de longue date que le projet de loi viendrait résoudre en instaurant un crédit législatif comme mécanisme de financement stable pour la tenue d'audiences publiques, qui constituent une portion très variable des coûts du processus.
Non seulement il s'agirait d'une solution pratique, mais ce serait aussi justifié par le fait que ces audiences publiques sont constitutionnellement requises. Dans le but d'assurer la gestion responsable des fonds en question, le projet de loi prévoit plusieurs mesures, dont la tenue d'un examen indépendant tous les cinq ans pour vérifier le bien-fondé de tous les frais que le crédit législatif aura servi à payer. Les conclusions et les recommandations de cet examen seraient rendues publiques.
[Traduction]
Je vous remercie du temps et de l'attention que vous m'avez accordés aujourd'hui. Je recommande ce projet de loi sans hésiter, sachant qu'il améliorera profondément le processus disciplinaire de la magistrature au bénéfice de la population canadienne.
Je me ferai un devoir de répondre à vos questions après avoir bu un bon verre d'eau.
Des députés: Ha, ha!
L'honorable David Lametti: Merci.
:
Merci, monsieur le ministre.
Je dispose d'un temps limité et j'ai beaucoup de choses à dire.
Vous pouvez être d'accord ou non avec moi, mais la confiance du public envers notre système judiciaire a été fortement ébranlée par certaines décisions assez controversées de la Cour suprême du Canada. Si le temps me le permet, j'aimerais aborder deux décisions: les arrêts Bissonnette et Sharma. À mon avis, vous devez savoir ce que les gens en pensent dans la rue et dans la société, et je veux savoir ce que vous pensez de la réponse du gouvernement.
Comme nous le savons, dans l'arrêt Bissonnette, la Cour suprême du Canada a invalidé à l'unanimité l'article 745.51 du Code criminel au motif qu'il contrevenait à l'article 12 de la Charte — qui n'était pas protégé par l'article 1 — et a rendu sa décision rétroactive à la date de son entrée en vigueur, en l'occurrence 2011.
Nous connaissons tous les faits dans cette affaire. Nul besoin d'insister sur ce point. Il s'agit d'un crime horrible qui a marqué la conscience non seulement de la communauté musulmane, mais de tout le pays. Dans leur décision, les juges ont déterminé qu'une période plus longue avant qu'une personne soit admissible à la libération conditionnelle, en l'occurrence jusqu'à 75 ans, était « dégradante dans la mesure où elle anéantit, de manière anticipée et irréversible, l'objectif pénologique de réinsertion sociale. Cet objectif est intimement lié à la dignité humaine en ce qu'il véhicule la conviction que chaque individu possède la capacité nécessaire pour se repentir et réintégrer la société. » Ils ont statué que: « Bien que le Parlement dispose d'une latitude pour établir des peines dont la sévérité exprime la réprobation de la société à l'égard de l'infraction commise, il ne peut prescrire une peine qui prive d'emblée tous les contrevenants qui y sont assujettis d'une possibilité réaliste de libération conditionnelle. »
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous écoutiez très attentivement les mots que nous avons entendus de diverses victimes lorsque nous avons étudié la réponse du gouvernement aux victimes de crimes. L'une de ces victimes était Sharlene Bosma. Elle a raconté que le 6 mai 2013, son mari, Tim, a été enlevé à leur domicile et abattu dans son propre camion de l'autre côté de la rue, en face de leur maison. Son corps a ensuite été transporté jusqu'à l'aéroport de Waterloo, où il a été brûlé dans un incinérateur pour animaux. Elle a passé huit jours à le chercher partout dans la province, sans savoir où il se trouvait. Le huitième jour, son monde s'est écroulé lorsqu'elle a entendu l'une des phrases les plus horribles qui soient: son corps a été brûlé au point de le rendre méconnaissable. Elle raconte:
Il m'est impossible de décrire la joie et le soulagement incommensurables que tous les membres de notre famille ont ressentis lorsque des peines consécutives d'emprisonnement à perpétuité ont été prononcées dans chaque cas, soit 75 ans et 50 ans pour ces meurtriers sans cœur et sans pitié. En tant que mère d'une petite fille qui n'avait pas tout à fait deux ans et demi lorsque son père a été assassiné, j'étais extrêmement reconnaissante qu'elle n'ait jamais à se retrouver devant les monstres qui ont tué son père simplement parce qu'ils le pouvaient.
En mai dernier, le gouvernement a supprimé l'une des rares choses auxquelles les victimes pouvaient s'accrocher: les peines consécutives. Il s'agit d'un des plus durs coups jamais portés par le gouvernement canadien aux victimes de crimes violents. Il envoie comme signal qu'au Canada, n'importe qui peut tuer autant de personnes qu'il veut, car les peines ne changeront pas. Il se trouve à dire qu'au Canada, seule la vie de la première victime a une valeur et que celle des autres victimes n'a aucune importance, du moins pas ici, au Canada.
Nous avons également entendu une autre famille témoigner du choc terrible de cette décision sur elle.
Je sais que vous avez fait preuve de compassion à la Chambre des communes lorsque cette décision a été rendue publique, monsieur le ministre. J'ai en main un communiqué de presse qui a été publié sur Internet. Dans une déclaration aux médias, vous avez dit ce qui suit: « Notre position était claire, nous soutenions le pouvoir discrétionnaire du juge chargé de la détermination de la peine d'imposer une période plus longue d'inadmissibilité à la libération conditionnelle lorsque les circonstances le justifient. Cependant, nous respecterons la décision du tribunal et examinerons attentivement ses ramifications et la voie à suivre. »
Depuis que nous vous avons entendu prononcer ces mots — et je me souviens de vous avoir entendu prononcer ces mots ou des mots similaires à la Chambre — qu'a fait le gouvernement? Que fait le gouvernement pour apaiser la douleur que ressentent ces victimes et corriger l'impression générale qu'il ne s'agit plus d'un système de justice, mais d'un simple système judiciaire?
:
Je vous remercie de votre question, maître Brière.
Dans la cause malheureusement assez connue de l'ancien juge Girouard, on a vu que chaque possibilité d'employer un contrôle judiciaire ou de porter toute décision en appel a été utilisée, que chaque tactique a été employée pour prolonger le processus, pour augmenter les coûts, pour augmenter les délais. Malheureusement, quand la Cour suprême a finalement rejeté la demande de porter la cause en appel, j'ai signalé au Parlement que j'étais prêt à demander la révocation du juge Girouard, mais il a pris sa retraite en touchant une pleine pension.
Dans l'un des énoncés économiques de l'automne, il y a environ un an et demi, nous avions déjà réglé la question des régimes de retraite, mais il faut maintenant revoir le processus.
Nous avons maintenant un processus dont les lignes directrices sont claires et une marche à suivre transparente pour porter des décisions en appel devant les tribunaux. Les comités d'examens sont composés de juges, d'avocats et de membres non-juristes. On peut donc faire confiance au système.
Les juges auront l'assurance d'être traités de manière équitable et le grand public verra que le processus est plus efficace, moins coûteux, moins long, plus clair et plus transparent.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.
J'aurais envie de vous poser des questions sur divers sujets, mais je vais essayer de m'en tenir au sujet d'aujourd'hui, à savoir le projet de loi .
Je tiens à dire, d'abord, que c'est un bon projet de loi, à mon avis. Nous avons l'intention, au Bloc québécois, de l'appuyer. Cependant, n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur les plaintes que traite le Conseil canadien de la magistrature au sujet des comportements, des fautes ou des fautes présumées des magistrats? N'y a-t-il pas lieu de se demander s'il est possible, en amont, d'éviter un bon nombre de ces situations, notamment en ce qui concerne le processus et les critères de sélection?
Comme vous le savez, il y a eu de l'amélioration au cours des années. Nous en avons parlé à quelques reprises. De notre côté, au Bloc québécois, nous déplorons encore les vérifications de nature partisane, politique, qui ont lieu avant les nominations. C'est une pratique qui, à mon avis, devrait être éliminée. On ne devrait plus se pencher là-dessus. Il faudrait peut-être améliorer les conditions et s'assurer non seulement de la formation universitaire des candidats et candidates dans le domaine juridique, mais aussi de leur sens moral et de la façon dont ils se comporteront dans une situation donnée, devant des justiciables qui se présenteront devant eux.
En résumé, n'y a-t-il pas lieu d'améliorer le processus de sélection pour faire en sorte qu'il y ait de moins en moins de plaintes?
:
Je vous remercie, monsieur Naqvi, de votre question. Elle est importante.
Je vais utiliser l'affaire Girouard comme exemple, car elle est encore fraîche dans l'esprit de beaucoup de gens.
Je précise encore une fois qu'il existe un processus qui exige la présentation d'une lettre de pétition ou le dépôt d'une plainte de la part d'un citoyen. La lettre est transmise au directeur exécutif du Conseil canadien de la magistrature. Elle est ensuite examinée par un membre du Conseil, puis elle est transmise à un comité d'examen. À partir de là, elle peut être transmise à un comité d'enquête, puis à ce nébuleux conseil plénier.
À chaque étape de l'affaire Girouard et à la suite de chaque décision, une procédure latérale était lancée en vue de demander à la Cour fédérale de procéder à un contrôle judiciaire. Ensuite, le processus reprenait et passait à l'étape suivante, et la personne perdait cette cause. La Cour fédérale était de nouveau consultée à l'étape suivante, et la personne perdait cette cause. Le processus a finalement abouti à une demande d'autorisation d'appel auprès de la Cour suprême, une demande qui a été rejetée, heureusement. Ce n'est qu'à ce moment‑là que le processus a pris fin.
Toutes ces procédures latérales ont eu lieu parce qu'il n'était pas clair que le mécanisme d'examen interdisait ce genre de processus de demande de contrôle judiciaire.
Dans le nouveau processus, nous avons établi une ligne de démarcation, de manière à ce que vous fassiez effectivement appel de la substance de la décision avec des garanties appropriées et une chance appropriée de présenter votre cas à la fois sur le fond et sur le plan de la procédure. Cependant, cela ne permet pas de demander constamment à la Cour fédérale de procéder à un contrôle judiciaire et, en fin de compte, faire appel auprès de la Cour suprême, si la cause en est digne.
Au bout du compte, la présence de la Cour suprême constitue une garantie générale de sécurité, si l'on peut dire, pour tous les participants.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, j'aimerais entendre vos commentaires sur une question qu'on n'a pas abordée jusqu'à maintenant.
Parmi les différentes possibilités de sentences ou de conséquences au comportement du juge fautif, la question de la sanction pécuniaire a-t-elle été étudiée?
Pour reprendre l'exemple du juge Girouard, on pourrait examiner la question du salaire versé durant la période d'audience ou de délibérations. Il y a aussi la question de la rente qui est versée par la suite. Y a-t-il moyen de moduler le paiement des rentes en fonction de la décision rendue?
Ce qui m'intéresse surtout, c'est la question des frais de justice. Je comprends que le projet de loi prévoit une limite quant au remboursement des frais d'avocat que pourrait payer un juge.
Toutefois, est-ce qu'on a regardé la possibilité, par exemple, de demander au juge fautif, dans l'éventualité où il est déclaré coupable d'inconduite, de payer les frais de justice? Évidemment, le Conseil de la magistrature décide s'il y a lieu ou non de sanctionner un juge.
Cela dit, dans l'éventualité où on décide qu'il y a lieu de sanctionner un juge puisqu'une faute grave a été commise, serait-il intéressant, selon vous, de prévoir que le Conseil de la magistrature ait la possibilité, sans y être obligé, d'exiger que le juge fautif rembourse la totalité ou une partie des honoraires que l'État doit payer pour sa défense?
:
Non, non. J'aurais dû le mentionner.
J'ai pensé que je pourrais fournir au Comité un aperçu de certains des changements qui figurent dans le projet de loi , qui sont les plus saillants et qui aideront à améliorer l'efficacité, l'équité et la transparence du processus.
Il est important de comprendre que dans le cadre du processus actuel, la majeure partie du processus ne fait appel qu'à un seul membre du Conseil canadien de la magistrature, lequel analyse la plainte et détermine par la suite ce qu'il faut faire au sujet de l'inconduite en question. Ce membre du conseil n'a pas la capacité d'imposer une quelconque sanction. Il peut exprimer ses préoccupations quant à la conduite du juge, mais c'est à peu près tout ce qu'il peut faire dans le cas d'une inconduite qui n'est pas suffisamment grave pour justifier une révocation, ce qui est le cas de la majorité des inconduites portées à l'attention du conseil.
À l'heure actuelle, il existe un organe appelé comité d'examen, qui remplit une fonction de contrôle. Si le seul membre du conseil qui a reçu la plainte pense que celle‑ci est suffisamment grave pour justifier une révocation, il transmet la plainte au comité d'examen. Ce comité d'examen est actuellement la seule étape de la procédure à laquelle participe un profane. Dans ce contexte, cela signifie simplement quelqu'un qui n'a jamais été avocat et qui, par conséquent, n'a jamais été juge non plus. Ce comité n'a qu'une seule tâche, celle de décider si une audience publique doit être tenue par un comité d'enquête pour discuter de la possibilité de révoquer le juge.
Si le comité d'examen décide qu'une audience est requise, nous passons à l'étape de l'audience publique que la plupart des membres du Comité connaissent mieux, j'en suis sûr. Lorsque cette étape a lieu, les seuls membres du comité d'enquête sont des juges et des avocats désignés par le ministre de la Justice. Ils tiennent des audiences publiques, ils remettent un rapport au conseil plénier, composé de membres du CCM qui ne sont pas en conflit d'intérêts et qui n'ont pas pris part aux étapes précédentes du processus. Ils examinent le rapport, produisent le rapport final et le remettent au ministre de la Justice.
C'est malheureusement à ce moment‑là que la possibilité d'un contrôle judiciaire se présente. Le juge, à ce moment‑là, peut porter le rapport devant la cour fédérale s'il n'approuve pas le rapport. De là, il peut interjeter appel auprès de la Cour d'appel fédérale, puis de la Cour suprême du Canada. Cet aspect du processus, c'est‑à‑dire le contrôle judiciaire, peut à lui seul exiger deux bonnes années.
Le nouveau processus apporte plusieurs améliorations au processus actuel.
La première amélioration intervient au tout début. Au lieu qu'un seul membre du conseil examine la plainte, elle sera automatiquement examinée par un comité d'examen, qui comprendra un représentant non juriste, si la plainte soulève des préoccupations concernant la conduite d'un juge. Ce comité sera composé de trois personnes: un membre du conseil, un juge qui n'est pas membre du conseil et un représentant non juriste. En cas d'inconduite, le comité d'examen aura la possibilité d'imposer des sanctions, sans pour autant recourir à la révocation, et ces sanctions ne nécessiteront pas le consentement du juge. Vous trouverez, je crois, ces sanctions à l'article 102 qui est proposé pour modifier l'article 12 de la loi.
Elles comprennent notamment la possibilité d'obliger le juge à suivre un cours de formation continue. Plus tôt, une question a été posée au sujet de la façon dont le projet de loi pourrait aider à lutter contre le racisme systémique dans le système judiciaire. C'est probablement une disposition clé du projet de loi à cet égard. Il s'agit d'un moyen de faire en sorte qu'un juge, qui a commis un faux pas d'une manière qui donne à penser qu'il peut nourrir certains stéréotypes ou agir comme si c'était le cas, suive un cours de formation continue pour remédier à ces préjugés.
À partir de l'étape du comité d'examen, le processus devient de fait public, et il peut mener à un comité d'audience, qui comprendra aussi un représentant non juriste. Ce comité d'audience publiera un rapport, qui contiendra une décision concernant la nécessité de révoquer ou non le juge. C'est alors que commencera l'étape de l'appel.
Au lieu de devoir attendre le rapport au ministre et de procéder ensuite à un contrôle judiciaire, l'étape de l'appel suit immédiatement le comité d'audience complet. Il y a une étape pendant laquelle il est possible de faire appel auprès du comité d'appel, puis de demander une autorisation d'appel auprès de la Cour suprême du Canada, mais c'est tout. C'est là que prend fin l'examen judiciaire.
Une fois l'étape de l'appel terminée, le rapport est transmis au ministre de la Justice, et c'est à peu de choses près la fin du processus.
Je vais m'en tenir là et permettre aux membres du Comité poser des questions. Je ne veux pas accaparer une trop grande partie du temps.
Ce sont les principales améliorations que le projet de loi cherche à apporter au processus.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos témoins d'être ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi. C'est un projet de loi que nous appuyons.
Nous avons déjà discuté des limites du processus actuel et de son caractère restrictif. Le nouveau processus permettra d'imposer des sanctions autres que la révocation.
Je voudrais d'abord avoir votre avis sur l'analyse de ce que vous envisagez pour ces sanctions.
Deuxièmement, sans revenir sur cette question, y a‑t‑il dans le système actuel des juges qui ont été révoqués alors qu'une sanction aurait été plus appropriée? Y aura‑t‑il, à l'avenir, des juges qui pourraient être It's simply not enough to treat technology as something that happens after the real policy work and that can be largely outsourced as a result. Je pense que, si vous occupez un poste de juge, n'importe quelle sorte de sanctions sera grave. C'est grave d'avoir une telle mention dans son dossier, de se voir imposer une sanction.
La sanction n'est-elle pas une solution de facilité pour traiter une affaire et déclarer: « Nous n'allons pas révoquer ce juge, mais nous allons lui faire suivre une formation »? Évidemment, la sanction est en soi un problème grave pour un juge en exercice.
Comment pouvez-vous vous assurer que nous trouvons le juste équilibre entre les juges qui doivent être révoqués et ceux qui doivent être sanctionnés? Pensez-vous qu'il faille renforcer certaines dispositions pour éviter une utilisation abusive des sanctions?
:
Comme je l'ai dit plus tôt en réponse à une question qui a été posée lorsque le ministre était ici, le devoir d'équité procédurale que le Conseil a envers le plaignant est un aspect que ce projet de loi laisse au Conseil, qui déterminera l'approche à adopter dans le cadre de politiques et de procédures, parce que l'univers des plaignants possibles est extrêmement vaste. Lorsque l'affaire Camp a éclaté, il y a eu des centaines de plaintes. Toutes ces personnes qui avaient pris connaissance de l'affaire en lisant le journal étaient des plaignants. Dans un cas comme celui‑ci, où la victime de l'inconduite de la part du juge porte également plainte, cette victime se trouve dans une position très différente. Le Conseil pourrait, ou devrait, vraiment, traiter la victime différemment des personnes qui ont lu au sujet de l'affaire dans le journal.
C'est difficile de trouver une règle unique à inscrire dans une loi. Il est probablement préférable d'opter pour des politiques modifiables de temps à autre. C'est pourquoi cette mesure législative laisse cela au Conseil.
En ce qui concerne les garanties procédurales pour les juges, le juge a droit à un avocat payé par l'État. Nous en avons parlé plus tôt. Il s'agit d'une garantie procédurale très importante. Le juge a droit à une audience au cours de laquelle il peut présenter des éléments de preuve avant d'être révoqué. Il s'agit du minimum de base que la Cour suprême a déclaré nécessaire pour satisfaire aux exigences d'indépendance judiciaire.
Le juge a un droit absolu d'interjeter appel. Nous avons créé un droit d'interjeter appel qui n'est pas limité. On ne parle pas d'un appel sur une question de droit seulement. Il s'agit d'un droit absolu d'interjeter appel devant un comité d'appel qui a tous les pouvoirs d'une cour d'appel provinciale. Ensuite, il a le droit d'interjeter appel, sur autorisation, devant la Cour suprême du Canada, comme ce serait possible pour n'importe quelle cour d'appel provinciale. Encore une fois, ce droit d'appel est absolu. Il n'est assorti d'aucune restriction.
Voilà probablement les garanties procédurales les plus importantes qui permettent de s'assurer que le processus est équitable sur le plan procédural.
Le seul autre élément que je pourrais mentionner est le comité d'audience restreint. Les comités d'examen ne fonctionneront que par arguments écrits. Ce sera équitable pour les juges dans la grande majorité des cas, mais il peut y avoir des cas particuliers où, dans les circonstances, le juge a droit à une audience, auquel cas il peut essentiellement demander le recours à un comité d'audience restreint. Une nouvelle audience sur la plainte sera tenue devant le comité d'audience restreint. Ce que le comité d'examen a fait n'aura pas d'influence sur le comité d'audience restreint. Le comité d'audience restreint peut en arriver à sa propre conclusion au sujet de la plainte. Encore une fois, sa décision pourra être portée en appel devant un comité d'appel. Il s'agit d'un droit d'appel absolu.
Je pense que ce sont probablement là les garanties d'équité procédurale les plus importantes.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être avec nous, monsieur Xavier, madame Dekker et madame Othmer.
J'ai abordé plus tôt avec le ministre l'idée d'une possible médiation. Je suis d'accord pour dire que, dans certains cas, cette intervention pourrait être appropriée, mais qu'elle pourrait ne pas l'être dans d'autres cas.
Après qu'une plainte contre un juge a été déposée et avant qu'on en arrive à une éventuelle sanction, de nombreuses étapes doivent être franchies. Ne serait-il pas opportun de prévoir, à un certain moment, une discussion franche avec le juge en question? Un représentant du ministère de la Justice et un autre du Conseil canadien de la magistrature pourraient participer à cette discussion pour essayer de trouver une solution à la situation qui fait l'objet de la plainte.
Je conçois qu'il serait probablement difficile de convaincre un juge d'accepter une éventuelle sanction. Nous pouvons néanmoins mettre de côté les sanctions pour le moment et nous intéresser uniquement aux conséquences en prenant comme exemple le remboursement des honoraires. Comme nous le savons, il s'agit d'un coût très élevé. Le système judiciaire perd beaucoup de sa crédibilité aux yeux de la population quand cette dernière apprend en lisant les journaux que des centaines de milliers de dollars sont dépensées pour défendre un individu qui est accusé, avec raison, de certains comportements et qui sera éventuellement destitué. C'est une situation qui choque beaucoup les gens.
Ne pourrait-on pas prévoir certaines étapes qui permettraient de s'asseoir et de discuter des conséquences ainsi que des sanctions possibles? Il s'agirait d'essayer de trouver une issue pour que le juge en question accepte de mettre fin aux débats et, peut-être, de renoncer à certains privilèges qui lui sont accordés en vertu de la loi quant à la contestation, à l'opposition, pouvant être exercée à l'égard des plaintes déposées contre lui.
N'y a-t-il pas un processus qui pourrait être appliqué?
La consultation s'est faite sur plusieurs plans.
Le ministère a préparé un document de consultation qui a été publié sur le site Web du ministère. Le grand public a eu l'occasion de faire des commentaires au sujet de ce document.
En tant que fonctionnaires, nous avons aussi examiné toute la correspondance que le ministre de la Justice a reçue du public au fil des ans à propos du processus déontologique de la magistrature.
Nous avons consulté le Conseil canadien de la magistrature, qui va gérer ce processus; l'Association des juges des cours supérieures, qui est la représentante principale des juges des cours supérieures; la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada; le Conseil des doyens et des doyennes des facultés de droit du Canada; et l'Association du Barreau canadien.
Nous avons consulté des avocats qui ont représenté des juges dans des processus disciplinaires antérieurs, des avocats qui ont présenté une preuve contre les juges et des avocats qui étaient nommés à des comités d'enquête.
Nous avons reçu des soumissions de la part du Barreau du Québec et de l'Association canadienne pour l'éthique juridique, qui est une association de professeurs de droit en matière d'éthique.
Enfin, nous avons consulté les provinces et les territoires.
Cette consultation a donc été tout de même assez exhaustive.
Le projet de loi reflète vraiment les préoccupations que nous avons entendues de la part de tous ces groupes. Elles étaient surtout centrées sur le fait qu'il n'y avait pas de sanctions pour les inconduites mineures, que le processus était trop long et trop coûteux pour révoquer un juge en cas d'inconduite majeure et qu'il n'existait pas de possibilité pour le grand public de participer au processus pour savoir si le juge était coupable d'une inconduite.
Le projet de loi C‑9 va donc remédier à tout cela.